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Organisation mondiale du commerce à  l'épreuve de multiples crises. Perspective du système de régulation du commerce international.


par Kossi Kafui SAMBOE
Université de Lome  - Master 2 droit public fondamental 2017
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE LOME

FACULTE DE DROIT
(FDD)

MEMOIRE DE MASTER II DROIT PUBLIC FONDAMENTAL

THEME :

L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE A
L'EPREUVE DE MULTIPLES CRISES : PERSPECTIVE
DU SYSTEME DE REGULATION DU COMMERCE
INTERNATIONAL

Présenté par : Directeur de mémoire :

SAMBOE Kossi Kafui M. GBEOU-KPAYILE Nadjombé

Maître-assistant

Vice-Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences politiques de l'Université de KARA.

PROMOTION 2014-2016

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Avertissement

L'Université de Lomé n'entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans ce document. Ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur.

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Dédicace

. A mon père SAMBOE Kodjo Mawulé, pour m'avoir insufflé l'abnégation ;

. A ma chère mère ANANI Ayoko Andréa, pour sa précieuse attention à mon égard ;

. A tous ceux qui croient aux vertus du sacrifice, de l'effort et du travail.

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Remerciements

Ce travail n'a pu être mené à bien qu'avec le soutien de plusieurs personnes que je voudrais, à travers ces quelques lignes, remercier du fond du coeur.

Mes remerciements les plus sincères vont tout d'abord à mon directeur de mémoire M. GBEOU-KPAYILE Nadjombé, Maître-assistant, Vice-Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Politiques à l'Université de KARA, au Professeur titulaire KOKOROKO Komla Dodzi, agrégé de droit public et de sciences politiques, Président de l'Université de Lomé dont les sacrifices consentis ont abouti à la réussite de notre master.

Je souhaite aussi exprimer ma profonde gratitude au Professeur HOUNAKE Kossivi, Chef du département de droit public, responsable du Master « Droit Public fondamental » à l'Université de Lomé, au Professeur NGAMPIO Urbain, de l'UFR droit et sciences politiques de l'Université d'Aix-en-Provence ; à Messieurs GNOSSA Kossi Emmanuel, KUAKUVI Ahlin Max, TRIMUA Christian et EKUE Kagni, enseignants à la Faculté de droit de l'Université de Lomé et de Kara ainsi qu'à tous les enseignants et intervenants auprès de qui j'ai beaucoup appris. Leurs encouragements m'ont permis d'avancer dans ce travail, malgré les obstacles et leurs conseils me seront utiles, au-delà de ce mémoire.

J'adresse avec émotion, ma reconnaissance à mon frère SAMBOE Komi Délali. A mes soeurs SAMBOE Essi Sépopo et SAMBOE Adjoa-Sika Eugénie pour leurs soutiens sans faille.

Je tiens également à remercier toutes les équipes de la Faculté de droit de l'Université de LOME pour leur professionnalisme et leur disponibilité tout au long de ces deux ans de scolarité.

À mes camarades de la promotion 2014-2016 que j'ai servis avec humilité et avec lesquelles j'ai passé une scolarité exceptionnelle, riche d'enseignements, et d'expériences de rencontres, je veux ici dire ma sincère amitié.

Enfin, que toutes les personnes qui ont permis que ce travail voie le jour soient assurées de ma profonde reconnaissance.

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SOMMAIRE

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SOMMAIRE ......IV

SIGLES ET ACRONYMES vi

INTRODUCTION 1

PARTIE I. UNE ORGANISATION A BOUT DE SOUFFLE 11

CHAPITRE I. Un édifice juridico-institutionnel fragilisé 13

CHAPITRE II. Une organisationtion contestée 32

PARTIE II. UNE ORGANISATION AU BOUT DE REFORMES ................................. 49

CHAPITRE I. L'OMC, une organisation résiliente 51

CHAPITRE II. L'OMC, une organisation perfectible 69

CONCLUSION 85

BIBLIOGRAPHIE 89

TABLE DES MATIERES 96

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SIGLES ET ACRONYMES

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RECUEILS ET REVUES

AFDI . Annuaire français de droit international

RDP . Revue de Droit Public et de la science politique en France et à l'étranger

RGDIP Revue Générale de Droit international

RQDI ..Revue québécoise de Droit international

RSA Recueil des sentences arbitrales

INSTITUTIONS

ACP Afrique, Caraïbes et Pacifique

ACPr. Accord commercial préférentiel

ACR Accord commercial régional

ADPIC Aspect des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

AEM Accord environnemental multilatéral

AFE Accord sur la facilitation des échanges

AGCS Accord général sur le commerce des services

AGOA Loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique

AMP Accord sur les marchés publics

CCD Comité du commerce et du développement de l'OMC

CCE . Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC

CCI Centre du commerce international

CE . Communautés européennes

CEDEAO Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CNC .. Comité de négociations commerciales

CNPF ....Clause de la nation la plus favorisée

CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement

COMESA Marché commun de l'Afrique orientale et australe

CPA Cour permanente d'arbitrage

CPJI ... Cour permanente internationale de justice

CTN Clause du traitement national

FMI . Fonds monétaire international

GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

MEPC Mécanisme d'examen des politiques commerciales

MIC . Mesures concernant les investissements et liées au commerce

MNT Mesures non tarifaires

OCDE . Organisation de coopération et de développement économiques

OEPC Organe d'examen des politiques commerciales

OIC Organisation internationale du commerce

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OIT Organisation internationale du travail

OMC .Organisation mondiale du commerce

OMPI Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

ONG Organisation non gouvernementale

ONT . Obstacles non tarifaire

ONU . Organisation des Nations Unies

ORD Organe de règlement des différends

OTC .. Obstacles techniques liés au commerce

PED ... Pays en développement

PMA .. Pays moins avancé

SGP ... Système généralisé de préférences

SPS Accord Sanitaire et phytosanitaire

UE ..Union européenne

AUTRES SIGLES

CERI....................................Centre de recherche international

LEEPI..............Laboratoire d'économie de la production et de l'intégration internationale

LGDJ . Librairie Générale du Droit et de Jurisprudence

PUF Presses Universitaires de France

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INTRODUCTION

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« Régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion 1, « L'OMC à bout de souffle »2, « Faut-il changer l'Organisation Mondiale du Commerce ? »3, « l'OMC au frigo»4 ou encore « l'OMC, l'avenir compromis »5. Bref, on ne finit plus de compter les articles universitaires, les publications scientifiques ou simplement les écrits de presse qui se rapportent à la question de l'avenir de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Plus de vingt ans après les Accords de Marrakech conclus en 19946, le fonctionnement de l'OMC n'a jusqu'ici pas permis de dissiper les doutes sur la capacité réelle de l'Organisation à régir durablement le commerce mondial. Aussi, l'émergence des multiples défis fait-elle peser de l'incertitude sur son avenir. C'est ce qui explique et justifie le choix de ce sujet ainsi intitulé : « L'Organisation mondiale du commerce à l'épreuve de multiples crises : perspective du système de régulation du commerce international ».

Dans Le Petit Robert, le mot crise, peut s'entendre d'une « phase grave dans l'évolution des choses et des événements »7. Dans le cadre de ce sujet, il se rapporte à l'ensemble des tensions, des perturbations que traverse l'OMC. Quant au concept de régulation8, selon le Lexique des termes juridiques, il évoque « le fait de régler un phénomène pour le maîtriser dans le temps, par exemple dans le domaine économique»9. Parler de la perspective du système de régulation du commerce international revient donc à évoquer l'avenir de l'OMC,

1Christian DEBLOCK, « Le régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? », Interventions économiques, no55 (2016), p.2.

2 Habib GHERARI, «L'OMC à bout de souffle? Quelques observations sur la 8ème Conférence ministérielle», Revue générale de droit international public, 2012, p.111 et ss.

3 Thierry GARCIA, «Faut-il changer l'Organisation Mondiale du Commerce ? Propos relatifs au Rapport sur l'avenir de l'OMC», Revue Générale de Droit International Public, 2005, pp.665-679.

4 Arnaud ZACHARIE, « L'OMC au frigo : et maintenant la loi du plus fort. », disponible sur http://www.revue-démocratie.be /L'OMC au frigo_et maintenant la loi du plus fort.html et consulté le 17 février 2017 ; Zaki LAIDI, « Après Cancun l'OMC en danger ? », Critique internationale 2003/4 (no 21), pp. 33-41. 5Romain BENICCHIO, Céline CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC », L'Économie politique 2007/3 (n° 35), pp. 55-65.

6 Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1867, R.T.N.U.3 (entrée en vigueur : 1er janvier 1995) [Accord instituant l'OMC].

7 Voir dans ce sens: le dictionnaire Le Petit Robert, 2004, p. 595.

8 Les économistes ont une vision bien particulière du concept de régulation. La régulation est ainsi définie comme « une réponse aux problèmes créés par le jeu spontané des marchés en matière de production de biens ou de fourniture de services, chaque marché ayant ses spécificités propres et pouvant donner lieu à une régulation particulière ». Voir Hervé DUMEZ et Alain JEUNEMAITRE, « Les institutions de la régulation des marchés : Étude de quelques modèles de référence » (Janvier 1999), RIDE, n°1, pp.11-30. Sur la régulation en France, voir notamment, Marie-Anne FRISON-ROCHE, « Les différentes définitions de la régulation », in La Régulation : monisme ou pluralisme? Petites Affiches, n°spécial, p.5 et s. Marie-Anne FRISON-ROCHE, «Le droit de la régulation », (2001) Recueil Dalloz, chronique, pp.610-616. Voir aussi, Claude CHAMPAUD, « Régulation et droit économique » (2002), RIDE, n°1, pp. 23-66.

9 Voir Gérard CORNU (Sous la dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p. 497.

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une organisation internationale destinée à régir le commerce international10. Toutefois, comme Christine DE SUEDE aimait à le rappeler, on ne saurait mieux envisager l'avenir qu'à partir du passé.11

Historiquement, si les prémisses du libre-échange en matière commerciale remontent au XIXème siècle, ce n'est véritablement qu'avec le GATT12 que l'idée parvient à s'imposer, grâce à la multilatéralisation opérée par le système. Issu d'une institutionnalisation progressive, le système du GATT va néanmoins présenter un certain nombre de défaillances qui ont obligé à une réforme du système commercial multilatéral13. Le défaut congénital du GATT, c'est d'avoir été très tôt orphelin de son volet institutionnel. Son système institutionnel était réduit au strict minimum14. Quant à son mécanisme de règlement des différends, il s'obstruait fréquemment sur des blocages qui ont fini par affaiblir le système. Au début des années 1980, le besoin a donc été largement ressenti de modifier le système du GATT. C'est ainsi qu'au terme du cycle d'Uruguay15, l'OMC succède au GATT. Son siège se trouve à Genève. Dès sa création, l'OMC devient un acteur incontournable de la mondialisation16, que les nations commencent à appréhender au milieu des années 1990. Sur le plan juridique, contrairement au GATT qui n'était qu'un simple accord provisoire, l'OMC est une véritable organisation internationale disposant de la personnalité juridique et apte à interpréter les accords commerciaux internationaux, au même titre que la Banque mondiale et

10 Dans les relations internationales, le commerce international c'est « l'ensemble des échanges internationaux de bien et de services ». Voir Ahmed SILEM et Jean-Mari ALBERTINI (Sous la dir.), Lexique de l'économie, 6e éd., 1999, Paris, Dalloz, p.134.

11Dans ses Maximes et Pensées, (1682) Christine de suède affirmait que « la science du passé est le passeport pour l'avenir ».

12 Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, 30 octobre 1947, 55 R.T.N.U. 187 (entrée en vigueur le 1er janvier 1948) [GATT de 1947].

13 Par « système commercial multilatéral », on désigne généralement l'ensemble de principes et de règles que les pays membres sont tenus de respecter dans leurs relations commerciales. Ces principes et ces règles élaborés par le GATT ont par la suite été consolidés par l'OMC.

14 Le GATT ne disposait seulement que de quelques organes à savoir la Réunion des Parties Contractantes, chargée de prendre les décisions, dont les fonctions étaient assurées entre les sessions par un organe plénier : le Conseil du GATT. Ce dernier se réunissait une fois par mois. Ces organes diplomatiques étaient appuyés par des institutions chargées d'apporter des appuis techniques, notamment un Secrétariat général, avec à sa tête un Directeur général. On trouvait enfin des organes spécialisés en charge de certaines questions ponctuelles ou domaines particuliers, comme par exemple le Comité spécial sur les demandes d'adhésion à l'Accord général ou le Comité sur les pratiques antidumping.

15 Le cycle d'Uruguay a donc fait oeuvre constitutionnelle selon l'expression de Patrick MESSERLIN, « L'OMC au-delà des fantasmes », Critique internationale, no 6, hivers 2000 pp. 38-46.

16 En droit international public, la mondialisation est un phénomène né après la guerre froide « voulant caractériser une sorte d'universalisation des principes gouvernant aussi bien l'économie (avec pour base l'économie de marché) que l'organisation interne des Etats (démocratie droit de l'Homme) comme la nécessaire ouverture des Etats dans des partenariats divers ». Voir Gérard CORNU (Sous la dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p. 382.

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le Fonds monétaire international17. Placé sous le sceau de l'engagement unique adopté par la Déclaration de Punta del Este, la structure juridique de l'OMC comprend un accord-cadre : l'Accord instituant l'OMC auquel est annexé une série d'accords. Ces annexes18 font donc « partie intégrante de l'Accord et sont contraignantes pour tous les membres »19. Quant à sa structure organisationnelle, elle comporte plusieurs échelons. Au sommet, se situe la Conférence ministérielle, instance décisionnelle suprême qui est composée de tous les Etats membres se réunissant environ tous les deux ans. Puis vient le Conseil général qui s'occupe des affaires courantes, et sert à la fois d'Organe de règlement des différends et d'Organe d'examen des politiques commerciales. Ensuite, le Secrétariat général, composé de 700 agents, dirigé par un Directeur général20. Enfin, les comités et conseils qui suivent et supervisent la mise en oeuvre de l'accord dont ils ont la charge.

Objet de nombreux commentaires, l'OMC est tantôt célébrée pour son multilatéralisme,21 tantôt contestée pour sa gestion libérale des affaires du monde. En effet, à l'image du GATT, l'OMC s'imprègne de la philosophie libre-échangiste22. L'intégration dans l'économie globale est un préalable pour tous. Elle est la panacée du développement et de la croissance23. A cet égard, l'Organisation reconnaissant des problèmes propres au pays en développement (PED) a consacré par le cycle Doha le traitement spécial différencié (TSD). Il s'agissait alors d'instituer au profit des PED un traitement particulier que la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le développement (CNUCED)24 aura vite fait de défendre, favorisant du

17 Bernard GUILLOCHON, « L'OMC un premier bilan », Revue française d'économie, Volume 12 N°4, 1997, p. 37.

18 L'annexe 1 contient des accords commerciaux multilatéraux et se subdivise en trois : l'annexe1A comprend les Accords sur le commerce de marchandises ; l'annexe1B, l'Accord sur le commerce des services, l'annexe 1C est relatif à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelles touchant au commerce. L'annexe 2 reproduit les règles intégrées en matière de règlement des différends, l'annexe 3 porte sur le mécanisme d'examen des politiques commerciales. Enfin, l'annexe 4 contient les Accords plurilatéraux. Les principaux objectifs de l'OMC sont d'assurer la liberté, l'équité, la prévisibilité des échanges sur la base des deux principes fondamentaux : la clause de la nation la plus favorisée et la clause du traitement national. Pour ce faire, elle administre les accords de l'OMC, en réglant les différends commerciaux par le biais d'un Organe de règlement de différends, et en servant de cadre aux négociations commerciales.

19 Article II : 2 de l'Accord instituant l'OMC.

20 L'actuel Directeur général de l'OMC est le diplomate brésilien Roberto AZEVEDO.

21 Le multilatéralisme est un mode d'organisation des relations internationales qui se traduit par la coopération de trois ou plusieurs Etats dans le but d'établir des règles communes. Concrètement, ce peut être un rapport, un accord ou une négociation qui concerne plus de deux Etats et des nations qui n'appartiennent pas à un même espace géographique de type continental ou sous continental. Il se distingue d'une part, du bilatéralisme (accord entre deux Etats) et, d'autre part, du régionalisme qui est un multilatéralisme limitée.

22 Selon la théorie des avantages comparatifs, les échanges commerciaux sont bénéfiques à tous les pays.

23 OMC, Rapport annuel, 1998, p. 6. Disponible sur le site internet de l'OMC : https://www.wto.org.

24 Admission préférentielle ou en franchise des exportations d'articles manufacturés et d'articles semi-finis des pays en voie de développement dans les pays développés, Rés. CNUCED 21 (ii), Doc off CNUCED nu, 2ème session, Doc. NU TD/97/v1, 1968; Conclusions concertées du Conseil spécial des préférences, Doc. Off CNUCED CCED, 10e session, suppl. n° 6A, Doc NU TD/B/329/Rev.1, 1970; Système généralisés des

même coup l'émergence d'un droit international du développement25. De même, depuis sa création, l'Organisation s'efforce de créer un cadre institutionnel sûr, prévisible afin de rendre le système commercial international solide et prospère26.

Pourtant, depuis quelques années, la mise à l'épreuve de la nouvelle organisation va rapidement mettre en lumière ses limites. Au premier rang de celles-ci, se trouve la crise du multilatéralisme commercial. A sa création, l'un des objectifs de l'OMC était de réduire les accords bilatéraux préférentiels au profit d'accords multilatéraux. Pourtant, depuis quelques années c'est bien le contraire qui semble se produire27. Le monde connaît actuellement une course effrénée vers les accords préférentiels. Le multilatéralisme commercial est depuis segmenté par la prolifération des accords commerciaux régionaux28 et bilatéraux mais surtout par la multiplication des accords commerciaux méga-régionaux tels que la CETA29, le RCEP30, voire l'Accord transatlantique31. Certains avancent même que si ce dernier traité venait à être signé, cela pourrait bien être l'étincelle qui déclenchera le « déclin irréversible du multilatéralisme »32. C'est ainsi que le Professeur SIROËN met l'Organisation en garde contre cette propension « dangereuse »33 qu'est le régionalisme commercial, une tendance aujourd'hui « devenue insaisissable »34. Cette inquiétude est aussi partagée par Medhi ABBAS qui estime que « tout le monde s'accorde à dire que l'OMC et le multilatéralisme

préférences, Déc. CNUCED CCED 75 (S- IV), Doc. Off CNUCED CCED, 4e session extra, suppl. n°1, Doc NU TD/B/332 (1970) 1. En réalité, la CNUCED est un organe subsidiaire de l'Assemblée générale des Nations Unies qui prône un nouvel ordre économique mondial basé sur des relations équitables entre pays de niveaux de développement différents.

25 Dans la littérature, l'émergence d'un droit international du développement a été théorisé principalement par des auteurs tels que : Guy FEUER et Hervé CASSAN, Droit international du développement, 2ème éd., Paris, Précis Dalloz, 1991; Alain PELLET, Droit international du développement, 2e éd., Paris, Presses universitaires de France, 1987; Mohamed BEDJAOUI, Pour un nouvel ordre économique international, UNESCO, Paris, 1979, Madjid BENCHIKH, Droit international du sous-développement, Paris, Berger, 1983.

26 Les objectifs de l'OMC sont : « le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d'un niveau élevé toujours croissant du revenu réel et la demande effective». Voir Préambule de l'Accord instituant l'OMC.

27 Le nombre d'accords préférentiels a littéralement explosé depuis la création de l'OMC le 1er janvier 1995. Selon la base de données de l'OMC disponible sur https://rtais.wto.org/UI/PublicPreDefRepByEIF.aspx), sur les 300 accords commerciaux en vigueur, 251 accords sont entrés en vigueur entre janvier 1995 et janvier 2016, comparativement à 49 avant cette date.

28 Cette tendance du droit du commerce est bien connue sous le vocable du Régionalisme.

29 Traité de libre-échange entre l'Union Européenne et le Canada.

30 Lancée par la Chine, le partenariat économique régional intégral est un projet d'accord de libre-échange entre les dix pays membres de l'Association des nations du Sud-est asiatique (Brunei, Birmanie, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam.) avec leur partenaire commerciaux régionaux (Chine, Japon, Australie, Inde Corée du Sud Nouvelle Zélande).

31 Cet accord, actuellement en négociations entre les Etats-Unis et l'Union européenne, deux ensembles régionaux qui cumulent à eux seuls près de 50 pourcent du commerce mondial, est l'objet de vives inquiétudes.

32 Christian DEBLOCK, « L'OMC le déclin irréversible de la réciprocité et du multilatéralisme », L'économie politique1(45), p. 35 et ss.

33 Jean-Marc SIROËN, « OMC : le possible et le souhaitable », L'Économie politique 2007/3 (n° 35), p. 2.

34 Christian DEBLOCK, « le régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? » op.cit., p.15.

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atténuent les rapports de forces internationaux mais chaque conférence ministérielle offre le spectacle d'une mésentente de moins en moins cordiale. Résultat, excepté le mécanisme de règlement de différends rien ne fonctionne à l'OMC »35. Aussi, l'OMC et le multilatéralisme seraient-ils entrés dans « une ère de rendement décroissant »36. Plus alarmiste, Boris Nolde prévenait que « le système préférentiel, s'il était largement pratiqué, aurait porté une atteinte directe au système fondé sur la clause de la nation la plus favorisée. Ces deux méthodes d'organisation du commerce international sont incompatibles, et le triomphe de l'une équivaudrait à la défaite de l'autre ».37 Alors même que l'Organisation tente ces dernières années d'enrayer la vague du régionalisme, les négociations commerciales du Cycle de Doha sont dans l'impasse38, faute sans doute aux règles de fonctionnement beaucoup trop rigides que Sylvia OSTRY qualifiait de « trinité impossible »39.

Cependant, la tendance la plus inquiétante de ces dernières années reste la montée en puissance du protectionnisme40. Aujourd'hui plus que par le passée, les barrières tarifaires et non tarifaires pullulent sur fond de complexification accrue41. Depuis la crise économique de 2008, les négociations commerciales multilatérales ont du plomb dans l'ail. Le climat de défiance vis-à-vis de la mondialisation ne cesse de se renforcer42. A cela s'ajoutent des velléités autarciques telles que le patriotisme économique43, le « Brexit »44, la montée en puissance du populisme ainsi que les retournements de l'administration TRUMP45 vis-à-vis du libre-échange. L'OMC serait donc entrée dans une zone de turbulences.

35 Medhi ABBAS, « L'organisation mondiale du commerce : l'ère des rendements décroissants », Asymétries, 2005, p.20 et ss.

36 Idem., p.20.

37 Boris NOLDE, « La clause de la Nation la plus favorisée », Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, 1932, Tome 39, p. 125.

38 Medhi ABBAS, Christian DEBLOCK, « L'Organisation mondiale du commerce et le Programme de Doha pour le développement : le multilatéralisme en mal de renouvellement », Annuaire français de relations internationales, 201,5 pp. 739-928.

39 SYLVIA OSTRY et al, «The future of World Trade Organization», Brooking Trade Forum Press, 1999, cité par Jean-Mari GRETHER et Jaime de MELO : « La montée en puissance du régionalisme et l'avenir de l'OMC », Working Paper Series, WPS (13073), 2013, p. 6. Ces règles sont : (i) obtenir le consensus, (ii) appliquer des règles universelles et (iii) exécuter ces règles de manière stricte.

40 Le protectionnisme peut s'entendre d'un système consistant à protéger l'économie d'un pays contre la concurrence étrangère au moyen de mesures tarifaires (droits de douane) et non tarifaires (quotas, subventions).

41 Christian HARBULOT et al, « les nouvelles formes et méthodes de protectionnisme », intelligence économique, ESSEC, 2010, p.3.

42 Le récent G20 de Hambourg confirme la réserve vis-à-vis de la mondialisation telle qu'elle se déploie depuis maintenant près de quarante ans.

43 Comportement des pouvoirs publics visant à favoriser les produits locaux au détriment des firmes étrangères.

44 Diminutif de « British Exit », cet anglicisme évoque la sortie du Royaume Unie de l'Union européenne.

45 Le nouveau président américain a pris des positions hostiles vis-à-vis du libre-échange. Le 23 janvier 2017, il signe le décret de retrait des Etats-Unis du Partenariat Transpacifique et a promis d'augmenter jusqu'à 45 % les

Comme s'il en fallait plus, l'OMC est aussi contestée par certains de ses Etats membres. Le moins que l'on puisse dire est que l'intégration de tous les pays dans l'économie globale telle que vantée par les promoteurs de l'Organisation est loin de se faire une base équitable. A cet effet, les récriminations à l'encontre de l'Organisation ne cessent de se multiplier dans les pays en développement. Prenant sans doute conscience de ce « commerce des illusions »46, les PED continuent de faire échouer les négociations commerciales47. D'ailleurs, certains n'hésitent pas à inviter ces pays à sortir cette organisation qui prône « une vision idéologique et simpliste d'une libéralisation qui ne tiendrait pas compte des différences »48. Au Nord49 comme au Sud50, les règles de l'OMC sont perçues, à tort ou à raison, comme étant des mesures extérieures, ignorant la souveraineté des Etats51 et peu regardant de l'idéal démocratique. Elles s'imposeraient aux peuples et promouvraient des intérêts capitalistes sous contrôle des multinationales. L'OMC dicterait aussi sa « loi » à travers son mécanisme de règlement des différends en faisant prévaloir le « droit de l'OMC »52 sur toute autre considération. Si au Nord, l'ouverture des marchés et la dérégulation sont régulièrement présentées comme des causes de la perte massive des emplois53, au Sud, il leur est souvent reproché d'entraîner le recul des productions nationales du fait de la concurrence déloyale.

Mais les « souffrances »54 de l'Organisation ne s'arrêtent pas là. L'OMC est aussi épinglée sur les questions des droits de l'homme, de l'environnement, ou encore sur celle des politiques sociales55. Depuis la Conférence ministérielle de Seattle en 1999, on a l'impression que toute la société civile internationale est vent debout contre de l'Organisation. Les experts environnementalistes mettent régulièrement en avant l'insuffisance de la prise en compte de la question environnementale par les normes OMC. Les militants écologistes, pour leur part,

droits de douane sur les produits chinois et pour couronner tout, il envisage même de faire sortir son pays de l'OMC qu'il a qualifié de « désastre ».

46 Dani RODRIK, « Le commerce des illusions », Reflets et perspectives de la vie économique, vol. tome xii, no2, 2002, pp.41-51.

47 On mentionnera avec intérêt l'échec de la Conférence de Seattle en 1999, sur fond du blocage des PED sur les dossiers agricole notamment. La même situation a été aussi notée lors de la Conférence ministérielle de Cancun 2003 lequel s'est soldé par un échec.

48 Zaki LAIDI, « L'OMC sur la troisième voie », les échos, 20 mai 2005. Disponible sur http://les echos.fr/redirect_article.php ?id =19417-078-ECH&fw=1html et consulté le 12 janvier 2017.

49 Par le terme «Nord», nous désignons les pays développés.

50 Par le terme «Sud», nous évoquons les pays en développement.

51 Chloé MAUREL, Géopolitique des impérialismes, Paris, Studyrama, 2009, p.176 et ss.

52Sur la théorisation de l'existence d'un droit de l'OMC, voir notamment, Chios CARMODY, « A Theory of WTO Law », (2008), Journal of International Economy Law, Vol.11, Issue 3, p.527 et ss.

53 Arnaud MONTEBOURG, Votez pour la démondialisation !, Flammarion, Paris, 2011, p. 5 et ss.

54 Habib GHERARI, « Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international.», R.G.D.I.P, 2008, p.255.

55 Marion JANSEN et Eddy LEE, Commerce et emploi. Un défi pour la recherche en matière de politiques, OMC /OIT, 2007 p.2 et ss.

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dénoncent une agriculture sacrifiée sur l'autel d'un libéralisme sauvage. Plus généralement, l'OMC est un sujet d'inquiétude de la société civile dite altermondialiste56 qui conteste presque mécaniquement à toutes les conférences ministérielles le bien-fondé de l'ouverture57. D'aucuns voient déjà dans cette aspiration à une gouvernance partagée, qui se trouve être actuellement en forte progression, le présage d'un futur sombre pour l'OMC.

Pourtant, l'OMC peut se prévaloir d'une avancée : l'Organe de Règlement des différends (ORD). Ainsi que le souligne Jean-Marc SIROËN, « La nouvelle procédure de règlement des différends issue des Accords de Marrakech permet de sanctionner des pays qui ne respectent pas leurs engagements. Elle interdit aux plus puissants de faire justice eux-mêmes. Par le nombre de plaintes58, l'OMC est devenue une cour d'arbitrage multilatérale. L'OMC a pu imposer aux Etats-Unis, comme à l'Union Européenne, qu'ils reviennent sur des textes ou des pratiques non conformes »59. Si la procédure atténue les asymétries en imposant le respect du droit international aux grandes comme aux petites puissances commerciales, elle ne les efface pas pour autant. Le coût de la procédure demeure encore prohibitif aux plus pauvres dont le pouvoir de sanction apparaît d'ailleurs bien dérisoire60. Bien plus, les accords de l'OMC, régulièrement dénoncés pour les faveurs considérables octroyées aux multinationales des pays riches, ont du mal à passer auprès du prolétariat majoritaire des pays pauvres qui s'estiment être réduits au rang de laissés pour compte d'une mondialisation à géométrie variable. Même Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, a lui aussi admis au sujet de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), un des accords phares de l'OMC, que cet accord « est avant tout un instrument au bénéfice des milieux d'affaires61». Ces constats s'inscrivent dans la droite ligne des études menées dès 1985 par la CNUCED qui déclarait dans un Rapport aux allures prémonitoires que « la libéralisation des services profitera essentiellement aux multinationales qui dominent le marché mondial »62.

