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Les représentations sociales des enseignants à  l’égard de l’orientation de leurs élèves. Cas des enseignants exerà§ant au collège dans la région de Marrakech au Maroc.


par Said MAGOURI
Université de Rouen - Master 2 de recherche à  distance Francophone 2013
  

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2.1.3. Le jugement des enseignants :

Si on considère le jugement des enseignants comme un jugement émanant des professionnels de l'enseignement, nous pouvons le qualifier d'un jugement professionnel. Celui-ci est défini par Lafortune (2006 cité par Lafortune et Allal, 2008) comme

«un processus qui mène à une prise de décision, laquelle prend en compte différentes considérations issues de son expertise (expérience et formation) professionnelle. Ce processus exige rigueur, cohérence et transparence. En ce sens, il suppose la collecte d'informations à l'aide de différents moyens, la justification du choix des moyens en lien avec les visées ou intentions et le partage des résultats de la démarche dans une perspective de régulation...Il est à la fois un processus cognitif individuel et une pratique sociale située, construite au sein d'une communauté professionnelle donnée » (p. 4).

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Le jugement des enseignants apparaît donc comme un construit complexe intégrant de nombreux éléments qui permettent non seulement la connaissance objective et descriptive (activité intellectuelle) mais aussi la détermination de la valeur des personnes évaluées (leurs places) dans un environnement social donné (activité pratique qui sert l'action) (Bressoux, 2006). En ce sens, le jugement guide l'enseignant dans sa pratique professionnelle en particulier celle relative à ses interactions avec autrui et à la prise de décision (régulation des apprentissages, comportement avec ses élèves, répartition des élèves, orientation ...) (Ibid.). Le jugement des enseignants est entaché d'une composante sociale ; Bressoux (2006) a pu vérifier qu'il n'est pas un simple enregistrement des performances des élèves (fonction scolaire) mais il est aussi un jugement social tout comme les autres jugements qui subissent l'influence des normes sociales générales. Notre tentative ici, est de montrer que le jugement des enseignants est influencé, pour partie, par leurs représentations sociales puisqu' on est dans l'univers social de la pratique professionnelle. Les normes sociales font que les individus, devant une information quelconque, ne cherchent et n'intègrent que ce qui « est compatible avec le schème central» Gilly (1989, p. 391). Cela rejoint les propos de Mollo (1986 cité par Gilly, 1989) lorsqu'il considère que les enseignants se réfèrent, généralement, au modèle hiérarchique pour organiser l'essentiel de leur pratique. En matière d'orientation, les enseignants ont « donc toujours des « forts » et des « faibles » voués à des parcours scolaires inégaux. » (Idem, p. 392).

Duru-Bellat (2002), quant à elle, insiste sur l'influence des jugements des enseignants sur l'orientation des jeunes. Elle remarque qu'au niveau du secondaire, les écarts entre enfants de cadres et enfants d'ouvriers en matière d'orientation reviennent, avec des parts presque égales, aux inégalités de réussite scolaire, aux différenciations sociales inscrites dans les voeux d'orientation, aux inégalités sociales dans les décisions d'orientation et aux écarts d'orientation. Ces écarts peuvent être imputés partiellement aux jugements portés sur les élèves et « dont la fabrication obéit elle-même à des processus complexes qui mêlent effets de contexte, attentes normatives générales, influence de stéréotypes, observations de comportements et de performances, etc. » (Bressoux, 2006, p. 6). Il s'agit en effet, d'une activité d'inférence qui à partir d'un ensemble d'informations surajoute d'autres éléments en leur donnant une signification particulière dans le processus de formation de jugement scolaire (Ibid.). Cette activité d'inférence, nous l'avons vu, est souvent affectée par différentes sources de biais potentiels (Dépret et Filisetti, 2001 cités dans Bressoux, 2006), nous en citons ceux relatifs aux théories implicites des individus car ils piloteraient fortement l'inférence sociale (Ibid.), les normes sociales générales et les normes institutionnelles (Gilly, 1992, cités dans Bressoux,

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2006). C'est au niveau de l'articulation de ces deux dernières normes que se situeraient les représentations des enseignants (Ibid.). En d'autres termes, quand l'enseignant est amené à formuler un jugement scolaire, il est, généralement, guidé par ses représentations à la fois de son rôle dans la société (ses valeurs morales) et du fonctionnement de l'établissement (les manières de faire commues aux enseignants) (Bressoux, 2006 ; Gilly, 1989). Ceci expliquerait, pour une bonne part, certains jugements des enseignants où se mêlent des informations objectives (qualités, performances scolaires...) et d'autres subjectives (sexe, apparence physique...) (Bressoux, 2006). La situation devient plus compliquée lorsqu'on demande aux enseignants de formuler des jugements en cas d'incertitude (par exemple le cas d'orientation des élèves). Dans de telle situation, les enseignants ont tendance à utiliser des sortes de raccourcis de pensée encore appelés des heuristiques (Tversky et Kahneman, 1974, 1981 cités par Bressoux, 2006). Il nous semble que c'est, en quelque sorte, le même effet produit par les représentations sociales lorsque le sujet est confronté à un objet complexe et socialement investi. Ces heuristiques, pris pour des biais cognitifs, permettent aux enseignants de formuler des jugements simples (qui peuvent être aussi erronés), notamment la prise de décision en orientation, même en présence des données complexes (Bressoux, 2006).

Par ailleurs, les jugements des enseignants sont, d'une manière générale, relativement valides par rapport aux performances actuelles des élèves mais ils le sont moins quand il s'agit des performances lointaines, d'autant plus qu'ils n'utilisent pas les mêmes informations pour formuler leurs jugements (Hallinger et Murphy, 1986 ; Teddlie et al., 1989 cités par Bressoux, 2006). Bressoux (2006) rajoute que pour prédire les performances futures (orientations au lycée ou à l'université par exemple) les enseignants fondent leurs jugements sur des critères sociaux. Il nous semble que dans ce cas les jugements des enseignants seraient influencés par leurs représentations sociales de devenir scolaire de leurs élèves et par conséquent ces derniers ne subiraient probablement pas le même traitement lors des conseils d'orientation. Les membres de ces conseils peuvent développer des manières de faire communes rendues possibles grâce à un imaginaire collectif et qui guidera leur pratique professionnelle dans ce genre de conseil.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams