UNIVERSITE DE LOME
FACULTE DE DROIT (FDD)
MEMOIRE DE MASTER II DROIT PUBLIC FONDAMENTAL
THEME :
L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE A L'EPREUVE DE
MULTIPLES CRISES : PERSPECTIVE DU SYSTEME DE REGULATION DU
COMMERCE INTERNATIONAL
Présenté par : Directeur de mémoire
:
SAMBOE Kossi Kafui M. GBEOU-KPAYILE
Nadjombé
Maître-assistant
Vice-Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences
politiques de l'Université de KARA.
PROMOTION 2014-2016
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Avertissement
L'Université de Lomé n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce document. Ces
opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur.
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Dédicace
. A mon père SAMBOE Kodjo Mawulé, pour m'avoir
insufflé l'abnégation ;
. A ma chère mère ANANI Ayoko Andréa, pour
sa précieuse attention à mon égard ;
. A tous ceux qui croient aux vertus du sacrifice, de l'effort et
du travail.
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Remerciements
Ce travail n'a pu être mené à bien qu'avec
le soutien de plusieurs personnes que je voudrais, à travers ces
quelques lignes, remercier du fond du coeur.
Mes remerciements les plus sincères vont tout d'abord
à mon directeur de mémoire M. GBEOU-KPAYILE Nadjombé,
Maître-assistant, Vice-Doyen de la Faculté de Droit et des
Sciences Politiques à l'Université de KARA, au Professeur
titulaire KOKOROKO Komla Dodzi, agrégé de droit public et de
sciences politiques, Président de l'Université de Lomé
dont les sacrifices consentis ont abouti à la réussite de notre
master.
Je souhaite aussi exprimer ma profonde gratitude au Professeur
HOUNAKE Kossivi, Chef du département de droit public, responsable du
Master « Droit Public fondamental » à l'Université de
Lomé, au Professeur NGAMPIO Urbain, de l'UFR droit et sciences
politiques de l'Université d'Aix-en-Provence ; à Messieurs GNOSSA
Kossi Emmanuel, KUAKUVI Ahlin Max, TRIMUA Christian et EKUE Kagni, enseignants
à la Faculté de droit de l'Université de Lomé et de
Kara ainsi qu'à tous les enseignants et intervenants auprès de
qui j'ai beaucoup appris. Leurs encouragements m'ont permis d'avancer dans ce
travail, malgré les obstacles et leurs conseils me seront utiles,
au-delà de ce mémoire.
J'adresse avec émotion, ma reconnaissance à mon
frère SAMBOE Komi Délali. A mes soeurs SAMBOE Essi Sépopo
et SAMBOE Adjoa-Sika Eugénie pour leurs soutiens sans faille.
Je tiens également à remercier toutes les
équipes de la Faculté de droit de l'Université de LOME
pour leur professionnalisme et leur disponibilité tout au long de ces
deux ans de scolarité.
À mes camarades de la promotion 2014-2016 que j'ai
servis avec humilité et avec lesquelles j'ai passé une
scolarité exceptionnelle, riche d'enseignements, et d'expériences
de rencontres, je veux ici dire ma sincère amitié.
Enfin, que toutes les personnes qui ont permis que ce travail
voie le jour soient assurées de ma profonde reconnaissance.
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SOMMAIRE
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SOMMAIRE ......IV
SIGLES ET ACRONYMES vi
INTRODUCTION 1
PARTIE I. UNE ORGANISATION A BOUT DE SOUFFLE 11
CHAPITRE I. Un édifice juridico-institutionnel
fragilisé 13
CHAPITRE II. Une organisationtion contestée 32
PARTIE II. UNE ORGANISATION AU BOUT DE REFORMES
................................. 49
CHAPITRE I. L'OMC, une organisation résiliente 51
CHAPITRE II. L'OMC, une organisation perfectible 69
CONCLUSION 85
BIBLIOGRAPHIE 89
TABLE DES MATIERES 96
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SIGLES ET ACRONYMES
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RECUEILS ET REVUES
AFDI . Annuaire français de droit international
RDP . Revue de Droit Public et de la science politique en
France et à l'étranger
RGDIP Revue Générale de Droit international
RQDI ..Revue québécoise de Droit
international
RSA Recueil des sentences arbitrales
INSTITUTIONS
ACP Afrique, Caraïbes et Pacifique
ACPr. Accord commercial préférentiel
ACR Accord commercial régional
ADPIC Aspect des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce
AEM Accord environnemental multilatéral
AFE Accord sur la facilitation des échanges
AGCS Accord général sur le commerce des
services
AGOA Loi sur la croissance et les opportunités de
développement en Afrique
AMP Accord sur les marchés publics
CCD Comité du commerce et du développement de
l'OMC
CCE . Comité du commerce et de l'environnement de
l'OMC
CCI Centre du commerce international
CE . Communautés européennes
CEDEAO Communauté économique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest
CNC .. Comité de négociations commerciales
CNPF ....Clause de la nation la plus favorisée
CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce et
le développement
COMESA Marché commun de l'Afrique orientale et
australe
CPA Cour permanente d'arbitrage
CPJI ... Cour permanente internationale de justice
CTN Clause du traitement national
FMI . Fonds monétaire international
GATT Accord général sur les tarifs douaniers et
le commerce
MEPC Mécanisme d'examen des politiques commerciales
MIC . Mesures concernant les investissements et liées
au commerce
MNT Mesures non tarifaires
OCDE . Organisation de coopération et de
développement économiques
OEPC Organe d'examen des politiques commerciales
OIC Organisation internationale du commerce
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OIT Organisation internationale du travail
OMC .Organisation mondiale du commerce
OMPI Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle
ONG Organisation non gouvernementale
ONT . Obstacles non tarifaire
ONU . Organisation des Nations Unies
ORD Organe de règlement des différends
OTC .. Obstacles techniques liés au commerce
PED ... Pays en développement
PMA .. Pays moins avancé
SGP ... Système généralisé de
préférences
SPS Accord Sanitaire et phytosanitaire
UE ..Union européenne
AUTRES SIGLES
CERI....................................Centre de
recherche international
LEEPI..............Laboratoire d'économie de
la production et de l'intégration internationale
LGDJ . Librairie Générale du Droit et de
Jurisprudence
PUF Presses Universitaires de France
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INTRODUCTION
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« Régionalisme commercial, y a-t-il un pilote
dans l'avion ?»1, « L'OMC à bout de
souffle »2, « Faut-il changer l'Organisation
Mondiale du Commerce ? »3, « l'OMC au
frigo»4 ou encore « l'OMC, l'avenir compromis
»5. Bref, on ne finit plus de compter les articles
universitaires, les publications scientifiques ou simplement les écrits
de presse qui se rapportent à la question de l'avenir de l'Organisation
Mondiale du Commerce (OMC). Plus de vingt ans après les Accords de
Marrakech conclus en 19946, le fonctionnement de l'OMC n'a jusqu'ici
pas permis de dissiper les doutes sur la capacité réelle de
l'Organisation à régir durablement le commerce mondial. Aussi,
l'émergence des multiples défis fait-elle peser de l'incertitude
sur son avenir. C'est ce qui explique et justifie le choix de ce sujet ainsi
intitulé : « L'Organisation mondiale du commerce à
l'épreuve de multiples crises : perspective du système de
régulation du commerce international ».
Dans Le Petit Robert, le mot crise, peut s'entendre
d'une « phase grave dans l'évolution des choses et des
événements »7. Dans le cadre de ce sujet, il
se rapporte à l'ensemble des tensions, des perturbations que traverse
l'OMC. Quant au concept de régulation8, selon le Lexique
des termes juridiques, il évoque « le fait de
régler un phénomène pour le maîtriser dans le temps,
par exemple dans le domaine économique»9. Parler de
la perspective du système de régulation du commerce international
revient donc à évoquer l'avenir de l'OMC,
1Christian DEBLOCK, « Le
régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? »,
Interventions économiques, no55 (2016), p.2.
2 Habib GHERARI, «L'OMC
à bout de souffle? Quelques observations sur la 8ème
Conférence ministérielle», Revue générale
de droit international public, 2012, p.111 et ss.
3 Thierry GARCIA, «Faut-il
changer l'Organisation Mondiale du Commerce ? Propos relatifs au Rapport sur
l'avenir de l'OMC», Revue Générale de Droit
International Public, 2005, pp.665-679.
4 Arnaud ZACHARIE, « L'OMC au
frigo : et maintenant la loi du plus fort. », disponible sur
http://www.revue-démocratie.be
/L'OMC au frigo_et maintenant la loi du plus fort.html et consulté le 17
février 2017 ; Zaki LAIDI, « Après Cancun
l'OMC en danger ? », Critique internationale 2003/4 (no 21), pp.
33-41. 5Romain BENICCHIO, Céline
CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC »,
L'Économie politique 2007/3 (n° 35), pp. 55-65.
6 Accord de Marrakech instituant l'Organisation
mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1867, R.T.N.U.3 (entrée en
vigueur : 1er janvier 1995) [Accord instituant l'OMC].
7 Voir dans ce sens: le dictionnaire Le Petit
Robert, 2004, p. 595.
8 Les économistes ont une vision bien
particulière du concept de régulation. La régulation est
ainsi définie comme « une réponse aux problèmes
créés par le jeu spontané des marchés en
matière de production de biens ou de fourniture de services, chaque
marché ayant ses spécificités propres et pouvant donner
lieu à une régulation particulière ». Voir
Hervé DUMEZ et Alain JEUNEMAITRE, « Les
institutions de la régulation des marchés : Étude de
quelques modèles de référence » (Janvier 1999),
RIDE, n°1, pp.11-30. Sur la régulation en France, voir
notamment, Marie-Anne FRISON-ROCHE, « Les
différentes définitions de la régulation », in
La Régulation : monisme ou pluralisme? Petites Affiches,
n°spécial, p.5 et s. Marie-Anne FRISON-ROCHE,
«Le droit de la régulation », (2001) Recueil Dalloz,
chronique, pp.610-616. Voir aussi, Claude CHAMPAUD, «
Régulation et droit économique » (2002), RIDE,
n°1, pp. 23-66.
9 Voir Gérard CORNU (Sous la
dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p. 497.
