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La violence en milieu scolaire: cas du lycée de tigaza


par Estelle FOUDA MENYENG
Institut Universitaire Catholique de Bertoua - Master 2 2016
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

La loi N°98/004 du 04 avril 1998 portant organisation de l'éducation au Cameroun précise en son article 2 que l'éducation est une grande priorité nationale et à l'article 4, elle assigne à l'Education sa mission générale qui est la formation de l'enfant en vue de son épanouissement et de son insertion harmonieuse dans la société en clarifiant en son article 5 que son objectif est la formation aux grandes valeurs éthiques universelles ainsi que le sens de la discipline. Pour mener à bien cette mission si noble, le législateur interdit dans l'article 35 l'usage de la violence sous quelques formes que ce soit. Des circulaires ministérielles reprécisent régulièrement ces missions en insistant sur le comportement tant des élèves que des enseignants au sein de l'école. Cependant, l'on semble être loin de cet idéal. En effet, la violence en milieu scolaire est un phénomène de plus en plus présent dans les discours populaires et dans les médias. Les titres sensationnels dans la presse écrite, à la télévision et même sur Internet parlent de son escalade à l'école. Au regard de ce qui en est dit, l'école n'est plus cet îlot de paix au milieu des guerres diverses auxquels la société et en particulier le Cameroun doit faire face. La violence y a élu domicile. Les enseignants disent ne plus être en sécurité dans l'exercice de leurs fonctions, ils se plaignent des élèves qui ne respectent plus rien, qui n'ont aucune valeur et aucun sens du respect des aînés. Ils sont dépravés et sèment la terreur dans les salles de classe. Dans les lycées de la ville de Bertoua et au lycée de Tigaza en particulier, il est rare, voire impossible de passer une journée sans recenser un cas de violence tant entre élèves qu'entre élèves et enseignants.

Notre recherche dans le domaine de la violence en milieu scolaire part du constat que les médias, les responsables en matière d'Education et même les chercheurs ne s'appesantissent pas sur ses causes profondes et se contentent de mettre en exergue les manifestations de la violence des élèves et quelque fois celle des enseignants ainsi que les conséquences immédiates telles que les blessures, le décès, les dégâts matériels, etc. Aucune visibilité n'est faite dans la relation entre la violence des élèves tant décriée, les attitudes des enseignants, les méthodes de l'institution scolaire ainsi que l'environnement socioéconomique dans lequel l'apprenant évolue sans oublier les priorités réelles des pouvoirs publics.

En effet, Jean Bergeret(1994) pense que la violence est un instinct naturel, l'essence de l'homme, celle sans laquelle il ne peut exister et qui se manifeste face à un sentiment d'injustice, de perte de sa dignité, de son identité et même de sa liberté. Pour lui, la violence est fondamentale et peut être dominée et utilisée positivement par l'éducation. Cependant, Pierre Bourdieu, dans sa théorie de la violence symbolique pense qu'avec la démocratisation et la massification de l'école les inégalités sociales se renforcent d'avantage avec l'inégalité des chances de réussir ainsi que l'inégalité des places même au niveau de l'insertion professionnelle. Il se développe au sein de l'institution scolaire des frustrations liées à l'imposition sournoise des représentations et des normes auxquelles les élèves réagissent soit en se soumettant, et ceci pour un court temps, soit en se révoltant de façon violente.

C'est partant de ces théories, nous énonçons, au cours de notre étude intitulée « La violence en milieu scolaire : cas du Lycée de Tigaza à l'Est-Cameroun », l'hypothèse selon laquelle le contexte scolaire contribue à la montée de la violence en milieu scolaire. Cette hypothèse a généré deux autres hypothèses de recherche :

HR1 : Le fonctionnement de l'institution scolaire contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

HR2 : L'environnement socio-économique contribue à la violence en milieu scolaire.

Pour vérifier ces hypothèses nous nous appuierons sur la méthode de recherche qualitative basée sur l'observation des acteurs du milieu scolaire (évènements quotidiens, cours, activités scolaires), les entretiens avec les élèves et les enseignants ainsi que l'analyse des documents internes du lycée de Tigaza.

L'étude est répartie en cinq chapitres: Le Chapitre I s'intéresse à la problématique de la violence, aux hypothèses, aux différents intérêts de l'étude, à sa pertinence ainsi qu'à sa délimitation scientifique, thématique et géographique. La définition des concepts clés clôturera ce chapitre. Le Chapitre II est consacré à la Revue de la littérature et à l'insertion théorique. Le Chapitre III présente la Méthodologie de la recherche utilisée ainsi que le site de l'étude et les techniques de collectes des données. Au Chapitre IV nous présenterons et analyserons les résultats obtenus et le Chapitre V  nous servira à Interpréter ces résultats, à les discuter et à faire des recommandations.

PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE

CHAPITRE I :

PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE

Dans ce chapitre, nous présenterons le contexte de notre étude, ensuite nous formulerons le problème qui a suscité notre recherche en formulant des questions, des hypothèses et des objectifs de cette recherche tout en dégageant les intérêts de celle-ci au plan social, pédagogique et scientifique. La définition des mots clés de notre étude clôturera cette partie.

1.1- CONTEXTE DE LA RECHERCHE

1.1.1- Violence des élèves : signaux d'une école en crise?

Vendredi 23 octobre 2015 au lycée de Tigaza, établissement d'enseignement secondaire public de la ville de Bertoua à l'Est-Cameroun. Un conseil de discipline spécial est convoqué par le Proviseur en fin de journée faisant suite aux comptes-rendus accablants de ses collaborateurs qui se sentent débordés par les évènements de la semaine en général et de la journée en particulier. En effet, un élève de Terminale A4 Allemand qui tente de sortir de l'enceinte du lycée pendant la deuxième pause, s'en prend au Surveillant de Secteur qui veut l'en dissuader. Il le blesse d'un coup de tête à la bouche et le Surveillant, à la vue de son sang, veut en découdre avec l'élève. Les deux sont immaîtrisables et cela crée un remue-ménage difficile à gérer, surtout que plus de 2500 élèves observent la scène en criant. D'autres se mêlent à la bagarre soit pour venger leur grand-frère blessé soit pour apporter un renfort à leur camarade. Des collègues tentent de les séparer et reçoivent dans la mêlée des coups de poing. Débordée, l'administration du lycée est obligée de faire appel aux forces de maintien de l'ordre qui emmènent l'élève avec grande escorte. Pendant que cette situation est entrain d'être maîtrisée et que la fin de la pause est sonnée, un élève agresse un enseignant de Sciences, lui interdisant de poursuivre son cours dans une classe de 3ème. Fort heureusement, l'administration intervient immédiatement et recherche l'élève qui s'est enfuit. Son nom sera révélé par ses camarades après des menaces et l'on découvrira que l'élève mis en cause vient d'une autre classe de 3ème dans laquelle l'enseignant n'intervient pas. Les motivations de son acte restent un mystère.

Plus tôt dans la matinée un élève de 2nde C refuse d'exécuter la punition d'une jeune enseignante d'Histoire-Géographie-ECM et sort de la classe sans permission. Il y revient une heure après pour prendre son sac malgré l'interdiction d'entrer de l'enseignante et ressort en la narguant. A la fin de son cours, cette dernière arrive toute éplorée à la Surveillance Générale. Elle se sent impuissante et demande de l'aide pour rétablir son autorité. Convoqué par la Surveillante Générale, le même élève se plaint de son camarade qui, ne supportant pas son refus de lui prêter son cahier de Physiques, a ramassé une pierre et menacé, en plein cours, de lui casser la tête. Simultanément, un Inspecteur Pédagogique Régional de Français remarque pendant le cours auquel il assiste en classe de 3ème qu'un élève ne copie pas la leçon. Interpellé, ce dernier révèle qu'il est victime du harcèlement d'un de ses camarades qui lui demande une somme de 5000 FCFA pour récupérer son cahier. Il lui a déjà donné 2000FCFA et, par peur, n'a osé se confier à personne.

Quelques jours plus tôt, le Mardi 20 Octobre 2015, un autre élève de 3ème frappe son camarade en plein visage à la cantine du lycée et lui arrache l'argent prévu pour son goûter. Après son forfait, il escalade la clôture. Deux Censeurs le retrouveront fumant une cigarette en face de l'entrée du lycée sans se soucier de leur présence. Le jeudi 22 Octobre 2015, un élève de Première D, dont le père est en fonction au lycée, menace de découper à la machette le Censeur en charge du Travail Manuel dans leur salle de classe, parce que ce dernier, suite à son comportement indélicat, lui demandait de se mettre dehors. Dans la même semaine un autre élève de Première, exclu du lycée quelques années auparavant pour délinquance, est surpris entrain de jouer au Poker communément appelé « Jambo » avec ses camarades. Tous et bien d'autres cas encore passent au conseil de discipline et écopent de sanctions allant de l'exclusion temporaire à l'exclusion définitive.

Cette présentation n'est qu'un échantillon de ce qu'enseignants, élèves et membres de l'administration expérimentent quotidiennement dans les lycées et collèges de la République du Cameroun. Les médias ne sont pas indifférents à cette escalade de la violence en milieu scolaire et, plus que par le passé, la décrivent, la décrient. La plupart en parlent en termes d'«indiscipline », d'« insécurité » ou de « violence » à l'école. Ange-Gabriel Olinga B., (2012) en parlait déjà lorsqu'il faisait état de l'exclusion le 1er mars 2012 de 06 élèves au Lycée Technique de Bertoua-Kpokolota pour « bagarre rangée à main armée, détention et usage d'arme blanche en plein campus, coups et blessures légères, escalade et incitation à la violence ». En outre, une fille écope de 02 jours d'exclusion parce qu'elle gonflait des préservatifs masculins en plein cours. Deux mois plus tôt, 05 élèves détenant et consommant des stupéfiants sont aussi exclus du même lycée. Au premier trimestre de la même année scolaire, une dizaine d'élèves du Lycée Scientifique de Bertoua est exclue pour des motifs similaires et le Mercredi 26 Février 2014, 07 autres sont exclus pour consommation abusive d'alcool dans l'établissement, port d'armes blanches dans les salles de classe et menaces de mort à l'endroit des élèves et des enseignants (cops.mboa.info, Février 2014). Toutes ces mesures visent à ramener un peu d'ordre et de calme dans les établissements en proie à l'indiscipline.

En effet, la violence en milieu scolaire, a pris des proportions incommensurables au Cameroun. Enseignants et élèves s'en plaignent, certains parents sont même ahuris lorsque, convoqués pour un conseil de discipline par les responsables des établissements que fréquentent leurs enfants, ils découvrent les prouesses de leur progéniture pendant la période où ils sont censés étudier. Ces derniers n'expriment aucune gêne lorsqu'il faut s'en prendre à un enseignant, à un membre de l'administration, à un autre élève ou même aux infrastructures scolaires. Lors de notre stage académique au Lycée Bilingue de Bertoua en Avril 2016, il nous a été donné de constater qu'un lundi matin les cadenas d'une classe de Seconde et d'une classe de Terminale avait été sciés et des personnes non identifiées avaient fait des selles au sol et sur les tables-bancs. Jusqu'à 9h30 ce jour-là, impossible de faire cours car les élèves avaient dû laver et désinfecter tout.

L'on se souvient encore de cet élève de Première D au Lycée de Tsinga à Yaoundé qui, le samedi 02 Avril 2011, avait cassé deux côtes et ouvert l'arcade sourcilière à son enseignant parce que celui-ci avait tenté de le mettre dehors pour tenue non conforme (Mutations, 14 Avril 2011). Un autre élève de la classe de Première F au Collège Protestant Thomas Noutong de Bagangté âgé de 20 ans et absent depuis un mois sans motif tentait, en février 2016, de découper à la machette son Surveillant Général parce que ce dernier refusait de lui délivrer un billet d'entrée (Cameroononline.org, 05 Février 2016). Il n'est pas rare de voir sur les murs des salles de classe, des bâtiments administratifs, sur la clôture des caricatures ou encore des paroles insultantes ou humiliantes dirigées contre un enseignant ou un élève ou tout simplement des paroles exprimant le dégoût pour l'école ou des paroles obscènes.

Pour illustrer tout cela le Cameroon Tribune du mercredi 11 Mars 2015 titrait:

« Indiscipline à l'école - L'escalade. En cette fin de journée du 3 mars 2015, le lycée de Nkoabang a les allures d'un champ de guerre. Le portail est éventré, tout comme nombre de portes au niveau des salles de classe. A l'intérieur de ces dernières, les bancs ont été cassés par les élèves en colère. »

L'article signale aussi le vandalisme sur le véhicule de la Proviseure et l'état d'insalubrité générale du lycée, tout ceci en réaction à l'imposition aux élèves d'un cahier devant servir de liaison entre l'administration de l'établissement et les parents afin de palier la montée de l'indiscipline dans ce lycée. En outre, les magistrats municipaux, préoccupés également par la situation au Lycée de Nkoabang, dans le Département de la Mefou et Afamba, et par la recrudescence de la violence en milieu scolaire publient sur leur site un article intitulé : « Insécurité dans les établissements scolaires : Où est la Compagnie spéciale de police ?» (Pière Nka, 2015). En évoquant le cas du vigile du Lycée Bilingue d'Etoug-Ebé dans l'arrondissement de Yaoundé 6ème qui, au cours de l'année scolaire 2013- 2014 avait faillit se faire amputer les deux bras à l'aide d'une machette bien aiguisée la veille par un élève ; les 17 élèves des classes de 3ème, Seconde et Terminale exclus au premier trimestre de l'année 2013-2014 du Collège de la Retraite Regina Mundi, établissement catholique de l'archidiocèse de Yaoundé pour consommation de stupéfiants ; la dizaine d'élèves du Lycée Bilingue de Yaoundé exclus pour des motifs similaires en février 2014, ainsi que la quarantaine d'autres élèves également exclus des effectifs du Lycée Bilingue de Bafoussam dans la Région de l'Ouest en mars 2014, pour indiscipline, consommation de drogue et pornographie, ils s'interrogent sur le rôle de la Compagnie de Sécurisation des Etablissements Scolaires et Universitaires créée depuis le 19 novembre 2012 par le Président de la République.

Le 16 décembre 2013, les élèves du Lycée de Pitoa, dans le Nord-Cameroun se révoltaient contre les mesures prises par le Proviseur. En effet, il interdisait aux filles le port des jupes au dessus des genoux, infligeait une amende de deux sacs de ciments aux élèves qui escaladaient la clôture du lycée pour déserter les cours. En outre, l'état insalubre des toilettes obligeait les élèves à se débrouiller pour se mettre à l'aise. Les parents soutenaient leurs enfants dans la grève et l'intervention du Sous-préfet avait obligé le Proviseur à revoir ses exigences (237online.com, 18 décembre 2013). L'article de Pierre Bernard KOAGNE dans le Cameroun Tribune du mardi, 03 mars 2016, page 20 fait également cas de 14 élèves des classes de troisième et seconde au lycée d'Anguissa à Yaoundé, âgés entre 16 et 20 ans, parmi lesquels trois filles déférés au parquet « pour avoir consommé des stupéfiants et violenté leurs camarades.» En effet, ces élèves avaient été exclus pour manque de respect envers les enseignants, bastonnade des plus jeunes, consommation et distribution de drogues et bien d'autres actes de délinquance. Ils revenaient au lycée pendant les heures creuses pour se venger et semer la terreur. Impuissante face à une telle menace, la Proviseure avait eu comme seul recours les forces du maintien de l'ordre afin d'intenter des poursuites judiciaires et démanteler le réseau.

Il n'est en effet pas rare que d'anciens élèves ou de parfaits inconnus pénètrent l'enceinte des établissements scolaires, généralement en tenue de l'établissement pour troubler des cours, voler des livres, racketter, régler des comptes, perpétrer divers actes de violence sur les enseignants et sur les élèves, ceci avec l'aide de ces derniers qui sont soit leurs complices, ou alors des victimes qui, par peur de représailles, préfèrent garder le silence. Au Lycée de Nkolndongo, dans l'Arrondissement de Yaoundé 4e, l'absence de clôture et la proximité avec une zone réputée pour abriter les fumeurs de chanvre-indien, les grands bandits et des délinquants de tout ordre, amenait régulièrement des intrus à venir régler leurs comptes à certains élèves à cause d'une fille, pour une affaire mal négociée ou pour diverses raisons. Ces derniers arboraient la tenue du lycée et terrorisait tout le personnel (cameroon-info, 23 Mars 2013). Au Lycée de New-Bell à Douala, des voyous en tenue du Lycée armés de couteaux, poignards, lames, gourdins, et barres de fer y sévissent tous les jours en volant des livres, escroquant et agressant les élèves et ce, malgré la présence des forces du maintien de l'ordre. En outre, les bâtiments sont vieux, il n'ya pas assez de bancs, l'eau courante absente et les toilettes inutilisables, malgré les frais d'APEE qui s'élèvent à 28.000frs et « cela a un impact négatif sur les élèves et même le corps enseignant et administratif » (camer.be, 26 Février 2014).

Il est à noter que la violence en milieu scolaire n'est pas l'apanage d'un sexe, car même les élèves filles, que l'on a toujours tendance à considérer comme victimes se retrouvent parmi les auteurs comme cela a été le cas plus haut au Lycée d'Anguissa. L'aspect le plus visible se traduit par des comportements à dominante active tels que frapper ou insulter un enseignant ou un camarade, critiquer un cours ou exprimer son ennui, apporter une arme blanche (couteau, lame de rasoir, etc), voler, faire du chahut pendant le cours, etc (Pierre Coslin, 2006). On peut y ajouter la consommation de stupéfiants et d'alcool dans l'enceinte de l'établissement, le « taxage » ou racket, les bagarres et bien d'autres. Ces comportements souvent mis en avant lorsqu'on parle de violence en milieu scolaire en cachent d'autres constitués de petits actes inciviques que l'on néglige, mais qui pourrissent l'ambiance scolaire et créent un perpétuel sentiment d'insécurité. Eric Débardieux(1996) démontre que c'est ce type de violence qui fait la trame des difficultés quotidiennes ainsi que le climat de l'établissement scolaire et qui justifie la peur constante que ressentent les enseignants dans l'exercice de leurs fonctions et même des élèves qui, ne se concentrant plus sur leurs études désertent l'école. Coslin (op. cit) en parle en terme de comportements à dominante passive et y inclut le fait de dormir pendant le cours, d'être passif, de bâiller ou de soupirer pour exprimer son ennui, de ne pas s'intéresser à l'enseignant, faire autre chose pendant le cours(jeu, devoir, dessin...), refuser de participer aux activités de groupe en classe, fumer, avoir du mal à se calmer, bavarder ou rire à haute voix, etc. Nombre de ces comportements sont gênants et irritants lorsqu'ils se répètent ce qui est source de conflits entre enseignants et élèves. L'on arrive même à l'émergence des minorités de blocage, cette catégorie d'élèves appartenant parfois à un groupe social ou ethnique réputé violent et « troubleur», qui empêchent de façon continue le déroulement normal des cours ou le fonctionnement normal de la classe et dont élèves et enseignants se méfient. Certains, surtout ceux en début de carrière, préfèrent même les ignorer pour éviter des affrontements ou agressions physiques et verbales comme c'est souvent le cas lorsqu'ils n'acceptent pas des remarques, critiques ou réprimandes de la part des enseignants. Leur stigmatisation ou l'attention particulière portée sur eux les amène parfois à réagir avec encore plus de violence et l'on rentre dans un cercle infernal.

1.1.2- Dégradation de la profession d'enseignant et du système éducatif

Depuis les années 1993-1994 les enseignants se plaignent de leur situation économique et sociale devenue précaire avec la baisse des salaires des fonctionnaires et la dévaluation du Franc CFA en 1994. Avec la naissance du Syndicat National Autonome de l'Enseignement Secondaire (SNAES) en 1990 et de bien d'autres, les mouvements de grèves se sont multipliés entraînant une légère amélioration du salaire qui, de l'avis des enseignants n'est pas suffisante pour leur accorder un statut honorable. Le statut particulier du corps enseignant obtenu en 2000 n'a jamais réellement été mis en pratique. Ainsi malgré leur vocation pour la profession beaucoup d'enseignants, démotivés et démoralisés, choisissent l'émigration ou la nomination dans d'autres ministères où ils se sentent valorisés. Ceux qui sont obligés de rester dans le corps manifestent leur frustration de bien de façons qui ont conduit à pleines de déviances dans cette profession jadis considérée comme noble. En effet, outre la démotivation flagrante observée chez la plupart des enseignants devenus de brillants hommes d'affaires, des chefs d'entreprises, beaucoup trouvent leur compte dans ce qu'ils appellent communément les « champs » (des cours de vacation) dans les collèges privés ou organisent des cours de répétitions en groupes ou en privée afin d'arrondir les fins de mois, ceci au détriment des heures de cours et de la couverture qualitative et quantitative des programmes dans les établissements où ils sont affectés par l'Etat.

La clochardisation des enseignants a aussi pris une grande ampleur. Ces derniers n'ont plus jamais retrouvé leur équilibre car vivent dans des conditions précaires au sortir de l'école, ils sont obligés de s'endetter dans l'espoir de tout régler avec le « rappel » de solde qui arrive souvent très tard et qui représente la seule opportunité de construire une maison, de se marier ou d'investir dans une affaire, puisque le salaire permet à peine de survivre. « L'Etat paye toujours ses dettes », telle est la phrase qui donne espoir au Cameroun lorsqu'on attend désespérément ce 1er salaire, un avancement en grade, les primes de suggestion, etc. Les primes de rendement trimestriels sont minables, décourageantes. Ainsi plusieurs ont perdu de l'assurance, complexés face aux Inspecteurs des Impôts, des Douaniers, et autres qui, bien que d'une catégorie inférieure ne se lassent pas de prouver qu'ils valent et vivent mieux que les enseignants. Ces derniers confirment souvent ces assertions par de multiples plaintes et par le manque d'effort vestimentaire ou corporel dont ils font preuve. Certains entrent saouls dans les salles de classe, insultent les élèves, tiennent des propos désobligeants. Un célèbre musicien contemporain l'illustre d'ailleurs lorsqu'il se plaint d'être « né fils d'un pauvre enseignant », le qualificatif pauvre exprimant parfaitement l'image qu'a la conscience populaire du statut de l'enseignant.

C'est cette pauvreté qui, sans doute a conduit à la corruption qui envahit le monde de l'éducation. Lorsqu'ils ne vendent pas les notes, les enseignants excellent aussi dans le monnayage des places au lycée. En effet, il est fréquent de voir les mêmes élèves qu'ils ont fait exclure, généralement pour indiscipline, revenir, à travers des processus obscurs, au sein du même établissement ou dans un établissement très proche. Des parents ou des élèves sollicitant un recrutement dans un établissement et ayant des dossiers qui remplissent les critères de recrutement, lorsque ceux-ci sont communiqués, sont obligés de payer « le banc » pour obtenir une place. Ces élèves, connaissant déjà le manque d'objectivité dans le recrutement et sachant que l'argent règlera tout leurs problèmes ne se soucient plus de respecter la discipline de l'établissement et narguent enseignants et camarades.

Par ailleurs, beaucoup d'enseignants ont perdu de vue leur fonction d'éducateur et adoptent des attitudes ambiguës. Soupçonnant en permanence les apprenants de leur vouloir du mal, ils ont toujours ce sentiment d'insécurité et réagissent parfois de façon excessive à ce qu'ils considèrent comme manque de respect, trouble du cours, etc. Elèves et enseignants se regardent ainsi en chien de faïence, prêts à bondir à la moindre occasion.

D'autre part, on les voit courtiser des élèves filles sans aucun scrupule en brandissant le fameux dicton « la chèvre broute où elle est attachée ». Ils ne voient plus leurs élèves comme des enfants à éduquer, à former, à faire grandir, mais comme des proies à dévorer, des femmes à coucher. La familiarité s'installe ainsi dans les relations enseignants-élèves et le respect disparaît. Les élèves ne peuvent plus faire la différence entre le professeur et l'ami ou l'amant, entre la salle de classe et le lieu d'intimité et c'est le chao, l'enseignant perd de sa dignité surtout quand toute la classe sais ce qui se trame, comme c'est généralement le cas. La Nouvelle Expression, du Mercredi 20 Janvier 2016 relatait à cet effet l'histoire d'un enseignant du Lycée Classique de Dschang surpris par des élèves entrain de violer leur camarade de la classe de 5e (Vivien Tonfack, Janvier 2016). Certaines de ces filles qui sortent avec les enseignants ou les responsables administratifs deviennent difficiles à gérer. Au moindre problème, leurs protecteurs s'arrangent à contourner les normes et le règlement intérieur. Elles bénéficient des traitements de faveur, ce qui révolte parfois les autres.

Cette familiarité ne se limite pas seulement aux élèves filles. En effet, dans la perte de leur dignité, les enseignants vont jusqu'à se retrouver avec leurs élèves dans des bars, des boîtes de nuit entrain de se saouler ou entrain de courtiser les mêmes filles. Plusieurs parlent même bussiness avec leurs élèves. Il devient donc difficile pour ces derniers, d'imposer une discipline et de se faire respecter surtout si, en plus du manque de personnalité, ils y associent une impréparation des leçons et une incompétence intellectuelle.

1.2- FORMULATION ET POSITION DU PROBLEME

L'ampleur que prend le phénomène de la violence en milieu scolaire depuis quelques décennies oblige certains établissements scolaires à devenir de véritables postes de police ou de gendarmerie avec pour but de traquer la violence par tous les moyens et à tous les prix elle n'est pas typique du Cameroun ou de l'Afrique. Selon un document publié le mercredi 6 janvier 2016 par la  Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère français de l'Education nationale 79% des incidents déclarés en milieu scolaire au cours de l'année 2014-2015 sont des atteintes aux personnes, parmi lesquelles 42% de violences verbales "dont plus de la moitié à l'encontre des enseignants" et 30% de violences physiques "généralement entre élèves". La consommation de stupéfiants qui fait partie des "atteintes à la sécurité" au même titre que les intrusions serait en hausse de 0,7%. Dans les lycées d'enseignement général et technologique et les lycées polyvalents elle est passée de 4% à 10% en trois ans. Pour tenter d'y remédier la France organisait déjà les 07 et 08 avril 2010 les « Etats généraux de la violence à l'école » qui donnent lieu à la création des Etablissements de Réinsertion Scolaire destinés à « accueillir des collégiens perturbateurs en internat afin de rompre avec leur cadre de vie habituel» ( Hélène Bekmezian, 2011). Toutes les mesures draconiennes prises, allant jusqu'à la sanction des parents d'élèves et en passant par la mise en place des Equipes Mobiles de Sécurité (EMS), n'ont pas eu d'effets positifs. Au Cameroun la fréquence des actes de violence à l'école a amené l'ex-Ministre des Enseignements Secondaires, Louis Bapès Bapès à commettre la lettre circulaire N° 05/06/MINESEC/CAB du 12 janvier 2006 relative à la prévention de la violence en milieu scolaire dans laquelle il invite tous les Chefs d'établissements à « prendre des mesures visant à juguler le phénomène de la violence dans les établissements secondaires du Cameroun. » (cité par Céline Amana, 2011). Le Syndicat National Autonome de l'Education et de la Formation (SNAEF) crée à la suite de cette lettre un comité de non-violence afin de diffuser une culture de paix dans les écoles, projet qui n'a pas eu l'assentiment du MINESEC qui estimait avoir pris toutes les dispositions pour résoudre le problème. La violence a, malgré tout, continué à être de plus en plus présente à l'école installant le règne d'un climat d'insécurité permanente entre élèves et enseignants, entre élèves et administration scolaire. La question que nous nous posons est de savoir qu'est-ce qui peut amener un enfant à s'en prendre à ceux qui sont chargés de l'instruire où à détruire le cadre dans lequel il passe une grande partie de son temps ? Pourquoi est-ce que les établissements scolaires, au lieu d'être des havres de paix, sont-ils les lieux où l'on se sent persécuté et outragé ?