L'OMC est au coeur de la mondialisation mais en même temps au centre de ses contradictions. A y voir de plus près, l'exacerbation des antagonismes, les attaques dont est

56 Le mouvement altermondialiste se compose de divers acteurs qui sont opposés au « mondialisme néolibérale » fondamentalement jugé injuste et dangereux. Pour cela, ils revendiquent à coup de dénonciations et de manifestations l'établissement une autre mondialisation.

57 On citera ici l'échec de la conférence de Seattle en 1999 dû aux manifestations des altermondialistes.

58 Plus de 500 différends entre 1995 et 2015.

59 Jean-Marc SIROËN, « L'OMC, une institution en crise », Alternatives économiques, n°240, octobre, p.74.

60 Idem.

61 Cité par Raoul-Marc JENNAR, Laurence KALAFATIDES, L'AGCS : Quand les États abdiquent face aux multinationales, Paris, Raisons d'agir, 2007, p. 85.

62 Chloé MAUREL, Géopolitique des impérialismes, Paris, Studyrama, 2009, p. 17.

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constamment l'objet l'Organisation de la part des Etats et des ONG et l'impasse actuelle du Cycle de Doha donnent l'impression que l'Organisation est au creux de la vague et que ses heures sont désormais comptées. Une perspective qui affole déjà le monde63.

Il est alors intéressant de mener une réflexion approfondie sur la question de l'avenir l'OMC. Et pour cause, sur le plan théorique, elle se veut une modeste contribution à la riche littérature64 existant sur la question qu'elle permettra aussi bien de parcourir. Dans cet élan théorique, elle permettra certainement de revisiter le système commercial multilatéral, en particulier le droit de l'OMC, qui pour une grande partie, est l'objet d'évolutions. Sur le plan pratique, elle participera certainement à l'analyse de la situation actuelle de l'Organisation. A cet effet, cette étude se propose d'identifier et d'étudier des défis normatifs, organiques, ou plus généralement institutionnels auxquels l'Organisation est confrontée et d'examiner de quelle manière l'OMC pourrait être renforcée afin d'être à même de les relever.

Ainsi, lorsque l'on envisage de cerner la perspective de l'OMC à l'aune des développements récents, il importe d'appréhender toute la complexité de la question au regard des crises multiples qui secouent l'Organisation. De ces multiples soubresauts, il résulte forcément des tensions qui pèsent sur sa stabilité et qui amènent à s'interroger sur son avenir. De là tout l'intérêt de la question : Quelle perspective envisagée pour l'OMC au regard des multiples difficultés auxquelles elle fait face aujourd'hui ?

Si l'OMC subit aujourd'hui le poids des critiques en raison de son incapacité à relever certains défis majeurs du monde actuel, l'Organisation de Genève ne disparaîtra pas. C'est pour cette raison que l'approche adoptée dans cette réflexion sera d'abord analytique. Il

63 A ce propos, voici ce que déclarait Pascal LOROT « A moins d'une redéfinition rapide et consensuelle, autant de ses objectifs que de ses modes de fonctionnement interne, le ` Doha light' dont a accouché la conférence de Bali en décembre 2013 pourrait bien n'être que le dernier soupir d'une organisation sans repère ». Voir Pascal LOROT, « Le cycle de Doha n'a accouché finalement que d'un accord à minima en décembre dernier à Bali », le nouvel economiste.fr, consulté le 10 juin 2016.

64 L'intérêt pour la question s'est d'abord développé en plein milieu des années 1980 avec la publication du Rapport Leutwiler. Mais, ce rapport n'est pas resté isolé. A l'occasion des dix années de fonctionnement de l'OMC, un autre rapport dit Rapport Sutherland proposait de « relever les défis institutionnels » qui semblent entamer l'avenir de l'OMC. Plus récemment encore, en 2012, Pascal LAMY, alors directeur général de l'OMC mettait en place un groupe d'experts chargé de réfléchir sur l'avenir de l'OMC. Le Rapport produit par ces experts en avril 2013 « Perspectives sur l'avenir du commerce mondial » sera le fruit d'un effort très louable. Il a néanmoins la faiblesse de reprendre un diagnostic déjà largement fait et de proposer des recommandations peu opérantes. Sur un plan doctrinal, la question a été particulièrement des plus discutées en droit international économique. Elle a, en effet, été en amont d'une querelle doctrinale opposants les partisans aux détracteurs de l'Organisation. Pour les premiers auteurs, l'OMC apparaît comme une « institution en crise ». Il ne ferait donc aucun doute que l'avenir de l'Organisation est déjà derrière elle. A ceux-ci d'autres opposent une perspective plutôt sereine (Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une organisation hybride et résiliente », Le journal de l'école de Paris du management, vol. 109, no. 5, 2014, p. 31et ss. De même, voir Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p. 18.

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s'agira donc de mettre en relief à la fois les insuffisances normatives, institutionnelles, ainsi que des défis actuels qui mettent à mal la sérénité de l'Organisation. Ensuite, l'exercice consistera surtout en une réflexion sur la perspective à l'OMC, débat qui, somme toute, demeure la lame de fond de la présente étude.

On retiendra donc qu'en toile de fond de ces différentes problématiques, transparaît l'idée de la fragmentation du droit international65. Ce phénomène dû au régionalisme commercial n'est certainement pas nouveau66. Toutefois, tant que le régionalisme n'était qu'une affaire d'interconnexion régionale, et d'intégration économique « plus étroite »67, il n'était pas réellement gênant. Aussi avait-il été jusque-là toléré par le droit de l'OMC68. Mais c'est lorsque les accords commerciaux préférentiels ont commencé à proliférer69 que ce phénomène est apparu plus problématique. Progressivement, les normes sociales, le travail, les droits humains, puis l'environnement ont émergé comme des questions de droit international économique70. Et la difficulté est que chaque réseau de coopération s'est mis à adopter ses propres règles, sans réellement se préoccuper du monde extérieur71, en particulier du droit de l'OMC. Et Pour ne rien arranger, les politiques protectionnistes viennent davantage exacerber le mouvement. Dans ce contexte, l'avenir de l'Organisation est devenu un réel sujet d'inquiétude72 et les critiques se sont multipliées. Le foisonnement de ces crises laisse à penser que l'OMC est à bout de souffle (PARTIE I). Toutefois, si l'on va au-delà des apparences, il reste constant que, malgré ces évolutions empreintes de difficultés, il existe encore des raisons d'espérer un avenir meilleur de l'Organisation (PARTIE II).

65 Voir CDI, « Fragmentation du droit international : difficultés découlant de la diversification et de l'expansion du droit international », Rapport du Groupe d'étude de la Commission du droit international établi sous sa forme définitive par Martti Koskenniemi, 13 avril 2006, A/CN.4/L.682, § 481 et 482.

66 En effet, le GATT admettait déjà l'existence ou la création des zones de commerce préférentiel à l'instar des zones de libre-échange ou des unions douanières, soit entre pays à frontières communes, soit pour répondre à des considérations économiques régionales. A ce propos, cf. l'article XXIV du GATT qui reconnaît « [...] qu'il est souhaitable d'augmenter la liberté du commerce en développant, par le moyen d'accords librement conclus, une intégration plus étroite des économies des pays participants à de tels accords » (Article XXIV, § 4).

67 Idem.

68 Dans l'esprit de l'article XXIV, les accords sont des accords réciproques passés entre deux partenaires ou plus qui ont pour objet de libéraliser les échanges et de viser ainsi une intégration « plus étroite » de leurs économies.

69 Habib GHERARI, « Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international.», op.cit., p.255 et ss.

70 Le Droit international économique est une discipline de Droit international public qui s'attache à réglementer la production des richesses et l'échange international de biens et de services.

71 Voir CDI, « Fragmentation du droit international : difficultés découlant de la diversification et de l'expansion du droit international », op.cit. , § 481.

72 Christian DEBLOCK, « Le régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? » op. cit., p.2 et ss.

PARTIE I. UNE ORGANISATION A BOUT DE

SOUFFLE

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Fondamentalement tournée vers l'ouverture des marchés, l'OMC fait de la libéralisation des échanges la règle73 et de la protection des marchés l'exception. De ce fait, l'Organisation participe par ses normes, ses procédures et ses organes à l'enracinement de la doctrine libérale, autant à la paix qu'à la prospérité dans le monde74.

Pourtant, en dépit des progrès réalisés depuis sa mise en place, sur le plan de l'ouverture des marchés, le système commercial multilatéral « comporte encore beaucoup d'insuffisances, de zones grises ou d'exceptions »75. En effet, ces dernières années ont été marquées par des tensions permanentes dans le système commercial multilatéral. Ces tensions s'accroissent, à cause de la multiplication des mesures protectionnistes depuis la grande récession de 2008 dont les séquelles sont encore bien présentes aujourd'hui. Ces mesures protectionnistes ont été encouragées par les mouvements autarciques76. A cela, s'ajoute l'émergence d'une tendance du droit international économique appelée à s'inscrire dans le long terme, à savoir le régionalisme, axé sur les accords commerciaux préférentiels (ACPr) dont la prolifération remet en cause le principe fondamental de la non-discrimination77 et amène certains à se demander s'il y a « encore un pilote dans l'avion »78 du système commercial multilatéral. Aussi, cette remise en cause des principes cardinaux que sont la clause de la nation la plus favorisée (CNPF)79 et la clause du traitement national (CTN) fragilise-t-elle l'OMC et remet-elle alors en question son avenir80. C'est ainsi qu'une partie de la doctrine ne manquera pas de souligner que « le système commercial multilatéral est en souffrance »81. Et d'autres de se demander si l'OMC n'est pas déjà en danger82.

Si l'avenir de l'OMC est aujourd'hui en cause, c'est parce que non seulement son cadre juridico-institutionnel semble présenter des signes d'essoufflement (Chapitre I), mais aussi parce que l'Organisation est ébranlée par une vague de contestations (Chapitre II).

73 Le terme « échanges » doit être pris dans un sens large. Les échanges intègrent le commerce des marchandises, les services ou les propriétés intellectuelles.

74 On retrouvera sur le site de l'OMC une plaquette présentant les dix avantages du système commercial multilatéral, disponible sur https://www.wto.org/french/news_f/pres95_f/pr024_f.html

75 Christian DEBLOCK, « le régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? » op. cit., p.2.

76 Il s'agit d'une tendance générale de protectionnisme, observable actuellement dans plusieurs pays où une partie de l'opinion publique préconise la fin du libre-échange comme une solution aux problèmes tels que les délocalisations d'entreprises, les pertes massifs d'emplois, les déflations salariales etc.

77 Ce principe occupe une place centrale dans le dispositif normatif du système commercial multilatéral. Il interdit non seulement toute discrimination entre les Membres de l'OMC (ce qui recouvre la clause de la nation la plus favorisée) mais aussi entre les produits quelque soit leurs origines.

78 Christian DEBLOCK, « le régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? » op. cit., p.1.

79 Boris NOLDE, La clause de la nation la plus favorisée, op.cit, 1932, tome 39, p.125 et ss.

80 Romain BENICCHIO, Céline CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC », op. cit., 2007, p. 55. 81Habib GHERARI, « Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international », op.cit., p.255.

82 Zaki LAIDI, « Après Cancun l'OMC en danger ? », op.cit., p.13.

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Chapitre I. Un édifice juridico-institutionnel fragilisé

Conçu pour répondre à des objectifs du libéralisme, le cadre juridico-institutionnel de l'OMC est constitué d'un système de règles, de principes, de mécanismes et d'institutions destinés à promouvoir le libre-échange et à parer aux velléités protectionnistes au sein de la société internationale83.

Le cadre normatif de l'OMC est un ensemble conventionnel composé d'un accord-cadre : l'Accord instituant l'OMC qui coiffe une série d'autres accords qui en sont les annexes84. L'architecture institutionnelle quant à elle, est constituée d'organes coiffés par la Conférence ministérielle composée de représentants ministériels, suivie d'un Conseil général qui s'acquitte des missions de l'Organe de règlement des différends (ORD) et de l'évaluation de politiques commerciales (MEPC), ainsi qu'un vaste réseau de conseils spécialisés et de comités. L'OMC met aussi en jeu des principes fondamentaux notamment ceux de la nondiscrimination. Par la clause de la "nation la plus favorisée" (NPF), un avantage commercial consenti à un pays bénéficiera immédiatement à tous. De plus, par la clause du traitement national (CTN), un produit importé et dédouané, devra être traité comme les produits locaux concurrents. Ces principes sont sensés être le fil conducteur de tous les accords de l'OMC.

Or, à l'heure actuelle, la mise en oeuvre de ces règles paraît entravée par l'émergence de nouvelles formes de protectionnisme et par une profusion des « accords de préférences commerciale »85 qui se sont multipliés ces dernières années témoignant d'une « montée en puissance du régionalisme »86. De même, l'ampleur des crises affectant les organes de l'Organisation laisse définitivement présager une dérive institutionnelle.

Ainsi, malgré la générosité de son esprit, l'OMC peine-telle encore à atteindre efficacement les objectifs qu'elle s'est fixés. L'Organisation paraît aujourd'hui mal en point car d'une part, son système normatif semble souffrir d'une certaine usure (Section I) et d'autre part, son architecture institutionnelle est aujourd'hui vacillée par des crises importantes (Section II).

83 Voir Michel RAINELLI, Le GATT, Paris, La Découverte, coll. Repères, n°130, 1993, ch. III.

84 Les trois premières annexes englobent les accords commerciaux multilatéraux qui ont pour particularité d'être contraignants pour tous les Membres de l'OMC. En revanche, la dernière annexe ne comporte que les accords commerciaux plurilatéraux, lesquelles ne concernent que les Membres qui y sont parties.

85 L'expression est de Jean Marc Siroën. Voir Jean Marc SIROËN, « Accords commerciaux et régionalisation des échanges », Document de travail, université Paris-Dauphine, 2007, p.1.

86Jean-Mari GRETHER et Jaime de MELO, « La montée en puissance du régionalisme et l'avenir de l'OMC », op.cit.,p.1 et ss.

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SECTION I. UN ARSENAL NORMATIF AFFAIBLI

Pour atteindre les objectifs d'un commerce libre et profitable à tous87, l'OMC met en oeuvre un certain nombre de principes cardinaux parmi lesquels le principe de nondiscrimination envisagé comme la « clé de voûte »88 de l'ordre commercial international. Ce principe vise, en effet, à donner une chance à tout Etat membre de l'OMC de s'intégrer dans le commerce mondial sans discrimination aucune. Il se décline en deux impératifs : d'une part, la clause de la nation la plus favorisée89 qui veut qu'un régime favorable ou un avantage consenti à tel ou à tel Etat par un Membre de l'organisation soit étendu à tous les autres Membres et d'autre part, la clause du traitement national qui implique une égalité de traitement entre opérateurs étrangers et nationaux90. Il faut préciser que ces principes doivent être le fil conducteur de tous les accords de l'OMC.

Cependant à bien des égards, la mise en oeuvre de ces principes semble être compromise, eu égard aux atteintes multiformes dont ils sont depuis l'objet. Au nombre de celles-ci, on relèvera d'une part, les atteintes à la clause de la nation la plus favorisée qui accréditent les thèses d' « une mise à l'écart relative du multilatéralisme »91 (§1) et d'autre part, les obstacles au principe de la clause du traitement national dus à la montée en puissance de velléités protectionnistes généralisées92 (§2).

§1. DES ENTRAVES A LA CLAUSE DE LA NATION LA PLUS FAVORISEE

Considérée comme une source de débats depuis l'établissement du GATT, la prolifération des accords dits de préférence commerciale constitue davantage une source récurrente d'inquiétude depuis l'avènement de l'OMC93 dans la mesure où ils entravent le principe de

87 C'est au sein du Préambule de l'Accord instituant l'OMC que figurent les objectifs de l'organisation. Substantiellement, il s'agit du relèvement des niveaux de vie ; la réalisation du plein emploi ; la réalisation d'un niveau élevé toujours croissant du revenu réel et de la demande effective; l'accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services. A ce titre, la libéralisation du commerce apparaît comme un moyen de réaliser ces objectifs ; elle ne constitue pas une fin en soi, du moins en théorie.

88 Voir Dominique CARREAU et Patrick JULLIARD, Droit international économique, Dalloz, 2003, p.230 et Thiébaut FLORY, l'Organisation mondiale du commerce. Droit institutionnel et substantiel, Bruylant, Bruxelles, 1999 p.33.

89 Art. I , §1, du GATT.

90 Art. III , §1, du GATT.

91Jean-Mari GRETHER et Jaime de MELO, « La montée en puissance du régionalisme et l'avenir de l'OMC », op.cit., p.2.

92 Christian CHAVAGNEUX, « OMC : changer pour exister », L'Économie politique 2007/3 (n° 35), p. 5.

93 OMC, L'avenir de l'OMC. Relever les défis institutionnels du nouveau millénaire, Genève, OMC, 2005. 102 p. 2.

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non-discrimination, en l'occurrence la clause de la nation la lus favorisée (CNPF). Dans la perspective de mieux comprendre les appréhensions diverses sur les accords dits de préférence commerciale et ses enjeux sur le système multilatéral, il serait alors essentiel d'en dresser une typologie. Celle-ci est fondamentalement construite autour de deux types d'accords : les accords commerciaux régionaux (A) et les accords commerciaux préférentiels (B).

A. Les accords commerciaux régionaux

Abondamment soulignés, les accords commerciaux régionaux (ACR) constituent l'une des principales menaces qui pèsent sur le système commercial multilatéral94. Concrètement les ACR sont des « mesures prises par les gouvernements pour libéraliser ou faciliter le commerce à l'échelle régionale, parfois au moyen de zones de libre-échange ou d'unions douanières »95. Ce sont donc des accords commerciaux qui permettent aux seuls pays participants de pouvoir tirer profit d'avantages réciproques qui dérogent tout au moins « légalement » à la clause de la nation favorisée96.

Au départ autorisée97 mais limité, le phénomène des ACR n'a depuis cessé de prendre de l'ampleur98. A cet effet, certains auteurs recourent au terme « prolifération »99 pour désigner l'étendue de la pratique. Selon Christian DEBLOCK « Lorsque l'accord de libre-échange fut conclu entre les États-Unis et Israël entra en vigueur en 1985, il n'y avait alors que vingt accords commerciaux régionaux ; en date du mois de mai 2014, l'OMC estime leur nombre à 419. De ce nombre, 219 sont des accords de libre-échange relevant de l'article XXIV du

94 Jean Marc SIROËN, La régionalisation de l'économie mondiale, Paris, la Découverte, coll. Repères, 2004, p.3.

95 Walter GOODE, Dictionary of Trade Policy Terms, OMC/Center for International Economic Studies, Cambridge University Press, 2003, 4ème édition, p. 302. Cependant le terme « accords commerciaux régionaux » paraît aujourd'hui très réducteurs puisque ces accords débordent du cadre commercial pour intégrer les services, les investissements, la concurrence ou encore la propriété intellectuelle.

96 Cf. le lexique de l'économie, 6e éd., 1999, Paris, Dalloz, sous la dir. d'Ahmed SILEM et Jean-Mari ALBERTINI p. 607. En effet, le lexique d'économie corrobore cette définition en retenant que la Zone de libre-échange est un espace économique contractuel dans lequel, les échanges entre les Etats ne sont pas soumis à des droits de douane internes.

97 En effet le L'article XXIV du GATT reconnaît « [...] qu'il est souhaitable d'augmenter la liberté du commerce en développant, par le moyen d'accords librement conclus, une intégration plus étroite des économies des pays participants à de tels accords » (Article XXIV, § 4). Dans l'esprit de l'article XXIV, les ACR sont des accords réciproques passés entre deux partenaires ou plus qui ont pour objet la libéralisation des échanges commerciaux entre les participants afin de parvenir à une intégration de leurs économies.

98 Sur l'historique et l'évolution des ACR, voir Jean-Mari GRETHER et Jaime de MELO, « La montée en puissance du régionalisme et l'avenir de l'OMC », op.cit., aux pp.3 - 9.

99Habib GHERARI, « Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international », op.cit, p.255.

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GATT, 139 sont des accords dits d'intégration économique relevant de l'article V de l'AGCS, 20 sont des unions douanières et 41 sont des accords au titre de la clause d'habilitation »100.

Sont principalement qualifiés d'ACR au sens de l'article XXIV du GATT, les Zones de libre-échange et les Unions douanières. La Zone de libre-échange regroupe deux ou plusieurs territoires douaniers entre lesquels les droits de douane, les taxes et les autres réglementations commerciales restrictives à l'instar des taxes d'effet équivalent sont éliminés pour l'essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires constitutifs de la zone de libre-échange101. Les plus connues sont : l'Accord de libre-échange nord américain (ALENA) ou la zone de libre-échange de l'ASEAN102 ou encore l'AELE103. En revanche, l'union douanière est un accord commercial régional dont les Etats membres ont adopté une politique commerciale commune vis-à-vis des Etats tiers notamment une réglementation et un tarif douanier commun104. On pourrait citer en exemple l'union douanière de l'Union Européenne (UE), l'union douanière de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)105 ou encore le Marché commun de l'Amérique du Sud (MERCOSUR)106.

Néanmoins, la tendance de ces dernières années consiste en la mutation du régionalisme vers le bilatéralisme107, ou encore vers l'inter-régionalisme108. C'est ainsi que, le secrétariat de l'OMC relève dans son rapport de 2011 qu'il y avait 89 accords bilatéraux, 12 accords

100Christian DEBLOCK, « le régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? », Interventions économiques no55 (2016), p.14.

101 Voir l'article XXIV, § 8 b) du GATT.

102 Accord de libre- échange entre les membres de l'Association des Etats de l'Asie du Sud-est, en abrégé ASEAN. Il regroupe la Birmanie, le Brunei, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, le Singapour, le Vietnam et la Thaïlande.

103 Zone de libre-échange entre les pays de l'Association européenne de libre-échange en abrégé AELE regroupe actuellement 4 pays membres dont le l'Island, le Liechtenstein et la Suisse.

104 V. l'article XXIV, § 8 a) du GATT.

105 Crée en 1994, l'UEMOA est une union douanière qui regroupe huit Etats de l'Afrique de l'ouest ayant en commun l'usage d'une monnaie unique, en l'occurrence le francs CFA. Ce regroupement se composé du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger du Sénégal et du Togo.

106 Le Marché commun du Sud, couramment abrégé Mercosur, est avant tout une union douanière réunissant 6 pays de l'Amérique latine tels que l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay, le Venezuela et la Bolivie. Contrairement à l'ALENA qui est une simple zone de libre-échange sans tarif extérieur, le Mercosur se veut un outil de coopération beaucoup plus poussé. L'objectif étant d'aller vers un rapprochement politique ou juridique.

107 Habib GHERARI, « Organisation mondial du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international », op.cit. , p.258.

108 Regroupement de deux ou plusieurs blocs commerciaux régionaux dans le but de libéraliser les échanges commerciaux entre les Membres. En exemple, en 1995, le Mercosur et l'UE ont signé un accord-cadre interrégional de coopération économique.

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plurilatéraux et 41 accords plurilatéraux dont au moins une partie est un ACR interrégional109.

Les ACR engendrent non seulement une distorsion du principe NPF mais aussi un encouragement à la logique préférentielle. Selon certaines études, les ACR conduisent aussi à « l'enchevêtrement normatif »110 communément qualifié d'effet « spaghetti bowl »111. De la sorte, les administrations appelées à appliquer de tels accords ne savent pas comment s'y prendre. Quant aux exportateurs, ils ne savent pas à quel saint se vouer. De plus, avec les accords bilatéraux, c'est la loi du plus fort qui se trouve ainsi pleinement revigorée dans les échanges commerciaux. Bref, les ACR constituent des entraves au multilatéralisme. Ainsi que le souligne le rapport Sutherland, la prolifération de tels accords tendent à créer des intérêts établis qui peuvent compliquer la mise en oeuvre d'une véritable libéralisation multilatérale112.

Mais la prolifération des accords discriminatoires ne se limite pas aux seuls ACR, ils concernent également les accords commerciaux préférentiels.

B. Les accords commerciaux préférentiels

Au sens du droit de l'OMC, les « accords commerciaux préférentiels » (ACPr) sont des accords qui offrent des préférences commerciales unilatérales. Ils sont régis par le Système Généralisé de Préférences (SGP)113 ainsi que par d'autres systèmes préférentiels non réciproques jouissant d'une dérogation particulière. Sans doute, ces accords sont ceux qui relèvent de la Clause d'habilitation114, Ainsi, les ACPr s'analysent comme une autre

109OMC, Rapport sur le commerce mondial 2011. L'OMC et les accords commerciaux préférentiels : de la coexistence à la cohérence, OMC, 2011, p. 61.

110Habib GHERARI, « Organisation mondial du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international ».op. Cit., p. 266.

111 Jagdish BHAGWATI et Anne KRUEGER, «The dangerous drift to preferential trade agreement», AEI Press, 1995 p.43; Robert Baldwin, « Multilateralising regionalism: spaghetti bowls as building blocks on the path to global free trade», World Economy, vol. XXIX, n° 11, 2006, aux pp. 1 451-1 518.

112 OMC, L'avenir de l'OMC. Relever les défis institutionnels du nouveau millénaire, op.cit.p.21.

113 Le SGP est une exception au principe de la clause de la nation la plus favorisée. En effet, par le système généralisé de préférence, les pays développés s'engagent à abaisser ou à supprimer leur droit de douane sur les produits manufacturés en provenance des pays en développement qui souffrent d'une protection effective élevée. Concrètement, il s'agit d'accorder une préférence aux pays en développement, sans abaisser leurs droits sur les produits équivalents provenant d'autres pays développés. On pourra ainsi citer les conventions de Lomé de 1975 entre la CEE et les pays dits ACP (Afrique Caraïbe et Pacifique).

114 Prévu par le § 4 a) du GATT, la clause d'habilitation évoque des traitements tarifaires préférentiels accordés par les parties contractantes développées pour les pays en développement conformément au SGP. Cette disposition reste applicable dans le cadre de l'OMC.

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dérogation au principe de la clause de la nation la plus favorisée. Mais cette dérogation est de nature différente : les accords ont une « portée partielle », dans la mesure où ils ne couvrent que certains produits, les autres faisant l'objet d'exclusion. En guise d'illustration on mentionnera les accords de Lomé puis de Cotonou entre l'UE et les 78 Etats ACP dont l'évolution la plus spectaculaire fut les récents Accords de partenariat économique (APE)115.

La raison d'être de ces accords est tout sauf illogique. Au départ les ACPr étaient conçus comme des solutions adaptées aux besoins du développement, des finances et du commerce des pays en voie de développement. A cet effet, la Clause d'habilitation qui les sous-tend est mue par une double finalité : d'abord il s'agit de donner un soubassement juridique acceptable à la non-réciprocité dans les échanges entre pays développés et pays en développement, dans le cadre des SPG; ensuite, elle devrait permettre aux « parties contractantes peu développées » de convenir entre eux des « arrangements régionaux ou mondiaux » [...] « en vue de la réduction ou de l'élimination de droits de douane sur une base mutuelle »116. Mais au fil du temps, leurs domaines se sont vite élargis à la fois au commerce, à la réduction des obstacles, aux propriétés intellectuelles. Tout récemment, ce sont les services qui ont été envahis par de tels accords. Ainsi, selon les données de l'OMC, près d'un tiers des ACPr en vigueur contiennent des engagements concernant les services, et cette tendance s'est encore accélérée récemment117.

S'il est évident que les ACPr ont connu une forte croissance ces dernières années alors toute la question est de savoir quels sont leurs impacts sur le multilatéralisme. Ont-ils un effet d'entrainement positif sur le multilatéralisme ou engendrent-ils un effet d'éviction?

115 Les APE sont le prolongement des Accords de Lomé de 1975 et l'Accord de Cotonou de 2000. Cependant, si ces derniers levaient les barrières tarifaires, pour les exportations des pays ACP tout en permettant à ces pays de maintenir leur droits de douane sur les importations en provenance des pays développés, en revanche, les APE sonnent le glas de ces préférences commerciales non réciproques. C'est ainsi qu'en septembre 2014, des accords intermédiaires furent signés entre l'UE et la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la communauté de développement d'Afrique Australe (SADC) et la communauté d'Afrique de l'Est (CAE). Pour la CEDEAO en particulier, l'accord provisoire prévoit une suppression des droits de douanes de 75% pour les produits en provenance de l'Union Européenne. Voir Di Gore SIMALA, « Accords de partenariat économique entre l'Union européenne et l'Afrique : entre ambition d'émergence et risque de stagnation » in Jean Didier BONKONGOU, émergence de l'Afrique, Presse de l'UCAC, 2015, p. 205 et ss. ; Jean-Jacques GABAS, Bruno LOSCH, « La fabrique en trompe oeil de l'émergence », in Christophe JAFFRELOT, l'enjeu mondial : les pays émergents, Paris, Presses de sciences po, 2008, p. 25-40 ;

116Cf. § 2 c du GATT.

117 OMC, « Rapport sur le commerce mondial 2011. L'OMC et les accords commerciaux préférentiels : de la coexistence à la cohérence », OMC 2011, p. 6.

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Sur cette question, les avis sont partagés. Si pour une bonne partie de la doctrine, la seconde option semble la plus évidente118, d'autres préfèrent plutôt parler d' « interaction possible entre l'OMC et les ACPr »119. C'est ainsi que l'OMC, dans son Rapport de 2011, évoque une « coexistence pacifique »120 entre le multilatéralisme et les ACPr.