3 | P a g e
une organisation internationale destinée à
régir le commerce international10. Toutefois, comme Christine
DE SUEDE aimait à le rappeler, on ne saurait mieux envisager l'avenir
qu'à partir du passé.11
Historiquement, si les prémisses du
libre-échange en matière commerciale remontent au XIXème
siècle, ce n'est véritablement qu'avec le GATT12 que
l'idée parvient à s'imposer, grâce à la
multilatéralisation opérée par le système. Issu
d'une institutionnalisation progressive, le système du GATT va
néanmoins présenter un certain nombre de défaillances qui
ont obligé à une réforme du système commercial
multilatéral13. Le défaut congénital du GATT,
c'est d'avoir été très tôt orphelin de son volet
institutionnel. Son système institutionnel était réduit au
strict minimum14. Quant à son mécanisme de
règlement des différends, il s'obstruait fréquemment sur
des blocages qui ont fini par affaiblir le système. Au début des
années 1980, le besoin a donc été largement ressenti de
modifier le système du GATT. C'est ainsi qu'au terme du cycle
d'Uruguay15, l'OMC succède au GATT. Son siège se
trouve à Genève. Dès sa création, l'OMC devient un
acteur incontournable de la mondialisation16, que les nations
commencent à appréhender au milieu des années 1990. Sur le
plan juridique, contrairement au GATT qui n'était qu'un simple accord
provisoire, l'OMC est une véritable organisation internationale
disposant de la personnalité juridique et apte à
interpréter les accords commerciaux internationaux, au même titre
que la Banque mondiale et
10 Dans les relations internationales, le commerce
international c'est « l'ensemble des échanges internationaux de
bien et de services ». Voir Ahmed SILEM et
Jean-Mari ALBERTINI (Sous la dir.), Lexique de
l'économie, 6e éd., 1999, Paris, Dalloz,
p.134.
11Dans ses Maximes et Pensées,
(1682) Christine de suède affirmait que « la science du
passé est le passeport pour l'avenir ».
12 Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce, 30 octobre 1947, 55 R.T.N.U. 187 (entrée
en vigueur le 1er janvier 1948) [GATT de 1947].
13 Par « système commercial
multilatéral », on désigne généralement
l'ensemble de principes et de règles que les pays membres sont tenus de
respecter dans leurs relations commerciales. Ces principes et ces règles
élaborés par le GATT ont par la suite été
consolidés par l'OMC.
14 Le GATT ne disposait seulement que de quelques
organes à savoir la Réunion des Parties Contractantes,
chargée de prendre les décisions, dont les fonctions
étaient assurées entre les sessions par un organe plénier
: le Conseil du GATT. Ce dernier se réunissait une fois par mois. Ces
organes diplomatiques étaient appuyés par des institutions
chargées d'apporter des appuis techniques, notamment un
Secrétariat général, avec à sa tête un
Directeur général. On trouvait enfin des organes
spécialisés en charge de certaines questions ponctuelles ou
domaines particuliers, comme par exemple le Comité spécial sur
les demandes d'adhésion à l'Accord général ou le
Comité sur les pratiques antidumping.
15 Le cycle d'Uruguay a donc fait oeuvre
constitutionnelle selon l'expression de Patrick MESSERLIN,
« L'OMC au-delà des fantasmes », Critique
internationale, no 6, hivers 2000 pp. 38-46.
16 En droit international public, la mondialisation
est un phénomène né après la guerre froide «
voulant caractériser une sorte d'universalisation des principes
gouvernant aussi bien l'économie (avec pour base l'économie de
marché) que l'organisation interne des Etats (démocratie droit de
l'Homme) comme la nécessaire ouverture des Etats dans des partenariats
divers ». Voir Gérard CORNU (Sous la dir.),
Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p. 382.
4 | P a g e
le Fonds monétaire international17.
Placé sous le sceau de l'engagement unique adopté par la
Déclaration de Punta del Este, la structure juridique de l'OMC comprend
un accord-cadre : l'Accord instituant l'OMC auquel est annexé une
série d'accords. Ces annexes18 font donc « partie
intégrante de l'Accord et sont contraignantes pour tous les membres
»19. Quant à sa structure organisationnelle, elle
comporte plusieurs échelons. Au sommet, se situe la Conférence
ministérielle, instance décisionnelle suprême qui est
composée de tous les Etats membres se réunissant environ tous les
deux ans. Puis vient le Conseil général qui s'occupe des affaires
courantes, et sert à la fois d'Organe de règlement des
différends et d'Organe d'examen des politiques commerciales. Ensuite, le
Secrétariat général, composé de 700 agents,
dirigé par un Directeur général20. Enfin, les
comités et conseils qui suivent et supervisent la mise en oeuvre de
l'accord dont ils ont la charge.
Objet de nombreux commentaires, l'OMC est tantôt
célébrée pour son multilatéralisme,21
tantôt contestée pour sa gestion libérale des affaires du
monde. En effet, à l'image du GATT, l'OMC s'imprègne de la
philosophie libre-échangiste22. L'intégration dans
l'économie globale est un préalable pour tous. Elle est la
panacée du développement et de la croissance23. A cet
égard, l'Organisation reconnaissant des problèmes propres au pays
en développement (PED) a consacré par le cycle Doha le traitement
spécial différencié (TSD). Il s'agissait alors d'instituer
au profit des PED un traitement particulier que la Conférence des
Nations-Unies sur le Commerce et le développement (CNUCED)24
aura vite fait de défendre, favorisant du
17 Bernard GUILLOCHON, «
L'OMC un premier bilan », Revue française
d'économie, Volume 12 N°4, 1997, p. 37.
18 L'annexe 1 contient des accords commerciaux
multilatéraux et se subdivise en trois : l'annexe1A comprend les Accords
sur le commerce de marchandises ; l'annexe1B, l'Accord sur le commerce des
services, l'annexe 1C est relatif à l'Accord sur les aspects des droits
de propriété intellectuelles touchant au commerce. L'annexe 2
reproduit les règles intégrées en matière de
règlement des différends, l'annexe 3 porte sur le
mécanisme d'examen des politiques commerciales. Enfin, l'annexe 4
contient les Accords plurilatéraux. Les principaux objectifs de l'OMC
sont d'assurer la liberté, l'équité, la
prévisibilité des échanges sur la base des deux principes
fondamentaux : la clause de la nation la plus favorisée et la clause du
traitement national. Pour ce faire, elle administre les accords de l'OMC, en
réglant les différends commerciaux par le biais d'un Organe de
règlement de différends, et en servant de cadre aux
négociations commerciales.
19 Article II : 2 de l'Accord instituant l'OMC.
20 L'actuel Directeur général de l'OMC
est le diplomate brésilien Roberto AZEVEDO.
21 Le multilatéralisme est un mode
d'organisation des relations internationales qui se traduit par la
coopération de trois ou plusieurs Etats dans le but d'établir des
règles communes. Concrètement, ce peut être un rapport, un
accord ou une négociation qui concerne plus de deux Etats et des nations
qui n'appartiennent pas à un même espace géographique de
type continental ou sous continental. Il se distingue d'une part, du
bilatéralisme (accord entre deux Etats) et, d'autre part, du
régionalisme qui est un multilatéralisme limitée.
22 Selon la théorie des avantages
comparatifs, les échanges commerciaux sont bénéfiques
à tous les pays.
23 OMC, Rapport annuel, 1998, p. 6.
Disponible sur le site internet de l'OMC :
https://www.wto.org.
24 Admission préférentielle ou en
franchise des exportations d'articles manufacturés et d'articles
semi-finis des pays en voie de développement dans les pays
développés, Rés. CNUCED 21 (ii), Doc off CNUCED nu,
2ème session, Doc. NU TD/97/v1, 1968; Conclusions concertées
du Conseil spécial des préférences, Doc. Off CNUCED
CCED, 10e session, suppl. n° 6A, Doc NU TD/B/329/Rev.1, 1970;
Système généralisés des
même coup l'émergence d'un droit international du
développement25. De même, depuis sa création,
l'Organisation s'efforce de créer un cadre institutionnel sûr,
prévisible afin de rendre le système commercial international
solide et prospère26.
Pourtant, depuis quelques années, la mise à
l'épreuve de la nouvelle organisation va rapidement mettre en
lumière ses limites. Au premier rang de celles-ci, se trouve la crise du
multilatéralisme commercial. A sa création, l'un des objectifs de
l'OMC était de réduire les accords bilatéraux
préférentiels au profit d'accords multilatéraux. Pourtant,
depuis quelques années c'est bien le contraire qui semble se
produire27. Le monde connaît actuellement une course
effrénée vers les accords préférentiels. Le
multilatéralisme commercial est depuis segmenté par la
prolifération des accords commerciaux régionaux28 et
bilatéraux mais surtout par la multiplication des accords commerciaux
méga-régionaux tels que la CETA29, le
RCEP30, voire l'Accord transatlantique31. Certains
avancent même que si ce dernier traité venait à être
signé, cela pourrait bien être l'étincelle qui
déclenchera le « déclin irréversible du
multilatéralisme »32. C'est ainsi que le Professeur
SIROËN met l'Organisation en garde contre cette propension «
dangereuse »33 qu'est le régionalisme
commercial, une tendance aujourd'hui « devenue insaisissable
»34. Cette inquiétude est aussi partagée par
Medhi ABBAS qui estime que « tout le monde s'accorde à dire que
l'OMC et le multilatéralisme
préférences, Déc. CNUCED CCED 75
(S- IV), Doc. Off CNUCED CCED, 4e session extra, suppl. n°1, Doc NU
TD/B/332 (1970) 1. En réalité, la CNUCED est un organe
subsidiaire de l'Assemblée générale des Nations Unies qui
prône un nouvel ordre économique mondial basé sur des
relations équitables entre pays de niveaux de développement
différents.
25 Dans la littérature, l'émergence
d'un droit international du développement a été
théorisé principalement par des auteurs tels que : Guy
FEUER et Hervé CASSAN, Droit international du
développement, 2ème éd., Paris, Précis Dalloz,
1991; Alain PELLET, Droit international du
développement, 2e éd., Paris, Presses universitaires de
France, 1987; Mohamed BEDJAOUI, Pour un nouvel ordre
économique international, UNESCO, Paris, 1979, Madjid
BENCHIKH, Droit international du sous-développement,
Paris, Berger, 1983.
26 Les objectifs de l'OMC sont : « le
relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et
d'un niveau élevé toujours croissant du revenu réel et la
demande effective». Voir Préambule de l'Accord instituant
l'OMC.
27 Le nombre d'accords préférentiels
a littéralement explosé depuis la création de l'OMC le
1er janvier 1995. Selon la base de données de l'OMC
disponible sur
https://rtais.wto.org/UI/PublicPreDefRepByEIF.aspx),
sur les 300 accords commerciaux en vigueur, 251 accords sont entrés en
vigueur entre janvier 1995 et janvier 2016, comparativement à 49 avant
cette date.
28 Cette tendance du droit du commerce est bien connue
sous le vocable du Régionalisme.
29 Traité de libre-échange entre l'Union
Européenne et le Canada.
30 Lancée par la Chine, le partenariat
économique régional intégral est un projet d'accord de
libre-échange entre les dix pays membres de l'Association des nations du
Sud-est asiatique (Brunei, Birmanie, Cambodge, Indonésie, Laos,
Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam.) avec leur
partenaire commerciaux régionaux (Chine, Japon, Australie, Inde
Corée du Sud Nouvelle Zélande).