La loi N° 98/004 du14 avril 1998 portant orientation de l'éducation au Cameroun, en son article 5 alinéa 2 stipule que l'éducation a pour objectifs « la formations aux grandes valeurs éthiques universelles que sont la dignité, l'honneur, l'honnêteté et l'intégrité ainsi que le sens de la discipline ». L'alinéa 5 ajoute « l'initiation à la culture et à la pratique de la démocratie, au respect des droits de l'homme et des libertés, de la justice et de la tolérance, au combat contre toutes formes de discrimination, à l'amour de la paix et du dialogue... ». La même loi proscrit, à l'article 35, les sévices corporels et toute autre forme de violence; les discriminations de toute nature, la vente, la distribution et la consommation des boissons alcooliques, du tabac et de la drogue. Toutes choses devant contribuer à une éducation à la paix, à l'amour et à l'intégration sociale harmonieuse des apprenants. Il ressort cependant, au vu de la situation qui prévaut dans les établissements scolaires, que ces objectifs ont du mal à être atteints malgré le grand nombre de circulaires antérieures ou postérieures à cette loi et visant à contrecarrer les comportements déviants au sein de l'école et qui sont entre autres :

- La circulaire N°42/A/371/MINEDUC/DESG/SAP relative à l'organisation de la discipline dans les établissements d'enseignement secondaire. Celle-ci vise à renforcer la concertation et la collaboration entre les responsables administratifs, les professeurs et les élèves dont les droits et obligations sont précisés et insiste sur le fait que la formation des élèves selon les objectifs nationaux de l'éducation doit se faire sans désordres chroniques, injustices effrontées, actes immoraux et arbitraires.

- Les circulaires N°16/B1/1464/MINESEC/DESG/SCP du 20 Avril 1987 relative à la tenue et au comportement des membres de l'administration au sein des établissements scolaires et N°18/B1/1464/MINESEC/ESG/SCP du 16 Juillet 1987 relative à la tenue et au comportement des enseignants au sein des établissements scolaires met l'accent sur la tenue vestimentaire ainsi que sur le comportement des enseignants et des membres de l'administration scolaire en précisant que ces derniers, en tant qu'éducateurs, doivent être des modèles et de bons exemples pour leurs élèves.

- La circulaire N°17/B1/146/MINEDUC/ESG/SCP du 20 Avril 1987 relative à la tenue et au comportement des élèves des établissements scolaires confirme la nécessité d'un code de bonne tenue et de bonnes manières en vue « d'habituer les élèves au respect des principes de la morale et du bon goût ».

- La circulaire N°28/A/94/MINEDUC/SC [illisible] du 19 Mai 1988 relative à la moralisation des comportements des enseignants qui entretiennent des relations coupables avec les élèves filles.

- La circulaire N°2/D/7/MINEDUC/IGP-ESG/IGP-ETP/DESG/DETP du 11 Janvier 1993 relative aux sanctions punitives applicables aux élèves, donne le pouvoir aux Chefs d'établissements ainsi qu'aux conseils de discipline et de classe de décider des sanctions à appliquer aux élèves et différentie les fautes mineures des fautes majeures.

- la circulaire N° 38/B1/1464 du 8 décembre 2000 relative à la lutte contre la violence au sein des établissements scolaires;

- la circulaire N° 005/06/MINESEC/CAB du 13 février 2002 relative à la laïcité des établissements scolaires publics afin de prévenir la stigmatisation de certains groupes religieux et les violences qui en découlent.

- la circulaire N° 10/B1/1464 du 13 mai 2002 relative à l'état de la violence et du vandalisme dans les établissements scolaires ;

- la circulaire N° 19/07 /MINESEC/SG/DRH/SDSSAPPS du Ministre des Enseignements secondaires portant création des clubs antitabac en milieu scolaire consacre les écoles comme des « espaces non fumeurs ».

Malgré toutes ces mesures, la violence en milieu scolaire ne va que s'augmentant. Et, lorsqu'on parle de violence en milieu scolaire, on a tendance à ne voir que les délits et incivilités commis par les élèves, leurs écarts de comportement, leur manque de respect et leur sens peu poussé de la morale et du civisme. Les adultes regrettent que l'école ne soit plus ce lieu qui évite à l'enfant de faire des mauvaises rencontres, un abri contre les fléaux de la société. Mais ils s'interrogent rarement sur les causes profondes de cette escalade de la violence et de l'indiscipline afin de comprendre pourquoi un élève est capable de s'attaquer verbalement ou physiquement, sans peur aucune et sans scrupule, à son encadreur (enseignant ou membre de l'administration), à ses camarades et à tout ce qui a trait à l'école (par exemple en cassant les infrastructures et en salissant les murs et les bancs avec ses selles), de rester passif aux cours ou de les perturber et à la moindre occasion de les déserter pour s'adonner à d'autres pratiques déviantes.

Par ailleurs, le phénomène de la violence en milieu scolaire au Cameroun est peu exploré. La plupart des recherches effectuées portent sur les violences à l'école primaire et surtout sur celles basées sur le genre féminin, comme celles de Aissa Ngatansou Doumara (2011) qui a par exemple publié son expérience sur les violences subies par les filles à l'Extrême-Nord et qui impactent leur insertion scolaire et socioprofessionnelle. Mais il n'existe aucun programme permettant de relever des données fiables quant à la fréquence et à l'intensité de la violence en milieu scolaire, des statistiques n'existent pas, les recherches sont diffuses. Le « Rapport final sur les violences de genre comme facteur de déscolarisation des filles en Afrique subsaharienne francophone » confirme avec regret le fait qu'« il n'existe dans la région aucun système global de signalement des actes de violence qui ont pour cadre le milieu scolaire, rendant l'évaluation du phénomène particulièrement difficile » (Halim Benabdalla, 2010). Seuls les médias semblent plus s'en préoccuper et ainsi les causes réelles de cette montée de la violence en milieu scolaire ne sont pas élucidées ou au contraire, pour céder à la facilité, on se contente de blâmer ces "inconscients" que sont les élèves, qui n'ont plus de valeurs et sont voués à la perdition. Et les résultats sont visibles à travers l'échec massif aux examens officiels mais aussi et surtout les redoublements dans les classes intermédiaires.

Considérant tout ceci, nous sommes amenés à nous poser un certain nombre de questions nécessaires à la compréhension de ce phénomène assez complexe.

1.3- QUESTIONS DE RECHERCHES

1.3.1- Question principale

Le contexte scolaire contribue-t-il à la montée de la violence chez les élèves ?

1.3.2- Questions secondaires

- Le fonctionnement de l'institution scolaire contribue-t-il à la montée de la violence en milieu scolaire?

- L'environnement socio-économique de l'école contribue-t-il à la montée de la violence en milieu scolaire ?

1.4- HYPOTHESES DE RECHERCHE

Selon Dépelteau (2003 :162) « Une hypothèse de recherche est une réponse provisoire à la question de départ ». Ainsi notre hypothèse générale sera donc présentée comme suit :

1.4.1- Hypothèse Générale

HG : Le contexte scolaire contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

Justification

Le contexte inclut les circonstances et conditions qui entourent un phénomène. Il correspond à l' environnement dans lequel le phénomène a lieu et est difficile à délimiter à cause de la complexité des interactions dont le sens est lié à plusieurs Choses. Bouchard (1998), en abordant la situation éducative, distingue : le contexte global ou social qui met en exergue les statuts, les rôles sociaux ainsi que la vision du monde des individus, le contexte particulier et le contexte d'enseignement. En ce qui concerne l'objet de notre recherche à savoir la violence en milieu scolaire, le contexte mis en relief sera non seulement l'institution scolaire elle-même dans son fonctionnement, mais aussi les conditions socio-économiques qui l'entourent et influencent les comportements des différents acteurs de l'école. Il est à noter que dans les politiques éducatives retenues par l'Unesco, l'on met un accent particulier sur le contexte socioéconomique et le fonctionnement interne pour évaluer les établissements scolaires. Ce qui justifie le choix de cette hypothèse.

1.4.2- Hypothèses de recherche

HR1 : Le fonctionnement de l'institution scolaire contribue à la violence en milieu scolaire.

Justification

Dominique-Manuela Pestana (2013) en rappelant que la violence chez l'adolescent est une mode d'expression et une forme d'opposition, la violence scolaire proviendrait de la violence institutionnelle dont la mission intégratrice a échoué. L'école « incorporerait des formes de violence à l'interne » (10). Contre cette violence interne évoquée par Débarbieux et Montoya (1998) les élèves réagissent à travers « le chahut, l'ennui ostentatoire, la grossièreté ou la violence ». C'est donc cette hypothèse que nous nous appliquerons à vérifier tout au long de notre recherche.

HR2 : L'environnement socio-économique de l'école contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

Justification

Bourdieu (1997) pense que la violence scolaire est une reproduction des violences subies par les structures économiques et les mécanismes sociaux car le système éducatif est toujours en rapport avec la société dont les membres, quelque soit leur origine ou leur classe, se retrouvent à l'école. Ainsi l'origine socio-économique peut justifier les comportements violents tant des élèves que des enseignants.

1.5- OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

1.5.1- Objectif général

Notre objectif principal sera de montrer le rôle du contexte scolaire dans la montée de la violence à l'école.

1.5.2- Objectifs spécifiques

Notre premier objectif sera de montrer comment le fonctionnement de l'institution scolaire contribue à à la montée de la violence au sein de l'école.

Notre second objectif nous permettra de montrer comment l'environnement socio-économique contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

1.6- INTERETS DE LA RECHERCHE

1.6.1- Intérêt social

La société mondiale est ravagée par les guerres diverses et au Cameroun en particulier la guerre contre le terrorisme de la secte islamique Boko Haram est loin d'être achevée. Il est donc important de prôner des attitudes propices à un climat d'entente et de tolérance dans la Région de l'Est en général et dans la ville de Bertoua en particulier où des personnes de cultures et de religions différentes se côtoient au quotidien. L'école, qui regroupe toutes les composantes sociales se doit d'être le lieu par excellence de la promotion des valeurs éthiques, de la probité morale, de la coexistence pacifique.

Cette étude permettra de déceler les attitudes et structures favorables à l'escalade de la violence en milieu scolaire afin de les corriger et de former des citoyens ouverts au dialogue interculturel et capable de s'intégrer sans difficulté aucune au monde socioprofessionnel.

1.6.2- Intérêt pédagogique

L'école doit un être un havre de paix, un milieu propice à l'acquisition de nouvelles connaissances, un cadre où les élèves trouvent en leur enseignants des mentors, des soutiens surtout si l'on tient compte du fait que plusieurs élèves dans la Régions de l'Est et dans la ville de Bertoua en particulier viennent de familles « à problèmes » ou monoparentales. Le climat d'insécurité peut influencer l'enseignement et l'apprentissage et par ricochet biaiser l'atteinte des objectifs fixés par le Cameroun pour l'éducation de ses enfants.

Il est donc question dans cette recherche de comprendre pourquoi la violence est devenue si présente à l'école. Nous ne prétendons nullement à l'enrayement total de ce phénomène complexe, mais plutôt cherchons à travers sa compréhension à trouver des voies et moyens pour dédramatiser le phénomène et former des jeunes avec des valeurs sûres, seule garantie d'une société paisible où tolérance et dialogue seront les maîtres-mots.

1.6.3- Intérêt scientifique

Notre mémoire se situe dans le champ de la Gouvernance scolaire, périscolaire et universitaire et l'un des objectifs de la bonne gouvernance scolaire est d'améliorer les performances du système éducatif. Ceci suppose de porter un regard critique sur ses résultats, en identifiant les forces à exploiter et les faiblesses à combattre. Parmi les faiblesses qui pourraient entraver la gouvernance efficace d'un établissement scolaire, nous comptons la violence sous toutes ses formes qui influence fortement le climat et les relations entre les acteurs de l'institution scolaire que sont les enseignants et l'équipe administrative d'une part et les apprenants d'autre part. Cette recherche contribuera à coup sûr à améliorer l'exploration de la violence scolaire au Cameroun, exploration qui est encore à un stade embryonnaire et suscitera d'autres recherches à partir des perspectives nouvelles que nous développons.

1.7- PERTINENCE DE L'ETUDE

Pour Mialaret, Gaston?(2009 : 17), les Sciences de l'éducation ont pour but d'étudier « dans une perspective scientifique, les situations d'éducation ». Elles « sont du domaine de l'observation, du descriptif et de l'explication ». La violence en milieu scolaire étant un fait éducatif préoccupant, notre recherche a le mérite de contribuer à comprendre l'impact que peuvent avoir le contexte socio-économique, l'organisation, les normes ainsi que les attitudes des acteurs d'une institution scolaire sur l'escalade de la violence et sur l'instauration d'un climat d'insécurité.

1.8- DEFINITION DES CONCEPTS

Avant de comprendre ce qu'est la violence scolaire, il est important de définir les concepts d'école et de violence.

1.8.1- L'Ecole

Selon le Dictionnaire Larousse l'Ecole est définie comme :

- Établissement où l'on donne un enseignement collectif général.

- Institution chargée de donner un enseignement collectif général aux enfants d'âge scolaire et préscolaire.

- Enseignement donné par les établissements scolaires.

- Établissement d'enseignement élémentaire ou préélémentaire.

- Élèves et enseignants d'un établissement scolaire : exemple : Réunir toute l'école à l'occasion d'une cérémonie.

Selon l'Académie française, l'Ecole :

1- Est un Etablissement où on enseigne une ou plusieurs sciences, un ou plusieurs arts.

2- Se dit particulièrement des établissements où l'on montre à lire, à écrire, où l'on donne les premiers éléments de l'instruction.

3- Désigne aussi tous les élèves, les professeurs et les employés d'une école.

4- Au figuré, se dit de ce qui est propre à former, à donner de l'expérience en quelque chose, à instruire.

Les termes par lesquels on désigne l'Ecole sont l'Etablissement scolaire ou l'Institution scolaire. L'un des rôles de l'école est d'amener l'apprenant à penser par lui-même grâce au savoir rationnel, objectif et universel, de forger sa liberté de conscience, son esprit critique et à être utile de façon active à la société.

L'école a aussi pour rôle d'aider à dépasser les points de vue individuels ainsi que les particularismes en prônant à la fois un métissage culturel et un sentiment d'appartenance. C'est pour cette raison que l'éducation à la citoyenneté  y est nécessaire pour le développement du patriotisme, du nationalisme malgré la diversité culturelle. Au Cameroun, la volonté d'atteindre cet idéal se traduit par le port d'un uniforme, le respect des lois, de l'État et de ses symboles (Hymne, drapeau, devise, etc.), la laïcité, la neutralité idéologique.

L'institution scolaire a aussi un rôle utilitaire et pragmatique car elle doit préparer à une insertion socioprofessionnelle réussie à travers les diplômes, mais aussi et surtout les dispositions intellectuelles, la volonté ainsi que le développement des dons naturels et des aptitudes. Cependant, le taux élevé de chômage dans notre pays ne permet plus d'atteindre cet idéal et le diplôme ne représente plus une garantie pour un emploi. C'est pour limiter ce chômage excessif que le système éducatif camerounais en particulier a opté pour la professionnalisation des enseignements afin de permettre à chacun d'avoir des connaissances pratiques au sortir de l'école.

En bref, l'institution scolaire peut être définie comme un cadre d'apprentissage, d'instruction, de formation. En considérant l'école comme une structure où on retrouve élèves, enseignants, personnels administratifs, personnel d'appui et les différentes infrastructures, il va sans dire que ce cadre d'humeurs plurielles, de particularités, peut entraîner de façon inévitables des ruptures, des heurts et mésententes volontaires ou involontaires qu'il faut savoir gérer.

1.8.2- La violence

Sens commun

Le mot violence, vient du latin classique violentia « caractère emporté, farouche », lui-même dérivé de violentus « l'abus de force pour contraindre quelqu'un à quelque chose ». Au fil du temps, il traduit la force brutale utilisée pour soumettre, un acte brutal. Le verbe violare signifie « traiter avec violence, profaner, transgresser ». Dans ce sens, la violence s'opposerait à la paix, à l'ordre, à la retenue et au contrôle.

L'Organisation Mondiale de la Santé définit la violence comme :

L'usage délibéré, ou la menace d'usage délibéré de la force physique ou de la puissance, de la menace, directe ou indirecte contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne, ou risque fort d'entraîner, un traumatisme, un décès.

Ici est évoqué non seulement la violence physique, mais aussi la violence morale ou psychologique ainsi que les différentes conséquences qui peuvent en découler.

Au plan juridique

La violence au sens du droit civil, est « l'acte délibéré ou non, provoquant chez celui qui en est la victime, un trouble physique ou moral comportant des conséquences dommageables pour sa personne ou pour ses biens. »

Le code pénal français considère comme violence des actes volontaires et intentionnels, même si leurs conséquences ne le sont pas toujours, nécessitant un contact physique direct ou indirect avec la victime et qui peuvent entraîner diverses conséquences pouvant aller jusqu'à la mort. On peut y compter les « coups et blessures » ou encore « voie de fait ».

Sont aussi classés dans le registre de la violence des actes qui, sans impliquer un contact physique avec la personne, vont lui causer un choc émotionnel ou un trouble psychologique. Il peut s'agir de violence sur une personne ou une chose proche de la victime ou de violence à distance à travers des lettres anonymes, des appels téléphoniques, etc. Le constat de préméditation de la conséquence constitue une circonstance aggravante. En ce sens, on fera la différence avec l'acte de négligence ou d'imprudence.

Au plan psychologique

Eric Debardieux et Yves Montaya (1998) pensent que « La violence peut être conçue comme un ensemble de phénomènes qui ne sont vécus en tant que tels [que] par ceux qui en sont victimes» 

Et Marie-Louise Martinez (1996) de renchérir : « Est alors considéré comme violence ce qui est perçu comme violence ».

Si l'on considère ces différentes définitions de la violence, on se rend compte que la violence est difficile à cerner et jusqu'ici aucune définition universelle n'a été donnée à ce concept qui trouve son sens selon le domaine d'application et selon les perceptions parfois subjectives. Elle se définit par rapport à un cadre, à un contexte, à des normes et est en étroite relation avec la perception qu'a celui qui subit la violence. Yves Michaud (1978) tente une approche définitionnelle de la violence :

Il y a violence quand, dans une situation d'interaction, un ou plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, en une fois ou progressivement, en portant atteinte à un ou plusieurs autres à des degrés variables soit dans leur intégrité physique, soit dans leur intégrité morale, soit dans leurs possessions, soit dans leurs participations symboliques et culturelles.

C'est cette définition qui nous semble la meilleure et que nous nous efforcerons d'adapter dans le domaine scolaire.

1.8.3- La violence scolaire

La violence dans le domaine éducatif est difficile à définir car c'est une notion qui, du point de vue de certains, se limite à la délinquance, c'est-à-dire aux faits punis par le code pénal tel que les crimes, les agressions physiques, et bien d'autres. Cependant, d'autres pensent qu'elle englobe des termes comme incivilité, comportement anti-social, school bullying (moqueries, insultes, menaces, bastonnades, bousculades, séquestrations infligées à un élèves par un élève ou groupe d'élèves), violences avec armes, school shooters, (Carra, Faggianelli, 2003 ; Débardieux, 1999) pour ne citer que ces faits traduisant des attitudes qui créent un climat d'anxiété, de peur, d'insécurité au sein de l'institution scolaire. Les attitudes dites violentes ne sont donc pas forcément des crimes, des délits, mais englobent tout ce qui ne respecte pas la norme.

Pour Charlot et Rochex(1996) :

Parler de violence c'est parler d'une souffrance, celle d'enseignants dépossédés du métier qu'ils avaient choisi, celle d'élèves quotidiennement confrontés à l'insécurité, celle de parents non seulement angoissés face à l'avenir de leurs enfants, mais aussi inquiets quant à leur présent.

Cette définition traduit les effets psychiques de la violence subie tant par les élèves et les enseignants que par les parents. Elle sous-entend toutes les violences physiques et psychologiques, les frustrations, les traumatismes que connaissent les membres de la communauté éducative. Marie-Louise Martinez (1996) ajoute qu'il y'a violence, lorsque l'école n'atteint pas ses finalités, les objectifs qu'elle s'est assignée dont la plus grande est d'humaniser. La non atteinte de ceux-ci est la grande preuve que les relations entre les acteurs du milieu éducatifs sont dégradées. Ainsi, la violence est, de son avis « ce qui s'exerce dans l'éviction (des sujets et des savoirs), dans la non production des savoirs appropriés par l'élève et dans la distorsion de l'ontogénèse de l'élève par les relations au cours de ce processus éducatif. » On considérera donc qu'il y'a violence lorsque le jeune n'a pas la possibilité de se construire par l'éducation. Ce qui aura forcément un impact sur la socialisation et même sur le rendement scolaire. Cette approche de la violence en milieu scolaire semble appropriée à notre problématique.

1.9- DELIMITATION DE L'ETUDE

1.9.1- Délimitation scientifique :

Notre recherche s'effectue dans le champ des Sciences de l'Education et plus précisément dans le cadre de la gouvernance scolaire, périscolaire et universitaire qui a deux volets : un volet opérationnel qui vise la réussite du projet éducatif et le succès des élèves et le volet stratégique qui se questionne continuellement sur le fonctionnement du système éducatif, sur l'état de réalisation de sa mission et sur les enjeux et défis de l'institution scolaire.

Pour être pertinentes, les études en Sciences de l'Education prennent appui sur d'autres disciplines. Aussi allons-nous avoir comme domaine de compréhension de notre objet la sociologie et la psychologie de l'éducation.

1.9.2- Délimitation thématique 

L'objet de notre étude, tel que formulé au niveau du titre est la violence en milieu scolaire. Nous nous attarderons sur ses manifestations, ses causes et ses conséquences tant sur le rendement des élèves que sur leur insertion sociale.

1.9.3- Délimitation géographique

Compte tenu du temps et des moyens dont nous disposons, mais également du constat de la récurrence du phénomène de la violence au Lycée de Tigaza, nous avons choisi d'y mener notre étude. En outre, le site a été choisi en raison de notre maîtrise du milieu dans lequel nous exerçons par ailleurs comme membre de l'administration.

Après avoir montré le problème de notre recherche, énoncé les hypothèses, les objectifs et les différents intérêts, nous avons définis les concepts clés et délimité notre étude. Dans le prochain chapitre sera consacré à la revue de la littérature ainsi qu'aux théories qui guideront ce travail.

CHAPITRE II :

REVUE DE LA LITTERATURE ET INSERTION THEORIQUE

Les travaux sur la violence scolaire sont très nombreux et nous ne saurons prétendre lire tout ce qui a été fait. Nous nous sommes cependant efforcé à lire ceux qui nous ont semblé les plus pertinents et les plus proches de notre perspective et dont nous allons faire état dans la première partie de ce chapitre. Ensuite il sera question de préciser les théories qui nous permettrons de mieux expliquer la violence en milieu scolaire.

2.1- REVUE DE LA LITTERATURE

2.1.1- Conception de l'enfance de l'antiquité à la postmodernité

Eric Débardieux, l'un des plus grands spécialistes de la violence scolaire en France, présente en 1998 dans un article intitulé « Le professeur et le sauvageon, violence à l'école, incivilité et postmodernité » les évolutions de la conception de l'enfance en rapport avec la violence à l'école. Il démontre que dans les sociétés antiques marquées par le mythe de l'âge d'or, l'enfant devait ressembler à ses parents pour s'assurer de la continuité de l'humain en lui et pour éviter le chaos, « la chute vers la bestialité ». La pédagogie du redressement prônée par Saint-Augustin consistait alors à éradiquer cette violence, cette folie inscrite en chaque enfant dès sa naissance et que même la Bible, dans le livre des Proverbes au Chapitre 28 verset 15, recommande: « la folie est attachée au coeur de l'enfant et c'est la verge de la discipline qui l'en chassera ». La socialisation par les pairs à travers des rites initiatiques et toute sorte de brutalité était aussi d'une grande importance.

Avec la promulgation de la Convention internationale des droits de l'enfant au 20ème siècle, l'on marque la découverte de la valeur fondamentale de l'enfant dans les classes sociales aisées et moyennes. L'enfant « sauvage », craint de tous, devient innocent, bon, « enfant-roi ». Il existe encore cependant une idéologie d'exclusion sociale qui veut que la vertu, l'innocence et la bonté ne soient innées et normales que chez « les gens libérés et bien nés ». Assertion soutenue par Rousseau et Voltaire qui considèrent que l'Education ne sert pas aux pauvres. L'image de l'enfant-roi conduit à la promotion, dans les familles, de l'enfant unique, « fils de roi » que les parents doivent humblement servir (Ellen Key, 1900 cité par Débardieux). L'enfant-roi, « meilleur espoir de l'idéologie du progrès » est « choyé, protégé, au sein d'une famille restreinte où la socialisation mutuelle par le groupe des pairs est considérée comme nocive » (Débardieux :10). C'est pour cette raison que l'usage de la force, du fouet et de toute autre correction physique est interdit. La violence scolaire devient synonyme de retour à « l'enfant-sauvage » et alimente le « discours de la décadence » répandu à l'aide des médias qui trouvent tous les attributs négatifs aux enfants issues des banlieues et acteurs de violence.

Ce discours de la décadence que présente Débardieux s'alimente aussi du thème de « la démission parentale » caractérisé par la monoparentalité, le laxisme éducatif, la violence des parents, etc. La violence scolaire est « ethnicisée », « racialisée » et on parle de « handicap socio-violent » ou d' « ethnoviolence ». Un débat entre académiciens et hommes politiques que présente Débardieux montre le « fantasme d'insécurité » qui en découle, limitant la violence scolaire aux crimes et délits qui, de l'avis de Débardieux, sont rares. Il pense plutôt que le sentiment d'insécurité naît de la petite délinquance et des incivilités, incivilités qui traduisent la perte de sens du système éducatif et des pratiques éducatives. L'une des causes serait la massification et la prolongation des études dans un contexte où l'insertion socioprofessionnelle est difficile. L'incivilité est donc une réaction « face à l'amour déçu pour une école incapable de tenir ses promesses d'insertion et qui ne peut protéger de ce qu'on nomme exclusion ». (p.13) L'idéologie du progrès et de la liberté meurt donc tant chez les enseignants que chez les enseignés avec cette exclusion. Et la société (« inclus et exclus ») ne vise qu'une chose : « la légitimité des plaisirs immédiats dans la sphère privée des satisfactions matérielles et intimes » (p.14). L'idéologie postmoderne ou post-moraliste prône la nécessité d'un lien affectif avec l'enfant pour une meilleure transmission des valeurs devant l'aider à se construire, l'absence de ce lien conduit à la violence scolaire, à la souffrance de l'enfant et de l'enseignant. Ce dernier abandonne la punition à l'administration pour rechercher « l'amour » des élèves dans une logique d'absence de contrainte qui, elle-même est remise en cause pour un retour à « l'ordre moral ».

En effet, Débardieux revient sur la notion d'incivilité qui est constituée de « toutes ces petites choses qui pourrissent la vie d'un établissement, qui peuvent pourrir la vie d'un quartier, » (Débardieux, 1999 : 80) cette petite délinquance dont  « l'aggravation » , « l'accumulation » non traitée, permet de comprendre, du point de vue des victimes, le sentiment d'insécurité afin de prévenir l'escalade de la violence en milieu scolaire sans pour autant sombrer dans une répression excessive de certaines ethnies ou races considérées comme  « barbares ». Avec l'échec du « totalitarisme doux », de la démocratie, l'on serait tenté par un retour à la brutalité puisque l'enfant aimé constitue un danger pour lui-même et pour les autres. Débardieux, grâce à ses recherches sur le terrain propose d'être pragmatique en intégrant sans préjugés les parents et l'ensemble de la communauté éducative de l'établissement scolaire dans l'élaboration et la mise en exécution d'un projet éducatif avec le risque que cela comporte de voir les forces de maintien de l'ordre envahir l'école. Mais plus encore, Débardieux propose aussi une réflexion sur le rôle de la punition dans la « postmodernité éducative ».

