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INTRODUCTION GENERALE
La loi N°98/004 du 04 avril 1998 portant organisation de
l'éducation au Cameroun précise en son article 2 que
l'éducation est une grande priorité nationale et
à l'article 4, elle assigne à l'Education sa mission
générale qui est la formation de l'enfant en vue de son
épanouissement et de son insertion harmonieuse dans la
société en clarifiant en son article 5 que son objectif est
la formation aux grandes valeurs éthiques universelles ainsi que le
sens de la discipline. Pour mener à bien cette mission si noble, le
législateur interdit dans l'article 35 l'usage de la violence sous
quelques formes que ce soit. Des circulaires ministérielles
reprécisent régulièrement ces missions en insistant sur le
comportement tant des élèves que des enseignants au sein de
l'école. Cependant, l'on semble être loin de cet idéal. En
effet, la violence en milieu scolaire est un phénomène de plus en
plus présent dans les discours populaires et dans les médias. Les
titres sensationnels dans la presse écrite, à la
télévision et même sur Internet parlent de son escalade
à l'école. Au regard de ce qui en est dit, l'école n'est
plus cet îlot de paix au milieu des guerres diverses auxquels la
société et en particulier le Cameroun doit faire face. La
violence y a élu domicile. Les enseignants disent ne plus être en
sécurité dans l'exercice de leurs fonctions, ils se plaignent des
élèves qui ne respectent plus rien, qui n'ont aucune valeur et
aucun sens du respect des aînés. Ils sont dépravés
et sèment la terreur dans les salles de classe. Dans les lycées
de la ville de Bertoua et au lycée de Tigaza en particulier, il est
rare, voire impossible de passer une journée sans recenser un cas de
violence tant entre élèves qu'entre élèves et
enseignants.
Notre recherche dans le domaine de la violence en milieu
scolaire part du constat que les médias, les responsables en
matière d'Education et même les chercheurs ne s'appesantissent pas
sur ses causes profondes et se contentent de mettre en exergue les
manifestations de la violence des élèves et quelque fois celle
des enseignants ainsi que les conséquences immédiates telles que
les blessures, le décès, les dégâts
matériels, etc. Aucune visibilité n'est faite dans la relation
entre la violence des élèves tant décriée, les
attitudes des enseignants, les méthodes de l'institution scolaire ainsi
que l'environnement socioéconomique dans lequel l'apprenant
évolue sans oublier les priorités réelles des pouvoirs
publics.
En effet, Jean Bergeret(1994) pense que la violence est un
instinct naturel, l'essence de l'homme, celle sans laquelle il ne peut exister
et qui se manifeste face à un sentiment d'injustice, de perte de sa
dignité, de son identité et même de sa liberté. Pour
lui, la violence est fondamentale et peut être dominée et
utilisée positivement par l'éducation. Cependant, Pierre
Bourdieu, dans sa théorie de la violence symbolique pense qu'avec la
démocratisation et la massification de l'école les
inégalités sociales se renforcent d'avantage avec
l'inégalité des chances de réussir ainsi que
l'inégalité des places même au niveau de l'insertion
professionnelle. Il se développe au sein de l'institution scolaire des
frustrations liées à l'imposition sournoise des
représentations et des normes auxquelles les élèves
réagissent soit en se soumettant, et ceci pour un court temps, soit en
se révoltant de façon violente.
C'est partant de ces théories, nous
énonçons, au cours de notre étude intitulée
« La violence en milieu scolaire : cas du Lycée de Tigaza
à l'Est-Cameroun », l'hypothèse selon laquelle le
contexte scolaire contribue à la montée de la violence en milieu
scolaire. Cette hypothèse a généré deux autres
hypothèses de recherche :
HR1 : Le fonctionnement de l'institution scolaire
contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.
HR2 : L'environnement socio-économique contribue
à la violence en milieu scolaire.
Pour vérifier ces hypothèses nous nous
appuierons sur la méthode de recherche qualitative basée sur
l'observation des acteurs du milieu scolaire (évènements
quotidiens, cours, activités scolaires), les entretiens avec les
élèves et les enseignants ainsi que l'analyse des documents
internes du lycée de Tigaza.
L'étude est répartie en cinq chapitres: Le
Chapitre I s'intéresse à la problématique de la violence,
aux hypothèses, aux différents intérêts de
l'étude, à sa pertinence ainsi qu'à sa délimitation
scientifique, thématique et géographique. La définition
des concepts clés clôturera ce chapitre. Le Chapitre II est
consacré à la Revue de la littérature et à
l'insertion théorique. Le Chapitre III présente la
Méthodologie de la recherche utilisée ainsi que le site de
l'étude et les techniques de collectes des données. Au Chapitre
IV nous présenterons et analyserons les résultats obtenus
et le Chapitre V nous servira à Interpréter ces
résultats, à les discuter et à faire des recommandations.
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE
CHAPITRE I :
PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE
Dans ce chapitre, nous présenterons le contexte de
notre étude, ensuite nous formulerons le problème qui a
suscité notre recherche en formulant des questions, des
hypothèses et des objectifs de cette recherche tout en dégageant
les intérêts de celle-ci au plan social, pédagogique et
scientifique. La définition des mots clés de notre étude
clôturera cette partie.
1.1-
CONTEXTE DE LA RECHERCHE
1.1.1- Violence des
élèves : signaux d'une école en crise?
Vendredi 23 octobre 2015 au lycée de Tigaza,
établissement d'enseignement secondaire public de la ville de Bertoua
à l'Est-Cameroun. Un conseil de discipline spécial est
convoqué par le Proviseur en fin de journée faisant suite aux
comptes-rendus accablants de ses collaborateurs qui se sentent
débordés par les évènements de la semaine en
général et de la journée en particulier. En effet, un
élève de Terminale A4 Allemand qui tente de sortir de l'enceinte
du lycée pendant la deuxième pause, s'en prend au Surveillant de
Secteur qui veut l'en dissuader. Il le blesse d'un coup de tête à
la bouche et le Surveillant, à la vue de son sang, veut en
découdre avec l'élève. Les deux sont immaîtrisables
et cela crée un remue-ménage difficile à gérer,
surtout que plus de 2500 élèves observent la scène en
criant. D'autres se mêlent à la bagarre soit pour venger leur
grand-frère blessé soit pour apporter un renfort à leur
camarade. Des collègues tentent de les séparer et
reçoivent dans la mêlée des coups de poing.
Débordée, l'administration du lycée est obligée de
faire appel aux forces de maintien de l'ordre qui emmènent
l'élève avec grande escorte. Pendant que cette situation est
entrain d'être maîtrisée et que la fin de la pause est
sonnée, un élève agresse un enseignant de Sciences, lui
interdisant de poursuivre son cours dans une classe de 3ème.
Fort heureusement, l'administration intervient immédiatement et
recherche l'élève qui s'est enfuit. Son nom sera
révélé par ses camarades après des menaces et l'on
découvrira que l'élève mis en cause vient d'une autre
classe de 3ème dans laquelle l'enseignant n'intervient pas.
Les motivations de son acte restent un mystère.
Plus tôt dans la matinée un élève
de 2nde C refuse d'exécuter la punition d'une jeune
enseignante d'Histoire-Géographie-ECM et sort de la classe sans
permission. Il y revient une heure après pour prendre son sac
malgré l'interdiction d'entrer de l'enseignante et ressort en la
narguant. A la fin de son cours, cette dernière arrive toute
éplorée à la Surveillance Générale. Elle se
sent impuissante et demande de l'aide pour rétablir son autorité.
Convoqué par la Surveillante Générale, le même
élève se plaint de son camarade qui, ne supportant pas son refus
de lui prêter son cahier de Physiques, a ramassé une pierre et
menacé, en plein cours, de lui casser la tête.
Simultanément, un Inspecteur Pédagogique Régional de
Français remarque pendant le cours auquel il assiste en classe de
3ème qu'un élève ne copie pas la leçon.
Interpellé, ce dernier révèle qu'il est victime du
harcèlement d'un de ses camarades qui lui demande une somme de 5000
FCFA pour récupérer son cahier. Il lui a déjà
donné 2000FCFA et, par peur, n'a osé se confier à
personne.
Quelques jours plus tôt, le Mardi 20 Octobre 2015, un
autre élève de 3ème frappe son camarade en
plein visage à la cantine du lycée et lui arrache l'argent
prévu pour son goûter. Après son forfait, il escalade la
clôture. Deux Censeurs le retrouveront fumant une cigarette en face de
l'entrée du lycée sans se soucier de leur présence. Le
jeudi 22 Octobre 2015, un élève de Première D, dont le
père est en fonction au lycée, menace de découper à
la machette le Censeur en charge du Travail Manuel dans leur salle de classe,
parce que ce dernier, suite à son comportement indélicat, lui
demandait de se mettre dehors. Dans la même semaine un autre
élève de Première, exclu du lycée quelques
années auparavant pour délinquance, est surpris entrain de jouer
au Poker communément appelé « Jambo » avec
ses camarades. Tous et bien d'autres cas encore passent au conseil de
discipline et écopent de sanctions allant de l'exclusion temporaire
à l'exclusion définitive.
Cette présentation n'est qu'un échantillon de
ce qu'enseignants, élèves et membres de l'administration
expérimentent quotidiennement dans les lycées et collèges
de la République du Cameroun. Les médias ne sont pas
indifférents à cette escalade de la violence en milieu scolaire
et, plus que par le passé, la décrivent, la décrient. La
plupart en parlent en termes d'«indiscipline »,
d'« insécurité » ou de
« violence » à l'école. Ange-Gabriel Olinga
B., (2012) en parlait déjà lorsqu'il faisait état de
l'exclusion le 1er mars 2012 de 06 élèves au
Lycée Technique de Bertoua-Kpokolota pour « bagarre
rangée à main armée, détention et usage d'arme
blanche en plein campus, coups et blessures légères, escalade et
incitation à la violence ». En outre, une fille écope
de 02 jours d'exclusion parce qu'elle gonflait des préservatifs
masculins en plein cours. Deux mois plus tôt, 05 élèves
détenant et consommant des stupéfiants sont aussi exclus du
même lycée. Au premier trimestre de la même année
scolaire, une dizaine d'élèves du Lycée Scientifique de
Bertoua est exclue pour des motifs similaires et le Mercredi 26 Février
2014, 07 autres sont exclus pour consommation abusive d'alcool dans
l'établissement, port d'armes blanches dans les salles de classe et
menaces de mort à l'endroit des élèves et des enseignants
(cops.mboa.info, Février 2014). Toutes ces mesures visent à
ramener un peu d'ordre et de calme dans les établissements en proie
à l'indiscipline.
En effet, la violence en milieu scolaire, a pris des
proportions incommensurables au Cameroun. Enseignants et élèves
s'en plaignent, certains parents sont même ahuris lorsque,
convoqués pour un conseil de discipline par les responsables des
établissements que fréquentent leurs enfants, ils
découvrent les prouesses de leur progéniture pendant la
période où ils sont censés étudier. Ces derniers
n'expriment aucune gêne lorsqu'il faut s'en prendre à un
enseignant, à un membre de l'administration, à un autre
élève ou même aux infrastructures scolaires. Lors de notre
stage académique au Lycée Bilingue de Bertoua en Avril 2016, il
nous a été donné de constater qu'un lundi matin les
cadenas d'une classe de Seconde et d'une classe de Terminale avait
été sciés et des personnes non identifiées avaient
fait des selles au sol et sur les tables-bancs. Jusqu'à 9h30 ce
jour-là, impossible de faire cours car les élèves avaient
dû laver et désinfecter tout.
L'on se souvient encore de cet élève de
Première D au Lycée de Tsinga à Yaoundé qui, le
samedi 02 Avril 2011, avait cassé deux côtes et ouvert l'arcade
sourcilière à son enseignant parce que celui-ci avait
tenté de le mettre dehors pour tenue non conforme (Mutations, 14 Avril
2011). Un autre élève de la classe de Première F au
Collège Protestant Thomas Noutong de Bagangté âgé de
20 ans et absent depuis un mois sans motif tentait, en février 2016,
de découper à la machette son Surveillant Général
parce que ce dernier refusait de lui délivrer un billet d'entrée
(Cameroononline.org, 05 Février 2016). Il n'est pas rare de voir sur
les murs des salles de classe, des bâtiments administratifs, sur la
clôture des caricatures ou encore des paroles insultantes ou humiliantes
dirigées contre un enseignant ou un élève ou tout
simplement des paroles exprimant le dégoût pour l'école ou
des paroles obscènes.
Pour illustrer tout cela le Cameroon Tribune du mercredi 11
Mars 2015 titrait:
« Indiscipline à l'école -
L'escalade. En cette fin de journée du 3 mars 2015, le lycée de
Nkoabang a les allures d'un champ de guerre. Le portail est
éventré, tout comme nombre de portes au niveau des salles de
classe. A l'intérieur de ces dernières, les bancs ont
été cassés par les élèves en
colère. »
L'article signale aussi le vandalisme sur le véhicule
de la Proviseure et l'état d'insalubrité générale
du lycée, tout ceci en réaction à l'imposition aux
élèves d'un cahier devant servir de liaison entre
l'administration de l'établissement et les parents afin de palier la
montée de l'indiscipline dans ce lycée. En outre, les magistrats
municipaux, préoccupés également par la situation au
Lycée de Nkoabang, dans le Département de la Mefou et Afamba, et
par la recrudescence de la violence en milieu scolaire publient sur leur site
un article intitulé : « Insécurité dans
les établissements scolaires : Où est la Compagnie
spéciale de police ?» (Pière Nka, 2015).
En évoquant le cas du vigile du Lycée Bilingue
d'Etoug-Ebé dans l'arrondissement de Yaoundé
6ème qui, au cours de l'année scolaire 2013- 2014
avait faillit se faire amputer les deux bras à l'aide d'une machette
bien aiguisée la veille par un élève ; les 17
élèves des classes de 3ème, Seconde et Terminale exclus au
premier trimestre de l'année 2013-2014 du Collège de la Retraite
Regina Mundi, établissement catholique de l'archidiocèse de
Yaoundé pour consommation de stupéfiants ; la dizaine
d'élèves du Lycée Bilingue de Yaoundé exclus pour
des motifs similaires en février 2014, ainsi que la quarantaine
d'autres élèves également exclus des effectifs du
Lycée Bilingue de Bafoussam dans la Région de l'Ouest en mars
2014, pour indiscipline, consommation de drogue et pornographie, ils
s'interrogent sur le rôle de la Compagnie de Sécurisation des
Etablissements Scolaires et Universitaires créée depuis le 19
novembre 2012 par le Président de la République.
Le 16 décembre 2013, les élèves du
Lycée de Pitoa, dans le Nord-Cameroun se révoltaient contre les
mesures prises par le Proviseur. En effet, il interdisait aux filles le port
des jupes au dessus des genoux, infligeait une amende de deux sacs de ciments
aux élèves qui escaladaient la clôture du lycée pour
déserter les cours. En outre, l'état insalubre des toilettes
obligeait les élèves à se débrouiller pour se
mettre à l'aise. Les parents soutenaient leurs enfants dans la
grève et l'intervention du Sous-préfet avait obligé le
Proviseur à revoir ses exigences (237online.com, 18 décembre
2013). L'article de Pierre Bernard KOAGNE dans le Cameroun Tribune du mardi,
03 mars 2016, page 20 fait également cas de 14 élèves
des classes de troisième et seconde au lycée d'Anguissa à
Yaoundé, âgés entre 16 et 20 ans, parmi lesquels trois
filles déférés au parquet « pour avoir
consommé des stupéfiants et violenté leurs
camarades.» En effet, ces élèves avaient été
exclus pour manque de respect envers les enseignants, bastonnade des plus
jeunes, consommation et distribution de drogues et bien d'autres actes de
délinquance. Ils revenaient au lycée pendant les heures creuses
pour se venger et semer la terreur. Impuissante face à une telle
menace, la Proviseure avait eu comme seul recours les forces du maintien de
l'ordre afin d'intenter des poursuites judiciaires et démanteler le
réseau.
Il n'est en effet pas rare que d'anciens élèves
ou de parfaits inconnus pénètrent l'enceinte des
établissements scolaires, généralement en tenue de
l'établissement pour troubler des cours, voler des livres, racketter,
régler des comptes, perpétrer divers actes de violence sur les
enseignants et sur les élèves, ceci avec l'aide de ces derniers
qui sont soit leurs complices, ou alors des victimes qui, par peur de
représailles, préfèrent garder le silence. Au Lycée
de Nkolndongo, dans l'Arrondissement de Yaoundé 4e, l'absence
de clôture et la proximité avec une zone réputée
pour abriter les fumeurs de chanvre-indien, les grands bandits et des
délinquants de tout ordre, amenait régulièrement des
intrus à venir régler leurs comptes à certains
élèves à cause d'une fille, pour une affaire mal
négociée ou pour diverses raisons. Ces derniers arboraient la
tenue du lycée et terrorisait tout le personnel (cameroon-info, 23 Mars
2013). Au Lycée de New-Bell à Douala, des voyous en tenue du
Lycée armés de couteaux, poignards, lames, gourdins, et barres de
fer y sévissent tous les jours en volant des livres, escroquant et
agressant les élèves et ce, malgré la présence des
forces du maintien de l'ordre. En outre, les bâtiments sont vieux, il
n'ya pas assez de bancs, l'eau courante absente et les toilettes inutilisables,
malgré les frais d'APEE qui s'élèvent à 28.000frs
et « cela a un impact négatif sur les élèves et
même le corps enseignant et administratif » (camer.be, 26
Février 2014).
Il est à noter que la violence en milieu scolaire n'est
pas l'apanage d'un sexe, car même les élèves filles, que
l'on a toujours tendance à considérer comme victimes se
retrouvent parmi les auteurs comme cela a été le cas plus haut au
Lycée d'Anguissa. L'aspect le plus visible se traduit par des
comportements à dominante active tels que frapper ou insulter
un enseignant ou un camarade, critiquer un cours ou exprimer son ennui,
apporter une arme blanche (couteau, lame de rasoir, etc), voler, faire du
chahut pendant le cours, etc (Pierre Coslin, 2006). On peut y ajouter la
consommation de stupéfiants et d'alcool dans l'enceinte de
l'établissement, le « taxage » ou racket, les
bagarres et bien d'autres. Ces comportements souvent mis en avant lorsqu'on
parle de violence en milieu scolaire en cachent d'autres constitués de
petits actes inciviques que l'on néglige, mais qui pourrissent
l'ambiance scolaire et créent un perpétuel sentiment
d'insécurité. Eric Débardieux(1996) démontre que
c'est ce type de violence qui fait la trame des difficultés
quotidiennes ainsi que le climat de l'établissement
scolaire et qui justifie la peur constante que ressentent les enseignants
dans l'exercice de leurs fonctions et même des élèves qui,
ne se concentrant plus sur leurs études désertent l'école.
Coslin (op. cit) en parle en terme de comportements à dominante
passive et y inclut le fait de dormir pendant le cours, d'être
passif, de bâiller ou de soupirer pour exprimer son ennui, de ne pas
s'intéresser à l'enseignant, faire autre chose pendant le
cours(jeu, devoir, dessin...), refuser de participer aux activités de
groupe en classe, fumer, avoir du mal à se calmer, bavarder ou rire
à haute voix, etc. Nombre de ces comportements sont gênants et
irritants lorsqu'ils se répètent ce qui est source de conflits
entre enseignants et élèves. L'on arrive même à
l'émergence des minorités de blocage, cette catégorie
d'élèves appartenant parfois à un groupe social ou
ethnique réputé violent et « troubleur», qui
empêchent de façon continue le déroulement normal des cours
ou le fonctionnement normal de la classe et dont élèves et
enseignants se méfient. Certains, surtout ceux en début de
carrière, préfèrent même les ignorer pour
éviter des affrontements ou agressions physiques et verbales comme
c'est souvent le cas lorsqu'ils n'acceptent pas des remarques, critiques ou
réprimandes de la part des enseignants. Leur stigmatisation ou
l'attention particulière portée sur eux les amène parfois
à réagir avec encore plus de violence et l'on rentre dans un
cercle infernal.
1.1.2- Dégradation de la profession
d'enseignant et du système éducatif
Depuis les années 1993-1994 les enseignants se
plaignent de leur situation économique et sociale devenue
précaire avec la baisse des salaires des fonctionnaires et la
dévaluation du Franc CFA en 1994. Avec la naissance du Syndicat National
Autonome de l'Enseignement Secondaire (SNAES) en 1990 et de bien d'autres, les
mouvements de grèves se sont multipliés entraînant une
légère amélioration du salaire qui, de l'avis des
enseignants n'est pas suffisante pour leur accorder un statut honorable. Le
statut particulier du corps enseignant obtenu en 2000 n'a jamais
réellement été mis en pratique. Ainsi malgré leur
vocation pour la profession beaucoup d'enseignants, démotivés et
démoralisés, choisissent l'émigration ou la nomination
dans d'autres ministères où ils se sentent valorisés. Ceux
qui sont obligés de rester dans le corps manifestent leur frustration de
bien de façons qui ont conduit à pleines de déviances dans
cette profession jadis considérée comme noble. En effet, outre la
démotivation flagrante observée chez la plupart des enseignants
devenus de brillants hommes d'affaires, des chefs d'entreprises, beaucoup
trouvent leur compte dans ce qu'ils appellent communément les
« champs » (des cours de vacation) dans les collèges
privés ou organisent des cours de répétitions en groupes
ou en privée afin d'arrondir les fins de mois, ceci au détriment
des heures de cours et de la couverture qualitative et quantitative des
programmes dans les établissements où ils sont affectés
par l'Etat.
La clochardisation des enseignants a aussi pris une grande
ampleur. Ces derniers n'ont plus jamais retrouvé leur équilibre
car vivent dans des conditions précaires au sortir de l'école,
ils sont obligés de s'endetter dans l'espoir de tout régler avec
le « rappel » de solde qui arrive souvent très tard
et qui représente la seule opportunité de construire une maison,
de se marier ou d'investir dans une affaire, puisque le salaire permet à
peine de survivre. « L'Etat paye toujours ses dettes »,
telle est la phrase qui donne espoir au Cameroun lorsqu'on attend
désespérément ce 1er salaire, un avancement en
grade, les primes de suggestion, etc. Les primes de rendement trimestriels sont
minables, décourageantes. Ainsi plusieurs ont perdu de l'assurance,
complexés face aux Inspecteurs des Impôts, des Douaniers, et
autres qui, bien que d'une catégorie inférieure ne se lassent pas
de prouver qu'ils valent et vivent mieux que les enseignants. Ces derniers
confirment souvent ces assertions par de multiples plaintes et par le manque
d'effort vestimentaire ou corporel dont ils font preuve. Certains entrent
saouls dans les salles de classe, insultent les élèves, tiennent
des propos désobligeants. Un célèbre musicien contemporain
l'illustre d'ailleurs lorsqu'il se plaint d'être « né
fils d'un pauvre enseignant », le qualificatif pauvre
exprimant parfaitement l'image qu'a la conscience populaire du statut de
l'enseignant.
C'est cette pauvreté qui, sans doute a conduit à
la corruption qui envahit le monde de l'éducation. Lorsqu'ils ne vendent
pas les notes, les enseignants excellent aussi dans le monnayage des places au
lycée. En effet, il est fréquent de voir les mêmes
élèves qu'ils ont fait exclure, généralement pour
indiscipline, revenir, à travers des processus obscurs, au sein du
même établissement ou dans un établissement très
proche. Des parents ou des élèves sollicitant un recrutement dans
un établissement et ayant des dossiers qui remplissent les
critères de recrutement, lorsque ceux-ci sont communiqués, sont
obligés de payer « le banc » pour obtenir une place.
Ces élèves, connaissant déjà le manque
d'objectivité dans le recrutement et sachant que l'argent règlera
tout leurs problèmes ne se soucient plus de respecter la discipline de
l'établissement et narguent enseignants et camarades.
Par ailleurs, beaucoup d'enseignants ont perdu de vue leur
fonction d'éducateur et adoptent des attitudes ambiguës.
Soupçonnant en permanence les apprenants de leur vouloir du mal, ils
ont toujours ce sentiment d'insécurité et réagissent
parfois de façon excessive à ce qu'ils considèrent comme
manque de respect, trouble du cours, etc. Elèves et enseignants se
regardent ainsi en chien de faïence, prêts à bondir à
la moindre occasion.
D'autre part, on les voit courtiser des élèves
filles sans aucun scrupule en brandissant le fameux dicton « la
chèvre broute où elle est attachée ». Ils
ne voient plus leurs élèves comme des enfants à
éduquer, à former, à faire grandir, mais comme des proies
à dévorer, des femmes à coucher. La familiarité
s'installe ainsi dans les relations enseignants-élèves et le
respect disparaît. Les élèves ne peuvent plus faire la
différence entre le professeur et l'ami ou l'amant, entre la salle de
classe et le lieu d'intimité et c'est le chao, l'enseignant perd de sa
dignité surtout quand toute la classe sais ce qui se trame, comme c'est
généralement le cas. La Nouvelle Expression, du Mercredi 20
Janvier 2016 relatait à cet effet l'histoire d'un enseignant du
Lycée Classique de Dschang surpris par des élèves entrain
de violer leur camarade de la classe de 5e (Vivien Tonfack, Janvier
2016). Certaines de ces filles qui sortent avec les enseignants ou les
responsables administratifs deviennent difficiles à gérer. Au
moindre problème, leurs protecteurs s'arrangent à contourner les
normes et le règlement intérieur. Elles bénéficient
des traitements de faveur, ce qui révolte parfois les autres.
Cette familiarité ne se limite pas seulement aux
élèves filles. En effet, dans la perte de leur dignité,
les enseignants vont jusqu'à se retrouver avec leurs
élèves dans des bars, des boîtes de nuit entrain de se
saouler ou entrain de courtiser les mêmes filles. Plusieurs parlent
même bussiness avec leurs élèves. Il devient donc
difficile pour ces derniers, d'imposer une discipline et de se faire respecter
surtout si, en plus du manque de personnalité, ils y associent une
impréparation des leçons et une incompétence
intellectuelle.
1.2- FORMULATION ET POSITION DU PROBLEME
L'ampleur que prend le
phénomène de la violence en milieu scolaire depuis quelques
décennies oblige certains établissements scolaires à
devenir de véritables postes de police ou de gendarmerie avec pour but
de traquer la violence par tous les moyens et à tous les prix elle n'est
pas typique du Cameroun ou de l'Afrique. Selon un document publié le
mercredi 6 janvier 2016 par la
Direction
de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du
ministère français de l'Education nationale 79% des incidents
déclarés en milieu scolaire au cours de l'année 2014-2015
sont des atteintes aux personnes, parmi lesquelles 42% de violences verbales
"dont plus de la moitié à l'encontre des enseignants" et
30% de violences physiques "généralement entre
élèves". La consommation de
stupéfiants qui fait partie des "atteintes à la
sécurité" au même titre que les intrusions serait en
hausse de 0,7%. Dans les lycées d'enseignement
général et technologique et les lycées polyvalents elle
est passée de 4% à 10% en trois ans. Pour tenter d'y
remédier la France organisait déjà les 07 et 08 avril 2010
les « Etats généraux de la violence à
l'école » qui donnent lieu à la création des
Etablissements de Réinsertion Scolaire destinés à «
accueillir
des collégiens perturbateurs en internat afin de
rompre
avec leur cadre de vie habituel» ( Hélène Bekmezian,
2011). Toutes les mesures draconiennes prises, allant jusqu'à la
sanction des parents d'élèves et en passant par la mise en place
des Equipes Mobiles de Sécurité (EMS), n'ont pas eu d'effets
positifs. Au Cameroun la fréquence des actes de violence à
l'école a amené l'ex-Ministre des Enseignements Secondaires,
Louis Bapès Bapès à commettre la lettre circulaire
N° 05/06/MINESEC/CAB du 12 janvier 2006 relative à la
prévention de la violence en milieu scolaire dans laquelle il invite
tous les Chefs d'établissements à « prendre des
mesures visant à juguler le phénomène de la violence dans
les établissements secondaires du Cameroun. »
(cité par
Céline
Amana, 2011). Le Syndicat National Autonome de l'Education et de la
Formation (SNAEF) crée à la suite de cette lettre un
comité de non-violence afin de diffuser une culture de paix dans les
écoles, projet qui n'a pas eu l'assentiment du MINESEC qui estimait
avoir pris toutes les dispositions pour résoudre le problème. La
violence a, malgré tout, continué à être de plus en
plus présente à l'école installant le règne d'un
climat d'insécurité permanente entre élèves et
enseignants, entre élèves et administration scolaire. La question
que nous nous posons est de savoir qu'est-ce qui peut amener un enfant à
s'en prendre à ceux qui sont chargés de
l'instruire où à détruire le cadre dans lequel il
passe une grande partie de son temps ? Pourquoi est-ce que les
établissements scolaires, au lieu d'être des havres de paix,
sont-ils les lieux où l'on se sent persécuté et
outragé ?
La loi N° 98/004 du14 avril 1998 portant orientation de
l'éducation au Cameroun, en son article 5 alinéa 2 stipule que
l'éducation a pour objectifs « la formations aux grandes
valeurs éthiques universelles que sont la dignité, l'honneur,
l'honnêteté et l'intégrité ainsi que le sens de la
discipline ». L'alinéa 5 ajoute
« l'initiation à la culture et à la pratique de la
démocratie, au respect des droits de l'homme et des libertés, de
la justice et de la tolérance, au combat contre toutes formes de
discrimination, à l'amour de la paix et du dialogue... ».
La même loi proscrit, à l'article 35, les sévices
corporels et toute autre forme de violence; les discriminations de toute
nature, la vente, la distribution et la consommation des boissons alcooliques,
du tabac et de la drogue. Toutes choses devant contribuer à une
éducation à la paix, à l'amour et à
l'intégration sociale harmonieuse des apprenants. Il ressort cependant,
au vu de la situation qui prévaut dans les établissements
scolaires, que ces objectifs ont du mal à être atteints
malgré le grand nombre de circulaires antérieures ou
postérieures à cette loi et visant à contrecarrer les
comportements déviants au sein de l'école et qui sont entre
autres :
- La circulaire N°42/A/371/MINEDUC/DESG/SAP relative
à l'organisation de la discipline dans les établissements
d'enseignement secondaire. Celle-ci vise à renforcer la concertation
et la collaboration entre les responsables administratifs, les professeurs
et les élèves dont les droits et obligations sont
précisés et insiste sur le fait que la formation des
élèves selon les objectifs nationaux de l'éducation doit
se faire sans désordres chroniques, injustices effrontées,
actes immoraux et arbitraires.
- Les circulaires N°16/B1/1464/MINESEC/DESG/SCP du 20
Avril 1987 relative à la tenue et au comportement des membres de
l'administration au sein des établissements scolaires et
N°18/B1/1464/MINESEC/ESG/SCP du 16 Juillet 1987 relative à la tenue
et au comportement des enseignants au sein des établissements scolaires
met l'accent sur la tenue vestimentaire ainsi que sur le comportement des
enseignants et des membres de l'administration scolaire en précisant que
ces derniers, en tant qu'éducateurs, doivent être des
modèles et de bons exemples pour leurs élèves.
- La circulaire N°17/B1/146/MINEDUC/ESG/SCP du 20 Avril
1987 relative à la tenue et au comportement des élèves des
établissements scolaires confirme la nécessité d'un code
de bonne tenue et de bonnes manières en
vue « d'habituer les élèves au
respect des principes de la morale et du bon goût ».
- La circulaire
N°28/A/94/MINEDUC/SC [illisible] du 19 Mai 1988 relative
à la moralisation des comportements des enseignants qui entretiennent
des relations coupables avec les élèves filles.
- La circulaire N°2/D/7/MINEDUC/IGP-ESG/IGP-ETP/DESG/DETP
du 11 Janvier 1993 relative aux sanctions punitives applicables aux
élèves, donne le pouvoir aux Chefs d'établissements ainsi
qu'aux conseils de discipline et de classe de décider des sanctions
à appliquer aux élèves et différentie les fautes
mineures des fautes majeures.
- la circulaire N° 38/B1/1464 du 8 décembre 2000
relative à la lutte contre la violence au sein des établissements
scolaires;
- la circulaire N° 005/06/MINESEC/CAB du 13
février 2002 relative à la laïcité des
établissements scolaires publics afin de prévenir la
stigmatisation de certains groupes religieux et les violences qui en
découlent.
- la circulaire N° 10/B1/1464 du 13 mai 2002 relative
à l'état de la violence et du vandalisme dans les
établissements scolaires ;
- la circulaire N° 19/07 /MINESEC/SG/DRH/SDSSAPPS du
Ministre des Enseignements secondaires portant création des clubs
antitabac en milieu scolaire consacre les écoles comme des «
espaces non fumeurs ».
Malgré toutes ces mesures, la violence en milieu
scolaire ne va que s'augmentant. Et, lorsqu'on parle de violence en milieu
scolaire, on a tendance à ne voir que les délits et
incivilités commis par les élèves, leurs écarts de
comportement, leur manque de respect et leur sens peu poussé de la
morale et du civisme. Les adultes regrettent que l'école ne soit plus ce
lieu qui évite à l'enfant de faire des mauvaises rencontres, un
abri contre les fléaux de la société. Mais ils
s'interrogent rarement sur les causes profondes de cette escalade de la
violence et de l'indiscipline afin de comprendre pourquoi un
élève est capable de s'attaquer verbalement ou physiquement, sans
peur aucune et sans scrupule, à son encadreur (enseignant ou membre de
l'administration), à ses camarades et à tout ce qui a trait
à l'école (par exemple en cassant les infrastructures et en
salissant les murs et les bancs avec ses selles), de rester passif aux cours
ou de les perturber et à la moindre occasion de les déserter pour
s'adonner à d'autres pratiques déviantes.
Par ailleurs, le phénomène de la violence en
milieu scolaire au Cameroun est peu exploré. La plupart des recherches
effectuées portent sur les violences à l'école primaire et
surtout sur celles basées sur le genre féminin, comme celles de
Aissa
Ngatansou Doumara (2011) qui a par exemple publié son
expérience sur les violences subies par les filles à
l'Extrême-Nord et qui impactent leur insertion scolaire et
socioprofessionnelle. Mais il n'existe aucun programme permettant de relever
des données fiables quant à la fréquence et à
l'intensité de la violence en milieu scolaire, des statistiques
n'existent pas, les recherches sont diffuses. Le « Rapport final
sur les violences de genre comme facteur de déscolarisation des filles
en Afrique subsaharienne francophone » confirme avec regret le fait
qu'« il n'existe dans la région aucun système
global de signalement des actes de violence qui ont pour cadre le milieu
scolaire, rendant l'évaluation du phénomène
particulièrement difficile » (Halim Benabdalla,
2010). Seuls les médias semblent plus s'en préoccuper et ainsi
les causes réelles de cette montée de la violence en milieu
scolaire ne sont pas élucidées ou au contraire, pour céder
à la facilité, on se contente de blâmer ces "inconscients"
que sont les élèves, qui n'ont plus de valeurs et sont
voués à la perdition. Et les résultats sont visibles
à travers l'échec massif aux examens officiels mais aussi et
surtout les redoublements dans les classes intermédiaires.
Considérant tout ceci, nous sommes amenés
à nous poser un certain nombre de questions nécessaires à
la compréhension de ce phénomène assez complexe.
1.3- QUESTIONS DE RECHERCHES
1.3.1- Question principale
Le contexte scolaire contribue-t-il à la
montée de la violence chez les élèves ?
1.3.2- Questions secondaires
- Le fonctionnement de l'institution scolaire contribue-t-il
à la montée de la violence en milieu scolaire?
- L'environnement socio-économique de l'école
contribue-t-il à la montée de la violence en milieu
scolaire ?
1.4- HYPOTHESES DE RECHERCHE
Selon Dépelteau (2003 :162) « Une
hypothèse de recherche est une réponse provisoire à la
question de départ ». Ainsi notre hypothèse
générale sera donc présentée comme suit :
1.4.1- Hypothèse
Générale
HG : Le contexte scolaire contribue à la
montée de la violence en milieu scolaire.
Justification
Le contexte inclut les circonstances et
conditions qui entourent un phénomène. Il correspond à l'
environnement
dans lequel le phénomène a lieu et est difficile à
délimiter à cause de la complexité des interactions dont
le sens est lié à plusieurs Choses. Bouchard (1998), en abordant
la situation éducative, distingue : le contexte
global ou social qui met en exergue les statuts, les rôles
sociaux ainsi que la vision du monde des individus, le contexte
particulier et le contexte d'enseignement. En ce qui
concerne l'objet de notre recherche à savoir la violence en milieu
scolaire, le contexte mis en relief sera non seulement l'institution scolaire
elle-même dans son fonctionnement, mais aussi les conditions
socio-économiques qui l'entourent et influencent les comportements des
différents acteurs de l'école. Il est à noter que dans les
politiques éducatives retenues par l'Unesco, l'on met un accent
particulier sur le contexte socioéconomique et le fonctionnement interne
pour évaluer les établissements scolaires. Ce qui justifie le
choix de cette hypothèse.
1.4.2- Hypothèses de
recherche
HR1 : Le fonctionnement de l'institution scolaire
contribue à la violence en milieu scolaire.
Justification
Dominique-Manuela Pestana (2013) en rappelant que la violence
chez l'adolescent est une mode d'expression et une forme d'opposition, la
violence scolaire proviendrait de la violence institutionnelle dont la mission
intégratrice a échoué. L'école
« incorporerait des formes de violence à
l'interne » (10). Contre cette violence interne
évoquée par Débarbieux et Montoya (1998) les
élèves réagissent à travers « le chahut,
l'ennui ostentatoire, la grossièreté ou la violence ».
C'est donc cette hypothèse que nous nous appliquerons à
vérifier tout au long de notre recherche.
HR2 : L'environnement socio-économique de
l'école contribue à la montée de la violence en milieu
scolaire.
Justification
Bourdieu (1997) pense que la violence scolaire est une
reproduction des violences subies par les structures économiques et les
mécanismes sociaux car le système éducatif est toujours
en rapport avec la société dont les membres, quelque soit leur
origine ou leur classe, se retrouvent à l'école. Ainsi l'origine
socio-économique peut justifier les comportements violents tant des
élèves que des enseignants.
1.5- OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
1.5.1- Objectif
général
Notre objectif principal sera de montrer le rôle du
contexte scolaire dans la montée de la violence à
l'école.
1.5.2- Objectifs
spécifiques
Notre premier objectif sera de montrer comment le
fonctionnement de l'institution scolaire contribue à à la
montée de la violence au sein de l'école.
Notre second objectif nous permettra de montrer comment
l'environnement socio-économique contribue à la montée
de la violence en milieu scolaire.
1.6- INTERETS DE LA RECHERCHE
1.6.1- Intérêt
social
La société mondiale est ravagée par les
guerres diverses et au Cameroun en particulier la guerre contre le terrorisme
de la secte islamique Boko Haram est loin d'être achevée. Il est
donc important de prôner des attitudes propices à un climat
d'entente et de tolérance dans la Région de l'Est en
général et dans la ville de Bertoua en particulier où des
personnes de cultures et de religions différentes se côtoient au
quotidien. L'école, qui regroupe toutes les composantes sociales se
doit d'être le lieu par excellence de la promotion des valeurs
éthiques, de la probité morale, de la coexistence pacifique.
Cette étude permettra de déceler les attitudes
et structures favorables à l'escalade de la violence en milieu scolaire
afin de les corriger et de former des citoyens ouverts au dialogue
interculturel et capable de s'intégrer sans difficulté aucune au
monde socioprofessionnel.
1.6.2- Intérêt
pédagogique
L'école doit un être un havre de paix, un milieu
propice à l'acquisition de nouvelles connaissances, un cadre où
les élèves trouvent en leur enseignants des mentors, des soutiens
surtout si l'on tient compte du fait que plusieurs élèves dans la
Régions de l'Est et dans la ville de Bertoua en particulier viennent de
familles « à problèmes » ou monoparentales.
Le climat d'insécurité peut influencer l'enseignement et
l'apprentissage et par ricochet biaiser l'atteinte des objectifs fixés
par le Cameroun pour l'éducation de ses enfants.
Il est donc question dans cette recherche de comprendre
pourquoi la violence est devenue si présente à l'école.
Nous ne prétendons nullement à l'enrayement total de ce
phénomène complexe, mais plutôt cherchons à travers
sa compréhension à trouver des voies et moyens pour
dédramatiser le phénomène et former des jeunes avec des
valeurs sûres, seule garantie d'une société paisible
où tolérance et dialogue seront les maîtres-mots.
1.6.3- Intérêt
scientifique
Notre mémoire se situe dans le champ de la Gouvernance
scolaire, périscolaire et universitaire et l'un des objectifs de la
bonne gouvernance scolaire est d'améliorer les performances du
système éducatif. Ceci suppose de porter un regard critique sur
ses résultats, en identifiant les forces à exploiter et les
faiblesses à combattre. Parmi les faiblesses qui pourraient entraver la
gouvernance efficace d'un établissement scolaire, nous comptons la
violence sous toutes ses formes qui influence fortement le climat et les
relations entre les acteurs de l'institution scolaire que sont les enseignants
et l'équipe administrative d'une part et les apprenants d'autre part.
Cette recherche contribuera à coup sûr à améliorer
l'exploration de la violence scolaire au Cameroun, exploration qui est encore
à un stade embryonnaire et suscitera d'autres recherches à
partir des perspectives nouvelles que nous développons.
1.7- PERTINENCE DE L'ETUDE
Pour Mialaret, Gaston?(2009 : 17), les Sciences de
l'éducation ont pour but d'étudier « dans une
perspective scientifique, les situations d'éducation ».
Elles « sont du domaine de l'observation, du descriptif et de
l'explication ». La violence en milieu scolaire étant
un fait éducatif préoccupant, notre recherche a le mérite
de contribuer à comprendre l'impact que peuvent avoir le contexte
socio-économique, l'organisation, les normes ainsi que les attitudes
des acteurs d'une institution scolaire sur l'escalade de la violence et sur
l'instauration d'un climat d'insécurité.
1.8- DEFINITION DES CONCEPTS
Avant de comprendre ce qu'est la violence scolaire, il est
important de définir les concepts d'école et de violence.
1.8.1- L'Ecole
Selon le Dictionnaire Larousse l'Ecole est
définie comme :
- Établissement où l'on donne un enseignement
collectif général.
- Institution chargée de donner un enseignement
collectif général aux enfants d'âge scolaire et
préscolaire.
- Enseignement donné par les établissements
scolaires.
- Établissement d'enseignement
élémentaire ou préélémentaire.
- Élèves et enseignants d'un
établissement scolaire : exemple : Réunir toute
l'école à l'occasion d'une cérémonie.
Selon l'Académie française, l'Ecole :
1- Est un Etablissement où on enseigne une ou plusieurs
sciences, un ou plusieurs arts.
2- Se dit particulièrement des établissements
où l'on montre à lire, à écrire, où l'on
donne les premiers éléments de l'instruction.
3- Désigne aussi tous les élèves, les
professeurs et les employés d'une école.
4- Au figuré, se dit de ce qui est propre à
former, à donner de l'expérience en quelque chose, à
instruire.
Les termes par lesquels on désigne l'Ecole sont
l'Etablissement scolaire ou l'Institution scolaire. L'un des rôles de
l'école est d'amener l'apprenant à penser par lui-même
grâce au savoir rationnel, objectif et universel, de forger sa
liberté de conscience, son esprit critique et à être utile
de façon active à la société.
L'école a aussi pour rôle d'aider à
dépasser les points de vue individuels ainsi que les particularismes en
prônant à la fois un métissage culturel et un sentiment
d'appartenance. C'est pour cette raison que l'éducation à la
citoyenneté y est nécessaire pour le
développement du patriotisme, du nationalisme malgré la
diversité culturelle. Au Cameroun, la volonté d'atteindre cet
idéal se traduit par le port d'un uniforme, le respect des lois, de
l'État et de ses symboles (Hymne, drapeau, devise, etc.), la
laïcité, la neutralité idéologique.
L'institution scolaire a aussi un rôle utilitaire et
pragmatique car elle doit préparer à une insertion
socioprofessionnelle réussie à travers les diplômes, mais
aussi et surtout les dispositions intellectuelles, la volonté ainsi que
le développement des dons naturels et des aptitudes. Cependant, le taux
élevé de chômage dans notre pays ne permet plus d'atteindre
cet idéal et le diplôme ne représente plus une garantie
pour un emploi. C'est pour limiter ce chômage excessif que le
système éducatif camerounais en particulier a opté pour la
professionnalisation des enseignements afin de permettre à
chacun d'avoir des connaissances pratiques au sortir de
l'école.
En bref, l'institution scolaire peut être définie
comme un cadre d'apprentissage, d'instruction, de formation. En
considérant l'école comme une structure où on retrouve
élèves, enseignants, personnels administratifs, personnel d'appui
et les différentes infrastructures, il va sans dire que ce cadre
d'humeurs plurielles, de particularités, peut entraîner de
façon inévitables des ruptures, des heurts et mésententes
volontaires ou involontaires qu'il faut savoir gérer.
1.8.2- La violence
Sens commun
Le mot violence, vient du latin classique
violentia « caractère emporté,
farouche », lui-même dérivé de violentus
« l'abus de force pour contraindre quelqu'un à quelque
chose ». Au fil du temps, il traduit la force brutale
utilisée pour soumettre, un acte brutal. Le verbe violare
signifie « traiter avec violence, profaner,
transgresser ». Dans ce sens, la violence s'opposerait à la
paix, à l'ordre, à la retenue et au contrôle.
L'Organisation Mondiale de la Santé définit la
violence comme :
L'usage délibéré, ou la menace
d'usage délibéré de la force physique ou de la puissance,
de la menace, directe ou indirecte contre soi-même, contre une autre
personne ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne, ou
risque fort d'entraîner, un traumatisme, un décès.
Ici est évoqué non seulement la violence
physique, mais aussi la violence morale ou psychologique ainsi que les
différentes conséquences qui peuvent en découler.
Au plan juridique
La violence au sens du droit civil, est « l'acte
délibéré ou non, provoquant chez celui qui en est la
victime, un trouble physique ou moral comportant des conséquences
dommageables pour sa personne ou pour ses biens. »
Le code pénal français considère comme
violence des actes volontaires et intentionnels, même si leurs
conséquences ne le sont pas toujours, nécessitant un contact
physique direct ou indirect avec la victime et qui peuvent entraîner
diverses conséquences pouvant aller jusqu'à la mort. On peut y
compter les « coups et blessures » ou encore
« voie de fait ».
Sont aussi classés dans le registre de la violence
des actes qui, sans impliquer un contact physique avec la personne, vont lui
causer un choc émotionnel ou un trouble psychologique. Il peut s'agir de
violence sur une personne ou une chose proche de la victime ou de violence
à distance à travers des lettres anonymes, des appels
téléphoniques, etc. Le constat de préméditation de
la conséquence constitue une circonstance aggravante. En ce sens, on
fera la différence avec l'acte de négligence ou d'imprudence.
Au plan psychologique
Eric Debardieux et Yves Montaya (1998) pensent que
« La violence peut être conçue comme un ensemble de
phénomènes qui ne sont vécus en tant que tels [que] par
ceux qui en sont victimes»
Et Marie-Louise Martinez (1996) de renchérir :
« Est alors considéré comme violence ce qui est
perçu comme violence ».
Si l'on considère ces différentes
définitions de la violence, on se rend compte que la violence est
difficile à cerner et jusqu'ici aucune définition universelle n'a
été donnée à ce concept qui trouve son sens selon
le domaine d'application et selon les perceptions parfois subjectives. Elle se
définit par rapport à un cadre, à un contexte, à
des normes et est en étroite relation avec la perception qu'a celui qui
subit la violence. Yves Michaud (1978) tente une approche
définitionnelle de la violence :
Il y a violence quand, dans une situation d'interaction,
un ou plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, en une
fois ou progressivement, en portant atteinte à un ou plusieurs autres
à des degrés variables soit dans leur intégrité
physique, soit dans leur intégrité morale, soit dans leurs
possessions, soit dans leurs participations symboliques et culturelles.
C'est cette définition qui nous semble la meilleure et
que nous nous efforcerons d'adapter dans le domaine scolaire.
1.8.3- La violence scolaire
La violence dans le domaine éducatif est difficile
à définir car c'est une notion qui, du point de vue de certains,
se limite à la délinquance, c'est-à-dire aux faits punis
par le code pénal tel que les crimes, les agressions physiques, et bien
d'autres. Cependant, d'autres pensent qu'elle englobe des termes comme
incivilité, comportement anti-social, school bullying
(moqueries, insultes, menaces, bastonnades, bousculades,
séquestrations infligées à un élèves par un
élève ou groupe d'élèves), violences avec
armes, school shooters, (Carra, Faggianelli, 2003 ;
Débardieux, 1999) pour ne citer que ces faits
traduisant des attitudes qui créent un climat
d'anxiété, de peur, d'insécurité au sein de
l'institution scolaire. Les attitudes dites violentes ne sont donc pas
forcément des crimes, des délits, mais englobent tout ce qui ne
respecte pas la norme.
Pour Charlot et Rochex(1996) :
Parler de violence c'est parler d'une souffrance, celle
d'enseignants dépossédés du métier qu'ils avaient
choisi, celle d'élèves quotidiennement confrontés à
l'insécurité, celle de parents non seulement angoissés
face à l'avenir de leurs enfants, mais aussi inquiets quant à
leur présent.
Cette définition traduit les effets psychiques de la
violence subie tant par les élèves et les enseignants que par les
parents. Elle sous-entend toutes les violences physiques et psychologiques, les
frustrations, les traumatismes que connaissent les membres de la
communauté éducative. Marie-Louise Martinez (1996) ajoute qu'il
y'a violence, lorsque l'école n'atteint pas ses finalités, les
objectifs qu'elle s'est assignée dont la plus grande est
d'humaniser. La non atteinte de ceux-ci est la grande preuve que les
relations entre les acteurs du milieu éducatifs sont
dégradées. Ainsi, la violence est, de son avis « ce
qui s'exerce dans l'éviction (des sujets et des savoirs), dans la non
production des savoirs appropriés par l'élève et dans la
distorsion de l'ontogénèse de l'élève par les
relations au cours de ce processus éducatif. » On
considérera donc qu'il y'a violence lorsque le jeune n'a pas la
possibilité de se construire par l'éducation. Ce qui aura
forcément un impact sur la socialisation et même sur le rendement
scolaire. Cette approche de la violence en milieu scolaire semble
appropriée à notre problématique.
1.9- DELIMITATION DE
L'ETUDE
1.9.1- Délimitation
scientifique :
Notre recherche s'effectue dans le champ des Sciences de
l'Education et plus précisément dans le cadre de la gouvernance
scolaire, périscolaire et universitaire qui a deux volets : un
volet opérationnel qui vise la réussite du
projet éducatif et le succès des élèves et le volet
stratégique qui se questionne continuellement sur le fonctionnement du
système éducatif, sur l'état de réalisation de sa
mission et sur les enjeux et défis de l'institution scolaire.
Pour être pertinentes, les études en
Sciences de l'Education prennent appui sur d'autres disciplines. Aussi
allons-nous avoir comme domaine de compréhension de notre objet la
sociologie et la psychologie de l'éducation.
1.9.2- Délimitation
thématique
L'objet de notre étude, tel que formulé au
niveau du titre est la violence en milieu scolaire. Nous nous attarderons sur
ses manifestations, ses causes et ses conséquences tant sur le
rendement des élèves que sur leur insertion sociale.
1.9.3-
Délimitation géographique
Compte tenu du temps et des moyens dont nous disposons, mais
également du constat de la récurrence du phénomène
de la violence au Lycée de Tigaza, nous avons choisi d'y mener notre
étude. En outre, le site a été choisi en raison de notre
maîtrise du milieu dans lequel nous exerçons par ailleurs comme
membre de l'administration.
Après avoir montré le problème de notre
recherche, énoncé les hypothèses, les objectifs et les
différents intérêts, nous avons définis les concepts
clés et délimité notre étude. Dans le prochain
chapitre sera consacré à la revue de la littérature ainsi
qu'aux théories qui guideront ce travail.
CHAPITRE II :
REVUE DE LA LITTERATURE ET
INSERTION THEORIQUE
Les
travaux sur la violence scolaire sont très nombreux et nous ne saurons
prétendre lire tout ce qui a été fait. Nous nous sommes
cependant efforcé à lire ceux qui nous ont semblé les plus
pertinents et les plus proches de notre perspective et dont nous allons faire
état dans la première partie de ce chapitre. Ensuite il sera
question de préciser les théories qui nous permettrons de mieux
expliquer la violence en milieu scolaire.
2.1- REVUE DE LA LITTERATURE
2.1.1- Conception de l'enfance de
l'antiquité à la postmodernité
Eric Débardieux, l'un des plus grands
spécialistes de la violence scolaire en France, présente en 1998
dans un article intitulé « Le professeur et le sauvageon,
violence à l'école, incivilité et
postmodernité » les évolutions de la conception de
l'enfance en rapport avec la violence à l'école. Il
démontre que dans les sociétés antiques marquées
par le mythe de l'âge d'or, l'enfant devait ressembler à
ses parents pour s'assurer de la continuité de l'humain en lui et pour
éviter le chaos, « la chute vers la
bestialité ». La pédagogie du
redressement prônée par Saint-Augustin consistait alors
à éradiquer cette violence, cette folie inscrite en chaque enfant
dès sa naissance et que même la Bible, dans le livre des Proverbes
au Chapitre 28 verset 15, recommande: « la folie est
attachée au coeur de l'enfant et c'est la verge de la discipline qui
l'en chassera ». La socialisation par les pairs à travers
des rites initiatiques et toute sorte de brutalité était aussi
d'une grande importance.
Avec la promulgation de la Convention internationale des
droits de l'enfant au 20ème siècle, l'on marque la
découverte de la valeur fondamentale de l'enfant dans les classes
sociales aisées et moyennes. L'enfant « sauvage »,
craint de tous, devient innocent, bon, « enfant-roi ». Il
existe encore cependant une idéologie d'exclusion sociale qui veut que
la vertu, l'innocence et la bonté ne soient innées et normales
que chez « les gens libérés et bien
nés ». Assertion soutenue par Rousseau et Voltaire qui
considèrent que l'Education ne sert pas aux pauvres. L'image de
l'enfant-roi conduit à la promotion, dans les familles, de l'enfant
unique, « fils de roi » que les parents doivent humblement
servir (Ellen Key, 1900 cité par Débardieux). L'enfant-roi,
« meilleur espoir de l'idéologie du
progrès » est « choyé,
protégé, au sein d'une famille restreinte où la
socialisation mutuelle par le groupe des pairs est considérée
comme nocive » (Débardieux :10). C'est pour cette raison
que l'usage de la force, du fouet et de toute autre correction physique est
interdit. La violence scolaire devient synonyme de retour à
« l'enfant-sauvage » et alimente le « discours de
la décadence » répandu à l'aide des
médias qui trouvent tous les attributs négatifs aux enfants
issues des banlieues et acteurs de violence.
Ce discours de la décadence que présente
Débardieux s'alimente aussi du thème de « la
démission parentale » caractérisé par la
monoparentalité, le laxisme éducatif, la violence des parents,
etc. La violence scolaire est « ethnicisée »,
« racialisée » et on parle de « handicap
socio-violent » ou d' « ethnoviolence ». Un
débat entre académiciens et hommes politiques que présente
Débardieux montre le « fantasme
d'insécurité » qui en découle, limitant la
violence scolaire aux crimes et délits qui, de l'avis de
Débardieux, sont rares. Il pense plutôt que le sentiment
d'insécurité naît de la petite délinquance et des
incivilités, incivilités qui traduisent la perte de sens du
système éducatif et des pratiques éducatives. L'une des
causes serait la massification et la prolongation des études dans un
contexte où l'insertion socioprofessionnelle est difficile.
L'incivilité est donc une réaction « face à
l'amour déçu pour une école incapable de tenir ses
promesses d'insertion et qui ne peut protéger de ce qu'on nomme
exclusion ». (p.13) L'idéologie du progrès et de
la liberté meurt donc tant chez les enseignants que chez les
enseignés avec cette exclusion. Et la société
(« inclus et exclus ») ne vise qu'une chose :
« la légitimité des plaisirs immédiats dans la
sphère privée des satisfactions matérielles et
intimes » (p.14). L'idéologie postmoderne ou
post-moraliste prône la nécessité d'un lien
affectif avec l'enfant pour une meilleure transmission des valeurs devant
l'aider à se construire, l'absence de ce lien conduit à la
violence scolaire, à la souffrance de l'enfant et de l'enseignant. Ce
dernier abandonne la punition à l'administration pour rechercher
« l'amour » des élèves dans une logique
d'absence de contrainte qui, elle-même est remise en cause pour un retour
à « l'ordre moral ».
En effet, Débardieux revient sur la notion
d'incivilité qui est constituée de « toutes ces
petites choses qui pourrissent la vie d'un établissement, qui peuvent
pourrir la vie d'un quartier, » (Débardieux, 1999 :
80) cette petite délinquance dont
« l'aggravation » ,
« l'accumulation » non traitée, permet de
comprendre, du point de vue des victimes, le sentiment
d'insécurité afin de prévenir l'escalade de la violence en
milieu scolaire sans pour autant sombrer dans une répression excessive
de certaines ethnies ou races considérées comme
« barbares ». Avec l'échec du
« totalitarisme doux », de la démocratie, l'on
serait tenté par un retour à la brutalité puisque l'enfant
aimé constitue un danger pour lui-même et pour les autres.
Débardieux, grâce à ses recherches sur le terrain propose
d'être pragmatique en intégrant sans préjugés les
parents et l'ensemble de la communauté éducative de
l'établissement scolaire dans l'élaboration et la mise en
exécution d'un projet éducatif avec le risque que cela comporte
de voir les forces de maintien de l'ordre envahir l'école. Mais plus
encore, Débardieux propose aussi une réflexion sur le rôle
de la punition dans la « postmodernité
éducative ».
2.1.2- Le rôle de la
sanction à l'école
Pierre François Edongo Ntede (2010),
abondant dans un sens pratiquement opposé aux auteurs
précédents, remet en question la
démocratisation de l'école et le laisser faire, le laisser
aller, le laisser être qu'elle entraîne pour mettre en
lumière la valeur réparatrice des sanctions négatives.