En tout état de cause quelque soit l'esprit qui anime la conclusion de tels accords, il est évident que ceux-ci minorent la portée du multilatéralisme dont le ferment demeurent la nondiscrimination. Pour le professeur Jean-Marc SIROËN, ces accords permettent « aux grandes puissances commerciales de retrouver un rapport de force qui leur est plus favorable qu'à l'OMC et aggrave la marginalisation des pays qui n'auront pas les moyens ou la volonté politique de raccrocher le train des accords "préférentiels" exigeants. »121

Au-delà des entraves à la clause de la nation la plus favorisée, la fragilisation du système normatif de l'OMC tient aussi aux obstacles à la clause du traitement national.

§ 2. LES OBSTACLES A LA CLAUSE DU TRAITEMENT NATIONAL

Officiellement, la plupart des pays membres de l'OMC sont adeptes du libre-échange. Mais au cours de ces deux décennies d'existence de l'OMC, en dépit de l'existence d'un cadre réglementaire restrictif mettant en avant la clause du traitement national122, l'on a plutôt assisté à l'explosion des mesures protectionnistes à l'échelle internationale. Celles-ci peuvent soit se présenter sous une forme tarifaire (A) soit relever d'une nature non tarifaire (B).

A. Les mesures protectionnistes de nature tarifaire

Ces types de mesures sont des taxes prévues par les tarifs douaniers nationaux et celles qui reçoivent cette dénomination dans les règlementations internes des Etats membres.

118 Roberto FIORENTINO, Luis VERDEJA et Christelle TOQUEBOEUF, The Changing Landscape of Regional trade agreement: 2006 update, discussion paper no12, WTO, Geneva 2006, disponible sur http://www.wto.org

119 OMC, « Rapport sur le commerce mondial 2011. L'OMC et les accords commerciaux préférentiels : de la coexistence à la cohérence », op.cit., 44.

120 Idem p1.

121Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une institution en crise », op.cit., n°240, p.4.

122 La clause du traitement nationale qui se retrouve à l'article III du GATT §1est un autre principe-clé du dispositif normatif de l'OMC. Elle impose une égalité de traitement d'un produit quelle que soit son origine.

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En réalité, l'OMC prévoit les exceptions qui peuvent être faites au libre-échange. On peut ainsi citer en exemple les Accords sanitaires et phytosanitaires (SPS)123, ou les Obstacle techniques liés au commerce (OTC)124. Néanmoins pour éviter d'entraver complètement le libre-échange, l'Organisation met en place un cadre de réglementation assez strict destiné à limiter autant que possible le recours aux mesures protectionnistes. Ainsi, conformément à cette procédure, dans l'hypothèse où un pays accusé n'arrive pas à démontrer qu'une mesure incriminée était nécessaire et rentre dans le cadre des exceptions prévue125, ce pays devra s'exposer alors à une condamnation.

Pourtant, en dépit de l'existence de telles dispositions fortement dissuasives, force est de constater que celles-ci n'ont pas permis d'enrayer le retour, l'évolution, ou l'expansion des obstacles tarifaires au libre-échange. On en voudra pour preuve la notion de « Taxe d'effet équivalente à des droits de douane » (T.E.E.D.D.). Il s'agit d'un concept englobant visant à prendre en considération une très grande diversité de taxes perçues à l'occasion des opérations d'importation notamment des cautions financières. Dans l'affaire Etats-Unis - Mesures à l'importation de certains produits en provenance des Communautés européennes, plainte des communautés européennes (WT/DS165/1), les communautés européennes faisaient valoir qu'une telle mesure équivalait en l'espèce à une augmentation des droits de douanes et entraîne une augmentation des droits consolidés. Comme on le note, la notion de T.E.E.D.D. présente une ambigüité plus grande que celle de droit de douane126. Il s'agit donc d'une forme cachée de protectionnisme tarifaire qui diminue significativement les exportations et les activités des entreprises d'envergure modeste. Leur étude est plus compliquée que celle des barrières tarifaires traditionnelles et les points de vue divergent127 sur leur nature. Plus encore, la tendance protectionniste est à la mode même dans les pays traditionnellement considérés comme des chantres du libre-échange. En effet, le repli sur soi, la démondialisation, la relocalisation, emporte actuellement les faveurs de nombreux gouvernements. On mentionnera ici le cas de l'administration TRUMP qui insiste pour faire payer des pays qui ont un excédent commercial vis-à-vis des Etats-Unis comme l'Allemagne

123 Cet accord SPS précise les nouvelles règles qui régissent les pratiques commerciales au niveau international. Substantiellement, il indique quels sont les droits et les obligations que les membres qui souhaitent prendre des mesures de restriction des importations dans le but de protéger la vie ou la santé des personnes des animaux et des végétaux.

124 Article XX de l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et Commerce (GATT de 1947).

125 Article XX b) et g) du GATT voire encore, le Préambule de l'Accord SPS, article XIV de l'AGCS, etc.

126 Impôt prélevé sur une marchandise importée lors de son passage à la frontière. Il peut être soit forfaitaire ou représenter un pourcentage du prix (droit « ad valorem »). La finalité de cette pratique est de rendre plus chers les produits étrangers pour favoriser les producteurs locaux.

127 Christian HARBULOT et al, « les nouvelles formes et méthodes de protectionnisme » op.cit., p.29.

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ou le Mexique. Le nouveau président américain a, par ailleurs, promis d'augmenter jusqu'à 45 % les droits de douane sur les produits chinois et pour couronner tout, il envisage même de faire sortir son pays de l'OMC qu'il a qualifié de « désastre »128.

Ces dernières années, le protectionnisme tarifaire a nettement évolué. Si par le passé déjà, notamment dans les années 1930 les mesures protectionnistes avaient fait recette, et ont conduit à l'effondrement de l'économie mondiale ayant entraîné par ricochet la seconde guerre mondiale, le risque de contournement des engagements tarifaires est bien réel aujourd'hui et ne fait qu'augmenter les peurs. Il en va aussi des mesures protectionnistes de nature non tarifaire.

A. Les mesures protectionnistes de nature non tarifaire

Selon la définition retenue par le lexique du commerce international, les mesures protectionnistes de nature non tarifaire constituent l'ensemble des mesures restrictives non tarifaires mises en place par un pays et visant à protéger son marché de la concurrence extérieure129. Concrètement, il s'agit des entraves aux échanges internationaux autres que les droits de douane130. Il existe actuellement dans le monde une diversité de ces mesures non tarifaires indistinctement désignées sous les vocables de « barrière non tarifaires », d'«obstacle non tarifaires » ou encore de «mesures non tarifaires »131 (MNT). Les exemples les plus courants en sont les quotas, les normes techniques ou sanitaires ou des textes législatifs favorisant les entreprises nationales. La géographie des MNT n'est cependant pas une donnée fixe. Le plus souvent elles se situent au niveau bilatéral. Néanmoins, ces barrières peuvent tout aussi bien être instaurées au plan régional comme l'on en retrouve dans l'UE132, dans la COMESA133, ou dans la CEDEAO134.

128 http:// www.lemonde.fr//election américaines /article/2016/07/24 /donald-trump-evoque-une-sotie-des-etats-unis-de-l'omc_4974063_829254.html. , consulté le 12 septembre 2016.

129 Fréderic Morelle, Lexique du commerce international, éd. Ellipses 2013.

130 Ahmed SILEM et Jean-Mari ALBERTINI (Sous la dir.), Lexique de l'économie, 6e éd., 1999, Paris, Dalloz, p.433.

131 Source OMC/inventaire des mesures non tarifaires et des mesures relatives au services et https://www.wto.org/french/res_f/books_f/wtr12-2c_f.pdf&sa.html

132 L'Union Européenne est un partenariat politique et économique regroupant 28 Etats européens dont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.

S'il est à peu près naïf de considérer que les MNT constituent une nouveauté, il n'en demeure pas moins que leur prévalence, ou encore mieux leurs excroissances ces dernières décennies constituent des sujets d'inquiétude. Et pour cause, ces dernières années, d'après les données officielles de l'OMC, les obstacles techniques au commerce et les mesures sanitaires et phytosanitaires semblent avoir pris de l'importance. Les obstacles liés aux procédures sont ainsi devenus une source de préoccupation majeure pour les exportateurs notamment ceux des PED135 d'autant qu'ils sont difficilement décelables. Les MNT constituent de nos jours des parades techniquement bien sophistiquées qui complètent une gamme de stratégies plus traditionnelles mais moins radicales allant de normes SPS aux normes OTC. La tendance est manifestement à l'émergence de nouvelles pratiques encore plus fignolées, qui prennent forme au titre de MNT. En effet, en référence aux données provenant de la CNUCED et répertoriées dans les système « TRAINS »136 et « Market Acess Map »137, on en recense plusieurs à savoir les obstacles techniques au commerce ; l'inspection avant expédition et autres formalités ; les mesures de contrôle des prix ; les licences, les contingentements, les prohibitions et autres mesures de contrôle quantitatif ; les impositions, taxes et autres mesures para tarifaires ; les mesures financières ; les mesures anticoncurrentielles ; les mesures concernant les investissements et liées au commerce ; les restrictions à la distribution ; les restrictions concernant les services après vente; les subventions (autres que les subventions à l'exportation) ; les restrictions en matière de marchés publics ; la propriété intellectuelle ; les règles d'origine ; les mesures liées à l'exportation.138. A celles-ci viennent s'ajouter « l'arme administrative »139 et la manipulation monétaire140.

133 Le Marché Commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique Australe est une union douanière regroupant l'Angola, le Burundi, le Comores, la R.D.Congo, le Djibouti, l'Egypte, l'Erythrée, l'Ethiopie, le Kenya, le Madagascar, Malawi, l'île Maurice, la Namibie, le Rwanda, les Seychelles, le Swaziland, l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe.

134 Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest est un regroupement régional dont la mission est de promouvoir l'intégration économique entre 15 Etats dont le Bénin, le Burkina, le Cap vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Libéria, le Mali le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Léone et le Togo.

135 OMC, Rapport sur le commerce mondial 201. Commerce et politiques publiques : gros plan sur les mesures non tarifaires au JJI e siècle, OMC, p. 94.

136 Mis au point par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le Système d'analyse et d'information commerciale (TRAINS) de la CNUCED est la collection la plus complète de renseignements publics sur les mesures non tarifaires.

137 « Market Access Map » est une application qui fournit des informations sur les tarifs douaniers appliqués, y compris les droits NPF, et les préférences accordées unilatéralement ou dans le cadre des accords commerciaux régionaux et bilatéraux.

138 Source : Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) (2010).

139 Une bureaucratie excessive, un cadre réglementaire qui ne reflète pas l'évolution des techniques ni celles des pratiques commerciales et un manque de transparence dans les formalités administratives sont entre autres des

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Ces mesures constituent à n'en point douter autant de manifestations velléitaires à l'encontre du libre-échange, en causant une distorsion à la clause de traitement nationale. Aussi sont-elles devenues des sources inévitables de tensions permanentes pesant sur le système OMC eu égard à leur prolifération141.

En somme, la forte poussée du régionalisme conjuguée avec la montée en puissance des velléités protectionnistes constituent sans aucun doute des revers importants pour le multilatéralisme et le libre-échange que prône par l'OMC. A ce propos, certains y verront déjà l'échec d'une organisation désormais annoncée comme étant en perdition142. Le moins que l'on puisse dire est que ces handicaps remettent au goût du jour les appréhensions diverses quant aux dangers réels que court l'OMC dont les crises institutionnelles sempiternelles accréditent davantage les thèses d'une implosion prématurée.

SECTION II. UNE INSTITUTION REGULIEREMENT EN CRISE

L'OMC donne de plus en plus l'image d'une institution complètement aux abois, davantage engluée dans des crises sempiternelles et incapable de se départir de ses lourdeurs procédurales, comme en témoigne les crises constantes qui affectent son système de négociations (§1) ainsi que les avatars de son mécanisme de règlement des différends (§ 2).

moyens pour décourager les investisseurs étrangers et tout autre acteur du commerce extérieur. Voir Christian HARBULOT et al, « les nouvelles formes et méthodes de protectionnisme » op.cit., p.5.

140 La sous-évaluation d'une monnaie est une technique de protectionnisme efficace, qui permet d'avantager l'ensemble des industries d'un pays, tout en trouvant sa justification dans diverses considérations financières ou économiques non liées officiellement à l'activité commerciale. Le plus souvent, les grandes puissances économiques la pratiquent, la Chine étant championne dans ce domaine. La sous-évaluation du yuan par la Chine lui permet de vendre ses produits moins chers à l'étranger, d'attirer des capitaux étrangers etc...

141 Au 31 décembre 2011, la base de données du secrétariat de l'OMC sur les « demandes de consultations », (première étape de l'engagement formel d'une procédure de règlement des différends à l'OMC) contenait des renseignements sur 427 demandes portant sur les mesures non tarifaires.

142 Romain BENICCHIO, Céline CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC », op.cit, p. 55 et ss.

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§ 1. L'ENLISEMENT RECURRENT DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATERALES

La plupart des négociations commerciales multilatérales conduites par l'organe des négociations commerciales de l'OMC, en l'occurrence la Conférence ministérielle143, débouche sur des blocages qui ne permettent pas de concrétiser des avancées. Rien qu'à prendre en considération l'enlisement du cycle de Doha, on pourra vite se convaincre de cette réalité (B). Mais avant cette présentation, il serait plus convenable d'analyser d'abord les raisons profondes du blocage des négociations commerciales multilatérales (A).

A. Les raisons de l'enlisement récurrent des négociations commerciales multilatérales

Les analyses144 qui ont été effectuées au sujet de l'échec des Conférences ministérielles de l'OMC et des crises multiples y afférentes continuent de susciter de nombreuses inquiétudes. Parmi les multiples raisons qui ont été avancées pour tenter d'en saisir les causes, les plus importantes sont celles qu'il convient d'analyser maintenant.

Premièrement, l'application de la règle de consensus en matière de négociations commerciales pénalise la progression des agendas. Selon Jean-Marc SIROËN, « la création de l'OMC n'a pas remis en cause la règle du consensus, qui était à la fois nécessaire pour respecter la souveraineté des Etats mais d'autant plus bloquante que le nombre de pays membres [164 en 2016] a augmenté »145.

Deuxièmement, certains auteurs pointent du doigt le modèle de négociation que l'OMC a hérité du GATT, critiqué pour être de moins en moins pertinent. Ceux-ci remettent en cause le concept même de l'engagement unique qui caractérise les négociations multilatérales. En effet, le fait de mettre toutes les questions y compris les questions des plus épineuses telles que l'agriculture dans le même panier ou de lier ces questions à l'ensemble du cycle ralentit significativement les négociations. Ils en viennent donc à conclure que les progrès dans ce

143 En vertu de l'Accord instituant l'OMC, la Conférence ministérielle est l'organe de décision suprême de l'OMC habilitée à prendre des décisions sur toutes les questions relevant tout accord commercial multilatéral. Elle sert donc de cadre aux négociations commerciales multilatérales et rassemble à cet effet tous les Membres de l'Organisation qui soit des pays ou des unions douanières.

144 Jean-Marie WAREGNE, « l'OMC après Seattle - le chantier inachevé » Courrier hebdomadaire du CRISP, vol.1712-1713, no.7, 2001, pp. 5-76. De même, voir Jean-Marie WAREGNE, « La Conférence ministérielle de l'OMC à Doha. Le cycle du développement », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol.1739-1740, no.34, 2001, pp. 5-88.

145 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC face à la crise des négociations multilatérales », Les Etudes du CERI - n° 160 - décembre 2009, p.4.

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domaine seraient beaucoup plus rapides si les dossiers étaient traités distinctement. A ce propos, Craig Van GRASSTEK écrivait : « On dit souvent que la folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent, mais les Membres de l'OMC sont confrontées au problème inverse : bon nombre des éléments qui semblent avoir contribué au succès du Cycle d'Uruguay146 ne produisent pas les mêmes effets depuis le début de l'OMC »147.

Troisièmement, la montée en puissance des pays émergents peut être aussi l'une des clefs d'entrées explicatives du blocage148. Ainsi comme le souligne Jean-Marc SIROËN, « la montée en puissance des pays émergents, aux intérêts pourtant contradictoires, sous le leadership du Brésil et de l'Inde a remis en cause l'ancienne hégémonie des Etats-Unis et de l'Union européenne. L'objectif d'affirmation de ce leadership l'a parfois emporté sur les objectifs mêmes des négociations »149.

On pourrait toujours multiplier les causes régulièrement invoquées par la doctrine. Par exemple, le ralentissement économique, les crises financières, la crise de certains secteurs (automobile, acier) ou encore des sujets de préoccupations contemporaines à l'instar de volonté de protéger l'environnement ou de lutter contre le changement climatique sont autant de facteurs qui entament le plus souvent la volonté d'ouverture des pays en vue d'aboutir au consensus.

D'une façon générale, il est évident que les crises cycliques qui secouent les Conférences ministérielles restent fortement tributaires des événements conjoncturels mais aussi et surtout des enjeux politiques, économiques, ou sociaux. L'histoire constitue un excellent indicateur de la tendance presque pathologique des pays à se concentrer plus sur leurs intérêts défensifs que sur leurs intérêts offensifs. Dans ces conditions, beaucoup en viennent alors à s'interroger sur la capacité réelle de l'Organisation à se montrer suffisamment résiliente pour permettre de lever les doutes sur le succès des négociations futures. L'enlisement des négociations

146Du Kennedy Round jusqu'au Cycle d'Uruguay, les négociations ont été basées sur l'idée que le fait d'avoir plusieurs questions sur la table stimulerait l'ambition, même sur les questions les plus difficiles, en incitant à trouver des compromis entre les sujets. Le Cycle d'Uruguay est allé plus loin en regroupant toutes les questions en un engagement unique.(disponible sur https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/fact4_f.html).

147 Craig VANGRASSTEK, histoire et avenir de l'organisation mondiale du commerce, OMC, 2016, p.583. Il rappelle, pour cela que le Cycle de Doha était fondé lui aussi sur le concept général de compromis entre les différentes questions et sur le schéma de l'engagement unique, mais depuis des doutes sont apparus sur le point de savoir si la formule qui avait fonctionné aux temps du GATT pouvait produire des résultats aussi ambitieux dans le cadre du Cycle de Doha.

148 Jean-Marie WAREGNE, « l'OMC après Seattle - le chantier inachevé » op.cit., p. 7.

149 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC face à la crise des négociations multilatérales », op cit., p.5.

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constitue à cet égard une équation à plusieurs inconnues. Plusieurs exemples permettent de conforter cette analyse.

B. Etude de cas typique: l'impasse du cycle de Doha

Lancé en décembre 2001 pour ne durer que tout au plus trois ans, le cycle de Doha, également dénommée l'Agenda de Doha pour le Développement (ADD) s'est vite retrouvé dans l'impasse. Pour preuve, il a fallut pas moins de six conférences ministérielles150, plus de douze années de négociations intenses pour aboutir à un accord a minima à Bali151.

L'ADD est un programme de négociations axé sous le signe de l'engagement unique. Il vise l'intégration des PED-PMA152 au « système commercial multilatéral ouvert [et] fondé sur des règles [qui] correspondent aux besoins de leur développement économique »153 [étant donné que] « le commerce international peut jouer un rôle majeur dans la promotion du développement économique et la réduction de la pauvreté »154.

A l'évidence, l'agenda de Doha est principalement mû par un esprit volontariste. Il s'agit avant tout d'accompagner les économies les plus faibles à réussir progressivement leur intégration au système commercial multilatéral. Comme le souligne le professeur Mehdi ABBAS, « le cycle de Doha peut être analysé comme la recherche d'un nouveau compromis Nord-Sud en matière de TSD et in extenso un nouveau compromis sur la façon dont s'articulent mondialisation et développement, libre-échange et stratégies nationales de développement »155. Preuve que la question de développement paraissait centrale dans son contenu, l'ADD a vu tous ses volets assortir de dispositions spéciales qui constituent autant de concessions faites au monde en développement, en particulier aux PMA. Le point d'orgue de cette dynamique reste sans conteste la consécration de la logique du traitement spécial

150 On mentionnera avec intérêt outre la dernière Conférence Ministérielle en date, en l'occurrence celle de Nairobi, 15-19 décembre 2015, les conférences de : Bali, 3-6décembre 2013 ; Genève, 15-17 décembre 2011 ; Genève, 30 novembre - 2 décembre 2009 ; Hong Kong, 13-18 décembre 2005 ; Cancún, 10-14 septembre 2003 ; Doha, 9-13 novembre 2001 ; Seattle, 30 novembre-3 décembre 1999 ; Genève, 18-20 mai 1998 ; Singapour, 913 décembre 1996.

151 Pascal LOROT, « Le cycle de Doha n'a accouché finalement que d'un accord à minima en décembre dernier à Bali », le nouvel economiste.fr, consulté le 10 juin 2015.

152Conférence ministérielle de l'OMC, Doha, 2001 : déclaration ministérielle, WT/MIN (01) DEC1, § 3.

153 Ibidem. § 2.

154 Ibid.

155 Mehdi ABBAS, « Mondialisation et développement. Que nous enseigne l'enlisement des négociations commerciales de l'OMC ? », LEPII ; 9/2009. 2009, p.3.

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différencié en (TSD)156, envisagé comme l'une des mesures marquantes de cette volonté de rééquilibrage dans les rapports Nord-Sud.

Cependant, cette grandeur de l'esprit de Doha tant célébrée par les promoteurs, s'éclipse rapidement devant les déceptions et régressions engendrées par l'enlisement des négociations devant conduire à son adoption. Les négociations butent régulièrement sur plusieurs points. Néanmoins la pomme de discorde la plus notable demeure le dossier brûlant de l'agriculture qui voit opposé principalement les États-Unis et l'Union Européenne au bloc des pays émergents formé par le groupe de Cairns157 au sujet des subventions agricoles. Parallèlement, les différentes parties n'accordent pas leurs violons sur des questions pourtant essentielles telles que l'industrie, les services, l'accès aux marchés publics, le commerce électronique, les droits de propriété intellectuelle etc. A chaque fois annoncées comme susceptibles de déboucher sur un accord imminente, les négociations finissent presque toujours par être purement et simplement repoussées aux calendres grecques.

Au total, de Doha à Bali158, le bilan des douze années de négociations acharnées ayant englouti tant d'énergies et des centaines de millions de dollars paraît plus que mitigé. Force est alors de reconnaître que ces blocages répétitifs des Conférences ministérielles exposent constamment l'OMC à de crises cycliques. C'est ainsi que les Etats perdent de plus en plus leur confiance dans le système, se détournent du multilatéralisme et préfèrent recourir à la voie bilatérale pour la conquête des marchés ; ce qui in fine justifient l'adoption des accords commerciaux préférentiels de type régionaux ou bilatéraux aboutissant ainsi

156 Le TSD comporte six catégories de dispositions : i) les dispositions visant à améliorer les opportunités commerciales pour les PED-PMA, parmi lesquelles celles relatives à l'accès aux marchés des pays du Nord ; ii) les dispositions impliquant la prise en compte des intérêts des PED-PMA lors de l'adoption de mesures commerciales par les pays du Nord ; iii) les dispositions donnant aux PED-PMA une capacité discrétionnaire dans l'élaboration de leur politique commerciale et les exemptant des disciplines commerciales appliquées par et aux pays développés ; iv) les dispositions relatives à l'aide et à l'assistance technique ; v) les provisions relatives à la protection de leur marché intérieur ; vi) les provisions accordant aux PED-PMA des délais plus longs d'exemption à la norme multilatérale. Pour plus amples une détaillée, cf. Charles-Emmanuel COTE, « De Genève à Doha : Genèse et évolution du Traitement spécial et différencié des pays en développement dans le droit de l'OMC », Revue de droit de McGill, vol. 56,2010, pp.115-176. Voir également, Guy FEUER, « L'Uruguay round et les Pays en développement » Annuaire français de droit international, vol 40, 1994, pp. 758-775.

157 Le Groupe de Cairns regroupe les gros pays agricoles comme l'Australie, l'Afrique du sud, l'Argentine, le Brésil, la Colombie, la Costa Rica, la Bolivie, le Canada, le Chili, l'Indonésie, la Malaisie, le Guatemala, Nouvelle-Zélande, le Pakistan, le Paraguay, le Pérou, les Philippines, la Thaïlande, et l'Uruguay. En tout, 19 pays réunissant 1/4 de la production agricole mondiale.

158 Le paquet de Bali est constitué de trois piliers essentiels qui sont : i) la facilitation des échanges commerciaux : les mesures prises visent à réduire la bureaucratie aux frontières ; ii) l'aide au développement des pays les moins avancés : il est prévu une exemption accrue des droits de douane aux produits provenant des pays les moins avancés ; iii) sur l'agriculture l'engagement fut renouvelé à réduire les subventions à l'exportation

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irrémédiablement à la « balkanisation des échanges »159. Il va sans dire que les inquiétudes sur l'avenir du multilatéralisme ne peuvent qu'être légitimement fondées.

Aux difficultés relatives à la crise du cadre de négociations commerciales s'ajoutent celles qui sont liées aux dysfonctionnements internes de l'organe de règlement des différends.

§ 2. LES LACUNES DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS

En vertu de l'article 3.2 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends de l'OMC, « le système (..) est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral ». L'objectif visé par ses promoteurs était donc double : d'un côté, le mécanisme se voulait préventif c'est-à-dire améliorer la prévisibilité du système commercial multilatéral et de l'autre coté, curatif puisqu'il s'agissait avant tout de renforcer la sécurité du mécanisme de régulation dans son ensemble. C'est donc au regard des deux objectifs, au demeurant ambitieux qu'il nous importera d'évaluer l'efficacité de l'ORD sous le prisme de la procédure mise en oeuvre (A) mais aussi au travers de la nature des sanctions (B).

A. Des insuffisances tenant à la procédure mise en oeuvre

Au plan de la procédure, le système présente de graves insuffisances. La prévisibilité et la sécurité du mécanisme tant vantée dans les textes est loin de faire ses preuves dans la pratique d'autant plus que non seulement des lenteurs procédurales sont à relever dans la phase d'examen mais plus pernicieux encore, à l'étape d'exécution, le dilatoire demeure l'obstacle principal.

En ce qui concerne le premier point, malgré les délais prévus, une procédure complète de règlement de différends exige encore un temps considérable durant lequel le plaignant continue de subir le préjudice économique si la mesure contestée est effectivement incompatible avec les règles de l'OMC. En effet, selon une étude réalisée récemment par le General Accounting Office américain sur 42 règlements des différends, 19 cas ont pu être résolus avant la phase contentieuse de l'ORD. Mais, dans 15 cas, les délais moyens

159 Pascal LOROT, « Le cycle de Doha n'a accouché finalement que d'un accord à minima en décembre dernier à Bali », le nouvel economiste.fr, consulté le 10juin 2016.

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atteignaient 21 mois. Ces lenteurs procédurales laissent les Etats et leurs entreprises dans une incertitude difficilement acceptable. De même, il a fallu attendre pas moins de trois années avant que l'affaire de l'amendement Byrd160 ne connaisse son dénouement, alors même que, par principe, le délai de réponse de l'ORD est généralement de 60 jours. Ce délai a été encore plus allongé dans le contentieux commercial sur la banane161 où l'arbitrage de l'OMC s'est étalé sur une durée record de 12 ans. De ce point de vue, il ne fait aucun doute que le système paraît désaxé au regard de son ambition de prévisibilité.

Ensuite, les problèmes rencontrés dans l'exécution des décisions de l'ORD sont encore plus importants d'autant plus que le manque de volonté de coopérer est le plus souvent manifeste, comme en témoignent éloquemment le différend de la viande aux hormones162.

A cela s'ajoute le déséquilibre réel malgré l'apparente égalité de droit de tous les Etats entre les pays pauvres et le pays riches. En effet, les honoraires très coûteux des cabinets d'avocats dissuadent les PMA de recourir à l'ORD. Il s'en suit que ces pays ne peuvent véritablement se prévaloir des droits induits par le système commercial international.

Enfin les défauts du système résident aussi dans l'absence de transparence des procédures puisque les délibérations sont confidentielles et les experts demeurent anonymes.

Aussi importe-t-il de conclure que la longueur du processus, le déficit de transparence ainsi que le déséquilibre dans la saisine de l'ORD constituent autant de pesanteurs à l'encontre des ambitions de prévisibilité et de sécurité du système. A ces pesanteurs s'ajoutent des avatars tenant à l'absence de sanction.

160 Voir l'affaire WT/DS/217/2003 Etats-Unis - loi sur la compensation (Rapport de l'organe d'appel). Le 21 décembre 2000 les plaignants, entre autre l'Australie, l'UE le Brésil le Chili le Canada avaient saisit l'ORD sur l'amendement Byrd qui prévoyait l'obligation pour les autorités douanières américaines de distribuer des droits compensateurs aux producteurs locaux touchés par des mesures de dumping. Le groupe spécial mis en place par l'ORD a considéré que la mesure était incompatible avec certaines dispositions de l'accord antidumping. Le 16 janvier 2003, l'Organe d'appel a confirmé la constatation du groupe spécial.

161Débuté en 1996, l'affaire de la Banane III (WT/DS27/2008 CE -_ Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution de la banane) a connu moult rebondissements. Il a fallut attendre le 8 novembre 2012 pour voir cette affaire réglée ou classée (demande retirée ou solution convenue d'un commun accord).

162 Voir l'affaire Communautés européennes - Mesures communautaires concernant les viandes et les

Produits carnés (Plainte des États-Unis) (1998), OMC Doc. WT/DS26/AB/R et WT/DS48/AB/R

(Rapport de l'Organe d'appel) [Hormones]. Dans cette affaire en particulier, en dépit de leur engagement à se conformer aux recommandations de l'ORD, les communautés européennes ont refusé à se mettre en conformité vis-à-vis de cette décision. L'ORD a alors autorisé les Etats Unis à prendre des mesures de rétorsions prenant la forme de suspension de concessions à l'égard des communautés européennes. Aux dernières nouvelles, les deux parties ont trouvée un terrain d'attente : les Communautés européennes s'engagent à importer la viande bovine provenant d'animaux non traités avec certaines hormones en échange de droits majorés appliqués par les Etats-Unis.

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B. Des défauts tenant à l'absence de sanction

Une analyse approfondie de la variété des sanctions prévues par le Mémorandum sur le règlement des différends laissent apparaître des insuffisances notables.

D'une part, en faisant une appréciation rétrospective du mécanisme de l'ORD durant ces vingt dernières années, on est saisi par une profonde impression de carence et un fort sentiment de déception : carence parce que seuls les États peuvent saisir l'ORD, alors que curieusement les victimes directes des violations des règles commerciales internationales, en l'occurrence les opérateurs économiques, n'y ont directement pas accès. Cette limitation du droit de saisine laisse indubitablement subsister la crainte que ces derniers soient condamnés à exercer un lobbying insistant auprès de leurs États. D'autre part, le pays en infraction et condamné peut toujours négocier des « compensations commerciales mutuellement acceptables »163, ou « suspendre des concessions ou d'autres obligations en ce qui concerne le(s) même (s) secteurs (s) que celui (ceux) dans lequel (lesquels) le groupe spécial ou l'Organe d'appel a constate une violation »164. Ces mécanismes particuliers de la procédure de l'ORD semblent donc ne pas être conciliables avec l'idée d'une démarche de droit.

Par ailleurs, il faut souligner que les accords de l'OMC font souvent référence à d'autres institutions internationales telles que l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, (OMPI). Ce qui interroge sur une concurrence éventuelle entre ces régimes juridiques.165 Une mention spéciale doit être faite au mécanisme de prélèvement de droits de douane punitifs166 qui est, enfin, totalement impraticable pour les pays pauvres lorsqu'ils sont confrontés à des super puissances économiques qui rechignent à coopérer. Ce phénomène a été très clairement mis en évidence par les problèmes rencontrés par l'Équateur dans l'application des sanctions à l'encontre de l'UE dans le cas des importations de bananes167. De même, tout récemment, l'Afrique du sud est sortie totalement affaiblie du bras de fer qui l'a opposé plusieurs mois durant aux Etats-Unis au sujet de l'importation de la volaille. Face à la menace de suspension

163 Voir l'article 22 §2du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Annexe 2 de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, 14 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 426.

164 Ibidem §3 a).

165 Pour des cas de différends commerciaux, voir Hélène RUIZ-FABRI, « Le règlement des différends au sein de l'OMC : naissance d'une juridiction, consolidation d'un droit » in mélanges en l'honneur de Philippe Kahn, paris, Litec, 2000, p. 347. De même voir David LUFF, Le droit de l'organisation mondiale du commerce : analyse critique, LGDJ, 2004, p.15 et ss.

166 On parle généralement de suspension de concession qui une forme de contre-mesure qui prend souvent la forme d'une augmentation des droits de douanes sur les importations.

167 WT/DS27/R/ECU Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes (Plainte de l'Équateur) (1997), OMC. Doc. (Rapport du Groupe spécial).

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du tarif préférentiel de vente sur le marché américain dont l'Afrique du sud est bénéficiaire dans le cadre de l'African Growth Opportunity Act (AGOA)168, Pretoria n'a eu d'autres choix que de se plier à la volonté de Washington. Plus pernicieux encore, le rachat d'obligation instauré par le Mémorandum de règlement de différends peut s'analyser comme une prime à la transgression des règles commerciales.

Ces mesures sont, en tout état de cause, contraires à l'esprit de l'OMC et elles peuvent donner l'impression qu'un pays s'en tire à meilleur compte avec des mesures (de rétorsion) de nature protectionniste ; ce qui, in fine, ne laisse manifestement que peu de crédit au mécanisme de sanction de l'ORD et par extrapolation à l'OMC169. On comprend donc assez aisément qu'aujourd'hui l'Organisation soit l'objet de tant de contestations.

168 «African Growth Opportunity Act» est une loi adoptée en mai 2000 par le Congrès américain ayant pour objectif de soutenir l'économie des Etats africains. A noter que cette loi est régulièrement l'objet de vives critiques. On lui reproche d'avoir instauré un système asymétrique dont le cadre ne permet pas aux petits pays africains de faire valoir leurs conditions alors que les Etats-Unis se réservent un droit exclusif de suspendre les clauses qui menaceraient leurs propres productions. Voir Didier LAURENT, « Régimes préférentiels et système commercial multilatéral : une analyse comparative des accords Europe-ACP et de l'AGOA », Revue juridique de l'océan indien, 2013, no16, p.113-152.

169 Romain BENICCHIO, Céline CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC », L'Économie politique 2007 (no 35), p. 55.

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Chapitre II. Une organisation contestée

Le système commercial multilatéral qu'incarne l'OMC a contribué d'une manière ou d'une autre à la croissance économique, au développement, et à l'emploi ces dernières décennies dans plusieurs parties du monde. Pourtant, l'OMC est depuis quelques temps contestée.

Beaucoup estiment que l'OMC ne prend pas suffisamment en compte les caractéristiques et les besoins particuliers des pays en développement. Des auteurs tels que Romain BENICCHIO et Céline CHARVERIAT ont par exemple montré qu'il y a une « dichotomie (...) entre l'attente des PED de solutions adaptées à leurs problèmes, et la volonté des pays de l'OCDE de préserver leurs politiques agricoles tout en s'ouvrant de nouveaux marchés dans les PED, que ce soit dans les domaines agricole, industriel ou des services »170. Or ces pays représentent à eux seuls environ 80 pourcent de la population mondiale, et plus du trois quart des Etats membres de l'Organisation171. De leurs frustrations naît alors la contestation. Le point d'orgue de cette contestation des PED fut la conférence de Seattle qui a vu les réunions annulées en partie en raison de la forte opposition des PED sur des dossiers aussi épineux que sont l'agriculture en raison des soutiens internes et des subventions accordées aux agriculteurs des pays du Nord. En outre, une partie des critiques actuelles émane de la société civile internationale, en l'occurrence des mouvements dits altermondialistes qui reprochent à l'OMC d'être peu regardant sur les questions intéressant les valeurs sociétales172. Cette contestation s'élargit aussi aux économistes qui vilipendent l'Organisation au sujet des pseudos bienfaits du libéralisme.

En somme, ce sont donc essentiellement deux points qui prêtent constamment le flanc à la contestation : d'une part, la place marginale des PED dans le système commercial multilatéral, une mise à l'écart continuelle qui contribue à attiser leurs frustrations vis-à-vis de l'OMC (Section I) et d'autre part, la question des politiques sociales en amont des contestations principalement sociales et économiques (Section II).

170 Romain BENICCHIO, Céline CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC », op.cit., p. 57.

171 Cf. la liste des membres disponible sur https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/org6_f.html

172 Au titre de ces valeurs, l'on évoque souvent les droits de l'homme, les normes de travail, les normes environnementales, etc.

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SECTION I. L'OMC, UNE ORGANISATION CONTESTEE PAR LES PAYS EN DEVELOPPEMENT

L'OMC est de plus en plus sous le feu de la critique des PED qui l'accusent d'avoir instaurer un système commercial multilatéral inégalitaire loin de favoriser leur intégration dans le commerce international. Il convient alors de prendre la teneur de la contestation liée à la marginalisation des PED dans le système commercial international (§ 1) avant d'envisager celle qui est inhérente aux asymétries des accords (§ 2).

§1. UNE CONTESTATION LIEE A LA MARGINALISATION DES PED DANS LE SYSTEME COMMERCIAL MULTILATERAL

Longtemps considérés comme « quémandeurs de traitements préférentiels »173 et parents pauvres de la mondialisation, les pays en développement sont encore bien moins lotis lorsqu'il s'agit d'évoquer leur situation actuelle dans le commerce mondial (A) ainsi que leur place au sein de l'OMC (B).

A. La persistance de la fracture Nord-Sud dans le commerce mondial174

Au 1er janvier 1995, la mise en place de l'Organisation mondiale du commerce avait été globalement saluée comme une avancée majeure pour les PED175. Et pour cause, cette euphorie dans le Sud était à la mesure de l'ambition clairement affichée par la nouvelle Organisation. En effet, en vertu de l'Accord instituant l'OMC, le cadre multilatéral devrait « faire des efforts positifs pour que les pays en développement en particulier, les moins avancés d'entre eux, s'assurent une part de la croissance du commerce internationale qui corresponde aux nécessités de leur développement économique »176. Le point d'orgue de cette noble ambition fut d'ailleurs la consécration du Traitement spécial différencié (TSD)177 censé protéger les acteurs commerciaux les plus faibles.

173A ce propos voir Philippe VINCENT, L'OMC et les pays en développement, Larcier, 2010. p.5 et ss.

174 Ce rapport déséquilibré entre les pays du Sud et les pays du Nord pourrait s'analyser comme une résultante de la chute du mur de Berlin qui met désormais face à face les pays de Nord et les pays du Sud, avec à la clef la responsabilisation des pays du Sud sur le plan international.

175 Guy FEUER, « l'Uruguay round, les pays en développement et le droit international du développement », op.cit., p.758.

176 Voir Préambule de l'accord instituant l'OMC.

177 Mis en place lors de la conférence de Doha en 2001, le TSD, regroupe un certain nombre clauses introduites dans différents accords de l'OMC en faveur des pays en développement, la finalité de celles-ci étant d'accorder

Cependant, après plus de vingt ans de fonctionnement de l'OMC, le Nord domine toujours outrageusement le commerce mondial, fixe discrétionnairement les prix des produits agricoles alors que le Sud dans sa grande majorité est encore loin de faire son retard. Ainsi, malgré les deux décennies de croissance économique sensible dans les Pays Développés (PD) et dans les PED, les pays les moins avancés (PMA)178, quant à eux, n'ont pu profiter que modestement de la formidable expansion économique : leur part dans le commerce mondial de marchandises (exportations et exportations confondues) est actuellement de 1,08 pourcent179. Pire leur part dans le secteur des services ne dépasse pas 0.5180 pourcent en 2010 alors qu'il était au même niveau en 2000. Au fil des années, force est de constater que le déséquilibre en termes de balance commerciale longtemps constaté entre les pays riches et les pays pauvres et pour lequel l'Accord instituant l'OMC se propose de servir de correctif, semble en définitive persisté voire se renforcé. Dans un récent Rapport, la CNUCED indique que la chute des cours des matières premières a entraîné une baisse des exportations et des importations des PMA, d'où un doublement de leur déficit commercial qui est passé de 36 milliards de dollars en 2014 à 65 milliards de dollars en 2016181. C'est surtout au niveau du commerce des matières premières que la situation des ces pays est encore plus perceptible. En effet, la part des exportations des produits minéraux, des combustibles ne cessent de décliner et avec elle, l'effondrement des économies des PED, encore essentiellement primaires182. Plus pernicieux, l'excroissance des obstacles non tarifaires, la multiplication des soutiens internes à l'agriculture, y compris pour le coton dans les pays riches, les subventions à l'exportation continuent d'accentuer la mise à l'écart continuel des PMA dans le commerce international.

Le constat est donc sans appel, en dépit de la mise en place de l'OMC, les PED dans leurs grandes majorités continuent d'occuper une position marginale dans le commerce mondial qui, par conséquent, demeure largement inégalitaire.

une aide suffisante aux industries naissantes de ces pays à l'interne (protection) comme à l'externe (préférences commerciales).

178 Les PMA incluent les 49 pays les plus pauvres de la planète dans quatre continents dont l'Océanie. Selon la CNUCED ces pays répondent à 3 critères à savoir un revenu national bas, un capital humain faible et une grande vulnérabilité économique. Plus de la moitié des pays africains font partie de cette catégorie.

179 OMC /Introduction au commerce et au développement, disponible sur https://ecampus.wto.org/TD-M2-R1-F.

180 Idem.

181 CNUCED, Rapport 2016 sur les pays les moins avancés, disponible sur http://www.unctad.org/ldc.

182 Idem.

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S'il paraît indéniable que la position des PED dans le commerce mondial reste peu enviable, il en va de même de leur place au sein de l'OMC.

B. La place marginale réservée aux PED au sein de l'OMC

Cette question sera abordée autour de deux pôles qui font inexorablement l'objet de récriminations de la part des pays du Sud, à savoir leur marginalisation du point de vue normatif ensuite leur marginalisation du point de vue de la participation aux travaux de l'OMC.

Sur le premier point, pour séduisant qu'il puisse paraître prima facie, le cadre normatif l'OMC n'emporte pas toujours la satisfaction des Etats du Sud: si sa philosophie semble plus altruiste, il est infiniment préférable de tenter de réglementer l'usage qui peut être fait de la puissance en amont de la production des normes que de la laisser produire ses effets dans la sphère même du droit. Bien évidemment, ce sont toujours les Etats puissants du Nord qui tirent le plus d'avantages du cadre multilatéral. En effet, le cadre normatif de l'OMC leur a permis, jusqu'à maintenant, d'imposer leurs lois aux pays du Sud. La configuration actuelle de l'économie mondiale, la géographie de la richesse mondiale permettent de penser que la plupart des règles de l'OMC ont été élaborées pour favoriser leurs intérêts dans un sens qui accroît leur hégémonie sur le reste du monde. Le résultat, comme le soulignait un Rapport de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, est que pour certains groupes de l'humanité, l'OMC est vécue comme un « véritable cauchemar »183.

Sur le second point, relativement à la participation des PED aux travaux de l'OMC, il relève de l'évidence que jusqu'à présent, les pays du Sud sont encore minoritaires bien que la plupart des questions abordées aient souvent été d'une importance significative pour ces pays, du moins pour la majorité d'entre eux. En effet, la principale équation pour les PED demeure sans aucun doute le défi de leur participation à l'OMC. Et pour cause, parmi les pays en développement, certains pays, faute de ressources financières, administratives mais aussi par manque de compétences techniques, ne sont pas en mesure d'entretenir une représentation permanente au sein de l'Organisation. Il s'ensuit dès lors une obstruction manifeste quant à la capacité de ceux-ci à assurer une participation optimale à l'ensemble des travaux. En conséquence, ils ne peuvent ni s'imprégner des enjeux ni défendre leurs intérêts.

183 Joe OLOKA-ONYANGO et DEEPIKA UDAGAMA, La mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance des droits de l'homme, Rapport préliminaire présenté le 15 juin 2000, in Rapport d'information no 2750 « sur la place des pays en développement dans le système commercial multilatéral », Assemblée nationale française, 2000, p.41.

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Dans le Rapport d'information sur la place des pays en développement dans le système commercial multilatéral, il a déjà été indiqué que vingt-huit pays membres de l'OMC n'entretiennent aucune représentation à Genève'84.

En effet, contrairement à ses objectifs, l'Organisation n'accorde que peu de ressources au financement de l'assistance technique promis aux pays les plus faibles. Cette inadéquation complète entre les objectifs poursuivis et les moyens qui leur sont consacrés fait alimenter ainsi la frustration des PED.

Outre leur marginalisation dans le système commercial multilatéral, les PED s'indignent davantage des asymétries des accords de l'OMC.

§2. UNE CONTESTATION LIEE AUX ASYMETRIES DES ACCORDS DE L'OMC

Dans la répartition des droits et obligations contenus dans un certain nombre de conventions estampillées OMC, la comparaison entre le Nord et le Sud est tout sauf évident. Certains accords se caractérisent par un véritable déséquilibre entre les pays du Nord et les pays du Sud. Il en est ainsi de l'Accord sur l'agriculture (A), ainsi que l'Accord sur la propriété intellectuel (B).

A. L'iniquité de l'Accord sur l'agriculture

L'Accord sur l'agriculture fixe le cadre juridique destiné à une réforme en profondeur et à long terme des politiques intérieures des Etats membres relatives au commerce des produits agricoles. Son ambition est bien évidemment de parvenir à une concurrence plus équitable et à moins de distorsions possibles. À cet égard, cet Accord vise essentiellement trois points : d'abord, l'accès aux marchés qui évoque les concessions et les engagements que les membres doivent offrir concernant l'accès aux marchés; c'est ainsi que les mesures non tarifaires à la frontière sont remplacées par les droits de douanes qui assurent une protection uniforme. Ensuite, le soutien interne qui table sur la réduction des recours aux subventions et aux mesures de soutien publics stimulant la production et aboutissant à la distorsion des échanges. Et enfin, la concurrence à l'exportation qui vise la réduction des mesures de subvention à l'exportation.

'84Idem.

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Si à la lecture de ces dispositions, il est évident que cet Accord se veut être, avant tout, le correctif des distorsions en matière de commerce des produits agricoles, en quoi consiste alors le déséquilibre dont il est souvent accablé ?

En effet, sur le chapitre de l'agriculture, plusieurs observations peuvent être faites.

En premier lieu, comme pour la plupart des conventions de l'OMC, les PED sont tenus d'appliquer l'Accord sur l'agriculture. Or la définition du contenu de cet Accord leur a largement échappé. Résultat, ces pays se sentent parfois piégés lorsqu'ils commencent à les mettre en oeuvre. On se souvient encore de ces propos plus que révélateurs de l'expert de l'OMC du ministère du commerce extérieur de la Guinée qui confiait que son pays avait adhéré à l'OMC « sans savoir à quoi cela l'engagerait, comme lorsqu'il avait plafonné des droits de douane sans avoir conscience, par manque d'informations, que cela aboutirait au sacrifice de certains secteurs importants de son économie. »185. Les pays en développement en viennent alors à considérer que ces accords qu'ils ont signés, en toute méconnaissance de cause, se fait systématiquement à leur désavantage.

En deuxième lieu, la consolidation des tarifs pratiqués par les PD a abouti à des droits prohibitifs, empêchant les PED d'exporter leurs marchandises. Selon une étude menée par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) les droits de douane appliqués par les pays industrialisés sont longtemps restés à un stade élevé, en général de l'ordre de 35 % pour les produits agricoles d'importation186. Ce n'est qu'à partir de 2005 que taux est descendu sous la barre des 17% pour se situer finalement au tour 20% en moyenne en 2015 pour les produits agricoles en provenance des PMA187.

En troisième lieu, les soutiens à l'agriculture sont hors de la portée financière de la plupart des PED en raison notamment de l'impact de nombreuses années de politiques d'ajustement structurels ayant conduit à un désengagement de l'Etat du fait de la diminution considérable de ses moyens alors que les producteurs du Nord continuent d'être largement subventionnés. Sur le dossier du coton par exemple le groupe « Coton -4 »188 a presque toujours lancé un appel urgent à l'élimination de toute forme de subvention et de soutien interne à la production. Mais cet appel est demeuré sans suite et la dixième conférence

185 Idem., p. 56.

186 OECD, Preliminary Report on market access aspect of Uruguay Round Implementation, Document COM/AGR/APM/TD/WP (99) 50, juin1999, Paris . Document disponible sur http://www.oecd.org

187 OMC, Introduction au commerce et au développement. Document disponible sur https://ecampus.wto.org/TD-M2-R1-F. html

188 Les pays du groupe coton -4 sont le Burkina Faso, le Bénin, le Tchad et le Mali.

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ministérielle tenue à Nairobi en Décembre 2015, n'a pas permis d'obtenir des avancées significatives puisqu'« aucune idée ou option n'a fait l'objet de consensus »189 .

A l'évidence, loin de correspondre à la générosité qu'il affiche, l'Accord sur l'agriculture est révélateur d'une flagrante inégalité de traitement qui existe entre des pays ayant arrêté leur soutien à l'agriculture, faute de moyens, et les pays industrialisés disposant d'énormes capacités d'intervention qui ont été reconnues, voire renforcées, par les règles de l'OMC, y compris sur les aspects touchant aux droits de propriété intellectuelle.

B. Le déséquilibre de l'Accord sur la propriété intellectuelle

L'Accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)190, entré en vigueur le 1er janvier 1995 est un texte annexé à l'Accord instituant l'OMC qui a introduit pour la première fois les règles sur la propriété intellectuelle191 dans le système commercial multilatéral. A l'origine mû par la nécessité de protéger les droits de propriété intellectuelle, l'ADPIC va très vite se retrouver au coeur d'une controverse principalement alimentée par les PED. A ce propos, il a depuis lors fait l'objet d'études diverses.

Pour la majorité des études réalisées sur la question, les économies sous-développées sont les grandes perdantes de l'Accord ADPIC192. Le déséquilibre de cet Accord viendrait de ce qu'il empêche ces pays de refaire leur retard en basant leurs politiques d'industrialisation sur des procédés et méthodes de fabrication mis en place dans d'autres pays alors même que cette stratégie avait été longtemps utilisée par les pays du Nord pour se développer193.

189 Source OMC/ déclaration de M. l'ambassadeur Vangelis Vitalis, président des négociations sur l'agriculture lors de la dernière consultation sur le coton menée à l'OMC le 23 novembre 2016.

190 L'accord sur les ADPIC (ou encore TRIPS en anglais) constitue l'annexe 1C de l'accord de Marrakech instituant l'OMC du 15 avril 1994 consultable sur http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/t_agm0_f.htm.

191 Il s'agit des droits d'auteur, les marques de fabrique ou le commerce des brevets, etc.

192 Cloatre EMILE, « Brevet pharmaceutiques occidentaux et accès aux médicaments dans les pays pauvres : le cas du Djibouti face au droit international de propriété intellectuelle », science sociale et santé vol, 4/2008 (vol. 26), pp.51-74 ; Keith MASKUS, «strengthening Intellectual Property Rigth in Asia: Implication for Autralia» Australian economic papers, 1998, pp.346-361.

193 En guise d'illustration, certaines sources historiques situent l'invention de la poudre à canon durant la dynastie Han. Aujourd'hui, l'industrie occidentale de l'armement qui domine ce marché continue de recourir à ce procédé sans que des droits de propriétés intellectuelles n'aient été préalablement concédés à la Chine.

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Ensuite, cet Accord écarterait les PED des biens essentiels. En effet, l'article 7 de cet Accord met en avant un esprit volontariste notamment celui de contribuer à la promotion de l'innovation technologique, au transfert de la technologie, ainsi qu'à la mutualisation des avantages de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent les innovations techniques. Toutefois force est de constater qu'à l'heure actuelle, l'ADPIC n'a guère contribué à favoriser le transfert massif de technologies en direction des pays en développement. Au contraire, plusieurs analyses soutiennent que l'ADPIC contribue à remettre en cause la satisfaction des besoins les plus essentiels de ces pays. Cette situation s'explique essentiellement par le fait que les entreprises titulaires des brevets, dans le souci d'amortir le plus rapidement possible les coûts de leurs recherches, ont tendance à concentrer leurs efforts dans les secteurs où il existe une garantie de solvabilité. Cette propension à la recherche de rentabilité rapide pousse celles-ci à aller vers les secteurs porteurs qui intéressent les pays riches au détriment des domaines qui intéressent les pays pauvres comme l'a indiqué Martin KHOR, président de l'ONG Malaisienne Third World Network. Ainsi, selon les données du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) moins de 1 pourcent des activités mondiales de recherche relative à la santé portent sur la pneumonie, les maladies diarrhéiques et la tuberculose, alors que ces affections représentent 18 % des maladies à l'échelle mondiale. De même, c'est près de 10 millions d'enfants de moins de 5 ans qui meurent chaque année dans le Tiers-monde faute d'avoir accès aux médicaments. Ceci justifie pleinement la terminologie aux accents misérabilistes de « médicament orphelin »194 pour désigner cette réalité.

Enfin, avec l'ADPIC, les entreprises privées se voient accorder pendant 20 ans une position dominante qui leur permet de fixer elles-mêmes le prix que doivent payer les Etats afin d'accéder à leurs innovations. Or les PED ne sont pas toujours en mesure de supporter ces coûts généralement exorbitants. Il s'ensuit que l'ADPIC induit à l'encontre des PED une obstruction à l'accès aux produits essentiels. Et comme indiqué plus haut, les conséquences humaines d'un tel dispositif dans le domaine de la santé peuvent être dramatiques pour les pays pauvres en particulier pour les pays africains confrontés parfois à de véritables crises épidémiologiques telles que la pandémie du Sida.

L'on retiendra en définitive que si la création de l'OMC marque l'institutionnalisation et la réglementation des marchés, cela n'a pas eu pour effet d'entrainer la réduction attendue des

194 Anne JEANBLANC, « Des maladies rares mais des malades très nombreux », le point.fr, 29 février 2016. Article disponible sur http://www.lepoint.fr/editos-du-point/anne-jeanblanc/des maladies-rares-mais-des-malades-très-nombreux-29-02-2016-2021713_57.php (consulté le 10 avril 2016).

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inégalités mondiales. Cela étant, il est donc tout à fait compréhensible que l'Organisation suscite actuellement autant de frustrations.

SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION GENERATRICE DE FRUSTRATIONS MULTIDIMENSIONNELLES

Depuis quelques années déjà, l'OMC est décidemment bien dans la tourmente. Une partie importante de l'opinion publique internationale estime que les errements de l'Organisation au cours de ces deux décennies d'existence ont fini par avoir raison de ses ambitions nobles. Depuis Seattle195 en 1999, les rangs de détracteurs ne cessent de grossir. Aux nombres de ceux-ci, l'on retrouve de plus en plus des politiques, des économistes chevronnés, des universitaires, des personnalités de tout premier plan, des leaders d'opinions, des membres d'ONG, des think tank,196 etc. Cependant, parmi les contestations les plus marquantes, l'on retiendra d'une part, la contestation politique portée le plus souvent par les Etats membres et plus largement par les entités intergouvernementales (§ 1) et d'autre part, les critiques sociales et économiques généralement exprimées par les acteurs non gouvernementaux (§ 2).

§1. LA DIMENSION POLITIQUE DE LA FRUSTRATION

Une grande partie des débats publics et des commentaires inhérents aux activités de l'OMC se polarise sur ce qui est perçu comme une aliénation de la souveraineté des Etats (A). A cela s'ajoute une autre facette de la critique qui est, quant à elle, axée sur l'idée d'un manque de démocratie dans le fonctionnement de l'Organisation (B).

A. Une critique liée à l'aliénation de la souveraineté des Etats

Déjà, il faut noter qu'à part le Fond monétaire international (FMI) et la Banque mondiale qui sont de facto des organisations internationales contraignantes, l'OMC, en plus d'être déjà

195 Conférence ministérielle tenue sous la bannière de l'OMC qui a pour la toute première fois enregistré des manifestations importantes contre l'OMC entraînant la suspension des travaux.

196 Un think tank est un groupe de réflexion ou un laboratoire d'idée, en général une structure de droit privé indépendante de l'Etat ou de toute autre puissance, en principe à but non lucratif, regroupant des experts. L'activité principale est la production des études le plus souvent dans les domaines des politiques publiques et de l'économie. On citera par exemple le Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture (MOMAGRI) qui réunit les responsables du monde agricoles, des secteurs de la santé, du développement, etc.

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contraignante au plan de la réglementation, est aussi munie d'un tribunal tout autant contraignant : l'ORD197. Ainsi, au cours d'une procédure de règlement de différends, il arrive qu'un moyen tiré de la violation par une norme législative de nature économique ou commerciale soit invoquée comme moyen de défense à l'encontre d'un Etat. Ce peut être aussi bien le cas, à l'inverse, lorsqu'un texte interne venant en appui à un moyen de défense est jugé incompatible avec une obligation prise dans le cadre de l'OMC198. Dans ces cas de figure, l'Etat concerné, sous peine de sanction, est dans l'obligation d'opérer une modification, un retrait voire une suppression du texte incriminé de son ordonnancement juridique, dans le but de le rendre conforme à l'ordre établi par le système commercial multilatéral. A ce propos, le système de réglementation ainsi que les mécanismes de régulation de l'OMC peuvent apparaître comme une menace au libre choix des Etats et par conséquent être perçus comme une aliénation de leur souveraineté199. Ce raisonnement qui revient régulièrement fait des adeptes parmi les Etats membres en particulier, les PED pour lesquels il y a manifestement un lien évident entre l'activisme excessif de l'OMC et l'atteinte à leur souveraineté. Aussi certains en viennent-ils à dénoncer l'impérialisme de l'Occident à travers les normes de l'OMC.

Néanmoins on peut se poser la question de savoir si ces craintes sont réellement fondées. Pour une partie de la doctrine ces appréhensions sont tout à fait justifiées200. Ces auteurs pointent régulièrement du doigt l'instrumentalisation de l'OMC par les multinationales, une situation qui représente indéniablement un danger pour les politiques intérieures des Etats et par-delà, une menace pour leurs souverainetés201. En effet, durant ces deux décennies d'existence de l'Organisation, il s'est déjà produit que de grandes entreprises qui s'estiment lésées par la législation d'un Etat étranger entreprennent un lobbying frénétique auprès des Etats puissants pour qu'ils intercèdent en leur faveur dans les négociations. L'affaire des

197 Ainsi, conformément à sa volonté de faire prévaloir le droit de l'OMC, l'Organe de règlement des différends de l'OMC (ORD) a par exemple rejeté l'argument de l'Europe basé sur le « principe de précaution » pour imposer son argumentation scientifique afin de justifier l'érection ou non de barrières au commerce.