2.1.2- Le rôle de la sanction à l'école

Pierre François Edongo Ntede (2010), abondant dans un sens pratiquement opposé aux auteurs précédents, remet en question la démocratisation de l'école et le laisser faire, le laisser aller, le laisser être qu'elle entraîne pour mettre en lumière la valeur réparatrice des sanctions négatives. Il utilise l'approche anthropologique basée sur l'observation participante et des entretiens approfondis pour analyser les rapports qu'ont les enfants avec l'école. Selon lui, la punition occultée par les instructions officielles apparaît comme le versant le moins noble du rôle de l'enseignant qui doit se contenter de transmettre les savoirs. La conduite et l'organisation de la vie quotidienne de l'apprenant sont ainsi reléguées au second plan. Il pense cependant que l'élève a besoin de connaître les règles imposées par le groupe social en ce qui concerne les récompenses et les punitions ainsi que les limites à ne pas franchir. Ceci est d'autant plus important pour l'action éducative que Mbondji Edjenguele, en préfaçant l'oeuvre de Edongo Ntede affirme que « Si le système éducatif ne punit pas ou punit mal, il se punit lui-même et par effet d'entraînement, il punit la société qui opposera la violence à la violence.» p.11

Pour Edongo Ntede, les jeunes, avec le modèle occidental qui s'impose à eux et à leurs parents, sont en manque de repères. Leur violence est le signe du déséquilibre dû à cette éducation permissive qui s'alimente de la démocratie, des droits de l'enfant, de l'interdiction d'interdire (Mbondji Edjenguele, dans la préface de l'oeuvre de Edongo Ntede, 2010) et rend les questions d'autorité taboues. L'auteur cherche alors à déconstruire les préjugés sur les sanctions à l'école en partant d'un objectif général : voir si les punitions en vigueur dans le système éducatif ont une valeur éducative. Pour y arriver, il veut prouver qu'une punition adéquate permet d'acquérir des valeurs nécessaires à l'intégration dans le groupe social et que l'abolition de celle-ci conduit à la montée de l'indiscipline. Il est donc primordial, de son avis, de connaître l'origine des personnes à éduquer afin d'adapter les punitions à chacun. Il s'inspire de la culture du peuple Béti pour mettre en exergue les bases de sa pédagogie coutumière ainsi que les valeurs de son système pédagogique afin de démontrer que toute éducation est en rapport avec la culture.

Passant au crible le contexte social camerounais ainsi que les opinions diverses sur les sanctions, il fait le constat que le règlement intérieur dans les écoles est conçu de façon arbitraire car les obligations, formulées par les enseignants, ne concernent que les élèves. Il fait ensuite la distinction entre les punitions qui sont décidées en réponse immédiate par les personnels de l'établissement (professeurs, personnel administratif) et les sanctions disciplinaires qui relèvent du chef d'établissement ou du conseil de discipline (141). En effet, la punition sert à réparer les dommages causés à un tiers afin d'obtenir son pardon tandis que la sanction « permet à l'enfant de se confronter à la réalité grâce au lien entre son acte et les conséquences qui en découlent. »(142) Edongo Ntede pense que la sanction éducative ou positive doit amener l'enfant à assumer sa responsabilité vis-à-vis d'autrui, du groupe et de lui-même et à s'engager à mieux se comporter.

Il définit ensuite l'éducation comme « le devoir moral de léguer aux autres et à la postérité, soit quelque chose de nouveau, soit une valeur culturelle que nous avons nous-mêmes reçue des générations précédentes. »(146) en distinguant éducation coutumière ou traditionnelle qui véhicule l'histoire et la morale d'un groupe social et éducation moderne ou institutionnelle qui se doit de bâtir la personnalité des apprenants, mais qui, comme le remarque l'auteur, se limite à l'intellect en délaissant la formation morale, sociale, civique et religieuse qui passe aussi par des sanctions éducatives. Celles-ci doivent être, selon lui, proportionnelles à la faute commise, justifiées, acceptées de celui qui est sanctionné et réparatrices.

L'auteur dresse ensuite un panorama des formes de violences éducatives au Cameroun et qui ne sont pas seulement perpétrées à l'école, mais aussi à la maison. Ces violences éducatives sont :

· Les châtiments corporels : ici il s'agit surtout de la bastonnade à l'école et à la maison,

· La brimade non seulement par les pairs mais aussi par les adultes à travers le travail des enfants et la soumission,

· Les rites  que Mbala Owono (1990) définit comme « des écoles de jurisprudence, d'intégration des jeunes et de réintégration des adultes défaillants, mais encore comme des institutions socio-religieuses dont s'est dotée la société traditionnelle pour sa sauvegarde et son développement harmonieux, fondement de toute éducation. » Les rites marquent aussi les passages d'un cycle scolaire à un autre ou l'entrée dans une école (cas du bizutage)

· Les violences psychologiques parmi lesquelles, les traumatismes, les frustrations, le nom, sa désignation et sa fonction, la violence symbolique et subjective.

Pour l'auteur, les médias et les jeux importés constituent le plus grand marché de la violence et conclut que la punition est nécessaire à l'action éducative, car prévient des récidives, mais elle doit s'adapter au contexte social et culturel des personnes à éduquer pour atteindre ses objectifs. La famille doit être appuyée par l'école où les enseignants doivent privilégier la communication relationnelle et pratiquer une pédagogie de l'implication.

2.1.3- Les travaux sur les types de violence à l'école

François Dubet (1998) dans un article intitulé Les figures de la violence à l'école décrie le « succès » médiatique que connaît subitement le thème de la violence scolaire qui, des années auparavant n'était abordé qu'en des termes voilés tels que : élèves « difficiles », problèmes sociaux, désintérêt scolaire, violence des enseignants. Il s'insurge également contre la tendance à mélanger dans le même concept des conduites qui, selon lui, sont « hétérogènes » et « relèvent de logiques différentes » (vol, agressions contre les enseignants, bagarres entre élèves, désordre, inattention scolaire, relations tendues avec les parents, etc). Il se propose donc de distinguer les types de violence ainsi que les mécanismes qui les engendrent tout en affirmant que le thème de la violence scolaire pose le problème de la vocation et de la nature même de l'école qui n'est pas seulement destinée « à un service de formation et de qualification», mais doit conduire « vers une réflexion sur l'éducation et la civilité » ( 36)

Après une enquête personnelle, il se rend compte que ce qui est perçu comme de la violence dépend de l'expérience professionnelle de l'enseignant et de la stigmatisation des établissements dits « à problème » à cause de leur proximité avec certains quartiers. La perception de la violence dépendrait aussi de la fragilité et du manque d'assurance sociale de celui qui se sent en insécurité. Il en déduit que « la violence est une catégorie générale désignant un ensemble de phénomènes hétérogènes, un ensemble de signes des difficultés de l'école, parmi lesquelles les conduites violentes proprement dites ne sont qu'un sous-ensemble. » Vols, agressions, injures, menaces et toutes les conséquences liées à la vie scolaire et à l'environnement social des apprenants peuvent ainsi s'ajouter à ce qu'on va nommer violence scolaire mais qui n'inclut pas tout ce qui touche les élèves même hors de l'école.

Dubet pointe aussi un doit accusateur sur l'idéologie politique, notamment celle de la gauche qui, avec l'accent mis sur la sécurité, a entraîné une autre perception de la violence. Il ainsi distingue trois (03) types de violences :

· La déviance tolérée :

Elle peut être contrôlée sans pour autant être éradiquée. Elle s'exprime dans les limites fixées par la société pour la transgression de certaines normes à travers des carnavals, fêtes diverses, charivari, chahuts initiatiques et même pour certains sports tel le Rugby ainsi que dans les casernes. A l'école, le bizutage, les espaces de déviance aménagés, les vols de trousse étaient tolérés et contrôlés. Ceci faisait partie de la formation et nécessitait un consensus pour que tous comprennent les codes, ce qui malheureusement n'est plus le cas aujourd'hui. L'auteur déplore la disparition de cette complicité entre enseignants et apprenants du fait des écarts culturels et sociaux qui se sont creusés. Cette cécité culturelle dramatise les situations les plus anodines et renforce le sentiment d'insécurité à travers une discipline rigoureuse qui provoque des réactions violentes.

· La violence sociale :

Elle se manifeste dans un premier temps par le chômage, la précarité, la pauvreté relative, la recherche d'une identification ethnique et territoriale pour les jeunes immigrés, la dégradation de l'image des parents qui renforcent la délinquance juvénile, et l'entré à l'école des vices du quartier tel que le racket, le vol et la violence. Dans un second temps, la massification scolaire et le prolongement jusqu'à 18 ans donnent le sentiment que les problèmes sociaux envahissent l'école qui n'est plus un « sanctuaire », un hâvre de paix. Enfin, l'école perd de sa crédibilité car n'assure pas l'intégration sociale, assertion que l'auteur réfute tout en affirmant que croire en l'école n'éloigne pas la peur qu'ont les parents des enseignants leur brandissant sans cesse leur incompétence.

· Les violences anti-scolaires

Ces violences sont générées par l'école elle-même. Sans s'attarder sur le thème de la violence symbolique, l'auteur pense qu'il faille démonter le mécanisme structurel qui renforce les inégalités et remet en question les valeurs individuelles à travers des jugements infamants. Les élèves répondent à cette forme de violence et de mépris en agressant le professeur. Ils trouvent leur violence « légitime » car elle leur permet de défendre « l'honneur du groupe »p.41 C'est en effet, la « révolte dépendante contre un appareil et des acteurs qui intègrent pour mieux exclure » et même si les enseignants sont d'accord avec eux, ils n'osent pas l'exhiber par solidarité de corps.

Dans la même optique, Carra et Faggianelli (2003) passent en revue les recherches faites en ce qui concerne la violence scolaire pour en ressortir les grandes tendances actuelles au plan international en sociologie, rendre compte des principaux éléments qui ont contribué à la structuration du champ et en dégager les implications. Les auteures partent du constat que les procédures de gestion de la violence sont du ressort de la police et de la justice et les faits relatifs à la violence scolaire sont faibles car les statistiques institutionnelles sont récentes et manquent de régularité. En outre, les données auto-déclarées recueillies grâce aux questionnaires ainsi que l'enquête de victimation rendent mieux compte de la relativité de la notion de la violence et permettent de mesurer l'ampleur du phénomène tout en dégageant les profils des victimes et des auteurs. Partant des études de Janosz et al.(2002) et de Débardieux (2000), Carra et Faggianelli montrent que la perception est plus catastrophique que les faits auto-déclarés et c'est la multiplicité et la répétition de micro-agressions qui nourrit le sentiment d'insécurité. Elles en déduisent que limiter la violence scolaire aux crimes et délits réduirait l'ampleur du phénomène. Ainsi les grandes catégories avec lesquels la violence est appréhendée sont :

· Le comportement anti-social ou anti-social behaviour :

Il « désigne des actes dont le caractère illicite n'est pas avéré mais qui contribue à déstabiliser la communauté de voisinage ou à perturber le climat scolaire ». En effet, Une personne antisociale est indifférente, délibérément ou involontairement, aux normes de la société. Ce type de comportement peut se manifester par l' agressivité, la violence, le non-respect des droits d'autrui, l'égocentrisme, les comportements irresponsables et l'absence de culpabilité. Carra et Faggianelli recommandent de repérer ces comportements ainsi que leurs auteurs afin de prévenir une « contagion ».

· Les incivilités :

Les auteures les définissent comme « les menus désordres sociaux qui minent la cité » au quotidien et qui se caractérisent par les paroles blessantes, les humiliations, le racisme, le manque de respect, l'indifférence aux cours, les comportements perturbant l'ordre scolaire dont la répétition crée un climat d'insécurité au sein de l'école. Cependant, la perception de l'incivilité est purement subjective et dépend du contexte socioculturel et situationnel. Elle peut aussi être « la forme de base des rapports de classe exprimant un amour déçu pour une école qui ne peut tenir les promesses égalitaire d'insertion » comme le pense Débardieux (2000, 404 cité par Carra et Faggianelli)

· Le school bullying :

Il désigne les brimades répétées ou le harcèlement entre pairs et peut se traduire par la moquerie, les insultes, les menaces, la bastonnade, la bousculade, l'enferment dans une pièce, les messages méchants et injurieux (Smith, Sharp, 1994). Les conséquences pour les victimes vont du décrochage scolaire au suicide, en passant par l'anxiété et les troubles psychiques et pour les bullies, dont le but est de conserver leur statut de dominant, c'est la voie facile pour une vie de déviances comme le montrent les recherches de Smith, Sharp (1994) et Cullingford, Morrison (1995, 1997).

· Les violences avec armes ou School shooters :

Cette violence qui use d'armes à feu reste, selon Carra et Faggianelli, typiquement américaine. Le taux élevé d'homicide des adolescents aux Etats-unis au fil des années a conduit au financement des recherches en vue de lutter contre ce fléau. Carra et Faggianelli concluent que les chercheurs préfèrent se limiter aux déviances liées à l'ordre scolaire dans sa quotidienneté et expliquent la violence du point de vue des acteurs et en se fondant sur les tendances en rapport avec la tradition scientifique des pays et la demande sociale.

Benoît Galand (2001) dans sa thèse intitulée Nature et déterminants des phénomènes de violences en milieu scolaire/Nature and factors of violence in schools décide d'aborder le phénomène de la violence du point de vue psychologique afin de voir quelles étaient les méthodes pouvant aider dans la prévention et l'intervention dans l'enseignement secondaire belge francophone. Après avoir passé en revue les approches sociologiques, psychologiques et contextuelles de la violence qu'il trouve soit peu élaborées, soit très spécialisées, il opte pour une double approche articulant influences contextuelles, réactions cognitivo-affectives et comportements, en tenant compte des caractéristiques socio-démographiques des sujets et qui lui permet de mieux comprendre la violence scolaire. Il part de l'hypothèse que la perception de la violence d'un évènement dépend du contexte organisationnel et qu'à l'école c'est la chronicité et non l'intensité d'un évènement qui crée problème. Ne voulant pas se focaliser sur le harcèlement entre pairs et la délinquance qui sont les plus médiatisés, il veut évaluer quantitativement le problème de la violence scolaire tant du point de vue des élèves que des enseignants en y apportant des solutions. Il procède à des entretiens, à une enquête de victimisation et consulte des études de la Communauté française pour rechercher la démotivation et le désengagement des élèves face à l'école, les relations intergroupes en milieu scolaire ainsi que l'agression interpersonnelle et l'indiscipline à l'école.

Son enquête de victimisation dans l'enseignement secondaire auprès de 5000 élèves environ et 1500 membres de l'équipe éducative provenant d'à peu près 40 établissements démontre qu'adultes et élèves n'ont pas la même définition de la violence. Pour les enseignants les manifestations de la violence scolaire sont :

· les écarts de langage,

· la violation des règles établies,

· le désintérêt pour l'école,

· l'absentéisme.

De leur côté, les élèves classent parmi les actes de violence scolaire :

· la discrimination,

· la distance et la rigidité des enseignants,

· les disputes entre élèves,

· les conflits liés au prestige social

· les moqueries.

Cependant, l'école n'apparaît pas comme un lieu totalement insécurisé et les élèves affirment même s'y sentir mieux. Galand en déduit que la violence scolaire est liée à la socialisation normale des adolescents.

A l'aide d'une enquête sur le vécu scolaire des élèves, leurs motivations, leurs croyances et attitudes portant sur 1250 élèves de 10 écoles de Bruxelles et Charleroi, Galand démontre que la violence scolaire n'est pas omniprésente à l'école. C'est le manque de motivation, la tension permanente entre élèves et enseignants et entre élèves qui crée un climat de violence.

2.1.3.1- Les violences basées sur le genre en milieu scolaire

Dans le Rapport final sur les violences de genre en milieu scolaire, Halim Banabdallah (2010) met en jeu la dimension sociale des rapports entre femme et homme en présentant les violences faites aux femmes et en particulier aux élèves filles en milieu scolaire. Il différencie entre trois types de violences :

- Les violences sexuelles :

Elles sont constituées d'une part par des abus sexuel avec harcèlement verbal ou physique à connotation sexuelles, des attouchements, des agressions sexuelles, des viols. D'autre part il présente l'exploitation sexuelle traduite par des relations transactionnelles qui passent par les notes ou le financement des études. Selon ce rapport, 30% de ces violences sexuelles subies par les filles au Cameroun seraient exercées par leurs camarades garçons et en République Centrafricaine, les enseignants sont les principaux auteurs d'abus sexuel.

- Les violences physiques :

Elles se traduisent par des châtiments corporels, des travaux forcés et des coups divers. Il définit la violence physique comme « tout acte dans lequel la force physique est employée avec l'intention d'un inconfort ou d'une douleur. Elle comporte aussi l'usage de la force physique ou verbale afin d'engager un individu dans des actions causant des blessures physiques. » (10) Benabdallah évoque les causes systémiques ainsi que les insuffisances de la formation pédagogique qui fait que les enseignants ne connaissent pas les formes non violente des punitions et perpétuent en même temps des représentations sexuées inéquitables.

- Les violences psychologiques :

Celles-ci, considérées comme norme pour le personnel scolaire, se manifestent par la violence verbale (insultes), l'intimidation (menaces), la manipulation émotionnelle (refus de corriger les devoirs des élèves, répression des émotions des élèves), les humiliations publiques. Entre élèves il note les brimades, le vol ou la dégradation des biens personnels. Au plan institutionnel, il souligne la représentation sexuée des programmes scolaires, l'intimidation sous couvert de discipline.

Benabdallah fait également état de ce que toutes ces violences sont exercées dans l'école, principalement dans les toilettes, les salles de classe vides et les dortoirs ainsi que sur le chemin de l'école.

Tout en notant la difficulté à chiffrer l'impact de la violence basée sur le genre, Benabdallah relève au plan sanitaire :

- les troubles alimentaires,

- les tendances dépressives et suicidaires,

- les grossesses précoces et non désirées compromettant la formation, la réussite et la rétention scolaire,

- les Infections Sexuellement Transmissibles et le VIH/SIDA.

Au plan éducatif, il note :

- la peur,

- la haine de l'école,

- la peur de sortir dans la cour de l'école ou de fréquenter la bibliothèque ou la salle informatique,

- la faible estime de soi et le stress qui affectent la qualité du travail scolaire conduisant à l'échec et à l'abandon scolaire.

En outre, les violences subies par les élèves poussent les parents à être réticents vis-à-vis de la scolarisation de leurs filles. Scolarisation qui n'atteint pas les 50% particulièrement au Cameroun où une étude a été menée par Mbassa Menick (2002) dans 10 établissements secondaires publics et privés de la ville de Yaoundé en 1999. Partant de l'hypothèse que les élèves sont de plus en plus victimes d'attentats sexuels en milieu scolaire, généralement perpétrés par leurs enseignants et/ou leurs camarades de classe et d'établissement l'auteur a montré que sur 1688 élèves interrogés, 269 élèves soit environs 15,9 % ont été victimes d'abus sexuel avant l'âge de 16 ans parmi lesquels 27,5 % de garçons et 72,5 % de filles. 15 % des cas d'abus sexuel s'était produit dans un environnement scolaire et 30 % environ étaient perpétrés par des camarades de classe. Les enseignants représentaient 7,9 % des agresseurs extra-familiaux et les répétiteurs de cours, 7,3 %.

Hallim Benabdallah donne une lueur d'espoir en présentant des instruments juridiques internationaux et nationaux, la législation de protection des enfants, les initiatives et programmes majeurs internationaux et nationaux sur les violences de genre en milieu scolaires dont l'efficacité est freinée par des obstacles culturels et institutionnels tel que le silence des victimes, le sentiment d'impunité aggravé par la pénurie d'enseignants que l'on veut, malgré leur moralité pervertie, retenir faute de mieux. L'auteur fait donc un plaidoyer en direction des décideurs politiques et des bailleurs internationaux pour un échange de bonnes pratiques entre Europe et Afrique et la coordination de tous les acteurs de la communauté éducative des différentes écoles.

2.1.3.2- La violence verbale en milieu scolaire

Joseph AVODO (2010) a abordé la question sous un autre angle. En partant de l'hypothèse d'une violence potentielle, propre à l'institution scolaire pour pointer un doigt accusateur aux pratiques enseignantes qui véhiculent des modèles interactionnels négatifs pouvant influencer la personnalité des élèves et en se basant sur des données ethnographiques et orales collectées dans trois lycées de la ville de Yaoundé, il cherche à décrire la ``violence éducative'', moins médiatisée et dont sont victimes les élèves. Celle-ci est beaucoup plus verbale et se traduit par les incivilités, le dénigrement, l'impolitesse, l'insulte et le malentendu.

Après avoir présenté les dispositions institutionnelles et réglementaires, il s'attarde sur les droits et devoirs tant des élèves que des enseignants définis dans la Loi de l'orientation de l'Education au Cameroun. Partant de la conception de l'école de Gilbert Tsafack, il cherche à établir un lien entre les interactions pédagogiques, le rapport d'autorité et la violence verbale. L'interaction pédagogique vise une insertion sociale de l'apprenant. Cependant, élèves et enseignants ont des statuts « dissymétriques » : l'enseignant occupe une position institutionnelle qui lui permet d'exercer une influence sur l'apprenant qui se retrouve en bas.

Avodo distingue deux types de violence éducative :

· La violence éducative intentionnelle :

Elle vise à produire un effet précis et se traduit par l'interpellation violente, les remarques humiliantes, l'ironie offensante et les jugements dévalorisants. Tout ceci servant à « faire susciter l'usage socio-cognitif des apprenants, réguler la classe et rétablir l'ordre ». Les élèves peuvent y répondre par des incivilités, le refus d'exécuter les ordres ou de participer aux activités. C'est une tentative de conjurer ce que Jeammet (1997) appelle le « syndrome d'influence » afin de sauver leur identité menacée.

· La violence éducative « non intentionnelle » :

Elle ne vise que la transmission des savoirs et se manifeste par « l'assénement moral et la supériorité interactionnelle de l'enseignant ». Ce dernier perd de vue que l'élève est en quête de savoir en l'assaillant de questions ou d'activités sans lui donner le temps d'y réfléchir. Il donne et retire la parole à son gré et l'élève se terre parfois dans le silence par peur de donner une mauvaise réponse ou de contredire l'enseignant. C'est ce que l'auteur appelle « modèle interactionnel de la parole unique » qui exige obéissance et politesse aux apprenants qui, à leur tour, développent une expérience négative de l'apprentissage et du rapport à l'école.

Joseph Avodo rappelle ensuite que les sociétés traditionnelles camerounaises cultivent le respect des autres, des aînés et du groupe qui passe avant l'individu. Il est donc question de respecter la sensibilité des autres et les Etats Généraux de l'Education de 1995 visent l'égalité des chances, le respect ainsi qu'une éducation de qualité.

Les facteurs de la violence scolaire selon lui sont :

· Le facteur culturel : qui ne prend pas en compte l'enracinement culturel et l'ouverture au monde. Le magistrocentrisme qui le caractérise est de nature à favoriser les interactions violentes.

· Le facteur professionnel: la formation à la dimension sociale et relationnelle est absente des programmes d'études de l'Ecole Normale Supérieure.

· Le facteur contextuel : l'interaction frontale entraîne la peur de ne pas être à la hauteur et l'autoritarisme est adopté par les enseignants comme une solution de repli.

L'auteur pense que l'interaction pédagogique doit favoriser la socialisation à travers l'intégration de savoirs, de savoir-faire qui permettront à l'élève de vivre en société, en groupe. Cependant le modèle interactionnel qui lui est véhiculé prône « l'imposition, la domination, la stigmatisation, la remise en cause permanente de la capacité à être autonome. ». Il pense ainsi qu'un modèle interactionnel coopératif fondé sur un pouvoir symbolique est nécessaire car permettra de prendre en compte la susceptibilité de l'autre, son intégrité morale et physique. En outre, les enseignants doivent revoir leur rôle en favorisant l'autonomie des apprenants.

Dans un article publié deux ans plus tard Avodo (2012), à travers une double approche lexico-sémantique et pragmatique et grâce aux données recueillies dans la première étude, décrit les choix linguistiques observés chez les enseignants, les analyse comme manifestations de la montée en tension de la violence verbale et aborde la qualification péjorative comme forme de l'agir professoral.

La qualification péjorative comme une des composantes du discours évaluatif intervient lorsque l'enseignant veut évaluer les conduites, les performances ou les compétences des apprenants. L'auteur analyse les catégories grammaticales récurrentes et relevant de la qualification péjorative et note des substantifs, des verbes, des adjectifs et des adverbes. Les substantifs de la catégorie appellative et servant à désigner son allocutaire ainsi que les verbes décrivant les actions et les conduites des apprenants sont les plus utilisés.

Parmi les substantifs appellatifs, il y'a des termes comme bande de fainéants, côté des morts, côté des faibles, tricheurs, bavardes, maladresse, bêtises, totos, Ivoirienne, ingénieurs de son, qui ont une fonction évaluative et définissent l'interlocuteur dans ses productions ou performances scolaires, en remettant en cause son potentiel intellectuel. Leurs valeurs axiologiques se situent soit au niveau du signifiant, soit au niveau du signifié ou encore au niveau de la charge culturelle et enfin au niveau de leurs synonymes. Les verbes tels que faxer, contaminer, enregistrer, copier, garder au fond du cerveau, bricoler décrivent le comportement scolaire, les traits de caractère des apprenants lié à leurs performances intellectuelles.

En ce qui concerne les adjectifs et les adverbes péjoratifs, peu utilisés, ils s'inscrivent dans la perspective des jugements sévères portés aux capacités intellectuelles des apprenants (bidon, mal, pire, incapables). Cette forme de discours injurieux traduit la subjectivité langagière de l'enseignant, les représentations sociales qu'il a de ses apprenants et est une des manifestations de la violence verbale à l'école.

Avodo fait une analyse contextuelle pour mettre en exergue trois situations pouvant conduire à la violence verbale :

· Le blocage d'activité : synonyme de perte de temps et de retard dans la progression, il se caractérise par l'absence de réponse aux questions posées et peut être interprétée par l'enseignant comme du mépris ou de la révolte implicite.

· La déritualisation : c'est la transgression des rituels scolaires tels que demander la parole, avoir l'autorisation de sortir de la salle de classe.

· Le désaccord : marque l'opposition, la rupture.

Toutes ces situations sont de nature à provoquer le recours aux actes de menaces, aux remarques désobligeantes, au grondement, aux insultes, à l'interpellation violente qui sont autant de signes de la violence verbale et qui peuvent avoir des répercussions psychologiques.

Avodo, en s'inspirant des travaux de Cicurel et de Kerbrat-Orecchioni, considère la qualification comme partie du processus de l'agir professoral qui usent des axiologies mélioratifs ou péjoratifs et à effets immédiats et parfois violents et dont le but est de susciter un engagement, un investissement intellectuel, affectif et psychologique des apprenants dans les activités d'apprentissage. Ceci peut aussi entraîner des traumatismes, des comportements anti-sociaux, des comportements violents, le manque d'estime de soi, le décrochage scolaire et bien d'autres conséquences néfastes.

2.1.4- Les justifications de la violence en milieu scolaire

François Dubet (op. cit.) fait appel à trois théories sociologiques de la violence :

La première présente la violence comme naturelle chez l'homme. Il prend appui sur Emile Durkheim qui affirme le rôle de l'éducation, de la morale et de la religion pour la culture de l'amour et du bien. Ainsi les psychiatres considèrent que les causes de violence sont liées à des une socialisation ratée : « images paternelles déficientes, rapport à la loi défaillant... ». Le manque de socialisation et d'éducation morale conduit à la barbarie, à l'expression « naturelle » des actes de violence.

La deuxième théorie est développée par Hobbes, puis par Weber qui pensent qu' « à l'état de nature l'homme est un loup pour l'homme ». La seule instance qui a droit d'autorité, de répression, de torture est l'Etat. En ce sens, la discipline et les sanctions telles que l'exclusion des élèves difficiles ainsi que la collaboration avec l'appareil répressif de l'Etat est recommandé.