Il utilise l'approche anthropologique basée sur l'observation
participante et des entretiens approfondis pour analyser les rapports qu'ont
les enfants avec l'école. Selon lui, la punition occultée par les
instructions officielles apparaît comme le versant le moins noble du
rôle de l'enseignant qui doit se contenter de transmettre les
savoirs. La conduite et l'organisation de la vie quotidienne de l'apprenant
sont ainsi reléguées au second plan. Il pense cependant que
l'élève a besoin de connaître les règles
imposées par le groupe social en ce qui concerne les récompenses
et les punitions ainsi que les limites à ne pas franchir. Ceci est
d'autant plus important pour l'action éducative que Mbondji Edjenguele,
en préfaçant l'oeuvre de Edongo Ntede affirme que
« Si le système éducatif ne punit pas ou punit mal,
il se punit lui-même et par effet d'entraînement, il punit la
société qui opposera la violence à la violence.»
p.11
Pour Edongo Ntede, les jeunes, avec le modèle
occidental qui s'impose à eux et à leurs parents, sont en manque
de repères. Leur violence est le signe du déséquilibre
dû à cette éducation permissive qui s'alimente de
la démocratie, des droits de l'enfant, de l'interdiction
d'interdire (Mbondji Edjenguele, dans la préface de l'oeuvre de
Edongo Ntede, 2010) et rend les questions d'autorité taboues. L'auteur
cherche alors à déconstruire les préjugés sur les
sanctions à l'école en partant d'un objectif
général : voir si les punitions en vigueur dans le
système éducatif ont une valeur éducative. Pour y
arriver, il veut prouver qu'une punition adéquate permet
d'acquérir des valeurs nécessaires à l'intégration
dans le groupe social et que l'abolition de celle-ci conduit à la
montée de l'indiscipline. Il est donc primordial, de son avis, de
connaître l'origine des personnes à éduquer afin d'adapter
les punitions à chacun. Il s'inspire de la culture du peuple
Béti pour mettre en exergue les bases de sa pédagogie
coutumière ainsi que les valeurs de son système
pédagogique afin de démontrer que toute éducation est en
rapport avec la culture.
Passant au crible le contexte social camerounais ainsi que les
opinions diverses sur les sanctions, il fait le constat que le règlement
intérieur dans les écoles est conçu de façon
arbitraire car les obligations, formulées par les enseignants, ne
concernent que les élèves. Il fait ensuite la distinction entre
les punitions qui sont décidées en réponse
immédiate par les personnels de l'établissement
(professeurs, personnel administratif) et les sanctions disciplinaires qui
relèvent du chef d'établissement ou du conseil de discipline
(141). En effet, la punition sert à réparer les dommages
causés à un tiers afin d'obtenir son pardon tandis que la
sanction « permet à l'enfant de se confronter à la
réalité grâce au lien entre son acte et les
conséquences qui en découlent. »(142) Edongo Ntede
pense que la sanction éducative ou positive doit amener
l'enfant à assumer sa responsabilité vis-à-vis d'autrui,
du groupe et de lui-même et à s'engager à mieux se
comporter.
Il définit ensuite l'éducation comme
« le devoir moral de léguer aux autres et à la
postérité, soit quelque chose de nouveau, soit une valeur
culturelle que nous avons nous-mêmes reçue des
générations précédentes. »(146) en
distinguant éducation coutumière ou traditionnelle qui
véhicule l'histoire et la morale d'un groupe social et éducation
moderne ou institutionnelle qui se doit de bâtir la personnalité
des apprenants, mais qui, comme le remarque l'auteur, se limite à
l'intellect en délaissant la formation morale, sociale, civique et
religieuse qui passe aussi par des sanctions éducatives. Celles-ci
doivent être, selon lui, proportionnelles à la faute commise,
justifiées, acceptées de celui qui est sanctionné et
réparatrices.
L'auteur dresse ensuite un panorama des formes de violences
éducatives au Cameroun et qui ne sont pas seulement
perpétrées à l'école, mais aussi à la
maison. Ces violences éducatives sont :
· Les châtiments corporels :
ici il s'agit surtout de la bastonnade à l'école et à la
maison,
· La brimade non seulement par les pairs
mais aussi par les adultes à travers le travail des enfants et la
soumission,
· Les rites que Mbala Owono (1990)
définit comme « des écoles de jurisprudence,
d'intégration des jeunes et de réintégration des adultes
défaillants, mais encore comme des institutions socio-religieuses dont
s'est dotée la société traditionnelle pour sa sauvegarde
et son développement harmonieux, fondement de toute
éducation. » Les rites marquent aussi les passages d'un
cycle scolaire à un autre ou l'entrée dans une école (cas
du bizutage)
· Les violences psychologiques parmi
lesquelles, les traumatismes, les frustrations, le nom, sa désignation
et sa fonction, la violence symbolique et subjective.
Pour l'auteur, les médias et les jeux importés
constituent le plus grand marché de la violence et conclut que la
punition est nécessaire à l'action éducative, car
prévient des récidives, mais elle doit s'adapter au contexte
social et culturel des personnes à éduquer pour atteindre ses
objectifs. La famille doit être appuyée par l'école
où les enseignants doivent privilégier la communication
relationnelle et pratiquer une pédagogie de l'implication.
2.1.3- Les travaux sur les types
de violence à l'école
François Dubet (1998) dans un article intitulé
Les figures de la violence à l'école
décrie le « succès » médiatique
que connaît subitement le thème de la violence scolaire qui, des
années auparavant n'était abordé qu'en des termes
voilés tels que : élèves
« difficiles », problèmes sociaux,
désintérêt scolaire, violence des enseignants. Il s'insurge
également contre la tendance à mélanger dans le même
concept des conduites qui, selon lui, sont
« hétérogènes » et
« relèvent de logiques différentes » (vol,
agressions contre les enseignants, bagarres entre élèves,
désordre, inattention scolaire, relations tendues avec les parents,
etc). Il se propose donc de distinguer les types de violence ainsi que les
mécanismes qui les engendrent tout en affirmant que le thème de
la violence scolaire pose le problème de la vocation et de la nature
même de l'école qui n'est pas seulement destinée
« à un service de formation et de qualification», mais
doit conduire « vers une réflexion sur l'éducation et
la civilité » ( 36)
Après une enquête personnelle, il se rend compte
que ce qui est perçu comme de la violence dépend de
l'expérience professionnelle de l'enseignant et de la stigmatisation des
établissements dits « à problème »
à cause de leur proximité avec certains quartiers. La perception
de la violence dépendrait aussi de la fragilité et du manque
d'assurance sociale de celui qui se sent en insécurité. Il en
déduit que « la violence est une catégorie
générale désignant un ensemble de phénomènes
hétérogènes, un ensemble de signes des difficultés
de l'école, parmi lesquelles les conduites violentes proprement dites ne
sont qu'un sous-ensemble. » Vols, agressions, injures, menaces
et toutes les conséquences liées à la vie scolaire et
à l'environnement social des apprenants peuvent ainsi s'ajouter à
ce qu'on va nommer violence scolaire mais qui n'inclut pas tout ce
qui touche les élèves même hors de l'école.
Dubet pointe aussi un doit accusateur sur l'idéologie
politique, notamment celle de la gauche qui, avec l'accent mis sur la
sécurité, a entraîné une autre perception de la
violence. Il ainsi distingue trois (03) types de violences :
· La déviance tolérée :
Elle peut être contrôlée sans pour autant
être éradiquée. Elle s'exprime dans les limites
fixées par la société pour la transgression de certaines
normes à travers des carnavals, fêtes diverses, charivari,
chahuts initiatiques et même pour certains sports tel le Rugby ainsi
que dans les casernes. A l'école, le bizutage, les espaces de
déviance aménagés, les vols de trousse étaient
tolérés et contrôlés. Ceci faisait partie de la
formation et nécessitait un consensus pour que tous comprennent les
codes, ce qui malheureusement n'est plus le cas aujourd'hui. L'auteur
déplore la disparition de cette complicité entre enseignants et
apprenants du fait des écarts culturels et sociaux qui se sont
creusés. Cette cécité culturelle dramatise les
situations les plus anodines et renforce le sentiment
d'insécurité à travers une discipline rigoureuse qui
provoque des réactions violentes.
· La violence sociale :
Elle se manifeste dans un premier temps par le chômage,
la précarité, la pauvreté relative, la recherche d'une
identification ethnique et territoriale pour les jeunes immigrés, la
dégradation de l'image des parents qui renforcent la délinquance
juvénile, et l'entré à l'école des vices du
quartier tel que le racket, le vol et la violence.
Dans un second temps, la massification scolaire et le prolongement
jusqu'à 18 ans donnent le sentiment que les problèmes sociaux
envahissent l'école qui n'est plus un
« sanctuaire », un hâvre de paix. Enfin,
l'école perd de sa crédibilité car n'assure pas
l'intégration sociale, assertion que l'auteur réfute tout en
affirmant que croire en l'école n'éloigne pas la peur qu'ont les
parents des enseignants leur brandissant sans cesse leur
incompétence.
· Les violences anti-scolaires
Ces violences sont générées par
l'école elle-même. Sans s'attarder sur le thème de la
violence symbolique, l'auteur pense qu'il faille démonter le
mécanisme structurel qui renforce les inégalités et remet
en question les valeurs individuelles à travers des jugements
infamants. Les élèves répondent à cette forme
de violence et de mépris en agressant le professeur. Ils trouvent leur
violence « légitime » car elle leur permet
de défendre « l'honneur du groupe »p.41
C'est en effet, la « révolte dépendante contre un
appareil et des acteurs qui intègrent pour mieux exclure »
et même si les enseignants sont d'accord avec eux, ils n'osent pas
l'exhiber par solidarité de corps.
Dans la même optique, Carra et Faggianelli (2003)
passent en revue les recherches faites en ce qui concerne la violence scolaire
pour en ressortir les grandes tendances actuelles au plan international en
sociologie, rendre compte des principaux éléments qui ont
contribué à la structuration du champ et en dégager les
implications. Les auteures partent du constat que les procédures de
gestion de la violence sont du ressort de la police et de la justice et les
faits relatifs à la violence scolaire sont faibles car les statistiques
institutionnelles sont récentes et manquent de régularité.
En outre, les données auto-déclarées recueillies
grâce aux questionnaires ainsi que l'enquête de victimation rendent
mieux compte de la relativité de la notion de la violence et permettent
de mesurer l'ampleur du phénomène tout en dégageant les
profils des victimes et des auteurs. Partant des études de Janosz et
al.(2002) et de Débardieux (2000), Carra et Faggianelli montrent
que la perception est plus catastrophique que les faits
auto-déclarés et c'est la multiplicité et la
répétition de micro-agressions qui nourrit le sentiment
d'insécurité. Elles en déduisent que limiter la violence
scolaire aux crimes et délits réduirait l'ampleur du
phénomène. Ainsi les grandes catégories avec lesquels la
violence est appréhendée sont :
· Le comportement anti-social ou anti-social
behaviour :
Il « désigne des actes dont le
caractère illicite n'est pas avéré mais qui contribue
à déstabiliser la communauté de voisinage ou à
perturber le climat scolaire ». En effet, Une personne
antisociale
est indifférente, délibérément ou
involontairement, aux normes de la société. Ce type de
comportement peut se manifester par l'
agressivité,
la violence, le non-respect des droits d'autrui, l'égocentrisme, les
comportements irresponsables et l'absence de culpabilité. Carra et
Faggianelli recommandent de repérer ces comportements ainsi que leurs
auteurs afin de prévenir une « contagion ».
· Les incivilités :
Les auteures les définissent comme « les
menus désordres sociaux qui minent la cité » au
quotidien et qui se caractérisent par les paroles blessantes, les
humiliations, le racisme, le manque de respect, l'indifférence aux
cours, les comportements perturbant l'ordre scolaire dont la
répétition crée un climat d'insécurité au
sein de l'école. Cependant, la perception de l'incivilité est
purement subjective et dépend du contexte socioculturel et situationnel.
Elle peut aussi être « la forme de base des rapports de
classe exprimant un amour déçu pour une école qui ne peut
tenir les promesses égalitaire d'insertion » comme le
pense Débardieux (2000, 404 cité par Carra et Faggianelli)
· Le school bullying :
Il désigne les brimades
répétées ou le harcèlement
entre pairs et peut se traduire par la moquerie, les
insultes, les menaces, la bastonnade, la bousculade, l'enferment dans une
pièce, les messages méchants et injurieux (Smith, Sharp, 1994).
Les conséquences pour les victimes vont du décrochage scolaire au
suicide, en passant par l'anxiété et les troubles psychiques et
pour les bullies, dont le but est de conserver leur statut de
dominant, c'est la voie facile pour une vie de déviances comme le
montrent les recherches de Smith, Sharp (1994) et Cullingford, Morrison (1995,
1997).
· Les violences avec armes ou School
shooters :
Cette violence qui use d'armes à feu reste, selon Carra
et Faggianelli, typiquement américaine. Le taux élevé
d'homicide des adolescents aux Etats-unis au fil des années a conduit au
financement des recherches en vue de lutter contre ce fléau. Carra et
Faggianelli concluent que les chercheurs préfèrent se limiter
aux déviances liées à l'ordre scolaire dans sa
quotidienneté et expliquent la violence du point de vue des acteurs
et en se fondant sur les tendances en rapport avec la tradition
scientifique des pays et la demande sociale.
Benoît Galand (2001) dans sa thèse
intitulée Nature et déterminants des phénomènes
de violences en milieu scolaire/Nature and factors of violence in schools
décide d'aborder le phénomène de la violence du point de
vue psychologique afin de voir quelles étaient les méthodes
pouvant aider dans la prévention et l'intervention dans l'enseignement
secondaire belge francophone. Après avoir passé en revue les
approches sociologiques, psychologiques et contextuelles de la violence qu'il
trouve soit peu élaborées, soit très
spécialisées, il opte pour une double approche articulant
influences contextuelles, réactions cognitivo-affectives et
comportements, en tenant compte des caractéristiques
socio-démographiques des sujets et qui lui permet de mieux
comprendre la violence scolaire. Il part de l'hypothèse que la
perception de la violence d'un évènement dépend du
contexte organisationnel et qu'à l'école c'est la
chronicité et non l'intensité d'un
évènement qui crée problème. Ne voulant pas se
focaliser sur le harcèlement entre pairs et la délinquance qui
sont les plus médiatisés, il veut évaluer quantitativement
le problème de la violence scolaire tant du point de vue des
élèves que des enseignants en y apportant des solutions. Il
procède à des entretiens, à une enquête de
victimisation et consulte des études de la Communauté
française pour rechercher la démotivation et le
désengagement des élèves face à l'école, les
relations intergroupes en milieu scolaire ainsi que l'agression
interpersonnelle et l'indiscipline à l'école.
Son enquête de victimisation dans l'enseignement
secondaire auprès de 5000 élèves environ et 1500 membres
de l'équipe éducative provenant d'à peu près 40
établissements démontre qu'adultes et élèves n'ont
pas la même définition de la violence. Pour les enseignants les
manifestations de la violence scolaire sont :
· les écarts de langage,
· la violation des règles établies,
· le désintérêt pour
l'école,
· l'absentéisme.
De leur côté, les élèves classent
parmi les actes de violence scolaire :
· la discrimination,
· la distance et la rigidité des enseignants,
· les disputes entre élèves,
· les conflits liés au prestige social
· les moqueries.
Cependant, l'école n'apparaît pas comme un lieu
totalement insécurisé et les élèves affirment
même s'y sentir mieux. Galand en déduit que la violence scolaire
est liée à la socialisation normale des adolescents.
A l'aide d'une enquête sur le vécu scolaire des
élèves, leurs motivations, leurs croyances et attitudes portant
sur 1250 élèves de 10 écoles de Bruxelles et Charleroi,
Galand démontre que la violence scolaire n'est pas omniprésente
à l'école. C'est le manque de motivation, la tension permanente
entre élèves et enseignants et entre élèves qui
crée un climat de violence.
2.1.3.1- Les violences
basées sur le genre en milieu scolaire
Dans le Rapport final sur les violences de genre en milieu
scolaire, Halim Banabdallah (2010) met en jeu la dimension sociale des
rapports entre femme et homme en présentant les violences faites aux
femmes et en particulier aux élèves filles en milieu scolaire. Il
différencie entre trois types de violences :
- Les violences sexuelles :
Elles sont constituées d'une part par des abus sexuel
avec harcèlement verbal ou physique à connotation sexuelles, des
attouchements, des agressions sexuelles, des viols. D'autre part il
présente l'exploitation sexuelle traduite par des relations
transactionnelles qui passent par les notes ou le financement des
études. Selon ce rapport, 30% de ces violences sexuelles subies par les
filles au Cameroun seraient exercées par leurs camarades garçons
et en République Centrafricaine, les enseignants sont les principaux
auteurs d'abus sexuel.
- Les violences physiques :
Elles se traduisent par des châtiments corporels, des
travaux forcés et des coups divers. Il définit la violence
physique comme « tout acte dans lequel la force physique est
employée avec l'intention d'un inconfort ou d'une douleur. Elle comporte
aussi l'usage de la force physique ou verbale afin d'engager un individu dans
des actions causant des blessures physiques. » (10) Benabdallah
évoque les causes systémiques ainsi que les insuffisances de la
formation pédagogique qui fait que les enseignants ne connaissent pas
les formes non violente des punitions et perpétuent en même temps
des représentations sexuées inéquitables.
- Les violences psychologiques :
Celles-ci, considérées comme norme pour le
personnel scolaire, se manifestent par la violence verbale (insultes),
l'intimidation (menaces), la manipulation émotionnelle (refus de
corriger les devoirs des élèves, répression des
émotions des élèves), les humiliations publiques. Entre
élèves il note les brimades, le vol ou la dégradation des
biens personnels. Au plan institutionnel, il souligne la représentation
sexuée des programmes scolaires, l'intimidation sous couvert de
discipline.
Benabdallah fait également état de ce que toutes
ces violences sont exercées dans l'école, principalement dans
les toilettes, les salles de classe vides et les dortoirs ainsi que sur
le chemin de l'école.
Tout en notant la difficulté à chiffrer l'impact
de la violence basée sur le genre, Benabdallah relève au plan
sanitaire :
- les troubles alimentaires,
- les tendances dépressives et suicidaires,
- les grossesses précoces et non désirées
compromettant la formation, la réussite et la rétention
scolaire,
- les Infections Sexuellement Transmissibles et le VIH/SIDA.
Au plan éducatif, il note :
- la peur,
- la haine de l'école,
- la peur de sortir dans la cour de l'école ou de
fréquenter la bibliothèque ou la salle informatique,
- la faible estime de soi et le stress qui affectent la
qualité du travail scolaire conduisant à l'échec et
à l'abandon scolaire.
En outre, les violences subies par les élèves
poussent les parents à être réticents vis-à-vis de
la scolarisation de leurs filles. Scolarisation qui n'atteint pas les 50%
particulièrement au Cameroun où une étude a
été menée par Mbassa Menick (2002) dans 10
établissements secondaires publics et privés de la ville de
Yaoundé en 1999. Partant de l'hypothèse que les
élèves sont de plus en plus victimes d'attentats sexuels en
milieu scolaire, généralement perpétrés par leurs
enseignants et/ou leurs camarades de classe et d'établissement l'auteur
a montré que sur 1688 élèves interrogés, 269
élèves soit environs 15,9 % ont été victimes d'abus
sexuel avant l'âge de 16 ans parmi lesquels 27,5 % de garçons et
72,5 % de filles. 15 % des cas d'abus sexuel s'était produit dans un
environnement scolaire et 30 % environ étaient perpétrés
par des camarades de classe. Les enseignants représentaient 7,9 % des
agresseurs extra-familiaux et les répétiteurs de cours, 7,3 %.
Hallim Benabdallah donne une lueur d'espoir en
présentant des instruments juridiques internationaux et nationaux, la
législation de protection des enfants, les initiatives et programmes
majeurs internationaux et nationaux sur les violences de genre en milieu
scolaires dont l'efficacité est freinée par des obstacles
culturels et institutionnels tel que le silence des victimes, le sentiment
d'impunité aggravé par la pénurie d'enseignants que l'on
veut, malgré leur moralité pervertie, retenir faute de mieux.
L'auteur fait donc un plaidoyer en direction des décideurs politiques et
des bailleurs internationaux pour un échange de bonnes pratiques entre
Europe et Afrique et la coordination de tous les acteurs de la
communauté éducative des différentes écoles.
2.1.3.2- La violence verbale en
milieu scolaire
Joseph AVODO (2010) a abordé la question sous un autre
angle. En partant de l'hypothèse d'une violence potentielle, propre
à l'institution scolaire pour pointer un doigt accusateur aux pratiques
enseignantes qui véhiculent des modèles interactionnels
négatifs pouvant influencer la personnalité des
élèves et en se basant sur des données ethnographiques et
orales collectées dans trois lycées de la ville de
Yaoundé, il cherche à décrire la ``violence
éducative'', moins médiatisée et dont sont victimes les
élèves. Celle-ci est beaucoup plus verbale et se traduit par les
incivilités, le dénigrement, l'impolitesse, l'insulte et le
malentendu.
Après avoir présenté les dispositions
institutionnelles et réglementaires, il s'attarde sur les droits et
devoirs tant des élèves que des enseignants définis dans
la Loi de l'orientation de l'Education au Cameroun. Partant de la conception
de l'école de Gilbert Tsafack, il cherche à établir un
lien entre les interactions pédagogiques, le rapport d'autorité
et la violence verbale. L'interaction pédagogique vise une insertion
sociale de l'apprenant. Cependant, élèves et enseignants ont des
statuts « dissymétriques » : l'enseignant
occupe une position institutionnelle qui lui permet d'exercer une
influence sur l'apprenant qui se retrouve en bas.
Avodo distingue deux types de violence
éducative :
· La violence éducative
intentionnelle :
Elle vise à produire un effet précis et se
traduit par l'interpellation violente, les remarques humiliantes, l'ironie
offensante et les jugements dévalorisants. Tout ceci servant à
« faire susciter l'usage socio-cognitif des apprenants,
réguler la classe et rétablir l'ordre ». Les
élèves peuvent y répondre par des incivilités, le
refus d'exécuter les ordres ou de participer aux activités. C'est
une tentative de conjurer ce que Jeammet (1997) appelle le « syndrome
d'influence » afin de sauver leur identité menacée.
· La violence éducative « non
intentionnelle » :
Elle ne vise que la transmission des savoirs et se manifeste
par « l'assénement moral et la supériorité
interactionnelle de l'enseignant ». Ce dernier perd de vue que
l'élève est en quête de savoir en l'assaillant de
questions ou d'activités sans lui donner le temps d'y
réfléchir. Il donne et retire la parole à son gré
et l'élève se terre parfois dans le silence par peur de donner
une mauvaise réponse ou de contredire l'enseignant. C'est ce que
l'auteur appelle « modèle interactionnel de la parole
unique » qui exige obéissance et politesse aux apprenants qui,
à leur tour, développent une expérience négative de
l'apprentissage et du rapport à l'école.
Joseph Avodo rappelle ensuite que les sociétés
traditionnelles camerounaises cultivent le respect des autres, des
aînés et du groupe qui passe avant l'individu. Il est donc
question de respecter la sensibilité des autres et les Etats
Généraux de l'Education de 1995 visent l'égalité
des chances, le respect ainsi qu'une éducation de qualité.
Les facteurs de la violence scolaire selon lui sont :
· Le facteur culturel : qui ne prend pas en
compte l'enracinement culturel et l'ouverture au monde. Le magistrocentrisme
qui le caractérise est de nature à favoriser les interactions
violentes.
· Le facteur professionnel: la formation à la
dimension sociale et relationnelle est absente des programmes d'études
de l'Ecole Normale Supérieure.
· Le facteur contextuel : l'interaction frontale
entraîne la peur de ne pas être à la hauteur et
l'autoritarisme est adopté par les enseignants comme une solution de
repli.
L'auteur pense que l'interaction pédagogique doit
favoriser la socialisation à travers l'intégration de savoirs,
de savoir-faire qui permettront à l'élève de vivre en
société, en groupe. Cependant le modèle interactionnel
qui lui est véhiculé prône
« l'imposition, la domination, la stigmatisation, la remise en
cause permanente de la capacité à être
autonome. ». Il pense ainsi qu'un modèle
interactionnel coopératif fondé sur un pouvoir
symbolique est nécessaire car permettra de prendre en compte la
susceptibilité de l'autre, son intégrité morale et
physique. En outre, les enseignants doivent revoir leur rôle en
favorisant l'autonomie des apprenants.
Dans un article publié deux ans plus tard Avodo (2012),
à travers une double approche lexico-sémantique et pragmatique
et grâce aux données recueillies dans la première
étude, décrit les choix linguistiques observés chez les
enseignants, les analyse comme manifestations de la montée en tension de
la violence verbale et aborde la qualification péjorative comme forme de
l'agir professoral.
La qualification péjorative comme une des composantes
du discours évaluatif intervient lorsque l'enseignant veut
évaluer les conduites, les performances ou les compétences des
apprenants. L'auteur analyse les catégories grammaticales
récurrentes et relevant de la qualification péjorative et note
des substantifs, des verbes, des adjectifs et des adverbes. Les substantifs de
la catégorie appellative et servant à désigner
son allocutaire ainsi que les verbes décrivant les actions et les
conduites des apprenants sont les plus utilisés.
Parmi les substantifs appellatifs, il y'a des termes
comme bande de fainéants, côté des morts,
côté des faibles, tricheurs, bavardes, maladresse,
bêtises, totos, Ivoirienne, ingénieurs de son, qui ont une
fonction évaluative et définissent l'interlocuteur dans
ses productions ou performances scolaires, en remettant en cause son potentiel
intellectuel. Leurs valeurs axiologiques se situent soit au niveau du
signifiant, soit au niveau du signifié ou encore au niveau de la charge
culturelle et enfin au niveau de leurs synonymes. Les verbes tels que
faxer, contaminer, enregistrer, copier, garder au fond du cerveau, bricoler
décrivent le comportement scolaire, les traits de caractère
des apprenants lié à leurs performances intellectuelles.
En ce qui concerne les adjectifs et les adverbes
péjoratifs, peu utilisés, ils s'inscrivent dans la perspective
des jugements sévères portés aux capacités
intellectuelles des apprenants (bidon, mal, pire, incapables). Cette
forme de discours injurieux traduit la subjectivité
langagière de l'enseignant, les représentations sociales qu'il a
de ses apprenants et est une des manifestations de la violence verbale à
l'école.
Avodo fait une analyse contextuelle pour mettre en exergue
trois situations pouvant conduire à la violence verbale :
· Le blocage d'activité :
synonyme de perte de temps et de retard dans la progression, il se
caractérise par l'absence de réponse aux questions posées
et peut être interprétée par l'enseignant comme du
mépris ou de la révolte implicite.
· La déritualisation : c'est
la transgression des rituels scolaires tels que demander la parole, avoir
l'autorisation de sortir de la salle de classe.
· Le désaccord : marque
l'opposition, la rupture.
Toutes ces situations sont de nature à provoquer le
recours aux actes de menaces, aux remarques désobligeantes, au
grondement, aux insultes, à l'interpellation violente qui sont autant de
signes de la violence verbale et qui peuvent avoir des répercussions
psychologiques.
Avodo, en s'inspirant des travaux de Cicurel et de
Kerbrat-Orecchioni, considère la qualification comme partie du processus
de l'agir professoral qui usent des axiologies mélioratifs ou
péjoratifs et à effets immédiats et parfois violents
et dont le but est de susciter un engagement, un investissement
intellectuel, affectif et psychologique des apprenants dans les
activités d'apprentissage. Ceci peut aussi entraîner des
traumatismes, des comportements anti-sociaux, des comportements violents, le
manque d'estime de soi, le décrochage scolaire et bien d'autres
conséquences néfastes.
2.1.4- Les justifications de la
violence en milieu scolaire
François Dubet (op. cit.) fait appel à trois
théories sociologiques de la violence :
La première présente la violence comme
naturelle chez l'homme. Il prend appui sur Emile Durkheim qui affirme
le rôle de l'éducation, de la morale et de la religion pour la
culture de l'amour et du bien. Ainsi les psychiatres considèrent que
les causes de violence sont liées à des une socialisation
ratée : « images paternelles déficientes,
rapport à la loi défaillant... ». Le manque de
socialisation et d'éducation morale conduit à la barbarie,
à l'expression « naturelle » des actes de
violence.
La deuxième théorie est développée
par Hobbes, puis par Weber qui pensent qu' « à
l'état de nature l'homme est un loup pour l'homme ».
La seule instance qui a droit d'autorité, de répression, de
torture est l'Etat. En ce sens, la discipline et les sanctions telles que
l'exclusion des élèves difficiles ainsi que la collaboration avec
l'appareil répressif de l'Etat est recommandé.