198 WT/DS26/AB/R Communautés européennes - Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (Plainte des États-Unis) (1998), OMC Doc. (Rapport de l'Organe d'appel) [Hormones].

199 Le concept de souveraineté, est définit comme la puissance suprême (suprema potestas) de gouverner, de commander de décider et qui, liée à l'apparition de l'Etat moderne est indépendante de celui-ci. Voir Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.1045 Il induit à cet égard, comme l'estimaient Jean COMBACAU et Serge SUR, la non-soumission à une autorité supérieure, le fait de n'être le sujet (au sens d'assujetti) d'aucun sujet de droit international (au sens de personnalité juridique). Voir Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, 4 e éd., 1999, p.227.

200 Chloé MAUREL, Géopolitique des impérialismes, op.cit., p. 175.

201 Idem.

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boeufs aux hormones,202 en est ainsi une parfaite illustration car en l'espèce, il ne fait aucun doute que la plainte des États-Unis contre la législation sanitaire européenne n'est que la résultante de pressions diverses émanant de grands groupes alimentaires comme Monsanto203 et Cargill204. On voit bien qu'il en résulte ainsi des effets pervers qui découlent d'une instrumentalisation de l'OMC. Comme le soulignait déjà Virgile PACE au début des années 2000, « les grandes multinationales sont tentées de se servir de l'OMC, via les Etats pour faire valoir leurs intérêts privés. Il y a là un danger qui ne doit pas être sous-estimé. Les Etats sous pression des lobbies peuvent être amenés à utiliser le mécanisme de règlement des différends de l'OMC pour s'attaquer à des législations étrangères qui ne servent pas les intérêts des grands groupes privés205 Cette situation traduit la forme typique de l'aliénation des souverainetés étatiques à l'OMC.

En définitive, dès lors qu'ils considèrent qu'il y a une atteinte à leurs droits nationaux et donc à leur souveraineté, bien de gouvernements n'hésitent plus à dénoncer le fait que peu à peu leurs Etats perdent les leviers du pouvoir de choisir eux-mêmes les orientations et les priorités de leurs politiques économiques. A cet égard, ils ne s'empêchent donc plus de hausser le ton contre l'OMC. Si cette contestation autrefois paraissait bénigne au nom de l'autolimitation triomphant206, désormais elle se fait ouvertement entendre et amplifier autant par les milieux politiques207 que par les médias. A ce propos, on a noté des protestations réactionnaires quasiment à chaque fois que l'OMC engage une procédure de mise en conformité à l'encontre d'un Etat. Le Rapport de 2005 du Conseil consultatif mentionnait ainsi qu'il y a eu littéralement des dizaines de procédures de règlements de différends

202 Voir l'affaire Communautés européennes - Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (Plainte des États-Unis) (1998), OMC Doc. WT/DS26/AB/R et WT/DS48/AB/R (Rapport de l'Organe d'appel) [Hormones].

203 MONSATO est une multinationale américaine spécialisée dans les biotechnologies agricoles, mais aussi présente sur les marchés de semences, des produits et des organismes génétiquement modifiés (OGM).

204 CARGILL est une entreprise américaine spécialisée dans la fourniture d'ingrédients alimentaires et dans le négoce des matières premières.

205 Vigile Pace : « Cinq ans après sa mise en mise en place : la nécessaire réforme du mécanisme de règlement des différends de l'OMC» R.G.D.I.P, 2000, p. 616.

206 La doctrine de l'auto-limitation dispose qu'il n'y a pas d'atteinte à la souveraineté lorsque l'Etat se soumet volontairement à l'ordre international. A noter que cette doctrine demeure majoritaire en droit international public et est incarnée par d'illustres internationalistes tels que JELLINECK. Voir Georg JELLINECK, L'Etat moderne et son droit, Panthéon-Assas, 2004, p.130 et ss. Mieux encore, confortée par le principe de subsidiarité, cette doctrine a intégré le droit positif depuis qu'elle a reçu l'onction du juge international en 1927 dans l'affaire du Lotus, arrêt no 9 série A, CPIJ Rec. 1927.

207 Arnaud MONTEBOURG, Votez pour la démondialisation !, Flammarion, Paris, 2011, p.5 et ss. Voir de même Jacques SAPIR, La Démondialisation, Le Seuil, Paris, 2011. De même, « America first!» signifiant littéralement «Les Etats-Unis d'abord ! » fut le programme qui a récemment porté le candidat TRUMP au pouvoir aux Etats-Unis. Ce programme qui s'articule autour du concept de « patriotisme économique », de la relocalisation des entreprises n'est que l'expression d'un protectionnisme qui fait désormais recette dans les milieux politiques de par le monde.

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soumises à l'OMC dans lesquelles l'idée de souveraineté a été invoquée lorsqu'il fallait appliquer divers normes conventionnelles aux mesures prises par les Etats membres208.

Aussi faut-il se rendre à l'évidence que de telles frustrations qui sont en amont de contestations paraissent dès lors très préoccupantes209 pour le futur de l'institution. Tout comme l'est la critique axée sur l'idée de l'absence de la démocratie.

B. Une critique axée sur l'idée de l'absence de la démocratie

L'OMC suscite la récrimination de certains Etats particulièrement ceux du Sud qui estiment qu'elle est profondément antidémocratique210. Pour le Tiers -monde, le problème clé de l'OMC c'est bien évidemment celui du déséquilibre de pouvoir et le manque de démocratie. Pour démontrer le caractère fondamentalement antidémocratique de la structure OMC, plusieurs raisons peuvent être avancées. D'abord, le choix des négociateurs ne s'est jamais fait sur une base démocratique à l'instar de l'élection211. Ensuite, bien plus condamnable encore, jusqu'à la signature des accords, ces « experts », acquis au catéchisme néolibéral, travaillent dans le secret le plus absolu. Les textes élaborés prennent ainsi l'allure de contrats d'adhésion,212contrevenant ainsi au principe juridique de la libre discussion des clauses entre les parties tout en amoindrissant la portée du principe sacro-saint d'égalité souveraine des Etats en droit international213. Enfin, comme si cela ne suffisait pas, les pays du Sud, en l'occurrence les PMA, ont rarement les moyens financiers et les compétences susceptibles de leur permettre d'engager des procédures, et par conséquent ils sont de facto exclus de celles-ci. Les deux décennies d'existence de l'OMC n'ont toujours pas suffit à rendre inclusif l'accès au règlement des différends comme en témoigne le déséquilibre notoire dans la répartition mondiale des Etats qui saisissent l'ORD214. Ce déséquilibre ne manque pas de susciter régulièrement de l'indignation dans les PED. « C'est dommage et

208 OMC, l'avenir de l'OMC. Relever les défis institutionnels du nouveau millénaire, op.cit., p.34.

209 Chloé MAUREL, Géopolitique des impérialismes, op. cit., p.176.

210 La démocratie repose essentiellement sur la liberté individuelle, la règle de la majorité et le pluralisme.

211 L'élection, peut être définie comme le choix par les citoyens de certains d'entre eux pour la conduite des affaires publiques. Voir Gérard CORNU (Sous la dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p.241. Concrètement, c'est un choix réalisé au moyen d'un suffrage (vote ou approbation) auquel toutes les personnes disposant d'un droit de vote sont appelées à participer.

212 Type de convention dont le contenu est exclusif d'une partie qui en amont en rédige seule les conditions et qui l'impose à l'autre partie. Voir Gérard CORNU (Sous la dir.), op.cit., p.158.

213 Ce principe a depuis été systématisé par la jurisprudence de la CPA, 4 avril 1928, RSA, II, p.838 ; puis consacré par la Charte des Nations Unies en son art. 2 §1 qui déclare que l'organisation « est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses membres ». De ce principe résulte un autre : « un Etat, une voix ! ».

214 Source : OMC/carte des différends entre membres de l'OMC. Disponible sur www.wto.org.

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décevant que les négociations [à l'OMC] ne soient jamais allées au delà du groupe des sept principales puissances commerciales », fulminait, en 2008, Popane LEBESA, ex-ministre du commerce du Lesotho représentant le groupe africain lors des négociations du cycle de Doha215. Ces propos font échos aux déclarations de Tetteh HORMEKU du Third World Network216 qui affirmait en 2005 que « L'OMC n'est plus un forum de concertation sur le commerce mondial, elle est devenue un instrument de pouvoir entre les mains de puissances économiques qui imposent leurs volontés au monde entier »217.

Néanmoins, même s'il est évident que les Etats du Sud sont directement en première ligne de ce front, les critiques n'émanent pas que de leurs rangs. Ces dernières années, l'on entend de plus en plus les critiques qui émergent des milieux d'affaires des pays riches. Selon Jean Luc GREAU, « il n'y a que trois catégories de vainqueurs [du libre-échange] : les pays qui produisent les matières premières, ceux qui ont de faibles coûts de mains d'oeuvre comme la Chine ou l'Inde et ceux qui sont hautement spécialisés dans les biens d'équipement comme l'Allemagne et le Japon. Les pays qui ne font pas partie des trois sont perdants»218.

Dans les sphères politiques, l'OMC n'a pas la cote comme l'atteste ces propos de M. LE PEN du Front national, parti d'extrême Droite française qui qualifie le cycle de Doha de « grand marchandage qui ignore même l'existence des Etats de l'Union Européenne »219.

Les organisations intergouvernementales n'en sont pas moins concernées. En effet, de plus en plus d'organisations intergouvernementales se voient confrontées à la prééminence de facto des normes de l'OMC. En guise d'illustration, en matière du travail, les normes de l'Organisation internationale du travail (O.I.T) qui est l'une des instances les plus démocratiques du système des Nations Unies n'ont aucun poids devant les décisions de l'OMC. Chloé Maurel montre par exemple que lorsqu'un conflit d'intérêts survient entre un droit fondamental des travailleurs reconnu par l'O.I.T et un intérêt commercial garanti par

215 http://www.nouvelobs.com/economie /20080730.OBS5252/ les-réactions-a-l-echec-des-negociation-au-sein-de-l-omc.html

216 Third World Network est une organisation non gouvernementale et un réseau d'organisations et d'individus engagés dans les causes de l'environnement, du développement et des relations Nord-Sud avec en toile de fond, le problème de la dette du Tiers-monde.

217 Voir http:// www.mondequibouge.be/index.php/2005/11/omc-fondamentalement-non-démocratique. html

218 Jean Luc GREAU, Avenir du capitalisme, Gallimard, 2005, p.303.

219 http:// nouvelobs.com/economie/20080730.OBS5252/ les-réactions-a-l-echec-des-negociation-au-sein-de-l-omc.html. Consulté le 12 0ctobre 2016.

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l'OMC, c'est de facto l'OMC qui obtient gain de cause puisque l'OIT n'a aucun pouvoir de sanction, contrairement à l'OMC220.

En définitive, le sentiment général qu'ont les Etats, en l'occurrence ceux du Sud, est qu'il se produit une uniformisation à marche forcée de la mosaïque des modèles de développement que compte le monde vers un modèle unique qui est le système libéral de l'économie de marché et ce sans aucun égard à la souveraineté étatique ni aux processus démocratiques.

Mais si la contestation des entités gouvernementales paraît de plus en plus affirmée, elle ne l'est pas moins des critiques économiques et sociales.

§2. LES DIMENSIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES DES FRUSTRATIONS

A l'image de la contestation politique, il existe de même à l'encontre du libéralisme prôné par l'OMC une critique qui est à la fois économique et sociale. Si la critique de nature économique est représentée par les milieux économiques (A), la contestation sociale, quant à elle, est essentiellement portée à bout de bras la société civile internationale (B).

A. La critique économique du libéralisme

Pour l'OMC, la libéralisation du commerce favorise la croissance quelque soit le niveau de développement du pays concerné221. Cependant depuis quelques années déjà, il y a une floraison de théories économiques qui concluent au scepticisme quant au lien entre le commerce et le développement, entre l'ouverture et la croissance222. Ces critiques sont vérifiées à l'examen des faits. En effet les PED qui se sont intégrés depuis les années 1980 à l'économie mondiale libéralisée n'ont pas ou ont peu bénéficié de la croissance à l'instar de la majorité des pays de l'Amérique latine (comme l'Argentine l'Uruguay ou le Mexique). A l'opposé, ceux qui en ont largement profité, ce sont des pays qui se sont abstenus de respecter tous les règles du jeu. Au nombre de ces pays, nous pouvons citer les pays asiatiques qui ont pratiqué la politique d'orientation du crédit et différentes formes du protectionnisme. Certains

220 Chloé MAUREL, Géopolitique des impérialismes, op.cit., p. 176-177.

221 OMC, Rapport annuel 1998, OMC, Genève, 1998, p.6.

222 Frederic Rodriguez et Dani Rodrik, «Trade policy and economic growth: A skeptic's Guide to the National Cross Evidence» NBR Working Papers, n o7081.Voir Lahsen ABDELMALKI et René SANDRETTO, les cahiers français de la Mondialisation et commerce international, no 325, Paris, la documentation française 2005, pp. 73-78.

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économistes trouvent qu'aujourd'hui si la Chine et l'Inde progressent rapidement sur le plan économique c'est grâce à la combinaison intelligente qui alterne les phases de libéralisme et de contrôles223. De même, certains donnent l'exemple de la Malaisie qui a réussie à sortir d'une crise financière grâce au contrôle des mouvements de capitaux.

Finalement, ce ne sont pas les pays les plus ouverts qui ont bénéficié de la croissance. Ce constat tranche radicalement avec certaines affirmations de l'OMC qui soutient que « les pays en développement ouverts ont des résultats meilleurs que les pays en développement fermés. »224. Le prix Nobel d'économie Joseph STIGLITZ ne partage pas lui non plus cette vision. En 2001, cet économiste de renom n'a pas hésité à monter au créneau pour dénoncer de telles aberrations. Pour lui, il est évident que « les pays en développement ayant réussi [...] ont profité de la mondialisation pour augmenter leurs exportations et leur croissance en a été accélérée. Mais ils n'ont levé leurs barrières protectionnistes qu'avec précaution et méthodes225 ».

En somme, la critique économique avance que le libéralisme « intégral » tant célébré autant par les institutions internationales que par l'esprit de Marrakech n'a pas profité à grand monde. Paradoxalement, c'est le contraire qui s'est produit puisque au lieu de réduire les inégalités, il a plutôt contribué à les accentuer n'arrangeant rien au retard accusé par les pauvres en l'occurrence les Etats africains.

La contestation émanant des milieux économiques constituent donc un cinglant désaveu à la récurrente propagande de l'OMC qui s'appuie davantage sur les pseudos bienfaits sociaux du libéralisme.

B. La contestation sociale du libéralisme

La contestation sociale est celle qui est exprimé par la société civile internationale dont le combat porte principalement sur deux fronts. Le premier est en rapport avec la problématique de l'environnement alors que le second est relatif à la question des normes sociales.

223 En effet, cette combinaison astucieuse repose sur des politiques par lesquelles l'Etat intervient, par moment en fonction de la conjoncture pour protéger les industries locales de la concurrence étrangère.

224 OMC, Rapport annuel 1998, Genève, OMC, 1998, p.6.

225Joseph STIGLITZ, la grande désillusion, Paris, Fayard ,2002. Cité in serge Agostino, « la mondialisation, Paris Bréal, 2002, pp.74-75.

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D'abord au sujet de l'environnement, les économistes et les écologistes ont été les premiers à tirer la sonnette d'alarme, suite au développement fulgurant du commerce international226 favorisé par la libéralisation des échanges après la seconde guerre mondiale. A ce propos, l'impact du libéralisme sur l'environnement a fait l'objet d'études variées. La question centrale était de savoir si la problématique environnementale est compatible avec le libre-échange. Les différentes études réalisées sur cette question pointent presque toutes vers la même conclusion, à savoir que le libéralisme est nuisible à l'environnement. Par exemple, les travaux de GROSSMAN et de KRUEGER227ont montrée qu'à chaque fois qu'il y a eu des levées de barrières douanières, on a notée un accroissement subséquent de flux de biens. Or le plus souvent le processus de production de ces biens s'avère habituellement peu soucieux du respect des normes environnementales228.

Ensuite, à l'occasion du cycle d'Uruguay, les tests effectués pour estimer l'impact de la libéralisation négociée ont montré au niveau mondial, que les émissions de différents polluants augmenteraient annuellement de 0,1% à 0,5%229. Il y a donc bien là un lien évident entre la libéralisation des échanges et la dégradation de l'environnement. Ces résultats ont par la suite été confirmés par des études spéciales menées en interne par le secrétariat de l'OMC230.

De même, en ce qui concerne les normes sociales, le cadre juridique de l'OMC est l'objet de vives critiques. Ce sont les droits de l'homme qui suscitent beaucoup de récriminations. Les défenseurs de droits de l'homme déplorent l'orientation très égoïste de l'OMC consistant à privilégier des sujets de nature économique au détriment des préoccupations relatives aux droits de l'homme. C'est ainsi que dans un Rapport publié en juillet 2005231, en

226Selon les données de l'OMC, entre 1950 et 2006 le volume du commerce mondial a été multiplié par 27 et la part du commerce international dans le produit intérieur brut mondial est passée de 5,5% à 20.5%.

227Gene GROSSMAN, Alan KRUEGER, «Environmental impacts of North American Free trade Agreement», in Paul GARBER, The Mexico US free trade agreement, MIT press, Cambridge, Massachusetts, 1993. Ces travaux seront suivis par bien d'autres encore comme les études réalisées par la Commission de coopération environnementale de l'Amérique du Nord in « libre-échange et environnement : un tableau plus précis de la situation », commission de coopération environnementale de l'Amérique du Nord, 2002, p.4.

228 Les normes environnementales sont des règles qui s'appliquent sur l'ensemble des agents productifs qui visent sans détruire les ressources naturelles. Ces normes sont issues des accords environnementaux multilatéraux telles que la Conférence de Stockholm de 1972 ; le Sommet de la terre de Rio de 1992 qui adopte une convention sur le changement climatique pour réduire en particulier les émissions de gaz à effet de serre; le Sommet de Johannesburg en 2002 qui réaffirme le principe de développement durable ou encore la 21e conférence des partis à Paris avec pour ambition de limiter le réchauffement climatique à 2% d'ici 2021.

229 Matthew COLE, Anthony RAYNER, John BATES «Trade Liberalization and the Environment: the case of Uruguay Round», World Economy, 1998 p. 337 et ss.

230 Hakan NORDSTROM, Scott VAUGHAN, «Trade and Environnement: Special studies 4», World Trade Organization Report, Geneva, 1999. Disponible sur www.wto.org.

231 F.I.D.H, comprendre le commerce mondial & les droits de l'homme, FIDH, Paris, 2005, p.2 et ss.

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prélude à la conférence ministérielle de Hong Kong, la Fédération internationale des droits de l'homme (F.I.D.H) met en exergue l'énorme fossé qui existe entre les droits de l'homme et le commerce mondial. Ce rapport précise à cet effet qu' « il est aujourd'hui évident que la mondialisation économique et financière a de profondes conséquences humaines »232. Ce constat est aussi partagé par l'OMC. Adoptée lors de la quatrième conférence ministérielle de l'OMC en 2001, la Déclaration de Doha pour le développement prévoit un cadre de négociation devant respecter les dimensions humaines du développement233.

Enfin, de leur côté, les altermondialistes dénoncent habituellement le fait que la plupart des accords commerciaux multilatéraux soient conclus en totale mépris des clauses sociales consacrées par l'O.I.T et par les textes internationaux notamment le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels de 1966. La déception de la société civile internationale est d'autant plus grande que les Groupes spéciaux chargés d'examiner les affaires refusent le plus souvent de prendre en compte les accords environnementaux au prétexte qu'ils sont extérieurs au droit de l'OMC234.

En somme, au regard des crises multiples auxquelles l'OMC est actuellement confrontée, on serait tenté de croire aux prévisions pessimistes sur le futur de l'Organisation. Cependant, cette vision tendancieuse pourrait être vite nuancée à l'analyse minutieuse de la situation de l'Organisation.

232 Idem., p.3

233 Déclaration ministérielle de Doha de 2001, disponible sur www.wto.org/thewto_whatis_f/inbr00_f.html

234 WT/DS291/R, WT/DS292/R, et WT/DS293/R, § 7.74., Communautés Européennes-Mesures affectant l'approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques, Rapport du groupe spécial du 29 septembre 2006, WT/DS291/R,WT/DS292/R, WT/DS293/R, § 7.74.

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PARTIE II. UNE ORGANISATION AU BOUT DE

REFORMES

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L'ampleur des crises actuelles qui secouent le système multilatéral est loin de rassurer les observateurs sur la capacité de l'OMC à réguler le commerce multilatéral. Ainsi, comme l'affirme le professeur SIROËN, « cette évolution risque d'achever le principe fondateur du multilatéralisme déjà mal en point : la clause de la nation la plus favorisée »235.

Pourtant, malgré ces soubresauts, l'OMC s'est forgée une solide réputation en s'imposant dans la sphère des organisations internationales comme l'instance ayant permis d'assurer une meilleure régulation du commerce mondial. Elle s'est efforcée au mieux de ses moyens d'assurer une meilleure sécurité et une meilleure prévisibilité du système commerciale multilatéral.

La question n'est pas de savoir si les opinions exprimées ça et là sur l'OMC sont vraies ou fausses. S'inscrire dans une telle perspective s'avérerait tendancieuse et inféconde. L'enjeu ne doit pas se trouver pas dans les querelles sempiternelles entre les partisans ou les détracteurs de l'OMC. L'enjeu sera plutôt d'esquisser des pistes de réforme crédibles du système commercial multilatéral. On pourrait se servir du blocage actuel du cycle de Doha comme une vraie occasion afin de repenser l'OMC pour lui ouvrir les portes d'un avenir plus conforme à la réalité mondiale.

A cet égard, l'OMC ne peut espérer une conjoncture heureuse du commerce mondiale et une perspective meilleure que s'il elle donne des gages sur sa capacité à s'adapter sur le long terme. Comme le rappelle Sandra POLASKI, l'OMC « peut et doit revoir les règles pour qu'elles favorisent moins les pays riches et qu'elles offrent des chances à tous les pays, quel que soit leur niveau de développement »236. Cette réforme pourrait être le point de départ pour réorganiser les règles commerciales autour d'objectifs de développement plus fondamentaux qui prendraient en considération à la fois les effets commerciaux et non commerciaux des négociations multilatérales.

Même si l'Organisation peut déjà se targuer de quelques succès significatifs qui pourraient dénoter de sa résilience (Chapitre I), il lui faudrait davantage s'inscrire dans une perspective réformatrice pour mieux relever les défis actuels et futurs (Chapitre II).

235 Jean-Marc SIROËN, « OMC : le possible et le souhaitable », L'Économie politique 2007/3 (n° 35), p. 12.

236 Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p. 26.

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Chapitre I. L'OMC, une organisation résiliente

Il est assez habituel d'entendre des prédictions négatives sur l'avenir de l'OMC. « Serons-nous encore là l'année prochaine ? »237 rapporte Yves SCHEMEIL. Cette question hante en permanence l'esprit du personnel et semble être une épée de Damoclès sur la tête de l'Organisation. L'avènement au pouvoir de M. TRUMP aux Etats-Unis et sa volonté de mettre en place des mesures protectionnistes de grande ampleur238 ont aussi déclenché à l'échelle mondiale une vague de pessimisme sur l'avenir de l'Organisation chargée de la régulation du commerce mondial239. Or à l'évidence, cette institution dure déjà depuis plus d'un demi-siècle, d'abord sous le couvert du GATT puis en tant qu'OMC, créée fin 1994 et inaugurée en janvier 1995. Quelles peuvent bien être alors les recettes de ce succès ?

Selon le professeur Yves SCHEMEIL, « cette longévité provient pour une bonne part de sa capacité à résister aux tentatives de contrôle et aux pressions des États qui la constituent. L'OMC est en effet pilotée par ses membres (les États qui y adhèrent), et n'est censée jouer qu'un rôle de facilitateur dans le déroulement des négociations multilatérales. Elle ne produit rien elle-même, à la différence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), par exemple, qui élabore des normes directement issues du travail de ses experts »240.

Si l'OMC a pu résister à l'implosion, c'est donc grâce au fait qu'au cours des vingt dernières années elle a su mieux incarner, au travers de ses règles, de ses mécanismes et de ses organes, un système commercial multilatéral plus universel, plus transparent et plus sûr lui permettant de s'imposer comme l'instance indispensable à la gouvernance de la mondialisation (Section I). De même, en traitant d'enjeux majeurs avec des ressources réduites ses performances sur le court terme lui assurent donc une efficacité à long terme (Section II).

237 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une organisation hybride et résiliente », op.cit., p. 31.

238 Depuis le 21 janvier 2017, le nouveau président américain a indéniablement choisi une orientation néo-isolationniste axée sur la relocalisation d'entreprises, l'abandon du traité transpacifique (TTP) et l'ALENA.

239 Dans une tribune intitulée «Trump peut-il signer l'arrêt de mort de l'OMC et du libre-échange ?» signée dans le Figaro le 10 Novembre 2016, le Professeur Philip Marin indiquait que « si les Etats-Unis sortaient de l'Organisation, les autres membres n'auraient pas d'intérêt à rester dans l'organisation ». Et d'ajouter que « sans l'OMC, le monde entrerait dans un univers commercial chaotique ». Cet article est disponible sur http : // www.lefigaro.fr. Consulté le 12 décembre 2016.

240 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une organisation hybride et résiliente », op. cit p. 32.

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SECTION I. UNE ORGANISATION INDISPENSABLE

L'OMC est avant tout la seule organisation internationale qui s'occupe des règles régissant le commerce mondial dans le but de prévenir et de régler les tensions commerciales, vecteurs de conflits internationaux. Son utilité vient de ce qu'elle est non seulement le cadre formel de promotion du libre-échange (§1) mais aussi le cadre de la défense du libre échange (§2).

§1. LE CADRE DE PROMOTION DU LIBRE-ECHANGE

L'OMC est l'institution chargée, à l'échelle mondiale, du libre-échange. Le but primordial de l'organisation est de faire en sorte que le commerce soit aussi libre que possible. A cet effet, elle dispose d'une double mission : elle est à la fois l'enceinte de négociations commerciales multilatérales (A) et le cadre de mise en oeuvre des accords commerciaux (B).

A. L'OMC, une enceinte de négociations permanentes et continues

En référence à l'article 3 §2 de l'Accord de Marrakech, l'OMC constitue une enceinte de négociations permanentes et continues241. Formellement, c'est le lieu où les gouvernements membres se rendent pour discuter des problèmes commerciaux qui les divisent. A ce propos une question se pose : quel est alors l'enjeu des négociations commerciales ? Pour la doctrine majoritaire242, les négociations commerciales multilatérales ont pour objet de promouvoir la libéralisation des échanges mondiaux sur la base d'un avantage mutuel. Cette vision, en accord avec la théorie économique des avantages comparatifs243 formulée au 18 e siècle par le libéral Adam SMITH244 et popularisée au 19e siècle par l'économiste David RICARDO245, part du postulat selon lequel les échanges commerciaux sont bénéfiques à tous les pays.

241 A la différence du GATT qui n'était qu'un simple accord de caractère provisoire liant les parties contractantes, l'innovation de l'OMC réside dans son caractère institutionnel.

242Jean-Marc SIROËN, « l'OMC et les négociations commerciales multilatérales », De Boeck Supérieur Négociations 2007 (no7) p.7.

243 Cette théorie qui est au fondement du commerce international explique que dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s'il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte comparativement à ses partenaires, accroitra sa richesse nationale. Pour une analyse détaillée cf. Robert TORRENS, Essay on External CornTrade, J. Hatchard , London, 1815, p. 17 et ss.

244 Economiste écossais (5 juin 1723-17juillet 1790) connu pour avoir été le père de l'économie politique.

245 Economiste britannique considéré comme l'un des économistes libéraux les plus influents de l'école classique aux côté d'Adam Smith et de Thomas Malthus.

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Concrètement, les négociations commerciales se déroulent quotidiennement dans les locaux de l'Organisation246 à Genève et c'est la Conférence ministérielle qui est l'organe habileté en amont à décider de l'opportunité des sujets à négocier247 puis à entériner en aval les résultats issus des négociations. Mais faudrait-t-il, pour autant, y voir la marque d'un véritable pouvoir normatif conféré à cette Organisation ? La question fait depuis débat248. A l'opposée d'autres organes des organisations internationales, le droit de l'OMC interdit tout pouvoir normatif, car l'OMC est une organisation member driven249. De jure, ses organes n'ont pas compétence à se substituer aux Etats membres250. Tout au plus, ils assument une mission d'assistance, de coordination ou de facilitation. De plus, l'Organisation dispose d'un cadre de négociation caractérisée par une « dualité permanente »251 entre le volet formel et le volet informel252, entre l'Administration et le politique253. Cette disposition organique a toujours permis à l'OMC de s'affranchir de toute tentative de prise en otage des Etats Membres par les instances. C'est ainsi que, contrairement à certaines organisation internationale comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dont les normes sont directement issues du travail de ses experts, l'OMC ne décide de rien elle-même254. Un autre indicateur de la résistance de l'OMC, c'est la pratique des « chambres vertes »255 lors des négociations commerciales. Il s'agit d'une pratique informelle mise en place pendant le

246Plus particulièrement, c'est dans l'organe ad hoc du comité de négociation commercial (CNC) que se tiennent les négociations. En l'occasion, cet organe définit le plus souvent 21 thèmes qui seront soumis aux nouvelles négociations témoignant ainsi du caractère véritablement mouvant du droit de l'OMC.

247 L'art. 4§1 de l'Accord de Marrakech souligne que la conférence ministériel a le pouvoir pour négocier « sur toute question relevant de tout accord commercial multilatéral ».

