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L'application de la responsabilité de protéger à la lumière de la souveraineté étatique. Cas de la Côte d'Ivoire.


par GràƒÂ¢ce AWAZI KITAMBALA
Université de Goma Faculté de droit - Licence en Droit Public 2019
  

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B. Les faibles fondements juridiques de la responsabilité de protéger

De l'absence d'un ordre juridique supra-étatique en mesure de légiférer de manière à contraindre les États, ainsi que du principe fondamental de l'égalité souveraine de ces derniers découle que c'est essentiellement la volonté individuelle des États qui peut faire en sorte que ceux-ci puissent être contraints par une règle de droit international. Le caractère sacro-saint de cette égalité souveraine établit également l'interdiction de l'usage de la force contre un autre État et l'intervention dans les affaires internes de celui-ci (pierre angulaire de la Charte des Nations unies : voir ses articles 2 point 4 et 7), principe qui ne souffre que deux exceptions que sont le droit à la légitime défense et le rétablissement de la paix ou de la sécurité internationale82(*). Ce principe a d'ailleurs été réaffirmé à moult reprises et notamment dans la résolution 2625 de l'Assemblée générale des Nations unies, réputée représenter l'Etat des « principes généraux du droit international » et qui répète que « les États doivent s'abstenir de recourir à la menace ou à l'emploi de la force » et qui interdit aux États « d'intervenir dans les affaires de la compétence nationale d'un État »83(*).

Or, sans entrer dans tous les détails de la création des règles de droit international, les fondements juridiques aujourd'hui invoqués par les tenants de la responsabilité de protéger sont beaucoup plus faibles que ces principes fondamentaux. La principale source juridique de ce principe est un document adopté par l'Assemblée générale de l'ONU lors du Sommet mondial de 2005, ensuite nous avons la résolution 63/308 du 14 septembre 2009 dans laquelle l'assemblée générale de l'ONU rappelle les paragraphes 138 et 139 du document final du sommet mondial de 2005, prend acte du rapport du secrétaire général ainsi que du débat opportun et productif sur la responsabilité de protéger, et décide de continuer l'examen de la question de la responsabilité de protéger84(*).

Selon ce document, qui a la même valeur normative qu'une résolution de l'Assemblée générale, ainsi que certains rapports d'experts qui ont suivi, la souveraineté donnerait au gouvernement des pouvoirs sur son territoire, mais aussi des obligations, dont celle de protéger sa population contre le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Dans les cas où cette protection ne serait pas assurée, cette responsabilité incomberait à la communauté internationale qui pourrait dès lors intervenir afin de se porter au secours de la population menacée. Il convient à cet endroit de rappeler que lors de la rédaction de la Charte de l'ONU, en 1945, la possibilité d'intervention pour défendre les droits humains avait été discutée, mais rejetée au vu des risques qu'elle pouvait représenter pour la stabilité internationale, et en particulier pour les États les plus faibles.

Bien que la R2P ne soit pas, en soi, un cadre juridiquement contraignant, en tant que principe, la R2P est fondée sur le droit international existant. Les responsabilités des États face au crime de génocide sont énumérées dans la Convention sur le génocide qui tient les États pour responsables de la prévention et de la répression du crime de génocide. Les obligations des États de « respecter et de faire respecter » le droit international humanitaire et leurs responsabilités en vertu du DIH sont énumérées dans les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels. Ces obligations ont un rapport direct avec les responsabilités en matière de crimes de guerre aux termes de la R2P. Bien qu'il s'agisse de crimes internationaux bien reconnus et définis en détail dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, les crimes contre l'humanité n'ont pas leur propre convention ou traité où sont définies les responsabilités des États en matière de crimes contre l'humanité, malgré le fait que des éléments du crime, comme la torture et l'esclavage, possèdent leurs propres conventions85(*).

En fait, si l'on excepte le crime de génocide pour lequel il existe un fondement juridique clair dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide86(*) qui pourrait permettre voire obliger une intervention, il appert que les fondements juridiques de la Responsabilité de protéger sont fortement contestables, sinon complètement contraires aux principes généraux du droit international généralement reconnus.87(*)

* 82 Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, les articles 42 et 51.

* 83Rémi BACHAND et Amélie NGUYEN, « La responsabilité de protéger », in Revue sociale et politique, No41-oct./nov.2011. Disponible sur internet dans https://googleweblight.com/i?u=https://www.ababord.org/La-responsabilite-de-proteger&hl=fr-CD. Consulté le 24 mai 2019 à 7h23'.

* 84 A/RES 63/308, §.1 et 2.

* 85 CICR, Le droit international humanitaire et la responsabilité de protéger, Italie, 2011, p. 13. Disponible à l'adresse : https://www.icrc.org consulté le 25 avril 2019 à 11h00.

* 86 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, conclue à New York le 9 décembre 1948 et Entrée en vigueur 6 Décembre 2000. (Recueil de Droit International, collection d'instruments, Nations Unies, New York, 2018, tome II, pp. 274-276. Téléchargeable dans l'adresse : http://legal.un.org/poa et http://legal.un.org/avl ).

* 87Rémi BACHAND et Amélie NGUYEN, « La responsabilité de protéger », in Revue sociale et politique, No41-oct./nov.2011 disponible sur internet dans https://googleweblight.com/i?u=https://www.ababord.org/La-responsabilite-de-proteger&hl=fr-CD. Consulté le 24 mai 2019 à 7h23'.

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