Le troisième paradigme ou modèle prône
la bonne nature de l'homme. C'est cette thèse est sans
aucun doute en accord avec la théorie de la bonté humaine de
Rousseau qui soutient que l'homme est naturellement bon, mais l'environnement
le corrompt. La violence vis-à-vis des autres serait une
répercussion de la violence expérimentée ou une
révolte contre l'ordre oppressant établi par l'environnement
social. En effet, l'individu violent serait une victime des injustices du
système. La solution de l'avis de Dubet est de reconnaître la
violence de l'école et de permettre que s'expriment les sentiments
d'injustice. C'est que l'on appellerait la démocratie. L'auteur conclut
au miroir de ces trois paradigmes que : « La violence
juvénile et scolaire résulte à la fois de la faiblesse de
l'autorité, des lacunes de l'éducation et de l'injustice
sociale »p.43
Dubet pense que l'amalgame fait dans la perception de la
violence n'apporte aucune issue quant à son éradication car les
établissements jugés à problèmes ne sont pas
toujours les plus violents et ceux qui semblent y résister
« sont ceux qui prennent acte de la pluralité des
significations de la violence, et qui combinent des systèmes de
réponses en surmontant leurs caractères à priori
contradictoires. » p. 43
Il propose ainsi trois réponses dont la première
est l'ouverture de l'école à l'environnement immédiat en
renforçant la dimension éducative de l'enseignement. La
deuxième est que l'école réaffirme « une loi,
une légitimité et une discipline » que tous,
enseignants comme élèves doivent respecter. La troisième
réponse implique la reconnaissance d'une violence propre à
l'école afin de laisser s'exprimer les élèves et les
parents tout en construisant une civilité démocratique
et en ne confondant pas les leçons morales avec "l'éducation
à la citoyenneté".
Dans les travaux de Carra et Faggianelli (op. cit.), les trois
tendances explicatives de la violence généralement
utilisées sont :
· Les facteurs susceptibles de favoriser le passage
à l'acte violent,
· Les éléments de transformation de la
réaction sociale et de la perception de la violence,
· La violence comme réaction à celle de
l'institution.
Les travaux de Funk (2001), Lösel, Bliesener (1995) et
Döpfner et al (1996) démontrent que l'accroissement
des processus de socialisation défaillants, partant des
dysfonctionnements au niveau de la famille, peut être une cause de la
violence des jeunes adolescents. En effet, facteurs qui peuvent contribuer
à l'escalade de la violence juvénile sont : la
séparation des parents, le manque de relations chaleureuses, l'absence
de frères et soeur ou leur nombre trop élevé,
l'éducation trop stricte ou trop laxiste, le manque de surveillance, le
parent absent. D'autres part, le développement d'une culture de
la violence divulguée à travers les médias, les films
violents conduit au mensonge, à l'injure, à la bagarre, au
vandalisme, à la menace et au harcèlement sexuel (Fuchs
et al., 1996 cité par Carra et Faggianelli).
L'appartenance aux gangs ou bandes est généralement l'une
des conséquences immédiates. La massification de l'école
ainsi que la paupérisation des quartiers qui l'environnent sont aussi
des facteurs favorables à l'entrée et à l'installation de
la violence en milieu scolaire.
Carra et Faggianelli démontrent également que
les définitions dominantes de la violence se sont
transformées rendant intolérables des comportements qui
étaient jadis acceptés (cf. Dubet, 1998). En effet, les
nouveaux élèves, d'origine étrangère ou
venant des quartiers populaires, n'ont aucune idée des normes scolaires
et ont de la peine à se socialiser, le chahut traditionnel
cède la place au chahut anomique, perturbant l'ordre
scolaire.
Carra et Faggianelli évoquent aussi la violence
symbolique de l'école qui amplifie les inégalités
sociales de réussite ainsi que l'arbitraire dans la notation,
l'orientation et les sanctions. La désertion des cours, le
chahut, l'insolence, le refus de travailler, les agressions à l'encontre
des élèves, des enseignants et des établissements
scolaires sont autant de violences réactionnelles (Bourdieu,
Passeron, 1970) ou anti scolaires marquant une résistance
à la massification, à la prolongation des études
pour tous et à l'ethnicisation des rapports, à
l'injustice. Ils refusent ainsi la position marginale qu'ils occupent dans la
société et dont se servent les enseignants pour expliquer
l'échec scolaire et la violence.
Pour étudier la violence scolaire, Carra et Faggianelli
identifient trois grandes orientations ayant une démarche
pragmatique et opérationnelle :
· La recherche des facteurs de risques
individuels et situationnels
Farrington (2003 : 33 cité par Carra et
Faggianelli) idendifie ces facteurs comme résultante de la violence
juvénile. Ils sont au plan psychologique : la
grande impulsivité, la faible intelligence ; au plan
familial : une discipline très rude, le mauvais traitement
des jeunes enfants, la violence des parents, les familles nombreuses ou
dispersées. La délinquance des pairs, le statut
socio-économique médiocre, la résidence urbaine et le
voisinage fortement criminalisé peuvent aussi être des facteurs de
risque. Il propose de suivre les individus de l'enfance à
l'âge adulte afin de déceler les signes de violence
juvénile.
· Identification des variables relatives au
contexte d'établissement et qui contribuent à la baisse ou la
montée de la violence scolaire
La théorie de l'effet établissement et
l'approche organisationnelle montrent que l'établissement scolaire en
tant qu'organisation ne se définit pas uniquement par son environnement
socio-économique, mais est un acteur social indépendant
qui peut développer ses propres stratégies et obtenir son
efficacité quelles que soient les caractéristiques de
ses élèves (Cousin, 2000) et l'environnement. Pour y parvenir, il
faut :
· Une discipline et des règles connues et
applicables par tous.
· La cohésion, la concertation et la mobilisation
des personnels sous la houlette du Chef d'établissement.
· Des attentes et exigences de réussite scolaire
fortes envers tous les élèves.
· Un sentiment d'appartenance de tous les acteurs de la
communauté éducative.
Janosz et al. (2002) affirment que les facteurs
structurels, les variantes du climat scolaire et les pratiques
éducatives ont un impact sur la qualité des écoles. Cette
approche a plusieurs avantages :
· Permet d'appréhender les variations des taux de
violence entre les établissements, principalement ceux avec un public
aux caractéristiques similaires.
· Permet aux décideurs de prendre des initiatives
en vue de lutter contre la violence.
· Compréhension des violences
interpersonnelles et des interactions
Le courant de la sociologie traditionnelle, comme l'approche
interactionniste, considère la violence comme résultant de
l'interaction et explique pourquoi un individu peut être à la fois
auteur et victime. La violence est appréhendée comme un
processus faisant intervenir la confrontation de logiques d'actions
différentes, ce qui conduit à développer des
stratégies de résolution de conflits telle que la
médiation.
En ce qui concerne les conséquences sociales et
institutionnelles de la violence scolaire, Carra et Carra et Faggianelli
démontrent avec Bouveau, Rochex (1997) que la violence dans la classe
freine le processus de transmission des savoirs au profit du travail de
socialisation des élèves qui, dans certains
établissements, prend plus de temps. Les exemples des Beacon Schools
de New York, les écoles ouvertes en France, et autres
visent à remplacer l'influence du milieu parental qui
désormais s'écroule (Funk, 2001 :37 cité par
Carra et Faggianelli) et obligent les enseignants à
construire de nouvelles compétences.
En outre certaines écoles jugées difficiles sont
évitées tant par les enseignants que par les parents ce qui
renforce les inégalités de performance scolaire et la
ghettoïsation des écoles des quartiers populaires. Pour
palier cet écart les classes à niveau, les projets
d'établissements, les écoles à thème sont
autant de solutions pour maintenir ou attirer la clientèle. En plus de
cela, les mesures disciplinaires et sécuritaires sont mises sur pied en
collaboration avec la police et la justice avec une tolérance
zéro, notamment dans les safe school program aux USA et au
Canada, ce qui suscite encore l'engouement des chercheurs qui interrogent ces
pratiques. Carra et Faggianelli orientent alors les recherches futures vers les
effets sociaux de la violence à l'école sur les pratiques des
acteurs du système éducatif et les dispositifs de lutte.
2.2- INSERTION THEORIQUE
2.2.1- La
théorie de la violence fondamentale
Cette théorie stipule que la violence est un instinct
naturel, commun aux animaux et aux hommes et qui leur permet de se
défendre lorsqu'ils se sentent en danger, d'assurer la survie de
l'espèce « sans désir de nuire aux autres ».
C'est l'essence même de l'existence car elle donne à l'homme le
désir de se réaliser. Dans un entretien avec Alain Braconnier
(2010), Jean Bergeret définit la violence fondamentale comme
« vraiment fondamentale, c'est-à-dire d'ordre pulsionnel
inné et d'étage narcissique. » Il la distingue de
l'agressivité qui est, selon lui, « une attitude d'attaque
de l'autre, ne constituant qu'une des variétés d'évolution
de la violence naturelle » (Bergeret, 2014). Elle ne se
manifeste que lorsque l'on a un sentiment d'injustice, qu'on ne se sent plus
respecté, reconnu et heureux. Philippe Jeammet (1997) soutient cette
thèse en affirmant que l'agressivité est une des
modalités d'aménagement de la violence et que cette
dernière se manifeste lorsque le sujet sent son identité
menacée. La violence serait donc « une dimension d'effraction
qui fait vivre au Moi un sentiment de dépossession de
lui-même » (Jeammet, 1997 :11). Ainsi la répression
peut être à la base des comportements de plus en plus agressifs.
Claudine
Vacheret (2010) en analysant la théorie de Bergeret pense que
« l'enfant fait violence aux parents de par son existence, de par sa
présence et de par ses exigences de survie. » En effet, vers
2ans, il oppose son refus de la dépendance aux parents et se
révolte. Cette phase atteint son pic avec l'adolescence et, si elle
n'est pas gérée avec humour, par le jeu et la
compréhension, si l'adulte y oppose de la violence, l'instinct de
défense de l'enfant se transforme en agressivité. Pour Jeammet,
lorsqu'il y'a défaillance de l'équilibre narcissique, les sujets
craignent que l'environnement ne prenne de l'ascendant sur eux, sur leur
intégrité, leur personnalité et répondent à
cette menace avec violence. Le complexe d'oedipe se traduit ici par la mort des
pensées, des valeurs, des idées imposées par le parent,
par les enseignants et toute autre personne assimilée. C'est ce que
Jeammet appelle le syndrome d'influence. La violence est ainsi comme
«moyen de renversement de ce qu'ils craignent de subir et de reprendre
une maîtrise qu'ils étaient entrain de perdre. »
Jeammet(op. cit :15). C'est une volonté de
désobjectivation qui vise à rompre le lien avec l'objet
afin de protéger sa propre identité, de retrouver sa
liberté.
Cependant, contrairement aux animaux, l'homme peut dominer
ses passions, ses désirs et l'éducation est nécessaire
pour lui faire prendre conscience de sa liberté de choisir entre le mal
et le bien. Diderot (1950) affirmait que : « Si le petit
sauvage était abandonné à lui-même, qu'il
conservât toute son imbécilité et qu'il réunit au
peu de raison de l'enfant au berceau, la violence des passions de l'homme de 30
ans, il tordrait le cou à son père et coucherait avec sa
mère ». Ceci revient à dire que pour être
utile, la violence fondamentale a besoin d'être canalisée afin
qu'elle soit mieux intégrée dans l'appareil psychique, et
dirigée vers des activités créatrices et productives.
Sinon, au lieu d'être une pulsion de vie elle se transformera en
force destructive, en pulsion de mort, en une jouissance
sadomasochiste, trouvant son plaisir dans la souffrance de soi et des
autres.
Jean Bergeret (1994 : 366) réaffirme :
Il est nécessaire qu'existe une suffisante
capacité de liaison, tout au long des chaînes associatives, entre
les données fournies par les pulsions d'autoconservation
(c'est-à-dire l'attitude défensivement violente originelle) et
les données apportées par les mises en sens libidinales propres
aux pulsions sexuelles. Une telle liaison apparaît comme indispensable
à un fonctionnement positif du psychisme humain. »
L'adulte a ainsi le devoir de conduire l'enfant et
l'adolescent vers la voie de l'équilibre, de la maîtrise de sa
violence, dans sa construction psychique, dans sa genèse. (
Vacheret)
2.2.2- La
théorie de la violence symbolique
La violence symbolique traduit « tout pouvoir qui
parvient à imposer des significations et à les imposer comme
légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de
sa force » (Pierre Bourdieu, 1972 :18). Elle est
détachée de toute contrainte physique et se caractérise
par l'« inculcation d'un arbitraire culturel ». Elle est
de ce fait arbitraire car contribue à renforcer les
inégalités sociales et culturelles en privilégiant une
classe au détriment des autres. En outre, elle n'est fondée sur
aucun principe biologique, philosophique ou autre qui transcenderait les
intérêts individuels ou de classes sociales.
La violence symbolique opère dans l'ordre des
représentations. C'est une violence structurelle en ce sens
que « ce sont en réalité les dominants qui imposent, de
façon déguisée, leurs préférences et placent
ainsi les dominés en situation d'infériorité » (
Philippe
Braud : 2003) et provoque une souffrance qui porte
principalement atteinte « au moi identitaire ».
En effet, Bourdieu développe son concept de la violence
symbolique à l'ère de la massification ou démocratisation
de l'école ainsi que sa prolongation jusqu'à 14 ou 16 ans qui
conduit à l'accès de tous à l'école et à la
flambée des effectifs dans les lycées, collèges et
universités. Les parents des classes moyennes y voient le moyen pour
leur progéniture d'avoir une ascension professionnelle. L'illusion
réside cependant dans le fait que les bases sont faussées
dès le départ : certains élèves, de par leurs
origines sociales, ont plus de chances de réussir que d'autres. Les
enfants des classes sociales défavorisées sont obligés de
fournir plus d'efforts intellectuels et psychologiques pour s'en sortir dans
une école dont la langue et la culture sont très
différentes de la leur. Par contre, ceux des classes sociales
aisées ont des répétiteurs, tous les manuels scolaires et
même parfois la faveur des éducateurs qui, ``motivés'' par
les parents, s'intéressent particulièrement à leur
évolution en classe. D'autres par contre se sentent lésés,
délaissés, stigmatisés à cause de leurs
performances antérieures, de leur origine sociale ou pour toute autre
raison dont seul l'enseignant détient le secret. L'accès aux
études supérieures devient difficile pour eux.
Phillipe Hambye et Jean- Louis Siroux (2014) démontrent
que les deux formes de violences symboliques sont l'inégalité des
chances et l'inégalité des places. En effet, la violence
symbolique se traduit sur le plan éducatif à travers
l'affirmation selon laquelle les résultats scolaires sont liés
à l'intelligence et au mérite individuel. Et malgré le
diplôme, les lacunes dans certaines disciplines vont limiter
l'accès à certaines professions. L'idéologie du
« don », à laquelle ils s'opposent, renforce la
sélection scolaire ainsi que les inégalités qui en
découlent. Elle se manifeste par exemple à l'école par le
fait que certaines séries sont réservées à une
catégorie d'enfants : seuls les élèves forts peuvent
faire les séries scientifiques et les faibles les séries
littéraires. Le danger réside dans le fait que les
élèves eux-mêmes intègrent cette image d'eux qui les
classent comme des faibles, des incapables de façon inconsciente et les
justifient, même si au fond, ils se sentent frustrés.
La réaction à cette frustration peut être
de deux types : soit ils se mettent désespérément au
travail afin de mériter une place parmi les forts, soit ils se laissent
aller au découragement et se disent que quoiqu'ils fassent ils resteront
dans leur statut de « mauvais élèves ». Cette
« l'intériorisation du stigmate
d'indignité », comme l'appelle Braud, peut parfois
être la cause de l'animosité constante qu'ils développent
vis-à-vis de l'enseignant dont les cours les ennuient ou la moindre
remarque provoque chez eux insolence, mépris et même agression
physique.
La dépréciation est une des formes de la
violence symbolique. Philippe Braud (2003) affirme que « se situer
hic et nunc, c'est se situer par rapport à autrui, ce qui
suppose inévitablement des échelles de classement, en terme de
supériorité, d'égalité et
d'infériorité. ». L'école aujourd'hui est devenu
un lieu d'exhibition de la supériorité des enseignants
vis-à-vis des élèves, ce qui guide les comportements et
crée une distance entre le « maître
suprême » et ses sujets qui lui obéissent et lui doivent
respect. Ceci se traduit par les méthodes magistro-centrées
d'enseignement qui ne laissent pas de parole à l'apprenant. En outre,
les enseignants sont passés maîtres dans les injures, les propos
humiliants qu'ils profèrent parfois sans réfléchir aux
conséquences. La « mission civilisatrice » de
l'école est véhiculée par l'idée selon laquelle les
élèves, ces ``sauvages'' doivent être disciplinés,
dressés à tous les prix. Ils sont ainsi diabolisés pour
justifier les mauvais comportements des enseignants et le contexte social et
médiatique qui parle de plus en plus de la violence, de l'indiscipline
des élèves est de nature à créer une violence
symbolique par déstabilisation (Braud) chez les parents et les
élèves qui ne savent plus s'il faut faire confiance à
l'école ou pas.
La violence symbolique, ainsi présentée, peut
provoquer de la violence physique et même verbale se retournant contre
la classe jugée dominante. Celle-ci est une volonté du sujet de
dire "non" à l'humiliation, à l'oppression, afin de retrouver la
dignité perdue.
Ce sont ces deux théories qui nous permettront de
saisir le phénomène si préoccupant de la violence
scolaire.
DEUXIEME PARTIE : CADRE OPERATOIRE
Chapitre III :
METHODOLOGIQUE
Après avoir présenté le problème,
les objectifs, les hypothèses ainsi que le cadre théorique qui
guide notre étude, il est question dans ce chapitre de mettre en
évidence la démarche utilisée pour cerner l'objet de
notre étude.
Nous commencerons par un rappel des hypothèses, ensuite
nous présenterons le type de recherche, le site et la population de
l'étude, les techniques d'échantillonnage, les méthodes de
collecte des données ainsi que les outils d'analyse de ces
données.
3.1- RAPPEL DES HYPOTHESES DE
RECHERCHE
Nous avons annoncé au chapitre premier une
hypothèse générale et deux hypothèses de recherche
ainsi qu'il suit :
· HG : Le contexte scolaire contribue à la
montée de la violence en milieu scolaire.
· HR1 : Le fonctionnement de l'institution scolaire
contribue à la montée de la violence en milieu scolaire.
· HR2 : L'environnement socio-économique de
l'école contribue à la montée de la violence en milieu
scolaire.
Notre hypothèse générale comporte ainsi
une variable indépendante (VI) et une variable dépendante (VD).
3.1.1- Définition et
opérationnalisation de la Variable Indépendante
Les variables sont la plupart du temps employées
afin de déterminer si des changements à une chose entrainent des
changements à une autre chose. La variable
indépendante est la variable qui est contrôlée et
manipulée par le chercheur qui veut en connaître les effets sur la
variable dépendante. Dans le cas de notre
étude, la variable indépendante (VI) est : le contexte
scolaire.
Tableau N°1 : Opérationnalisation de
la Variable Indépendante
Variable
|
Modalités
|
Indicateurs
|
Indices
|
Le contexte scolaire
|
VI1
|
Le fonctionnement de l'institution scolaire
|
Mauvaise gestion administrative et pédagogique des
élèves
|
-Parrainage et corruption
-Effectifs pléthoriques
-Mauvais système d'évaluation
Favoritisme
-sanctions et punitions arbitraires
-Mode de recrutement
|
Attitudes des enseignants
|
- Rigidité et imposition du RI
-Frustration des élèves
-Punitions injustes
-Violences physiques
|
Mauvais gestion administrative des enseignants
|
-Impunité des enseignants
-primes de rendement
-Absence de sécurité
|
VI2
|
L'environnement socio-économique
|
-contexte socio-économique et culturel
|
-Type de famille
-Compagnies
-Pauvreté
-Religion
-Région d'origine
|
Nature et âges des élèves
|
-Puberté
-Âge diminués
|
-Dévalorisation de l'enseignement
|
-Pécarité des enseignants
-Absence de conscience professionnelle
|
3.1.2- Définition et
opérationnalisation de la Variable Dépendante
La Variable Dépendante (VD) est celle qui
« constitue la variable résultat sur laquelle le chercheur
veut contrôler l'effet » (Fonkeng et al., 2014
Tableau N°2 : Opérationalisation de la
Variable Dépendante
Variable
|
Modalités
|
Indicateurs
|
La violence en milieu scolaire
|
Violence des élèves
|
Violence entre élèves
|
violence envers les enseignants
|
Violence des enseignants et de l'institution
|
Violences psychologiques
|
Violences physiques
|
Violence symbolique
|
3.2- LE TYPE DE RECHERCHE
Notre recherche ayant pour
discipline de base la sociologie, nous avons opté pour une recherche de
type qualitatif ou interprétatif afin de mieux cerner le problème
de la violence en milieu scolaire. Ainsi nous avons voulu nous plonger dans
l'univers des acteurs du milieu scolaire à travers l'observation de leur
quotidien, l'observation des cours et des entretiens permettant de comprendre
leur perception du concept de la violence scolaire. L'exploitation des
documents mis à notre disposition nous a permis d'avoir des informations
sur la situation disciplinaire des élèves et les cas de violence
enregistrés. Ce choix relève en effet du constat fait des limites
de la recherche quantitative qui ne donne pas suffisamment de parole
à ceux qui répondent aux questionnaires et semble, de notre avis,
s'arrêter au superficiel.
3.3- DESCRIPTION DU SITE DE L'ETUDE
Le Lycée de Tigaza, est situé dans la ville de
Bertoua, chef lieu de la Région de l'Est-Cameroun, Département du
Lom et Djerem, Arrondissement de Bertoua 1er et dans le quartier
dont il porte le nom. Ce quartier populaire a des composantes sociales mixtes
et il y règne une certaine insécurité marquée
d'agressions multiples, de vols, de braquage. Il n'est d'ailleurs pas
conseillé de s'y aventurer seul dès la tombée de la nuit.
Plusieurs jeunes de ce quartier consomment régulièrement de la
drogue et se livrent aux jeux de mise (Jambo) et ce, malgré la
présence du Groupement Mobil d'Intervention (GMI) qui y est
installé, les patrouilles régulières des Equipes
Spéciales d'Intervention Rapide (ESIR) et l'instauration d'un
comité de vigilance qui filtre les entrées et les sorties
nocturnes.
L'ambiance du quartier est le reflet de l'ambiance
générale dans la ville de Bertoua qui, depuis quelques
années, est devenue une ville insécurisée. La population
s'y est rapidement densifiée avec les divers projets conduits par les
Organisations Non Gouvernementales (ONG), des sociétés
d'exploitation forestière et minière, et surtout l'arrivée
massive des réfugiés centrafricains qui sont accusés
d'être responsables du fort taux d'agression et de vol. En outre, la
population est très mixée et toutes les Régions du
Cameroun y sont représentées.
Crée comme Collège d'Enseignement
Général le 18 Août 2006 et ouvert en 2007, cet
établissement sera transformé en Lycée le 05 Août
2011 année de l'inauguration de son site définitif avec des
bâtiments neufs par l'ex-Ministre des Enseignements Secondaires Louis
Bapès Bapès. La disposition des salles aux murs encore propres
donne une vue panoramique des salles de classe ce qui, à priori, est un
atout au plan disciplinaire ou de la surveillance des cas de violence. Le
Lycée compte 24 salles de classes, un bloc administratif qui abrite le
bureau du Proviseur, son Secrétariat, le bureau de l'Intendante, deux
bureaux pour les Censeurs dont l'un abrite la petite bibliothèque du
Lycée, le bureau du Comptable-matières qui abrite
désormais les Censeurs ainsi qu'une salle des professeurs. Le
Lycée compte également deux blocs informatiques dont l'un abrite
le bureau du Chef service de l'Orientation Scolaire assisté d'un
Conseiller d'Orientation ainsi que le bureau des Censeurs. En ce qui concerne
les Surveillants Généraux, ils sont répartis ainsi qu'il
suit :
Ø Un Surveillant Général assisté
de deux Surveillants de Secteurs occupe un bureau près des classes de
6ème et est chargé de la discipline des classes de
6ème et Terminale.
Ø Trois Surveillants Généraux sont
logés dans un nouveau bâtiment qui abrite aussi le bureau du Chef
du Service des Sports ainsi que l'Infirmerie.
L'un des Surveillants Généraux, un homme, est
chargé des classes de Troisième et Seconde. Les deux femmes
s'occupent, l'une des classes de Premières et l'autre des classes de
Cinquième et Quatrième. Chacun est assisté dans ses
fonctions par un Surveillant de Secteur dont le « bureau »
ou la table est situé (e) de façon stratégique devant une
salle de classe du secteur de compétence.
Le tableau ci-dessous donne une idée de la
répartition des divisions par classes et des effectifs.
Tableau n°3: Répartition des
divisions et des effectifs par salles de classe
Salles de classe
|
Nombre de salles de classe disponibles
|
Divisions ou classes prévues
|
Effectifs par division
|
Effectifs par classe
|
6e Bilingue
|
01
|
6e Bilingue
|
65
|
65
|
6e M1
|
01
|
6e M1
|
93
|
93
|
6e M2
|
01
|
6e M2
|
83
|
83
|
6e M3
|
01
|
6e M3
|
99
|
99
|
5e Bilingue
|
01
|
5e Bilingue
|
58
|
58
|
5e M1
|
01
|
5e M1
|
83
|
83
|
5e M2
|
01
|
5e M2
|
93
|
93
|
5e M3
|
01
|
5e M3
|
114
|
114
|
4e Bilingue
|
01
|
4e Bil Allemand
|
18
|
48
|
4e Bil Espagnol
|
13
|
4e Bil Chinois
|
14
|
4e Bil Italien
|
03
|
4e Allemand
|
01
|
4e Allemand
|
91
|
|
4e Epagnol 1
|
01
|
4e Epagnol 1
|
126
|
126
|
4e Epagnol 2
|
01
|
4e Epagnol 2
|
115
|
115
|
4e Mixte
|
01
|
4e Arabe
|
09
|
99
|
4e Chinois
|
49
|
4e Italien
|
41
|
3e Allemand
|
01
|
3e Allemand
|
151
|
151
|
3e Epagnol 1
|
01
|
3e Epagnol 1
|
139
|
139
|
3e Epagnol 2
|
01
|
3e Epagnol 2
|
153
|
153
|
3e Mixte
|
01
|
3e Arabe
|
04
|
74
|
3e Chinois
|
54
|
3e Italien
|
16
|
2nde A4 Allemand
+ Italien
|
01
|
2nde A4 Allemand
|
57
|
61
|
2nde A4 Italien
|
04
|
2nde A4 Espagnol+Arabe +Chinois
|
01
|
2nde A4Espagnol
|
125
|
133
|
2nde A4 Arabe
|
02
|
2nde A4 Chinois
|
06
|
Première A4 Allemand+Italien
|
01
|
PA4 Allemand
|
95
|
104
|
PA4 Italien
|
09
|
Première A4 Espagnol+Arabe
|
01
|
PA4 Espagnol
|
145
|
147
|
PA4 Arabe
|
02
|
Première C
|
01
|
Première C
|
144
|
144
|
Première D
|
Première D
|
138
|
138
|
Terminale A4 Allemand+Italien +Espagnol+Arabe
|
01
|
Tle A4 Allemand
|
45
|
119
|
Tle A4 Italien
|
03
|
Tle A4 Espagnol
|
70
|
Tle A4 Arabe
|
01
|
Terminale CD
|
01
|
Terminale C
|
21
|
93
|
Terminale D
|
72
|
TOTAL
|
24
|
36
|
2551
|
2551
|
Ce tableau montre l'écart entre le nombre de classes ou
divisions prévues (36) et le nombre de salles disponibles (24). Ce qui
fait un déficit de 12 salles de classe. La conséquence est que
l'on a des effectifs pléthoriques et la gestion des classes mixtes
c'est-à-dire, celles dans lesquelles se retrouvent plusieurs
séries est difficile car certains cours, notamment ceux de
deuxièmes langues, nécessitent de trouver des salles de classe
qui ont des heures libres et dont les élèves seront
obligés de flâner pendant que les autres occupent leur
classe. Cette situation crée un problème de
discipline et un surcroît de travail aux Surveillants
Généraux et de Secteurs ainsi qu'aux
enseignants, 78 au total parmi lesquels 31 sont en cours d'intégration
soit 39,74%.
Le lycée recrute des élèves camerounais
de toutes tribus, chrétiens et musulmans et dont les humeurs varient.
Ils ne sont issus de tous les quartiers de la ville. A eux se mêlent des
réfugiés venant de la République Centrafricaine et
à la charge du HCR (Haut Commissariat Pour les Réfugiés)
ainsi que d'autres étrangers en séjour dans la ville de Bertoua
pour divers motifs. Les salles de classes sont bondées
d'élèves qui s'asseyent généralement trois
à quatre par table-banc et celles-ci sont si serrées dans
certaines classes que pour accéder au fond, il faut grimper sur les
places des autres élèves. Une Inspectrice Régionale de
Pédagogie, très pieuse et en visite dans une classe en est
d'ailleurs sortie toute éplorée en voyant que les
élèves filles étaient obligées de monter sur les
table-bancs pour accéder à leurs place tandis que les
garçons prenaient plaisir à guetter sous leurs jupes. Cette
situation ne permet pas à l'enseignant de contrôler tous les
élèves puisque circuler entre les rangées est pratiquement
impossible.
3 .4- DEMARCHE DE COLLECTE DES DONNEES
Au cours de notre recherche, trois techniques de collectes de
données ont été utilisées :
Ø l'observation directe qui est pour nous la
méthode principale,
Ø les entretiens individuels pour les enseignants et
de groupes pour les élèves,
Ø la consultation des documents institutionnels qui a
servi à compléter les informations recueillies dans les deux
premières phases.
Avant d'expliquer l'usage fait de ces techniques sur le
terrain, il nous semble primordial de présenter la phase de prospection
ainsi que le processus qui nous a permis de déterminer
l'échantillon qui nous servira de base pour l'enquête.
