L'application de la responsabilité de protéger à la lumière de la souveraineté étatique. Cas de la Côte d'Ivoire.par GràƒÂ¢ce AWAZI KITAMBALA Université de Goma Faculté de droit - Licence en Droit Public 2019 |
Section II. VALEUR AJOUTEE QU'APPORTE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER EN DROIT INTERNATIONALAvant d'aborder la question sur l'émergence de l'individu entant que sujet du droit international bénéficiant de la plénitude de la protection envisagée par la responsabilité de protéger (§2), nous allons d'abord aborder la question de la souveraineté entant que responsabilité de protéger l'individu qui constitue une valeur ajoutée qu'apporte la responsabilité de protéger (§1). §1. VALEUR AJOUTEE : SOUVERAINETE ENTANT QUE RESPONSABILITE DE PROTEGER L'INDIVIDUA. La souveraineté responsableL'idée maîtresse qui sous-tend la responsabilité de protéger est que la souveraineté, attribut de l'Etat, si elle est toujours assortie d'un ensemble de droits, comporte des devoirs dont celui, fondamental, de la protection due à sa population contre les crimes internationalement consacrés. La responsabilité de protéger traduit donc une évolution notable du concept de souveraineté à l'aube du XXIème siècle, que les chefs d'Etat et de gouvernement réunis en 2005 ont solennellement acceptés. La Charte des Nations Unies est elle-même un exemple d'obligation internationale que les États Membres assument volontairement. D'une part, en accordant à l'État signataire le statut de Membre de l'ONU, la communauté internationale accueille cet État en tant que membre responsable de la communauté des nations. D'autre part, l'État lui-même, en signant la Charte, accepte les responsabilités qui découlent de sa signature. Il ne s'agit pas d'un transfert ou d'une dilution de la souveraineté de l'État. Mais il s'agit par contre d'une redéfinition nécessaire : on passe d'une souveraineté de contrôle à une souveraineté deresponsabilité, pour ce qui est tant des fonctions internes que des responsabilités externes. Cette conception de la souveraineté comme responsabilité, qui est de plus en plus reconnue dans la pratique étatique, est importante à trois égards. En premier lieu, elle implique que les autorités étatiques sont responsables desfonctions qui permettent de protéger la sécurité et la vie des citoyens et de favoriser leur bien-être. En deuxième lieu, elle donne à penser que les autorités politiques nationales sont responsables à l'égard des citoyens au plan interne et de la communauté internationale par l'intermédiaire de l'ONU. En troisième lieu, elle signifie que les agents de l'État sont responsables de leurs actes, c'est-à-dire qu'ils doivent rendre des comptes pour ce qu'ils font ou ne font pas. L'argument en faveur de cette redéfinition théorique de la souveraineté est renforcé par l'impact sans cesse grandissant des normes internationales relatives aux droits de l'homme, et la prégnance toujours plus grande de la notion de sécurité humaine dans le discours international. Le concept de responsabilité de protéger entend apporter un début de réponse en considérant la souveraineté comme étant une responsabilité. Dans ce sens, la souveraineté de l'État n'est pas affaiblie mais au contraire, renforcée puisque ce dernier est reconnu comme premier responsable de la protection de sa population. De cette manière, la responsabilité de protéger permet de faire évoluer le débat relatif à l'action onusienne en cas de crise en réconciliant le respect de la souveraineté et l'action humanitaire sous couvert de l'ONU, et en démontrant ainsi qu'ils ne sont pas incompatibles. Par ailleurs, le concept de la CIISE pousse les États à agir collectivement et à recueillir un large consensus, incluant les organisations régionales du lieu de l'action et les États voisins, définissant ainsi le cadre de l'action humanitaire autorisée par le Conseil de sécurité. Comme l'ont affirmé très clairement les chefs d'État et de gouvernement alors réunis, la responsabilité de protéger est l'alliée, et non l'adversaire, de la souveraineté. Elle découle du concept positif et affirmatif de la souveraineté en tant que responsabilité, et non de l'idée plus étroite d'intervention humanitaire. En aidant les États à s'acquitter de leurs obligations fondamentales en matière de protection, la responsabilité de protéger vise à renforcer, et non à affaiblir, la souveraineté. Son but est d'aider les États à y parvenir, et pas seulement de réagir en cas d'échec.88(*) La préface du professeur Olivier Corten et le professeur Rahim Kherad dans l'ouvrage du professeur Nabil Hajjami sur la responsabilité de protéger, ils montrent leur position sur la valeur juridique ajoutée sur la responsabilité de protéger : « tout d'abord, comme certains commentateurs l'avaient fait avant lui, il montre que les discours célébrant la « R2P » comme une nouveauté, voire un bouleversement, du droit international, ne reflètent certainement pas la position de la communauté internationale des États dans son ensemble. Juridiquement, le concept ne présente qu'une valeur ajoutée extrêmement faible, tenant à la codification des compétences du Conseil de sécurité en matière humanitaire et, plus fondamentalement, d'une conception équilibrée du concept de souveraineté.89(*)» Départ nos analyses sur la valeur ajoutée de la responsabilité de protéger, nous concluons que ce concept ne constitue pas une nouvelle norme de droit internationale. D'une part, elle n'assouplit pas l'article 2, §4 et n'autorise donc pas une intervention humanitaire unilatérale en cas de blocage du Conseil de sécurité. D'autre part, la responsabilité de protéger ne crée pas, non plus, des nouvelles obligations. En effet, elle ne fait que rappeler aux États le droit conventionnel et coutumier existant, c'est ce qu'affirment aussi Jean D'ASPREMONT et Jérôme DE HEMPTINNE que «si la responsabilité de protéger est simplement compris comme un mécanisme d'internationalisation de l'assistance humanitaire afin que celle-ci ne relève plus des affaires intérieurs de l'Etat, ce concept n'apporte rien de nouveau par rapport au droit positif »90(*). Quant au Conseil de sécurité, il bénéficie d'une responsabilité discrétionnaire, dont il peut faire usage quand bon lui semble. La responsabilité de protéger réitère donc ce que l'on savait déjà : le Conseil de sécurité lui seul peutautoriser une intervention militaire, s'il qualifie une catastrophe humanitaire de menace contre la paix et la sécurité internationales, en application du Chapitre VII. Partant de l'étude des positions des États, nous insistons sur deux remarques. Tout d'abord, les États se sont massivement prononcés en faveur du respect de la Charte des Nations Unies et contre l'unilatéralisme. Ils restent donc très attachés au principe de non intervention. * 88 Rapport du secrétaire général des Nations Unies sur La mise en oeuvre de la responsabilité de protéger,A/63/677 du 12 janvier 2009, p. 7. Disponible à l'adresse : https://undocs.org/pdf?symbol=fr/a/63/677 consulté le 24 avril 2019 à 15h34'. * 89 Nabil HAJJAMI, La responsabilité de protéger, 1e édition,Paris, Bruylant, 2013, p. XVII. (Préface d'Olivier CORTEN). * 90 Jean D'ASPREMONT et Jérôme DE HEMPTINNE, droit international humanitaire, Paris, Editions PEDONE, 2012, p. 368. |
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