248 Jean-Louis GOUTAL, « le rôle normatif de l'organisation mondiale du commerce » Petites affiches - 11/01/1995 - n° 5 - page 24 ; De même voir Karim BENYEKHLEF, une possible histoire de la norme : les normativités émergentes de la mondialisation, 2eme éd., Thémis, 2015 ; v. de même Joseph NGAMBI , la preuve dans le règlement de différends de l'organisation mondiale du commerce, Bruyant, 2010.

249 Une organisation member driven signifie littéralement que l'OMC est une organisation gouvernée par ces membres. Subséquemment, les décisions de l'OMC ne peuvent valablement émaner que des Etats et non des instances de l'Organisation.

250 Sur ce point, voir Mehdi ABBAS et Christian DEBLOCK, « L'Organisation mondiale du commerce et le programme de Doha pour le développement. Un système commercial en mal de renouvellement », Paris, Annuaire français de relations internationales, juin 2015, pp. 739-760.

251 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une organisation hybride et résiliente », op.cit., p. 32.

252 Il convient de souligner, en effet, qu'à part les réunions officielles, il y a une multitude de réunions officieuses. Il s'agit de négociations de couloir qui, soit ne sont pas répertoriées à l'agenda officiel de l'organisation ou bien ne donnent pas lieu à un compte rendu officiel.

253 Quel que soit le type de négociations ou de débats, la présidence d'une séance est assurée conjointement par un membre du secrétariat général et un représentant permanent élu par ses pairs. Ils décident ensemble de l'ordre du jour de la réunion, du contenu de sa note de synthèse et des résultats susceptibles d'être communiqués à l'extérieur. C'est un élément capital car il implique un consensus entre le volet technico-administratif et le volet politique.

254 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une organisation hybride et résiliente », op.cit., p. 33.

255 Idem.

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GATT sous la direction d'Arthur DUNKEL256. Celle-ci consiste en effet à réunir dans un cadre restreint, en l'occurrence dans une confortable salle verte, sur convocation du directeur général, des Membres récalcitrants, les tenants d'une solution et les indécis afin de traiter du processus d'ensemble de la négociation ou de thèmes sectoriels. De ce cadre restreint et à huit clos, les participants ne peuvent sortir que lorsque qu'un accord est trouvé. Les absents n'auront dès lors qu'à se rallier à la position de leur chef de file. Cette stratégie permet

d attester de la capacité d'adaptation de l'OMC.

L'OMC est le fruit de plusieurs négociations qui se sont tenues dans le cadre du cycle d'Uruguay de 1986 à 1994 mais aussi celles qui ont eu lieu antérieurement dans le cadre du GAAT. Quant aux dernières grandes négociations qui ont été lancées en 2001 dans le cadre du Cycle de Doha, malgré quelques avancées obtenues lors des Conférences ministérielles de Bali (2013) et de Nairobi (2015), notamment avec la conclusion d'un Accord sur la facilitation des échanges (AFE)257, les lignes n'ont pas pour l'instant suffisamment bougé pour permettre à ce cycle d'aboutir.

Néanmoins, la mission de l'OMC va encore plus loin en intégrant la gestion des accords commerciaux multilatéraux.

B. L'OMC, un cadre de mise en oeuvre des accords commerciaux

L'OMC est avant tout le gardien de la légalité du système commercial multilatéral. Elle assure, à cet égard, un rôle d'encadrement en vue de parvenir à l'équilibre global issu des textes négociés, mais aussi dans le but de faciliter la mise en oeuvre, et le fonctionnement de l'Accord de Marrakech. Bien entendu, la finalité étant de garantir l'effectivité du système.

A ce titre, elle doit faciliter la mise en oeuvre, l'administration et le fonctionnement des Accords de l'OMC et favoriser la réalisation de leurs objectifs.

256 Arthur DUNKEL fut un diplomate suisse qui assuma la mission du Directeur General GATT entre 1980 et 1993. Il est bien connu pour avoir tenu une part très active dans les négociations du cycle d'Uruguay ayant conduit à la création de l'OMC en 1995.

257 L'accord sur la facilitation des échanges qui est entré en vigueur ce 22 février 2017 suite à la ratification des deux tiers des Membres de l'OMC, est un ensemble de dispositions conventionnelles destinées à accélérer le mouvement, la mainlevée et le dédouanement des marchandises, y compris les marchandises en transit. De plus en vue d'enrayer les entraves à la circulation des marchandises. Cet accord prévoit aussi une coopération effective entre les douanes et les autres autorités compétentes et comporte par ailleurs des dispositions relatives à l'assistance technique dans ce domaine.

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Pour ce faire, l'OMC assure le suivi des politiques commerciales nationales. Cette mission s'inscrit dans le cadre du mécanisme d'examen permanent des politiques commerciales (MEPC)258. Il s'agit d'un mécanisme qui oblige chaque Etat membre à présenter des rapports périodiques259 sur des mesures adoptées. L'ensemble des dispositions de ces rapports sont soumis à la critique multilatérale. Le MEPC instauré par l'OMC peut donc être analysé comme une garantie de transparence du système commercial.

L'Organisation s'efforce aussi de lever les obstacles au libre-échange. C'est ainsi que depuis sa création, les quotas prônés par les mercantilistes ont été abolis dans la quasi-totalité des secteurs. A la place des quotas, des droits de douane ont été introduits avec des réductions très significatives. On est ainsi passé de 14% en 1997 à 3% aujourd'hui soit une réduction de 11 points.

Mais le commerce multilatéral suppose aussi l'intégration d'un plus grand nombre d'acteurs y compris les plus faibles. C'est ici qu'apparaît l'une des missions les plus importantes à mettre à l'actif de l'OMC à savoir l'assistance des Etats les plus faibles.

Destinée en priorité aux PED, l'assistance apportée par l'OMC prend substantiellement la forme d'un appui juridique et technique, à travers la mise en place de sessions de formations sur le droit de l'OMC à destination des fonctionnaires des PED ou des PMA. Cette mission est dévolue au Centre consultatif sur la législation de l'OMC mis en place par cette dernière et basé à Genève. Aussi, l'appui de cet organisme s'est-il relevé significatif dans 45 procédures260. Il a donc permis d'ouvrir un peu plus le mécanisme de règlement des différends aux PED, ce qui contribue de plus en plus à l'apaisement du Sud.

En somme, l'OMC assure la promotion du libre-échange, en essayant d'empêcher le repli protectionniste qui reste dommageable pour un commerce multilatéral concurrentiel et loyal. De la sorte, sa longévité provient alors pour une bonne part de sa capacité à résister aux tentatives de contrôle et aux pressions des États qui la composent lors des processus de

258 Cette procédure s'inspire du mécanisme de contrôle interétatique avec pour particularité d'être une procédure non contraignante. Ce mécanisme reste bien ancré dans le droit international. L'exemple typique est le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs qui vise le renforcement de la bonne gouvernance des Etats de l'Union Africaine.

259 La périodicité du rapport est fonction de l'importance du pays concernée dans le commerce mondial. C'est ainsi que les puissances commerciales comme les Etats-Unis, la Chine, l'UE, le japon présentent les rapports tous les 4 ans. En revanche les puissances émergentes le font tous les 6 ans ; quant aux pays ayant une part non significative dans le commerce mondial, ils le font tous les 8 ans.

260 OMC, Rapport sur le commerce mondial 2015. L'OMC à 20 ans défis et réalisations, OMC, Genève, 2015. p.70.

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négociations commerciales multilatérales. Cependant, en plus d'être l'enceinte de promotion du libre-échange, l'Organisation demeure aussi l'instance de protection du libre-échange.

§ 2. LE CADRE DE PROTECTION DU LIBRE-ECHANGE

La protection du libre-échange à l'OMC se décline en deux volets : d'une part, l'action par la réglementation (A) et d'autre part, la protection par la régulation (B).

A. La protection du libre-échange par la réglementation

Les Etats préoccupés par la nécessité de la stabilité et de la liberté des échanges ont mis progressivement en place un cadre normatif du commerce international, d'abord avec le GATT, puis avec son évolution qu'est l'OMC née le 1er 1995. Pour l'essentiel, le socle idéologique de ces règles demeure une philosophie libre-échangiste en vertu de laquelle la liberté du commerce est essentielle au « relèvement des niveaux de vie, [à] la réalisation du plein emploi et un niveau de vie élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective »261.

A noter qu'en dépit de quelques exceptions notables, ces règles sont le fil conducteur de tous les instruments de l'OMC et le fondement même du système commercial multilatéral262.

Substantiellement, à part le respect des concessions tarifaires, l'interdiction générale des restrictions quantitatives ainsi que le principe du traitement spécial et différencié, deux autres principes occupent une place centrale dans le système commercial multilatéral : la nondiscrimination et la transparence.

La règle de non-discrimination qui suppose une égalité de traitement en termes fiscales se décline en deux volets : le premier volet porte sur la non-discrimination entre les Etats membres de l'OMC et est bien connu sous le vocable de la clause de la nation la plus favorisée (CNPF). Il induit une égalité de traitement pour tous les produits importés263 quel

261 Voir le Préambule de l'accord instituant l'OMC.

262 Dominique CARREAU et Patrick JUILLIARD, Droit international économique, op.cit., p.339.

263 Voir à ce sujet le « Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa vingt-huitième session (3 mai - 23 juillet 1976) », Annuaire de la Commission du droit international, 1976, vol. II, pp. 1-155, p. 7. On notera à cet égard que la clause NPF s'applique à de nombreux domaines. Outre le commerce,

que soit le pays d'origine. Il s'ensuit que toute concession offerte dans un cadre bilatéral par un Membre de l'OMC à un autre Etat, devra normalement bénéficier à tous les autres Membres. Néanmoins, le bénéfice de la clause ne joue pas pour les partenaires commerciaux non membres de l'Organisation. Le second volet s'attache à la non-discrimination entre produits nationaux et produits étrangers : c'est la clause du traitement national (CTN). Il s'agit ici de considérer les produits importés comme des produits nationaux. Ainsi sur le territoire national, les conditions de concurrence doivent être égales entre les produits similaires.

Quant au principe de transparence, il vise à tenir l'OMC et ses Membres informés des actions de ces derniers. L'objectif poursuivi est de rendre le système commercial multilatéral plus prévisible en démantelant ces mesures généralement opaques et souvent difficiles à identifier qui prennent des formes non tarifaires. A cet effet, les membres de l'OMC ont une obligation de publication et de notification régulière de leurs mesures. Toujours dans la même perspective, la transparence des politiques commerciales est également réalisée à travers le MEPC, lequel constitue également un instrument favorable au renforcement de la discipline individuelle des Membres

Ces deux principes s'appliquent tant au commerce des marchandises, qu'au commerce des services ainsi qu'aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.

Il s'ensuit donc qu'avec la mise en oeuvre de ces principes fondamentaux par l'OMC, c'est bien évidemment le libre-échange qui ressort incontestablement protégé à l'échelle multilatérale. Mais la protection des échanges commerciaux est davantage renforcée par l'ingénieux système de régulation de l'OMC.

B. La protection du libre-échange par le règlement des différends

L'instauration de règles dont le non-respect serait sanctionné uniquement par des contre-mesures264 qu'adopteraient, sans contrôle, les Etats qui se prétendent victimes, conduiraient

mentionnons les paiements internationaux, l'activité diplomatique, le statut des personnes physiques ou morales et leurs activités, le transport, la propriété intellectuelle ou encore la justice.

264 Pour une analyse plus détaillée cf. Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, les contre-mesures dans les relations internationales, Pedone, 1992. p. 5 et ss.

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très vite à une guerre commerciale généralisée. Il était donc nécessaire de mettre en place un système, qui, tout en préservant le dialogue constructif, permet de donner un caractère juridictionnel265 à son intervention en imposant si besoin est, sa décision.

Ainsi que l'indiquait Hélène RUIZ-FABRI, la création de l'ORD apparaissait alors comme l'une des innovations principales attachées à la création de l'OMC266 dans la mesure où il garantit l'effectivité des accords commerciaux multilatéraux267.

La procédure de règlement des différends est prévue dans le Mémorandum règlement des différends (MRD), annexé à l'Accord instituant l'OMC. Notons que c'est l'ORD qui reçoit les plaintes émanant généralement des acteurs du commerce international et portées devant lui par l'intermédiaire des Etats dont dépendent ces acteurs. Dans la première partie, la procédure, prévue pour durer 60 jours, est essentiellement conciliatoire. En l'absence de consensus, on passera à la seconde phase qui, quant à elle, est contradictoire et dure au maximum six mois. Les parties pourront alors faire appel à un organe de recours dont la décision s'imposera. Il s'agit de mettre en place un groupe spécial qui établira un rapport préliminaire qui vaudra, sauf rejet par consensus, décision définitive. Cependant en cas de désaccord sur la solution proposée l'organe d'appel est alors saisi. Constitué de sept membres, dont trois nécessaires pour un recours, il ne se prononce que sur les aspects juridiques de la décision du groupe spécial. Sa décision qui doit intervenir dans les 60 jours, ou au plus tard, dans les 90 jours, sera soumise à l'ORD. Si la décision est adoptée les recommandations du groupe spécial devront être appliquées par la partie dans un « délai raisonnable ». Dans le cas contraire, la partie victime pourra être autorisée à prendre des mesures de rétorsion dans un délai limité à titre de compensation.

Depuis la création de l'OMC, le nombre de litiges a connu une forte progression268 participant ainsi à la formation d'une jurisprudence internationale en matière du commerce multilatéral. La raison de ce succès tient à l'augmentation du nombre des Etats membres de

265 Certes, le langage « politiquement correct » de l'OMC préfère parler de système « quasi-juridictionnel », pourtant, à y voir de plus près, toutes les conditions sont remplies pour une conclusion beaucoup plus ferme en faveur du caractère juridictionnel.

266 Hélène RUIZ-FABRI, « le règlement des différends dans le cadre de l'OMC », JDI, 1997, p.2 et ss.

267 voir de même Eric CANAL-FORGUES, Le règlement des différends à l'OMC, Bruxelles Bruylant , 2008, p. 3 et ss.

268 Ainsi au 8 Novembre 2015, avec l'affaire WTO/2015/DS500/Afrique du Sud -- Droits antidumping provisoires visant les importations de ciment Portland en provenance du Pakistan (Plaignant: Pakistan), l'OMC a atteint t la barre symbolique des 500 demandes de consultation et plus de 350 ont été rendues témoignant ainsi du succès de son mécanisme de règlement des différends.

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l'OMC, l'extension et complexité des accords, l'assistance fournie gratuitement ou à coût réduit aux PED pour ester devant l'ORD.

Ainsi, grâce à son ingénieux mécanisme de régulation, l'OMC veille au respect de l'effectivité du libre-échange. Le MRD quant à lui, a permis de désamorcer les escalades conflictogènes nées des tensions commerciales. Il a aussi donné la possibilité aux PED de contraindre juridiquement les puissances économiques dans les conditions où les rapports de force étaient clairement en défaveur de ces pays. On pourra utilement se référer à la célèbre affaire des bananes269 ou encore à la récente affaire -- WTO/2012/DS442 des Mesures antidumping visant les importations de certains alcools gras en provenance d'Indonésie marquée par la plainte de l'Indonésie à l'encontre l'UE.

Si l'OMC réussit à obtenir des résultats suffisants, c'est avant tout grâce à un fonctionnement ouvert à l'adaptation permanente. Capable de résilience, l'OMC est en plus une organisation véritablement efficace.

SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION EFFICACE

L'OMC est sans nul doute parfois contestée. Néanmoins, bien qu'étant aujourd'hui pointée du doigt par certains, cette organisation n'en reste pas moins l'une des plus grandes réussites internationales de ces dernières années270. Par ses mécanismes, ses procédures et ses résultats, elle a contribué à l'instauration d'un commerce international plus sûr. De plus, son mécanisme de règlement des différends qui apparaît comme le pilier du système commercial multilatéral est l'outil le plus efficace pour assurer l'effectivité des normes relatives à la libéralisation des échanges271. Julien BURDA dira, à cet effet, que : « la place centrale accordée à la règle de droit dans la procédure, les délais plus stricts et la plus grande automaticité qui ont été instaurés, en particulier par l'adoption quasi automatique des rapports des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel par le biais du consensus inversé,

269 Voir l'affaire Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes (Plainte de l'Équateur) (1997), OMC. Doc. WT/DS27/R/ECU (Rapport du Groupe spécial). Dans cette affaire, les pays de l'Amérique latine exportateurs de la banane tels l'Equateur, le Guatemala, le Honduras et le Mexique ont fait bloc pour contraindre juridiquement les Communautés européennes dénoncées pour avoir pris des mesures contraires aux dispositions de l'Accord sur l'agriculture et celles de l'Accord sur les services.

270 Julien BURDA : « l'efficacité du mécanisme de règlement des différends de l'OMC : vers une meilleure prévisibilité du système commercial multilatéral », R.Q.D.I (2005), p.1.

271 Idem.

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renforcent sans conteste la sécurité et la prévisibilité du système commercial international »272.

Alors, comment ne pas voir dans tous les développements que le monde a connus, à savoir la croissance économique, les progrès humains, la consolidation de la paix tout au long de ces deux décennies passées, la matérialisation des fulgurants succès de l'OMC ? 273. Ces succès considérables ne sont que la résultante de l'efficacité de l'Organisation. Cette efficacité, si elle est déjà établie (§1), elle ne cesse de se renforcer (§2)

§1. UNE EFFICACITE AVEREE

Depuis l'instauration de l'OMC en 1995, suite aux Accords de Marrakech, les données274 montrent que l'OMC suscite une adhésion massive de la part des Etats, ce qui témoigne de l'efficacité acquise par l'Organisation. Cette efficacité est à double tour : une efficacité par la procédure mise en oeuvres (A) et une efficacité par les résultats obtenus (B).

A. Une efficacité assurée par les procédures mises en oeuvre

L'OMC est une organisation member driven c'est-à-dire que l'OMC est directement dirigée par ses membres que constituent les gouvernements représentés, soit par les ministres qui doivent ainsi se rencontrer tous les deux ans ou soit par les déléguées ou les ambassadeurs qui tiennent régulièrement des réunions. Ce qui en fait a priori une institution indépendante aux antipodes des autres organisations internationales comme la Banque mondiale ou le Fond monétaire international (FMI) auxquelles il est régulièrement reproché d'être sous influence américaine ou européenne.

Machine de négociations permanentes et continues, le fonctionnement de l'OMC repose sur le consensus. En effet, le consensus est un processus de recherche du consentement le plus large sans recourir à un vote formel au moyen de discussions, en dépassant les blocages, les clivages entre les positions différentes, voire divergentes, pour arriver à un compromis

272 Ibidem.

273 Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p. 22.

274 Selon les tous derniers chiffres de l'OMC publiés ce 29 juillet 2016, ils sont au total 164 Etats membres.

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acceptable. Ainsi, aucune décision majeure n'échappe à la règle de consensus275, que ce soit pour l'adoption des accords commerciaux multilatéraux issus des négociations ou pour la mise en oeuvre de sanctions économiques à l'encontre d'un membre reconnu fautif, dans le cadre du mécanisme de règlement des différends276. Certes, s'il peut paraître parfois difficile d'adopter des décisions avec un nombre aussi important d'Etats membres, en revanche le choix d'une telle procédure ne manque pas de finesse : le principal avantage reste que les décisions ont plus de chance d'être acceptées ou mieux appliquées par tous les Membres. Il y a là une différence fondamentale par rapport aux autres organisations internationales économiques que sont la Banque Mondiale ou le Fond monétaire international (FMI) puisqu' il n'y a pas de délégation de pouvoirs concédée à un conseil d'administration ou à un quelconque ou à un chef à l'OMC.

A cela, s'ajoute une procédure de règlement des différends277dont la principale caractéristique est le respect d'un échéancier. Les décisions des groupes spéciaux sont entérinées par 1'O.R.D. (sauf rejet à l'unanimité, ce qui devrait être très rare) et des mesures de rétorsion à l'encontre des Etats fautifs sont aussi possibles.

La mise en oeuvre de ces dispositions procédurales qui tient compte des sensibilités de tous Membres permet ainsi à l'OMC d'assoir une solide légitimité. Preuve de sa solide légitimité, l'OMC jouit d'une base sociologique assez confortable puisqu'elle compte actuellement plus de 164 membres278 répartis sur tous les continents et représentant tous les intérêts ainsi que toutes les sensibilités du monde. Sa base sociologique qui est non seulement l'une des plus étendues mais aussi l'une des plus représentatives de la diversité du monde, constitue sans doute une avancée significative. En effet, le nombre croissant d'Etats membres, de regroupements ou d'alliances279 traduit une diffusion plus large du pouvoir de négociation au sein de l'OMC.

275 Cependant, lorsque le consensus n'est pas atteint, les décisions de la Conférence Ministérielle et du conseil général sont prises, sauf dispositions contraires, par un vote à la majorité.

276 En effet, contrairement au mécanisme de règlement de différends du GATT, le Mémorandum d'accord sur le Règlement des Différends, en son article 2:4, a opté pour le choix d'un consensus inversé pour l'adoption des sanctions. Il y a consensus si aucun membre de l'OMC, présent à la réunion au cours de laquelle la décision a été prise ne s'oppose formellement à la décision proposée.

277 La procédure de conciliation sous l'empire de l'ancien GATT débouchait régulièrement sur le blocage. Faute de consensus, nombre de rapports des groupes spéciaux n'avaient pu être adoptés, la partie « perdante » ne manquant pas de s'y opposer. Cependant, même lorsque les rapports étaient adoptés, les recommandations qu'ils contenaient étaient rarement suivies d'effet.

278 Voir la liste des Membres de l'OMC sur https://www.wto.org/french/thewto_f/countries_f/org6_map_htm 279De nouveaux groupements d'États ont émergé à l'OMC. Il y a par exemple les regroupements de type «G» tels que groupe G-20 qui représente l'alliance des pays en développement sur l'agriculture. ou encore le G-33,

En somme, l'ensemble des procédures mises en oeuvre assure à l'OMC une légitimité qui ne fait l'ombre d'aucun doute. C'est ce que rappelait Bernard GUILLOCHON, quand il indiquait que les demandes d'adhésion et le nombre élevé de conflits commerciaux portés devant ses organes de règlement des différends restent les meilleurs indicateurs de la confiance acquise par l'OMC. Il concluait à cet égard qu'« il existe une certaine confiance dans la possibilité d'aller vers un système plus multilatéral et beaucoup de pays veulent manifestement s'appuyer sur l'Î.Ì.Ñ. pour mieux participer au développement attendu du commerce mondial. Cela transparaît dans le dynamisme des échanges mondiaux f...], les demandes d'adhésion et les nombreux recours à l'arbitrage de l'institution pour le règlement des conflits »280.

Si les procédures mises en oeuvre confèrent à l'OMC une certaine légitimité, celle-ci est davantage assurée grâce aux résultats qui ont été atteints par l'Organisation au cours de ces deux décennies de fonctionnement.

B. Une efficacité justifiée par les résultats Obtenus

La mise en place de l'OMC en 1994, a directement eu un effet positif sur le commerce mondial qui a bondi de 9% en volume entre 1994 et 1996, ce qui équivaut à la plus forte croissance enregistrée depuis les années 1970281. L'explication est toute trouvée : « le fait qu'on ait fini par déboucher sur un compromis a certainement créé un regain de confiance dans le système commercial multilatéral et apporté aux entreprises et aux gouvernements une garantie sur une libéralisation future »282.

Et depuis, cette croissance se poursuit à un rythme soutenu se hissant en moyenne au tour de 4% au cours de deux décennies. La croissance des échanges sous l'impulsion de l'OMC a également eu des effets d'entrainement sur la croissance économique, la promotion du plein emploi, la stabilisation des cours des matières premières mais aussi et surtout la réduction de la pauvreté. A ce propos, selon les données récentes de la Banque mondiale, si en 1993, près

une coalition de 48 pays en développement qui se coordonnent sur les questions économiques, en particulier sur le dossier relatif à l'agriculture. Il y a également de nouveaux acteurs importants tels que le Groupe africain, constitué de nations africaines ou le groupement de type «C» coton 4 comprenant les pays de l'Afrique subsaharienne qui prônent une réforme commerciale dans le secteur du coton.

280 Bernard GUILLOCHON, « L'O.M.C, un premier bilan », Revue française d'économie, volume 12, n°4, 1997, p. 39.

281Idem., p.40.

282 Ibid.

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de 4 personnes sur 10 vivaient en dessous du seuil d'extrême pauvreté, en 2015, en dépit de l'augmentation de la population mondiale, ce ratio est passé sous la barre symbolique de 10%283. Or il se trouve que ces résultats positifs de la situation socio-économique correspondent précisément aux deux décennies d'existence de l'Î.Ì.Ñ.

Par ailleurs, du point de vue des acquis, le bilan de l'OMC durant ces 20 dernières années, c'est aussi le formidable éventail de règles stables encadrant le commerce international. Il en va ainsi de la prohibition des restrictions quantitatives284, la lutte contre les obstacles non tarifaires,285 la lutte contre le dumping286 mais aussi l'adoption des règles sur les services287, les investissements288, ou encore, sur la propriété intellectuelle,289 etc.

Mieux encore, l'Organisation a mis en place un système de règlement des plus originaux qui manie savamment une procédure conciliatoire avec une procédure contraignante. Ainsi que l'affirme julien BURDA, « le règlement des différends au sein de l'OMC allie, de manière adroite, souplesse et rigidité. Si la rigidité se retrouve dans les délais stricts qui ont été institués, la souplesse réside quant à elle dans la possibilité de choisir le mode de règlement du différend commercial : les négociations, les bons offices, la médiation et la conciliation sont autant de mécanismes classiques du droit international admis pour régler les différends au sein de l'OMC. »290

283 Ces données sont disponibles sur : http// www.banquemondiale.org/fr/news/pressrelease/2015/10/04/world-bank-fore-cast-global-poverty-to-fall-below-10for-first-time-major-hudles-remain-in-goal-to-end-poverty-by2030.html

284 Sous l'OMC, on est arrivé à un accord multifibre (AMF) qui prévoyait de 1995 à 2005 une libéralisation progressive du secteur textile de façon a éliminer les restrictions quantitatives abusivement imposées aux importations des pays développés.

285 Toutes les obstacles non tarifaires été prohibées. Par exemple, les mesures de sauvegarde, les contingentements, les raisons d'hygiène de sécurité ou de défense ne sont plus justifiées. Voir l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (accord SPS) qui fait partie des accord de base de l'OMC.

286 Le dumping est une pratique qui joue sur le prix d'un même produit, qui ne sera pas vendu au même prix sur les marchés d'Etats différents sans qu'une raison économiques ne puisse justifier cette différence. Le GATT avait déjà réagi contre cette pratique, en particulier au cours de Tokyo Round (1973/1979). Il en était résulté la mise en place d'un comité anti-dumping et l'adoption d'un code anti-dumping. Mais ces obligations n'avaient été respectées que par un nombre limités d'Etats. En mettant en place l'OMC on a intégré ces règles dans le système OMC, les imposant ainsi à tous les Etats membres.

287 Accord général sur le commerce des services, Annexe 1B de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 219 [Accord sur les services].

288 Accord sur les mesures concernant les investissements liées au commerce [Accord MIC]

289 Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Annexe 1C de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 332 [Accord sur les droits de propriété intellectuelle].

290 Julien BURDA, « L'efficacité du mécanisme de règlement des différends de l'OMC : vers une meilleure prévisibilité du système commercial multilatéral », Revue québécoise de droit international, 2005, p.13.

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On retiendra donc qu'en matière de résultats, même si l'on peut noter que des disparités subsistent encore dans la géographie des gains réalisés, il semble que le bilan de l'OMC soit bien meilleur que la moyenne, ce qui conforte bien plus le sentiment de l'appartenance à un système multilatéral assurément efficace.

§ 2. UNE EFFICACITE CONFORTEE

La popularité grandissante de l'OMC ne fait aujourd'hui l'ombre d'aucun doute. Non seulement les membres prennent de plus en plus activement part aux différents travaux de l'Organisation, mais en plus, de nouveaux Etats, sans doute convaincus du bien-fondé de l'appartenance au système commercial multilatéral, y font leurs entrées (A). L'ampleur des demandes d'adhésion, ces dernières années, constitue l'un des signes de l'impressionnante efficacité dont fait preuve l'OMC, au travers de ses instruments (B).

A. L'explosion des demandes d'adhésion

L'adhésion massive des Etats à l'OMC relève de l'évidence. Pour le démontrer, il n'existe pas de meilleures preuves que les indicateurs formels. En effet, dans un récent Rapport de l'Organisation, il a été indiqué que de 1995 à 2015, ils sont au total 33 économies à accéder à l'OMC291. Néanmoins ce qui est encore plus remarquable, c'est la diversité des pays qui y accèdent. Il s'agit des mastodontes économiques comme la Chine292, la Russie293 mais aussi les Etats insulaires comme le Vanuatu ou les Seychelles. Rien qu'à eux seuls, ces nouveaux Membres représentent le cinquième de l'effectif des Etats Membres de l'OMC294.

Et la dynamique ne s'arrête pas là. En effet, En dépit de la multitude d'exigences préalables à l'accession295, ils sont encore un peu plus d'une vingtaine de pays venant de tous les horizons à se bousculer au portillon de l'Organisation et espérer pouvoir y adhérer. Parmi

291 OMC, Rapport sur le commerce mondial 2015. L'OMC à 20 ans défis et réalisations, op. cit., p. 25.

292 Idem. En effet, selon les données de l'OMC, en 2014, la Chine à elle seule comptait pour 13% du PIB mondial, 17% des échanges et 21% de la population.