Le troisième paradigme ou modèle prône la bonne nature de l'homme. C'est cette thèse est sans aucun doute en accord avec la théorie de la bonté humaine de Rousseau qui soutient que l'homme est naturellement bon, mais l'environnement le corrompt. La violence vis-à-vis des autres serait une répercussion de la violence expérimentée ou une révolte contre l'ordre oppressant établi par l'environnement social. En effet, l'individu violent serait une victime des injustices du système. La solution de l'avis de Dubet est de reconnaître la violence de l'école et de permettre que s'expriment les sentiments d'injustice. C'est que l'on appellerait la démocratie. L'auteur conclut au miroir de ces trois paradigmes que : « La violence juvénile et scolaire résulte à la fois de la faiblesse de l'autorité, des lacunes de l'éducation et de l'injustice sociale »p.43

Dubet pense que l'amalgame fait dans la perception de la violence n'apporte aucune issue quant à son éradication car les établissements jugés à problèmes ne sont pas toujours les plus violents et ceux qui semblent y résister « sont ceux qui prennent acte de la pluralité des significations de la violence, et qui combinent des systèmes de réponses en surmontant leurs caractères à priori contradictoires. » p. 43

Il propose ainsi trois réponses dont la première est l'ouverture de l'école à l'environnement immédiat en renforçant la dimension éducative de l'enseignement. La deuxième est que l'école réaffirme «  une loi, une légitimité et une discipline » que tous, enseignants comme élèves doivent respecter. La troisième réponse implique la reconnaissance d'une violence propre à l'école afin de laisser s'exprimer les élèves et les parents tout en construisant une civilité démocratique et en ne confondant pas les leçons morales avec "l'éducation à la citoyenneté".

Dans les travaux de Carra et Faggianelli (op. cit.), les trois tendances explicatives de la violence généralement utilisées sont :

· Les facteurs susceptibles de favoriser le passage à l'acte violent,

· Les éléments de transformation de la réaction sociale et de la perception de la violence,

· La violence comme réaction à celle de l'institution.

Les travaux de Funk (2001), Lösel, Bliesener (1995) et Döpfner et al (1996) démontrent que l'accroissement des processus de socialisation défaillants, partant des dysfonctionnements au niveau de la famille, peut être une cause de la violence des jeunes adolescents. En effet, facteurs qui peuvent contribuer à l'escalade de la violence juvénile sont : la séparation des parents, le manque de relations chaleureuses, l'absence de frères et soeur ou leur nombre trop élevé, l'éducation trop stricte ou trop laxiste, le manque de surveillance, le parent absent. D'autres part, le développement d'une culture de la violence divulguée à travers les médias, les films violents conduit au mensonge, à l'injure, à la bagarre, au vandalisme, à la menace et au harcèlement sexuel (Fuchs et al., 1996 cité par Carra et Faggianelli). L'appartenance aux gangs ou bandes est généralement l'une des conséquences immédiates. La massification de l'école ainsi que la paupérisation des quartiers qui l'environnent sont aussi des facteurs favorables à l'entrée et à l'installation de la violence en milieu scolaire.

Carra et Faggianelli démontrent également que les définitions dominantes de la violence se sont transformées rendant intolérables des comportements qui étaient jadis acceptés (cf. Dubet, 1998). En effet, les nouveaux élèves, d'origine étrangère ou venant des quartiers populaires, n'ont aucune idée des normes scolaires et ont de la peine à se socialiser, le chahut traditionnel cède la place au chahut anomique, perturbant l'ordre scolaire.

Carra et Faggianelli évoquent aussi la violence symbolique de l'école qui amplifie les inégalités sociales de réussite ainsi que l'arbitraire dans la notation, l'orientation et les sanctions. La désertion des cours, le chahut, l'insolence, le refus de travailler, les agressions à l'encontre des élèves, des enseignants et des établissements scolaires sont autant de violences réactionnelles (Bourdieu, Passeron, 1970) ou anti scolaires marquant une résistance à la massification, à la prolongation des études pour tous et à l'ethnicisation des rapports, à l'injustice. Ils refusent ainsi la position marginale qu'ils occupent dans la société et dont se servent les enseignants pour expliquer l'échec scolaire et la violence.

Pour étudier la violence scolaire, Carra et Faggianelli identifient trois grandes orientations ayant une démarche pragmatique et opérationnelle :

· La recherche des facteurs de risques individuels et situationnels

Farrington (2003 : 33 cité par Carra et Faggianelli) idendifie ces facteurs comme résultante de la violence juvénile. Ils sont au plan psychologique : la grande impulsivité, la faible intelligence ; au plan familial : une discipline très rude, le mauvais traitement des jeunes enfants, la violence des parents, les familles nombreuses ou dispersées. La délinquance des pairs, le statut socio-économique médiocre, la résidence urbaine et le voisinage fortement criminalisé peuvent aussi être des facteurs de risque. Il propose de suivre les individus de l'enfance à l'âge adulte afin de déceler les signes de violence juvénile.

· Identification des variables relatives au contexte d'établissement et qui contribuent à la baisse ou la montée de la violence scolaire

La théorie de l'effet établissement et l'approche organisationnelle montrent que l'établissement scolaire en tant qu'organisation ne se définit pas uniquement par son environnement socio-économique, mais est un acteur social indépendant qui peut développer ses propres stratégies et obtenir son efficacité quelles que soient les caractéristiques de ses élèves (Cousin, 2000) et l'environnement. Pour y parvenir, il faut :

· Une discipline et des règles connues et applicables par tous.

· La cohésion, la concertation et la mobilisation des personnels sous la houlette du Chef d'établissement.

· Des attentes et exigences de réussite scolaire fortes envers tous les élèves.

· Un sentiment d'appartenance de tous les acteurs de la communauté éducative.

Janosz et al. (2002) affirment que les facteurs structurels, les variantes du climat scolaire et les pratiques éducatives ont un impact sur la qualité des écoles. Cette approche a plusieurs avantages :

· Permet d'appréhender les variations des taux de violence entre les établissements, principalement ceux avec un public aux caractéristiques similaires.

· Permet aux décideurs de prendre des initiatives en vue de lutter contre la violence.

· Compréhension des violences interpersonnelles et des interactions

Le courant de la sociologie traditionnelle, comme l'approche interactionniste, considère la violence comme résultant de l'interaction et explique pourquoi un individu peut être à la fois auteur et victime. La violence est appréhendée comme un processus faisant intervenir la confrontation de logiques d'actions différentes, ce qui conduit à développer des stratégies de résolution de conflits telle que la médiation.

En ce qui concerne les conséquences sociales et institutionnelles de la violence scolaire, Carra et Carra et Faggianelli démontrent avec Bouveau, Rochex (1997) que la violence dans la classe freine le processus de transmission des savoirs au profit du travail de socialisation des élèves qui, dans certains établissements, prend plus de temps. Les exemples des Beacon Schools de New York, les écoles ouvertes en France, et autres visent à remplacer l'influence du milieu parental qui désormais s'écroule (Funk, 2001 :37 cité par Carra et Faggianelli) et obligent les enseignants à construire de nouvelles compétences.

En outre certaines écoles jugées difficiles sont évitées tant par les enseignants que par les parents ce qui renforce les inégalités de performance scolaire et la ghettoïsation des écoles des quartiers populaires. Pour palier cet écart les classes à niveau, les projets d'établissements, les écoles à thème sont autant de solutions pour maintenir ou attirer la clientèle. En plus de cela, les mesures disciplinaires et sécuritaires sont mises sur pied en collaboration avec la police et la justice avec une tolérance zéro, notamment dans les safe school program aux USA et au Canada, ce qui suscite encore l'engouement des chercheurs qui interrogent ces pratiques. Carra et Faggianelli orientent alors les recherches futures vers les effets sociaux de la violence à l'école sur les pratiques des acteurs du système éducatif et les dispositifs de lutte.

2.2- INSERTION THEORIQUE

2.2.1- La théorie de la violence fondamentale

Cette théorie stipule que la violence est un instinct naturel, commun aux animaux et aux hommes et qui leur permet de se défendre lorsqu'ils se sentent en danger, d'assurer la survie de l'espèce « sans désir de nuire aux autres ». C'est l'essence même de l'existence car elle donne à l'homme le désir de se réaliser. Dans un entretien avec Alain Braconnier (2010), Jean Bergeret définit la violence fondamentale comme «  vraiment fondamentale, c'est-à-dire d'ordre pulsionnel inné et d'étage narcissique. » Il la distingue de l'agressivité qui est, selon lui, « une attitude d'attaque de l'autre, ne constituant qu'une des variétés d'évolution de la violence naturelle » (Bergeret, 2014). Elle ne se manifeste que lorsque l'on a un sentiment d'injustice, qu'on ne se sent plus respecté, reconnu et heureux. Philippe Jeammet (1997) soutient cette thèse en affirmant que l'agressivité est une des modalités d'aménagement de la violence et que cette dernière se manifeste lorsque le sujet sent son identité menacée. La violence serait donc « une dimension d'effraction qui fait vivre au Moi un sentiment de dépossession de lui-même » (Jeammet, 1997 :11). Ainsi la répression peut être à la base des comportements de plus en plus agressifs.

Claudine Vacheret (2010) en analysant la théorie de Bergeret pense que «  l'enfant fait violence aux parents de par son existence, de par sa présence et de par ses exigences de survie. » En effet, vers 2ans, il oppose son refus de la dépendance aux parents et se révolte. Cette phase atteint son pic avec l'adolescence et, si elle n'est pas gérée avec humour, par le jeu et la compréhension, si l'adulte y oppose de la violence, l'instinct de défense de l'enfant se transforme en agressivité. Pour Jeammet, lorsqu'il y'a défaillance de l'équilibre narcissique, les sujets craignent que l'environnement ne prenne de l'ascendant sur eux, sur leur intégrité, leur personnalité et répondent à cette menace avec violence. Le complexe d'oedipe se traduit ici par la mort des pensées, des valeurs, des idées imposées par le parent, par les enseignants et toute autre personne assimilée. C'est ce que Jeammet appelle le syndrome d'influence. La violence est ainsi comme «moyen de renversement de ce qu'ils craignent de subir et de reprendre une maîtrise qu'ils étaient entrain de perdre. » Jeammet(op. cit :15). C'est une volonté de désobjectivation qui vise à rompre le lien avec l'objet afin de protéger sa propre identité, de retrouver sa liberté.

Cependant, contrairement aux animaux, l'homme peut dominer ses passions, ses désirs et l'éducation est nécessaire pour lui faire prendre conscience de sa liberté de choisir entre le mal et le bien. Diderot (1950) affirmait que : « Si le petit sauvage était abandonné à lui-même, qu'il conservât toute son imbécilité et qu'il réunit au peu de raison de l'enfant au berceau, la violence des passions de l'homme de 30 ans, il tordrait le cou à son père et coucherait avec sa mère ». Ceci revient à dire que pour être utile, la violence fondamentale a besoin d'être canalisée afin qu'elle soit mieux intégrée dans l'appareil psychique, et dirigée vers des activités créatrices et productives. Sinon, au lieu d'être une pulsion de vie elle se transformera en force destructive, en pulsion de mort, en une jouissance sadomasochiste, trouvant son plaisir dans la souffrance de soi et des autres.

Jean Bergeret (1994 : 366) réaffirme :

Il est nécessaire qu'existe une suffisante capacité de liaison, tout au long des chaînes associatives, entre les données fournies par les pulsions d'autoconservation (c'est-à-dire l'attitude défensivement violente originelle) et les données apportées par les mises en sens libidinales propres aux pulsions sexuelles. Une telle liaison apparaît comme indispensable à un fonctionnement positif du psychisme humain. »

L'adulte a ainsi le devoir de conduire l'enfant et l'adolescent vers la voie de l'équilibre, de la maîtrise de sa violence, dans sa construction psychique, dans sa genèse. ( Vacheret)

2.2.2- La théorie de la violence symbolique

La violence symbolique traduit « tout pouvoir qui parvient à imposer des significations et à les imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force » (Pierre Bourdieu, 1972 :18). Elle est détachée de toute contrainte physique et se caractérise par l'« inculcation d'un arbitraire culturel ». Elle est de ce fait arbitraire car contribue à renforcer les inégalités sociales et culturelles en privilégiant une classe au détriment des autres. En outre, elle n'est fondée sur aucun principe biologique, philosophique ou autre qui transcenderait les intérêts individuels ou de classes sociales.

La violence symbolique opère dans l'ordre des représentations. C'est une violence structurelle en ce sens que « ce sont en réalité les dominants qui imposent, de façon déguisée, leurs préférences et placent ainsi les dominés en situation d'infériorité » ( Philippe Braud : 2003) et provoque une souffrance qui porte principalement atteinte « au moi identitaire ».

En effet, Bourdieu développe son concept de la violence symbolique à l'ère de la massification ou démocratisation de l'école ainsi que sa prolongation jusqu'à 14 ou 16 ans qui conduit à l'accès de tous à l'école et à la flambée des effectifs dans les lycées, collèges et universités. Les parents des classes moyennes y voient le moyen pour leur progéniture d'avoir une ascension professionnelle. L'illusion réside cependant dans le fait que les bases sont faussées dès le départ : certains élèves, de par leurs origines sociales, ont plus de chances de réussir que d'autres. Les enfants des classes sociales défavorisées sont obligés de fournir plus d'efforts intellectuels et psychologiques pour s'en sortir dans une école dont la langue et la culture sont très différentes de la leur. Par contre, ceux des classes sociales aisées ont des répétiteurs, tous les manuels scolaires et même parfois la faveur des éducateurs qui, ``motivés'' par les parents, s'intéressent particulièrement à leur évolution en classe. D'autres par contre se sentent lésés, délaissés, stigmatisés à cause de leurs performances antérieures, de leur origine sociale ou pour toute autre raison dont seul l'enseignant détient le secret. L'accès aux études supérieures devient difficile pour eux.

Phillipe Hambye et Jean- Louis Siroux (2014) démontrent que les deux formes de violences symboliques sont l'inégalité des chances et l'inégalité des places. En effet, la violence symbolique se traduit sur le plan éducatif à travers l'affirmation selon laquelle les résultats scolaires sont liés à l'intelligence et au mérite individuel. Et malgré le diplôme, les lacunes dans certaines disciplines vont limiter l'accès à certaines professions. L'idéologie du « don », à laquelle ils s'opposent, renforce la sélection scolaire ainsi que les inégalités qui en découlent. Elle se manifeste par exemple à l'école par le fait que certaines séries sont réservées à une catégorie d'enfants : seuls les élèves forts peuvent faire les séries scientifiques et les faibles les séries littéraires. Le danger réside dans le fait que les élèves eux-mêmes intègrent cette image d'eux qui les classent comme des faibles, des incapables de façon inconsciente et les justifient, même si au fond, ils se sentent frustrés.

La réaction à cette frustration peut être de deux types : soit ils se mettent désespérément au travail afin de mériter une place parmi les forts, soit ils se laissent aller au découragement et se disent que quoiqu'ils fassent ils resteront dans leur statut de « mauvais élèves ». Cette « l'intériorisation du stigmate d'indignité », comme l'appelle Braud, peut parfois être la cause de l'animosité constante qu'ils développent vis-à-vis de l'enseignant dont les cours les ennuient ou la moindre remarque provoque chez eux insolence, mépris et même agression physique.

La dépréciation est une des formes de la violence symbolique. Philippe Braud (2003) affirme que « se situer hic et nunc, c'est se situer par rapport à autrui, ce qui suppose inévitablement des échelles de classement, en terme de supériorité, d'égalité et d'infériorité. ». L'école aujourd'hui est devenu un lieu d'exhibition de la supériorité des enseignants vis-à-vis des élèves, ce qui guide les comportements et crée une distance entre le « maître suprême » et ses sujets qui lui obéissent et lui doivent respect. Ceci se traduit par les méthodes magistro-centrées d'enseignement qui ne laissent pas de parole à l'apprenant. En outre, les enseignants sont passés maîtres dans les injures, les propos humiliants qu'ils profèrent parfois sans réfléchir aux conséquences. La « mission civilisatrice » de l'école est véhiculée par l'idée selon laquelle les élèves, ces ``sauvages'' doivent être disciplinés, dressés à tous les prix. Ils sont ainsi diabolisés pour justifier les mauvais comportements des enseignants et le contexte social et médiatique qui parle de plus en plus de la violence, de l'indiscipline des élèves est de nature à créer une violence symbolique par déstabilisation (Braud) chez les parents et les élèves qui ne savent plus s'il faut faire confiance à l'école ou pas.

La violence symbolique, ainsi présentée, peut provoquer de la violence physique et même verbale se retournant contre la classe jugée dominante. Celle-ci est une volonté du sujet de dire "non" à l'humiliation, à l'oppression, afin de retrouver la dignité perdue.

Ce sont ces deux théories qui nous permettront de saisir le phénomène si préoccupant de la violence scolaire.

DEUXIEME PARTIE : CADRE OPERATOIRE

Chapitre III :

METHODOLOGIQUE

Après avoir présenté le problème, les objectifs, les hypothèses ainsi que le cadre théorique qui guide notre étude, il est question dans ce chapitre de mettre en évidence la démarche utilisée pour cerner l'objet de notre étude.

Nous commencerons par un rappel des hypothèses, ensuite nous présenterons le type de recherche, le site et la population de l'étude, les techniques d'échantillonnage, les méthodes de collecte des données ainsi que les outils d'analyse de ces données.

3.1- RAPPEL DES HYPOTHESES DE RECHERCHE

Nous avons annoncé au chapitre premier une hypothèse générale et deux hypothèses de recherche ainsi qu'il suit :

· HG : Le contexte scolaire contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

· HR1 : Le fonctionnement de l'institution scolaire contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

· HR2 : L'environnement socio-économique de l'école contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

Notre hypothèse générale comporte ainsi une variable indépendante (VI) et une variable dépendante (VD).

3.1.1- Définition et opérationnalisation de la Variable Indépendante

Les variables sont  la plupart du temps employées afin de déterminer si des changements à une chose entrainent des changements à une autre chose. La variable indépendante est la variable qui est contrôlée et manipulée par le chercheur qui veut en connaître les effets sur la variable dépendante. Dans le cas de notre étude, la variable indépendante (VI) est : le contexte scolaire.

Tableau N°1 : Opérationnalisation de la Variable Indépendante

Variable

Modalités

Indicateurs

Indices

Le contexte scolaire

VI1

Le fonctionnement de l'institution scolaire

Mauvaise gestion administrative et pédagogique des élèves

-Parrainage et corruption

-Effectifs pléthoriques

-Mauvais système d'évaluation

Favoritisme

-sanctions et punitions arbitraires

-Mode de recrutement

Attitudes des enseignants

- Rigidité et imposition du RI

-Frustration des élèves

-Punitions injustes

-Violences physiques

Mauvais gestion administrative des enseignants

-Impunité des enseignants

-primes de rendement

-Absence de sécurité

VI2

L'environnement socio-économique

-contexte socio-économique et culturel

-Type de famille

-Compagnies

-Pauvreté

-Religion

-Région d'origine

Nature et âges des élèves

-Puberté

-Âge diminués

-Dévalorisation de l'enseignement

-Pécarité des enseignants

-Absence de conscience professionnelle

3.1.2- Définition et opérationnalisation de la Variable Dépendante

La Variable Dépendante (VD) est celle qui « constitue la variable résultat sur laquelle le chercheur veut contrôler l'effet » (Fonkeng et al., 2014

Tableau N°2 : Opérationalisation de la Variable Dépendante

Variable

Modalités

Indicateurs

La violence en milieu scolaire

Violence des élèves

Violence entre élèves

violence envers les enseignants

Violence des enseignants et de l'institution

Violences psychologiques

Violences physiques

Violence symbolique

3.2- LE TYPE DE RECHERCHE

Notre recherche ayant pour discipline de base la sociologie, nous avons opté pour une recherche de type qualitatif ou interprétatif afin de mieux cerner le problème de la violence en milieu scolaire. Ainsi nous avons voulu nous plonger dans l'univers des acteurs du milieu scolaire à travers l'observation de leur quotidien, l'observation des cours et des entretiens permettant de comprendre leur perception du concept de la violence scolaire. L'exploitation des documents mis à notre disposition nous a permis d'avoir des informations sur la situation disciplinaire des élèves et les cas de violence enregistrés. Ce choix relève en effet du constat fait des limites de la recherche quantitative qui ne donne pas suffisamment de parole à ceux qui répondent aux questionnaires et semble, de notre avis, s'arrêter au superficiel.

3.3- DESCRIPTION DU SITE DE L'ETUDE

Le Lycée de Tigaza, est situé dans la ville de Bertoua, chef lieu de la Région de l'Est-Cameroun, Département du Lom et Djerem, Arrondissement de Bertoua 1er et dans le quartier dont il porte le nom. Ce quartier populaire a des composantes sociales mixtes et il y règne une certaine insécurité marquée d'agressions multiples, de vols, de braquage. Il n'est d'ailleurs pas conseillé de s'y aventurer seul dès la tombée de la nuit. Plusieurs jeunes de ce quartier consomment régulièrement de la drogue et se livrent aux jeux de mise (Jambo) et ce, malgré la présence du Groupement Mobil d'Intervention (GMI) qui y est installé, les patrouilles régulières des Equipes Spéciales d'Intervention Rapide (ESIR) et l'instauration d'un comité de vigilance qui filtre les entrées et les sorties nocturnes.

L'ambiance du quartier est le reflet de l'ambiance générale dans la ville de Bertoua qui, depuis quelques années, est devenue une ville insécurisée. La population s'y est rapidement densifiée avec les divers projets conduits par les Organisations Non Gouvernementales (ONG), des sociétés d'exploitation forestière et minière, et surtout l'arrivée massive des réfugiés centrafricains qui sont accusés d'être responsables du fort taux d'agression et de vol. En outre, la population est très mixée et toutes les Régions du Cameroun y sont représentées.

Crée comme Collège d'Enseignement Général le 18 Août 2006 et ouvert en 2007, cet établissement sera transformé en Lycée le 05 Août 2011 année de l'inauguration de son site définitif avec des bâtiments neufs par l'ex-Ministre des Enseignements Secondaires Louis Bapès Bapès. La disposition des salles aux murs encore propres donne une vue panoramique des salles de classe ce qui, à priori, est un atout au plan disciplinaire ou de la surveillance des cas de violence. Le Lycée compte 24 salles de classes, un bloc administratif qui abrite le bureau du Proviseur, son Secrétariat, le bureau de l'Intendante, deux bureaux pour les Censeurs dont l'un abrite la petite bibliothèque du Lycée, le bureau du Comptable-matières qui abrite désormais les Censeurs ainsi qu'une salle des professeurs. Le Lycée compte également deux blocs informatiques dont l'un abrite le bureau du Chef service de l'Orientation Scolaire assisté d'un Conseiller d'Orientation ainsi que le bureau des Censeurs. En ce qui concerne les Surveillants Généraux, ils sont répartis ainsi qu'il suit :

Ø Un Surveillant Général assisté de deux Surveillants de Secteurs occupe un bureau près des classes de 6ème et est chargé de la discipline des classes de 6ème et Terminale.

Ø Trois Surveillants Généraux sont logés dans un nouveau bâtiment qui abrite aussi le bureau du Chef du Service des Sports ainsi que l'Infirmerie.

L'un des Surveillants Généraux, un homme, est chargé des classes de Troisième et Seconde. Les deux femmes s'occupent, l'une des classes de Premières et l'autre des classes de Cinquième et Quatrième. Chacun est assisté dans ses fonctions par un Surveillant de Secteur dont le « bureau » ou la table est situé (e) de façon stratégique devant une salle de classe du secteur de compétence.

Le tableau ci-dessous donne une idée de la répartition des divisions par classes et des effectifs.

Tableau n°3: Répartition des divisions et des effectifs par salles de classe

Salles de classe

Nombre de salles de classe disponibles

Divisions ou classes prévues

Effectifs par division

Effectifs par classe

6e Bilingue

01

6e Bilingue

65

65

6e M1

01

6e M1

93

93

6e M2

01

6e M2

83

83

6e M3

01

6e M3

99

99

5e Bilingue

01

5e Bilingue

58

58

5e M1

01

5e M1

83

83

5e M2

01

5e M2

93

93

5e M3

01

5e M3

114

114

4e Bilingue

01

4e Bil Allemand

18

48

4e Bil Espagnol

13

4e Bil Chinois

14

4e Bil Italien

03

4e Allemand

01

4e Allemand

91

 

4e Epagnol 1

01

4e Epagnol 1

126

126

4e Epagnol 2

01

4e Epagnol 2

115

115

4e Mixte

01

4e Arabe

09

99

4e Chinois

49

4e Italien

41

3e Allemand

01

3e Allemand

151

151

3e Epagnol 1

01

3e Epagnol 1

139

139

3e Epagnol 2

01

3e Epagnol 2

153

153

3e Mixte

01

3e Arabe

04

74

3e Chinois

54

3e Italien

16

2nde A4 Allemand

+ Italien

01

2nde A4 Allemand

57

61

2nde A4 Italien

04

2nde A4 Espagnol+Arabe +Chinois

01

2nde A4Espagnol

125

133

2nde A4 Arabe

02

2nde A4 Chinois

06

Première A4 Allemand+Italien

01

PA4 Allemand

95

104

PA4 Italien

09

Première A4 Espagnol+Arabe

01

PA4 Espagnol

145

147

PA4 Arabe

02

Première C

01

Première C

144

144

Première D

Première D

138

138

Terminale A4 Allemand+Italien +Espagnol+Arabe

01

Tle A4 Allemand

45

119

Tle A4 Italien

03

Tle A4 Espagnol

70

Tle A4 Arabe

01

Terminale CD

01

Terminale C

21

93

Terminale D

72

TOTAL

24

36

2551

2551

Ce tableau montre l'écart entre le nombre de classes ou divisions prévues (36) et le nombre de salles disponibles (24). Ce qui fait un déficit de 12 salles de classe. La conséquence est que l'on a des effectifs pléthoriques et la gestion des classes mixtes c'est-à-dire, celles dans lesquelles se retrouvent plusieurs séries est difficile car certains cours, notamment ceux de deuxièmes langues, nécessitent de trouver des salles de classe qui ont des heures libres et dont les élèves seront obligés de flâner pendant que les autres occupent leur classe. Cette situation crée un problème de discipline et un surcroît de travail aux Surveillants Généraux et de Secteurs ainsi qu'aux enseignants, 78 au total parmi lesquels 31 sont en cours d'intégration soit 39,74%.

Le lycée recrute des élèves camerounais de toutes tribus, chrétiens et musulmans et dont les humeurs varient. Ils ne sont issus de tous les quartiers de la ville. A eux se mêlent des réfugiés venant de la République Centrafricaine et à la charge du HCR (Haut Commissariat Pour les Réfugiés) ainsi que d'autres étrangers en séjour dans la ville de Bertoua pour divers motifs. Les salles de classes sont bondées d'élèves qui s'asseyent généralement trois à quatre par table-banc et celles-ci sont si serrées dans certaines classes que pour accéder au fond, il faut grimper sur les places des autres élèves. Une Inspectrice Régionale de Pédagogie, très pieuse et en visite dans une classe en est d'ailleurs sortie toute éplorée en voyant que les élèves filles étaient obligées de monter sur les table-bancs pour accéder à leurs place tandis que les garçons prenaient plaisir à guetter sous leurs jupes. Cette situation ne permet pas à l'enseignant de contrôler tous les élèves puisque circuler entre les rangées est pratiquement impossible.

3 .4- DEMARCHE DE COLLECTE DES DONNEES

Au cours de notre recherche, trois techniques de collectes de données ont été utilisées :

Ø l'observation directe qui est pour nous la méthode principale,

Ø les entretiens individuels pour les enseignants et de groupes pour les élèves,

Ø la consultation des documents institutionnels qui a servi à compléter les informations recueillies dans les deux premières phases.