3.4.1- Phase de prospection
Notre enquête a débuté par une phase
exploratoire qui a eu lieu non seulement au Lycée de Tigaza, mais aussi
au Lycée Bilingue de Bertoua lors de notre stage académique du 04
au 16 Avril 2016, période pendant lequel nous avons observé la
violence en milieu scolaire en côtoyant les Surveillances
Générales, en assistant à certains cours et en ayant des
entretiens avec quelques enseignants et élèves. C'est au cours de
cette phase que nous avons eu une idée plus précise du
phénomène de la violence en milieu scolaire et d'énoncer
les hypothèses de recherche ainsi que les critères d'analyse des
données. L'étude de terrain proprement dite au Lycée de
Tigaza à la suite de cette phase exploratoire a débuté au
mois d'Octobre pour s'achever en mi-novembre 2016. Ainsi les résultats
de l'étude représentent ainsi le « portrait
global » (Pires, 1997 : 38) de ce qui se passe dans la
majorité des lycées et collèges de la Région de
l'Est, voire du Cameroun.
3.4.1- L'échantillonnage
L'échantillonnage désigne la sélection ou
le choix d'un milieu ou d'un groupe auprès duquel la recherche sera
effectuée. Le mode d'échantillonnage qui est appliqué
à ce travail obéit à la recherche de type qualitatif.
Selon Alvaro Pires (1997), les échantillons qualitatifs se divisent en
deux groupes : l'échantillonnage par cas unique et par cas
multiples.
L'échantillonnage par cas unique peut être
constituée de :
Ø l'échantillon d'acteur portant sur une
personne, une famille dont on obtient un récit oral ou
écrit à l'aide des documents personnels (autobiographies,
lettres, journaux intimes) ;
Ø L'échantillon de milieu géographique ou
institutionnel qui peut porter sur un seul lieu ou s'y rapportant ;
Ø L'échantillon événementiel ou
d'intrigue qui est formé autour d'un évènement rare.
L'échantillonnage par cas multiples peut porter
sur :
Ø Les entrevues avec plusieurs individus ;
Ø Les « études collectives de
cas ».
Notre recherche s'est basée sur
l'échantillonnage par cas unique et précisément sur
l'échantillon du milieu institutionnel avec pour corpus empirique le
Lycée de Tigaza comme institution scolaire. Selon Anadon (2006)
paraphrasant Merriam (1988) :
L'étude de cas est particulariste parce que ce qui
l'intéresse c'est le cas particulier. Elle est descriptive car le
résultat est une description minutieusement détaillée du
cas étudié. L'étude de cas est heuristique car elle permet
une compréhension approfondie du cas étudié. Finalement,
l'étude de cas est inductive, elle part de l'observation de terrain et
par raisonnement inductif le chercheur peut élaborer des liens entre les
propriétés du cas, des catégories et des hypothèses
interprétatives.
La question principale de recherche formulée comme
suit : Le contexte scolaire contribue-t-il à la montée
de la violence chez les élèves ? nous obligeait
à observer au quotidien le fonctionnement de l'institution, son
règlement intérieur ainsi que les attitudes des membres de
l'administration, des enseignants et des élèves. Notre
étude se limite à la description des phénomènes
observés, à leur analyse ainsi qu'aux esquisses de solution, sans
prétendre apporter un changement radical. Elle est donc exploratoire
et décrit la violence scolaire du point de vue des enseignants et des
élèves d'un établissement d'enseignement secondaire
général dans une Région placée Zone d'Education
Prioritaire (ZEP) à cause du faible taux de scolarisation des
enfants.
L'aspect sociologique de notre recherche la situe dans un
cadre où les élèves sont issus des cadres sociaux
variés. Certains parents sont très pauvres et sont parfois
installés en zone rurale pendant que leurs enfants "se battent" pour
leur survie en ville. D'autres sont des commerçants, des conducteurs de
gros camions, des moto-taximen, certains sont des fonctionnaires d'Etat ou
travaillent dans des organismes internationaux. Le constat
général fait par l'équipe administrative est que beaucoup
d'enfants « à problèmes » sont issus des
familles monoparentales, avec des parents séparés ou
décédés.
3.5- LES INSTRUMENTS DE COLLECTE DES DONNEES
3 .5.1- L'observation
Selon Peretz (2000 : 32), l'observation sert
à « rendre compte des actions des personnes et des situations
singulières qui font la trame de la vie sociale ». Ainsi nous
avons choisi deux angles d'observation : l'observation des
évènements quotidiens au sein de l'établissement scolaire
et l'observation des cours. En ce qui concerne l'observation des
évènements, il s'agissait de noter tout ce qui se passait au sein
du campus, entre les élèves, entre les enseignants ou les membres
de l'administration et les élèves et surtout tous les aspects
traduisant le fonctionnement de l'institution. Cette observation concerne aussi
certains entretiens spontanés avec les enseignants et les
élèves et dont certains ont été
enregistrés.
3.5.1.1- Description de la Grille d'Observation
En nous inspirant de certains auteurs (Merriam, 1998 ; Woods,
1999 ; Emmer & Gerwels, 2002 ; Dolezal, Welsh, Pressley, & Vincent,
2003; Blondin, 2004 ; Martineau, 2004) notre grille d'observation s'articulera
autour de cinq points:
1) Description physique de l'école et d es
salles de classe
· Architecture,
· Disposition des bureaux et des salles de classe
· Gestion de l'espace dans les salles de classe,
· Etat des murs et du mobilier,
· Voisinage (environnement social de l'école)
2) Les participants
· Personnes en scène et leurs rôles,
· Caractère les plus visibles des participants.
3) Les activités et les interactions hors et dans
la classe
· Interactions et comportements des élèves et
de l'enseignant pendant le cours.
· Activités menées et degré
d'implication des élèves,
· Normes structurant les activités et les
interactions au sein de l'établissement,
· Gestion de la violence des élèves et des
enseignants par l'administration du Lycée.
4) Les communications
· Contenu des discours des élèves et des
enseignants en rapport avec la violence à l'école,
· Personne mise en scène pendant ces
communications,
· Attitudes adoptées
5) La posture du chercheur
· Son influence sur la scène,
· Réflexions personnelles sur certains
évènements,
· Actes posés et paroles dites face à
certains évènements.
L'observation des cours s'est faite dans les conditions
évoquées plus haut dans la Description du site de
l'étude. Elle n'a pas été évidente car un ou
deux élèves devaient se déplacer afin de nous céder
la place. Pour accéder au cours, l'accord préalable des
enseignants dont la plupart étaient enthousiastes a été
nécessaire. Presque tous ont tenu à nous préciser que la
présence d'une tierce personne dans la salle de classe n'influencera pas
la façon de se comporter des élèves. Ceci s'est
avéré surtout que nous nous conduisions naturellement, les
mettant en confiance et ne réagissant pas à tout ce qu'ils
disaient près de nous. Plusieurs fois nous avons même dû
faire appel à eux pour comprendre la réaction d'un
élève ou de l'enseignant que nous n'avions pas pu suivre du fait
de leur grand nombre. C'est aussi cette attitude qui nous a permis de
déceler les élèves que nous devions entretenir plus tard.
Il nous est aussi arrivé de régler des conflits
entre élèves et enseignants grâce à la confiance
qu'ils avaient en nous. En effet, au sortir d'un cours de Géographie en
PA4 Espagnol, nous avons assisté à une scène entre un
élève qui cherchait à s'excuser et une enseignante qui ne
voulait pas l'écouter. Elle s'est plainte auprès de nous d'avoir
été méprisée par l'élève en question
qui buvait son jus en plein cours, la professeure lui ayant demandé de
sortir, ce dernier a tenu à vider sa bouteille juste devant elle et ses
camarades. « Je ne suis pas votre poubelle », s'offusquait
l'enseignante. « Tu t'excuseras devant le Surveillant
Général». L'élève nous a ainsi pris comme
médiateur et nous l'avons amené à demander pardon à
ses camarades et à son enseignante. Il s'est exécuté avec
beaucoup d'humilité promettant de ne plus recommencer, ceci pour le bien
de l'enseignante dont l'autorité était rétablie et de ses
camarades qui en tiraient certainement une leçon.
Il est à noter que quelques cours seulement ont
été filmés. Mais toutes les observations ont
été notées. Les notes d'observations sont indiquées
tout au long de ce travail par les initiales NOC (Notes d'Observation du Cours)
ou NOE (Notes d'Observation des Evènements) suivis de la date. Nous
avons observé 798 Minutes de cours (soit 13H18 Minutes) de 09
Enseignants parmi lesquels 05 femmes et 04 hommes selon le tableau
ci-dessous :
Tableau n°4 :
Présentation des enseignants et chronologie des cours
observés
Nom
Ens.
|
Jours et dates
|
Classes
|
Grade
|
Sexe
|
Age
|
Région
|
Expérience professionnelle
|
Période
|
Total durée
|
Ariane
|
10/10/2016
|
Tle CD
|
PLEG
|
Fém.
|
|
Centre
|
08 ans
|
14H10-15H30
|
01H20
|
Guy
|
11/10/2016
|
3e ESP2
|
PCEG
|
Masc.
|
34 ans
|
Centre
|
05 ans
|
11H32-13H15
|
01H43
|
11/10/2016
|
4e ESP1
|
14H20-15H30
|
01H-10
|
12/10/2016
|
3e E2
|
11H40-12H30
|
50 MIN
|
Rita
|
12/10/2016
|
2nde A4 ESP
|
PCEG
|
Fém.
|
26 ans
|
Adamaoua
|
03 ans
|
09H23-10H10
|
47MIN
|
14/10/2016
|
11H45-13H18
|
1H33
|
Rani
|
12/10/2016
|
P A4 ESP
|
PLEG
|
Fém.
|
28 ans
|
Adamaoua
|
02 ans
|
08H30-09H20
|
50MIN
|
12/10/2016
|
6e BIL
|
09H25-10H15
|
50 MIN
|
Abo
|
14/10/2016
|
3e Chinois
|
PCEG
|
Masc.
|
33 ans
|
Extrême Nord
|
03 ans
|
14H40-15H35
|
55MIN
|
Pol
|
21/10/2016
|
4e ALL
|
PCEG
|
Masc.
|
28 ans
|
Centre
|
03 ans
|
09H20-10H15
|
55MIN
|
Nina
|
21/10/2016
|
4e Mixte
|
PLEG
|
Fém.
|
28 ans
|
Centre
|
02 ans
|
11H15-12H00
|
45MIN
|
Mati
|
25/10/2016
|
3e All
|
PCEG
|
Fém.
|
33 ans
|
Est
|
09 ans
|
10H30-11H25
|
55MIN
|
Nogo
|
07/11/2016
|
6è Bilingue
|
IEG
|
Masc.
|
58 ans
|
Sud
|
31 ans
|
09H30-10H 15
|
45 MIN
|
3.5.2- Les entretiens
Les entretiens servent à compléter les
informations recueillies lors de l'observation. Ils permettent de confirmer ou
d'infirmer les opinions que le chercheur se fait en observant des faits
liés à son objet d'étude. L'entretien avec les
différents acteurs a permis d'avoir une idée plus précise
de ce que les uns et les autres considèrent comme violence scolaire.
Fraenkel et Wallen (2003) présentent les entretiens structurés et
semi-structurés comme des entretiens formels dont le but est de susciter
des réponses des répondants à l'aide de questionnements
oraux. L'entretien semi-structuré, le plus utilisé en recherche
qualitative est naturel et spontané. Il se sert d'un guide
thématique flexible en fonction de l'évolution de l'entretien et
de la personne que le chercheur a en face de lui. Dans le cadre de notre
recherche nous avons utilisé un guide d'entretien semi-structuré
pour deux types de participants : le premier est constitué par
les enseignantes des deux sexes avec des expériences variées
et le deuxième est constitué d'élèves des classes
de Troisième et Seconde. Nous avons choisi ces deux classes parce qu'au
sein du lycée, ce sont des classes sensibles pour lesquelles les
enseignants se plaignent le plus et en outre, les élèves y sont
en pleine puberté et s'expriment mieux sur ce qui les révolte.
Quelques uns de ces élèves sont des élèves
« à problèmes ». Nous avons utilisé
le même guide pour les enseignants et pour les élèves mais
avec pour objectif d'avoir des points de vue sous différents angles pour
les mêmes questions. Ces entretiens ont été
enregistrés et aussi notés dans un cahier avec l'accord des
participants. Nous avons interviewé au total 07 enseignants dont 02
femmes. En effet, cet écart dans le genre des enseignants
interviewé se justifie par le fait que les femmes semblaient plus
enclines à laisser observés les cours qu'à accorder un
entretien, leur programme étant toujours surchargé.
Plusieurs autres difficultés ont été
rencontrées pour l'obtention de ces entretiens. En effet, du fait des
emplois de temps surchargés, il n'était pas évident de
voler quinze à trente minutes à l'un d'entre eux. Ainsi
l'idéal aurait été de nous entretenir avec tous les
enseignants dont les cours avaient été observés, mais cela
n'a pas été possible, aussi avons-nous interviewé des
enseignants dont les cours n'ont pas été observés, mais
dont nous savions qu'ils disposaient d'assez d'informations sur le
thème. En ce qui concerne les élèves, la situation
était encore pire car les cours se suivaient et les pauses
n'étaient pas assez longues. En outre, les retenir après les
cours a été difficile. Nous avons enregistré plusieurs
entretiens, mais ceux-ci n'on pas pu être utilisés car nous avons
dû suspendre pour reprendre plus tard. Rendez-vous qui n'ont jamais
été respectés. C'est pour cette raison que nous avons
opté pour des entretiens de groupes afin d'avoir l'avis du maximum des
élèves. En outre, cela encourageait certains à parler,
à s'exprimer sur des sujets conçus pour eux jusqu'alors comme
tabous. Certains en ont profité pour nous confier ce qui leur
déplaisait.
Tableau n°5 : Profil des enseignants
participant aux entretiens
N°
|
Sexe
|
Age
|
Grade
|
Expérience
|
Religion
|
Région d'origine
|
Fonction
|
Date de l'entretien
|
Durée
|
Mme Rita
|
Fém.
|
26 ans
|
PCEG
|
03 ans
|
Chrétienne
|
Adamaoua
|
Enseignante
|
12/10/2016
02/11/2016
15/11/2016
|
55 Min
-15 Min
-15 Min
|
M. Wilson
|
Masc.
|
29 ans
|
PLEG
|
07 ans
|
Chrétien
|
Ouest
|
Enseignant
|
14/10/2016
|
30 Min
|
M. Baba
|
Masc.
|
25 ans
|
PCEG
|
04 ans
|
Chrétien
|
Adamaoua
|
Enseignant
|
17/10/2016
|
39 Min 15
|
M. Guy
|
Masc.
|
34 ans
|
PCEG
|
05 ans
|
Chrétien
|
Centre
|
Enseignant
|
20/10/2016
|
26 Min 54
|
M. Etienne
|
Masc.
|
34 ans
|
PLEG
|
09 ans
|
Chrétien
|
Ouest
|
Surveillant Général
|
20/10/2016
|
18 Min 53
|
16/11/2016
|
23 Min 02
|
Mme Carine
|
Fém.
|
23 ans
|
PCEG
|
02 ans
|
Chrétienne
|
Ouest
|
Enseignante
|
21/10/2016
|
20 Min
|
M. Balia
|
Masc.
|
34
|
CO
|
05 ans
|
Musulman
|
Extrême-Nord
|
Conseiller d'Orientation
|
17/11/2016
|
35 Min `
|
Tableau n°6 : Profil des
élèves participant aux entretiens
Groupe
|
N°
|
Sexe
|
Age
|
Classe
|
Type de famille
|
Profession des parents
|
Région d'origine
|
Religion
|
1
|
1
|
Féminin
|
14 ans
|
2NDE
|
Vit avec les parents (mariés)
|
Enseignant
Ménagère
|
Est
|
Chrétien
|
2
|
Féminin
|
16 ans
|
2NDE
|
Vit avec sa grande soeur (parents au village)
|
Maçon
Ménagère
|
Extrême-nord
|
Chrétien
|
3
|
Masculin
|
17 ans
|
2NDE
|
Vit avec le père
(mère décédée)
|
Militaire
|
Est et Littoral
|
Chrétien
|
4
|
Masculin
|
14 ans
|
2NDE
|
Monoparentale
(mère)
|
Comptable
Fonctionnaire aux impôts
|
Ouest
|
Chrétien
|
5
|
Féminin
|
14 ans
|
2NDE
|
Vit avec les parents (mariés)
|
Ingénieur de télécommunication
|
Est
|
Chrétien
|
2
|
6
|
Masculin
|
18 ans
|
3ème
|
Vit avec sa mère
Parents séparés
|
Restauratrice
|
Est
|
Chrétien
|
7
|
Féminin
|
16 ans
|
3ème
|
Vit avec les parents (mariés)
|
Entrepreneur en bâtiments
Ménagère
|
Nord
|
musulmane
|
8
|
Féminin
|
15 ans
|
3ème
|
Vit avec les parents (mariés)
|
Boulanger
Ménagère
|
Ouest
|
chrétienne
|
9
|
Féminin
|
15 ans
|
3ème
|
Vit avec sa mère
Père décédé
|
Ménagère
|
Adamaoua
|
Musulmane
|
10
|
Masculin
|
16 ans
|
3ème
|
Vit avec les parents (mariés)
|
Anciens commerçants au chômage
|
Adamaoua
|
Musulman
|
11
|
Féminin
|
16 ans
|
3ème
|
Vit avec sa soeur
Parents au Congo
|
En formation
|
Congolaise
|
Chrétienne
|
12
|
Masculin
|
15 ans
|
3ème
|
Vit avec les parents (mariés)
|
Mécanicien
Ménagère
|
Centre
|
Chrétien
|
3.5.2.1-Description du guide d'entretien
Notre guide d'entretien a été
élaboré en tenant compte de notre thème de recherche et
des objectifs assignés dès le début (cf. Chapitre I). Il
comporte ainsi deux parties :
Ø La première partie :
Identification des participants
Cette partie sert à recueillir les informations sur le
sexe, l'âge, le nombre d'années d'expérience
professionnelle, le grade en ce qui concerne les enseignants. Pour les
élèves, elle renseigne sur le sexe, l'âge, la religion, la
Région d'origine et le type de famille.
Ø La deuxième partie :
Violence en milieu scolaire.
Elle est divisée en trois sous-parties :
1- Manifestations de la violence scolaire
a) Chez les élèves
· Violence entre élèves
· Violence des élèves envers les
enseignants
b) Chez les enseignants
· Violence des enseignants envers les
élèves
2- Causes de la violence scolaire
a) Causes externes
· Chez les élèves
· Chez les enseignants
b) Causes internes (liées au fonctionnement
interne de l'institution)
· Chez les élèves
· Chez les enseignants
3- Quelles sont, selon vous les solutions à la
violence en milieu scolaire ?
Les entretiens avec les élèves seront
désignés par le code NEE (Note de l'entretien avec les
élèves) suivi de la classe et pour des interventions
particulières, seul le numéro d'ordre de l'élève
sera ajouté. Exemple : NEE N°3, pour désigner
l'intervention du troisième élève en classe de 2nde. Les
entretiens avec les enseignants seront codés par le signe NEP (Note de
l'entretien avec les professeurs) suivi du numéro d'ordre de
l'enseignant ou le nom de l'enseignant.
3.5.3- Les documents
Le troisième type de données
récoltées sur le terrain concerne les documents internes du
Lycée parmi lesquels : le Rapport de fin d'année scolaire
2015-2016, le Règlement Intérieur, les différentes
circulaires produites par l'ex-ministère de l'éducation nationale
encore en vigueur de nos jours. Ces documents seront cités pour
étayer l'analyse des données que nous présenteront au
chapitre IV de notre travail.
3.6- TECHNIQUE D'ANALYSE DES DONNEES
3.6.1- L'analyse de contenu
Laurence Bardin (1977 :43) définit l'analyse de
contenu comme :
Un ensemble de techniques d'analyse des communications
visant, par des procédures systématiques et objectives de
description du contenu des énoncés, à obtenir des
indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l'inférence de
connaissances relatives aux conditions de production/réception
(variables inférées) de ces énoncés.
A l'aide des notes d'entretiens obtenues avec les
élèves et les enseignants, il sera question de faire une analyse
thématique des représentations que ceux-ci se font de la violence
en milieu scolaire en repérant les idées significatives qui
apparaissent dans les propos et en les classant par thème.
Selon Lilian Negura (2006) le but de
l'analyse thématique « est de repérer les unités
sémantiques qui constituent l'univers discursif de
l'énoncé. » Les éléments seront
classés par thèmes selon les déclarations des
interviewés. L'analyse des données recueillies sera dans un
premier temps descriptive. En effet, nous nous servirons des extraits de notes
d'entretien et des notes d'observation pour montrer les manifestations, les
causes et les conséquences de la violence en milieu scolaire.
L'analyse de contenu des entretiens nous aidera à
faire l'analyse du contenu de la représentation sociale. En
dégageant d'une part, la subjectivité des
interviewés, et en établissant d'autre part
l'objectivité du chercheur. Avec notre expérience
professionnelle dans le milieu éducatif ainsi que le vécu du
phénomène de la violence au quotidien dans le site de
l'étude, il nous sera facile d'analyser les discours des uns et des
autres.
Chapitre IV :
PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
Ce chapitre porte essentiellement sur les résultats
obtenus grâce aux entretiens menés avec les enseignants et les
élève à la suite des observations faites sur le terrain et
particulièrement dans les salles de classes. L'analyse documentaire
complétera certaines informations pour une meilleure
compréhension de l'objet de notre étude : la violence en
milieu scolaire. Après avoir présenté les participants aux
entretiens, il sera question pour nous de présenter les manifestations
de la violence en milieu scolaire qui nous permettrons de mieux comprendre
les causes de celles-ci.
4.1- IDENTIFICATION DES PARTICIPANTS
I. Identification des élèves
interviewés
Graphique N°1 : Nombre de garçon et de
fille par classe
Graphique N°2 : Age des
élèves
Graphique N°3 : Confession religieuse des
élèves
Graphique N°4 :
Région d'origine des élèves par classe
Graphique N°5 : Milieu de vie extrascolaire
des élèves
Sur un échantillon de 12 élèves des
classes de 2nde et de 3ème interviewés,
nous avons 06 garçons et 06 filles, 09 chrétiens et 03 musulmans
âgés entre 14 et 18 ans. 03 sont originaires de la Région
de l'Est, 02 de l'Adamaoua, 02 de l'Ouest, 01 du Nord, 01 de
l'Extrême-Nord, 01 du Centre et l'un des élèves, notamment
une fille est de nationalité congolaise. En outre, 06
élèves seulement vivent avec les deux parents, 04 autres sortent
des familles monoparentales avec des parents séparés ou
décédés et 02 vivent avec leur soeur aînée.
II- Echantillon d'enseignants interviewés
Graphique N°6 : Région d'origine des
enseignants interviewés
Graphique N°7 : Expérience
professionnelle des enseignants interviewés
Graphique N° 8 : Grade des enseignants
interviewés
Graphique N°9 : Âges des enseignants
interviewés
Graphique N°10 : Statut des enseignants
interviewés
Parmi les 07 enseignants interviewés 03 sont
originaires de la Région de l'Ouest, soit 42,85%, deux de l'Adamaoua,
01 du Centre et 01 de l'extrême-Nord. 57, 14% d'entre eux ont un Grade
de PCEG, 28,57 % sont PLEG tandis qu'un seul est Conseiller d'orientation. Ils
sont âgés entre 23 et 34 ans et ont une expérience
professionnelle qui varie de 02 à 09 ans de service. Un seul est
Musulman et 06 sont Chrétiens. En ce qui concerne le statut dans la
Fonction publique, 5 enseignants sur les 07 sont intégrés dans la
fonction publique et 02 sont encore en cours d'intégration.
4.2- MANIFESTATIONS DE LA VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE
Il est question ici, dans un premier temps, de présenter
toutes les formes de violence évoquées par les
élèves et les enseignants et ensuite de développer celles
qui nous semblent les plus visibles.
4.2.1- Manifestations de la violence chez les
élèves
Tableau N°7 : Présentation de la violence
entre élèves selon les élèves
eux-mêmes
NEE 2nde
|
NEE 3ème
|
-Jalousie
-Injures
-Mépris
-Bagarres sans fondement
-Racket
|
-Porter main sur son camarade
-Injures
-Commérages
-Jalousie
-Menaces des grands envers les plus petits
-Mépris des grands vis-à-vis des petits
- Moqueries
-Mots choquants
-Vol
-Mensonge
-Tenues indécentes
|
Tableau N°8: Présentation de la violence
entre élèves selon les Enseignants
NEP
|
Mme Rita
|
M. Wilson
|
M. Baba
|
M. Guy
|
M. Etienne
|
Mme Carine
|
M. Balia
|
-Menaces verbales
-Violences physiques
- Disputes
- Insultes
-Noms et qualificatifs péjoratifs
-Moqueries
|
-Racket
-Insultes
-Port et usage d'armes blanches
|
-Bastonnade d'un camarade pas les autres
-Mots choquants
-Moqueries
|
-Désobéissance
-Irrespect
-Insolence
-Mauvais habillement
-Bafouer le Règlement Intérieur
|
- Bagarres
-Propos malveillants
|
-Mépris
-Brimade des petits par les grands
|
- Bagarres
-Coups
-Injures
-Moqueries
|
4.2.1.1- Violence entre élèves
Les formes de violence entre élèves
évoquées tant par les élèves que par les
enseignants sont des violences aussi bien physiques que psychologiques. Ces
formes de violence sont parfois liées et s'accumulent au sein de
l'institution scolaire créant ainsi un climat de chaos.
4.2.1.1.1- Les violences physiques
Les violences physiques traduisent ici la
brutalité dont peut user un élève envers un autre en
laissant des marques visibles comme les bleus, des traces de coups ou de
blessures. Ces marques peuvent aussi être internes. La violence physique
peut aussi impliquer tout choc, bousculade ou agression qui fait entrer de
façon non volontaire le contact d'un corps avec un autre.
Parmi les violences physiques évoquées on
note :
· Les bagarres,
· Les coups,
· Les brimades exprimées par
« la dominance des grands sur les petits »
· La bastonnade
Beaucoup plus évoquée par les
élèves et les enseignants, la bagarre, selon le
Larousse, signifie un « échange de coups » ou une
« rixe provoquant une mêlée et un tumulte ».
En langage familier l'on parlera de « dispute » ou de
« querelle » qui elle exprime un
désaccord
ou
conflit
entraînant
des
échanges
vifs,
voire
agressifs
et
sentencieux,
entre
les
parties
concernées.
Quoi qu'il en soit, la joute entre élève est toujours
provoquée par un conflit qui n'a pas pu se limiter à des paroles
et qui a dégénéré en affrontement physique.
Rares au sein de l'établissement parce que
sanctionnées dans le Règlement intérieur par une exclusion
temporaire de 06 à 10 jours, les bagarres sont toutefois visibles entre
les élèves.
Séquence 1 :
Un Mardi à 07 heures 40 minutes, deux
élèves de Première A4 bagarrent en plein cours
d'Histoire-Géographie. Le Proviseur qui passe par là trouve le
Surveillant de Secteur entrain de les séparer. Il les ramène au
bloc administratif. Le premier, pieds nus et saignant du nez est
surnommé « la menace » et le deuxième a la
tenue complètement déchirée. La dispute a
éclaté à cause du cahier de leur camarade dans lequel tous
les deux voulaient recopier l'exercice de mathématiques. Les deux
élèves seront immédiatement exclus du lycée et le
deuxième ira passer la matinée à attendre son camarade
avec une machette aux abords du lycée. Seule l'arrivée de l'ESIR,
appelée par le Proviseur pour chasser une bande de jeunes qui
rôdaient, le fera fuir. Son arme, jetée dans la
précipitation à la vue de la police, sera retrouvée dans
la broussaille par un Surveillant Général. (NOE,
25/10/2016)
Ainsi, les bagarres peuvent être accompagnées de
l'usage d'armes blanches (Cf. NEP2) telles que les lames de rasoir, les
couteaux et très rarement des coupe-coupe.
Une bagarre peut aussi se transformer en ce que l'on nomme
familièrement « bastonnade ». Au
cours d'un entretien, M. Baba nous relate un incident survenu dans une classe
de 3ème où un élève a été
battu par trois de ses camarades (NEP, 17/10/2016). Un autre
élève raconte l'expérience de son camarade qui a
été frappé en pleine cour de l'école par un
élève non identifié. Certains élèves
font appel à leurs amis du quartier pour battre un camarade. C'est le
cas d'une élève fille de 2nde qui, parce que son
camarade lui a « manqué de respect », selon ses
propres termes, appelle son petit-ami, un repris de justice, pour venir la
défendre. La séquence qui suit illustre bien la
situation :
Séquence 2 :
Elève E : J'ai eu à piétiner ma
camarade, elle s'est fâchée, nous nous sommes
échangés des injures. Vendredi, elle a appelé les gars du
quartier pour me taper. Comme je suis vite rentré, ils ont menacé
l'élève Y (son ami). Ils lui ont demandé d'aller
montrer ma maison. Un d'entre eux l'a giflé. Il a dit qu'il ne
connaissait pas.