31 Cet accord, actuellement en négociations
entre les Etats-Unis et l'Union européenne, deux ensembles
régionaux qui cumulent à eux seuls près de 50 pourcent du
commerce mondial, est l'objet de vives inquiétudes.
32 Christian DEBLOCK, « L'OMC
le déclin irréversible de la réciprocité et du
multilatéralisme », L'économie politique1(45), p.
35 et ss.
33 Jean-Marc SIROËN, « OMC
: le possible et le souhaitable », L'Économie politique
2007/3 (n° 35), p. 2.
34 Christian DEBLOCK, « le
régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? »
op.cit., p.15.
5 | P a g e
6 | P a g e
atténuent les rapports de forces internationaux
mais chaque conférence ministérielle offre le spectacle d'une
mésentente de moins en moins cordiale. Résultat,
excepté le mécanisme de règlement de différends
rien ne fonctionne à l'OMC »35. Aussi, l'OMC et le
multilatéralisme seraient-ils entrés dans « une
ère de rendement décroissant »36. Plus
alarmiste, Boris Nolde prévenait que « le
système préférentiel, s'il était largement
pratiqué, aurait porté une atteinte directe au système
fondé sur la clause de la nation la plus favorisée. Ces deux
méthodes d'organisation du commerce international sont incompatibles, et
le triomphe de l'une équivaudrait à la défaite de l'autre
».37 Alors même que l'Organisation tente ces
dernières années d'enrayer la vague du régionalisme, les
négociations commerciales du Cycle de Doha sont dans
l'impasse38, faute sans doute aux règles de fonctionnement
beaucoup trop rigides que Sylvia OSTRY qualifiait de « trinité
impossible »39.
Cependant, la tendance la plus inquiétante de ces
dernières années reste la montée en puissance du
protectionnisme40. Aujourd'hui plus que par le passée, les
barrières tarifaires et non tarifaires pullulent sur fond de
complexification accrue41. Depuis la crise économique de
2008, les négociations commerciales multilatérales ont du plomb
dans l'ail. Le climat de défiance vis-à-vis de la mondialisation
ne cesse de se renforcer42. A cela s'ajoutent des
velléités autarciques telles que le patriotisme
économique43, le « Brexit »44,
la montée en puissance du populisme ainsi que les retournements de
l'administration TRUMP45 vis-à-vis du libre-échange.
L'OMC serait donc entrée dans une zone de turbulences.
35 Medhi ABBAS, «
L'organisation mondiale du commerce : l'ère des rendements
décroissants », Asymétries, 2005, p.20 et ss.
36 Idem., p.20.
37 Boris NOLDE, « La clause
de la Nation la plus favorisée », Recueil des cours de
l'Académie de droit international de La Haye, 1932, Tome 39, p.
125.
38 Medhi ABBAS, Christian DEBLOCK, «
L'Organisation mondiale du commerce et le Programme de Doha pour le
développement : le multilatéralisme en mal de renouvellement
», Annuaire français de relations
internationales, 201,5 pp. 739-928.
39 SYLVIA OSTRY et al,
«The future of World Trade Organization», Brooking Trade
Forum Press, 1999, cité par Jean-Mari GRETHER
et Jaime de MELO : « La montée en
puissance du régionalisme et l'avenir de l'OMC », Working Paper
Series, WPS (13073), 2013, p. 6. Ces règles sont : (i)
obtenir le consensus, (ii) appliquer des règles universelles et (iii)
exécuter ces règles de manière stricte.
40 Le protectionnisme peut s'entendre d'un
système consistant à protéger l'économie d'un pays
contre la concurrence étrangère au moyen de mesures tarifaires
(droits de douane) et non tarifaires (quotas, subventions).
41 Christian HARBULOT et
al, « les nouvelles formes et méthodes de protectionnisme
», intelligence économique, ESSEC, 2010, p.3.
42 Le récent G20 de Hambourg confirme la
réserve vis-à-vis de la mondialisation telle qu'elle se
déploie depuis maintenant près de quarante ans.
43 Comportement des pouvoirs publics visant à
favoriser les produits locaux au détriment des firmes
étrangères.
44 Diminutif de « British Exit »,
cet anglicisme évoque la sortie du Royaume Unie de l'Union
européenne.
45 Le nouveau président américain a
pris des positions hostiles vis-à-vis du libre-échange. Le 23
janvier 2017, il signe le décret de retrait des Etats-Unis du
Partenariat Transpacifique et a promis d'augmenter jusqu'à 45 % les
Comme s'il en fallait plus, l'OMC est aussi contestée
par certains de ses Etats membres. Le moins que l'on puisse dire est que
l'intégration de tous les pays dans l'économie globale telle que
vantée par les promoteurs de l'Organisation est loin de se faire une
base équitable. A cet effet, les récriminations à
l'encontre de l'Organisation ne cessent de se multiplier dans les pays en
développement. Prenant sans doute conscience de ce « commerce
des illusions »46, les PED continuent de faire
échouer les négociations commerciales47. D'ailleurs,
certains n'hésitent pas à inviter ces pays à sortir cette
organisation qui prône « une vision idéologique et
simpliste d'une libéralisation qui ne tiendrait pas compte des
différences »48. Au Nord49 comme au
Sud50, les règles de l'OMC sont perçues, à tort
ou à raison, comme étant des mesures extérieures, ignorant
la souveraineté des Etats51 et peu regardant de
l'idéal démocratique. Elles s'imposeraient aux peuples et
promouvraient des intérêts capitalistes sous contrôle des
multinationales. L'OMC dicterait aussi sa « loi » à
travers son mécanisme de règlement des différends en
faisant prévaloir le « droit de l'OMC »52
sur toute autre considération. Si au Nord, l'ouverture des
marchés et la dérégulation sont
régulièrement présentées comme des causes de la
perte massive des emplois53, au Sud, il leur est souvent
reproché d'entraîner le recul des productions nationales du fait
de la concurrence déloyale.
Mais les « souffrances »54 de
l'Organisation ne s'arrêtent pas là. L'OMC est aussi
épinglée sur les questions des droits de l'homme, de
l'environnement, ou encore sur celle des politiques sociales55.
Depuis la Conférence ministérielle de Seattle en 1999, on a
l'impression que toute la société civile internationale est vent
debout contre de l'Organisation. Les experts environnementalistes mettent
régulièrement en avant l'insuffisance de la prise en compte de la
question environnementale par les normes OMC. Les militants écologistes,
pour leur part,
droits de douane sur les produits chinois et pour couronner
tout, il envisage même de faire sortir son pays de l'OMC qu'il a
qualifié de « désastre ».
46 Dani RODRIK, « Le commerce
des illusions », Reflets et perspectives de la vie économique,
vol. tome xii, no2, 2002, pp.41-51.
47 On mentionnera avec intérêt
l'échec de la Conférence de Seattle en 1999, sur fond du blocage
des PED sur les dossiers agricole notamment. La même situation a
été aussi notée lors de la Conférence
ministérielle de Cancun 2003 lequel s'est soldé par un
échec.
48 Zaki LAIDI, « L'OMC sur la
troisième voie », les échos, 20 mai 2005.
Disponible sur
http://les
echos.fr/redirect_article.php
?id =19417-078-ECH&fw=1html et consulté le 12 janvier 2017.
49 Par le terme «Nord», nous
désignons les pays développés.
50 Par le terme «Sud», nous évoquons
les pays en développement.
51 Chloé MAUREL,
Géopolitique des impérialismes, Paris, Studyrama, 2009,
p.176 et ss.
52Sur la théorisation de l'existence d'un droit
de l'OMC, voir notamment, Chios CARMODY, « A Theory of
WTO Law », (2008), Journal of International Economy Law, Vol.11,
Issue 3, p.527 et ss.
53 Arnaud MONTEBOURG, Votez pour
la démondialisation !, Flammarion, Paris, 2011, p. 5 et ss.
54 Habib GHERARI, «
Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux: le
bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce
international.», R.G.D.I.P, 2008, p.255.
55 Marion JANSEN et Eddy LEE,
Commerce et emploi. Un défi pour la recherche en matière de
politiques, OMC /OIT, 2007 p.2 et ss.
7 | P a g e
8 | P a g e
dénoncent une agriculture sacrifiée sur l'autel
d'un libéralisme sauvage. Plus généralement, l'OMC est un
sujet d'inquiétude de la société civile dite
altermondialiste56 qui conteste presque mécaniquement
à toutes les conférences ministérielles le
bien-fondé de l'ouverture57. D'aucuns voient
déjà dans cette aspiration à une gouvernance
partagée, qui se trouve être actuellement en forte progression, le
présage d'un futur sombre pour l'OMC.
Pourtant, l'OMC peut se prévaloir d'une avancée
: l'Organe de Règlement des différends (ORD). Ainsi que le
souligne Jean-Marc SIROËN, « La nouvelle procédure de
règlement des différends issue des Accords de Marrakech permet de
sanctionner des pays qui ne respectent pas leurs engagements. Elle interdit aux
plus puissants de faire justice eux-mêmes. Par le nombre de
plaintes58, l'OMC est devenue une cour d'arbitrage
multilatérale. L'OMC a pu imposer aux Etats-Unis, comme à l'Union
Européenne, qu'ils reviennent sur des textes ou des pratiques non
conformes »59. Si la procédure atténue les
asymétries en imposant le respect du droit international aux grandes
comme aux petites puissances commerciales, elle ne les efface pas pour autant.
Le coût de la procédure demeure encore prohibitif aux plus pauvres
dont le pouvoir de sanction apparaît d'ailleurs bien
dérisoire60. Bien plus, les accords de l'OMC,
régulièrement dénoncés pour les faveurs
considérables octroyées aux multinationales des pays riches, ont
du mal à passer auprès du prolétariat majoritaire des pays
pauvres qui s'estiment être réduits au rang de laissés pour
compte d'une mondialisation à géométrie variable.
Même Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, a lui
aussi admis au sujet de l'Accord général sur le commerce des
services (AGCS), un des accords phares de l'OMC, que cet accord « est
avant tout un instrument au bénéfice des milieux
d'affaires61». Ces constats s'inscrivent dans la droite
ligne des études menées dès 1985 par la CNUCED qui
déclarait dans un Rapport aux allures prémonitoires que
« la libéralisation des services profitera essentiellement aux
multinationales qui dominent le marché mondial
»62.
L'OMC est au coeur de la mondialisation mais en même
temps au centre de ses contradictions. A y voir de plus près,
l'exacerbation des antagonismes, les attaques dont est
56 Le mouvement altermondialiste se compose de
divers acteurs qui sont opposés au « mondialisme
néolibérale » fondamentalement jugé injuste et
dangereux. Pour cela, ils revendiquent à coup de dénonciations et
de manifestations l'établissement une autre mondialisation.