Avant d'expliquer l'usage fait de ces techniques sur le terrain, il nous semble primordial de présenter la phase de prospection ainsi que le processus qui nous a permis de déterminer l'échantillon qui nous servira de base pour l'enquête.

3.4.1- Phase de prospection

Notre enquête a débuté par une phase exploratoire qui a eu lieu non seulement au Lycée de Tigaza, mais aussi au Lycée Bilingue de Bertoua lors de notre stage académique du 04 au 16 Avril 2016, période pendant lequel nous avons observé la violence en milieu scolaire en côtoyant les Surveillances Générales, en assistant à certains cours et en ayant des entretiens avec quelques enseignants et élèves. C'est au cours de cette phase que nous avons eu une idée plus précise du phénomène de la violence en milieu scolaire et d'énoncer les hypothèses de recherche ainsi que les critères d'analyse des données. L'étude de terrain proprement dite au Lycée de Tigaza à la suite de cette phase exploratoire a débuté au mois d'Octobre pour s'achever en mi-novembre 2016. Ainsi les résultats de l'étude représentent ainsi le « portrait global » (Pires, 1997 : 38) de ce qui se passe dans la majorité des lycées et collèges de la Région de l'Est, voire du Cameroun.

3.4.1- L'échantillonnage

L'échantillonnage désigne la sélection ou le choix d'un milieu ou d'un groupe auprès duquel la recherche sera effectuée. Le mode d'échantillonnage qui est appliqué à ce travail obéit à la recherche de type qualitatif. Selon Alvaro Pires (1997), les échantillons qualitatifs se divisent en deux groupes : l'échantillonnage par cas unique et par cas multiples.

L'échantillonnage par cas unique peut être constituée de :

Ø l'échantillon d'acteur portant sur une personne, une famille dont on obtient un récit oral ou écrit à l'aide des documents personnels (autobiographies, lettres, journaux intimes) ;

Ø L'échantillon de milieu géographique ou institutionnel qui peut porter sur un seul lieu ou s'y rapportant ;

Ø L'échantillon événementiel ou d'intrigue qui est formé autour d'un évènement rare.

L'échantillonnage par cas multiples peut porter sur :

Ø Les entrevues avec plusieurs individus ;

Ø Les « études collectives de cas ».

Notre recherche s'est basée sur l'échantillonnage par cas unique et précisément sur l'échantillon du milieu institutionnel avec pour corpus empirique le Lycée de Tigaza comme institution scolaire.  Selon Anadon (2006) paraphrasant Merriam (1988) :

L'étude de cas est particulariste parce que ce qui l'intéresse c'est le cas particulier. Elle est descriptive car le résultat est une description minutieusement détaillée du cas étudié. L'étude de cas est heuristique car elle permet une compréhension approfondie du cas étudié. Finalement, l'étude de cas est inductive, elle part de l'observation de terrain et par raisonnement inductif le chercheur peut élaborer des liens entre les propriétés du cas, des catégories et des hypothèses interprétatives.

La question principale de recherche formulée comme suit : Le contexte scolaire contribue-t-il à la montée de la violence chez les élèves ? nous obligeait à observer au quotidien le fonctionnement de l'institution, son règlement intérieur ainsi que les attitudes des membres de l'administration, des enseignants et des élèves. Notre étude se limite à la description des phénomènes observés, à leur analyse ainsi qu'aux esquisses de solution, sans prétendre apporter un changement radical. Elle est donc exploratoire et décrit la violence scolaire du point de vue des enseignants et des élèves d'un établissement d'enseignement secondaire général dans une Région placée Zone d'Education Prioritaire (ZEP) à cause du faible taux de scolarisation des enfants.

L'aspect sociologique de notre recherche la situe dans un cadre où les élèves sont issus des cadres sociaux variés. Certains parents sont très pauvres et sont parfois installés en zone rurale pendant que leurs enfants "se battent" pour leur survie en ville. D'autres sont des commerçants, des conducteurs de gros camions, des moto-taximen, certains sont des fonctionnaires d'Etat ou travaillent dans des organismes internationaux. Le constat général fait par l'équipe administrative est que beaucoup d'enfants « à problèmes » sont issus des familles monoparentales, avec des parents séparés ou décédés.

3.5- LES INSTRUMENTS DE COLLECTE DES DONNEES

3 .5.1- L'observation

Selon Peretz (2000 : 32), l'observation sert à « rendre compte des actions des personnes et des situations singulières qui font la trame de la vie sociale ». Ainsi nous avons choisi deux angles d'observation : l'observation des évènements quotidiens au sein de l'établissement scolaire et l'observation des cours. En ce qui concerne l'observation des évènements, il s'agissait de noter tout ce qui se passait au sein du campus, entre les élèves, entre les enseignants ou les membres de l'administration et les élèves et surtout tous les aspects traduisant le fonctionnement de l'institution. Cette observation concerne aussi certains entretiens spontanés avec les enseignants et les élèves et dont certains ont été enregistrés.

3.5.1.1- Description de la Grille d'Observation

En nous inspirant de certains auteurs (Merriam, 1998 ; Woods, 1999 ; Emmer & Gerwels, 2002 ; Dolezal, Welsh, Pressley, & Vincent, 2003; Blondin, 2004 ; Martineau, 2004) notre grille d'observation s'articulera autour de cinq points:

1) Description physique de l'école et d es salles de classe

· Architecture,

· Disposition des bureaux et des salles de classe

· Gestion de l'espace dans les salles de classe,

· Etat des murs et du mobilier,

· Voisinage (environnement social de l'école)

2) Les participants

· Personnes en scène et leurs rôles,

· Caractère les plus visibles des participants.

3) Les activités et les interactions hors et dans la classe

· Interactions et comportements des élèves et de l'enseignant pendant le cours.

· Activités menées et degré d'implication des élèves,

· Normes structurant les activités et les interactions au sein de l'établissement,

· Gestion de la violence des élèves et des enseignants par l'administration du Lycée.

4) Les communications

· Contenu des discours des élèves et des enseignants en rapport avec la violence à l'école,

· Personne mise en scène pendant ces communications,

· Attitudes adoptées

5) La posture du chercheur

· Son influence sur la scène,

· Réflexions personnelles sur certains évènements,

· Actes posés et paroles dites face à certains évènements.

L'observation des cours s'est faite dans les conditions évoquées plus haut dans la Description du site de l'étude. Elle n'a pas été évidente car un ou deux élèves devaient se déplacer afin de nous céder la place. Pour accéder au cours, l'accord préalable des enseignants dont la plupart étaient enthousiastes a été nécessaire. Presque tous ont tenu à nous préciser que la présence d'une tierce personne dans la salle de classe n'influencera pas la façon de se comporter des élèves. Ceci s'est avéré surtout que nous nous conduisions naturellement, les mettant en confiance et ne réagissant pas à tout ce qu'ils disaient près de nous. Plusieurs fois nous avons même dû faire appel à eux pour comprendre la réaction d'un élève ou de l'enseignant que nous n'avions pas pu suivre du fait de leur grand nombre. C'est aussi cette attitude qui nous a permis de déceler les élèves que nous devions entretenir plus tard.

Il nous est aussi arrivé de régler des conflits entre élèves et enseignants grâce à la confiance qu'ils avaient en nous. En effet, au sortir d'un cours de Géographie en PA4 Espagnol, nous avons assisté à une scène entre un élève qui cherchait à s'excuser et une enseignante qui ne voulait pas l'écouter. Elle s'est plainte auprès de nous d'avoir été méprisée par l'élève en question qui buvait son jus en plein cours, la professeure lui ayant demandé de sortir, ce dernier a tenu à vider sa bouteille juste devant elle et ses camarades. « Je ne suis pas votre poubelle », s'offusquait l'enseignante. « Tu t'excuseras devant le Surveillant Général». L'élève nous a ainsi pris comme médiateur et nous l'avons amené à demander pardon à ses camarades et à son enseignante. Il s'est exécuté avec beaucoup d'humilité promettant de ne plus recommencer, ceci pour le bien de l'enseignante dont l'autorité était rétablie et de ses camarades qui en tiraient certainement une leçon.

Il est à noter que quelques cours seulement ont été filmés. Mais toutes les observations ont été notées. Les notes d'observations sont indiquées tout au long de ce travail par les initiales NOC (Notes d'Observation du Cours) ou NOE (Notes d'Observation des Evènements) suivis de la date. Nous avons observé 798 Minutes de cours (soit 13H18 Minutes) de 09 Enseignants parmi lesquels 05 femmes et 04 hommes selon le tableau ci-dessous :

Tableau n°4 : Présentation des enseignants et chronologie des cours observés

Nom

Ens.

Jours et dates

Classes

Grade

Sexe

Age

Région

Expérience professionnelle

Période

Total durée

Ariane

10/10/2016

Tle CD

PLEG

Fém.

 

Centre

08 ans

14H10-15H30

01H20

Guy

11/10/2016

3e ESP2

PCEG

Masc.

34 ans

Centre

05 ans

11H32-13H15

01H43

11/10/2016

4e ESP1

14H20-15H30

01H-10

12/10/2016

3e E2

11H40-12H30

50 MIN

Rita

12/10/2016

2nde A4 ESP

PCEG

Fém.

26 ans

Adamaoua

03 ans

09H23-10H10

47MIN

14/10/2016

11H45-13H18

1H33

Rani

12/10/2016

P A4 ESP

PLEG

Fém.

28 ans

Adamaoua

02 ans

08H30-09H20

50MIN

12/10/2016

6e BIL

09H25-10H15

50 MIN

Abo

14/10/2016

3e Chinois

PCEG

Masc.

33 ans

Extrême Nord

03 ans

14H40-15H35

55MIN

Pol

21/10/2016

4e ALL

PCEG

Masc.

28 ans

Centre

03 ans

09H20-10H15

55MIN

Nina

21/10/2016

4e Mixte

PLEG

Fém.

28 ans

Centre

02 ans

11H15-12H00

45MIN

Mati

25/10/2016

3e All

PCEG

Fém.

33 ans

Est

09 ans

10H30-11H25

55MIN

Nogo

07/11/2016

6è Bilingue

IEG

Masc.

58 ans

Sud

31 ans

09H30-10H 15

45 MIN

3.5.2- Les entretiens

Les entretiens servent à compléter les informations recueillies lors de l'observation. Ils permettent de confirmer ou d'infirmer les opinions que le chercheur se fait en observant des faits liés à son objet d'étude. L'entretien avec les différents acteurs a permis d'avoir une idée plus précise de ce que les uns et les autres considèrent comme violence scolaire. Fraenkel et Wallen (2003) présentent les entretiens structurés et semi-structurés comme des entretiens formels dont le but est de susciter des réponses des répondants à l'aide de questionnements oraux. L'entretien semi-structuré, le plus utilisé en recherche qualitative est naturel et spontané. Il se sert d'un guide thématique flexible en fonction de l'évolution de l'entretien et de la personne que le chercheur a en face de lui. Dans le cadre de notre recherche nous avons utilisé un guide d'entretien semi-structuré pour deux types de participants : le premier est constitué par les enseignantes des deux sexes avec des expériences variées et le deuxième est constitué d'élèves des classes de Troisième et Seconde. Nous avons choisi ces deux classes parce qu'au sein du lycée, ce sont des classes sensibles pour lesquelles les enseignants se plaignent le plus et en outre, les élèves y sont en pleine puberté et s'expriment mieux sur ce qui les révolte. Quelques uns de ces élèves sont des élèves « à problèmes ». Nous avons utilisé le même guide pour les enseignants et pour les élèves mais avec pour objectif d'avoir des points de vue sous différents angles pour les mêmes questions. Ces entretiens ont été enregistrés et aussi notés dans un cahier avec l'accord des participants. Nous avons interviewé au total 07 enseignants dont 02 femmes. En effet, cet écart dans le genre des enseignants interviewé se justifie par le fait que les femmes semblaient plus enclines à laisser observés les cours qu'à accorder un entretien, leur programme étant toujours surchargé.

Plusieurs autres difficultés ont été rencontrées pour l'obtention de ces entretiens. En effet, du fait des emplois de temps surchargés, il n'était pas évident de voler quinze à trente minutes à l'un d'entre eux. Ainsi l'idéal aurait été de nous entretenir avec tous les enseignants dont les cours avaient été observés, mais cela n'a pas été possible, aussi avons-nous interviewé des enseignants dont les cours n'ont pas été observés, mais dont nous savions qu'ils disposaient d'assez d'informations sur le thème. En ce qui concerne les élèves, la situation était encore pire car les cours se suivaient et les pauses n'étaient pas assez longues. En outre, les retenir après les cours a été difficile. Nous avons enregistré plusieurs entretiens, mais ceux-ci n'on pas pu être utilisés car nous avons dû suspendre pour reprendre plus tard. Rendez-vous qui n'ont jamais été respectés. C'est pour cette raison que nous avons opté pour des entretiens de groupes afin d'avoir l'avis du maximum des élèves. En outre, cela encourageait certains à parler, à s'exprimer sur des sujets conçus pour eux jusqu'alors comme tabous. Certains en ont profité pour nous confier ce qui leur déplaisait.

Tableau n°5 : Profil des enseignants participant aux entretiens

Sexe

Age

Grade

Expérience

Religion

Région d'origine

Fonction

Date de l'entretien

Durée

Mme Rita

Fém.

26 ans

PCEG

03 ans

Chrétienne

Adamaoua

Enseignante

12/10/2016 

02/11/2016

15/11/2016

55 Min

-15 Min

-15 Min

M. Wilson

Masc.

29 ans

PLEG

07 ans

Chrétien

Ouest

Enseignant

14/10/2016

30 Min

M. Baba

Masc.

25 ans

PCEG

04 ans

Chrétien

Adamaoua

Enseignant

17/10/2016

39 Min 15

M. Guy

Masc.

34 ans

PCEG

05 ans

Chrétien

Centre

Enseignant

20/10/2016

26 Min 54

M. Etienne

Masc.

34 ans

PLEG

09 ans

Chrétien

Ouest

Surveillant Général

20/10/2016

18 Min 53

16/11/2016

23 Min 02

Mme Carine

Fém.

23 ans

PCEG

02 ans

Chrétienne

Ouest

Enseignante

21/10/2016

20 Min

M. Balia

Masc.

34

CO

05 ans

Musulman

Extrême-Nord

Conseiller d'Orientation

17/11/2016

35 Min `

Tableau n°6 : Profil des élèves participant aux entretiens

Groupe

Sexe

Age

Classe

Type de famille

Profession des parents

Région d'origine

Religion

1

1

Féminin

14 ans

2NDE

Vit avec les parents (mariés)

Enseignant

Ménagère

Est

Chrétien

2

Féminin

16 ans

2NDE

Vit avec sa grande soeur (parents au village)

Maçon

Ménagère

Extrême-nord

Chrétien

3

Masculin

17 ans

2NDE

Vit avec le père

(mère décédée)

Militaire

Est et Littoral

Chrétien

4

Masculin

14 ans

2NDE

Monoparentale

(mère)

Comptable

Fonctionnaire aux impôts

Ouest

Chrétien

5

Féminin

14 ans

2NDE

Vit avec les parents (mariés)

Ingénieur de télécommunication

Est

Chrétien

2

6

Masculin

18 ans

3ème

Vit avec sa mère

Parents séparés

Restauratrice

Est

Chrétien

7

Féminin

16 ans

3ème

Vit avec les parents (mariés)

Entrepreneur en bâtiments

Ménagère

Nord

musulmane

8

Féminin

15 ans

3ème

Vit avec les parents (mariés)

Boulanger

Ménagère

Ouest

chrétienne

9

Féminin

15 ans

3ème

Vit avec sa mère

Père décédé

Ménagère

Adamaoua

Musulmane

10

Masculin

16 ans

3ème

Vit avec les parents (mariés)

Anciens commerçants au chômage

Adamaoua

Musulman

11

Féminin

16 ans

3ème

Vit avec sa soeur

Parents au Congo

En formation

Congolaise

Chrétienne

12

Masculin

15 ans

3ème

Vit avec les parents (mariés)

Mécanicien

Ménagère

Centre

Chrétien

3.5.2.1-Description du guide d'entretien

Notre guide d'entretien a été élaboré en tenant compte de notre thème de recherche et des objectifs assignés dès le début (cf. Chapitre I). Il comporte ainsi deux parties :

Ø La première partie : Identification des participants

Cette partie sert à recueillir les informations sur le sexe, l'âge, le nombre d'années d'expérience professionnelle, le grade en ce qui concerne les enseignants. Pour les élèves, elle renseigne sur le sexe, l'âge, la religion, la Région d'origine et le type de famille.

Ø La deuxième partie : Violence en milieu scolaire.

Elle est divisée en trois sous-parties :

1- Manifestations de la violence scolaire

a) Chez les élèves

· Violence entre élèves

· Violence des élèves envers les enseignants

b) Chez les enseignants

· Violence des enseignants envers les élèves

2- Causes de la violence scolaire

a) Causes externes

· Chez les élèves

· Chez les enseignants

b) Causes internes (liées au fonctionnement interne de l'institution)

· Chez les élèves

· Chez les enseignants

3- Quelles sont, selon vous les solutions à la violence en milieu scolaire ?

Les entretiens avec les élèves seront désignés par le code NEE (Note de l'entretien avec les élèves) suivi de la classe et pour des interventions particulières, seul le numéro d'ordre de l'élève sera ajouté. Exemple : NEE N°3, pour désigner l'intervention du troisième élève en classe de 2nde. Les entretiens avec les enseignants seront codés par le signe NEP (Note de l'entretien avec les professeurs) suivi du numéro d'ordre de l'enseignant ou le nom de l'enseignant.

3.5.3- Les documents

Le troisième type de données récoltées sur le terrain concerne les documents internes du Lycée parmi lesquels : le Rapport de fin d'année scolaire 2015-2016, le Règlement Intérieur, les différentes circulaires produites par l'ex-ministère de l'éducation nationale encore en vigueur de nos jours. Ces documents seront cités pour étayer l'analyse des données que nous présenteront au chapitre IV de notre travail.

3.6- TECHNIQUE D'ANALYSE DES DONNEES

3.6.1- L'analyse de contenu

Laurence Bardin (1977 :43) définit l'analyse de contenu comme :

Un ensemble de techniques d'analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de description du contenu des énoncés, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l'inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées) de ces énoncés. 

A l'aide des notes d'entretiens obtenues avec les élèves et les enseignants, il sera question de faire une analyse thématique des représentations que ceux-ci se font de la violence en milieu scolaire en repérant les idées significatives qui apparaissent dans les propos et en les classant par thème. Selon Lilian Negura (2006) le but de l'analyse thématique « est de repérer les unités sémantiques qui constituent l'univers discursif de l'énoncé. » Les éléments seront classés par thèmes selon les déclarations des interviewés. L'analyse des données recueillies sera dans un premier temps descriptive. En effet, nous nous servirons des extraits de notes d'entretien et des notes d'observation pour montrer les manifestations, les causes et les conséquences de la violence en milieu scolaire.

L'analyse de contenu des entretiens nous aidera à faire l'analyse du contenu de la représentation sociale. En dégageant d'une part, la subjectivité des interviewés, et en établissant d'autre part l'objectivité du chercheur. Avec notre expérience professionnelle dans le milieu éducatif ainsi que le vécu du phénomène de la violence au quotidien dans le site de l'étude, il nous sera facile d'analyser les discours des uns et des autres.

Chapitre IV :

PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS

Ce chapitre porte essentiellement sur les résultats obtenus grâce aux entretiens menés avec les enseignants et les élève à la suite des observations faites sur le terrain et particulièrement dans les salles de classes. L'analyse documentaire complétera certaines informations pour une meilleure compréhension de l'objet de notre étude : la violence en milieu scolaire. Après avoir présenté les participants aux entretiens, il sera question pour nous de présenter les manifestations de la violence en milieu scolaire qui nous permettrons de mieux comprendre les causes de celles-ci.

4.1- IDENTIFICATION DES PARTICIPANTS

I. Identification des élèves interviewés

Graphique N°1 : Nombre de garçon et de fille par classe

Graphique N°2 : Age des élèves

Graphique N°3 : Confession religieuse des élèves

Graphique N°4 : Région d'origine des élèves par classe

Graphique N°5 : Milieu de vie extrascolaire des élèves

Sur un échantillon de 12 élèves des classes de 2nde et de 3ème interviewés, nous avons 06 garçons et 06 filles, 09 chrétiens et 03 musulmans âgés entre 14 et 18 ans. 03 sont originaires de la Région de l'Est, 02 de l'Adamaoua, 02 de l'Ouest, 01 du Nord, 01 de l'Extrême-Nord, 01 du Centre et l'un des élèves, notamment une fille est de nationalité congolaise. En outre, 06 élèves seulement vivent avec les deux parents, 04 autres sortent des familles monoparentales avec des parents séparés ou décédés et 02 vivent avec leur soeur aînée.

II- Echantillon d'enseignants interviewés

Graphique N°6 : Région d'origine des enseignants interviewés

Graphique N°7 : Expérience professionnelle des enseignants interviewés

Graphique N° 8 : Grade des enseignants interviewés

Graphique N°9 : Âges des enseignants interviewés

Graphique N°10 : Statut des enseignants interviewés

Parmi les 07 enseignants interviewés 03 sont originaires de la Région de l'Ouest, soit 42,85%, deux de l'Adamaoua, 01 du Centre et 01 de l'extrême-Nord. 57, 14% d'entre eux ont un Grade de PCEG, 28,57 % sont PLEG tandis qu'un seul est Conseiller d'orientation. Ils sont âgés entre 23 et 34 ans et ont une expérience professionnelle qui varie de 02 à 09 ans de service. Un seul est Musulman et 06 sont Chrétiens. En ce qui concerne le statut dans la Fonction publique, 5 enseignants sur les 07 sont intégrés dans la fonction publique et 02 sont encore en cours d'intégration.

4.2- MANIFESTATIONS DE LA VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE

Il est question ici, dans un premier temps, de présenter toutes les formes de violence évoquées par les élèves et les enseignants et ensuite de développer celles qui nous semblent les plus visibles.

4.2.1- Manifestations de la violence chez les élèves

Tableau N°7 : Présentation de la violence entre élèves selon les élèves eux-mêmes

NEE 2nde

NEE 3ème

-Jalousie

-Injures

-Mépris

-Bagarres sans fondement

-Racket

-Porter main sur son camarade

-Injures

-Commérages

-Jalousie

-Menaces des grands envers les plus petits

-Mépris des grands vis-à-vis des petits

- Moqueries

-Mots choquants

-Vol

-Mensonge

-Tenues indécentes

Tableau N°8: Présentation de la violence entre élèves selon les Enseignants

NEP

Mme Rita

M. Wilson

M. Baba

M. Guy

M. Etienne

Mme Carine

M. Balia

-Menaces verbales

-Violences physiques

- Disputes

- Insultes

-Noms et qualificatifs péjoratifs 

-Moqueries

-Racket

-Insultes

-Port et usage d'armes blanches

-Bastonnade d'un camarade pas les autres

-Mots choquants

-Moqueries

-Désobéissance

-Irrespect

-Insolence

-Mauvais habillement

-Bafouer le Règlement Intérieur 

- Bagarres

-Propos malveillants

-Mépris

-Brimade des petits par les grands

- Bagarres

-Coups

-Injures

-Moqueries

4.2.1.1- Violence entre élèves

Les formes de violence entre élèves évoquées tant par les élèves que par les enseignants sont des violences aussi bien physiques que psychologiques. Ces formes de violence sont parfois liées et s'accumulent au sein de l'institution scolaire créant ainsi un climat de chaos.

4.2.1.1.1- Les violences physiques

Les violences physiques traduisent ici la brutalité dont peut user un élève envers un autre en laissant des marques visibles comme les bleus, des traces de coups ou de blessures. Ces marques peuvent aussi être internes. La violence physique peut aussi impliquer tout choc, bousculade ou agression qui fait entrer de façon non volontaire le contact d'un corps avec un autre.

Parmi les violences physiques évoquées on note :

· Les bagarres,

· Les coups,

· Les brimades exprimées par « la dominance des grands sur les petits »

· La bastonnade

Beaucoup plus évoquée par les élèves et les enseignants, la bagarre, selon le Larousse, signifie un « échange de coups » ou une « rixe provoquant une mêlée et un tumulte ». En langage familier l'on parlera de « dispute » ou de « querelle » qui elle exprime un désaccord ou conflit entraînant des échanges vifs, voire agressifs et sentencieux, entre les parties concernées. Quoi qu'il en soit, la joute entre élève est toujours provoquée par un conflit qui n'a pas pu se limiter à des paroles et qui a dégénéré en affrontement physique.

Rares au sein de l'établissement parce que sanctionnées dans le Règlement intérieur par une exclusion temporaire de 06 à 10 jours, les bagarres sont toutefois visibles entre les élèves.

Séquence 1 :

Un Mardi à 07 heures 40 minutes, deux élèves de Première A4 bagarrent en plein cours d'Histoire-Géographie. Le Proviseur qui passe par là trouve le Surveillant de Secteur entrain de les séparer. Il les ramène au bloc administratif. Le premier, pieds nus et saignant du nez est surnommé « la menace » et le deuxième a la tenue complètement déchirée. La dispute a éclaté à cause du cahier de leur camarade dans lequel tous les deux voulaient recopier l'exercice de mathématiques. Les deux élèves seront immédiatement exclus du lycée et le deuxième ira passer la matinée à attendre son camarade avec une machette aux abords du lycée. Seule l'arrivée de l'ESIR, appelée par le Proviseur pour chasser une bande de jeunes qui rôdaient, le fera fuir. Son arme, jetée dans la précipitation à la vue de la police, sera retrouvée dans la broussaille par un Surveillant Général. (NOE, 25/10/2016)

Ainsi, les bagarres peuvent être accompagnées de l'usage d'armes blanches (Cf. NEP2) telles que les lames de rasoir, les couteaux et très rarement des coupe-coupe.

Une bagarre peut aussi se transformer en ce que l'on nomme familièrement « bastonnade ». Au cours d'un entretien, M. Baba nous relate un incident survenu dans une classe de 3ème où un élève a été battu par trois de ses camarades (NEP, 17/10/2016). Un autre élève raconte l'expérience de son camarade qui a été frappé en pleine cour de l'école par un élève non identifié. Certains élèves font appel à leurs amis du quartier pour battre un camarade. C'est le cas d'une élève fille de 2nde qui, parce que son camarade lui a « manqué de respect », selon ses propres termes, appelle son petit-ami, un repris de justice, pour venir la défendre. La séquence qui suit illustre bien la situation :

Séquence 2 :

Elève E : J'ai eu à piétiner ma camarade, elle s'est fâchée, nous nous sommes échangés des injures. Vendredi, elle a appelé les gars du quartier pour me taper. Comme je suis vite rentré, ils ont menacé l'élève Y (son ami). Ils lui ont demandé d'aller montrer ma maison. Un d'entre eux l'a giflé. Il a dit qu'il ne connaissait pas.

Samedi 05 Octobre, ils sont venus me chercher et ils ont tapé sur moi. Je suis allé au GMI voir mon oncle pour rédiger une plainte, il m'a conseillé d'aller voir ma mère pour qu'on se plaigne à l'établissement. Arrivé à l'établissement, ma mère a demandé pourquoi elle est allée prendre les gars hors du lycée. En voulant rencontrer l'encadreur, X (l'élève fille) est venue vers moi, me tapant à la poitrine. Je l'ai frappé et ça a entraîné une bagarre généralisée. Les gars étaient trois et ont mis main sur ma mère et ma tante. Quand mes camarades ont vu, ils sont montés puis les gars sont sortis de l'enceinte. (NOE, 17/10/2016)

Cet extrait montre plusieurs types de violence exercée au sein de l'école non seulement par des élèves, mais aussi par des personnes étrangères à l'institution scolaire à savoir :

· Le fait de piétiner son (sa) camarade,

· Les injures,

· La menace,

· La gifle,

· Le fait de taper ou de frapper (porter la main sur l'autre)

L'accumulation de ces violences conduit inévitablement à la « bagarre généralisée ». Dans la situation présente, elle implique les parents du garçon et les amis de la fille. Il est à noter que le Règlement de comptes avec renfort de personnes extérieures est classé comme faute de la 5ème catégorie et sanctionné par une exclusion définitive du lycée. Lors d'un Rassemblement, le Proviseur annonce l'exclusion définitive de deux élèves de Terminale pour avoir organisé la bastonnade de leur camarade par des inconnus (NOE, 14/11/2016).