Samedi 05 Octobre, ils sont venus me chercher et ils ont
tapé sur moi. Je suis allé au GMI voir mon oncle pour
rédiger une plainte, il m'a conseillé d'aller voir ma mère
pour qu'on se plaigne à l'établissement. Arrivé à
l'établissement, ma mère a demandé pourquoi elle est
allée prendre les gars hors du lycée. En voulant rencontrer
l'encadreur, X (l'élève fille) est venue vers moi, me tapant
à la poitrine. Je l'ai frappé et ça a
entraîné une bagarre généralisée. Les gars
étaient trois et ont mis main sur ma mère et ma tante. Quand mes
camarades ont vu, ils sont montés puis les gars sont sortis de
l'enceinte. (NOE, 17/10/2016)
Cet extrait montre plusieurs types de violence exercée
au sein de l'école non seulement par des élèves, mais
aussi par des personnes étrangères à l'institution
scolaire à savoir :
· Le fait de piétiner son (sa) camarade,
· Les injures,
· La menace,
· La gifle,
· Le fait de taper ou de frapper (porter la main
sur l'autre)
L'accumulation de ces violences conduit inévitablement
à la « bagarre généralisée ».
Dans la situation présente, elle implique les parents du garçon
et les amis de la fille. Il est à noter que le Règlement de
comptes avec renfort de personnes extérieures est classé
comme faute de la 5ème catégorie et sanctionné
par une exclusion définitive du lycée. Lors d'un Rassemblement,
le Proviseur annonce l'exclusion définitive de deux élèves
de Terminale pour avoir organisé la bastonnade de leur camarade par des
inconnus (NOE, 14/11/2016).
Les violences physiques entre élèves sont plus
visibles chez les plus jeunes à travers les jeux brutaux dans la cours,
le lancer des projectiles de façon consciente ou non sur les camarades,
le fait de frapper son camarade pour le plaisir ou juste pour se
défouler. D'autres prennent du plaisir à brimer les autres,
surtout les plus petits. Le plus souvent, se sont les élèves
filles qui se plaignent de leurs camarades garçons :
Séquence 3 :
Une élève de 3ème E1 se
plaint de son camarade qui lui a tapé les fesses. Il la traite ensuite
de lâche parce qu'elle n'est pas allée se plaindre. Elle est donc
venue accuser celui-ci chez le Surveillant Général. Son camarade,
originaire du Nord-Cameroun, dit qu'il a juste frôlé ses fesses.
On le met en corvée, il demande pardon et promet de ne plus recommencer.
Le Surveillant Général lui demande de travailler pour s'amender
et il s'exécute. (NOE, vendredi 21/10/2016 à
11h15minutes)
Cette violence pourrait avoir une connotation sexuelle et
qu'elle soit perpétrée par un Nordiste, qui plus est, un
musulman, peut soulever des interrogations lorsqu'on sait quel respect est
vouée à la femme dans cette culture.
Parfois aussi, se sont les garçons qui se plaignent des
filles, généralement plus âgées qu'eux :
Séquence 4 :
Un garçon de 5ème vient en
pleurant au bureau du Censeur : Monsieur, on me tape en classe.
Le Censeur : Qui ?
L'élève : Deux filles. Celles que vous
avez punies hier. Elles me lancent les papiers, quand je vais me plaindre chez
le Chef de classe, elles me tapent. (NOE, 18/11/2016, 8h55 minutes)
Il est à noter ici que la même fille était
présentée la veille par ses camarades comme « la grande
dame », certainement à cause de sa taille et peut-être
son âge qui fait d'elle l'une des plus grandes élèves par
rapport aux autres de sa classe.
4.2.1.1.2- Les violences psychologiques
Les violences psychologiques ou
morales ou encore mentales, voire
émotionnelles, se manifestent en général
par des paroles ou des actes pouvant influencer l'autre dans ses sentiments
d'être aimé ou détesté.
Parmi les violences psychologiques évoquées nous
avons :
Ø La menace »
Ø Les abus sexuels
Ø Les injures
Ø Les insultes
Ø Le mépris
Ø Les noms et qualificatifs péjoratifs
Ø Les moqueries
Ø Les mots choquants
Ø Le vol
Ø Le mensonge
Lors de notre enquête nous avons remarqué que les
élèves excellent dans ce type de violence, certes
mentionné dans le Règlement Intérieur, mais rarement
sanctionné car difficile à identifier et les victimes s'en
plaignent rarement, ce qui accentue encore leur mal-être.
La menace est, selon le Larousse, une
parole ou un comportement par lesquels on indique à
quelqu'un qu'on a l'intention de lui nuire, de lui faire du mal, de le
contraindre à agir contre son gré. Les
élèves subissent des menaces de la part de leurs
camarades pour des raisons diverses et régulièrement, il s'agit
des menaces liées aux règlements de compte hors de
l'établissement, menaces de bastonnades et bien d'autres choses. Pour
eux, c'est une forme d'intimidation visant à faire peur à
l'autre.
Les abus sexuels sont de plus en plus
récurrents entre camarades. Il s'agit ici d'utiliser la menace, la
violence ou la pression psychique pour faire subir à la victime
« un acte analogue à l'acte sexuel, ou un acte d'ordre
sexuel. » Zermatten (2010). Ces abus sont difficilement
repérables à cause de la honte que ressent la victime ainsi que
le sentiment de culpabilité qui la pousse à se taire. Parfois,
l'absence de preuve ou de témoin est une cause du silence.
Les injures sont des paroles qui blessent
d'une manière grave et consciente tandis que les
insultes sont des paroles ou des actes qui offensent, qui
blessent la dignité. Ceux qui les évoquent n'y voient
généralement aucune différence. Cependant il est question
ici de paroles proférées par les élèves à
l'endroit de leurs camarades et qui porte atteinte à leur psychique.
Ces derniers sont souvent associés à l'attribution des
noms et qualificatifs péjoratifs que Mme Rita cite tels
que : « Kirikou », « laid »,
« regarde-moi le laid garçon là ». Elle
souligne aussi que pour qualifier leurs camarades filles qui sont assez
corpulentes, les élèves utilisent des expressions tels que
« vroom, vroom, vroom, vroom » ou
« Caterpillar ». (NEP, 12/10/2016),
« bouboul » (NOE, 14/11/2016) d'autres insultes tels que
« canard », « espèce de ver de terre»
(NOE, 16/11/2016), et beaucoup d'autres encore sont utilisés. Dans cette
catégorie, on peut classer ce que les élèves et les
enseignants qualifient de mots choquants.
Les moqueries constituent aussi une forme de
violence très présente dans la classe, surtout pendant les cours.
Elles se manifestent aussi par l'attribution des noms et qualificatifs
péjoratifs, mais revêtent plusieurs autres formes. En
effet, les élèves aiment bien se moquer de leurs camarades qui
donnent des mauvaises réponses aux questions des professeurs, qui sont
blâmés par les professeurs ou qui ont des mauvaises notes.. les
élèves de troisième s'expriment là-dessus :
Elève : quand quelqu'un part au tableau
et qu'il rate ce qu'il devait faire, on se moque de lui.
Un autre : ...Tu pars au tableau, tu trembles
seul...
Lors de l'observation des cours, nous avons remarqué
que c'est une façon pour les élèves de se défouler
et de rendre le cours vivant, puisque les autres en rient. Cela réveille
ceux qui dormaient ou s'ennuyaient, bien qu'il y'ait une atteinte à
l'intégrité psychique de leurs camarades.
Un autre aspect qui affecte sérieusement les
élèves sur le plan psychologique est le vol.
C'est le fait de prendre, s'approprier quelque chose qui est le bien
d'autrui par la ruse ou par la force. Il a des conséquences sur le plan
financier, matériel, psychique et émotionnel.
Séquence 5 :
Vendredi, 14 octobre 2016, à 18h30, alors que le
proviseur s'apprête à rentrer et qu'il prend congé de nous,
une élève de 2nde arrive, accompagnée de sa
mère. Son sac de classe a été volé en
matinée après le cours d'EPS alors qu'elle se changeait au
couloir. Sa camarade déclare avoir vu un garçon prendre son sac.
Elle ne l'a pas identifié. Sa mère est éplorée. Sa
fille a passé toute la journée sans faire cours. (NOE, 14
octobre 2016)
Plus tard, nous saurons que la fille en question est orpheline
et que sa mère a demandé un moratoire pour le paiement de ses
frais de scolarité. Elle a un bébé que sa mère
garde et vend les croquettes en classe pour pouvoir lui acheter du lait.
L'argent et les croquettes ont été volés en même
temps que le sac. (NOE, 17/10/2016)
Séquence 6 :
Une élève de 3ème :
Madame, je suis venue me plaindre. On a volé mes lunettes en classe.
Censeur :Que s'est-il
passé ?
Elève : J'ai
laissé mon sac dehors pendant qu'on composait. On a mis certains
élèves dehors parce qu'ils n'assistaient pas souvent au cours et
ils rôdaient là au niveau de la véranda. Je suis
rentrée à la maison après l'épreuve et j'ai
découvert que la pochette qui contenait mon argent et mes lunettes
n'était plus là. (NOE, 16/11/2016).
Le lendemain (17/11/2016), dans un entretien que nous classons
dans les Notes d'Observations, elle nous confie : « Je me
sens vraiment mal, je n'ai même pas pu dormir ». Elle
ajoute que ses camarades ont aussi été victimes de vol. Ce
phénomène de vol ne concerne pas seulement ces classes, en effet
les effets personnels des élèves sont régulièrement
volés soit pendant les cours d'EPS soit pendant les évaluations,
lorsque tous sont concentrés et que les sacs sont dehors, soit encore
par les camarades de classes qui profitent de la distraction de leurs camarades
pour dérober des choses à leur insu.
Ces séquences montrent quelles peuvent
être les conséquences dévastatrices du vol sur les
élèves et même sur les parents d'autant plus qu'il est
difficile d'établir qui en est le coupable.
4.2.1.2- Violence des élèves envers les
enseignants et l'école
Tableau N° 9: Présentation de la
violence des élèves envers les enseignants selon les
élèves eux-mêmes
NEE 2nde
|
NEE 3ème
|
-Trouble en classe
(désordre)
|
-Insolence,
-Mépris (manque de respect)
-porter main sur le professeur
-Tentative de séduire le professeur
-Refuser de travailler
-Frauder/tricher
|
Tableau N° 10: Présentation de la
violence des élèves envers les enseignants selon les
enseignants
NEP
|
Mme Rita
|
M. Wilson
|
M. Baba
|
M. Guy
|
M. Etienne
|
Mme Carine
|
M. Balia
|
-Menaces verbales
-Violences physiques
-Bruits
-Mépris
-Jeux en plein cours
|
-Menaces verbales ou avec actes
-Violences physiques : Gifles
-Séquestration dans le campus ou les salles de classe
|
-Paroles violentes
-Injures
-Violences physiques
(bagarre)
-
|
-Rébellion
« refus de se soumettre »
|
-Refus d'obtempérer
-Mépris
-Menace
|
-Mépris
Orgueil
-Exécution lente des punitions
-Non respect du RI
-Non respect du drapeau
-Refus d'obtempérer
-Affront verbal
-Retard répétitif
|
-Agression physique ou verbale
-Injures
- Menaces
-Caricature sur le mur ou le tableau
-Gestes comiques
-Attribution des noms
|
4.2.1.2.1- Violence envers les enseignants
- Les menaces, le refus d'obtempérer, le
mépris et l'insolence
Mme Rita évoque aussi les menaces comme forme de
violence verbale exercée par les élèves sur les
enseignants. Elle prend l'exemple d'un élève de 2nde
qui a menacé de pendre un enseignant parce qu'on lui demandait
de remettre son pull-over qui n'était pas conforme à celui du
lycée. Cette attitude marque à la fois son refus
d'obtempérer, son mépris
vis-à-vis de celui qui l'interpelle
ainsi que l'insolence puisqu'il n'a pas peur de le
dire à haute voix. Elle estime cependant que la violence des
élèves est exceptionnelle, pas si dramatique.
M. Guy raconte qu'ayant surpris un élève
entrain de tricher avec des documents qu'il a confisqué.
L'élève l'a presque séquestré en le
menaçant pour rentrer en possession de la preuve de son acte. C'est la
perspective de le traduire au conseil de discipline l'a calmé et l'a
amené à s'excuser.
Un Surveillant Général raconte avoir
été menacé au quartier à cause de l'exclusion
définitive de certains élèves. Il affirme que
régulièrement les enseignants sont victimes de violence verbales
dans la rue ou dans les quartiers. (NEP, 20/10/2016).
Ces attitudes sont récurrentes dans les salles de
classe et il n'est pas rare de voir des élèves qui refusent
d'exécuter des punitions ou de sortir de la salle de classe à la
demande du professeur. Ce qui est souvent source de conflits violents entre
élèves et professeurs.
- Les injures, les caricatures, l'attribution des noms
Les élèves excellent également dans la
qualification péjorative ou dans l'atrribution
des noms aux professeurs. Ces noms reflètent leurs attitudes,
leur aspect physique, leur démarche, etc. M. Balia raconte son
expérience :
L'an dernier, les enfants m'appelaient
« désert » et je ne comprenais pas ce qui signifiait
désert. Un élève m'a approché pour me dire que
c'est parce que j'avais la calvitie (NEP, 17/11/2016).
Les élèves font aussi des caricatures
de leurs enseignants sur les murs, au tableau, parfois sur le portail
et ils y ajoutent souvent un message, avec le nom de l'enseignant en s'assurant
que ce dernier le sache M. Balia pense que
« l'élève insulte indirectement
l'enseignant ». Il ajoute à cela des gestes
comiques qui visent à se moquer et à exprimer ce qu'on
ressent pour l'esnseignant. Ce sont autant de violences psychiques que
subissent les enseignants de la part de leurs élèves.
Les enseignants subissent aussi des violences
physiques. Bien que rares, on note parfois des gifles, des coups de
points, des bastonnades, etc. Lors d'un Rassemblement, le Proviseur,
déplorant cette violence, annonce qu'un élève de PA4 a
« cravaté » un Surveillant de Secteur parce que ce
dernier voulait confisquer le téléphone portable avec lequel ses
camarades et lui organisaient des séances photos. « Nous
sortons de chez nous pour donner la vie. Pourquoi devons nous mourir de vos
mains ? », Poursuit le Proviseur. Avant cette
annonce, il invite les élèves à la discipline et avertit
les « vilains » de mieux se tenir.
4.2.1.2.2- Les violences contre l'institution scolaire ou
violences anti-scolaire
- Le chahut
La violence des élèves se manifeste beaucoup
plus par le fait de troubler les cours, soit par le
chahut, soit par des paroles ou des actes
déplacés. Testanière (1967), définit le
chahut comme « tous cas de désordre qui résulte
directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif, accompli par
l'élève lui-même et qu'il savait devoir produire ce
résultat ». En nous inspirant de Georges Felouzis (1991) nous
avons pu observer plusieurs formes de chahuts à savoir :
· Le bavardage avec un voisin de banc pour des motifs
autres que le travail en groupe,
· Les grands gestes,
· Les grimaces,
· Des rires bruyants,
· Les déplacements à l'intérieur de
la classe sans rapport avec le travail
· Les échanges d'objets sans rapport avec le
travail.
A cette liste nous ajoutons les jeux en plein cours, tous les
bruits produits par les élèves et qui pèsent sur
l'ambiance de la classe. Des parties du cours observés en
6ème Bilingue nous aiderons à comprendre ce
phénomène :
Séquence 7 :
Le professeur mène une activité
d'intégration de ce qu'il a enseigné antérieurement aux
élèves. Il demande aux élèves de situer leur
village.
Un élève :
Mon village est situé au Nord
L'enseignant : Le Nord
c'est vague.
Les autres élèves
pêle-mêle : Nord des Etats-Unis, Pôle Nord...
Pendant ce temps une fille du dernier banc de la
première rangée tape sur la table-banc avec ses mains, son voisin
de devant tape aussi la table avec ses deux stylos à bille (il se
ressaisit quelques seconde lorsque nos regards se croisent et continue de taper
en mimant quelque chose). Les autres se moquent des noms de villages de leurs
camarades et rient aux éclats.
Un élève : Monsieur, on pousse les
gens. (le professeur ne le regarde même pas car il écoute les
réponses des élèves). Il pose une question.
Plusieurs élèves crient: Moi monsieur,
moi monsieur...
Le professeur : qui tape ? (pas de
réponse et il continue)
Tout le monde parle et le prof ne suit pas.
Le Professeur tente de les ramener à
l'ordre :Ooo ! Ooo !
Plus tard : Ooo, Guizou !
Plus loin : écoutez ce que Kenfack
dit !
Trois élèvent tapent sur la table avec leurs
stylos et les autres bavardent.
Le professeur : les autres suivez !
Le professeur interpelle la fille
évoquée plus haut et qui bavarde: Djamilatou !
Un élève que je ne repère pas tape
sur la table, une autre fille tape aussi sur la table...Une
élève s'accroupit et semble raconter une histoire à ses
voisines de banc.
Le Professeur : Suivez ! Ooo !
Ooo !
Plus loin encore : Ooo, Adama, qu'est-ce qu'il
y'a ?...Taisez vous !...
En environ 40 minutes de cours nous avons noté 15
interpellations visant à ramener l'ordre dans la classe. Ceci est
épuisant pour l'enseignant qui doit faire des efforts
supplémentaires. Nous avons remarqué que ces derniers sortent des
cours exténués à force d'avoir crié. Pour
éviter ce chahut, certains enseignants sont obligés de
monopoliser la parole et de faire faire le maximum d'exercices possibles, comme
le mentionne l'enseignante observée en 3ème Allemand
(NOC, 25/10/2016).
Si certains cherchent à ramener le calme, d'autres
enseignants par contre préfèrent ignorer le bruit et dispensent
leur cours au détriment de ceux qui veulent vraiment suivre, c'est le
cas de Mme Rita. Elle souligne cependant lors de l'interview que :
« certains élèves sont gênés lorsque
les autres bavardent et leur chahut peut avoir une influence sur leur
rendement ». Ici, elle évoque non seulement la violence
que le chahut exerce sur les camarades, mais aussi anticipe sur les
conséquences de celui-ci. Elle ajoute que « la classe
n'est pas un cimetière...il n'ya pas de miracle pour que les
élèves soient muets. Quelque chose va toujours les amener
à parler. »
- la destruction du cadre scolaire
La plupart des salles de classe que nous avons
observées ont des graffitis sur les murs. Les élèvent
utilisent des substances difficiles à effacer pour exprimer tout ce qui
leur passe par la tête. Les tables-bancs subissent le même sort, ce
qui donne une impression d'insalubrité à ces bâtiments qui
n'ont pas plus de cinq ans d'âge. Un élève a d'ailleurs
été sanctionné à repeindre la salle de classe parce
qu'il inscrivait des graffitis sur les murs (NOE, Rassemblement du 14/11/2016).
- La violation des règles et des normes
La plupart des violences perpétrées par les
élèves sont liées au non respect du
Règlement Intérieur. En effet, toutes les
catégories de fautes ainsi que les sanctions prévues pour les
élèves y sont inscrites, mais les élèves
violent au quotidien ces règles par leur tenue vestimentaire et
corporelle non conforme, les absences injustifiées, les retards, le
refus de se faire évaluer, la désertion des salles de classe aux
heures de cours à travers l'escalade de la clôture ou avec la
complicité des gardiens.
- La passivité, l'ennui, le sommeil en plein
cours et l'indifférence
Nous avons constaté, en observant les cours, que les
élèves manifestent généralement peu
d'intérêt vis-à-vis de ceux-ci. Plusieurs
se couchent sur la table pendant que l'enseignant donne des explications,
dorment, ne participent pas aux activités et ne lèvent même
jamais le doigt pour répondre aux questions. Ils sont
indifférents, passifs et semble avoir l'esprit ailleurs que dans la
salle de classe. Parfois même ils ne recopient pas le cours, signe de
leur manque d'engagement, de leur démotivation face à
l'école. C'est ce type d'élève qui attend la pause avec
impatience, qui se plaint de la longueur du cours et fait qu'on écrit
trop.
Lorsqu'un enseignant se retrouve face à une classe
passive, dont les élèves ne font pas les devoirs à la
maison, n'ont pas de bonnes notes aux évaluations, cela crée en
lui un sentiment de découragement. Il est aussi à noter que
plusieurs élèves ne connaissent pas les noms des enseignants, ni
des membres du corps administratif. Ils ne maîtrisent même pas
leur emploi du temps, comme c'est le cas de cet élève de
5ème, amené par son Chef de classe chez le Censeur
parce qu'il tapait sur la table-banc :
Séquence 8 :
Censeur : Vous avez quel cours
maintenant ?
Elève : Je ne sais pas.(Ses camarades
répondent qu'ils ont EPS, Education à la Citoyenneté et
à la Morale et l'Anglais).
Censeur : Tu as quel cahier dans ton
sac ?
Elève : le cahier d'ECM.
Censeur : et l'Anglais alors ?
Elève : Je ne savais pas qu'on avait Anglais
le vendredi.
Le Censeur lui donne 08 coups de fouets parce qu'il ne
connaît pas son emploi du temps et demande ensuite : Tu as eu quelle
moyenne à la 1ère séquence ?
Elève : 08(sur 20), Monsieur. Et le Censeur
lui ajoute deux coups pour ce motif, en promettant de le fouetter s'il avait
une mauvaise note à la 2ème séquence.
(NOE, 18/11/2016)
Le cas de cet élève démontre le
désintérêt qu'il manifeste face à l'école et
sa note le prouve suffisamment. En dehors du fait qu'il n'a pas tous ses
cahiers, qu'il ne connaît pas son emploi du temps et fait du bruit en
classe, sa tenue est toute est sale et déchirée.
4.2.2- La violence des enseignants envers les
élèves
Tableau N° 11: Présentation de la
violence des enseignants envers les élèves selon les
élèves
NEE 2nde
|
NEE 3ème
|
-Abus de pouvoir
-humiliation des élèves
-Harcèlement
-injures
|
-Diminuer les points
-Mal corriger les copies
-Gronder
- Imposer des cours de rattrapage Samedi
-Mettre les élèves dehors
-Punir à tout moment
-Donner des notes arbitraires
-Faire du favoritisme
-Refuser de donner un billet de sortie à un
élève malade
-Punir injustement
-Détruire les objets des élèves
-Faire la cours ou harceler sexuellement les élèves
|
Tableau N° 12: Présentation de la
violence des enseignants envers les élèves selon les enseignants
eux-mêmes
NEP
|
|
Mme Rita
|
M.Wilson
|
M. Baba
|
M.Guy
|
M. Etienne
|
Mme Carine
|
M. Balia
|
-Punir sans motifs valables
-Dicter rapidement le cours et en Espagnol -Être
intolérant
-Expliquer le cours en Espagnol
-Voix non audible de l'enseignant(4)
-Dénigrement
|
-Violences verbales
et psychologiques
-Violences physique :,
-punitions parfois injustes ou sans motifs
|
-Gronder
-Insulter
-Dénigrer,
-Frustrer
-Punitions humiliantes ou entraînant
des blessures physiques
-Fouetter
|
-Fouet
-Faire recopier un devoir 10 fois
|
-Punitions
-humiliantes
-Harcèlement sexuel
|
-Manque d'attention aux élèves
-Attitudes
-Préjugés sur certaines ethnies
|
-Harcèlement sexuel
-Mauvaise notation
-Fouet
-Punitions
|
4.2.2.1- Les violences psychologiques
Mme Rita nous confie dans un entretien qu'après deux
semaines de cours, elle a demandé à ses élèves de
lui dire, sur des bouts de papier, ce qu'ils pensaient de ses méthodes
d'enseignement. Elle nous les a fait lire et il en est ressorti plusieurs
formes de violence subies par les élèves à
savoir :
- Les punitions sans motifs valables ou
injustes
Ici il s'agit de punir des élèves sans preuve
ou punir les innocents avec les coupables. Ce sont généralement
les punitions en masse. Par exemple, un élève lance un mot et le
professeur ne parvient pas à l'identifier, ses camarades non plus ne
veulent le trahir, alors toute la classe est punie.
- L'intolérance
Il s'agit de ne pas tolérer le moindre écart de
comportement d'un élève et de le punir pour tout ce qu'il fait,
sans recours, sans lui donner de chance de s'amender. Un Surveillant à
qui un enfant demandait pardon lui a
rétorqué : «On demande pardon au ciel ».
(NOE, 20/10/2016) Le Proviseur lui-même rappelle
régulièrement aux élèves lors des rassemblements
qu'aucun cas d'indiscipline ne sera toléré et chaque semaine se
tient au moins un conseil de discipline, et plusieurs cas d'exclusion sont
réglés aussitôt que la gravité est
établie.
- Expliquer et dicter rapidement le cours en
Espagnol
Il y va de l'Espagnol comme de toutes les langues
étrangères qui traduisent déjà l'imposition d'une
culture. Les comprendre est déjà un défit à relever
et le fait de dicter le cours, et le dicter rapidement rend encore
l'apprentissage difficile.
- Parler de façon inaudible
Certains enseignants, comme Mme Rita, ont une voie qui ne
porte pas assez et ne permet pas aux élèves de bien suivre le
cours. Cela rend le cours ennuyeux pour ceux qui y portaient peu
d'intérêt ou alors frustre ceux qui veulent noter les explications
et la dictée du cours.
A ces formes de violence des enseignants on peut
ajouter :
- Les injures et les insultes
Pour des raisons diverses. Nous notons des injures comme
Chenapan, ordure, fainéant (NEP, M. Wilson). Les
élèves de 3ème se plaignent du fait que rater
un exercice au tableau constitue souvent un motif d'injures pour le professeur.
« Il y'a des enseignants, dès que tu fais une erreur au
tableau, il va insulter toute ta famille » (NOE,
17 /11/2016).
- Le dénigrement
Le dénigrement consiste à exposer les limites
d'un élève devant ses camarades. On peut exprimer ses
incompétences scolaires ou ses limites physiques en le traitant par
exemple de faible, ou avec des expressions comme :
« s'il était au moins beau ! » (Mme
Rita)
- Les punitions humiliantes
et/ou entraînant une souffrance
physique
Nous avons pu noter des punitions telles que : se coucher
à plat ventre au sol, s'enrouler au sol, demander à une fille de
lever les pieds, se mettre à genoux, se déplacer avec les genoux,
etc.
- Les punitions pendant des heures ou toute la
journée
Nous avons pu constater que les Surveillants punissent des
élèves pendant des heures entières, parfois sous le soleil
et en leur faisant rater des leçons importantes. La punition n'a plus
son caractère éducatif, elle devient une torture pour
l'élève qui, la trouvant peut-être juste au départ,
va se révolter.
- L'indifférence pour certains
élèves et le favoritisme
Les élèves se plaignent du fait que les
enseignants négligent certains et préfèrent travailler
avec d'autres, à cause de la situation aisée de leurs parents ou
de leur appartenance ethnique ou religieuse, ou parce qu'ils achètent le
fascicule de l'enseignant ou encore parce qu'ils font partie de son groupe de
répétition. Ils obtiennent des faveurs de la part des enseignants
ou du corps administratif, frustrant ainsi les autres. Parfois l'enseignant a
une préférence pour les élèves forts qui
ne lui donnent pas l'impression de perdre son temps. M. Guy l'exprime pendant
un de ses cours : « Je vais travailler avec ceux qui veulent
faire l'école, même si vous êtes 10. D'ailleurs vous
êtes trop nombreux » (NOC, 11/10/2016)
- La soustraction des points
Mme Rita déplore cette pratique qu'ont certains de ses
collègues car elle estime que le Règlement Intérieur
prévoit tout genre de punition pour chaque cas. Il nous est
arrivé de voir un professeur donner la note de 00/20 à un
élève qui avait 17/20 parce qu'il estimait qu'elle n'avait pas
mis assez de temps à la Surveillance Générale pour
l'exécution de sa corvée, seul un rappel à l'ordre du
Censeur l'a fait revenir sur sa décision. (NOE, 24/10/2016)
- Le harcèlement sexuel
Il est courant au lycée de Tigaza qu'aussi bien les
enseignants que les membres de l'administration harcèlent les
élèves. Les élèves tout comme les enseignants
évoquent cela dans les entretiens, mais aucune dénonciation n'est
faite. Cependant, il en ressort que les élèves victime de ce
harcèlement souffrent en silence et subissent toute sortes de pressions
à travers des punitions et des mauvaises notes jusqu'à ce
qu'elles cèdent. Au cas où ils fréquentent un
élève garçon, celui-ci devient le souffre-douleur du
professeur ou du Surveillant qui le punit à tous les coups.
- Refuser de donner le billet de sortie à un
élève malade
Les élèves se plaignent du fait que les
Surveillants refusent de leur donner des autorisations de sortie lorsqu'ils ne
se sentent pas et les soupçonnent de feindre la maladie. Cela est pour
eux une forme de violence psychologique.
- Imposer des cours de rattrapage aux
élèves
Généralement, les enseignants aiment exploiter
les heures libres des classes pour faire leur cours et ce, sans aviser les
élèves. D'autres encore, sans s'enquérir de l'opinion des
élèves programment les cours le samedi, jour où les
enfants sont censés aider les parents et faire leurs devoirs pour
apprêter la semaine à venir.