293 Selon la Banque Mondiale, en 2014, le produit intérieur brut de la Russie est de1860 milliard de dollars, soit le 10e au monde. Voir http : // www.worldbank.org /indicator/NY.GDP.MKTP.CD?year_high_desc=true

294 En référence aux données de l'OMC, en 2014, les nouveaux Membres représentaient environ un cinquième du commerce mondial, un cinquième du produit intérieur brut mondial (PIB) et plus d'un quart de la population mondiale.

295 Cette procédure d'accession nécessite une longue période d'examen et de négociation difficiles qui durent parfois plusieurs années. Par exemple, la Chine a accédé à l'OMC en 2002 après 15 ans de négociations. Quant à la Russie, il a fallu attendre 18 années d'âpres négociations pour voir sans candidature aboutir.

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ces pays, l'on retrouve des géants pétroliers comme l'Iran, l'Irak, la Libye, ou encore le Soudan, mais aussi des pays européens comme la Serbie, l'Andorre, la Bosnie-Herzégovine ainsi que des pays en développement comme le São Tomé, l'Ethiopie ou les Comores296. Néanmoins, le point commun à tous ces pays est qu'ils disposent pour l'instant d'un statut d'observateur qui leur permet de suivre les discussions.

A noter qu'en référence à l'Accord de Marrakech, notamment en son article XVI, pour qu'un Etat ou territoire douanier pleinement autonome accède à l'Organisation, il doit s'engager à ouvrir son marché et à se conformer aux règles définies par l'OMC297. Il s'agit là d'une contrepartie nécessaire aux avantages consentis par les autres pays membres. Mais la décision finale est entre les mains des Etats membres. A cet effet, l'accession à l'OMC s'analyse juridiquement comme une cooptation organisée par les textes instituant l'OMC.

Ces adhésions massives constituent-elles une chance ou une catastrophe pour le commerce mondial ? Pour la majorité des analyses, avec l'accession de ces pays, la part non négligeable des échanges qui échappait encore au multilatéralisme se trouve désormais considérablement réduite, ce qui représente un gain pour le commerce mondial. Azzedine GHOUFFRANE est de ceux qui partagent une telle vision. Dans une publication récente, il faisait état de ce que désormais l'OMC pèse près de 98% des échanges mondiaux298.

De même que l'indique le Rapport annuel sur le commerce mondial, « si l'on considère leurs parts dans le commerce mondial, leurs poids économiques et ne serait-ce que leurs populations, c'est la plus forte expansion de l'histoire du système commercial multilatéral »299. Indéniablement, l'explosion actuelle des demandes d'adhésion à l'Organisation est le meilleur témoignage de l'immense légitimité dont elle jouit. Il s'agit donc bien là d'un succès considérable qui conforte sans doute encore plus le caractère universel de l'organisation.

296OMC, Rapport sur le commerce mondial 2015. L'OMC à 20 ans défis et réalisations, op. cit.,. p. 26.

297 En effet dans le cadre de l'OMC, il est mis en place un groupe de travail dans le cadre duquel sont examinés les données et la situation et les politiques commerciales du candidat. Les parties contractantes qui en font la demande engagent des négociations bilatérales avec le candidat, notamment en ce qui concerne les concessions tarifaires qu'il doit consentir. Ces concessions seront évidemment élargies aux autres Etats membres. Lorsqu'il apparait que le candidat a fait des concessions et pris des engagements nécessaires, un protocole d'accession est adopté par la Conférence Ministérielle à la majorité des 2/3 des membres.

298 Azzedine GHOUFFRANE, « les 20 ans de l'OMC : acquis et limites », l'économiste, 2015, disponible sur le site www.l' economiste.fr et consulté le 10 décembre 2016.

299 Idem.

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Enfin, avec l'élargissement de la portée des règles de l'OMC, c'est toute l'intégration de l'économie mondiale qui se voit ainsi largement consolidée, avec en toile de fond l'ouverture de nouveaux débouchés commerciaux, sur des bases plus saines alliant la compétitivité à la transparence, et la prévisibilité à la sécurité juridique.

De toute évidence, si l'ampleur des adhésions et la multiplication des candidatures soulignent la légitimité acquise de l'Organisation, elles tiennent davantage à l'efficacité des instruments de l'OMC.

B. L'efficacité des instruments de l'OMC

Le pouvoir de séduction acquis par l'OMC ne souffre d'aucun doute. Cela peut s'expliquer par l'efficacité des instruments mis en oeuvres au sein de l'Organisation. Ainsi que l'affirmait le professeur Jean-Marc SIROËN, « pour la plupart des pays, l'OMC est un club bien séduisant qui justifie, à leurs yeux, des conditions d'entrée de plus en plus exigeantes. Il aura ainsi fallu à la Chine plus de 14 ans de négociations pour obtenir un accès plus ouvert aux marchés des pays membres.»300.

L'efficacité de l'OMC tient d'abord à son modèle organique. En effet, l'OMC est une organisation obéissant à une structure classique mais pragmatique. Classique, parce que sa structure institutionnelle n'est pas différente des autres organisations internationales : un secrétariat avec un Directeur général ayant un rôle administratif et deux organes diplomatiques : la Conférence Ministérielle réunissant tous les 2 ans et le Conseil général301. Pragmatique, parce que le savant dosage décrit à l'article 4 de l'Accord de Marrakech entre les organes intégrés et les organes diplomatiques est destiné à préserver l'équilibre institutionnel302.

Ensuite, l'efficacité de l'OMC relève davantage de sa finesse opérationnelle. Le fonctionnement de l'OMC est comparable à celui d'une organisation intergouvernementale classique. Les initiatives pour les accords sont données, approuvées et appliquées par les

300 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une institution en crise », op.cit., p.72.

301 Le Conseil général est l'organe de décision suprême de l'OMC ; il se réunit, en vertu de mandats différents, en tant qu'organe de règlement des différends et en tant qu'organe d'examen des politiques commerciales. Il est composé de représentants de tous les gouvernements Membres.

302 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une organisation hybride et résiliente », op.cit. , p. 32.

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Etats membres. Néanmoins, il y a une différence majeure avec les autres institutions internationales : les décisions se prennent par « consensus ». A noter que ce « consensus » ne signifie nullement « l'unanimité », comme précisé plus haut.

L'efficacité de l'OMC tient aussi à son architecture organique. Nous mettrons ici en exergue l'ORD. Au mécanisme de règlement de différends essentiellement conciliatoire hérités du GATT, l'Accord de Marrakech a rajouté une logique juridictionnelle dont les axes majeurs sont les procédures obligatoires et contraignantes, le consensus négatif. De plus, la mise en place d'une phase d'appel qui participe d'une volonté de juridictionnalisation plus poussée constitue une garantie supplémentaire de l'effectivité des décisions. Ce système de régulation a depuis été considéré comme l'un des succès fulgurants303 de l'Organisation. Certaines analyses mettent ainsi en avant l'importante contribution de l'ORD dans l'équilibre des rapports de force entre pays du Nord et du Sud. Les exemples qui reviennent régulièrement sont entre autres le cas des subventions aux exportations du coton américain ou du sucre européen. Sans conteste, l'existence de l'ORD octroie à l'OMC un certain crédit, une certaine puissance par rapport à d'autres organisations internationales qui en sont dépourvues ; d'où cette tendance à la mode consistant à en appeler au sursaut réformateur d'autres organisations internationales pour les rendre plus efficaces : C'est ainsi que pour faire respecter les droits sociaux, certains estiment qu' « il faudrait surtout doter l'OIT d'un instrument comparable à l'ORD »304.

Enfin son model financier témoigne aussi d'une formidable efficience: l'OMC est en effet une organisation internationale très peu budgétivore. Pour preuve, le budget consolidé de l'OMC pour 2016 n'est que de 197.203.900 francs suisse305. Ce budget ne représente par exemple qu'une infime partie du budget de la Banque Mondiale qui est de 1230 millions d'Euros en 2012306.

Ces quelques points saillants, symboles de la résilience de l'OMC, relevés, ne sont pas autosuffisants et méritent d'être consolidés par des approches de solutions tout aussi importantes afin de permettre à l'Organisation de mieux résister à l'usure du temps.

303 Yves NOUVEL, « L'unité du système commercial multilatéral » op.cit., 654.

304 Propos de Pascal Lamy in Alternatives économiques. Disponible sur https://www.alternatives-economiques.fr /faut-brûler-lomc/0032772.htm

305 https://www.wto.org/french /res_f/booksp_f/anrep16_chap9_f.pdf. html

306 Source : Banque Mondiale. Disponible sur http : // www.worldbank.org

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Chapitre 2. Une organisation perfectible

Si l'OMC constitue actuellement un foyer de tensions et de contestations, c'est en raison des enjeux économiques, commerciaux, sociaux, politiques qui la traversent. Il en est ainsi parce que premièrement, la base réglementaire sur laquelle le système commercial moderne repose à savoir le principe de non-discrimination, s'est progressivement érodée307. Deuxièmement, c'est aussi parce que la fracture économique entre les Membres continue de s'accroître au lieu de se réduire. Troisièmement, parce que l'Organisation priorise les valeurs marchandes au détriment d'autres valeurs comme les droits de l'homme ou les valeurs sociétales en général. Certes, des dispositions prévoient la possibilité des mesures spécifiques pour le respect de la santé humaine308 ou la protection des espèces végétales ou animales. Mais il ne s'agit que d'une prise en compte marginale de questions qui ne cessent de se faire croissantes.

On peut appliquer le même type de raisonnement à l'égard de la question des normes du travail, en mettant par exemple en relief les différences de protection sociale existant entre les PD et les PED. Cela conduit aux mêmes résultats, en l'occurrence, l'insatisfaction qui va du simple mécontentement à la contestation parfois violente309. Ce sont ces problématiques qui engendrent le doute, l'inquiétude voire le pessimisme quant à l'avenir de l'Organisation.

Cependant, il ne faut pas complètement noircir le tableau parce que la conscience de ces insuffisances existe. Le convenable serait plutôt de faire des propositions qui serviront de correctifs à ces défis en vue de parfaire le fonctionnement de l'OMC et de rehausser sa crédibilité. Aussi, ce chapitre tentera-t-il d'apporter des pistes de solutions aux différents points de friction qui ont été identifiés comme constituant de véritables menaces qui pèsent sur le futur de l'Organisation. Dès lors, deux axes majeurs seront au centre des propositions de réformes. Si le premier concerne le cadre normatif (Section 1), le second portera par contre sur le cadre organique (Section 2).

307 OMC, avenir de l'OMC. Relever les défis institutionnels du nouveau millénaire, op.cit., p.22. Ce rapport parle de « l'érosion de la non-discrimination ».

308 On mentionnera ici l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaire (SPS) dans lequel les Membres ont réaffirmé leur volonté de ne pas empêcher un Etat membre d'adopter ou de ne pas appliquer les mesures relatives à la santé sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les Membres.

309 En exemple, on mentionnera les violentes manifestations de la Société civile altermondialiste lors de la Conférence ministérielle Seattle en 1999. Ces manifestations ont été organisées de nouveau à Cancun en 2003.

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SECTION I. DES REFORMES NECESSAIRES AU PLAN NORMATIF

Il est évident qu'actuellement, l'OMC a une multitude de défis à relever. Cependant parmi ces nombreux sujets, il en existe qui requièrent des réponses des plus urgentes. En effet, alors que le cycle de Doha peine à avancer et n'enregistre aucune percée déterminante qui puisse laisser espérer un aboutissement prochain, les accords commerciaux régionaux continuent de se multiplier un peu partout dans le monde. Il s'agit en réalité d'accords bilatéraux de libre-échange qui portent sur bien de points et qui vont plus loin que le droit de l'OMC. « Ce phénomène ne peut laisser penser qu'il restera sans incidence normative ni systémique »310. C'est donc précisément au niveau des normes que devra s'orienter la réforme

du cadre des négociations (§1). Cette réforme ira davantage de pair avec le renforcement du lien entre le commerce et le développement pour corriger les imperfections du cadre normatif tant décrié par les PED. Enfin l'OMC devra aussi suffisamment prendre la mesure de la

critique sociale en incluant les valeurs non marchandes dans le système conventionnel (§2).

§ 1. LA REFORME DU CADRE JURIDIQUE DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES

La réforme du cadre juridique des négociations commerciales devra s'articuler au tour de deux points. D'une part, le renforcement du multilatéralisme (A) et d'autre part, la consolidation du lien entre le commerce et le développement (B).

A. Le nécessaire renforcement du multilatéralisme

Le défi le plus important que l'OMC doit relever est celui du renforcement de la règle de non-discrimination qui est la pierre angulaire de l'Accord instituant l'OMC.

Pour cela, la clarification des règles relatives aux accords commerciaux s'impose, même si certains pensent qu'une telle orientation ne mettra pas complètement fin au problème de fond

310Habib GHERARI, « Organisation mondial du commerce et accords commerciaux régionaux: le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international ».R.G.D.I.P, 2008, p. 292.

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que soulève la prolifération des accords préférentiels, dans la mesure où ces accords ne sont tout de même pas dénués d'intérêts311.

Néanmoins, puisque le problème se fait persistant, la doctrine n'a alors pas manqué de formuler des propositions. Parmi celles qui reviennent le plus souvent, nous en retiendrons quatre.

Une première proposition consisterait à revoir certains principes qui peuvent paraître quelques fois rébarbatifs. Au rang de ceux-ci, figure le principe général du consensus. En effet, comme le rappelle le professeur SIROËN, « L'absence de règles de majorité flatte la souveraineté des États, mais, avec 148 pays, elle conduit à l'échec, à des compromis boiteux ou à des règles contradictoires qui, en retour, affaiblissent l'organisation. L'échec de la Conférence de Seattle en 1999 a empêché l'ouverture d'un nouveau cycle dit du millénaire, celui de la Conférence de Cancun en 2003 a ravivé les inquiétudes sur l'avenir de l'OMC. »312 Ainsi, lors des négociations ou au moment de l'examen des accords commerciaux, il serait convenable de mettre en parenthèses le principe du consensus et lui substituer la technique du vote qualifié qui demeure nécessaire pour adopter ou faire amender les accords lorsque certaines de leurs dispositions font l'objet de désaccords. Cependant, il faut aussi bien reconnaître qu'une telle option, s'il est amené à se généraliser, pourrait bien être suicidaire pour le multilatéralisme. Pour cela, il faut qu'elle concerne les cas où les désaccords paraissent des plus insurmontables.

Une seconde proposition consisterait à s'inspirer du droit international en l'occurrence de l'expérience européenne pour mettre en oeuvre le principe de subsidiarité dans le cadre du système commercial multilatéral. Pour rappel, ce principe vise à privilégier le niveau inférieur de décision aussi longtemps que le niveau supérieur n'est pas en mesure d'agir de manière efficace. Concrètement, il s'agira donc d'attribuer des compétences à l'OMC par délégation de pouvoir d'autorité politique.

Par ailleurs, l'élargissement du recours au mécanisme de règlement des différends et l'extension de sa portée aux accords commerciaux seraient des options qui mériteraient d'être étudiées avec minutie. Une telle solution serait utile d'autant qu'elle offrirait une voie légale

311 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une institution en crise », op.cit., p.73. En effet, pour Siroën, « Ces accords visent autant à réduire les tarifs douaniers qu'à introduire les "sujets" repoussés à l'OMC : normes de travail, concurrence, investissement, marchés publics, environnement."

312 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une institution en crise », op.cit., p.73.

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aux contestations externes s'exprimant de manière inappropriée lors des négociations313. L'on devrait aussi permettre au Conseil général d'intervenir par voie d'autorité pour préserver l'intérêt collectif et assurer la progression des dossiers.

Enfin, la dernière proposition s'inscrit dans la droite ligne des recommandations faites par Richard BALDWIN dont les travaux314ont profondément inspiré le Rapport sur le commerce mondial de 2011. Son analyse est simple mais assez pragmatique. Puisque le régionalisme est une pratique appelée à durer, il propose alors de le « multilatéraliser » pour qu'il soit en phase avec le cadre multilatéral. Il suffirait pour cela de « lier les grands groupes régionaux entre eux par de multiples accords, en regroupant les accords bilatéraux pour en faire des accords plurilatéraux, et en étendant aux autres membres de l'OMC les préférences contenues dans les nouveaux accords »315. En guise d'illustration, on peut évoquer les accords tels que le Partenariat Trans-Pacifique (TPP)316 entre la zone Amérique et la région Asie-Pacifique ; le Partenariat Transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI, TTIP ou TAFTA)317 ou encore les Accords de Partenariat économiques entre l'UE et la CEDEAO.

Outre, le renforcement du multilatéralisme, il importe aussi de consolider lien commerce et développement dans les accords de l'OMC.

B. Le nécessaire renforcement du lien commerce et développement dans les accords de l'OMC

Pour relever le défi d'une meilleure intégration des PED, en particulier des PMA, dans le système commercial multilatéral, l'élan réformateur devra tendre vers deux axes majeurs. D'une part, l'amélioration de la participation de ces pays à l'OMC et d'autre part, le renforcement leur présence dans le commerce mondial.

313 Au titre de contestations externes, on mentionnera principalement celles qui émanent de la société civile internationales. De par le passé celles-ci ont déjà abouti au blocage des Conférences ministérielles à Seattle en (1999) et à Cancun en 2003.

314 Pour une analyse détaillée, voir Richard BALDWIN et Patrick LOW (dir.), Multilateralizing Regionalism. Challenges for the Global Trade system, Cambridge University Press, 2009, 742p.

315 Christian DEBLOCK, « le régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? » op.cit., p.19.

316 Le TPP est un traité de libre-échange, signé le 4 février 2016, visant à intégrer deux régions économiques telles que : la Région Amérique (Canada, Chili, Mexique, Pérou) et la région Asie-Pacifique (Australie, Brunei, Japon, Nouvelle Zélande, Malaisie, Singapour, Vietnam). L'actualité récente de cet Accord est marquée par le retrait des Etats-Unis le 23 janvier 2017 peu après l'accession à la présidence de Donald TRUMP.

317 Le TPCI en anglais « TAFTA » qui, s'il aboutissait, devrait réunir les Etats-Unis et l'Union européenne.

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Il est évident qu'un très grand nombre de PED, en particulier les moins avancés d'entre eux, n'arrivent pas à tirer pleinement parti des possibilités offertes par les négociations commerciales318 en raison du fait qu'ils n'ont pas les compétences techniques nécessaires. Cette situation qui constitue aujourd'hui une source de tensions permanentes pesant sur le système commercial multilatéral, nécessite dès lors des réponses des plus appropriées. Pour créer un système commercial équilibré, l'OMC doit s'assurer que tous ses Membres profitent de manière équitable des avantages inhérents à leurs participations à l'OMC. Ce qui ne peut se faire qu'à travers une réforme normative.

Certes, l'on admettra qu'il existe déjà dans le cadre de l'OMC un certain nombre de programmes de formation et d'assistance technique, mais ceux-ci s'avèrent encore insuffisants puisqu'ils n'ont permis jusqu'ici de sortir l'immense majorité de ces pays de la marginalisation qui caractérise leur situation. Tout effort de réforme doit alors prioritairement tendre vers l'amélioration de la fourniture de l'assistance aux PED pour renforcer leurs compétences techniques. Cette solution aura aussi pour avantage d'accroître leur participation aux travaux de l'Organisation, de consolider leurs institutions commerciales, leurs systèmes juridiques et leur capacité de production. Mais, concrètement, comment en arriver là ? Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d'insister davantage sur l'inclusion d'un traitement spécial et différencié plus effectif comme un élément fondamental dans les futurs accords commerciaux, y compris dans les prochaines réunions du Cycle de Doha. L'ouverture de futurs rounds319 devrait donc être conditionnée par la mise en oeuvre de cette exigence.

L'autre aspect qui mériterait d'être davantage renforcé est l'inclusion de PVD dans le commerce mondial. Si certains pays de ce groupe comme la Chine font aujourd'hui figure de géant du commerce mondial, tel n'est certainement pas le cas des PMA, en particulier des pays africains qui continuent d'occuper une position marginale320 dans le commerce mondial. C'est vers eux que doit se diriger en priorité tout effort de réforme. Bien entendu, la Conférence ministérielle de Hong Kong de 2005 appelait déjà à l'expansion de l'aide pour le commerce afin « d'aider les pays en développement, en particulier les PMA, à se doter de la

318 Document WT/COMTD/M2/R1/F. A la page 17 de ce rapport officiel de l'OMC, il a été précisé que la part des PMA dans le commerce mondial (importations et exportations confondues) n'est que de 1,1% en 2010.Pour plus amples détails sur le poids commercial des PMA, voir Document WT/COMTD/LCD/W/51. De même, cf. CNUCED, Rapport 2016 sur les pays les moins avancés, disponible sur http://www.unctad.org/ldc.

319 Les rounds sont les cycles de négociations commerciales organisés par l'OMC et portant sur plusieurs dossiers notamment.

320 En référence aux donnés du rapport sur le commerce mondial, au cours de la période 2000-2013, la part des PMA dans le commerce mondial de marchandises n'a pas connue une évolution significative, passant de 0,48% à seulement 1,17%.

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capacité du côté de l'offre et de la demande de l'infrastructure liée au commerce dont ils ont besoin pour [...] accroître leur commerce »321. Mais il faut aller encore plus loin. Une solution efficace devra insister sur le concept plus large d'aide pour le commerce en faisant valoir l'amélioration de l'accès de leurs entreprises aux marchés extérieurs. En outre, la production agricole des PMA doit être également compétitive. Pour cela, l'abolition de toute forme de subvention encore pendante dans certains accords commerciaux s'avère impérieuse.

Enfin, l'assistance liée au commerce doit être dans une large mesure axée sur les PMA, dans le but les aider à mettre les questions commerciales au centre de leurs stratégies nationales de développement et à s'intégrer dans le système commercial multilatéral. La finalité étant de mieux les outiller à faire face efficacement aux chocs externes liés à la mondialisation322. La constitution d'un fonds de solidarité internationale d'appui à l'agriculture dans les PED/PMA reste souhaitable. Il pourrait émaner des économies faites par les pays développés à l'issue des réductions de leurs soutiens distorsifs.

Certes, l'adoption de ces différentes solutions permettra à l'OMC de sortir de la crise dans laquelle elle est engouffrée. Mais, l'Organisation gagnerait davantage en intégrant les valeurs sociales à son champ conventionnel.

§2. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES VALEURS SOCIALES DANS LES ACCORDS DE L'OMC

En privilégiant les valeurs commerciales, le droit de l'OMC est resté largement fermé aux autres valeurs notamment celles liées aux enjeux sociétaux323, qu'il gère comme des externalités. Comme l'a relevé la Commission du droit international, ce choix « rend pratiquement impossible » la possibilité de faire référence à des traités internationaux

321 Cf. Paragraphe 57 de la Déclaration de Hong Kong de 2005.

322 La mondialisation peut se définir comme le « processus d'élargissement de l'espace économique d'intervention des agents économiques associée à la libéralisation des échanges. La mondialisation débouche sur la perte d'autonomie des politiques économiques locales ou nationales ». Au titre de synonymes, on évoque parfois les termes voisins tels que la Planétarisation, Transnationalisation ou encore globalisation. Voir Ahmed SILEM et Jean-Mari ALBERTINI (Sous la dir.), Lexique de l'économie, 6e éd., 1999, Paris, Dalloz, p. 408. Mais, la mondialisation c'est aussi un phénomène voulant caractériser, depuis la chute de l'URSS, une sorte d'universalisation de principes gouvernant aussi bien l'économie (avec comme principe de base l'économie de marche) que l'organisation interne des Etats (démocratie et droits de l'homme) comme la nécessaire couverture des Etats dans les partenariats divers. Voir Gérard CORNU (Sous la dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p.382.

323 Pour d'amples détails, voir Catherine Le BRIS, l'humanité saisie par le droit international public, Paris, L.G.D.J., 2012, p.12 et ss.

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extérieurs à l'OMC324. Pour Catherine Le BRIS « cet isolement du droit international économique est révélateur d'une conduite schizophrénique des États sur la scène internationale qui, bien qu'ayant consacré universellement les droits de l'homme, [rechignent manifestement] à les appliquer dans leurs accords commerciaux »325. L'élaboration d'une politique sociale internationale nécessite donc une « responsabilisation des États par une réintégration des enjeux sociétaux dans le champ du droit de l'OMC »326. Sont en particulier visées, d'une part, les normes sociales (A) et d'autre part, les normes liées à l'environnement (B).

A. La nécessaire inclusion des normes sociales dans les accords de l'OMC

Si le dossier des normes sociales fait actuellement débat à l'OMC, c'est en partie à cause du traitement laxiste327 que l'OMC réserve à la question mais c'est aussi en raison de la divergence de perceptions dont elle est l'objet. D'abord les PED dénoncent l'utilisation du commerce comme sanction pour faire appliquer les normes sociales. Les normes sociales constitueraient alors une forme de protectionnisme cachée, ce que contestent les pays riches328. Pour les pays riches, en l'occurrence l'UE et les Etats-Unis, il s'agit avant tout de se protéger contre le dumping social329 qui entraîne une concurrence déloyale.

L'OMC doit prendre cette problématique en considération et lui trouver une réponse des plus adaptée. Evidemment, même si la question n'a pas été prise en compte dans le cadre du

324 Voir CDI, « Fragmentation du droit international : difficultés découlant de la diversification et de l'expansion du droit international », Rapport du Groupe d'étude de la Commission du droit international établi sous sa forme définitive par Martti Koskenniemi, 13 avril 2006, A/CN.4/L.682 ,§ 450.

325 Catherine Le BRIS, « Remédier à l'irresponsabilité des États : intégrer les enjeux sociétaux dans le droit international économique », Communication du 10 juin 2015 au Collège de France le 10 juin 2015 présentée dans le cadre du séminaire Inter-réseaux « ID » « Le changement climatique, miroir de la globalisation - 12 propositions sur les responsabilités des Etats et des ETN ».

326 Idem.

327 Il n'y avait eu aucune avancée à l'OMC sur la question du travail depuis la Conférence ministérielle de Singapour de 1996.

328Pour les européens, l'UE avait l'obligation, conformément à ses traités internes, de promouvoir la démocratie, la règle de droit et les droits de l'homme dans ses accords internationaux.

329 selon le lexique des termes juridique, « le dumping social est un néologisme désignant la politique de certains Etats consistant à établir une législation permettant de pratiquer des rémunérations de moindre niveau et des règles de droit du travail et de droit syndical moins rigoureux que ceux qui sont en vigueur dans les Etats réputés concurrents économiques, dans le but d'attirer l'implantation de d'entreprises sur leur territoires ». Voir Gérard CORNU (Sous la dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p.234. Le dumping social résulte donc de la différence de traitement des salariés d'un pays pauvre comparé aux salariés d'un pays riche. Cette différence de traitement en termes d'allocations ou de prestations sociales génère un coût différentiel qui est défavorise les producteurs concurrents des pays riches.

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cycle de Doha, les négociations ne sont pas encore épuisées. Il conviendrait alors de l'inscrire au titre de priorité dans l'ordre du jour des prochaines réunions.

Toutefois, l'OMC pourra se servir des exemples d'instruments conventionnels au plan international qui accordent de l'importance à la question de normes sociales. Ainsi, existe -il dans le cadre de l'ALENA330 un avenant dont le but est d'assurer le respect, par chaque Etat membre, de sa propre législation du travail. Cet accord prévoit des consultations régulières entre les administrations à ce propos et met en oeuvre un mécanisme de règlement des différends doté du pouvoir de sanction331 .

L'OMC peut davantage puiser des références utiles dans les dispositions du Système de Préférences Généralisées américain. Dans le cadre de ces programmes de coopération avec les pays pauvres, les Etats-Unis appliquent systématiquement des dispositions relatives aux normes du travail. Il s'agit d'une forme de conditionnalité, plus ou moins souple. Ce peut être par exemple des normes qui mettent en place un contrôle accru de l'OIT en lui permettant par exemple d'accéder aux usines. Le processus d'examen est confié à un sous-comité du SGP qui examine les requêtes présentées par des tiers.

Enfin le singulier modèle européen pourra aussi utilement servir de guide à l'OMC afin d'accorder un meilleur traitement à la question des normes sociales. En effet, le SPG européen, opère d'une manière différente du SGP américain. Concrètement, des préférences additionnelles sont accordées aux pays qui ont adopté et respectent trois des conventions de l'OIT : celle relative à la liberté syndicale, à la négociation collective, et à l'abolition du travail des enfants. Ces dispositions sont assorties de sanctions commerciales qui peuvent être prises en cas du non respect des conventions relatives au travail forcé et de l'interdiction d'exportation de marchandises fabriquées par des détenus.

B. La nécessaire inclusion des normes environnementales dans les accords de l'OMC

Il est bien connu que le commerce est essentiel pour le développement332. Mais pour que le développement soit durable, il est crucial que le commerce entretienne une relation

330 Accord de libre-échange nord américain réunissant les Etats-Unis, le Mexique et le Canada.

331 Substantiellement ce pouvoir de sanction dont il est question se décline en des amendes.

332 Le Document final de Rio+20 intitulé « L'avenir que nous voulons » indique en son point 4 que la protection et la gestion des ressources naturelles constituent les piliers essentiels le développement économique et social.