57 On citera ici l'échec de la
conférence de Seattle en 1999 dû aux manifestations des
altermondialistes.
58 Plus de 500 différends entre 1995 et
2015.
59 Jean-Marc SIROËN, «
L'OMC, une institution en crise », Alternatives
économiques, n°240, octobre, p.74.
60 Idem.
61 Cité par Raoul-Marc
JENNAR, Laurence KALAFATIDES, L'AGCS : Quand les
États abdiquent face aux multinationales, Paris, Raisons d'agir,
2007, p. 85.
62 Chloé MAUREL,
Géopolitique des impérialismes, Paris,
Studyrama, 2009, p. 17.
9 | P a g e
constamment l'objet l'Organisation de la part des Etats et des
ONG et l'impasse actuelle du Cycle de Doha donnent l'impression que
l'Organisation est au creux de la vague et que ses heures sont désormais
comptées. Une perspective qui affole déjà le
monde63.
Il est alors intéressant de mener une réflexion
approfondie sur la question de l'avenir l'OMC. Et pour cause, sur le plan
théorique, elle se veut une modeste contribution à la riche
littérature64 existant sur la question qu'elle permettra
aussi bien de parcourir. Dans cet élan théorique, elle permettra
certainement de revisiter le système commercial multilatéral, en
particulier le droit de l'OMC, qui pour une grande partie, est l'objet
d'évolutions. Sur le plan pratique, elle participera certainement
à l'analyse de la situation actuelle de l'Organisation. A cet effet,
cette étude se propose d'identifier et d'étudier des défis
normatifs, organiques, ou plus généralement institutionnels
auxquels l'Organisation est confrontée et d'examiner de quelle
manière l'OMC pourrait être renforcée afin d'être
à même de les relever.
Ainsi, lorsque l'on envisage de cerner la perspective de l'OMC
à l'aune des développements récents, il importe
d'appréhender toute la complexité de la question au regard des
crises multiples qui secouent l'Organisation. De ces multiples soubresauts, il
résulte forcément des tensions qui pèsent sur sa
stabilité et qui amènent à s'interroger sur son avenir. De
là tout l'intérêt de la question : Quelle perspective
envisagée pour l'OMC au regard des multiples difficultés
auxquelles elle fait face aujourd'hui ?
Si l'OMC subit aujourd'hui le poids des critiques en raison de
son incapacité à relever certains défis majeurs du monde
actuel, l'Organisation de Genève ne disparaîtra pas. C'est pour
cette raison que l'approche adoptée dans cette réflexion sera
d'abord analytique. Il
63 A ce propos, voici ce que déclarait
Pascal LOROT « A moins d'une redéfinition rapide et
consensuelle, autant de ses objectifs que de ses modes de fonctionnement
interne, le ` Doha light' dont a accouché la conférence de Bali
en décembre 2013 pourrait bien n'être que le dernier soupir d'une
organisation sans repère ». Voir Pascal
LOROT, « Le cycle de Doha n'a accouché finalement que d'un
accord à minima en décembre dernier à Bali », le
nouvel
economiste.fr,
consulté le 10 juin 2016.
64 L'intérêt pour la question s'est
d'abord développé en plein milieu des années 1980 avec la
publication du Rapport Leutwiler. Mais, ce rapport n'est pas
resté isolé. A l'occasion des dix années de fonctionnement
de l'OMC, un autre rapport dit Rapport Sutherland proposait de «
relever les défis institutionnels » qui semblent entamer
l'avenir de l'OMC. Plus récemment encore, en 2012, Pascal LAMY, alors
directeur général de l'OMC mettait en place un groupe d'experts
chargé de réfléchir sur l'avenir de l'OMC. Le Rapport
produit par ces experts en avril 2013 « Perspectives sur l'avenir du
commerce mondial » sera le fruit d'un effort très louable. Il
a néanmoins la faiblesse de reprendre un diagnostic déjà
largement fait et de proposer des recommandations peu opérantes. Sur un
plan doctrinal, la question a été particulièrement des
plus discutées en droit international économique. Elle a, en
effet, été en amont d'une querelle doctrinale opposants les
partisans aux détracteurs de l'Organisation. Pour les premiers auteurs,
l'OMC apparaît comme une « institution en crise ». Il
ne ferait donc aucun doute que l'avenir de l'Organisation est
déjà derrière elle. A ceux-ci d'autres opposent une
perspective plutôt sereine (Yves SCHEMEIL, « L'OMC,
une organisation hybride et résiliente », Le journal de
l'école de Paris du management, vol. 109, no. 5, 2014, p. 31et ss.
De même, voir Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en
danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p.
18.
10 | P a g e
s'agira donc de mettre en relief à la fois les
insuffisances normatives, institutionnelles, ainsi que des défis actuels
qui mettent à mal la sérénité de l'Organisation.
Ensuite, l'exercice consistera surtout en une réflexion sur la
perspective à l'OMC, débat qui, somme toute, demeure la lame de
fond de la présente étude.
On retiendra donc qu'en toile de fond de ces
différentes problématiques, transparaît l'idée de la
fragmentation du droit international65. Ce phénomène
dû au régionalisme commercial n'est certainement pas
nouveau66. Toutefois, tant que le régionalisme n'était
qu'une affaire d'interconnexion régionale, et d'intégration
économique « plus étroite »67, il
n'était pas réellement gênant. Aussi avait-il
été jusque-là toléré par le droit de
l'OMC68. Mais c'est lorsque les accords commerciaux
préférentiels ont commencé à
proliférer69 que ce phénomène est apparu plus
problématique. Progressivement, les normes sociales, le travail, les
droits humains, puis l'environnement ont émergé comme des
questions de droit international économique70. Et la
difficulté est que chaque réseau de coopération s'est mis
à adopter ses propres règles, sans réellement se
préoccuper du monde extérieur71, en particulier du
droit de l'OMC. Et Pour ne rien arranger, les politiques protectionnistes
viennent davantage exacerber le mouvement. Dans ce contexte, l'avenir de
l'Organisation est devenu un réel sujet d'inquiétude72
et les critiques se sont multipliées. Le foisonnement de ces crises
laisse à penser que l'OMC est à bout de souffle (PARTIE
I). Toutefois, si l'on va au-delà des apparences, il reste
constant que, malgré ces évolutions empreintes de
difficultés, il existe encore des raisons d'espérer un avenir
meilleur de l'Organisation (PARTIE II).
65 Voir CDI, « Fragmentation du droit
international : difficultés découlant de la diversification et de
l'expansion du droit international », Rapport du Groupe d'étude de
la Commission du droit international établi sous sa forme
définitive par Martti Koskenniemi, 13 avril 2006, A/CN.4/L.682, §
481 et 482.
66 En effet, le GATT admettait déjà
l'existence ou la création des zones de commerce
préférentiel à l'instar des zones de libre-échange
ou des unions douanières, soit entre pays à frontières
communes, soit pour répondre à des considérations
économiques régionales. A ce propos, cf. l'article XXIV
du GATT qui reconnaît « [...] qu'il est souhaitable d'augmenter
la liberté du commerce en développant, par le moyen d'accords
librement conclus, une intégration plus étroite des
économies des pays participants à de tels accords »
(Article XXIV, § 4).
67 Idem.
68 Dans l'esprit de l'article XXIV, les accords
sont des accords réciproques passés entre deux partenaires ou
plus qui ont pour objet de libéraliser les échanges et de viser
ainsi une intégration « plus étroite » de
leurs économies.
69 Habib GHERARI, «
Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux: le
bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce
international.», op.cit., p.255 et ss.
70 Le Droit international économique est une
discipline de Droit international public qui s'attache à
réglementer la production des richesses et l'échange
international de biens et de services.
71 Voir CDI, « Fragmentation du droit
international : difficultés découlant de la diversification et de
l'expansion du droit international », op.cit. , § 481.
72 Christian DEBLOCK, « Le
régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? »
op. cit., p.2 et ss.
PARTIE I. UNE ORGANISATION A BOUT DE
SOUFFLE
12 | P a g e
Fondamentalement tournée vers l'ouverture des
marchés, l'OMC fait de la libéralisation des échanges la
règle73 et de la protection des marchés l'exception.
De ce fait, l'Organisation participe par ses normes, ses procédures et
ses organes à l'enracinement de la doctrine libérale, autant
à la paix qu'à la prospérité dans le
monde74.
Pourtant, en dépit des progrès
réalisés depuis sa mise en place, sur le plan de l'ouverture des
marchés, le système commercial multilatéral «
comporte encore beaucoup d'insuffisances, de zones grises ou d'exceptions
»75. En effet, ces dernières années ont
été marquées par des tensions permanentes dans le
système commercial multilatéral. Ces tensions s'accroissent,
à cause de la multiplication des mesures protectionnistes depuis la
grande récession de 2008 dont les séquelles sont encore bien
présentes aujourd'hui. Ces mesures protectionnistes ont
été encouragées par les mouvements
autarciques76. A cela, s'ajoute l'émergence d'une tendance du
droit international économique appelée à s'inscrire dans
le long terme, à savoir le régionalisme, axé sur les
accords commerciaux préférentiels (ACPr) dont la
prolifération remet en cause le principe fondamental de la
non-discrimination77 et amène certains à se demander
s'il y a « encore un pilote dans l'avion »78 du
système commercial multilatéral. Aussi, cette remise en cause des
principes cardinaux que sont la clause de la nation la plus favorisée
(CNPF)79 et la clause du traitement national (CTN) fragilise-t-elle
l'OMC et remet-elle alors en question son avenir80. C'est ainsi
qu'une partie de la doctrine ne manquera pas de souligner que « le
système commercial multilatéral est en souffrance
»81. Et d'autres de se demander si l'OMC n'est
pas déjà en danger82.
Si l'avenir de l'OMC est aujourd'hui en cause, c'est parce que
non seulement son cadre juridico-institutionnel semble présenter des
signes d'essoufflement (Chapitre I), mais aussi parce que
l'Organisation est ébranlée par une vague de contestations
(Chapitre II).
73 Le terme « échanges » doit
être pris dans un sens large. Les échanges intègrent le
commerce des marchandises, les services ou les propriétés
intellectuelles.
74 On retrouvera sur le site de l'OMC une plaquette
présentant les dix avantages du système commercial
multilatéral, disponible sur
https://www.wto.org/french/news_f/pres95_f/pr024_f.html
75 Christian DEBLOCK, « le
régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? »
op. cit., p.2.
76 Il s'agit d'une tendance générale
de protectionnisme, observable actuellement dans plusieurs pays où une
partie de l'opinion publique préconise la fin du libre-échange
comme une solution aux problèmes tels que les délocalisations
d'entreprises, les pertes massifs d'emplois, les déflations salariales
etc.
77 Ce principe occupe une place centrale dans le
dispositif normatif du système commercial multilatéral. Il
interdit non seulement toute discrimination entre les Membres de l'OMC (ce qui
recouvre la clause de la nation la plus favorisée) mais aussi entre les
produits quelque soit leurs origines.
78 Christian DEBLOCK, « le
régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? »
op. cit., p.1.
79 Boris NOLDE, La clause de la
nation la plus favorisée, op.cit, 1932, tome 39, p.125 et
ss.
80 Romain BENICCHIO, Céline
CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC », op. cit.,
2007, p. 55. 81Habib GHERARI, «
Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux: le
bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce
international », op.cit., p.255.
82 Zaki LAIDI, « Après
Cancun l'OMC en danger ? », op.cit., p.13.
13 | P a g e
Chapitre I. Un édifice juridico-institutionnel
fragilisé
Conçu pour répondre à des objectifs du
libéralisme, le cadre juridico-institutionnel de l'OMC est
constitué d'un système de règles, de principes, de
mécanismes et d'institutions destinés à promouvoir le
libre-échange et à parer aux velléités
protectionnistes au sein de la société
internationale83.
Le cadre normatif de l'OMC est un ensemble conventionnel
composé d'un accord-cadre : l'Accord instituant l'OMC qui coiffe une
série d'autres accords qui en sont les annexes84.
L'architecture institutionnelle quant à elle, est constituée
d'organes coiffés par la Conférence ministérielle
composée de représentants ministériels, suivie d'un
Conseil général qui s'acquitte des missions de l'Organe de
règlement des différends (ORD) et de l'évaluation de
politiques commerciales (MEPC), ainsi qu'un vaste réseau de conseils
spécialisés et de comités. L'OMC met aussi en jeu des
principes fondamentaux notamment ceux de la nondiscrimination. Par la clause de
la "nation la plus favorisée" (NPF), un avantage commercial consenti
à un pays bénéficiera immédiatement à tous.
De plus, par la clause du traitement national (CTN), un produit importé
et dédouané, devra être traité comme les produits
locaux concurrents. Ces principes sont sensés être le fil
conducteur de tous les accords de l'OMC.
Or, à l'heure actuelle, la mise en oeuvre de ces
règles paraît entravée par l'émergence de nouvelles
formes de protectionnisme et par une profusion des « accords de
préférences commerciale »85 qui se sont
multipliés ces dernières années témoignant d'une
« montée en puissance du régionalisme
»86. De même, l'ampleur des crises affectant les
organes de l'Organisation laisse définitivement présager une
dérive institutionnelle.
Ainsi, malgré la générosité de son
esprit, l'OMC peine-telle encore à atteindre efficacement les objectifs
qu'elle s'est fixés. L'Organisation paraît aujourd'hui mal en
point car d'une part, son système normatif semble souffrir d'une
certaine usure (Section I) et d'autre part, son architecture
institutionnelle est aujourd'hui vacillée par des crises importantes
(Section II).
83 Voir Michel RAINELLI, Le
GATT, Paris, La Découverte, coll. Repères, n°130, 1993,
ch. III.
84 Les trois premières annexes englobent les
accords commerciaux multilatéraux qui ont pour particularité
d'être contraignants pour tous les Membres de l'OMC. En revanche, la
dernière annexe ne comporte que les accords commerciaux
plurilatéraux, lesquelles ne concernent que les Membres qui y sont
parties.
85 L'expression est de Jean Marc Siroën. Voir
Jean Marc SIROËN, « Accords commerciaux et
régionalisation des échanges », Document de travail,
université Paris-Dauphine, 2007, p.1.
86Jean-Mari GRETHER et
Jaime de MELO, « La montée en puissance du
régionalisme et l'avenir de l'OMC », op.cit.,p.1 et ss.
14 | P a g e
SECTION I. UN ARSENAL NORMATIF AFFAIBLI
Pour atteindre les objectifs d'un commerce libre et profitable
à tous87, l'OMC met en oeuvre un certain nombre de principes
cardinaux parmi lesquels le principe de nondiscrimination envisagé comme
la « clé de voûte »88 de l'ordre
commercial international. Ce principe vise, en effet, à donner une
chance à tout Etat membre de l'OMC de s'intégrer dans le commerce
mondial sans discrimination aucune. Il se décline en deux
impératifs : d'une part, la clause de la nation la plus
favorisée89 qui veut qu'un régime favorable ou un
avantage consenti à tel ou à tel Etat par un Membre de
l'organisation soit étendu à tous les autres Membres et d'autre
part, la clause du traitement national qui implique une égalité
de traitement entre opérateurs étrangers et
nationaux90. Il faut préciser que ces principes doivent
être le fil conducteur de tous les accords de l'OMC.
Cependant à bien des égards, la mise en oeuvre
de ces principes semble être compromise, eu égard aux atteintes
multiformes dont ils sont depuis l'objet. Au nombre de celles-ci, on
relèvera d'une part, les atteintes à la clause de la nation la
plus favorisée qui accréditent les thèses d' «
une mise à l'écart relative du multilatéralisme
»91 (§1) et d'autre part, les
obstacles au principe de la clause du traitement national dus à la
montée en puissance de velléités protectionnistes
généralisées92 (§2).
§1. DES ENTRAVES A LA CLAUSE DE LA NATION LA PLUS
FAVORISEE
Considérée comme une source de débats
depuis l'établissement du GATT, la prolifération des accords dits
de préférence commerciale constitue davantage une source
récurrente d'inquiétude depuis l'avènement de
l'OMC93 dans la mesure où ils entravent le principe de
87 C'est au sein du Préambule de l'Accord
instituant l'OMC que figurent les objectifs de l'organisation.
Substantiellement, il s'agit du relèvement des niveaux de vie ; la
réalisation du plein emploi ; la réalisation d'un niveau
élevé toujours croissant du revenu réel et de la demande
effective; l'accroissement de la production et du commerce de marchandises et
de services. A ce titre, la libéralisation du commerce apparaît
comme un moyen de réaliser ces objectifs ; elle ne constitue pas une fin
en soi, du moins en théorie.
88 Voir Dominique CARREAU et
Patrick JULLIARD, Droit international économique,
Dalloz, 2003, p.230 et Thiébaut FLORY,
l'Organisation mondiale du commerce. Droit institutionnel et substantiel,
Bruylant, Bruxelles, 1999 p.33.
89 Art. I , §1, du GATT.
90 Art. III , §1, du GATT.
91Jean-Mari GRETHER et Jaime de
MELO, « La montée en puissance du régionalisme et
l'avenir de l'OMC », op.cit., p.2.
92 Christian CHAVAGNEUX, « OMC :
changer pour exister », L'Économie politique 2007/3
(n° 35), p. 5.
93 OMC, L'avenir de l'OMC. Relever les
défis institutionnels du nouveau millénaire, Genève,
OMC, 2005. 102 p. 2.
15 | P a g e
non-discrimination, en l'occurrence la clause de la nation la
lus favorisée (CNPF). Dans la perspective de mieux comprendre les
appréhensions diverses sur les accords dits de préférence
commerciale et ses enjeux sur le système multilatéral, il serait
alors essentiel d'en dresser une typologie. Celle-ci est fondamentalement
construite autour de deux types d'accords : les accords commerciaux
régionaux (A) et les accords commerciaux
préférentiels (B).
A. Les accords commerciaux régionaux
Abondamment soulignés, les accords commerciaux
régionaux (ACR) constituent l'une des principales menaces qui
pèsent sur le système commercial
multilatéral94. Concrètement les ACR sont des «
mesures prises par les gouvernements pour libéraliser ou faciliter
le commerce à l'échelle régionale, parfois au moyen de
zones de libre-échange ou d'unions douanières
»95. Ce sont donc des accords commerciaux qui permettent
aux seuls pays participants de pouvoir tirer profit d'avantages
réciproques qui dérogent tout au moins « légalement
» à la clause de la nation favorisée96.
Au départ autorisée97 mais
limité, le phénomène des ACR n'a depuis cessé de
prendre de l'ampleur98. A cet effet, certains auteurs recourent au
terme « prolifération »99 pour
désigner l'étendue de la pratique. Selon Christian DEBLOCK
« Lorsque l'accord de libre-échange fut conclu
entre les États-Unis et Israël entra en vigueur en 1985, il n'y
avait alors que vingt accords commerciaux régionaux ; en date du mois de
mai 2014, l'OMC estime leur nombre à 419. De ce nombre, 219 sont des
accords de libre-échange relevant de l'article XXIV du
94 Jean Marc SIROËN, La
régionalisation de l'économie mondiale, Paris, la
Découverte, coll. Repères, 2004, p.3.
95 Walter GOODE, Dictionary of
Trade Policy Terms, OMC/Center for International Economic Studies,
Cambridge University Press, 2003, 4ème édition, p.
302. Cependant le terme « accords commerciaux régionaux
» paraît aujourd'hui très réducteurs puisque ces
accords débordent du cadre commercial pour intégrer les services,
les investissements, la concurrence ou encore la propriété
intellectuelle.
96 Cf. le lexique de
l'économie, 6e éd., 1999, Paris, Dalloz, sous la
dir. d'Ahmed SILEM et Jean-Mari ALBERTINI p.
607. En effet, le lexique d'économie corrobore cette définition
en retenant que la Zone de libre-échange est un espace économique
contractuel dans lequel, les échanges entre les Etats ne sont pas soumis
à des droits de douane internes.
97 En effet le L'article XXIV du GATT
reconnaît « [...] qu'il est souhaitable d'augmenter la
liberté du commerce en développant, par le moyen d'accords
librement conclus, une intégration plus étroite des
économies des pays participants à de tels accords »
(Article XXIV, § 4). Dans l'esprit de l'article XXIV, les ACR sont des
accords réciproques passés entre deux partenaires ou plus qui ont
pour objet la libéralisation des échanges commerciaux entre les
participants afin de parvenir à une intégration de leurs
économies.
98 Sur l'historique et l'évolution des ACR,
voir Jean-Mari GRETHER et Jaime de MELO, « La
montée en puissance du régionalisme et l'avenir de l'OMC »,
op.cit., aux pp.3 - 9.
99Habib GHERARI, «
Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux: le
bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce
international », op.cit, p.255.
16 | P a g e
GATT, 139 sont des accords dits d'intégration
économique relevant de l'article V de l'AGCS, 20 sont des unions
douanières et 41 sont des accords au titre de la clause d'habilitation
»100.