4.2.2.2-Les violences physiques
- L'usage du fouet et des punitions
pénibles
Les violences physiques sont relativement rares au sein du
lycée de Tigaza. Cependant, malgré l'interdiction du
fouet par la Loi de l'orientation de l'Education au Cameroun,
certains en usent encore pour punir les enfants. C'est le cas de M. Guy qui ne
s'en cache pas et qui l'utilise effectivement dans ses salles de classe. Il
nous avertit d'ailleurs lorsque nous lui communiquons le thème de notre
étude. Et nous constatons qu'il fouette ceux qui n'ont pas eu de moyenne
à l'évaluation. (NOC, 11/10/2016 en 4ème E1)
Certaines punitions n'ont pas seulement un effet
psychologique, mais entraînent aussi des souffrances physiques :
planter les choux, se mettre à genoux, piocher la terre, etc.
l'élève peut en ressortir avec des blessures ou des douleurs.
- Les coups de poing, les gifles et les
bagarres
Certains enseignants exercent de la violence sur les
élèves à travers des gifles, des coups de poing et ils en
arrivent même à bagarrer. Ces faits sont rares, mais visibles de
temps en tant comme le soulignent les personnes interviewées.
4.3- LES CAUSES DE LA VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE
Tableau N° 13: présentation des causes
de la violence des élèves du point de vue des
élèves
NEE 2nde
|
NEE 3ème
|
Causes externes
-Perte d'un parent
-Pauvreté
-Imiter ceux qui en ont
- Problèmes familiaux
-Situation aisée des parents qui pousse à menacer
les autres
- coutumes familiales (en contradiction avec certaines
punitions)
Causes internes
-Une mauvaise éducation familiale (laxisme)
-Attitude réfractaire des enseignants
-Sentiment de rejet
-Sentiment d'humiliation et de frustration
-Désir de s'affirmer, de se faire respecter.
-Trahison des secrets
-La jalousie
-Abus de pouvoir, d'autorité,
-Mauvaise façon d'enseigner,
-Refus de répondre aux questions et d'expliquer les
leçons
-Refus des Surveillants d'écouter les
élèves. -Volonté de se rendre justice.
-Non respect du RI par les enseignants eux-mêmes
-Faire cours à une heure ou un jour qui n'est pas
prévu sans l'avis des élèves
-Manque de soutien aux sportifs du lycée en matière
d'équipement, de frais de taxi et de prise en charge médicale
-Exclusion des élèves sans preuves
-Corruption
-Punitions à deux mesures
-Manque de salle de classe (flânerie)
- Refus d'accéder aux ordinateurs pour consulter des
logiciels de recherche
- Demande d'acheter du matériel pour le Travail Manuel,
-Evaluations par embuscade
-Préférence des enseignants
pour certains élèves.
-Ségrégation ethnique et religieuse
|
Causes externes
-Pauvreté
-Mésentente entre chrétiens et musulmans
-Âge de la puberté
Causes internes
-Commérages
-Hypocrisie des camarades
-Familiarités des enseignants avec les
élèves
-Manque d'humilité des professeurs qui n'acceptent pas les
corrections des élèves
-Frustrations
-Humiliations
-Manières de s'adresser aux élèves
-Mots choquants
-Tenues vestimentaire des enseignants
-Mauvaise façon de dispenser le cours
-Obligation de faire l'EPS quand on est malade
-Effectifs pléthoriques
-Intrusion des élèves d'autres
établissements dans les salles de classe
-Admission en classe supérieure des élèves
sans niveau
|
Tableau N°14 : présentation des causes de
la violence des élèves du point de vue des
enseignants
NEP
|
Mme Rita
|
M. Wilson
|
M. Baba
|
M. Guy
|
M. Etienne
|
Mme Carine
|
M. Balia
|
Causes externes
|
Mauvaises compagnies
-Frustrations au plan familial
-Eloignement des domiciles
-Les médias
-Perte des valeurs africaines
-Nature des élèves et âge
|
-Instinct naturel
|
-Puberté
-Situation économique des parents
|
-Pauvreté des parents
-Démission des parents
-Mauvaises compagnies
-Absence de conscience professionnelle
|
-Manque d'éducation de base
-Précarité
-Tribalisme
|
-Origine Familiale
-Tribalisme
|
-Frustrations à la maison
-Appartenance ethnique ou religieuse
|
Causes internes
|
-Rigidité du RI
-Punitions jugées exagérées et
dégradantes
-Soustraction des points
-Effet de masse
-Manque de volonté et d'ambitions
-Manque de places assises
-Punitions de masse
-Enseignant non protégé par l'administration.
|
Recrutement sans examen moral et pour des raisons sociales.
-Non application du RI ou des décisions prises.
Attitudes des enseignants
Familiarité avec les élèves
-Manque d'autorité
|
Assurer sa suprématie
-refus d'assister l'autre
Retrouver sa dignité par la réplique physique ou
verbale
-faiblesse de l'administration
-manque d'autorité,
-Impunité des élèves et des enseignants
-RI faible
-Parrainage -Jeune âge des enseignants
-Pas d'identification de ceux qui entrent et sortent
|
-Sentiment d'insécurité face à l'enseignant
|
-Le protectionnisme et l'interventionnisme
Méconnaissance des droits et devoirs par les
élèves
-Harcèlement sexuel des élèves
-Ignorance du RI
-Droits des élèves baffoués
|
-Mépris (des grands pour les petits)
-Orgueil
-Recrutement ne tenant pas compte des qualités, du niveau
et du background disciplinaire des élèves
|
Injustice dans le système de recrutement (Parrainage et
monnayage)
-Problèmes avec l'administration, les enseignants ou les
camarades
-Cours mal dispensés
-Retards de l'enseignant
|
4.3.1- Les causes externes de la violence des
élèves
4.3.1.1-Le contexte socio-économique et familial
Les élèves, tout comme les enseignants pensent
que beaucoup d'élèves sont issus de familles pauvres. En
analysant les entretiens avec les élèves de 2nde, il
en ressort que la condition de pauvreté des parents, la faim,
mêlée à l'envie d'imiter les élèves qui
ont plus d'argent (Elève N°3) peut amener un enfant
à des actes de délinquance comme le fait d'arracher ce qui
appartient aux autres camarades. Cette pauvreté a aussi pour
conséquence la démission des parents comme le souligne
M. Guy :
La plupart, ... si on peut dire 80% des enfants de cet
établissement sont issus des familles pauvres...ce qui fait que les
parents ont abandonné leurs responsabilités... Une fois que le
parent a payé l'inscription, le reste là il ne s'en occupe pas
... Les parents sont plus préoccupés à gagner un peu
d'argent pour que l'enfant rentre manger à la maison... il peut
aller s'accoquiner avec les motos taximen, les fumeurs de
chanvres... (NEP, 20/10/2015)
Les mauvaises compagnies évoquées dans ce
discours donnent aux élèves plus de courage pour affronter les
enseignants et les camarades, puisqu'ils savent qu'ils ont des alliés
à l'extérieur qui leur viendront en renfort en cas de
problème (Cf. Séquence 2). Ces compagnies sont aussi à
l'origine de la consommation et de la distribution de la
drogue au sein du Lycée. A cet effet, des élèves
ont été surpris plusieurs fois en flagrant délit de
consommation de drogue (tramol, cannabis, cocaïne, etc) ou de cigarette et
la fouille inopinée de leurs sacs par les Surveillants a permit d'en
saisir des quantités importantes. ((NOE, 07/11/2016 et 14/11/2016 cf.
enregistrement du Rassemblement).
Ceci s'explique encore plus par le fait que la ville de
Bertoua est une ville à forte insécurité avec des
agressions, des assassinats et des règlements de compte fréquent
(Cf. Description du site de l'étude)
Mme Rita, tout comme M. Balia et même les
élèves de 2nde que les frustrations ou les
problèmes rencontrés au plan familial peuvent affecter
le comportement d'un élève. Selon elle, certains quittent le
domicile familial pour aller louer une chambre et se comportent mal sachant
que personne ne viendra répondre de leurs actes, contrairement à
ceux qui vivent avec leurs parents et qui ont peur des représailles.
Dans les propos des élèves concernant les causes de
leur propre violence, il ressort que la perte d'un parent
peut être à l'origine de l'agressivité d'un
élève vis-àvis des autres. C'est ce qu'exprime
l'Elève N° 3 en ces termes : « un enfant qui
perd l'un de ses parents, c'est le monde qui s'écroule...Il s'attaque au
monde » (NEE 2nde). En effet, l'élève
en question qui signale à la phase d'identification qu'il a perdu sa
mère s'exprime plus que les autres tout au long de l'interview et parle
régulièrement du rejet ou de sentiment d'être
rejeté et du besoin d'être reconnu comme cause de la
violence des élèves.
En outre, certains parents, généralement
aisés, ont une éducation assez laxiste, et ne
savent pas faire des reproches à leurs enfants. Ils ont une conception
que Débardieux (1998) présente comme post-moderne de
l'enfant dont on doit rechercher « l'amour », sans aucune
contrainte par peur de briser le lien affectif. Vivant dans ce laisser-aller ou
encore ce laisser-faire, ils ne supportent pas les reproches des enseignants
(NEE N°2), narguent leurs camarades moins nantis. Les élèves
N° 10 et 11 l'expriment lors de l'entretien :
Elève N°11 : Je suis pauvre, je n'ai pas
assez d'argent pour m'acheter des documents. Je demande à mon camarade
de me prêter son document. Il me lance des mots choquants ou il va
raconter des choses contre moi. ... Quand on te donne un beignet et que toi
aussi tu n'as pas les moyens...Si elle voit que tu ne lui donnes pas aussi,
ça va l'énerver et ça va créer de problèmes
entre vous. ...
Elève N°10 : Je viens demander l'aide
à mon ami pour photocopier un document. Il va se vanter qu'il m'a
aidé. Je vais me sentir humilié.
Dans ces propos ressortent encore des formes de violence
psychiques (Mots choquants, humiliation, commérages) qui peuvent
conduire à des réactions encore plus violentes de la part de ceux
qui les subissent.
Le sentiment de rejet au niveau de
la famille ou de la société peut se répercuter à
l'école et pousser l'élève à vouloir se faire
connaître, pour être célèbre et pouvoir
intégrer un groupe. Il « se fait une
réputation de rebelle » (Elève N°3) en
exerçant de la violence sur ses camarades et ses enseignants afin de se
faire respecter.
4.3.1.2-Le contexte culturel
Comme évoqué au chapitre III, la population de
la ville de Bertoua est composée de personnes issues de toutes les
Régions du Cameroun et d'expatriés. L'appartenance ou non
à un groupe ethnique est parfois source de mésentente ou de
préjugés. Il en est de même des personnes partageant les
mêmes croyances religieuses. Les deux religions prédominantes
sont la religion musulmane et la religion chrétienne. De l'avis de M.
Balia et aussi de l'Elève N°2 qui sont tous issus du
Grand-Nord-Cameroun en majorité musulman, les élèves de
cette religion aiment marcher en groupe et son très solidaires. En
outre, comme le souligne l'Elève N°2, ils aiment la
bagarre...en groupe et insultent les chrétiens. Il en
est de même des groupes ethniques dont les stigmates sont connus à
travers le territoire national qui n'épargnent pas le milieu scolaire.
Les médias constituent un autre facteur culturel qui
contribue à la montée de la violence en milieu scolaire. En
effet, grâce à la télévision et à Internet
les élèves y copient des modèles de vie et des
façons de faire qui son contraires aux normes africaines et qui, comme
le pense Mme Rita, mènent à la perte des valeurs africaines qui
exigent le respect des aînés. Elle déplore cette perte des
valeurs en racontant comment un élève lui a lancé un
papier après l'avoir froissé. Les médias véhiculent
ainsi des modèles culturels occidentaux et des stars que les
élèves copient facilement: se lever dès la sonnerie sans
attendre que le professeur clôture son cours, porter des pantalons
rétrécis pour les garçons, faire des coiffures
fantaisistes, utiliser le langage de stars, etc.
4.3.1.3-Dévalorisation du statut de l'enseignant
Pour beaucoup d'élèves dont les parents
excellent dans les affaires ou occupent des postes « juteux»,
être enseignant n'est pas l'idéal puisque la société
elle-même le dévalorise. Nous avons pu observer que les parents
d'élèves, lorsqu'ils sont convoqués à
l'établissement ou alors viennent simplement pour un problème
concernant leurs enfants adoptent une attitude de mépris, chose qui est
rare dans d'autres services où travaillent des personnes moins
gradées. Cette dévalorisation est certainement due à la
condition précaire vécue par l'enseignant et
évoquée plus haut.
4.3.1.4-La violence des élèves liée
à la nature et à l'âge
M. Wilson considère que la violence de
l'élève est liée à l'instinct naturel qui
le pousse d'abord à réagir, même si après il le
regrette (NEP, 14/10/2016). En effet, la majorité des
élèves du Lycée de Tigaza sont dans la phase de
l'adolescence, période de transition qui, pour l'enfant en manque de
repères, de normes et de valeurs, peut conduire à des
comportements déviants et à la violence. C'est la période
des crises ouvertes avec les adultes accompagnées d'affrontements
violents liés à la recherche permanente de son identité.
Cette identité qui, selon Christine Arbisio (1999)
« représente ce qu'il doit être, ou voudrait
être » et est source de conflit. Par son agressivité,
l'adolescent cherche à s'affirmer et la violence est « comme
seul recours, et seul moyen de mettre de la distance ». M. Guy fait
le constat que l'élève est sur la défensive face
à l'enseignant: « dès qu'il voit l'enseignant,
il change d'humeur ». Il le considère comme un
« adversaire », « un obstacle à
l'épanouissement »
La violence des élèves n'est cependant pas
limitée à ce facteur, mais est aussi liée au fait que
beaucoup d'élèves, à cause des multiples échecs
scolaires ou pour d'autres raisons, ont diminué leur âge et se
retrouvent dans la même classe que leurs cadets. Ils tiennent à
s'imposer auprès de ces derniers à travers des brimades. La
façon dont les élèves en parlent témoigne de la
peur qu'ils ressentent vis-à-vis de ces grands élèves. Ils
en parlent en termes de « grand et petit »,
« grand frère et petit frère » pour
désigner leurs camarades de classe plus matures.
4.3.2- Les causes externes de la violence des enseignants
4.3.2.1-La nature même de l'enseignant
Il y'a des enseignants naturellement violents, impulsifs et
intolérants (Entretien avec Mme Rita, 15/11/2016) non seulement avec les
élèves mais aussi avec les collègues et dont
l'administration du lycée se plaint. Ils rendent leurs cours
insupportables ne tolérant rien, ni le bavardage, ni le fait qu'on entre
après eux, ni même qu'on pose des questions relatives au cours,
etc. C'est ce type d'enseignant qui a régulièrement des
problèmes et même des affrontements physiques avec les
élèves. Ils témoignent de leur manque de charisme et
s'appuient régulièrement sur l'administration pour gérer
les problèmes internes de leur salle de classe.
4.3.2.2-Problèmes personnels partant du quartier ou de
la maison:
Selon M. Baba, certains enseignants ont des problèmes
avec des élèves au quartier et « le seul endroit
où le professeur a la main mise sur l'élève c'est
l'établissement ». (NEP, 17/10/2016). D'autres encore ont
des problèmes personnels à la maison et déportent cette
mauvaise humeur dans la salle de classe ou au bureau.
4.3.2.3-Absence de conscience professionnelle
Selon M. Guy, « les gens sont arrivés par
précarité ou par pauvreté dans la
fonction » et ne se soucient pas du devenir des
élèves. En effet, certains enseignants abandonner les
élèves pour se livrer à d'autres activités. Nous
avons vu, une fois, rappeler à l'ordre un enseignant de
Mathématiques ayant abandonné ses élèves depuis des
semaines parce qu'il couvrait des heures de vacations dans un collège
privé.
Beaucoup encore semblent ne pas savoir quelle est leur
mission et en dehors de ces absences répétées, sont
régulièrement en retard, bâclent les leçons, que
généralement ils ne préparent pas et considèrent
les élèves comme des adversaires des rivaux à qui ils
brandissent sans cesse leurs diplômes. Avant de décider
d'interviewer les élèves de 2nde, nous avons
constaté qu'ils flânaient dans la cour parce que leur professeur
n'était pas là et n'avait prévenu ni les
élèves, ni l'administration.
4.3.2.4- Le Manque de ressources financières et
matérielles
Le Rapport de fin d'année scolaire 2015-2016 du
lycée de Tigaza fait état de ce que les Enseignants en cours
d'intégration sont « peu motivés parce que
confrontés aux besoins primaires inassouvis ». Selon Mme
Rita, un élève qui n'a pas d'argent ni de toit sera plus sensible
au « manque de respect » de la part d'un
élève. Elle pointe un doigt accusateur vers l'Etat qui n'assure
pas la prise en charge rapide des enseignants. (NEP, 02/11/2016)
4.3.3-Les causes internes de la violence des
élèves
4.3.3.1-Mauvaise gestion administrative et pédagogique
des élèves
- Parrainage et corruption lors des recrutements
Les enseignants tout comme les élèves se
plaignent du parrainage et du monnayage des places comme mode de recrutement
pratiqué jusque-là. En effet, rien n'est fait pour
vérifier les antécédents disciplinaires de
l'élève à recruter puisque parfois les bulletins
présentés sont faux. En outre, les élèves exclus au
sein du même lycée pour des problèmes de disciplines sont
réadmis avec la complicité de certains membres de
l'administration et des enseignants. Cette situation est source d'indiscipline
et de violence dans la mesure où, aucun engagement n'étant pris
par les élèves pour leur réadmission, ils pensent que
l'argent donné pour acheter la place ou encore
négocier la place suffit à les exempter de toute
représailles et même si représailles il y'a, ils savent
désormais comment contourner la loi et avec l'aide de qui ils la
contourneront.
Il nous est arrivé de suivre plusieurs fois des
élèves dire que leurs parents étaient venus
négocier leur admission au lycée. Et parmi les
élèves qui sont indexés dans les cas de violences et dont
certains ont été exclus depuis la rentrée scolaire
2016-2017, plusieurs étaient d'anciens élèves exclus pour
indiscipline et violence (cf. NOE, Rassemblement 17/10/2016 ; NEP,
20/10/2016)
- Les effectifs pléthoriques
Les effectifs dépassent largement la marge prescrite de
60 élèves dans les classes de 6ème et 80
élèves dans les autres classes. Les classes sont bondées,
les élèves s'asseyent à trois ou quatre sur une
table-banc prévue pour au plus deux personnes. La circulation des
élèves et des enseignants dans la classe est pratiquement
impossibles, notamment dans les classes de troisième et les
élèves évoquent la chaleur pour justifier leur
présence régulière dehors. La gestion du chahut de tant
d'élèves est difficile comme le souligne Mme Rita qui pense
que les élèves profitent de l'effet de masse pour poser leurs
actes, mais seuls, ils sont faibles et deviennent doux. (NEP, 12/10/2016)
- L'absence de sécurité
appropriée
Les enseignants estiment que l'administration du lycée
ne fait pas assez d'effort pour maintenir la discipline au sein du
lycée. Au niveau du portail par exemple, les entrées et les
sorties ne sont pas filtrées et n'importe qui peut entrer, commettre des
vols ou des agressions et ressortir sans être inquiété.
(NEE, M. baba) En outre, ils considèrent que l'administration ne les
protège pas assez. En effet, beaucoup sont encore jeunes et comptent
parmi les élèves, leurs égaux ou leurs aînés.
Lorsqu'ils font recours à la Surveillance générale par
exemple, ces élèves, de leur avis ne sont pas assez punis
« Ils reviennent de la Surveillance Générale avec
plus de mépris et on devient une proie facile » (M.
Baba).
- Admission des élèves sans niveau en
classe supérieure et tricherie
Certains élèves accèdent en classe
supérieure sans le niveau requis, ils frustrent ainsi ceux qui ont
repris la classe avec une moyenne plus élevée par manque de
moyens financiers pour monnayer leur réussite ou découragent ceux
qui ont effectivement réussis sans avoir besoin de corrompre.
L'élève N° 3 le déplore et trouve qu'il n'ya plus
de mérite.(NEE, 17/11/2016). D'autres encore trichent et obtiennent
de bonnes notes et narguent ceux qui ont travaillé sans
fraude : « Si celui qui compose avec les cartouches a
la note et celui qui n'a pas les cartouches n'a pas de note, ça peut
créer des conflits » (NEE, 3ème
17/11/2016)
- Mauvais système d'évaluation
L'évaluation est faite avec des critères qui,
à la base défavorisent les élèves faibles.
Aucune pédagogie différenciée n'est appliquée pour
ceux-là et ils composent au même niveau que les autres. Parfois,
certaines classes sont évaluées sur la base de la progression
dans les classes du même niveau provoquant ainsi des
inégalités de chance pour l'accès au niveau
supérieur et la frustration.
Les élèves se plaignent aussi de ces enseignants
qui font des évaluations par embuscade (NEE, 21/10.2016),
corrigent mal les copies et donnent de mauvaises notes. D'autres donnent
même des notes même sans avoir évalué ou alors sans
corriger les copies comme nous l'avons observé chez ce jeune enseignant
d'informatique qui a abandonné à la salle des professeurs les
copies de ses élèves (NOE, 21/10/2016) qui se sont d'ailleurs
plaints de sa façon d'évaluer sans leur donner assez de temps
pour traiter l'épreuve.
- Mauvaise gestion des sportifs
L'élève N°3 se plaint du fait que le
lycée n'accorde pas un soutien aux sportifs qui jouent pour le compte du
lycée en matière d'équipement. Il a demandé
à être soutenu pour avoir de nouvelles chaussures, ce qui n'a pas
été fait. En outre, il a eu une fracture lors d'un match et ses
parents ont dû supporter seuls les frais médicaux. En plus de cela
l'argent de taxi n'est pas suffisant « 100Frs ne payent même
pas ma moto », dit-il.
D'autre part, il estime que les sportifs ne sont pas assez
protégés par l'administration du lycée. En effet, il dit
avoir repris la classe parce que les évaluations ont eu lieu pendant
qu'il était aux jeux FENASCO et aucune disposition n'a été
prise pour qu'il soit réévalué alors qu'il
défendait les couleurs du lycée. Cet élève exprime
un sentiment de révolte qui peut être cause de violence.
4.3.3.2-L'attitude des enseignants ou l'abus de pouvoir
La violence des enseignants traitée plus haut est
perçue comme une cause de la violence des élèves. M. Guy
affirme que « pour qu'un élève réagisse mal,
il faut qu'il soit poussé à bout » (NEP,
20/10/2015). En effet, les enseignants, conscients de leur
supériorité sur en tout point sur les élèves, se
démarquent par des comportements qui finissent par révolter les
élèves à savoir :
- Les humiliations des élèves
Les enseignants prennent du plaisir à provoquer les
élèves en les humiliant devant leurs camarades par des injures,
des moqueries, des dénigrements.
Elève N° 11 :«Il y'a des
élèves qui n'aiment pas qu'on les affiche devant les gens et
quand on les affiche, ça les pousse à réagir. ...Moi quand
on m'enseigne, si tu me grondes, je ne dis plus rien...Je ne pars jamais au
tableau à son cours, sinon on va m'insulter. »
(17/11/2016)
Le verbe afficher ici est synonyme d'humilier. Les
élèves semblent être sensibles à ces pratiques et
réagissent violemment lorsqu'ils sentent leur intégrité
menacée. Dans un entretien avec les élèves de
2nde l'un d'entre eux justifie la violence en prouvant que face
à une humiliation, l'élève « est
obligé de montrer qui il est pour survivre » (NEE,
N°3, 21/10/2016)
- Punitions exagérées, à deux
mesures et/ou injustes
Ces punitions sont parfois des punitions de masse, des
punitions sans preuves ou des punitions qui ne correspondent pas à la
faute commise, l'accumulation des punitions. Les élèves de
2nde (op. cit) se plaignent du fait qu'on les punisse souvent parce
qu'ils sont dehors. Cependant, leur classe est régulièrement
occupée par les cours de 2ème Langue, mais personne
n'écoute leurs explications. Certains enseignants mettent les
élèves dehors, parfois injustement ou alors sans leur donner le
temps de s'expliquer. Ils trouvent cela injuste.
Parfois, pour les mêmes fautes, l'on donne deux
punitions différentes aux élèves ou alors on punit un
élève et on laisse l'autre. Ceci est souvent une cause de
révolte et d'insolence. Cependant certains enseignants pensent qu'il
faut punir et c'est le cas de Mme Rita qui affirme que « La
société brandit la tête (d'un meurtrier) pour que les
futurs candidats au meurtre y lisent leur avenir et reculent ».
Tout comme elle, M. Guy et M. Etienne pensent que l'école est comme
un Etat et dont les règles doivent être
respectées
- Tenue vestimentaire des enseignants
Nous avons pu remarquer que les enseignants, surtout les
femmes s'habillent de manière indécente. Arborant des jupes
courtes et serrés, des pantalons épousant de façon
excessive les formes du corps, des collants, des décolletés
mettant en exergue la poitrine, etc. Une élève s'exprime
là-dessus en ces termes : « Il y'a certaines dames
qui ne s'habillent pas très bien quand elles viennent donner cours
...les yeux des élèves sont ... Quand un élève va
lui avancer les mots, elle va penser que c'est le mépris, or c'est elle
qui a cherché » (NEE, Elève N°11).
Parfois les enseignants vont en classe comme s'ils allaient faire une
course à la boutique de leur quartier sans se soucier de leur apparence
physique, chose que les élèves et même les membres de la
société regardent pour accorder du respect ou non à une
personne.
- Conception et application du règlement
intérieur
Nous avons pu constater que le Règlement
Intérieur est conçu et adopté par une poignée de
personnes qui constituent le Conseil d'Etablissement. Ceux -ci ne consultent
pas les élèves et décident de façon arbitraire des
catégories de fautes et des sanctions. Ce qui a pour conséquence
que, plusieurs élèves ne découvrent la faute et la
sanction que lorsqu'ils ont commis un forfait. N'étant pas à la
base de l'élaboration du Règlement intérieur, ils ne le
connaissent pas. (NEE, 20/10/2016) Certains enseignants le trouvent même
trop rigide.
Les punitions ainsi que les sanctions semblent
démesurées ou injustes à cause du manque d'application du
Règlement Intérieur qui prévoit pourtant toutes les
catégories de fautes et établit les règles de
fonctionnement au sein de l'établissement. Les élèves se
plaignent par exemple que, du fait que la fermeture du portail soit
prévue à 07H45 Min, mais généralement l'on ferme
à 07h30 et ils sont encore mis en corvée. Ils évoquent
aussi « l'exclusion des élèves sans
preuves » juste sur la parole d'un enseignant. (NEE,
2nde).
- Familiarité avec les
élèves
Nous avons observé que les enseignants
développent une certaine familiarité envers les
élèves. Ils rigolent, parlent de tout sauf de leur
éducation. Certains font même des business avec leurs
élèves, des transactions de filles, etc. Cette attitude
amène les élèves à les mépriser. D'autres
enseignants courtisent des élèves filles qui le disent à
leurs camarades et elles en profitent pour humilier l'enseignant qui perd de
son autorité. (NEE, 17/11/2016)
- Le favoritisme ou la corruption
Selon les élèves, un enseignant peut demander
l'avis d'un élève pour punir ses camarades ou travailler avec
certains élèves en négligeant d'autres qui ont moins de
capacités intellectuelles ou financières que les autres. Les
élèves se plaignent aussi de la corruption au niveau des
Surveillances en ce qui concerne les heures d'absences : « on
t'ajoute des heures d'absence... parce que tu as refusé de participer
à la corruption ... si tu refuses, on va te mettre mal à
l'aise...jusqu'à ce que tu cèdes ». Ils se plaignent
aussi de leurs camarades qui monnaient afin d'avoir la moyenne dans certaines
matières : « ceux qui échouent vont en classe
supérieure parce qu'ils ont négocié et ceux qui ont plus
de niveau échouent et sont frustrés » (NEE,
2nde)
- Le sentiment permanent d'injustice
Face à l'Enseignant, l'élève, même
s'il est dans ses droits, a toujours tord. Nous avons suivi plusieurs fois dire
à un élève qui se révoltait en croyant fermement
que ses droits étaient bafoués : « Tu ferais
mieux de te soumettre, puisque tu n'auras jamais raison » ou
encore « Tu ne peux jamais avoir raison face à ton
enseignant ». Et comme le dit l'Elève N°3,
« l'élève sachant qu'il aura toujours tord, il
préfère se rendre justice ». C'est ce sentiment
qui fait que les élèves forment comme un bloc contre
l'enseignant, ils soutiennent leurs camarades et dissimulent leurs forfaits.
Lorsque le professeur demande par exemple « qui a lancé ce
mot », personne ne répond et malgré la punition de la
masse, ils ne dénoncent pas.
4.3.4- Les causes internes de la violence des enseignants
4.3.4.1-Mauvaise gestion administrative des
enseignants
- Impunité des enseignants et sentiment
d'injustice
M. Baba trouve que les enseignants usent de violence sur les
élèves parce que rien n'est mis en place pour les sanctionner, il
propose de ramener les enseignants qui abusent de leur autorité
à l'ordre par exemple en leur adressant des demandes d'explications ou
en leur imputant les frais d'une blessure, cela les rendra, de son avis, moins
enclins à exercer de la violence. En effet, il n'existe aucun texte
interne ou une sorte de Règlement Intérieur pour les enseignants
qui définisse ce qu'ils doivent ou ne doivent pas faire.
- Les primes de rendement minables et l'absence de
soutien aux ECI
Les primes de rendement payées trimestriellement aux
enseignants dans les établissements scolaire et particulièrement
au lycée de Tigaza sont ridicules et dérisoires quand on les
compare à ceux de la justice, des formations hospitalières, des
services financiers (douanes, impôts, trésor, etc.). Ils vont un
enseignant de catégorie A2 peut toucher de 1500Frs à 10 000frs.
Mme Rita évoque aussi le « mauvais accueil
réservé aux ECI » à qui l'on demande de
travailler sans ressources, ceci peut mener à la révolte. (NEP,
15/11/2016).
4.3.4.1-Rétablir son autorité
L'enseignant réagit généralement à
la violence des élèves pour rétablir ou faire son
autorité bafouée participer une activité. M. Baba par
exemple reconnaît avoir insulté lorsque l'élève
trouble les explications ou ne fait pas ce qu'i veut. Il
dit : « Dénigrer une personne inférieur
à vous permet de remettre de l'ordre. Bien que ce ne soit pas
bien. » et précise qu'un bon élève ne
subira jamais de violence de la part de l'enseignant.
Pour M. Guy, la violence en milieu scolaire est
légitime et il faut toujours la prendre au sens positif, au risque de
mal la saisir. Il raconte qu'il a du exercer de la violence sur un
élève qui refusait de se mettre dehors et
« voulait jouer au dur ». « je suis
allé l'empoigner, je suis allé l'attraper de là où
il était et je l'ai bousculé pour le mettre dehors. Ce qui
était gênant c'était qu'il souriait, c'est-à-dire,
il me narguait » (NEE, 20/10/2016). L'enseignant estime ici
avoir été méprisé, il interprète même
le sourire de l'élève comme un défi et réagit avec
violence comme pour relever le défi et ne pas perdre la face devant les
élèves.
Chapitre V : INTERPRETATION DES RESULTATS, DISCUSSION ET
SUGGESTIONS
Dans le présent chapitre, nous nous attèlerons
à relire les résultats sous l'angle des théories qui on
guidé notre recherche afin d'expliquer la violence en milieu scolaire.
Ensuite, il sera ensuite question de discuter ces résultats pour
identifier et faire comprendre leurs limites. A la fin, nous nous permettrons
d'émettre quelques suggestions sur la base des résultats obtenus.
5.1-INTERPRETATION DES RESULTATS
L'interprétation des résultats obtenus
grâce à l'analyse de contenu nous permettra, à partir des
hypothèses de recherche, de confronter les théories qui
soutiennent notre étude après les avoir commentés et mis
en forme.
5.1.1-Interprétation de l'hypothèse de
recherche N°1 (HR1)
Notre première hypothèse affirme que le
fonctionnement de l'institution scolaire contribue à la montée de
la violence en milieu scolaire. A la suite des observations faites du quotidien
des acteurs du milieu et des cours et à l'aide des entretiens et des
documents qui nous ont permis de compléter les observations nous avons
fait une analyse des manifestations et des causes internes de la violence.
Celle-ci montre des défaillances dans la gestion administrative et
pédagogique des élèves ainsi que dans l'attitude des
enseignants, ce qui peut contribuer à l'escalade de la violence en
milieu scolaire.
En effet, la violence symbolique développée par
Pierre Bourdieu (1972, 1997) se manifeste dans le fonctionnement de
l'institution scolaire par cette imposition des représentations et des
normes, c'est ce que Joan Galtung (1972) appelle la « violence
structurelle ». Les enseignants représentent la classe
dominante exerçant, au sein de l'école, son arbitraire sur les
élèves qui, de façon consciente ou non intègrent
leur position de dominés. Ils doivent obéissance et soumission
sans conditions aux enseignants face auxquels ils auront toujours tord. Ils
acceptent alors tant bien que mal les normes imposées par un
Règlement Intérieur jugé trop rigide et à
l'élaboration duquel ils n'ont pas participé. Par ailleurs, il
n'existe aucune règle explicite régissant le comportement des
enseignants qui, eux, agissent en toute impunité. C'est à cause
de cela que les élèves sont solidaires les uns des autres, tout
comme les enseignants le sont entre eux. Ils forment un bloc face à la
classe dominante pour défendre un des leurs, même s'il est dans
l'erreur.
Les enseignants brandissent leur mission éducatrice
comme le faisaient les colons avec leur « mission
civilisatrice ». Pour eux, les élèves sont tous des
petits sauvages ou des « sauvageons » pour reprendre le
terme de Débardieux (1998), des « ignorants », des
petits « mal éduqués » ou « pas
éduqués » qu'il faut à tout prix
« dresser » ou « redresser » (Cf. M.
Guy), à qui il faut transmettre la civilisation, les
« civilités ». Ceci passe par la discipline, la
discipline et encore la discipline. Tout le monde est pour que soient
respectées les règles.
Un autre aspect de la violence symbolique est
l'inégalité des chances pour accéder à
l'école et même pour y réussir. En effet, le recrutement
est truqué à la base car on a l'impression que pour y entrer, il
faut soit être parrainé soit monnayer. Et en plus de cela la
démocratisation et la massification de l'école fait que pauvres
et riches se battent pour que leurs enfants aillent à l'école,
ce qui fait que les effectifs sont pléthoriques comme le montre le
tableau de répartition des divisions par classe. Une fois qu'ils y ont
accès, il leur faut encore pour y réussir, se battre en
travaillant dur. Certains élèves peuvent réussir
aisément à cause de leurs facultés intellectuelles plus
développées. Les enseignants préfèrent ainsi
travailler avec eux délaissant les autres qui sont obligés de
fournir plus d'effort pour être à la hauteur quand ils ne se
découragent pas et restent passifs sachant qu'ils seront toujours
« faibles », « mauvais
élèves ». D'autres encore réussissent à
cause de la corruption favorisée par les enseignants eux-mêmes,
créant ainsi des frustrations qui plus tard génèrent de la
violence. En outre le système d'évaluation favorise juste les
élèves « forts », sans tenir compte de ceux
qui ne comprennent pas facilement. Parfois les évaluations sont faites
sans préparation préalable des élèves qui, quand
ils ont de mauvaises notes, sont traités de
« faibles », « fainéants ».
Philippe Braud (2002), considère aussi que cette
dépréciation qui se traduit aussi par toute forme d'injures, de
paroles et d'attitudes de dénigrement, de calomnie, de
stéréotypes est une violence symbolique. Braud le démontre
en montrant que Car selon Braud, « c'est l'École, une
institution égalitaire, ouverte à tous mais vouée à
consacrer le mérite et l'excellence, qui constitue le lieu
privilégié d'intériorisation du stigmate. » Les
enseignants aussi parfois victimes de l'arbitraire de l'administration qui ne
leur donne pas assez de parole dans la prise de décision et même
des élèves qui, parfois les poussent à bout,
réagissent à cette violence qui leur fait perdre leur
dignité et leur autorité devant les élèves de
façon instinctive. Ils vivent l'attitude des élèves comme
échec dans l'exercice de leurs fonctions et se sentent harcelés
en permanence par ceux qu'ils sont censés conduire, éduquer.
Enseignants et élèves s'attaquent mutuellement
chacun à l'identité physique ou morale de l'autre à
travers l'attribution des qualificatifs ou des noms péjoratifs, qui de
façon subtiles sont dépréciatifs. Ils se retrouvent dans
une situation où les repères sont ébranlés car
chacun se méfie de l'autre qu'il soupçonne constamment de lui
vouloir du mal. C'est ce qui justifie cette animosité permanente entre
les deux, cette agressivité spontanée face à l'attitude
des uns et des autres.
Partant ainsi de la théorie de la violence fondamentale
de Jean Bergeret, nous pouvons constater que les élèves
réagissent de façon violente à la sensation qu'ils ont
d'être opprimés, de perdre leur dignité. Ils agissent de
façon instinctive et défensive à la
menace « narcissique », celle de leur
identité, que leur opposent les enseignants, sans haine
préalable, juste de façon spontanée. Ainsi, les
humiliations ou encore ce qu'ils considèrent comme « manque de
respect » de la part des pairs ou des enseignants, les punitions
exagérées ou injustes et la rigidité du Règlement
intérieur constituent autant de motifs pour que les élèves
réagissent de façon violente vis-à-vis de leurs pairs et
des enseignants. Les incivilités, les agressions physiques et verbales,
les refus d'obtempérer sont autant de réactions spontanées
face à la menace que représente l'enseignant.
5.1.2-Interprétation de l'hypothèse de
recherche N°2 (HR1)
La deuxième hypothèse de recherche prédit
que l'environnement socioéconomique contribue à la montée
de la violence en milieu scolaire. En effet, nous avons constaté en
présentant les résultats que d'une part, l'origine
socioéconomique, voire culturelle, la nature et l'âge de
l'élève d'autre part, la situation économique et sociale
de l'enseignant qui fait de lui un marginalisé dans la
société ainsi que la nature même tant de
l'élève que de l'enseignant sont de nature à favoriser la
montée de la violence en milieu scolaire.
Les inégalités socioéconomiques qui se
manifestent par le statut social et économique des parents se
répercutent à l'école avec les enfants dits de familles
nantis qui ne se lassent pas de brandir leur supériorité aux
élèves issus de familles pauvres, renforçant en eux le
complexe d'infériorité et les frustrations qui les poussent
à vouloir ressembler aux autres. Le vol et le racket des pairs sont les
expressions de cette recherche de repères. Et lorsqu'en plus de cela
les enseignants le leur confirment par des attentions particulières
qu'ils donnent à certains de leurs camarades du fait des moyens
financiers dont disposent leurs parents pour pouvoir leur offrir tous les
manuels scolaires, un répétiteur et le confort possible, cela
contribue à les révolter et à les rendre violents.
En outre, certains groupes religieux ou ethniques exhibent,
dans la société, leur supériorité vis-à-vis
des autres et ceci se répercute souvent à l'école. En
effet, les membres de ces groupes religieux ou ethniques aiment bien se
distinguer des autres en restant entre eux, comme l'affirme M. Balia. Ils
adressent des paroles dépréciatives aux autres groupes et il est
à noter que, l'appartenance à une ethnie, à une religion
ou à une culture en général et la valeur symbolique qu'on
y apporte peut être si forte que toute atteinte à cette
identité si bien construite est vécue de manière
douloureuse. La réaction à cette douleur est
généralement violente, car exprime le désespoir et la
volonté de réparer l'affront ou l'humiliation subie. On pourrait
dire ici que la violence symbolique met en branle la violence fondamentale dans
l'optique de la préservation du soi identitaire et de sa
dignité.
Les médias contribuent aussi à
l'ébranlement des identités des apprenants à travers la
diffusion des idéaux culturels dictés par l'occident, par le
style de vie des stars et qui sont intégrés comme modèles
par excellence au détriment des valeurs africaines qui, comparées
à celles prônées par les médias semblent
inférieures, rétrogrades, désuets. C'est pour cette raison
qu'on verra des élèves rétrécir les pieds de leurs
pantalons, mettre la ceinture en dessous des fesses, faire une crête avec
leurs cheveux, en ce qui concerne les garçons, les filles quant à
elles rétrécissent les jupes, portes des bijoux, des maquillages
et des chaussures extravagants. La façon même de s'exprimer change
et bien d'autres choses, c'est ce que Braud caractérise de
« intériorisation de l'infériorité identitaire
associée parfois à des mécanismes de surcompensation par
imitation compulsive des comportements dominants ». Ces comportements
dominants seront aussi le fait de se lever aussitôt qu'on sonne, sans
laisser le professeur conclure le cours, répondre avec insolence aux
enseignants, etc.
5.2-DISCUSSION DES RESULTATS
Il est question ici de rendre compte des perceptions
réelles des participants et de nos perceptions personnelles au cours de
cette étude en mettant en exergue les concepts, les relations ou
modèles révélés par ces résultats. Avant
cela, il est nécessaire de rappeler que la première
hypothèse de recherche affirmait que le fonctionnement de l'institution
contribue à la montée de la violence en milieu scolaire et la
deuxième hypothèse prédit que l'environnement
socioéconomique contribue à la violence en milieu scolaire.
Michel Develay (1996) affirme que, ce qui crée la
crise au sein de l'institution est que, l'école comme espace dans lequel
les élèves séjournent pendant une longue période de
leur vie, c'est-à-dire de la tendre enfance à la fin de
l'adolescence, est un espace impersonnel, « froid »,
« sobre », un espace sans vie. En effet, l'architecture
même de l'école est semblable à celle des prisons :
les salles de classe sont exigües avec une seule issue sortie possible
(même lorsqu'on prévoit deux portes, la deuxième ne sert
généralement pas), l'enceinte est protégé par une
clôture haute qui empêche de s'en échapper avec de part et
d'autres des Surveillants postés comme des policiers en faction
prêts à et tirer sur tous ceux qui surgissent de la salle de
classe et qui appliquent le Règlement Intérieur de façon
mécanique. Ils mettent par exemple en corvée, infligent des
heures d'absences et au besoin, confient à leur hiérarchie des
cas qu'ils jugent graves des exclusions définitives, souvent
prononcées sans voie de recours. La salle de classe impose une seule
posture et une seule méthode, le magistro-centrisme. Le professeur est
le maître à bord et tous les regards sont braqués vers lui
pour boire la connaissance. Les effectifs pléthoriques créent la
chaleur et la tension dans la salle de classe, tant pour les
élèves que pour les enseignants.
A cette violence même du cadre institutionnel s'ajoute
celle des enseignants avec leurs attitudes qui sont de nature à susciter
des tensions. En effet, la relation élèves-enseignants est une
relation emprunte de conflit parce que les enseignants considèrent
d'abord leur métier comme un gagne-pain, qui leur permet de
résoudre leur problèmes socioéconomiques. Il y'a donc
absence de vocation, d'amour pour ces humains dont ils ont la charge et dont
l'avenir est entre leurs mains. Beaucoup se donnent pour objectif de ne jamais
rire ou « blaguer » avec les élèves,
d'être le plus inaccessible possible. Les élèves s'en
plaignent, car aimeraient voir chez leurs enseignants, cette affection qu'un
parent a vis-à-vis de ses enfants. Ils vivent mal cet
éloignement, ce fossé qui se creuse plus profondément et
qui à la limite influence la finalité même voulue par le
processus éducatif. L'élève N°11 l'exprime
clairement : « Il y'a un temps pour donner cours, il y'a un
temps pour causer. Si tu ne causes pas avec un élève, il ne va
pas te considérer et te manquer de respect ». Nous
ressentons à travers ces paroles un besoin de communiquer, de dialoguer
avec l'enseignant, de se confier. Besoin que les enseignants ignorent
délibérément et renforcent par leurs attitudes le
sentiment de frustration des élèves.
Pierre Merle (2002) en parlant de la violence de l'institution
présente les types d'humiliations subies par les élèves.
Il montre que le fait de présenter publiquement les difficultés
d'un élève dans une discipline ou proférer des injures
pour incompétence scolaire, de remettre les copies par ordre
décroissant, classer les élèves par ordre de mérite
ou encore d'annoncer publiquement quelles sont les meilleures classes, donner
des surnoms ou des sobriquets aux élèves, envoyer un
élève en situation difficile d'apprentissage au tableau et bien
d'autres, sont autant de variétés de mise en cause publiques qui
représentent aussi des humiliations des élèves. Il
démontre que, passer au tableau représente souvent pour les
élèves une sorte de « passage à
tabac » que ces derniers vivent avec beaucoup de peines.
L'entrée et la sortie du cycle secondaire est froide,
sans émotions, sans implications particulières de
l'administration ou des pairs. Ceux de la classe de 6ème par
exemple ne se retrouvent pas dans cet environnement où l'on se contente
de leur faire faire un concours. Aucun accueil particulier ne leur est
réservé pour leur expliquer ce qui les attend et comment ils
doivent s'orienter. De même, aucune cérémonie d'Au revoir
n'est prévue pour les finissants. Les élèves passent
ainsi leur vie dans un milieu où ils ne trouvent rien d'attachant,
où ils ne se sentent pas intégrés. C'est pour cette raison
qu'ils peuvent s'attaquer à l'espace scolaire en le détruisant,
aux camarades, aux enseignants et à l'équipe administrative, car
ils se sentent opprimés, oppressés. Parfois s'ils y restent
c'est, comme le pense Mme Rita, pour faire plaisir aux parents. Ils n'y
trouvent pas de motivations personnelles.
En analysant le problème de la violence en milieu
scolaire, nous avons aussi constaté que plusieurs problèmes
vécus au sein de l'école sont d'origine sociale. Le vécu
des acteurs de l'éducation dans l'environnement familial, dans le
quartier se transpose à l'école avec tout ce qu'il comporte de
frustrations, d'inégalités, de combat pour la survie. Michel
Develay (1996), pour montrer le lien entre l'environnement social et
l'école disait : « Lorsque la société
s'enrhume, l'Ecole tousse. L'inverse aussi est vrai : quand
l'école a de la fièvre, la société se sent
fébrile ». Cette thèse montre que l'école a de
plus en plus du mal à échanger avec la société
alors que les deux sont liés. Il propose que les valeurs et les
réalités de la société soient celles de
l'école. L'école se soucie moins, de son avis, de ce qui se passe
dans la société. Il considère que ce qui fait
problème à l'école c'est qu'au lieu de promouvoir la
transdisciplinarité face aux changements sociaux, elle continue
à enseigner les disciplines séparément, ne
répondant pas aux problèmes réels des apprenants qui ne
demandent qu'à être sûrs que l'école leur accordera
un épanouissement certains dans la société.
Les élèves, issus de milieux
défavorisés voient en l'école la reproduction des
schèmes et des inégalités socioéconomiques à
cause de ce qu'ils subissent de la part des camarades et des enseignants.
C'est ce qu'a démontré Merle qui affirme que :
« Les humiliations sur la personne sont orientées par
l'honorabilité des statuts sociaux et la noblesse des
origines ». Les interpellations ou les qualificatifs
liés à la profession des parents ou à l'origine sociales
sont donc monnaie courante, si l'on s'en tient à Merle et si l'on
compare les résultats obtenus en rapport avec nos hypothèses de
recherche.
Cette étude nous paraît donc pouvoir être
d'un apport considérable dans le domaine des Sciences de l'Education et
surtout dans la Gouvernance des établissements scolaires car celle-ci ne
saurait être efficace dans le chaos, dans le désordre. Parler de
bonne gouvernance à l'école, c'est parler des problèmes
que rencontrent les acteurs de ce milieu si sensible. La combinaison des deux
facteurs internes et externes qui s'influencent mutuellement et influencent la
violence au sein de l'école permettra de mieux cerner cette
dernière et même de l'éradiquer.
5.3- SUGGESTIONS
Après l'interprétation et la discussion des
résultats, il est important, de notre point de vue, de faire quelques
recommandations, qui ne sont pas des solutions miracles aux problèmes
de violence en milieu scolaire, mais qui, nous l'espérerons,
constitueront des pistes pour commencer à régler le
problème dès la base. Ainsi, nos suggestions sont aux pouvoirs
publics, aux Chefs d'établissements et aux élèves.
5.3.1-Aux pouvoirs publics
Nous suggérons de mettre en oeuvre des
mécanismes visant à revaloriser l'enseignant et à
améliorer son statut professionnel. Cela passera par le traitement
rapide des dossiers des ECI afin que leur prise en charge commence dès
l'entrée à l'Ecole Normale Supérieure, sans qu'ils n'aient
à vivre cette précarité qui les rend vulnérables
face aux enfants et qu'ils accomplissent leur mission avec plus d'engouement.
En outre, les enseignants revendiquent encore la revalorisation du salaire de
base, de la prime de documentation et de recherche, l'intégration
immédiate des enseignants d'EPS dans le statut particulier des corps de
l'éducation nationale, le rééchelonnement indiciaire,
l'attribution des palmes académiques, et bien d'autres encore.
Nous suggérons aussi que le recrutement des enseignants
se fasse sur la base d'une enquête de moralité, car nous avons
constaté que des personnes de moralité et de mentalité
basses gèrent l'éducation de nos enfants. L'exemple qu'ils leur
donnent ce sont les injures, les comportements déviants et la
corruption. Ceci nous conduira à coup sûr à une
société du chaos. Il est aussi important que l'on intègre
dans la formation des enseignants un cours spécial sur la
prévention de la violence en milieu scolaire et que l'accent soit mis
sur la tenue vestimentaire et le comportement des enseignants et que le vide
législatif qui favorise l'impunité en ce qui concerne les
attitudes des enseignants vis-à-vis des élèves soit
comblé.
5.3.2-Aux Chef
d'établissements
La réduction du nombre d'élèves par
classe est une priorité pour résoudre le problème de
violence en milieu scolaire et, dans la mesure du possible cela passe aussi par
un système de recrutement sans corruption et sans favoritisme, avec des
bases claires, applicables à tous. L'emploi d'un psychologue ou un
travailleur social dans l'école est aussi une nécessité.
En effet, l'école devrait être un milieu captivant, parlant,
où les élèves se sentent libres et intégrés.
Il est question de leur montrer qu'ils font partie de cet ensemble et qu'ils
doivent en être responsables et fiers. Les discours aux
élèves lors des rassemblements et dans les salles de classe doit
les pousser à s'exprimer sur
Sensibiliser les collaborateurs en matière de
prévention des conflits en leur rappelant constamment la noble mission
qu'est la leur. Les mettre dans les conditions de travail adéquats en
mettant à leur disposition le matériel nécessaire et en
revalorisant autant que possible les primes de rendement, afin qu'ils se
sentent épanouis et intégré dans l'atteinte des objectifs
de l'éducation.
Les rencontres régulières avec les Chefs et les
Délégués des classes voire même avec chaque classe
doivent être instaurées afin de mieux connaître quels sont
les problèmes réels des élèves, leurs
revendications, etc. Cela leur permettra de s'exprimer et donnera l'occasion de
découvrir ce qu'ils subissent de la part des enseignants ou des membres
de l'administration. Un sondage leur permettant de proposer des sanctions
à des cas d'indisciplines tant des élèves que des
enseignants peut être fait afin d'élaborer un Règlement
intérieur dans lequel tous se reconnaîtraient et qui sera
actualisé et adopté chaque année.
Les conseils de classe doivent être des moments
où il est vraiment question de parler de tous les problèmes des
élèves, il est même possible de les y inviter et non de
prendre des décisions arbitraires qu'ils subiront. Cette occasion et
même la remise des bulletins peut être l'occasion d'une tripartite
entre élèves, enseignants et parents d'une salle de classe.
C'est ici que les Professeurs principaux doivent s'investir pour faire de leurs
classes de véritables petits établissements avec une association
des parents d'élèves de sa classe où ceux-ci
s'imprègneraient des problèmes que rencontrent leurs enfants. Ce
sera certainement l'occasion de connaître les conflits familiaux que
ceux-ci rencontrent et d'aider les parents à les régler.
5.3.2-Aux Enseignants
Nous suggérons aux enseignants de développer
leur conscience professionnelle en élaborant correctement leur
leçons sur la base des programmes officiels, en les dispensant
correctement tout évitant un encyclopédisme écrasant et
coupé de la vie et en préparant les élèves aux
évaluations qui ne doivent servir que des intérêts
pédagogiques visant à jauger le niveau des élèves
en vue d'éventuelles améliorations. La propreté et une
tenue vestimentaire descente sont aussi des atouts pour susciter l'admiration
et même l'adhésion des élèves aux enseignements.
Tout ceci doit être emprunt de courtoisie, de compréhension.
Dans un contexte où les classes ont des effectifs
élevés, les enseignants d'une même classe doivent
s'entendre avec le Professeur principal sur la gestion et le suivi
disciplinaire, pédagogique et même psychosocial des
élèves. Il peut être question ici de connaître le
cadre de vie de l'élève, ses problèmes externes qui
peuvent influencer l'apprentissage afin de développer tous ensemble des
stratégies visant à ce que tous les élèves de la
classe aient les mêmes chances de réussite.
CONCLUSION
GENERALE
L'objet de cette étude était : La
violence en milieu scolaire : cas du Lycée de Tigaza à
l'Est-Cameroun. En effet, malgré la loi de l'orientation de l'Education
au Cameroun et les différents textes qui régissent les
comportements des acteurs de l'éducation au sein des
établissements scolaires, la violence est de plus en plus grandissante
à l'école. Aucune relation dans la recherche des causes et des
solutions de remédiation n'est faite entre la violence des apprenants,
celle des enseignants, les méthodes de l'institution scolaire et
l'environnement socioéconomique de l'école. La recherche s'est
donc attelée à répondre à une question
fondamentale : le contexte scolaire contribue-t-il à la
montée de la violence en milieu scolaire ? En questions
secondaires : le fonctionnement interne de la structure scolaire,
l'environnement socio-économique contribuent-t-ils à la
montée de la violence en milieu scolaire ? L'objectif de cette
recherche était donc de montrer que le fonctionnement de l'institution
scolaire ainsi que l'environnement socio-économique de l'école
contribuent à la montée de la violence en milieu scolaire.
La méthode qualitative basée sur l'observation
des acteurs du milieu dans leur vécu quotidien pendant un mois,
l'observation de 798 minutes de cours et les entretiens avec deux groupes
d'élèves des classes de 3ème et de
2nde et 07 enseignants ainsi que l'analyse des documents nous ont
permis de vérifier les hypothèses suivantes :
Hypothèse Générale : le contexte
scolaire contribue à la montée de la violence en milieu
scolaire.
Hypothèses de recherche 1 : Le fonctionnement de
l'institution scolaire contribue à la montée de la violence en
milieu scolaire.
Hypothèses de recherche : L'environnement
socio-économique de l'école contribuent à la
montée de la violence en milieu scolaire.
Nous sommes appesantis sur la théorie de la violence
fondamentale de Jean Bergeret et la théorie de la violence symbolique de
Pierre Bourdieu pour arriver au résultat que : la violence des
élèves est liée, d'une part, aux causes
socioéconomiques et culturelles que sont la pauvreté, les
frustrations familiales, les mauvaises compagnies, les médias, la
religion, la tribu. D'autres parts, les méthodes de recrutement
empreintes de corruption et de favoritisme, la rigidité du
Règlement intérieur, les attitudes des enseignants et la
mauvaise gestion administrative des enseignants représentent des
éléments du fonctionnement de l'institution scolaire qui sont de
nature à favoriser la violence en milieu scolaire. En outre, la
volonté politique est en inadéquation avec l'idée de
l'Education comme priorité nationale.
En somme, pour limiter la violence, il faut connecter de
façon réelle et non virtuelle les différents acteurs de
l'éducation et injecter l'affectivité afin d'évacuer
ensemble les causes de la violence et contribuer efficacement au combat contre
l'ignorance et par ricochet au développement du pays. Il est donc
finalement souhaitable que les recherches sur la violence en milieu scolaire
soient d'avantage encouragées, notamment la recherche des moyens
institutionnels de lutte contre la violence en milieu scolaire. Cette approche
permettra rendre à l'école son humanité, de lui redonner
un sens
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ANNEXES
GRILLE D'OBSERVATION
En nous inspirant de certains auteurs (Merriam, 1998 ; Woods,
1999 ; Emmer & Gerwels, 2002 ; Dolezal, Welsh, Pressley, & Vincent,
2003; Blondin, 2004 ; Martineau, 2004) notre grille d'observation s'articulera
autour de cinq points:
5) Description physique de l'école et des salles de
classe
· Architecture,
· Disposition des bureaux et des salles de classe
· Gestion de l'espace dans les salles de classe,
· Etat des murs et du mobilier,
· Voisinage (environnement social de l'école)
6) Les participants
· Personnes en scène et leurs rôles,
· Caractère les plus visibles des participants.
7) Les activités et les interactions hors et dans la
classe
· Interactions et comportements des élèves et
de l'enseignant pendant le cours.
· Activités menées et degré
d'implication des élèves,
· Normes structurant les activités et les
interactions au sein de l'établissement,
· Gestion de la violence des élèves et des
enseignants par l'administration du Lycée.
8) Les communications
· Contenu des discours des élèves et des
enseignants en rapport avec la violence à l'école,
· Personne mise en scène pendant ces
communications,
· Attitudes adoptées
5) La posture du chercheur
· Son influence sur la scène,
· Réflexions personnelles sur certains
évènements,
· Actes posés et paroles dites face à
certains évènements.
LE GUIDE D'ENTRETIEN
Ø La première partie :
Identification des participants
- Sexe
- Age
- Région d'origine
- Religion
En ce qui concerne les enseignants.
- Expérience professionnelle
- grade
Pour les élèves
- Type de famille
- Profession des parents
Ø La deuxième partie :
Violence en milieu scolaire.
1ère sous-thème:
1- Manifestations de la violence scolaire
a) Les manifestations de la violence chez les
élèves
- Comment se manifeste la violence entre
élèves ?
- Comment se manifeste la violence des élèves
envers les enseignants ?
*Dans la salle de classe
*Au sein du campus scolaire
b) Les manifestations de la violence chez les enseignants
- Comment se manifeste la violence des enseignants envers les
élèves ?
- Comment se manifeste la violence institutionnelle sur les
élèves ?
2- Causes de la violence scolaire
a) Les causes externes de la violence en milieu scolaire.
- Quelles sont les causes externes de la violence chez les
élèves ?
- Quelles sont les causes externes de la violence chez les
enseignants ?
b) Les causes internes de la violence en milieu scolaire
(liées au fonctionnement interne de l'institution)
- Quelles sont les causes internes de la violence chez les
élèves ?
*causes liées à l'attitude des enseignants
*causes liées au fonctionnement de l'institution
- Quelles sont les causes internes de la violence chez les
enseignants ?
3) quelles sont les solutions éventuelles à la
montée de la violence en milieu scolaire ?
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