Les violences physiques entre élèves sont plus visibles chez les plus jeunes à travers les jeux brutaux dans la cours, le lancer des projectiles de façon consciente ou non sur les camarades, le fait de frapper son camarade pour le plaisir ou juste pour se défouler. D'autres prennent du plaisir à brimer les autres, surtout les plus petits. Le plus souvent, se sont les élèves filles qui se plaignent de leurs camarades garçons :

Séquence 3 :

Une élève de 3ème E1 se plaint de son camarade qui lui a tapé les fesses. Il la traite ensuite de lâche parce qu'elle n'est pas allée se plaindre. Elle est donc venue accuser celui-ci chez le Surveillant Général. Son camarade, originaire du Nord-Cameroun, dit qu'il a juste frôlé ses fesses. On le met en corvée, il demande pardon et promet de ne plus recommencer. Le Surveillant Général lui demande de travailler pour s'amender et il s'exécute. (NOE, vendredi 21/10/2016 à 11h15minutes)

Cette violence pourrait avoir une connotation sexuelle et qu'elle soit perpétrée par un Nordiste, qui plus est, un musulman, peut soulever des interrogations lorsqu'on sait quel respect est vouée à la femme dans cette culture.

Parfois aussi, se sont les garçons qui se plaignent des filles, généralement plus âgées qu'eux :

Séquence 4 :

Un garçon de 5ème vient en pleurant au bureau du Censeur : Monsieur, on me tape en classe.

Le Censeur : Qui ?

L'élève : Deux filles. Celles que vous avez punies hier. Elles me lancent les papiers, quand je vais me plaindre chez le Chef de classe, elles me tapent. (NOE, 18/11/2016, 8h55 minutes)

Il est à noter ici que la même fille était présentée la veille par ses camarades comme « la grande dame », certainement à cause de sa taille et peut-être son âge qui fait d'elle l'une des plus grandes élèves par rapport aux autres de sa classe.

4.2.1.1.2- Les violences psychologiques

Les violences psychologiques ou morales ou encore mentales, voire émotionnelles, se manifestent en général par des paroles ou des actes pouvant influencer l'autre dans ses sentiments d'être aimé ou détesté.

Parmi les violences psychologiques évoquées nous avons :

Ø La menace »

Ø Les abus sexuels

Ø Les injures 

Ø Les insultes 

Ø Le mépris

Ø Les noms et qualificatifs péjoratifs

Ø Les moqueries

Ø Les mots choquants

Ø Le vol

Ø Le mensonge

Lors de notre enquête nous avons remarqué que les élèves excellent dans ce type de violence, certes mentionné dans le Règlement Intérieur, mais rarement sanctionné car difficile à identifier et les victimes s'en plaignent rarement, ce qui accentue encore leur mal-être.

La menace est, selon le Larousse, une parole ou un comportement par lesquels on indique à quelqu'un qu'on a l'intention de lui nuire, de lui faire du mal, de le contraindre à agir contre son gré. Les élèves subissent des menaces de la part de leurs camarades pour des raisons diverses et régulièrement, il s'agit des menaces liées aux règlements de compte hors de l'établissement, menaces de bastonnades et bien d'autres choses. Pour eux, c'est une forme d'intimidation visant à faire peur à l'autre.

Les abus sexuels sont de plus en plus récurrents entre camarades. Il s'agit ici d'utiliser la menace, la violence ou la pression psychique pour faire subir à la victime « un acte analogue à l'acte sexuel, ou un acte d'ordre sexuel. » Zermatten (2010). Ces abus sont difficilement repérables à cause de la honte que ressent la victime ainsi que le sentiment de culpabilité qui la pousse à se taire. Parfois, l'absence de preuve ou de témoin est une cause du silence.

Les injures sont des paroles qui blessent d'une manière grave et consciente tandis que les insultes sont des paroles ou des actes qui offensent, qui blessent la dignité. Ceux qui les évoquent n'y voient généralement aucune différence. Cependant il est question ici de paroles proférées par les élèves à l'endroit de leurs camarades et qui porte atteinte à leur psychique. Ces derniers sont souvent associés à l'attribution des noms et qualificatifs péjoratifs que Mme Rita cite tels que : « Kirikou », « laid », « regarde-moi le laid garçon là ». Elle souligne aussi que pour qualifier leurs camarades filles qui sont assez corpulentes, les élèves utilisent des expressions tels que « vroom, vroom, vroom, vroom » ou « Caterpillar ». (NEP, 12/10/2016), « bouboul » (NOE, 14/11/2016) d'autres insultes tels que « canard », « espèce de ver de terre» (NOE, 16/11/2016), et beaucoup d'autres encore sont utilisés. Dans cette catégorie, on peut classer ce que les élèves et les enseignants qualifient de mots choquants.

Les moqueries constituent aussi une forme de violence très présente dans la classe, surtout pendant les cours. Elles se manifestent aussi par l'attribution des noms et qualificatifs péjoratifs, mais revêtent plusieurs autres formes. En effet, les élèves aiment bien se moquer de leurs camarades qui donnent des mauvaises réponses aux questions des professeurs, qui sont blâmés par les professeurs ou qui ont des mauvaises notes.. les élèves de troisième s'expriment là-dessus :

Elève : quand quelqu'un part au tableau et qu'il rate ce qu'il devait faire, on se moque de lui. 

Un autre : ...Tu pars au tableau, tu trembles seul...

Lors de l'observation des cours, nous avons remarqué que c'est une façon pour les élèves de se défouler et de rendre le cours vivant, puisque les autres en rient. Cela réveille ceux qui dormaient ou s'ennuyaient, bien qu'il y'ait une atteinte à l'intégrité psychique de leurs camarades.

Un autre aspect qui affecte sérieusement les élèves sur le plan psychologique est le vol. C'est le fait de prendre, s'approprier quelque chose qui est le bien d'autrui par la ruse ou par la force. Il a des conséquences sur le plan financier, matériel, psychique et émotionnel.

Séquence 5 :

Vendredi, 14 octobre 2016, à 18h30, alors que le proviseur s'apprête à rentrer et qu'il prend congé de nous, une élève de 2nde arrive, accompagnée de sa mère. Son sac de classe a été volé en matinée après le cours d'EPS alors qu'elle se changeait au couloir. Sa camarade déclare avoir vu un garçon prendre son sac. Elle ne l'a pas identifié. Sa mère est éplorée. Sa fille a passé toute la journée sans faire cours. (NOE, 14 octobre 2016)

Plus tard, nous saurons que la fille en question est orpheline et que sa mère a demandé un moratoire pour le paiement de ses frais de scolarité. Elle a un bébé que sa mère garde et vend les croquettes en classe pour pouvoir lui acheter du lait. L'argent et les croquettes ont été volés en même temps que le sac. (NOE, 17/10/2016)

Séquence 6 :

Une élève de 3ème : Madame, je suis venue me plaindre. On a volé mes lunettes en classe.

Censeur :Que s'est-il passé ?

Elève : J'ai laissé mon sac dehors pendant qu'on composait. On a mis certains élèves dehors parce qu'ils n'assistaient pas souvent au cours et ils rôdaient là au niveau de la véranda. Je suis rentrée à la maison après l'épreuve et j'ai découvert que la pochette qui contenait mon argent et mes lunettes n'était plus là. (NOE, 16/11/2016).

Le lendemain (17/11/2016), dans un entretien que nous classons dans les Notes d'Observations, elle nous confie : « Je me sens vraiment mal, je n'ai même pas pu dormir ». Elle ajoute que ses camarades ont aussi été victimes de vol. Ce phénomène de vol ne concerne pas seulement ces classes, en effet les effets personnels des élèves sont régulièrement volés soit pendant les cours d'EPS soit pendant les évaluations, lorsque tous sont concentrés et que les sacs sont dehors, soit encore par les camarades de classes qui profitent de la distraction de leurs camarades pour dérober des choses à leur insu.

Ces séquences montrent quelles peuvent être les conséquences dévastatrices du vol sur les élèves et même sur les parents d'autant plus qu'il est difficile d'établir qui en est le coupable.

4.2.1.2- Violence des élèves envers les enseignants et l'école

Tableau N° 9: Présentation de la violence des élèves envers les enseignants selon les élèves eux-mêmes

NEE 2nde

NEE 3ème

-Trouble en classe

(désordre)

-Insolence,

-Mépris (manque de respect)

-porter main sur le professeur

-Tentative de séduire le professeur

-Refuser de travailler

-Frauder/tricher

Tableau N° 10: Présentation de la violence des élèves envers les enseignants selon les enseignants

NEP

Mme Rita

M. Wilson

M. Baba

M. Guy

M. Etienne

Mme Carine

M. Balia

-Menaces verbales

-Violences physiques

-Bruits

-Mépris

-Jeux en plein cours

-Menaces verbales ou avec actes

-Violences physiques : Gifles

-Séquestration dans le campus ou les salles de classe

-Paroles violentes

-Injures

-Violences physiques

(bagarre)

-

-Rébellion

« refus de se soumettre »

-Refus d'obtempérer

-Mépris

-Menace

-Mépris

Orgueil

-Exécution lente des punitions

-Non respect du RI

-Non respect du drapeau

-Refus d'obtempérer

-Affront verbal

-Retard répétitif

-Agression physique ou verbale

-Injures

- Menaces

-Caricature sur le mur ou le tableau

-Gestes comiques

-Attribution des noms

4.2.1.2.1- Violence envers les enseignants

- Les menaces, le refus d'obtempérer, le mépris et l'insolence

Mme Rita évoque aussi les menaces comme forme de violence verbale exercée par les élèves sur les enseignants. Elle prend l'exemple d'un élève de 2nde qui a menacé de pendre un enseignant parce qu'on lui demandait de remettre son pull-over qui n'était pas conforme à celui du lycée. Cette attitude marque à la fois son refus d'obtempérer, son mépris vis-à-vis de celui qui l'interpelle ainsi que l'insolence puisqu'il n'a pas peur de le dire à haute voix. Elle estime cependant que la violence des élèves est exceptionnelle, pas si dramatique.

M. Guy raconte qu'ayant surpris un élève entrain de tricher avec des documents qu'il a confisqué. L'élève l'a presque séquestré en le menaçant pour rentrer en possession de la preuve de son acte. C'est la perspective de le traduire au conseil de discipline l'a calmé et l'a amené à s'excuser.

Un Surveillant Général raconte avoir été menacé au quartier à cause de l'exclusion définitive de certains élèves. Il affirme que régulièrement les enseignants sont victimes de violence verbales dans la rue ou dans les quartiers. (NEP, 20/10/2016).

Ces attitudes sont récurrentes dans les salles de classe et il n'est pas rare de voir des élèves qui refusent d'exécuter des punitions ou de sortir de la salle de classe à la demande du professeur. Ce qui est souvent source de conflits violents entre élèves et professeurs.

- Les injures, les caricatures, l'attribution des noms

Les élèves excellent également dans la qualification péjorative ou dans l'atrribution des noms aux professeurs. Ces noms reflètent leurs attitudes, leur aspect physique, leur démarche, etc. M. Balia raconte son expérience :

L'an dernier, les enfants m'appelaient « désert » et je ne comprenais pas ce qui signifiait désert. Un élève m'a approché pour me dire que c'est parce que j'avais la calvitie (NEP, 17/11/2016).

Les élèves font aussi des caricatures de leurs enseignants sur les murs, au tableau, parfois sur le portail et ils y ajoutent souvent un message, avec le nom de l'enseignant en s'assurant que ce dernier le sache M. Balia pense que « l'élève insulte indirectement l'enseignant ». Il ajoute à cela des gestes comiques qui visent à se moquer et à exprimer ce qu'on ressent pour l'esnseignant. Ce sont autant de violences psychiques que subissent les enseignants de la part de leurs élèves.

Les enseignants subissent aussi des violences physiques. Bien que rares, on note parfois des gifles, des coups de points, des bastonnades, etc. Lors d'un Rassemblement, le Proviseur, déplorant cette violence, annonce qu'un élève de PA4 a « cravaté » un Surveillant de Secteur parce que ce dernier voulait confisquer le téléphone portable avec lequel ses camarades et lui organisaient des séances photos. « Nous sortons de chez nous pour donner la vie. Pourquoi devons nous mourir de vos mains ? », Poursuit le Proviseur. Avant cette annonce, il invite les élèves à la discipline et avertit les « vilains » de mieux se tenir.

4.2.1.2.2- Les violences contre l'institution scolaire ou violences anti-scolaire

- Le chahut

La violence des élèves se manifeste beaucoup plus par le fait de troubler les cours, soit par le chahut, soit par des paroles ou des actes déplacés. Testanière (1967), définit le chahut comme « tous cas de désordre qui résulte directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif, accompli par l'élève lui-même et qu'il savait devoir produire ce résultat ». En nous inspirant de Georges Felouzis (1991) nous avons pu observer plusieurs formes de chahuts à savoir :

· Le bavardage avec un voisin de banc pour des motifs autres que le travail en groupe,

· Les grands gestes,

· Les grimaces,

· Des rires bruyants,

· Les déplacements à l'intérieur de la classe sans rapport avec le travail

· Les échanges d'objets sans rapport avec le travail.

A cette liste nous ajoutons les jeux en plein cours, tous les bruits produits par les élèves et qui pèsent sur l'ambiance de la classe. Des parties du cours observés en 6ème Bilingue nous aiderons à comprendre ce phénomène :

Séquence 7 :

Le professeur mène une activité d'intégration de ce qu'il a enseigné antérieurement aux élèves. Il demande aux élèves de situer leur village.

Un élève : Mon village est situé au Nord

L'enseignant : Le Nord c'est vague.

Les autres élèves pêle-mêle : Nord des Etats-Unis, Pôle Nord...

Pendant ce temps une fille du dernier banc de la première rangée tape sur la table-banc avec ses mains, son voisin de devant tape aussi la table avec ses deux stylos à bille (il se ressaisit quelques seconde lorsque nos regards se croisent et continue de taper en mimant quelque chose). Les autres se moquent des noms de villages de leurs camarades et rient aux éclats.

Un élève : Monsieur, on pousse les gens. (le professeur ne le regarde même pas car il écoute les réponses des élèves). Il pose une question.

Plusieurs élèves crient: Moi monsieur, moi monsieur...

Le professeur : qui tape ? (pas de réponse et il continue)

Tout le monde parle et le prof ne suit pas.

Le Professeur tente de les ramener à l'ordre :Ooo ! Ooo !

Plus tard : Ooo, Guizou !

Plus loin : écoutez ce que Kenfack dit !

Trois élèvent tapent sur la table avec leurs stylos et les autres bavardent.

Le professeur : les autres suivez !

Le professeur interpelle la fille évoquée plus haut et qui bavarde: Djamilatou !

Un élève que je ne repère pas tape sur la table, une autre fille tape aussi sur la table...Une élève s'accroupit et semble raconter une histoire à ses voisines de banc.

Le Professeur : Suivez ! Ooo ! Ooo !

Plus loin encore : Ooo, Adama, qu'est-ce qu'il y'a ?...Taisez vous !...

En environ 40 minutes de cours nous avons noté 15 interpellations visant à ramener l'ordre dans la classe. Ceci est épuisant pour l'enseignant qui doit faire des efforts supplémentaires. Nous avons remarqué que ces derniers sortent des cours exténués à force d'avoir crié. Pour éviter ce chahut, certains enseignants sont obligés de monopoliser la parole et de faire faire le maximum d'exercices possibles, comme le mentionne l'enseignante observée en 3ème Allemand (NOC, 25/10/2016).

Si certains cherchent à ramener le calme, d'autres enseignants par contre préfèrent ignorer le bruit et dispensent leur cours au détriment de ceux qui veulent vraiment suivre, c'est le cas de Mme Rita. Elle souligne cependant lors de l'interview que : « certains élèves sont gênés lorsque les autres bavardent et leur chahut peut avoir une influence sur leur rendement ». Ici, elle évoque non seulement la violence que le chahut exerce sur les camarades, mais aussi anticipe sur les conséquences de celui-ci. Elle ajoute que « la classe n'est pas un cimetière...il n'ya pas de miracle pour que les élèves soient muets. Quelque chose va toujours les amener à parler. »

- la destruction du cadre scolaire

La plupart des salles de classe que nous avons observées ont des graffitis sur les murs. Les élèvent utilisent des substances difficiles à effacer pour exprimer tout ce qui leur passe par la tête. Les tables-bancs subissent le même sort, ce qui donne une impression d'insalubrité à ces bâtiments qui n'ont pas plus de cinq ans d'âge. Un élève a d'ailleurs été sanctionné à repeindre la salle de classe parce qu'il inscrivait des graffitis sur les murs (NOE, Rassemblement du 14/11/2016).

- La violation des règles et des normes

La plupart des violences perpétrées par les élèves sont liées au non respect du Règlement Intérieur. En effet, toutes les catégories de fautes ainsi que les sanctions prévues pour les élèves y sont inscrites, mais les élèves violent au quotidien ces règles par leur tenue vestimentaire et corporelle non conforme, les absences injustifiées, les retards, le refus de se faire évaluer, la désertion des salles de classe aux heures de cours à travers l'escalade de la clôture ou avec la complicité des gardiens.

- La passivité, l'ennui, le sommeil en plein cours et l'indifférence

Nous avons constaté, en observant les cours, que les élèves manifestent généralement peu d'intérêt vis-à-vis de ceux-ci. Plusieurs se couchent sur la table pendant que l'enseignant donne des explications, dorment, ne participent pas aux activités et ne lèvent même jamais le doigt pour répondre aux questions. Ils sont indifférents, passifs et semble avoir l'esprit ailleurs que dans la salle de classe. Parfois même ils ne recopient pas le cours, signe de leur manque d'engagement, de leur démotivation face à l'école. C'est ce type d'élève qui attend la pause avec impatience, qui se plaint de la longueur du cours et fait qu'on écrit trop.

Lorsqu'un enseignant se retrouve face à une classe passive, dont les élèves ne font pas les devoirs à la maison, n'ont pas de bonnes notes aux évaluations, cela crée en lui un sentiment de découragement. Il est aussi à noter que plusieurs élèves ne connaissent pas les noms des enseignants, ni des membres du corps administratif. Ils ne maîtrisent même pas leur emploi du temps, comme c'est le cas de cet élève de 5ème, amené par son Chef de classe chez le Censeur parce qu'il tapait sur la table-banc :

Séquence 8 :

Censeur : Vous avez quel cours maintenant ?

Elève : Je ne sais pas.(Ses camarades répondent qu'ils ont EPS, Education à la Citoyenneté et à la Morale et l'Anglais).

Censeur : Tu as quel cahier dans ton sac ?

Elève : le cahier d'ECM.

Censeur : et l'Anglais alors ?

Elève : Je ne savais pas qu'on avait Anglais le vendredi.

Le Censeur lui donne 08 coups de fouets parce qu'il ne connaît pas son emploi du temps et demande ensuite : Tu as eu quelle moyenne à la 1ère séquence ?

Elève : 08(sur 20), Monsieur. Et le Censeur lui ajoute deux coups pour ce motif, en promettant de le fouetter s'il avait une mauvaise note à la 2ème séquence. (NOE, 18/11/2016)

Le cas de cet élève démontre le désintérêt qu'il manifeste face à l'école et sa note le prouve suffisamment. En dehors du fait qu'il n'a pas tous ses cahiers, qu'il ne connaît pas son emploi du temps et fait du bruit en classe, sa tenue est toute est sale et déchirée.

4.2.2- La violence des enseignants envers les élèves

Tableau N° 11: Présentation de la violence des enseignants envers les élèves selon les élèves

NEE 2nde

NEE 3ème

-Abus de pouvoir

-humiliation des élèves

-Harcèlement

-injures

-Diminuer les points

-Mal corriger les copies

-Gronder

- Imposer des cours de rattrapage Samedi

-Mettre les élèves dehors

-Punir à tout moment

-Donner des notes arbitraires

-Faire du favoritisme

-Refuser de donner un billet de sortie à un élève malade

-Punir injustement

-Détruire les objets des élèves

-Faire la cours ou harceler sexuellement les élèves

Tableau N° 12: Présentation de la violence des enseignants envers les élèves selon les enseignants eux-mêmes

NEP

 

Mme Rita

M.Wilson

M. Baba

M.Guy

M. Etienne

Mme Carine

M. Balia

-Punir sans motifs valables

-Dicter rapidement le cours et en Espagnol -Être intolérant

-Expliquer le cours en Espagnol

-Voix non audible de l'enseignant(4)

-Dénigrement

-Violences verbales

et psychologiques

-Violences physique :,

-punitions parfois injustes ou sans motifs

-Gronder

-Insulter

-Dénigrer,

-Frustrer

-Punitions humiliantes ou entraînant des blessures physiques

-Fouetter

-Fouet

-Faire recopier un devoir 10 fois

-Punitions

-humiliantes

-Harcèlement sexuel

-Manque d'attention aux élèves

-Attitudes

-Préjugés sur certaines ethnies

-Harcèlement sexuel

-Mauvaise notation

-Fouet

-Punitions

4.2.2.1- Les violences psychologiques

Mme Rita nous confie dans un entretien qu'après deux semaines de cours, elle a demandé à ses élèves de lui dire, sur des bouts de papier, ce qu'ils pensaient de ses méthodes d'enseignement. Elle nous les a fait lire et il en est ressorti plusieurs formes de violence subies par les élèves à savoir :

- Les punitions sans motifs valables ou injustes

Ici il s'agit de punir des élèves sans preuve ou punir les innocents avec les coupables. Ce sont généralement les punitions en masse. Par exemple, un élève lance un mot et le professeur ne parvient pas à l'identifier, ses camarades non plus ne veulent le trahir, alors toute la classe est punie.

- L'intolérance 

Il s'agit de ne pas tolérer le moindre écart de comportement d'un élève et de le punir pour tout ce qu'il fait, sans recours, sans lui donner de chance de s'amender. Un Surveillant à qui un enfant demandait pardon lui a rétorqué : «On demande pardon au ciel ». (NOE, 20/10/2016) Le Proviseur lui-même rappelle régulièrement aux élèves lors des rassemblements qu'aucun cas d'indiscipline ne sera toléré et chaque semaine se tient au moins un conseil de discipline, et plusieurs cas d'exclusion sont réglés aussitôt que la gravité est établie.

- Expliquer et dicter rapidement le cours en Espagnol 

Il y va de l'Espagnol comme de toutes les langues étrangères qui traduisent déjà l'imposition d'une culture. Les comprendre est déjà un défit à relever et le fait de dicter le cours, et le dicter rapidement rend encore l'apprentissage difficile.

- Parler de façon inaudible 

Certains enseignants, comme Mme Rita, ont une voie qui ne porte pas assez et ne permet pas aux élèves de bien suivre le cours. Cela rend le cours ennuyeux pour ceux qui y portaient peu d'intérêt ou alors frustre ceux qui veulent noter les explications et la dictée du cours.

A ces formes de violence des enseignants on peut ajouter :

- Les injures et les insultes

Pour des raisons diverses. Nous notons des injures comme Chenapan, ordure, fainéant (NEP, M. Wilson). Les élèves de 3ème se plaignent du fait que rater un exercice au tableau constitue souvent un motif d'injures pour le professeur. « Il y'a des enseignants, dès que tu fais une erreur au tableau, il va insulter toute ta famille » (NOE, 17 /11/2016).

- Le dénigrement 

Le dénigrement consiste à exposer les limites d'un élève devant ses camarades. On peut exprimer ses incompétences scolaires ou ses limites physiques en le traitant par exemple de faible, ou avec des expressions comme : « s'il était au moins beau ! » (Mme Rita)

- Les punitions humiliantes et/ou entraînant une souffrance physique 

Nous avons pu noter des punitions telles que : se coucher à plat ventre au sol, s'enrouler au sol, demander à une fille de lever les pieds, se mettre à genoux, se déplacer avec les genoux, etc.

- Les punitions pendant des heures ou toute la journée 

Nous avons pu constater que les Surveillants punissent des élèves pendant des heures entières, parfois sous le soleil et en leur faisant rater des leçons importantes. La punition n'a plus son caractère éducatif, elle devient une torture pour l'élève qui, la trouvant peut-être juste au départ, va se révolter.

- L'indifférence pour certains élèves et le favoritisme 

Les élèves se plaignent du fait que les enseignants négligent certains et préfèrent travailler avec d'autres, à cause de la situation aisée de leurs parents ou de leur appartenance ethnique ou religieuse, ou parce qu'ils achètent le fascicule de l'enseignant ou encore parce qu'ils font partie de son groupe de répétition. Ils obtiennent des faveurs de la part des enseignants ou du corps administratif, frustrant ainsi les autres. Parfois l'enseignant a une préférence pour les élèves forts qui ne lui donnent pas l'impression de perdre son temps. M. Guy l'exprime pendant un de ses cours : « Je vais travailler avec ceux qui veulent faire l'école, même si vous êtes 10. D'ailleurs vous êtes trop nombreux » (NOC, 11/10/2016)

- La soustraction des points 

Mme Rita déplore cette pratique qu'ont certains de ses collègues car elle estime que le Règlement Intérieur prévoit tout genre de punition pour chaque cas. Il nous est arrivé de voir un professeur donner la note de 00/20 à un élève qui avait 17/20 parce qu'il estimait qu'elle n'avait pas mis assez de temps à la Surveillance Générale pour l'exécution de sa corvée, seul un rappel à l'ordre du Censeur l'a fait revenir sur sa décision. (NOE, 24/10/2016)

- Le harcèlement sexuel 

Il est courant au lycée de Tigaza qu'aussi bien les enseignants que les membres de l'administration harcèlent les élèves. Les élèves tout comme les enseignants évoquent cela dans les entretiens, mais aucune dénonciation n'est faite. Cependant, il en ressort que les élèves victime de ce harcèlement souffrent en silence et subissent toute sortes de pressions à travers des punitions et des mauvaises notes jusqu'à ce qu'elles cèdent. Au cas où ils fréquentent un élève garçon, celui-ci devient le souffre-douleur du professeur ou du Surveillant qui le punit à tous les coups.

- Refuser de donner le billet de sortie à un élève malade 

Les élèves se plaignent du fait que les Surveillants refusent de leur donner des autorisations de sortie lorsqu'ils ne se sentent pas et les soupçonnent de feindre la maladie. Cela est pour eux une forme de violence psychologique.

- Imposer des cours de rattrapage aux élèves 

Généralement, les enseignants aiment exploiter les heures libres des classes pour faire leur cours et ce, sans aviser les élèves. D'autres encore, sans s'enquérir de l'opinion des élèves programment les cours le samedi, jour où les enfants sont censés aider les parents et faire leurs devoirs pour apprêter la semaine à venir.

4.2.2.2-Les violences physiques

- L'usage du fouet et des punitions pénibles

Les violences physiques sont relativement rares au sein du lycée de Tigaza. Cependant, malgré l'interdiction du fouet par la Loi de l'orientation de l'Education au Cameroun, certains en usent encore pour punir les enfants. C'est le cas de M. Guy qui ne s'en cache pas et qui l'utilise effectivement dans ses salles de classe. Il nous avertit d'ailleurs lorsque nous lui communiquons le thème de notre étude. Et nous constatons qu'il fouette ceux qui n'ont pas eu de moyenne à l'évaluation. (NOC, 11/10/2016 en 4ème E1)

Certaines punitions n'ont pas seulement un effet psychologique, mais entraînent aussi des souffrances physiques : planter les choux, se mettre à genoux, piocher la terre, etc. l'élève peut en ressortir avec des blessures ou des douleurs.

- Les coups de poing, les gifles et les bagarres

Certains enseignants exercent de la violence sur les élèves à travers des gifles, des coups de poing et ils en arrivent même à bagarrer. Ces faits sont rares, mais visibles de temps en tant comme le soulignent les personnes interviewées.

4.3- LES CAUSES DE LA VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE

Tableau N° 13: présentation des causes de la violence des élèves du point de vue des élèves

NEE 2nde

NEE 3ème

Causes externes

-Perte d'un parent

-Pauvreté

-Imiter ceux qui en ont

- Problèmes familiaux

-Situation aisée des parents qui pousse à menacer les autres

- coutumes familiales (en contradiction avec certaines punitions)

Causes internes

-Une mauvaise éducation familiale (laxisme)

-Attitude réfractaire des enseignants

-Sentiment de rejet

-Sentiment d'humiliation et de frustration

-Désir de s'affirmer, de se faire respecter. 

-Trahison des secrets

-La jalousie

-Abus de pouvoir, d'autorité,

-Mauvaise façon d'enseigner,

-Refus de répondre aux questions et d'expliquer les leçons

-Refus des Surveillants d'écouter les élèves. -Volonté de se rendre justice. 

-Non respect du RI par les enseignants eux-mêmes 

-Faire cours à une heure ou un jour qui n'est pas prévu sans l'avis des élèves

-Manque de soutien aux sportifs du lycée en matière d'équipement, de frais de taxi et de prise en charge médicale

-Exclusion des élèves sans preuves 

-Corruption 

 -Punitions à deux mesures 

-Manque de salle de classe (flânerie)

- Refus d'accéder aux ordinateurs pour consulter des logiciels de recherche

- Demande d'acheter du matériel pour le Travail Manuel,

-Evaluations par embuscade

 -Préférence des enseignants pour certains élèves.

-Ségrégation ethnique et religieuse

Causes externes

-Pauvreté

-Mésentente entre chrétiens et musulmans

-Âge de la puberté

Causes internes

-Commérages

-Hypocrisie des camarades

-Familiarités des enseignants avec les élèves

-Manque d'humilité des professeurs qui n'acceptent pas les corrections des élèves

-Frustrations

-Humiliations

-Manières de s'adresser aux élèves

-Mots choquants

-Tenues vestimentaire des enseignants

-Mauvaise façon de dispenser le cours

-Obligation de faire l'EPS quand on est malade

-Effectifs pléthoriques

-Intrusion des élèves d'autres établissements dans les salles de classe

-Admission en classe supérieure des élèves sans niveau

Tableau N°14 : présentation des causes de la violence des élèves du point de vue des enseignants

NEP

Mme Rita

M. Wilson

M. Baba

M. Guy

M. Etienne

Mme Carine

M. Balia

Causes externes

Mauvaises compagnies

-Frustrations au plan familial

-Eloignement des domiciles

-Les médias

-Perte des valeurs africaines

-Nature des élèves et âge

-Instinct naturel

-Puberté

-Situation économique des parents

-Pauvreté des parents

-Démission des parents

-Mauvaises compagnies

-Absence de conscience professionnelle

-Manque d'éducation de base

-Précarité

-Tribalisme

-Origine Familiale

-Tribalisme

-Frustrations à la maison

-Appartenance ethnique ou religieuse

Causes internes

-Rigidité du RI

-Punitions jugées exagérées et dégradantes

-Soustraction des points

-Effet de masse

-Manque de volonté et d'ambitions 

-Manque de places assises

-Punitions de masse

-Enseignant non protégé par l'administration.

Recrutement sans examen moral et pour des raisons sociales.

-Non application du RI ou des décisions prises.

Attitudes des enseignants

Familiarité avec les élèves

-Manque d'autorité

Assurer sa suprématie

-refus d'assister l'autre

Retrouver sa dignité par la réplique physique ou verbale

-faiblesse de l'administration

-manque d'autorité,

-Impunité des élèves et des enseignants

-RI faible

-Parrainage -Jeune âge des enseignants

-Pas d'identification de ceux qui entrent et sortent

-Sentiment d'insécurité face à l'enseignant

-Le protectionnisme et l'interventionnisme

Méconnaissance des droits et devoirs par les élèves

-Harcèlement sexuel des élèves

-Ignorance du RI

-Droits des élèves baffoués

-Mépris (des grands pour les petits)

-Orgueil

-Recrutement ne tenant pas compte des qualités, du niveau et du background disciplinaire des élèves

Injustice dans le système de recrutement (Parrainage et monnayage)

-Problèmes avec l'administration, les enseignants ou les camarades

-Cours mal dispensés

-Retards de l'enseignant

4.3.1- Les causes externes de la violence des élèves

4.3.1.1-Le contexte socio-économique et familial

Les élèves, tout comme les enseignants pensent que beaucoup d'élèves sont issus de familles pauvres. En analysant les entretiens avec les élèves de 2nde, il en ressort que la condition de pauvreté des parents, la faim, mêlée à l'envie d'imiter les élèves qui ont plus d'argent (Elève N°3) peut amener un enfant à des actes de délinquance comme le fait d'arracher ce qui appartient aux autres camarades. Cette pauvreté a aussi pour conséquence la démission des parents comme le souligne M. Guy :

La plupart, ... si on peut dire 80% des enfants de cet établissement sont issus des familles pauvres...ce qui fait que les parents ont abandonné leurs responsabilités... Une fois que le parent a payé l'inscription, le reste là il ne s'en occupe pas ... Les parents sont plus préoccupés à gagner un peu d'argent pour que l'enfant rentre manger à la maison... il peut aller s'accoquiner avec les motos taximen, les fumeurs de chanvres... (NEP, 20/10/2015)

Les mauvaises compagnies évoquées dans ce discours donnent aux élèves plus de courage pour affronter les enseignants et les camarades, puisqu'ils savent qu'ils ont des alliés à l'extérieur qui leur viendront en renfort en cas de problème (Cf. Séquence 2). Ces compagnies sont aussi à l'origine de la consommation et de la distribution de la drogue au sein du Lycée. A cet effet, des élèves ont été surpris plusieurs fois en flagrant délit de consommation de drogue (tramol, cannabis, cocaïne, etc) ou de cigarette et la fouille inopinée de leurs sacs par les Surveillants a permit d'en saisir des quantités importantes. ((NOE, 07/11/2016 et 14/11/2016 cf. enregistrement du Rassemblement).

Ceci s'explique encore plus par le fait que la ville de Bertoua est une ville à forte insécurité avec des agressions, des assassinats et des règlements de compte fréquent (Cf. Description du site de l'étude)

Mme Rita, tout comme M. Balia et même les élèves de 2nde que les frustrations ou les problèmes rencontrés au plan familial peuvent affecter le comportement d'un élève. Selon elle, certains quittent le domicile familial pour aller louer une chambre et se comportent mal sachant que personne ne viendra répondre de leurs actes, contrairement à ceux qui vivent avec leurs parents et qui ont peur des représailles.

Dans les propos des élèves concernant les causes de leur propre violence, il ressort que la perte d'un parent peut être à l'origine de l'agressivité d'un élève vis-àvis des autres. C'est ce qu'exprime l'Elève N° 3 en ces termes : « un enfant qui perd l'un de ses parents, c'est le monde qui s'écroule...Il s'attaque au monde » (NEE 2nde). En effet, l'élève en question qui signale à la phase d'identification qu'il a perdu sa mère s'exprime plus que les autres tout au long de l'interview et parle régulièrement du rejet ou de sentiment d'être rejeté et du besoin d'être reconnu comme cause de la violence des élèves.

En outre, certains parents, généralement aisés, ont une éducation assez laxiste, et ne savent pas faire des reproches à leurs enfants. Ils ont une conception que Débardieux (1998) présente comme post-moderne de l'enfant dont on doit rechercher « l'amour », sans aucune contrainte par peur de briser le lien affectif. Vivant dans ce laisser-aller ou encore ce laisser-faire, ils ne supportent pas les reproches des enseignants (NEE N°2), narguent leurs camarades moins nantis. Les élèves N° 10 et 11 l'expriment lors de l'entretien :

Elève N°11 : Je suis pauvre, je n'ai pas assez d'argent pour m'acheter des documents. Je demande à mon camarade de me prêter son document. Il me lance des mots choquants ou il va raconter des choses contre moi. ... Quand on te donne un beignet et que toi aussi tu n'as pas les moyens...Si elle voit que tu ne lui donnes pas aussi, ça va l'énerver et ça va créer de problèmes entre vous. ...

Elève N°10 : Je viens demander l'aide à mon ami pour photocopier un document. Il va se vanter qu'il m'a aidé. Je vais me sentir humilié.

Dans ces propos ressortent encore des formes de violence psychiques (Mots choquants, humiliation, commérages) qui peuvent conduire à des réactions encore plus violentes de la part de ceux qui les subissent.

Le sentiment de rejet au niveau de la famille ou de la société peut se répercuter à l'école et pousser l'élève à vouloir se faire connaître, pour être célèbre et pouvoir intégrer un groupe. Il « se fait une réputation de rebelle » (Elève N°3) en exerçant de la violence sur ses camarades et ses enseignants afin de se faire respecter.

4.3.1.2-Le contexte culturel

Comme évoqué au chapitre III, la population de la ville de Bertoua est composée de personnes issues de toutes les Régions du Cameroun et d'expatriés. L'appartenance ou non à un groupe ethnique est parfois source de mésentente ou de préjugés. Il en est de même des personnes partageant les mêmes croyances religieuses. Les deux religions prédominantes sont la religion musulmane et la religion chrétienne. De l'avis de M. Balia et aussi de l'Elève N°2 qui sont tous issus du Grand-Nord-Cameroun en majorité musulman, les élèves de cette religion aiment marcher en groupe et son très solidaires. En outre, comme le souligne l'Elève N°2, ils aiment la bagarre...en groupe et insultent les chrétiens. Il en est de même des groupes ethniques dont les stigmates sont connus à travers le territoire national qui n'épargnent pas le milieu scolaire.

Les médias constituent un autre facteur culturel qui contribue à la montée de la violence en milieu scolaire. En effet, grâce à la télévision et à Internet les élèves y copient des modèles de vie et des façons de faire qui son contraires aux normes africaines et qui, comme le pense Mme Rita, mènent à la perte des valeurs africaines qui exigent le respect des aînés. Elle déplore cette perte des valeurs en racontant comment un élève lui a lancé un papier après l'avoir froissé. Les médias véhiculent ainsi des modèles culturels occidentaux et des stars que les élèves copient facilement: se lever dès la sonnerie sans attendre que le professeur clôture son cours, porter des pantalons rétrécis pour les garçons, faire des coiffures fantaisistes, utiliser le langage de stars, etc.

4.3.1.3-Dévalorisation du statut de l'enseignant

Pour beaucoup d'élèves dont les parents excellent dans les affaires ou occupent des postes « juteux», être enseignant n'est pas l'idéal puisque la société elle-même le dévalorise. Nous avons pu observer que les parents d'élèves, lorsqu'ils sont convoqués à l'établissement ou alors viennent simplement pour un problème concernant leurs enfants adoptent une attitude de mépris, chose qui est rare dans d'autres services où travaillent des personnes moins gradées. Cette dévalorisation est certainement due à la condition précaire vécue par l'enseignant et évoquée plus haut.

4.3.1.4-La violence des élèves liée à la nature et à l'âge

M. Wilson considère que la violence de l'élève est liée à l'instinct naturel qui le pousse d'abord à réagir, même si après il le regrette (NEP, 14/10/2016). En effet, la majorité des élèves du Lycée de Tigaza sont dans la phase de l'adolescence, période de transition qui, pour l'enfant en manque de repères, de normes et de valeurs, peut conduire à des comportements déviants et à la violence. C'est la période des crises ouvertes avec les adultes accompagnées d'affrontements violents liés à la recherche permanente de son identité. Cette identité qui, selon Christine Arbisio (1999) « représente ce qu'il doit être, ou voudrait être » et est source de conflit. Par son agressivité, l'adolescent cherche à s'affirmer et la violence est « comme seul recours, et seul moyen de mettre de la distance ». M. Guy fait le constat que l'élève est sur la défensive face à l'enseignant: « dès qu'il voit l'enseignant, il change d'humeur ». Il le considère comme un « adversaire », « un obstacle à l'épanouissement » 

La violence des élèves n'est cependant pas limitée à ce facteur, mais est aussi liée au fait que beaucoup d'élèves, à cause des multiples échecs scolaires ou pour d'autres raisons, ont diminué leur âge et se retrouvent dans la même classe que leurs cadets. Ils tiennent à s'imposer auprès de ces derniers à travers des brimades. La façon dont les élèves en parlent témoigne de la peur qu'ils ressentent vis-à-vis de ces grands élèves. Ils en parlent en termes de « grand et petit », « grand frère et petit frère » pour désigner leurs camarades de classe plus matures.

4.3.2- Les causes externes de la violence des enseignants

4.3.2.1-La nature même de l'enseignant 

Il y'a des enseignants naturellement violents, impulsifs et intolérants (Entretien avec Mme Rita, 15/11/2016) non seulement avec les élèves mais aussi avec les collègues et dont l'administration du lycée se plaint. Ils rendent leurs cours insupportables ne tolérant rien, ni le bavardage, ni le fait qu'on entre après eux, ni même qu'on pose des questions relatives au cours, etc. C'est ce type d'enseignant qui a régulièrement des problèmes et même des affrontements physiques avec les élèves. Ils témoignent de leur manque de charisme et s'appuient régulièrement sur l'administration pour gérer les problèmes internes de leur salle de classe.

4.3.2.2-Problèmes personnels partant du quartier ou de la maison:

Selon M. Baba, certains enseignants ont des problèmes avec des élèves au quartier et « le seul endroit où le professeur a la main mise sur l'élève c'est l'établissement ». (NEP, 17/10/2016). D'autres encore ont des problèmes personnels à la maison et déportent cette mauvaise humeur dans la salle de classe ou au bureau.

4.3.2.3-Absence de conscience professionnelle

Selon M. Guy, « les gens sont arrivés par précarité ou par pauvreté dans la fonction » et ne se soucient pas du devenir des élèves. En effet, certains enseignants abandonner les élèves pour se livrer à d'autres activités. Nous avons vu, une fois, rappeler à l'ordre un enseignant de Mathématiques ayant abandonné ses élèves depuis des semaines parce qu'il couvrait des heures de vacations dans un collège privé.

Beaucoup encore semblent ne pas savoir quelle est leur mission et en dehors de ces absences répétées, sont régulièrement en retard, bâclent les leçons, que généralement ils ne préparent pas et considèrent les élèves comme des adversaires des rivaux à qui ils brandissent sans cesse leurs diplômes. Avant de décider d'interviewer les élèves de 2nde, nous avons constaté qu'ils flânaient dans la cour parce que leur professeur n'était pas là et n'avait prévenu ni les élèves, ni l'administration.

4.3.2.4- Le Manque de ressources financières et matérielles

Le Rapport de fin d'année scolaire 2015-2016 du lycée de Tigaza fait état de ce que les Enseignants en cours d'intégration sont « peu motivés parce que confrontés aux besoins primaires inassouvis ». Selon Mme Rita, un élève qui n'a pas d'argent ni de toit sera plus sensible au « manque de respect » de la part d'un élève. Elle pointe un doigt accusateur vers l'Etat qui n'assure pas la prise en charge rapide des enseignants. (NEP, 02/11/2016)

4.3.3-Les causes internes de la violence des élèves

4.3.3.1-Mauvaise gestion administrative et pédagogique des élèves

- Parrainage et corruption lors des recrutements

Les enseignants tout comme les élèves se plaignent du parrainage et du monnayage des places comme mode de recrutement pratiqué jusque-là. En effet, rien n'est fait pour vérifier les antécédents disciplinaires de l'élève à recruter puisque parfois les bulletins présentés sont faux. En outre, les élèves exclus au sein du même lycée pour des problèmes de disciplines sont réadmis avec la complicité de certains membres de l'administration et des enseignants. Cette situation est source d'indiscipline et de violence dans la mesure où, aucun engagement n'étant pris par les élèves pour leur réadmission, ils pensent que l'argent donné pour acheter la place ou encore négocier la place suffit à les exempter de toute représailles et même si représailles il y'a, ils savent désormais comment contourner la loi et avec l'aide de qui ils la contourneront.

Il nous est arrivé de suivre plusieurs fois des élèves dire que leurs parents étaient venus négocier leur admission au lycée. Et parmi les élèves qui sont indexés dans les cas de violences et dont certains ont été exclus depuis la rentrée scolaire 2016-2017, plusieurs étaient d'anciens élèves exclus pour indiscipline et violence (cf. NOE, Rassemblement 17/10/2016 ; NEP, 20/10/2016)

- Les effectifs pléthoriques

Les effectifs dépassent largement la marge prescrite de 60 élèves dans les classes de 6ème et 80 élèves dans les autres classes. Les classes sont bondées, les élèves s'asseyent à trois ou quatre sur une table-banc prévue pour au plus deux personnes. La circulation des élèves et des enseignants dans la classe est pratiquement impossibles, notamment dans les classes de troisième et les élèves évoquent la chaleur pour justifier leur présence régulière dehors. La gestion du chahut de tant d'élèves est difficile comme le souligne Mme Rita qui pense que les élèves profitent de l'effet de masse pour poser leurs actes, mais seuls, ils sont faibles et deviennent doux. (NEP, 12/10/2016)

- L'absence de sécurité appropriée

Les enseignants estiment que l'administration du lycée ne fait pas assez d'effort pour maintenir la discipline au sein du lycée. Au niveau du portail par exemple, les entrées et les sorties ne sont pas filtrées et n'importe qui peut entrer, commettre des vols ou des agressions et ressortir sans être inquiété. (NEE, M. baba) En outre, ils considèrent que l'administration ne les protège pas assez. En effet, beaucoup sont encore jeunes et comptent parmi les élèves, leurs égaux ou leurs aînés. Lorsqu'ils font recours à la Surveillance générale par exemple, ces élèves, de leur avis ne sont pas assez punis « Ils reviennent de la Surveillance Générale avec plus de mépris et on devient une proie facile » (M. Baba).

- Admission des élèves sans niveau en classe supérieure et tricherie

Certains élèves accèdent en classe supérieure sans le niveau requis, ils frustrent ainsi ceux qui ont repris la classe avec une moyenne plus élevée par manque de moyens financiers pour monnayer leur réussite ou découragent ceux qui ont effectivement réussis sans avoir besoin de corrompre. L'élève N° 3 le déplore et trouve qu'il n'ya plus de mérite.(NEE, 17/11/2016). D'autres encore trichent et obtiennent de bonnes notes et narguent ceux qui ont travaillé sans fraude : « Si celui qui compose avec les cartouches a la note et celui qui n'a pas les cartouches n'a pas de note, ça peut créer des conflits » (NEE, 3ème 17/11/2016)

- Mauvais système d'évaluation

L'évaluation est faite avec des critères qui, à la base défavorisent les élèves faibles. Aucune pédagogie différenciée n'est appliquée pour ceux-là et ils composent au même niveau que les autres. Parfois, certaines classes sont évaluées sur la base de la progression dans les classes du même niveau provoquant ainsi des inégalités de chance pour l'accès au niveau supérieur et la frustration.

Les élèves se plaignent aussi de ces enseignants qui font des évaluations par embuscade (NEE, 21/10.2016), corrigent mal les copies et donnent de mauvaises notes. D'autres donnent même des notes même sans avoir évalué ou alors sans corriger les copies comme nous l'avons observé chez ce jeune enseignant d'informatique qui a abandonné à la salle des professeurs les copies de ses élèves (NOE, 21/10/2016) qui se sont d'ailleurs plaints de sa façon d'évaluer sans leur donner assez de temps pour traiter l'épreuve.

- Mauvaise gestion des sportifs

L'élève N°3 se plaint du fait que le lycée n'accorde pas un soutien aux sportifs qui jouent pour le compte du lycée en matière d'équipement. Il a demandé à être soutenu pour avoir de nouvelles chaussures, ce qui n'a pas été fait. En outre, il a eu une fracture lors d'un match et ses parents ont dû supporter seuls les frais médicaux. En plus de cela l'argent de taxi n'est pas suffisant « 100Frs ne payent même pas ma moto », dit-il.

D'autre part, il estime que les sportifs ne sont pas assez protégés par l'administration du lycée. En effet, il dit avoir repris la classe parce que les évaluations ont eu lieu pendant qu'il était aux jeux FENASCO et aucune disposition n'a été prise pour qu'il soit réévalué alors qu'il défendait les couleurs du lycée. Cet élève exprime un sentiment de révolte qui peut être cause de violence.

4.3.3.2-L'attitude des enseignants ou l'abus de pouvoir

La violence des enseignants traitée plus haut est perçue comme une cause de la violence des élèves. M. Guy affirme que « pour qu'un élève réagisse mal, il faut qu'il soit poussé à bout » (NEP, 20/10/2015). En effet, les enseignants, conscients de leur supériorité sur en tout point sur les élèves, se démarquent par des comportements qui finissent par révolter les élèves à savoir :

- Les humiliations des élèves

Les enseignants prennent du plaisir à provoquer les élèves en les humiliant devant leurs camarades par des injures, des moqueries, des dénigrements.

Elève N° 11 :«Il y'a des élèves qui n'aiment pas qu'on les affiche devant les gens et quand on les affiche, ça les pousse à réagir. ...Moi quand on m'enseigne, si tu me grondes, je ne dis plus rien...Je ne pars jamais au tableau à son cours, sinon on va m'insulter. » (17/11/2016)

Le verbe afficher ici est synonyme d'humilier. Les élèves semblent être sensibles à ces pratiques et réagissent violemment lorsqu'ils sentent leur intégrité menacée. Dans un entretien avec les élèves de 2nde l'un d'entre eux justifie la violence en prouvant que face à une humiliation, l'élève « est obligé de montrer qui il est pour survivre » (NEE, N°3, 21/10/2016)

- Punitions exagérées, à deux mesures et/ou injustes

Ces punitions sont parfois des punitions de masse, des punitions sans preuves ou des punitions qui ne correspondent pas à la faute commise, l'accumulation des punitions. Les élèves de 2nde (op. cit) se plaignent du fait qu'on les punisse souvent parce qu'ils sont dehors. Cependant, leur classe est régulièrement occupée par les cours de 2ème Langue, mais personne n'écoute leurs explications. Certains enseignants mettent les élèves dehors, parfois injustement ou alors sans leur donner le temps de s'expliquer. Ils trouvent cela injuste.

Parfois, pour les mêmes fautes, l'on donne deux punitions différentes aux élèves ou alors on punit un élève et on laisse l'autre. Ceci est souvent une cause de révolte et d'insolence. Cependant certains enseignants pensent qu'il faut punir et c'est le cas de Mme Rita qui affirme que « La société brandit la tête (d'un meurtrier) pour que les futurs candidats au meurtre y lisent leur avenir et reculent ». Tout comme elle, M. Guy et M. Etienne pensent que l'école est comme un Etat et dont les règles doivent être respectées

- Tenue vestimentaire des enseignants

Nous avons pu remarquer que les enseignants, surtout les femmes s'habillent de manière indécente. Arborant des jupes courtes et serrés, des pantalons épousant de façon excessive les formes du corps, des collants, des décolletés mettant en exergue la poitrine, etc. Une élève s'exprime là-dessus en ces termes : « Il y'a certaines dames qui ne s'habillent pas très bien quand elles viennent donner cours ...les yeux des élèves sont ... Quand un élève va lui avancer les mots, elle va penser que c'est le mépris, or c'est elle qui a cherché » (NEE, Elève N°11). Parfois les enseignants vont en classe comme s'ils allaient faire une course à la boutique de leur quartier sans se soucier de leur apparence physique, chose que les élèves et même les membres de la société regardent pour accorder du respect ou non à une personne.

- Conception et application du règlement intérieur

Nous avons pu constater que le Règlement Intérieur est conçu et adopté par une poignée de personnes qui constituent le Conseil d'Etablissement. Ceux -ci ne consultent pas les élèves et décident de façon arbitraire des catégories de fautes et des sanctions. Ce qui a pour conséquence que, plusieurs élèves ne découvrent la faute et la sanction que lorsqu'ils ont commis un forfait. N'étant pas à la base de l'élaboration du Règlement intérieur, ils ne le connaissent pas. (NEE, 20/10/2016) Certains enseignants le trouvent même trop rigide.

Les punitions ainsi que les sanctions semblent démesurées ou injustes à cause du manque d'application du Règlement Intérieur qui prévoit pourtant toutes les catégories de fautes et établit les règles de fonctionnement au sein de l'établissement. Les élèves se plaignent par exemple que, du fait que la fermeture du portail soit prévue à 07H45 Min, mais généralement l'on ferme à 07h30 et ils sont encore mis en corvée. Ils évoquent aussi «  l'exclusion des élèves sans preuves » juste sur la parole d'un enseignant. (NEE, 2nde).

- Familiarité avec les élèves

Nous avons observé que les enseignants développent une certaine familiarité envers les élèves. Ils rigolent, parlent de tout sauf de leur éducation. Certains font même des business avec leurs élèves, des transactions de filles, etc. Cette attitude amène les élèves à les mépriser. D'autres enseignants courtisent des élèves filles qui le disent à leurs camarades et elles en profitent pour humilier l'enseignant qui perd de son autorité. (NEE, 17/11/2016)

- Le favoritisme ou la corruption

Selon les élèves, un enseignant peut demander l'avis d'un élève pour punir ses camarades ou travailler avec certains élèves en négligeant d'autres qui ont moins de capacités intellectuelles ou financières que les autres. Les élèves se plaignent aussi de la corruption au niveau des Surveillances en ce qui concerne les heures d'absences : « on t'ajoute des heures d'absence... parce que tu as refusé de participer à la corruption ... si tu refuses, on va te mettre mal à l'aise...jusqu'à ce que tu cèdes ». Ils se plaignent aussi de leurs camarades qui monnaient afin d'avoir la moyenne dans certaines matières : « ceux qui échouent vont en classe supérieure parce qu'ils ont négocié et ceux qui ont plus de niveau échouent et sont frustrés » (NEE, 2nde)

- Le sentiment permanent d'injustice

Face à l'Enseignant, l'élève, même s'il est dans ses droits, a toujours tord. Nous avons suivi plusieurs fois dire à un élève qui se révoltait en croyant fermement que ses droits étaient bafoués : « Tu ferais mieux de te soumettre, puisque tu n'auras jamais raison » ou encore « Tu ne peux jamais avoir raison face à ton enseignant ». Et comme le dit l'Elève N°3, « l'élève sachant qu'il aura toujours tord, il préfère se rendre justice ». C'est ce sentiment qui fait que les élèves forment comme un bloc contre l'enseignant, ils soutiennent leurs camarades et dissimulent leurs forfaits. Lorsque le professeur demande par exemple « qui a lancé ce mot », personne ne répond et malgré la punition de la masse, ils ne dénoncent pas.

4.3.4- Les causes internes de la violence des enseignants

4.3.4.1-Mauvaise gestion administrative des enseignants

- Impunité des enseignants et sentiment d'injustice

M. Baba trouve que les enseignants usent de violence sur les élèves parce que rien n'est mis en place pour les sanctionner, il propose de ramener les enseignants qui abusent de leur autorité à l'ordre par exemple en leur adressant des demandes d'explications ou en leur imputant les frais d'une blessure, cela les rendra, de son avis, moins enclins à exercer de la violence. En effet, il n'existe aucun texte interne ou une sorte de Règlement Intérieur pour les enseignants qui définisse ce qu'ils doivent ou ne doivent pas faire.

- Les primes de rendement minables et l'absence de soutien aux ECI

Les primes de rendement payées trimestriellement aux enseignants dans les établissements scolaire et particulièrement au lycée de Tigaza sont ridicules et dérisoires quand on les compare à ceux de la justice, des formations hospitalières, des services financiers (douanes, impôts, trésor, etc.). Ils vont un enseignant de catégorie A2 peut toucher de 1500Frs à 10 000frs. Mme Rita évoque aussi le « mauvais accueil réservé aux ECI » à qui l'on demande de travailler sans ressources, ceci peut mener à la révolte. (NEP, 15/11/2016).