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harmonieuse avec l'environnement. L'OMC a d'ailleurs bien compris cet impératif en inscrivant dans les lignes de l'Accord de Marrakech333 l'objectif du développement durable334. L'Organisation a davantage pris la mesure des enjeux en instaurant un cadre organique protecteur, en l'occurrence les Comité du Commerce et de l'Environnement (CCE) dont la mission est d'être l'enceinte du dialogue constructif entre l'environnement et le commerce mais aussi de servir de couloir de transmission entre l'OMC et les Accords environnementaux multilatéraux. De même, l'agenda de Doha pour le développement avait déjà conclu à la nécessité d'organiser des négociations spécifiques sur l'environnement335. Il reste que toutes ces batteries de mesures demeurent insuffisantes. Preuve, aucun accord portant sur l'environnement n'a pu être obtenu à l'OMC faute de consensus. En l'absence d'accord véritablement contraignant, la contestation écologique prend ici tout son sens. Dès lors, certaines recommandations doivent être formulées.

D'abord, l'OMC doit concilier les préoccupations environnementales avec le commerce. Cela s'entend de la nécessité d'inclure dans tous les accords commerciaux multilatéraux des clauses environnementales336. Il faudrait par exemple promouvoir un commerce des ressources sans méconnaitre la protection, la régénération, et la reconstitution des écosystèmes face aux défis existants et nouveaux337. De la sorte, le commerce participerait effectivement à la survie des espèces menacées.

Ensuite, sur la question de la pollution, le lien entre le commerce et la pollution due au transport des marchandises n'est plus à démontrer puisque ce sont les opérations de production et de consommation qui sont en amont de la pollution. L'instauration de taxes appropriées ou de règles telles que du principe du "pollueur-payeur"338 dans les accords de l'OMC pourrait ainsi permettre de responsabiliser les producteurs mais aussi les consommateurs sur les impacts liées à la pollution.

333Le Préambule de l'Accord instituant l'OMC dispose comme suit : « Les parties au présent accord, reconnaissant que leur rapports dans le domaine commercial et économique devrait être orientés vers (...) l'utilisation des ressources mondiales conformément à l'objectif du développement durable ». Ces objectifs ont été aussi réitérés dans la Déclaration de Doha de 2001.

334 Le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro a été le tournant décisif dans le discours politique mondial sur le commerce et l'environnement et le développement durable. Cf. Principe 12 de la Déclaration de Rio sur le commerce et l'environnement.)

335 Cf. Déclaration ministérielle de Doha de 2001.

336 Ce sont des dispositions issues des Accords Environnementaux Multilatérales.

337 Ces propositions sont en accord avec les solutions déjà formulées dans l'Acte final de Rio+20.

338 Le principe du pollueur-payeur est un principe adopté en 1972 et figurant dans l'Acte unique européen selon lequel les frais qui résultent des mesures de prévention, de réduction et de lutte contre les pollutions doivent être pris en charge par le pollueur. Il s'agit donc avant tout de responsabiliser les acteurs économiques sur les impacts environnementaux de leurs activités.

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De même, l'inclusion de normes à l'image d'ajustements aux frontières de la taxe carbone sur les produits à fort potentiel de risque serait une réponse adéquate à la question du changement climatique.

Enfin, puisque les législations internes sont laxistes et opaques sur la question de l'environnement et que le plus souvent les gouvernements au nom de la compétitivité ne prennent pas les mesures nécessaires pour corriger les défaillances du marché susceptibles d'impacter l'environnement, il est alors nécessaire que la transparence soit renforcée en ce qui concerne l'adoption par des membres des mesures de commerce susceptible de toucher l'environnement.

On retiendra donc que pour que le développement commercial engendre effectivement le développement durable, il est avant tout crucial que les règles du commerce mondiale soient assorties les mesure de contrôle afin puissent effectivement contribuer à l'amélioration du bien-être des populations. Si ces solutions nécessitent des réformes au plan normatif, il existe en revanche, des défis qui requièrent des réponses au plan organique.

Section II. Des réformes nécessaires au plan organique

Au plan organique, si la réforme de l'OMC paraît aujourd'hui largement enlisée, c'est parce que les Etats membres ne souhaitent pas modifier fondamentalement son architecture organique, qu'il s'agisse des attributions des organes de gestion (§ 1) ou des fonctions des organes de règlement des différends (§2).

§1. LA REFORME DES FONCTIONS DES ORGANES DIRIGEANTS

Pour améliorer le fonctionnement de l'OMC, le renforcement des fonctions des organes dirigeants paraît d'une importance capitale, que ce soit pour les fonctions du Secrétariat (A) que les fonctions du Directeur général (B).

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A. Le renforcement des pouvoirs du Directeur général

Relativement au Directeur général, au lieu de clarifier les pouvoirs et les attributions de ce dernier comme c'est souvent le cas dans la plupart des chartes constitutives d'organisation internationale, l'Accord de Marrakech a préféré déléguer cette compétence à la Conférence ministérielle. A cet égard, l'art.VI. 2 de cet Accord énonce que la Conférence ministérielle nommera le Directeur général et « adoptera les règles énonçant les pouvoirs, les attributions et les conditions d'emploi et la durée du mandat ». Or cette exigence n'a jamais été satisfaite si ce n'est uniquement pour la détermination des conditions d'emploi. L'absence de description claire et précise des attributions du Directeur général constitue donc une ombre au tableau de l'architecture institutionnelle de l'Organisation. Ce mutisme de l'Accord de Marrakech handicape la fonction du Directeur général qui en est simplement « réduit au rôle mineur de porte-parole de l'Organisation multipliant les voyages et des contacts à l'étranger au lieu d'en être véritablement le chef de file »339. Il est peut-être temps de revoir cette « anomalie » en clarifiant, une fois pour toutes, les attributions du Directeur général comme l'avait déjà suggéré, il y a plus de 10 ans, le Rapport Sutherland340 .

Ensuite le choix du Directeur général doit obéir à des règles strictes et non à des considérations géoéconomiques. Etant celui qui incarne l'image de l'OMC, il faudrait que ce dernier ait été d'une compétence hors pair et d'une renommée irréprochable.

Parallèlement, son autorité devra aussi être renforcée. Au lieu de limiter la présence du Directeur général aux seuls Comités de négociation commerciale, l'élargissement de son rôle aux autres comités et conseils tels que le Conseil général serait plutôt plus avantageux vue qu'il incarne l'autorité de l'OMC. Cette orientation est d'autant plus importante que la fonction de Directeur général est caractérisée par sa neutralité. Dans cette perspective, les avis du Directeur général pourront être d'une grande utilité lors des délibérations des différents organes. Ceci permettra par exemple de dépasser les clivages qui conduisent à des négociations infécondes comme c'est le cas actuellement pour la plupart des dossiers pendants du cycle de Doha.

Outre le renforcement du rôle du Directeur général, il importe aussi de consolider la fonction du secrétariat

339 OMC, Avenir de l'OMC. Relever les défis institutionnels du nouveau millénaire, OMC, 2005, p.88.

340 Idem.

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B. La nécessaire consolidation de la fonction du secrétariat

Les préoccupations à propos du secrétariat ne sont pas du tout négligeables. D'abord, ayant un rôle plutôt effacé sinon limité, le secrétariat ne permet pas à l'Organisation de tirer pleinement partie de son potentiel. Non seulement, il n'arrive pas à se faire entendre d'une voie forte et cohérente, mais en plus, son influence sur les débats demeure insignifiante. Pour une réforme efficace, même si l'OMC est une organisation « member driven », son secrétariat devrait disposer d'une plus grande liberté d'action, et son autorité se doit d'être raffermie.

Ensuite, l'effectif du personnel du secrétariat demeure faible : tout au plus 634 fonctionnaires341. C'est un effectif relativement faible pour une organisation dont les exigences en termes d'efficacité sont fortes et les attentes nombreuses. En comparaison avec la Banque mondiale, le personnel technique et administratif représentent à eux seuls plus de 11430 agents342. Il urge donc, du moins au regard de sa mission actuelle, d'augmenter le nombre de personnel et de relever le budget du secrétariat afin de lui permettre d'accomplir efficacement ses taches à savoir l'appui technique et professionnel ainsi que l'assistance aux PED/PMA.

Parallèlement, en raison de sa neutralité, le secrétariat s'abstient de tout acte destiné à peser sur les négociations. Il ne dispose pas de pouvoir de prendre part, en termes d'orientation, aux grands débats économiques. Certes, on a pris l'habitude de rappeler que le poids de la technostructure à l'OMC apparaît nettement beaucoup moins lourd que dans d'autres organisations internationales343, notamment dans les institutions de Bretton Woods. Pour autant, il n'en demeure pas moins qu'étant l'héritier de l'ancien secrétariat du GATT, le secrétariat de l'OMC est largement à dominance anglo-saxonne, ce qui ne facilite pas souvent l'accès aux ressources de l'Organisation par d'autres Membres. Il en est ainsi par exemple des ressources documentaires dont une large partie n'est disponible qu'en version anglaise principalement. Pour corriger cette lacune, le convenable serait alors une plus grande diversification de l'origine nationale du personnel du secrétariat. Il faut donc renfoncer la multiculturalité de cet organe pour lui permettre d'être le plus représentatif possible de la diversité culturelle des Etats membres. Mais il importe avant tout d'insister sur le recrutement

341 https://www.wto.org/french /res_f/booksp_f/anrep16_chap9_f.pdf. html

342 Source Banque mondiale / nombre d'employés à temps plein au 31 juin 2015 selon la profession. Données disponible sur http : // www.worldbank.org

343 OMC, avenir de l'OMC. Relever les défis institutionnels du nouveau millénaire, op.cit., p. 91.

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d'un personnel hautement qualifié qui dispose de vastes compétences et de l'expérience nécessaire digne d'une responsabilité inhérente à la fonction publique internationale.

Au demeurant, il faut renforcer le rôle du secrétariat afin qu'il dispose d'un pouvoir de direction plus important dans la conduite des négociations et dans la promotion des capacités techniques des délégations des PED. La réforme des organes de gestion ira de pair avec celle des organes de régulation.

§ 2. LA REFORME SOUHAITEE DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS

S'il est vrai que l'ORD présente quelques failles dans son fonctionnement, il n'en demeure pas moins qu'il présente l'originalité, du point de vue du contentieux international interétatique, de pouvoir comporter deux instances344 qu'il serait intéressant d'améliorer. D'une part, les groupes spéciaux (A), et d'autre part, l'Organe d'appel (B).

A. Des réformes relatives aux Groupes spéciaux

Une multitude de critiques ont été émises au sujet de la constitution des groupes spéciaux.

L'un des problèmes étaient relatifs à la sélection des membres de ces groupes spéciaux. Pour remédier à ces problèmes, le mode de sélection doit être revu. Au lieu d'un processus unique de sélection, il serait nécessaire d'alterner les combinaisons. L'ORD pourra par exemple sélectionner les membres de ces groupes spéciaux sur une liste préétablie ou recourir à un choix alternatif tel qu'une désignation à partir d'un mécanisme ad hoc.

De même, pour éviter les accusations relatives à la transparence qui entachent la crédibilité des groupes spéciaux, _ car il faut le souligner, les procédures de règlement des différends sont en principe confidentielles _ il serait souhaitable que les audiences soient largement ouvertes au public.

344 Le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends aménage un véritable double degré de juridiction : d'une part, les groupes spéciaux s'analysant comme le premier niveau de « juridiction » et d'autre part l'Organe d'appel qui constitue le second niveau de juridiction. V. Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Annexe 2 de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, 14 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 426.

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En outre, le Mémorandum d'accord dispose que, si un Membre le demande, une partie à un différend doit « fournir [...] un résumé non confidentiel des renseignements contenus dans ses exposés écrits qui peuvent être communiqués au public ». Mais, dans la pratique les parties se sentent rarement liées par cette disposition. Les Membres donc doivent être tenus de rendre publique une partie ou la totalité de leurs communications. Cette obligation devrait aussi s'élargir à tous les documents relatifs à un différend porté devant l'OMC, à savoir les demandes d'établissement d'un groupe spécial, les communications du Groupe spécial et les rapports finaux des groupes spéciaux. Tous ces documents importants doivent être librement accessibles au grand public sur le site Web de l'OMC dans l'ensemble des trois langues officielles de l'OMC.

Au plan organique, il serait convenable de professionnaliser les groupes spéciaux. La professionnalisation des groupes spéciaux serait en effet un moyen nécessaire pour mieux garantir l'indépendance des « panels » et pour diversifier leur composition dans l'optique de renforcer davantage le caractère juridictionnel de l'ORD.

Au plan de la procédure, le Mémorandum d'accord a entendu conférer une force obligatoire aux décisions de l'ORD345. Mais le défaut de ce texte, c'est qu'il n'a pas assorti ces décisions de la force exécutoire, puisque pour l'exécution de celles-ci, il est simplement demandé aux parties de faire part de leurs intentions. Résultat, l'application de ces décisions peut paraître très aléatoire. L'instauration d'une force exécutoire complétant les décisions de l'ORD sera ainsi un excellent rempart contre la mauvaise foi et les procédures dilatoires régulièrement relevées dans les phases d'exécution des ces décisions.

Afin de résoudre le problème actuel de l'engorgement de l'ORD, et surtout celui des retards procéduraux, l'action se doit d'être double : en premier lieu, une procédure préventive, en réponse à un constat de menace dans le cadre du Mécanisme d'évaluation des politiques commerciales, mérite d'être mise en place à l'OMC. Il faudrait déjà commencer par penser à l'autosaisine de l'ORD. Ensuite, la mise en place d'une procédure d'urgence paraît aussi nécessaire pour régler les litiges impliquant d'énormes enjeux financiers. Cette action en référé qui intègre la possibilité de prononcer les mesures provisoires ou conservatoires est d'autant plus nécessaire que, laissé à la libre disposition des Etats, le mécanisme d'appel est le plus souvent utilisé comme un excellent prétexte pour retarder le

345 L'article 17.4 du Mémorandum d'accord dispose à cet égard que « les rapports de l'organe d'appel seront acceptés sans condition par les parties au différend ».

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processus de règlement de différends. A cet égard, on pourra s'inspirer du référé pré-arbitral existant dans le cadre de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) reconnue comme l'instance mondiale des entreprises.

Si la réforme de l'ORD est avant tout destinée à corriger les défauts des Groupes spéciaux, elle devrait davantage portée sur l'organe d'appel.

B. Des réformes relatives à l'Organe d'appel

Il est évident que la création de l'Organe d'appel (OA) fut l'une des principales innovations du règlement des différends introduite par le Mémorandum. Mais, il reste que durant les deux décennies passées, son fonctionnement n'a pas été irréprochable à tout point de vue.

D'abord, le principe consistant à autoriser l'OA à renvoyer une affaire au groupe spécial de premier niveau doit être revue surtout lorsqu'il peut y avoir renvoi sans que le processus soit prolongé.

Ensuite, l'Organe d'appel a toujours été épinglé au sujet du secret qui caractérise ses procédures. Pour apaiser les craintes relatives à la transparence, les audiences de l'OA doivent être publiques. Pour y parvenir, il faut que l'ouverture des délibérations de l'OA devienne la règle et le secret l'exception. Et pour lever cette obligation, les acteurs ayant intérêt au différend, en l'occurrence les parties, doivent être les seules à même de faire valoir des motifs « suffisants et valables » pour exclure le public d'une partie ou de la totalité du différend. Ces motifs peuvent par exemple se déduire de l'importance des enjeux économiques.

De même, cet organe doit veiller à ce que ses décisions, ainsi que les rapports dont il est fait appel, n'accroissent ni ne diminuent les droits et obligations résultant pour les Membres des accords de l'OMC.

En outre, lorsqu'il connaît des appels, l'OA doit jouer un rôle crucial dans la clarification des droits et obligations des Membres découlant des Accords de l'OMC. Dans le même temps, l'OA devra contribuer à la sécurité et à la prévisibilité du système commercial multilatéral en aidant à assurer la cohérence de l'interprétation de ces accords.

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Au delà, il y a aussi des questions transversales aux deux organes de l'appareil judiciaire qu'il faudra également prendre en considération.

La question de la mise en conformité par exemple occupe une position centrale dans les critiques. La réforme devra alors s'atteler à y trouver des réponses par des formules des plus appropriées. D'une part, le « rachat » d'obligations, qui s'envisage comme une prime à la mauvaise foi et à la transgression des règles commerciales doit être simplement banni des mesures de sanction. D'autre part, il sera aussi préférable d'octroyer une compensation monétaire aux plaignants les plus pauvres, ce qui devrait leur permettre d'amortir les couts énormes des violations dont ils ont été l'objet en attendant que la procédure aille à son terme.

En somme, ces propositions sont autant de solutions spécifiques qui profiteront à l'ensemble du système et qui devraient aboutir au renforcement de la prévisibilité et la sécurité de l'OMC.

CONCLUSION

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Cordell HULL346 qui est considéré comme le père du système commercial actuel avait vu juste lorsqu'il affirmait qu' « il ne pouvait y avoir de paix durable sans prospérité économique, ni de prospérité sans liberté de commercer ». C'est en substance l'esprit même de l'internationalisme libéral347 prôné par l'OMC, « cette doctrine qui tente de concilier, d'un côté, la liberté économique avec la démocratie et, de l'autre, la coopération internationale avec la souveraineté des nations »348.

Fondé sur les deux solides piliers que sont la clause de la nation la plus favorisée et la clause du traitement national, l'édifice OMC se veut le gardien du nouveau système commercial multilatéral. L'objectif est de faire disparaître progressivement, par des concessions négociées lors de rounds, tous les obstacles tarifaires ou non tarifaires au commerce des marchandises. A la différence du GATT, l'OMC a réussi le pari d'étendre le champ des activités couvertes par le système commercial multilatéral. Elle a aussi mis en place un mécanisme de règlement de différends à la fois « global et intégré »349, l'un des plus originaux350 ayant permis de réduire significativement le « talion commercial »351.

Cependant, plus de vingt ans après sa mise en place, si les fondements idéologiques de l'Organisation ne sont pas en cause, en revanche, les dysfonctionnements existent. La vague libérale des années 1980 et 1990 semble s'essouffler. La réalité confirme, en effet, aujourd'hui l'existence d'une multitude de menaces qui pèsent sur l'avenir de l'Organisation à l'instar du régionalisme ou du protectionnisme qui prennent l'allure d'une tendance à long terme. Puisque les divers instruments adoptés dans le but de contrer ce fléau ont très vite été submergés par des pratiques mercantilistes, le monde compte encore aujourd'hui des centaines d'accords commerciaux régionaux ou bilatéraux qui mettent déjà à mal le multilatéralisme et fragilisent subséquemment l'OMC. A fortiori, la remise en cause du libre-échange, le regain des thèses populistes et nationalistes, les réflexes autarciques postérieurs à la crise de 2008 ou encore la prolifération des mesures protectionnistes déguisées peuvent-

346 Secrétaire d'Etat dans l'administration Roosevelt connu pour avoir été le principal artisan du plan américains de reconstruction du système international. Pour plus de détails sur Hull et son influence, voir entre autres : William ALLEN, « The International Trade Philosophy of Cordell Hull, 1907-1933 », American Economic Review, vol. 43, 1953, pp. 101-116 ; Michael BUTLER, Cautious Visionar. Cordell Hull and Trade Reform, 1933-1937, Londres, The Kent State University Press, 1998.

347 On peut résumer l'internationalisme libéral par deux aphorismes : les démocraties ne se font pas la guerre, et de bons voisins sont des voisins prospères.

348 Christian DEBLOCK, « le régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? » op.cit., 2.

349 Yves NOUVEL, « L'unité du système commercial multilatéral » op.cit., pp. 654 -663.

350 Julien BURDA, « l'efficacité du mécanisme de règlement de différends de l'OMC : vers une meilleure prévisibilité du système commercial multilatéral », op.cit., p.1.

351 Idem., p.4.

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elle alors être analysés comme le signe d'une descente aux enfers d'une Organisation « à bout de souffle »352. Ainsi que le soutient le Professeur Christian DEBLOCK, « la réciprocité est en effet de moins en moins adaptée aux réalités de [la] globalisation. La nouvelle diplomatie commerciale qui l'accompagne, dont le bilatéralisme est l'une des facettes, met de son côté à rude épreuve le second pilier du système, le multilatéralisme »353.

Et comme si cela ne suffisait pas, étant entendu que l'OMC ne pouvait rassurer ni l'opinion publique ni une société civile inquiète des effets néfastes de la mondialisation, les frustrations ont été autant politiques, économiques, écologiques que sociales. D'une certaine manière, l'OMC apparaît de plus en plus comme une Organisation surpuissante qui imposerait le libéralisme économique aux États et qui brimerait la démocratie au détriment des Etats les plus faibles. Les PED restent alors sur le ressentiment d'avoir été floués lors des dernières négociations. Et pour tout couronner, le cycle de Doha semble sombrer dans une profonde léthargie. Le constat est donc poignant : « A moins d'une redéfinition rapide et consensuelle, autant de ses objectifs que de ses modes de fonctionnement interne, le ` Doha light' dont a accouché la conférence de Bali en décembre 2013 pourrait bien n'être que le dernier soupir d'une organisation sans repère. »354

Le panorama des facteurs à l'origine de l'expansion des inquiétudes ainsi retracé, aboutit aux conclusions du Professeur Jean-Marc SIROËN qui soulignait que l'OMC constitue aujourd'hui « une institution en crise »355. L'OMC semble donc arriver à un niveau où le fait même de survivre relèverait désormais de la gageure. Bref, tout porte à croire que son avenir est peut-être bien déjà derrière elle356.

Pourtant, l'OMC s'est imposée ces vingt dernières années comme l'instance indispensable à la gouvernance de la mondialisation. Sa recette miracle et en même temps son gage de survie est d'avoir été l'artisan d'un nouveau système commercial multilatéral plus légitime (164 membres représentant 98% des échanges commerciaux mondiaux), plus transparent (évaluation sur une base multilatérale des politiques commerciales des Etats membres et juridictionnalisation du mécanisme de règlement des différends) et plus

352 Habib GHERARI, «L'OMC à bout de souffle? Quelques observations sur la 8ème Conférence ministérielle», op.cit., p.111 et ss. ; Christian DEBLOCK, « OMC : le déclin irréversible de la réciprocité et du multilatéralisme », op.cit., p. 35.

353 Idem.

354 Pascal LOROT, « Le cycle de Doha n'a accouché finalement que d'un accord à minima en décembre dernier à Bali », le nouvel economiste.fr, consulté le 10 juin 2016.

355 Jean-Marc SIROËN, « L'OMC, une institution en crise », Alternatives économiques, n°240, octobre, p.72. 356Christian DEBLOCK, « OMC : le déclin irréversible de la réciprocité et du multilatéralisme », op cit., p.54.

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représentatif des besoins spécifiques des PED (consécration du traitement spécial et différencié). Elle semble donc mieux adaptée à accuser les chocs de la mondialisation que l'on ne le pense357. Comme le rappelle Sandra POLASKI, bien que le Cycle de Doha se soit enlisé, « l'impossibilité de trouver un accord [...] ne freinera pas le commerce mondial et ne nuira pas à l'OMC »358. Aussi faut-il croire que l'Organisation est loin d'être en danger359.

Mais Au lieu de s'employer à deviner, en vain, quel serait le sort de l'OMC dans les années à venir, il serait plutôt judicieux de réformer l'Organisation en profondeur afin de garantir à l'échelle mondiale aussi bien le développement équitable du commerce des biens et des services marchands que la satisfaction des droits fondamentaux. Les thérapies de choc proposées pour servir de correctifs aux imperfections de l'Organisation restent in fine l'un des mérites de cette présente étude. Comme indiqué plus haut, les solutions devront passer d'abord par une évaluation des accords existants et par la définition de règles équitables entre le Nord et le Sud. Il est aussi crucial de rompre avec la logique du libéralisme à outrance pour réconcilier les valeurs marchandes avec les considérations sociétales. En outre, des aménagements institutionnels s'avèrent davantage impérieux, car c'est le prix à payer si l'on veut assurer la pérennité de l'Organisation.

Cependant prôner la suppression de l'OMC comme le recommandent ardemment certains serait une entreprise ruineuse qui exacerberait les rapports de force bilatéraux déjà à l'oeuvre dans le commerce international. A l'évidence, ces rapports de force ne font que le jeu des unilatéralistes. Même si nombres de détracteurs proposent de sceller définitivement le sort de l'Organisation, ils n'explicitent ni quand, ni comment le faire, une preuve de plus que l'invocation d'une alternative à l'OMC est une coquille vide.

En définitive, l'OMC ne disparaîtra pas puisqu' il est indispensable pour le monde d'avoir cette organisation qui est à la fois universelle, transparente et résiliente pour maintenir encore longtemps à flot le libre-échange, car ce dernier reste une garantie de paix. Du reste, ce constat s'inscrit dans le prolongement des propos de Cordel HULL qui aimait souvent

357 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une organisation hybride et résiliente », Le journal de l'école de Paris du management, 2014/5(No109), p. 31-36.

358 Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p. 18.

359 Idem.

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rappeler que : « quand les marchandises ne traversent pas les frontières, les armées le font »360.

360Cordel HULL cité par Christian DEBLOCK, « OMC : le déclin irréversible de la réciprocité et du multilatéralisme », op.cit., p. 36.

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TABLE DES MATIERES

97 | P a g e

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99 | P a g e

Avertissement : .i

Dédicace : ii

Remerciement : iii

Sommaire : iv

Liste des sigles et abréviations : vi

INTRODUCTION 1

PARTIE I. UNE ORGANISATION A BOUT DE SOUFFLE 11

Chapitre I. Un édifice juridico-institutionnel fragilisé 13

SECTION I. UN ARSENAL NORMATIF AFFAIBLI 14

§1. DES ENTRAVES A LA CLAUSE DE LA NATION LA PLUS FAVORISEE 14

A. Les accords commerciaux régionaux 15

B. Les accords commerciaux préférentiels 17

§ 2. LES OBSTACLES A LA CLAUSE DU TRAITEMENT NATIONAL 19

A. Les mesures protectionnistes de nature tarifaire 19

A. Les mesures protectionnistes de nature non tarifaire 21

SECTION II. UNE INSTITUTION REGULIEREMENT EN CRISE 23

§ 1. L'ENLISEMENT RECURRENT DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES

MULTILATERALES 24

A. Les raisons de l'enlisement récurrent des négociations commerciales multilatérales 24

B. Etude de cas typique: l'impasse du cycle de Doha 26

§ 2. LES LACUNES DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS 28

A. Des insuffisances tenant à la procédure mise en oeuvre 28

B. Des défauts tenant à l'absence de sanction 30

Chapitre II. Une organisation contestée 32

SECTION I. L'OMC, UNE ORGANISATION CONTESTEE PAR LES PAYS EN

DEVELOPPEMENT 33

§1. UNE CONTESTATION LIEE A LA MARGINALISATION DES PED DANS LE

SYSTEME COMMERCIAL MULTILATERAL 33

A. La persistance de la fracture Nord-Sud dans le commerce mondial 33

B. La place marginale réservée aux PED au sein de l'OMC 35

§2. UNE CONTESTATION LIEE AUX ASYMETRIES DES ACCORDS DE L'OMC 36

A. L'iniquité de l'Accord sur l'agriculture 36

B. Le déséquilibre de l'accord sur la propriété intellectuelle 38

SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION GENERATRICE DE FRUSTRATIONS

MULTIDIMENSIONNELLES 40

§1. LA DIMENSION POLITIQUE DE LA FRUSTRATION 40

A. Une critique liée à l'aliénation de la souveraineté des Etats 40

B. Une critique axée sur l'idée de l'absence de la démocratie 43

§2. LEs DIMENSIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES DES FRUSTRATIONS 45

A. La critique économique du libéralisme 45

B. La contestation sociale du libéralisme 46

PARTIE II. UNE ORGANISATION AU BOUT DE REFORMES 49

Chapitre I. L'OMC, une organisation résiliente 51

SECTION I. UNE ORGANISATION INDISPENSABLE 52

§1. LE CADRE DE PROMOTION DU LIBRE-ECHANGE 52

A. L'OMC, une enceinte de négociations permanentes et continues 52

B. L'OMC, un cadre de mise en oeuvre des accords commerciaux 54

§ 2. LE CADRE DE PROTECTION DU LIBRE-ECHANGE 56

A. La protection du libre-échange par la réglementation 56

B. La protection du libre-échange par le règlement des différends 57

SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION EFFICACE 59

§1. UNE EFICACITE AVEREE 60

A. Une efficacité assurée par les procédures mises en oeuvre 60

B. Une efficacité justifiée par les résultats Obtenus 62

§ 2. UNE EFFICACITE CONFORTEE 64

A. L'explosion des demandes d'adhésion 64

B. L' efficacité des instruments de l'OMC 66

Chapitre 2. Une organisation perfectible 68

SECTION I. DES REFORMES NECESSAIRES AU PLAN NORMATIF 69

§ 1. LA REFORME DU CADRE JURIDIQUE DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES 69

A. Le nécessaire renforcement du multilatéralisme 69

B. Le nécessaire renforcement du lien commerce et développement dans les accords de

l'OMC 71

§2. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES VALEURS SOCIALES DANS LES

ACCORDS DE L'OMC 73

A. La nécessaire inclusion des normes sociales dans les accords de l'OMC 74

B. La nécessaire inclusion des normes environnementales dans les accords de l'OMC 75

Section II. Des réformes nécessaires au plan organique 77

§1. LA REFORME DES FONCTIONS DES ORGANES DIRIGEANTS 77

A. Le renforcement des pouvoirs du Directeur général 78

B. La nécessaire consolidation de la fonction du secrétariat 79

§ 2. LA REFORME SOUHAITEE DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS

80

A. Des réformes relatives aux Groupes spéciaux 80

B. Des réformes relatives à l'Organe d'appel 82

CONCLUSION 84

BIBLIOGRAPHIE 89

TABLE DES MATIERES 96






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle