Conclusion générale et perspectives
L'avènement des aires marines protégées
(AMP) au Sénégal est marqué au niveau local par une
gestion assez timide. Tel constat trouve son explication dans le faite que
depuis leur création, les autorités étatiques
assermentées à leur gestion n'ont pas suffisamment
déployé sur le terrain des moyens (ou mesures d'accompagnement)
efficaces pour assurer leur fonctionnement. Et qui plus est, ces
écosystèmes marins ont été mis en place dans des
sites où les populations n'ont pas "clé à la
main" les outils requis pour la gestion durable des ressources
naturelles.
Par ailleurs, la gestion des AMP est
caractérisée, au cours de leur évolution, par une
intervention multisectorielle cloisonnée (l'environnement, le politique,
l'économique et le social) où les acteurs ont des
intérêts souvent contradictoires. C'est pourquoi, dans le contexte
actuel, les conflits sans précédent s'interposent entre les
parties prenantes sur les modalités de gestion. En conséquence,
ces contradictions peuvent être considérées comme des
facteurs qui freinent ou ralentissent le processus d'élaboration et de
mise en oeuvre de plans de gestion (intégrée et
concertée). Les enjeux sont appréhendés sous deux angles,
d'ailleurs opposés : d'une part, l'approche environnementale portant sur
les éléments et objectifs de conservation durable (donc
n'obéissant à aucune logique d'exploitation) et de l'autre,
socio-économique relatif à l'utilisation des ressources
naturelles, par les populations qui placent les AMP dans l'optique de
rentabilité et d'amélioration de leurs conditions
socio-économiques.
La création de l'AMP de Bamboung résulte d'une
volonté des habitants d'une quinzaine de villages limitrophes du bolong.
Cette nouvelle initiative communautaire a été promulguée
à la suite d'une situation de dégradation inquiétante des
potentialités halieutiques qui procuraient une sécurité
alimentaire aux populations riveraines. Cette aire marine
protégée a induit deux types de constat : impacts positifs
(d'abord une bonne conservation de la biodiversité de ce domaine marin
aménagé, ensuite des changements sur la gestion des
pêcheries locales et enfin l'essor de l'écotourisme) et
négatifs (renchérissement des coûts pour certains
pêcheurs, mal préparés économiquement et
financièrement et la concentration des activités de pêche
dans les écosystèmes marins périphériques).
L'implantation comporte aussi des enjeux sur les acteurs
impliqués. On note la naissance et propulsion d'une dynamique
endogène qui se traduit par la mise en place de structures de gestion
regroupant un paysage institutionnel composé du triumvirat
population-administration-ONG à travers des comités devenus des
lieux de discussions pour prise de décisions. Des défailles ont
été observées dans la gestion, malgré les
dispositions prises. Cela résulte de l'insuffisance des moyens humains,
financiers et techniques et des divergences et oppositions entre les acteurs
impliqués dans l'usage/exploitation des ressources avec le mode de
gestion de la fermeture permanente du bolong.
Cependant, dans la perspective d'une gestion durable de l'AMP,
les différentes parties prenantes doivent oeuvrer pour :
? un aménagement concerté et
négocié en se basant sur les intérêts de chaque
acteur, et aller au-delà d'une participation simple et formelle des
acteurs locaux. Cette approche constituerait, dans le contexte actuel,
l'alternative crédible sous-tendant les intérêts des uns et
des autres pour une gestion équitable des ressources naturelles ;
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? un renforcement des capacités financières,
humaines et techniques des comités locaux de gestion ;
? une adoption de mesures incitatives pour le renforcement du
volet écotouristique et la création d'un futur
éco-musée pour promouvoir et valoriser le potentiel culturel et
historique du site d'étude ;
? une adoption de politique applicable et adaptée aux
localités avec des solutions spécifiques et des mesures souples.
De telle dispositions sont susceptibles de:
? prévenir les conflits d'intérêts, de
compétences, et de pouvoir en matière de gestion des ressources
naturelles, cela, pour éviter la reproduction des mêmes erreurs
dans la mise en place de nouvelles AMP ;
? répondre aux objectifs d'éradication de la
pauvreté au niveau local ;
? ajuster la gestion en fonction de l'évolution des
problèmes et des connaissances scientifiques.
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