4.3.4.1-Rétablir son autorité

L'enseignant réagit généralement à la violence des élèves pour rétablir ou faire son autorité bafouée participer une activité. M. Baba par exemple reconnaît avoir insulté lorsque l'élève trouble les explications ou ne fait pas ce qu'i veut. Il dit : « Dénigrer une personne inférieur à vous permet de remettre de l'ordre. Bien que ce ne soit pas bien. » et précise qu'un bon élève ne subira jamais de violence de la part de l'enseignant.

Pour M. Guy, la violence en milieu scolaire est légitime et il faut toujours la prendre au sens positif, au risque de mal la saisir. Il raconte qu'il a du exercer de la violence sur un élève qui refusait de se mettre dehors et « voulait jouer au dur ». « je suis allé l'empoigner, je suis allé l'attraper de là où il était et je l'ai bousculé pour le mettre dehors. Ce qui était gênant c'était qu'il souriait, c'est-à-dire, il me narguait » (NEE, 20/10/2016). L'enseignant estime ici avoir été méprisé, il interprète même le sourire de l'élève comme un défi et réagit avec violence comme pour relever le défi et ne pas perdre la face devant les élèves.

Chapitre V : INTERPRETATION DES RESULTATS, DISCUSSION ET SUGGESTIONS

Dans le présent chapitre, nous nous attèlerons à relire les résultats sous l'angle des théories qui on guidé notre recherche afin d'expliquer la violence en milieu scolaire. Ensuite, il sera ensuite question de discuter ces résultats pour identifier et faire comprendre leurs limites. A la fin, nous nous permettrons d'émettre quelques suggestions sur la base des résultats obtenus.

5.1-INTERPRETATION DES RESULTATS

L'interprétation des résultats obtenus grâce à l'analyse de contenu nous permettra, à partir des hypothèses de recherche, de confronter les théories qui soutiennent notre étude après les avoir commentés et mis en forme.

5.1.1-Interprétation de l'hypothèse de recherche N°1 (HR1)

Notre première hypothèse affirme que le fonctionnement de l'institution scolaire contribue à la montée de la violence en milieu scolaire. A la suite des observations faites du quotidien des acteurs du milieu et des cours et à l'aide des entretiens et des documents qui nous ont permis de compléter les observations nous avons fait une analyse des manifestations et des causes internes de la violence. Celle-ci montre des défaillances dans la gestion administrative et pédagogique des élèves ainsi que dans l'attitude des enseignants, ce qui peut contribuer à l'escalade de la violence en milieu scolaire.

En effet, la violence symbolique développée par Pierre Bourdieu (1972, 1997) se manifeste dans le fonctionnement de l'institution scolaire par cette imposition des représentations et des normes, c'est ce que Joan Galtung (1972) appelle la « violence structurelle ». Les enseignants représentent la classe dominante exerçant, au sein de l'école, son arbitraire sur les élèves qui, de façon consciente ou non intègrent leur position de dominés. Ils doivent obéissance et soumission sans conditions aux enseignants face auxquels ils auront toujours tord. Ils acceptent alors tant bien que mal les normes imposées par un Règlement Intérieur jugé trop rigide et à l'élaboration duquel ils n'ont pas participé. Par ailleurs, il n'existe aucune règle explicite régissant le comportement des enseignants qui, eux, agissent en toute impunité. C'est à cause de cela que les élèves sont solidaires les uns des autres, tout comme les enseignants le sont entre eux. Ils forment un bloc face à la classe dominante pour défendre un des leurs, même s'il est dans l'erreur.

Les enseignants brandissent leur mission éducatrice comme le faisaient les colons avec leur « mission civilisatrice ». Pour eux, les élèves sont tous des petits sauvages ou des « sauvageons » pour reprendre le terme de Débardieux (1998), des « ignorants », des petits « mal éduqués » ou « pas éduqués » qu'il faut à tout prix « dresser » ou « redresser » (Cf. M. Guy), à qui il faut transmettre la civilisation, les « civilités ». Ceci passe par la discipline, la discipline et encore la discipline. Tout le monde est pour que soient respectées les règles.

Un autre aspect de la violence symbolique est l'inégalité des chances pour accéder à l'école et même pour y réussir. En effet, le recrutement est truqué à la base car on a l'impression que pour y entrer, il faut soit être parrainé soit monnayer. Et en plus de cela la démocratisation et la massification de l'école fait que pauvres et riches se battent pour que leurs enfants aillent à l'école, ce qui fait que les effectifs sont pléthoriques comme le montre le tableau de répartition des divisions par classe. Une fois qu'ils y ont accès, il leur faut encore pour y réussir, se battre en travaillant dur. Certains élèves peuvent réussir aisément à cause de leurs facultés intellectuelles plus développées. Les enseignants préfèrent ainsi travailler avec eux délaissant les autres qui sont obligés de fournir plus d'effort pour être à la hauteur quand ils ne se découragent pas et restent passifs sachant qu'ils seront toujours « faibles », « mauvais élèves ». D'autres encore réussissent à cause de la corruption favorisée par les enseignants eux-mêmes, créant ainsi des frustrations qui plus tard génèrent de la violence. En outre le système d'évaluation favorise juste les élèves « forts », sans tenir compte de ceux qui ne comprennent pas facilement. Parfois les évaluations sont faites sans préparation préalable des élèves qui, quand ils ont de mauvaises notes, sont traités de « faibles », « fainéants ».

Philippe Braud (2002), considère aussi que cette dépréciation qui se traduit aussi par toute forme d'injures, de paroles et d'attitudes de dénigrement, de calomnie, de stéréotypes est une violence symbolique. Braud le démontre en montrant que Car selon Braud, « c'est l'École, une institution égalitaire, ouverte à tous mais vouée à consacrer le mérite et l'excellence, qui constitue le lieu privilégié d'intériorisation du stigmate. » Les enseignants aussi parfois victimes de l'arbitraire de l'administration qui ne leur donne pas assez de parole dans la prise de décision et même des élèves qui, parfois les poussent à bout, réagissent à cette violence qui leur fait perdre leur dignité et leur autorité devant les élèves de façon instinctive. Ils vivent l'attitude des élèves comme échec dans l'exercice de leurs fonctions et se sentent harcelés en permanence par ceux qu'ils sont censés conduire, éduquer.

Enseignants et élèves s'attaquent mutuellement chacun à l'identité physique ou morale de l'autre à travers l'attribution des qualificatifs ou des noms péjoratifs, qui de façon subtiles sont dépréciatifs. Ils se retrouvent dans une situation où les repères sont ébranlés car chacun se méfie de l'autre qu'il soupçonne constamment de lui vouloir du mal. C'est ce qui justifie cette animosité permanente entre les deux, cette agressivité spontanée face à l'attitude des uns et des autres.

Partant ainsi de la théorie de la violence fondamentale de Jean Bergeret, nous pouvons constater que les élèves réagissent de façon violente à la sensation qu'ils ont d'être opprimés, de perdre leur dignité. Ils agissent de façon instinctive et défensive à  la menace «  narcissique », celle de leur identité, que leur opposent les enseignants, sans haine préalable, juste de façon spontanée. Ainsi, les humiliations ou encore ce qu'ils considèrent comme « manque de respect » de la part des pairs ou des enseignants, les punitions exagérées ou injustes et la rigidité du Règlement intérieur constituent autant de motifs pour que les élèves réagissent de façon violente vis-à-vis de leurs pairs et des enseignants. Les incivilités, les agressions physiques et verbales, les refus d'obtempérer sont autant de réactions spontanées face à la menace que représente l'enseignant.

5.1.2-Interprétation de l'hypothèse de recherche N°2 (HR1)

La deuxième hypothèse de recherche prédit que l'environnement socioéconomique contribue à la montée de la violence en milieu scolaire. En effet, nous avons constaté en présentant les résultats que d'une part, l'origine socioéconomique, voire culturelle, la nature et l'âge de l'élève d'autre part, la situation économique et sociale de l'enseignant qui fait de lui un marginalisé dans la société ainsi que la nature même tant de l'élève que de l'enseignant sont de nature à favoriser la montée de la violence en milieu scolaire.

Les inégalités socioéconomiques qui se manifestent par le statut social et économique des parents se répercutent à l'école avec les enfants dits de familles nantis qui ne se lassent pas de brandir leur supériorité aux élèves issus de familles pauvres, renforçant en eux le complexe d'infériorité et les frustrations qui les poussent à vouloir ressembler aux autres. Le vol et le racket des pairs sont les expressions de cette recherche de repères. Et lorsqu'en plus de cela les enseignants le leur confirment par des attentions particulières qu'ils donnent à certains de leurs camarades du fait des moyens financiers dont disposent leurs parents pour pouvoir leur offrir tous les manuels scolaires, un répétiteur et le confort possible, cela contribue à les révolter et à les rendre violents.

En outre, certains groupes religieux ou ethniques exhibent, dans la société, leur supériorité vis-à-vis des autres et ceci se répercute souvent à l'école. En effet, les membres de ces groupes religieux ou ethniques aiment bien se distinguer des autres en restant entre eux, comme l'affirme M. Balia. Ils adressent des paroles dépréciatives aux autres groupes et il est à noter que, l'appartenance à une ethnie, à une religion ou à une culture en général et la valeur symbolique qu'on y apporte peut être si forte que toute atteinte à cette identité si bien construite est vécue de manière douloureuse. La réaction à cette douleur est généralement violente, car exprime le désespoir et la volonté de réparer l'affront ou l'humiliation subie. On pourrait dire ici que la violence symbolique met en branle la violence fondamentale dans l'optique de la préservation du soi identitaire et de sa dignité.

Les médias contribuent aussi à l'ébranlement des identités des apprenants à travers la diffusion des idéaux culturels dictés par l'occident, par le style de vie des stars et qui sont intégrés comme modèles par excellence au détriment des valeurs africaines qui, comparées à celles prônées par les médias semblent inférieures, rétrogrades, désuets. C'est pour cette raison qu'on verra des élèves rétrécir les pieds de leurs pantalons, mettre la ceinture en dessous des fesses, faire une crête avec leurs cheveux, en ce qui concerne les garçons, les filles quant à elles rétrécissent les jupes, portes des bijoux, des maquillages et des chaussures extravagants. La façon même de s'exprimer change et bien d'autres choses, c'est ce que Braud caractérise de « intériorisation de l'infériorité identitaire associée parfois à des mécanismes de surcompensation par imitation compulsive des comportements dominants ». Ces comportements dominants seront aussi le fait de se lever aussitôt qu'on sonne, sans laisser le professeur conclure le cours, répondre avec insolence aux enseignants, etc.

5.2-DISCUSSION DES RESULTATS

Il est question ici de rendre compte des perceptions réelles des participants et de nos perceptions personnelles au cours de cette étude en mettant en exergue les concepts, les relations ou modèles révélés par ces résultats. Avant cela, il est nécessaire de rappeler que la première hypothèse de recherche affirmait que le fonctionnement de l'institution contribue à la montée de la violence en milieu scolaire et la deuxième hypothèse prédit que l'environnement socioéconomique contribue à la violence en milieu scolaire.

Michel Develay (1996) affirme que, ce qui crée la crise au sein de l'institution est que, l'école comme espace dans lequel les élèves séjournent pendant une longue période de leur vie, c'est-à-dire de la tendre enfance à la fin de l'adolescence, est un espace impersonnel, « froid », « sobre », un espace sans vie. En effet, l'architecture même de l'école est semblable à celle des prisons : les salles de classe sont exigües avec une seule issue sortie possible (même lorsqu'on prévoit deux portes, la deuxième ne sert généralement pas), l'enceinte est protégé par une clôture haute qui empêche de s'en échapper avec de part et d'autres des Surveillants postés comme des policiers en faction prêts à et tirer sur tous ceux qui surgissent de la salle de classe et qui appliquent le Règlement Intérieur de façon mécanique. Ils mettent par exemple en corvée, infligent des heures d'absences et au besoin, confient à leur hiérarchie des cas qu'ils jugent graves des exclusions définitives, souvent prononcées sans voie de recours. La salle de classe impose une seule posture et une seule méthode, le magistro-centrisme. Le professeur est le maître à bord et tous les regards sont braqués vers lui pour boire la connaissance. Les effectifs pléthoriques créent la chaleur et la tension dans la salle de classe, tant pour les élèves que pour les enseignants.

A cette violence même du cadre institutionnel s'ajoute celle des enseignants avec leurs attitudes qui sont de nature à susciter des tensions. En effet, la relation élèves-enseignants est une relation emprunte de conflit parce que les enseignants considèrent d'abord leur métier comme un gagne-pain, qui leur permet de résoudre leur problèmes socioéconomiques. Il y'a donc absence de vocation, d'amour pour ces humains dont ils ont la charge et dont l'avenir est entre leurs mains. Beaucoup se donnent pour objectif de ne jamais rire ou « blaguer » avec les élèves, d'être le plus inaccessible possible. Les élèves s'en plaignent, car aimeraient voir chez leurs enseignants, cette affection qu'un parent a vis-à-vis de ses enfants. Ils vivent mal cet éloignement, ce fossé qui se creuse plus profondément et qui à la limite influence la finalité même voulue par le processus éducatif. L'élève N°11 l'exprime clairement : « Il y'a un temps pour donner cours, il y'a un temps pour causer. Si tu ne causes pas avec un élève, il ne va pas te considérer et te manquer de respect ». Nous ressentons à travers ces paroles un besoin de communiquer, de dialoguer avec l'enseignant, de se confier. Besoin que les enseignants ignorent délibérément et renforcent par leurs attitudes le sentiment de frustration des élèves.

Pierre Merle (2002) en parlant de la violence de l'institution présente les types d'humiliations subies par les élèves. Il montre que le fait de présenter publiquement les difficultés d'un élève dans une discipline ou proférer des injures pour incompétence scolaire, de remettre les copies par ordre décroissant, classer les élèves par ordre de mérite ou encore d'annoncer publiquement quelles sont les meilleures classes, donner des surnoms ou des sobriquets aux élèves, envoyer un élève en situation difficile d'apprentissage au tableau et bien d'autres, sont autant de variétés de mise en cause publiques qui représentent aussi des humiliations des élèves. Il démontre que, passer au tableau représente souvent pour les élèves une sorte de « passage à tabac » que ces derniers vivent avec beaucoup de peines.

L'entrée et la sortie du cycle secondaire est froide, sans émotions, sans implications particulières de l'administration ou des pairs. Ceux de la classe de 6ème par exemple ne se retrouvent pas dans cet environnement où l'on se contente de leur faire faire un concours. Aucun accueil particulier ne leur est réservé pour leur expliquer ce qui les attend et comment ils doivent s'orienter. De même, aucune cérémonie d'Au revoir n'est prévue pour les finissants. Les élèves passent ainsi leur vie dans un milieu où ils ne trouvent rien d'attachant, où ils ne se sentent pas intégrés. C'est pour cette raison qu'ils peuvent s'attaquer à l'espace scolaire en le détruisant, aux camarades, aux enseignants et à l'équipe administrative, car ils se sentent opprimés, oppressés. Parfois s'ils y restent c'est, comme le pense Mme Rita, pour faire plaisir aux parents. Ils n'y trouvent pas de motivations personnelles.

En analysant le problème de la violence en milieu scolaire, nous avons aussi constaté que plusieurs problèmes vécus au sein de l'école sont d'origine sociale. Le vécu des acteurs de l'éducation dans l'environnement familial, dans le quartier se transpose à l'école avec tout ce qu'il comporte de frustrations, d'inégalités, de combat pour la survie. Michel Develay (1996), pour montrer le lien entre l'environnement social et l'école disait : « Lorsque la société s'enrhume, l'Ecole tousse. L'inverse aussi est vrai : quand l'école a de la fièvre, la société se sent fébrile ». Cette thèse montre que l'école a de plus en plus du mal à échanger avec la société alors que les deux sont liés. Il propose que les valeurs et les réalités de la société soient celles de l'école. L'école se soucie moins, de son avis, de ce qui se passe dans la société. Il considère que ce qui fait problème à l'école c'est qu'au lieu de promouvoir la transdisciplinarité face aux changements sociaux, elle continue à enseigner les disciplines séparément, ne répondant pas aux problèmes réels des apprenants qui ne demandent qu'à être sûrs que l'école leur accordera un épanouissement certains dans la société.

Les élèves, issus de milieux défavorisés voient en l'école la reproduction des schèmes et des inégalités socioéconomiques à cause de ce qu'ils subissent de la part des camarades et des enseignants. C'est ce qu'a démontré Merle qui affirme que : « Les humiliations sur la personne sont orientées par l'honorabilité des statuts sociaux et la noblesse des origines ». Les interpellations ou les qualificatifs liés à la profession des parents ou à l'origine sociales sont donc monnaie courante, si l'on s'en tient à Merle et si l'on compare les résultats obtenus en rapport avec nos hypothèses de recherche.

Cette étude nous paraît donc pouvoir être d'un apport considérable dans le domaine des Sciences de l'Education et surtout dans la Gouvernance des établissements scolaires car celle-ci ne saurait être efficace dans le chaos, dans le désordre. Parler de bonne gouvernance à l'école, c'est parler des problèmes que rencontrent les acteurs de ce milieu si sensible. La combinaison des deux facteurs internes et externes qui s'influencent mutuellement et influencent la violence au sein de l'école permettra de mieux cerner cette dernière et même de l'éradiquer.

5.3- SUGGESTIONS

Après l'interprétation et la discussion des résultats, il est important, de notre point de vue, de faire quelques recommandations, qui ne sont pas des solutions miracles aux problèmes de violence en milieu scolaire, mais qui, nous l'espérerons, constitueront des pistes pour commencer à régler le problème dès la base. Ainsi, nos suggestions sont aux pouvoirs publics, aux Chefs d'établissements et aux élèves.

5.3.1-Aux pouvoirs publics

Nous suggérons de mettre en oeuvre des mécanismes visant à revaloriser l'enseignant et à améliorer son statut professionnel. Cela passera par le traitement rapide des dossiers des ECI afin que leur prise en charge commence dès l'entrée à l'Ecole Normale Supérieure, sans qu'ils n'aient à vivre cette précarité qui les rend vulnérables face aux enfants et qu'ils accomplissent leur mission avec plus d'engouement. En outre, les enseignants revendiquent encore la revalorisation du salaire de base, de la prime de documentation et de recherche, l'intégration immédiate des enseignants d'EPS dans le statut particulier des corps de l'éducation nationale, le rééchelonnement indiciaire, l'attribution des palmes académiques, et bien d'autres encore.

Nous suggérons aussi que le recrutement des enseignants se fasse sur la base d'une enquête de moralité, car nous avons constaté que des personnes de moralité et de mentalité basses gèrent l'éducation de nos enfants. L'exemple qu'ils leur donnent ce sont les injures, les comportements déviants et la corruption. Ceci nous conduira à coup sûr à une société du chaos. Il est aussi important que l'on intègre dans la formation des enseignants un cours spécial sur la prévention de la violence en milieu scolaire et que l'accent soit mis sur la tenue vestimentaire et le comportement des enseignants et que le vide législatif qui favorise l'impunité en ce qui concerne les attitudes des enseignants vis-à-vis des élèves soit comblé.

5.3.2-Aux Chef d'établissements

La réduction du nombre d'élèves par classe est une priorité pour résoudre le problème de violence en milieu scolaire et, dans la mesure du possible cela passe aussi par un système de recrutement sans corruption et sans favoritisme, avec des bases claires, applicables à tous. L'emploi d'un psychologue ou un travailleur social dans l'école est aussi une nécessité. En effet, l'école devrait être un milieu captivant, parlant, où les élèves se sentent libres et intégrés. Il est question de leur montrer qu'ils font partie de cet ensemble et qu'ils doivent en être responsables et fiers. Les discours aux élèves lors des rassemblements et dans les salles de classe doit les pousser à s'exprimer sur

Sensibiliser les collaborateurs en matière de prévention des conflits en leur rappelant constamment la noble mission qu'est la leur. Les mettre dans les conditions de travail adéquats en mettant à leur disposition le matériel nécessaire et en revalorisant autant que possible les primes de rendement, afin qu'ils se sentent épanouis et intégré dans l'atteinte des objectifs de l'éducation.

Les rencontres régulières avec les Chefs et les Délégués des classes voire même avec chaque classe doivent être instaurées afin de mieux connaître quels sont les problèmes réels des élèves, leurs revendications, etc. Cela leur permettra de s'exprimer et donnera l'occasion de découvrir ce qu'ils subissent de la part des enseignants ou des membres de l'administration. Un sondage leur permettant de proposer des sanctions à des cas d'indisciplines tant des élèves que des enseignants peut être fait afin d'élaborer un Règlement intérieur dans lequel tous se reconnaîtraient et qui sera actualisé et adopté chaque année.

Les conseils de classe doivent être des moments où il est vraiment question de parler de tous les problèmes des élèves, il est même possible de les y inviter et non de prendre des décisions arbitraires qu'ils subiront. Cette occasion et même la remise des bulletins peut être l'occasion d'une tripartite entre élèves, enseignants et parents d'une salle de classe. C'est ici que les Professeurs principaux doivent s'investir pour faire de leurs classes de véritables petits établissements avec une association des parents d'élèves de sa classe où ceux-ci s'imprègneraient des problèmes que rencontrent leurs enfants. Ce sera certainement l'occasion de connaître les conflits familiaux que ceux-ci rencontrent et d'aider les parents à les régler.

5.3.2-Aux Enseignants

Nous suggérons aux enseignants de développer leur conscience professionnelle en élaborant correctement leur leçons sur la base des programmes officiels, en les dispensant correctement tout évitant un encyclopédisme écrasant et coupé de la vie et en préparant les élèves aux évaluations qui ne doivent servir que des intérêts pédagogiques visant à jauger le niveau des élèves en vue d'éventuelles améliorations. La propreté et une tenue vestimentaire descente sont aussi des atouts pour susciter l'admiration et même l'adhésion des élèves aux enseignements. Tout ceci doit être emprunt de courtoisie, de compréhension.

Dans un contexte où les classes ont des effectifs élevés, les enseignants d'une même classe doivent s'entendre avec le Professeur principal sur la gestion et le suivi disciplinaire, pédagogique et même psychosocial des élèves. Il peut être question ici de connaître le cadre de vie de l'élève, ses problèmes externes qui peuvent influencer l'apprentissage afin de développer tous ensemble des stratégies visant à ce que tous les élèves de la classe aient les mêmes chances de réussite.

CONCLUSION GENERALE

L'objet de cette étude était : La violence en milieu scolaire : cas du Lycée de Tigaza à l'Est-Cameroun. En effet, malgré la loi de l'orientation de l'Education au Cameroun et les différents textes qui régissent les comportements des acteurs de l'éducation au sein des établissements scolaires, la violence est de plus en plus grandissante à l'école. Aucune relation dans la recherche des causes et des solutions de remédiation n'est faite entre la violence des apprenants, celle des enseignants, les méthodes de l'institution scolaire et l'environnement socioéconomique de l'école. La recherche s'est donc attelée à répondre à une question fondamentale : le contexte scolaire contribue-t-il à la montée de la violence en milieu scolaire ? En questions secondaires : le fonctionnement interne de la structure scolaire, l'environnement socio-économique contribuent-t-ils à la montée de la violence en milieu scolaire ? L'objectif de cette recherche était donc de montrer que le fonctionnement de l'institution scolaire ainsi que l'environnement socio-économique de l'école contribuent à la montée de la violence en milieu scolaire.

La méthode qualitative basée sur l'observation des acteurs du milieu dans leur vécu quotidien pendant un mois, l'observation de 798 minutes de cours et les entretiens avec deux groupes d'élèves des classes de 3ème et de 2nde et 07 enseignants ainsi que l'analyse des documents nous ont permis de vérifier les hypothèses suivantes :

Hypothèse Générale : le contexte scolaire contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

Hypothèses de recherche 1 : Le fonctionnement de l'institution scolaire contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.

Hypothèses de recherche : L'environnement socio-économique de l'école contribuent à la montée de la violence en milieu scolaire.

Nous sommes appesantis sur la théorie de la violence fondamentale de Jean Bergeret et la théorie de la violence symbolique de Pierre Bourdieu pour arriver au résultat que : la violence des élèves est liée, d'une part, aux causes socioéconomiques et culturelles que sont la pauvreté, les frustrations familiales, les mauvaises compagnies, les médias, la religion, la tribu. D'autres parts, les méthodes de recrutement empreintes de corruption et de favoritisme, la rigidité du Règlement intérieur, les attitudes des enseignants et la mauvaise gestion administrative des enseignants représentent des éléments du fonctionnement de l'institution scolaire qui sont de nature à favoriser la violence en milieu scolaire. En outre, la volonté politique est en inadéquation avec l'idée de l'Education comme priorité nationale.

En somme, pour limiter la violence, il faut connecter de façon réelle et non virtuelle les différents acteurs de l'éducation et injecter l'affectivité afin d'évacuer ensemble les causes de la violence et contribuer efficacement au combat contre l'ignorance et par ricochet au développement du pays. Il est donc finalement souhaitable que les recherches sur la violence en milieu scolaire soient d'avantage encouragées, notamment la recherche des moyens institutionnels de lutte contre la violence en milieu scolaire. Cette approche permettra rendre à l'école son humanité, de lui redonner un sens

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ANNEXES

GRILLE D'OBSERVATION

En nous inspirant de certains auteurs (Merriam, 1998 ; Woods, 1999 ; Emmer & Gerwels, 2002 ; Dolezal, Welsh, Pressley, & Vincent, 2003; Blondin, 2004 ; Martineau, 2004) notre grille d'observation s'articulera autour de cinq points:

5) Description physique de l'école et des salles de classe

· Architecture,

· Disposition des bureaux et des salles de classe

· Gestion de l'espace dans les salles de classe,

· Etat des murs et du mobilier,

· Voisinage (environnement social de l'école)

6) Les participants

· Personnes en scène et leurs rôles,

· Caractère les plus visibles des participants.

7) Les activités et les interactions hors et dans la classe

· Interactions et comportements des élèves et de l'enseignant pendant le cours.

· Activités menées et degré d'implication des élèves,

· Normes structurant les activités et les interactions au sein de l'établissement,

· Gestion de la violence des élèves et des enseignants par l'administration du Lycée.

8) Les communications

· Contenu des discours des élèves et des enseignants en rapport avec la violence à l'école,

· Personne mise en scène pendant ces communications,

· Attitudes adoptées

5) La posture du chercheur

· Son influence sur la scène,

· Réflexions personnelles sur certains évènements,

· Actes posés et paroles dites face à certains évènements.

LE GUIDE D'ENTRETIEN

Ø La première partie : Identification des participants

- Sexe

- Age

- Région d'origine

- Religion

En ce qui concerne les enseignants.

- Expérience professionnelle

- grade

Pour les élèves

- Type de famille

- Profession des parents

Ø La deuxième partie : Violence en milieu scolaire.

1ère sous-thème:

1- Manifestations de la violence scolaire

a) Les manifestations de la violence chez les élèves

- Comment se manifeste la violence entre élèves ?

- Comment se manifeste la violence des élèves envers les enseignants ?

*Dans la salle de classe

*Au sein du campus scolaire

b) Les manifestations de la violence chez les enseignants

- Comment se manifeste la violence des enseignants envers les élèves ?

- Comment se manifeste la violence institutionnelle sur les élèves ?

2- Causes de la violence scolaire

a) Les causes externes de la violence en milieu scolaire.

- Quelles sont les causes externes de la violence chez les élèves ?

- Quelles sont les causes externes de la violence chez les enseignants ?

b) Les causes internes de la violence en milieu scolaire (liées au fonctionnement interne de l'institution)

- Quelles sont les causes internes de la violence chez les élèves ?

*causes liées à l'attitude des enseignants

*causes liées au fonctionnement de l'institution

- Quelles sont les causes internes de la violence chez les enseignants ?

3) quelles sont les solutions éventuelles à la montée de la violence en milieu scolaire ?






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard