L'application de la responsabilité de protéger à la lumière de la souveraineté étatique. Cas de la Côte d'Ivoire.par GràƒÂ¢ce AWAZI KITAMBALA Université de Goma Faculté de droit - Licence en Droit Public 2019 |
B. Les moments triptyques de la responsabilité de protéger : prévenir, réagir et reconstruireContrairement aux piliers de la responsabilité de protéger qui sont prévus dans le rapport de 2009 du secrétaire général des Nations Unies sur la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger, les moments triptyque sont prévus dans le rapport de la CIISE. a. La responsabilité de prévenirLa responsabilité de protéger s'accompagne nécessairement d'une responsabilité de prévenir, que la communauté internationale fasse davantage pour combler l'écart entre le soutien en paroles à la prévention et la volonté concrète de prévenir. La prévention des conflits meurtriers et d'autres formes de catastrophes produites par l'homme incombe, comme toutes les autres composantes de la responsabilité de protéger, d'abord et avant tout aux États souverains et aux communautés et institutions qui s'y trouvent. Une volonté résolue des autorités nationales d'assurer un traitement équitable et l'égalité des chances pour tous les citoyens constitue un fondement solide pour la préventiondes conflits. Quant aux moyens nécessaires pour y parvenir, ils relèvent essentiellement de la responsabilisation et de la bonne gouvernance, de la protection des droits de l'homme, de lapromotion du développement socioéconomique et de la répartition équitable des ressources127(*). Mais la prévention des conflits n'est pas une affaire strictement nationale ou locale. Le défaut de prévention peut avoir de vastes répercussions et des coûts importants à l'échelle internationale. Par ailleurs, la réussite de la prévention nécessite souvent et dans bien des cas exigent un appui résolu de la communauté internationale. Cet appui peut prendre diverses formes. Il peut consister en une aide au développement et en d'autres actions susceptibles de contribuer à éliminer les causes profondes d'un conflit potentiel ; il peut s'agir d'un soutien aux initiatives prises localement pour promouvoir la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme ou l'état de droit ; ou il peut prendre la forme de missions de bons offices, d'efforts de médiation et d'autres actions destinées à favoriser le dialogue ou la réconciliation. Dans certains cas, l'appui international aux efforts de prévention peut prendre la forme de mesures d'incitation ; dans d'autres, il peut s'agir du recours à des mesures contraignantes, voire punitives128(*). v LA POLITIQUE ONUSIENNE DE LA PREVENTION La prévention apparaît comme le concept central de la problématique de la paix et de la sécurité dans l'ordre international, comme on peut le voir dès le premier article de la Charte de l'ONU. Certes, l'ONU s'engage autant à « prévenir » et à « écarter les menaces à la paix », qu'à « réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix » (confer chapitre VII de la charte). Mais en même temps, elle accorde sa préférence aux mesures de prévention et, le cas échéant, à la résolution pacifique des différends entre ses membres. Les rapports produits par les différents secrétaires généraux qui se sont succédé à l'ONU sont largement revenus sur cette question de la prévention en déplorant que son principe soit resté relativement lettre morte et en plaidant pour que s'opère une sorte de rupture avec la « culture de la réaction » au profit d'une « culture de la prévention »129(*). Bien que le Rapport de la Commission internationale sur l'intervention et la souveraineté des États concerne essentiellement la question de la légitimitéd'une intervention humanitaire des États sur le territoire d'un autre État, la problématique de la prévention y occupe une place importante. La prévention est d'ailleurs considérée comme le premier moment d'un triptyque comprenant la réaction et la reconstruction, les deux derniers moments n'étant envisagés que de façon subsidiaire, quand la prévention n'a pas puproduire ses effets. Dans le sommaire du document, il est déjà précisé que « la prévention est la principale dimension de la responsabilité de protéger : il faut toujours épuiser toutes les possibilités de prévention avant d'envisager une intervention, et il faut luiconsacrer plus de détermination et de ressources »130(*). Quant aux mécanismes de prévention, ils supposent trois conditions : « l'alerte rapide », basée sur la connaissance des risques ; « l'outillage préventif » qui renvoie à la connaissance des politiques susceptibles de générerdes crises et enfin « la volonté politique ». L'alerte rapide est un mécanisme de prévention aussi important que difficile à réaliser. Son objectif est de pouvoir disposer de données fiables qui signalent la nécessité d'une intervention préventive. Mais étantdonné généralement la complexité des situations decrise, des facteurs s'entremêlent, dans lesquels il est difficile de déceler des indicateurs précis de l'imminence d'un conflit. Il faut pouvoir systématiser l'analysedes informations. Pour chacun de ces niveaux de prévention, il faut partir d'une « boîte à outils » comprenant trois éléments : le traitement des besoins et des carences politiques (démocratie, État de droit, etc.) ; le traitement des privations et de l'inégalité des chances économiques (aide au développement, commerce équitable, etc.) ; le renforcement des protections et des institutions juridiques (intégrité et indépendance du pouvoir judiciaire) ; les réformes dans le secteur militaire et sécuritaire (éducation et formation des forces armées ; réinsertion des anciens combattants, désarmement, etc.)131(*). C'est à chaque État qu'il incombe de protéger ses populations du génocide,des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité132(*). Cette responsabilité consistenotamment dans la prévention de ces crimes.Ce passage fait apparaître le lien étroit qui existe entre protection et prévention. En réalité, protéger signifie prendre un certain nombre de précautions ou de mesures pour empêcher qu'un individu ou un peuple ne soit affecté par un malheur. La prévention ne signifie pas autre chose. Cela revient à dire que le rôle fondamental joué par chaque État dans la responsabilité de protéger estla prévention, les autres États ou la communauté international ne pouvant intervenir que pour soutenir cet effort de prévention ou pour mettre fin à un crime qui s'est d'ores et déjà signalé133(*). * 127Rapport de la CIISE : la responsabilité de protéger, op.cit., p. 20. * 128Rapport de la CIISE : la responsabilité de protéger, op.cit., p. 21. * 129 André CABANIS. Jean-Marie CROUZATIER et Ciprian MIHALI, op.cit., p. 64. * 130Ibid., pp. 72-73. * 131 André CABANIS. Jean-Marie CROUZATIER et Ciprian MIHALI, op.cit., p. 75. * 132Le Document final du Sommet Mondial du 20 septembre 2005, § 138. * 133 André CABANIS, Jean-Marie CROUZATIER et Ciprian MIHALI, op.cit., PP. 76-77. |
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