Sont principalement qualifiés d'ACR au sens de
l'article XXIV du GATT, les Zones de libre-échange et les Unions
douanières. La Zone de libre-échange regroupe deux ou plusieurs
territoires douaniers entre lesquels les droits de douane, les taxes et les
autres réglementations commerciales restrictives à l'instar des
taxes d'effet équivalent sont éliminés pour l'essentiel
des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des
territoires constitutifs de la zone de libre-échange101. Les
plus connues sont : l'Accord de libre-échange nord américain
(ALENA) ou la zone de libre-échange de l'ASEAN102 ou encore
l'AELE103. En revanche, l'union douanière est un accord
commercial régional dont les Etats membres ont adopté une
politique commerciale commune vis-à-vis des Etats tiers notamment une
réglementation et un tarif douanier commun104. On pourrait
citer en exemple l'union douanière de l'Union Européenne (UE),
l'union douanière de l'Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA)105 ou encore le Marché commun de
l'Amérique du Sud (MERCOSUR)106.
Néanmoins, la tendance de ces dernières
années consiste en la mutation du régionalisme vers le
bilatéralisme107, ou encore vers
l'inter-régionalisme108. C'est ainsi que, le
secrétariat de l'OMC relève dans son rapport de 2011 qu'il y
avait 89 accords bilatéraux, 12 accords
100Christian DEBLOCK, « le
régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? »,
Interventions économiques no55 (2016),
p.14.
101 Voir l'article XXIV, § 8 b) du GATT.
102 Accord de libre- échange entre les membres de
l'Association des Etats de l'Asie du Sud-est, en abrégé ASEAN. Il
regroupe la Birmanie, le Brunei, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la
Malaisie, les Philippines, le Singapour, le Vietnam et la Thaïlande.
103 Zone de libre-échange entre les pays de
l'Association européenne de libre-échange en abrégé
AELE regroupe actuellement 4 pays membres dont le l'Island, le Liechtenstein et
la Suisse.
104 V. l'article XXIV, § 8 a) du GATT.
105 Crée en 1994, l'UEMOA est une union
douanière qui regroupe huit Etats de l'Afrique de l'ouest ayant en
commun l'usage d'une monnaie unique, en l'occurrence le francs CFA. Ce
regroupement se composé du Bénin, du Burkina Faso, de la
Côte d'Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger du
Sénégal et du Togo.
106 Le Marché commun du Sud, couramment
abrégé Mercosur, est avant tout une union
douanière réunissant 6 pays de l'Amérique latine tels que
l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay, le Venezuela et la
Bolivie. Contrairement à l'ALENA qui est une simple zone de
libre-échange sans tarif extérieur, le Mercosur se veut un outil
de coopération beaucoup plus poussé. L'objectif étant
d'aller vers un rapprochement politique ou juridique.
107 Habib GHERARI, « Organisation
mondial du commerce et accords commerciaux régionaux: le
bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce
international », op.cit. , p.258.
108 Regroupement de deux ou plusieurs blocs commerciaux
régionaux dans le but de libéraliser les échanges
commerciaux entre les Membres. En exemple, en 1995, le Mercosur et l'UE ont
signé un accord-cadre interrégional de coopération
économique.
17 | P a g e
plurilatéraux et 41 accords plurilatéraux dont
au moins une partie est un ACR interrégional109.
Les ACR engendrent non seulement une distorsion du principe
NPF mais aussi un encouragement à la logique
préférentielle. Selon certaines études, les ACR conduisent
aussi à « l'enchevêtrement normatif
»110 communément qualifié d'effet «
spaghetti bowl »111. De la sorte, les administrations
appelées à appliquer de tels accords ne savent pas comment s'y
prendre. Quant aux exportateurs, ils ne savent pas à quel saint se
vouer. De plus, avec les accords bilatéraux, c'est la loi du plus fort
qui se trouve ainsi pleinement revigorée dans les échanges
commerciaux. Bref, les ACR constituent des entraves au multilatéralisme.
Ainsi que le souligne le rapport Sutherland, la prolifération de tels
accords tendent à créer des intérêts établis
qui peuvent compliquer la mise en oeuvre d'une véritable
libéralisation multilatérale112.
Mais la prolifération des accords discriminatoires ne
se limite pas aux seuls ACR, ils concernent également les accords
commerciaux préférentiels.
B. Les accords commerciaux
préférentiels
Au sens du droit de l'OMC, les « accords commerciaux
préférentiels » (ACPr) sont des accords qui offrent des
préférences commerciales unilatérales. Ils sont
régis par le Système Généralisé de
Préférences (SGP)113 ainsi que par d'autres
systèmes préférentiels non réciproques jouissant
d'une dérogation particulière. Sans doute, ces accords sont ceux
qui relèvent de la Clause d'habilitation114, Ainsi, les ACPr
s'analysent comme une autre
109OMC, Rapport sur le commerce mondial 2011.
L'OMC et les accords commerciaux préférentiels : de la
coexistence à la cohérence, OMC, 2011, p. 61.
110Habib GHERARI, «
Organisation mondial du commerce et accords commerciaux régionaux: le
bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce
international ».op. Cit., p. 266.
111 Jagdish BHAGWATI et Anne
KRUEGER, «The dangerous drift to preferential trade
agreement», AEI Press, 1995 p.43; Robert Baldwin, «
Multilateralising regionalism: spaghetti bowls as building blocks on the path
to global free trade», World Economy, vol. XXIX, n° 11,
2006, aux pp. 1 451-1 518.
112 OMC, L'avenir de l'OMC. Relever les défis
institutionnels du nouveau millénaire,
op.cit.p.21.
113 Le SGP est une exception au principe de la clause de la
nation la plus favorisée. En effet, par le système
généralisé de préférence, les pays
développés s'engagent à abaisser ou à supprimer
leur droit de douane sur les produits manufacturés en provenance des
pays en développement qui souffrent d'une protection effective
élevée. Concrètement, il s'agit d'accorder une
préférence aux pays en développement, sans abaisser leurs
droits sur les produits équivalents provenant d'autres pays
développés. On pourra ainsi citer les conventions de Lomé
de 1975 entre la CEE et les pays dits ACP (Afrique Caraïbe et
Pacifique).
114 Prévu par le § 4 a) du GATT, la clause
d'habilitation évoque des traitements tarifaires
préférentiels accordés par les parties contractantes
développées pour les pays en développement
conformément au SGP. Cette disposition reste applicable dans le cadre de
l'OMC.
18 | P a g e
dérogation au principe de la clause de la nation la
plus favorisée. Mais cette dérogation est de nature
différente : les accords ont une « portée partielle
», dans la mesure où ils ne couvrent que certains produits,
les autres faisant l'objet d'exclusion. En guise d'illustration on mentionnera
les accords de Lomé puis de Cotonou entre l'UE et les 78 Etats ACP dont
l'évolution la plus spectaculaire fut les récents Accords de
partenariat économique (APE)115.
La raison d'être de ces accords est tout sauf illogique.
Au départ les ACPr étaient conçus comme des solutions
adaptées aux besoins du développement, des finances et du
commerce des pays en voie de développement. A cet effet, la Clause
d'habilitation qui les sous-tend est mue par une double finalité :
d'abord il s'agit de donner un soubassement juridique acceptable à la
non-réciprocité dans les échanges entre pays
développés et pays en développement, dans le cadre des
SPG; ensuite, elle devrait permettre aux « parties contractantes peu
développées » de convenir entre eux des «
arrangements régionaux ou mondiaux » [...] «
en vue de la réduction ou de l'élimination de droits de
douane sur une base mutuelle »116. Mais au fil du temps,
leurs domaines se sont vite élargis à la fois au commerce,
à la réduction des obstacles, aux propriétés
intellectuelles. Tout récemment, ce sont les services qui ont
été envahis par de tels accords. Ainsi, selon les données
de l'OMC, près d'un tiers des ACPr en vigueur contiennent des
engagements concernant les services, et cette tendance s'est encore
accélérée récemment117.
S'il est évident que les ACPr ont connu une forte
croissance ces dernières années alors toute la question est de
savoir quels sont leurs impacts sur le multilatéralisme. Ont-ils un
effet d'entrainement positif sur le multilatéralisme ou engendrent-ils
un effet d'éviction?
115 Les APE sont le prolongement des Accords de Lomé de
1975 et l'Accord de Cotonou de 2000. Cependant, si ces derniers levaient les
barrières tarifaires, pour les exportations des pays ACP tout en
permettant à ces pays de maintenir leur droits de douane sur les
importations en provenance des pays développés, en revanche, les
APE sonnent le glas de ces préférences commerciales non
réciproques. C'est ainsi qu'en septembre 2014, des accords
intermédiaires furent signés entre l'UE et la Communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la communauté de
développement d'Afrique Australe (SADC) et la communauté
d'Afrique de l'Est (CAE). Pour la CEDEAO en particulier, l'accord provisoire
prévoit une suppression des droits de douanes de 75% pour les produits
en provenance de l'Union Européenne. Voir Di Gore SIMALA, «
Accords de partenariat économique entre l'Union
européenne et l'Afrique : entre ambition d'émergence et risque de
stagnation » in Jean Didier BONKONGOU,
émergence de l'Afrique, Presse de l'UCAC, 2015, p. 205
et ss. ; Jean-Jacques GABAS, Bruno LOSCH,
« La fabrique en trompe oeil de l'émergence », in
Christophe JAFFRELOT, l'enjeu mondial : les pays
émergents, Paris, Presses de sciences po, 2008, p. 25-40 ;
116Cf. § 2 c du GATT.
117 OMC, « Rapport sur le commerce mondial 2011. L'OMC et
les accords commerciaux préférentiels : de la coexistence
à la cohérence », OMC 2011, p. 6.
19 | P a g e
Sur cette question, les avis sont partagés. Si pour une
bonne partie de la doctrine, la seconde option semble la plus
évidente118, d'autres préfèrent plutôt
parler d' « interaction possible entre l'OMC et les ACPr
»119. C'est ainsi que l'OMC, dans son Rapport de 2011,
évoque une « coexistence pacifique »120
entre le multilatéralisme et les ACPr.
En tout état de cause quelque soit l'esprit qui anime
la conclusion de tels accords, il est évident que ceux-ci minorent la
portée du multilatéralisme dont le ferment demeurent la
nondiscrimination. Pour le professeur Jean-Marc SIROËN, ces accords
permettent « aux grandes puissances commerciales de retrouver un
rapport de force qui leur est plus favorable qu'à l'OMC et aggrave la
marginalisation des pays qui n'auront pas les moyens ou la volonté
politique de raccrocher le train des accords "préférentiels"
exigeants. »121
Au-delà des entraves à la clause de la nation la
plus favorisée, la fragilisation du système normatif de l'OMC
tient aussi aux obstacles à la clause du traitement national.
§ 2. LES OBSTACLES A LA CLAUSE DU TRAITEMENT
NATIONAL
Officiellement, la plupart des pays membres de l'OMC sont
adeptes du libre-échange. Mais au cours de ces deux décennies
d'existence de l'OMC, en dépit de l'existence d'un cadre
réglementaire restrictif mettant en avant la clause du traitement
national122, l'on a plutôt assisté à l'explosion
des mesures protectionnistes à l'échelle internationale.
Celles-ci peuvent soit se présenter sous une forme tarifaire
(A) soit relever d'une nature non tarifaire
(B).
A. Les mesures protectionnistes de nature tarifaire
Ces types de mesures sont des taxes prévues par les
tarifs douaniers nationaux et celles qui reçoivent cette
dénomination dans les règlementations internes des Etats
membres.
118 Roberto FIORENTINO, Luis VERDEJA et Christelle
TOQUEBOEUF, The Changing Landscape of Regional trade
agreement: 2006 update, discussion paper no12, WTO, Geneva
2006, disponible sur
http://www.wto.org
119 OMC, « Rapport sur le commerce
mondial 2011. L'OMC et les accords commerciaux préférentiels : de
la coexistence à la cohérence », op.cit., 44.
120 Idem p1.
121Jean-Marc SIROËN, «
l'OMC, une institution en crise », op.cit., n°240, p.4.
122 La clause du traitement nationale qui se retrouve à
l'article III du GATT §1est un autre principe-clé du dispositif
normatif de l'OMC. Elle impose une égalité de traitement d'un
produit quelle que soit son origine.
20 | P a g e
En réalité, l'OMC prévoit les exceptions
qui peuvent être faites au libre-échange. On peut ainsi citer en
exemple les Accords sanitaires et phytosanitaires (SPS)123, ou les
Obstacle techniques liés au commerce (OTC)124.
Néanmoins pour éviter d'entraver complètement le
libre-échange, l'Organisation met en place un cadre de
réglementation assez strict destiné à limiter autant que
possible le recours aux mesures protectionnistes. Ainsi, conformément
à cette procédure, dans l'hypothèse où un pays
accusé n'arrive pas à démontrer qu'une mesure
incriminée était nécessaire et rentre dans le cadre des
exceptions prévue125, ce pays devra s'exposer alors à
une condamnation.
Pourtant, en dépit de l'existence de telles
dispositions fortement dissuasives, force est de constater que celles-ci n'ont
pas permis d'enrayer le retour, l'évolution, ou l'expansion des
obstacles tarifaires au libre-échange. On en voudra pour preuve la
notion de « Taxe d'effet équivalente à des droits de douane
» (T.E.E.D.D.). Il s'agit d'un concept englobant visant à prendre
en considération une très grande diversité de taxes
perçues à l'occasion des opérations d'importation
notamment des cautions financières. Dans l'affaire Etats-Unis -
Mesures à l'importation de certains produits en provenance des
Communautés européennes, plainte des communautés
européennes (WT/DS165/1), les communautés européennes
faisaient valoir qu'une telle mesure équivalait en l'espèce
à une augmentation des droits de douanes et entraîne une
augmentation des droits consolidés. Comme on le note, la notion de
T.E.E.D.D. présente une ambigüité plus grande que celle de
droit de douane126. Il s'agit donc d'une forme cachée de
protectionnisme tarifaire qui diminue significativement les exportations et les
activités des entreprises d'envergure modeste. Leur étude est
plus compliquée que celle des barrières tarifaires
traditionnelles et les points de vue divergent127 sur leur nature.
Plus encore, la tendance protectionniste est à la mode même dans
les pays traditionnellement considérés comme des chantres du
libre-échange. En effet, le repli sur soi, la démondialisation,
la relocalisation, emporte actuellement les faveurs de nombreux gouvernements.
On mentionnera ici le cas de l'administration TRUMP qui insiste pour faire
payer des pays qui ont un excédent commercial vis-à-vis des
Etats-Unis comme l'Allemagne
123 Cet accord SPS précise les nouvelles règles
qui régissent les pratiques commerciales au niveau international.
Substantiellement, il indique quels sont les droits et les obligations que les
membres qui souhaitent prendre des mesures de restriction des importations dans
le but de protéger la vie ou la santé des personnes des animaux
et des végétaux.
124 Article XX de l'Accord Général sur les Tarifs
Douaniers et Commerce (GATT de 1947).
125 Article XX b) et g) du GATT voire encore, le Préambule
de l'Accord SPS, article XIV de l'AGCS, etc.
126 Impôt prélevé sur une marchandise
importée lors de son passage à la frontière. Il peut
être soit forfaitaire ou représenter un pourcentage du prix (droit
« ad valorem »). La finalité de cette pratique est de
rendre plus chers les produits étrangers pour favoriser les producteurs
locaux.
127 Christian HARBULOT et al, «
les nouvelles formes et méthodes de protectionnisme »
op.cit., p.29.
21 | P a g e
ou le Mexique. Le nouveau président américain a,
par ailleurs, promis d'augmenter jusqu'à 45 % les droits de douane sur
les produits chinois et pour couronner tout, il envisage même de faire
sortir son pays de l'OMC qu'il a qualifié de « désastre
»128.
Ces dernières années, le protectionnisme
tarifaire a nettement évolué. Si par le passé
déjà, notamment dans les années 1930 les mesures
protectionnistes avaient fait recette, et ont conduit à l'effondrement
de l'économie mondiale ayant entraîné par ricochet la
seconde guerre mondiale, le risque de contournement des engagements tarifaires
est bien réel aujourd'hui et ne fait qu'augmenter les peurs. Il en va
aussi des mesures protectionnistes de nature non tarifaire.
A. Les mesures protectionnistes de nature non
tarifaire
Selon la définition retenue par le lexique du commerce
international, les mesures protectionnistes de nature non tarifaire constituent
l'ensemble des mesures restrictives non tarifaires mises en place par un pays
et visant à protéger son marché de la concurrence
extérieure129. Concrètement, il s'agit des entraves
aux échanges internationaux autres que les droits de
douane130. Il existe actuellement dans le monde une diversité
de ces mesures non tarifaires indistinctement désignées sous les
vocables de « barrière non tarifaires »,
d'«obstacle non tarifaires » ou encore de «mesures
non tarifaires »131 (MNT). Les exemples les plus courants
en sont les quotas, les normes techniques ou sanitaires ou des textes
législatifs favorisant les entreprises nationales. La géographie
des MNT n'est cependant pas une donnée fixe. Le plus souvent elles se
situent au niveau bilatéral. Néanmoins, ces barrières
peuvent tout aussi bien être instaurées au plan régional
comme l'on en retrouve dans l'UE132, dans la COMESA133,
ou dans la CEDEAO134.
128
http://
www.lemonde.fr//election américaines /article/2016/07/24
/donald-trump-evoque-une-sotie-des-etats-unis-de-l'omc_4974063_829254.html. ,
consulté le 12 septembre 2016.
129 Fréderic Morelle, Lexique du commerce
international, éd. Ellipses 2013.
130 Ahmed SILEM et Jean-Mari ALBERTINI (Sous
la dir.), Lexique de l'économie, 6e éd.,
1999, Paris, Dalloz, p.433.
131 Source OMC/inventaire des mesures non tarifaires et des
mesures relatives au services et
https://www.wto.org/french/res_f/books_f/wtr12-2c_f.pdf&sa.html
132 L'Union Européenne est un partenariat politique et
économique regroupant 28 Etats européens dont l'Allemagne,
l'Autriche, la Belgique la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark,
l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie,
l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la
Pologne, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie, le
Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.
S'il est à peu près naïf de
considérer que les MNT constituent une nouveauté, il n'en demeure
pas moins que leur prévalence, ou encore mieux leurs excroissances ces
dernières décennies constituent des sujets d'inquiétude.
Et pour cause, ces dernières années, d'après les
données officielles de l'OMC, les obstacles techniques au commerce et
les mesures sanitaires et phytosanitaires semblent avoir pris de l'importance.
Les obstacles liés aux procédures sont ainsi devenus une source
de préoccupation majeure pour les exportateurs notamment ceux des
PED135 d'autant qu'ils sont difficilement décelables. Les MNT
constituent de nos jours des parades techniquement bien sophistiquées
qui complètent une gamme de stratégies plus traditionnelles mais
moins radicales allant de normes SPS aux normes OTC. La tendance est
manifestement à l'émergence de nouvelles pratiques encore plus
fignolées, qui prennent forme au titre de MNT. En effet, en
référence aux données provenant de la CNUCED et
répertoriées dans les système « TRAINS
»136 et « Market Acess Map
»137, on en recense plusieurs à savoir les obstacles
techniques au commerce ; l'inspection avant expédition et autres
formalités ; les mesures de contrôle des prix ; les licences, les
contingentements, les prohibitions et autres mesures de contrôle
quantitatif ; les impositions, taxes et autres mesures para tarifaires ; les
mesures financières ; les mesures anticoncurrentielles ; les mesures
concernant les investissements et liées au commerce ; les restrictions
à la distribution ; les restrictions concernant les services
après vente; les subventions (autres que les subventions à
l'exportation) ; les restrictions en matière de marchés publics ;
la propriété intellectuelle ; les règles d'origine ; les
mesures liées à l'exportation.138. A celles-ci
viennent s'ajouter « l'arme administrative »139
et la manipulation monétaire140.
133 Le Marché Commun de l'Afrique de l'Est et de
l'Afrique Australe est une union douanière regroupant l'Angola, le
Burundi, le Comores, la R.D.Congo, le Djibouti, l'Egypte, l'Erythrée,
l'Ethiopie, le Kenya, le Madagascar, Malawi, l'île Maurice, la Namibie,
le Rwanda, les Seychelles, le Swaziland, l'Ouganda, la Zambie et le
Zimbabwe.
134 Communauté économique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest est un regroupement régional dont la mission est de
promouvoir l'intégration économique entre 15 Etats dont le
Bénin, le Burkina, le Cap vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le
Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Libéria, le Mali le
Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Léone et le
Togo.
135 OMC, Rapport sur le commerce mondial 201. Commerce et
politiques publiques : gros plan sur les mesures non tarifaires au JJI
e siècle, OMC, p. 94.
136 Mis au point par la Conférence des Nations Unies
sur le commerce et le développement (CNUCED), le Système
d'analyse et d'information commerciale (TRAINS) de la CNUCED est la collection
la plus complète de renseignements publics sur les mesures non
tarifaires.
137 « Market Access Map » est une application qui
fournit des informations sur les tarifs douaniers appliqués, y compris
les droits NPF, et les préférences accordées
unilatéralement ou dans le cadre des accords commerciaux
régionaux et bilatéraux.
138 Source : Conférence des Nations Unies sur le commerce
et le développement (CNUCED) (2010).
139 Une bureaucratie excessive, un cadre réglementaire
qui ne reflète pas l'évolution des techniques ni celles des
pratiques commerciales et un manque de transparence dans les formalités
administratives sont entre autres des
22 | P a g e
Ces mesures constituent à n'en point douter autant de
manifestations velléitaires à l'encontre du libre-échange,
en causant une distorsion à la clause de traitement nationale. Aussi
sont-elles devenues des sources inévitables de tensions permanentes
pesant sur le système OMC eu égard à leur
prolifération141.
En somme, la forte poussée du régionalisme
conjuguée avec la montée en puissance des velléités
protectionnistes constituent sans aucun doute des revers importants pour le
multilatéralisme et le libre-échange que prône par l'OMC. A
ce propos, certains y verront déjà l'échec d'une
organisation désormais annoncée comme étant en
perdition142. Le moins que l'on puisse dire est que ces handicaps
remettent au goût du jour les appréhensions diverses quant aux
dangers réels que court l'OMC dont les crises institutionnelles
sempiternelles accréditent davantage les thèses d'une implosion
prématurée.
SECTION II. UNE INSTITUTION REGULIEREMENT EN CRISE
L'OMC donne de plus en plus l'image d'une institution
complètement aux abois, davantage engluée dans des crises
sempiternelles et incapable de se départir de ses lourdeurs
procédurales, comme en témoigne les crises constantes qui
affectent son système de négociations (§1)
ainsi que les avatars de son mécanisme de règlement des
différends (§ 2).
moyens pour décourager les investisseurs
étrangers et tout autre acteur du commerce extérieur. Voir
Christian HARBULOT et al, « les nouvelles formes
et méthodes de protectionnisme » op.cit., p.5.
140 La sous-évaluation d'une monnaie est une technique
de protectionnisme efficace, qui permet d'avantager l'ensemble des industries
d'un pays, tout en trouvant sa justification dans diverses
considérations financières ou économiques non liées
officiellement à l'activité commerciale. Le plus souvent, les
grandes puissances économiques la pratiquent, la Chine étant
championne dans ce domaine. La sous-évaluation du yuan par la Chine lui
permet de vendre ses produits moins chers à l'étranger, d'attirer
des capitaux étrangers etc...
141 Au 31 décembre 2011, la base de données du
secrétariat de l'OMC sur les « demandes de consultations »,
(première étape de l'engagement formel d'une procédure de
règlement des différends à l'OMC) contenait des
renseignements sur 427 demandes portant sur les mesures non tarifaires.
142 Romain BENICCHIO, Céline CHARVERIAT,
« L'avenir compromis de l'OMC », op.cit, p. 55 et ss.
23 | P a g e
24 | P a g e
§ 1. L'ENLISEMENT RECURRENT DES NEGOCIATIONS
COMMERCIALES MULTILATERALES
La plupart des négociations commerciales
multilatérales conduites par l'organe des négociations
commerciales de l'OMC, en l'occurrence la Conférence
ministérielle143, débouche sur des blocages qui ne
permettent pas de concrétiser des avancées. Rien qu'à
prendre en considération l'enlisement du cycle de Doha, on pourra vite
se convaincre de cette réalité (B). Mais avant
cette présentation, il serait plus convenable d'analyser d'abord les
raisons profondes du blocage des négociations commerciales
multilatérales (A).
A. Les raisons de l'enlisement récurrent des
négociations commerciales multilatérales
Les analyses144 qui ont été
effectuées au sujet de l'échec des Conférences
ministérielles de l'OMC et des crises multiples y afférentes
continuent de susciter de nombreuses inquiétudes. Parmi les multiples
raisons qui ont été avancées pour tenter d'en saisir les
causes, les plus importantes sont celles qu'il convient d'analyser
maintenant.
Premièrement, l'application de la règle de
consensus en matière de négociations commerciales pénalise
la progression des agendas. Selon Jean-Marc SIROËN, « la
création de l'OMC n'a pas remis en cause la règle du consensus,
qui était à la fois nécessaire pour respecter la
souveraineté des Etats mais d'autant plus bloquante que le nombre de
pays membres [164 en 2016] a augmenté »145.
Deuxièmement, certains auteurs pointent du doigt le
modèle de négociation que l'OMC a hérité du GATT,
critiqué pour être de moins en moins pertinent. Ceux-ci remettent
en cause le concept même de l'engagement unique qui caractérise
les négociations multilatérales. En effet, le fait de mettre
toutes les questions y compris les questions des plus épineuses telles
que l'agriculture dans le même panier ou de lier ces questions à
l'ensemble du cycle ralentit significativement les négociations. Ils en
viennent donc à conclure que les progrès dans ce
143 En vertu de l'Accord instituant l'OMC, la
Conférence ministérielle est l'organe de décision
suprême de l'OMC habilitée à prendre des décisions
sur toutes les questions relevant tout accord commercial multilatéral.
Elle sert donc de cadre aux négociations commerciales
multilatérales et rassemble à cet effet tous les Membres de
l'Organisation qui soit des pays ou des unions douanières.
144 Jean-Marie WAREGNE, « l'OMC
après Seattle - le chantier inachevé » Courrier
hebdomadaire du CRISP, vol.1712-1713, no.7, 2001, pp. 5-76. De même,
voir Jean-Marie WAREGNE, « La Conférence
ministérielle de l'OMC à Doha. Le cycle du développement
», Courrier hebdomadaire du CRISP, vol.1739-1740, no.34, 2001,
pp. 5-88.
145 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC face
à la crise des négociations multilatérales », Les
Etudes du CERI - n° 160 - décembre 2009, p.4.
25 | P a g e
domaine seraient beaucoup plus rapides si les dossiers
étaient traités distinctement. A ce propos, Craig Van GRASSTEK
écrivait : « On dit souvent que la folie, c'est de faire
toujours la même chose et de s'attendre à un résultat
différent, mais les Membres de l'OMC sont confrontées au
problème inverse : bon nombre des éléments qui semblent
avoir contribué au succès du Cycle d'Uruguay146 ne
produisent pas les mêmes effets depuis le début de l'OMC
»147.
Troisièmement, la montée en puissance des pays
émergents peut être aussi l'une des clefs d'entrées
explicatives du blocage148. Ainsi comme le souligne Jean-Marc
SIROËN, « la montée en puissance des pays
émergents, aux intérêts pourtant contradictoires, sous le
leadership du Brésil et de l'Inde a remis en cause l'ancienne
hégémonie des Etats-Unis et de l'Union européenne.
L'objectif d'affirmation de ce leadership l'a parfois emporté sur les
objectifs mêmes des négociations »149.
On pourrait toujours multiplier les causes
régulièrement invoquées par la doctrine. Par exemple, le
ralentissement économique, les crises financières, la crise de
certains secteurs (automobile, acier) ou encore des sujets de
préoccupations contemporaines à l'instar de volonté de
protéger l'environnement ou de lutter contre le changement climatique
sont autant de facteurs qui entament le plus souvent la volonté
d'ouverture des pays en vue d'aboutir au consensus.
D'une façon générale, il est
évident que les crises cycliques qui secouent les Conférences
ministérielles restent fortement tributaires des
événements conjoncturels mais aussi et surtout des enjeux
politiques, économiques, ou sociaux. L'histoire constitue un excellent
indicateur de la tendance presque pathologique des pays à se concentrer
plus sur leurs intérêts défensifs que sur leurs
intérêts offensifs. Dans ces conditions, beaucoup en viennent
alors à s'interroger sur la capacité réelle de
l'Organisation à se montrer suffisamment résiliente pour
permettre de lever les doutes sur le succès des négociations
futures. L'enlisement des négociations
146Du Kennedy Round jusqu'au Cycle d'Uruguay, les
négociations ont été basées sur l'idée que
le fait d'avoir plusieurs questions sur la table stimulerait l'ambition,
même sur les questions les plus difficiles, en incitant à trouver
des compromis entre les sujets. Le Cycle d'Uruguay est allé plus loin en
regroupant toutes les questions en un engagement unique.(disponible sur
https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/fact4_f.html).
147 Craig VANGRASSTEK, histoire et avenir
de l'organisation mondiale du commerce, OMC, 2016, p.583. Il rappelle,
pour cela que le Cycle de Doha était fondé lui aussi sur le
concept général de compromis entre les différentes
questions et sur le schéma de l'engagement unique, mais depuis des
doutes sont apparus sur le point de savoir si la formule qui avait
fonctionné aux temps du GATT pouvait produire des résultats aussi
ambitieux dans le cadre du Cycle de Doha.
148 Jean-Marie WAREGNE, « l'OMC
après Seattle - le chantier inachevé » op.cit., p.
7.
149 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC face
à la crise des négociations multilatérales », op
cit., p.5.
26 | P a g e
constitue à cet égard une équation
à plusieurs inconnues. Plusieurs exemples permettent de conforter cette
analyse.
B. Etude de cas typique: l'impasse du cycle de Doha
Lancé en décembre 2001 pour ne durer que tout au
plus trois ans, le cycle de Doha, également dénommée
l'Agenda de Doha pour le Développement (ADD) s'est vite retrouvé
dans l'impasse. Pour preuve, il a fallut pas moins de six conférences
ministérielles150, plus de douze années de
négociations intenses pour aboutir à un accord a minima
à Bali151.
L'ADD est un programme de négociations
axé sous le signe de l'engagement unique. Il vise l'intégration
des PED-PMA152 au « système commercial
multilatéral ouvert [et] fondé sur des règles [qui]
correspondent aux besoins de leur développement économique
»153 [étant donné que] « le
commerce international peut jouer un rôle majeur dans la promotion du
développement économique et la réduction de la
pauvreté »154.
A l'évidence, l'agenda de Doha est principalement
mû par un esprit volontariste. Il s'agit avant tout d'accompagner les
économies les plus faibles à réussir progressivement leur
intégration au système commercial multilatéral. Comme le
souligne le professeur Mehdi ABBAS, « le cycle de Doha peut être
analysé comme la recherche d'un nouveau compromis Nord-Sud en
matière de TSD et in extenso un nouveau compromis sur la façon
dont s'articulent mondialisation et développement, libre-échange
et stratégies nationales de développement
»155. Preuve que la question de développement
paraissait centrale dans son contenu, l'ADD a vu tous ses volets assortir de
dispositions spéciales qui constituent autant de concessions faites au
monde en développement, en particulier aux PMA. Le point d'orgue de
cette dynamique reste sans conteste la consécration de la logique du
traitement spécial
150 On mentionnera avec intérêt outre la
dernière Conférence Ministérielle en date, en l'occurrence
celle de Nairobi, 15-19 décembre 2015, les conférences de : Bali,
3-6décembre 2013 ; Genève, 15-17 décembre 2011 ;
Genève, 30 novembre - 2 décembre 2009 ; Hong Kong, 13-18
décembre 2005 ; Cancún, 10-14 septembre 2003 ; Doha, 9-13
novembre 2001 ; Seattle, 30 novembre-3 décembre 1999 ; Genève,
18-20 mai 1998 ; Singapour, 913 décembre 1996.
151 Pascal LOROT, « Le cycle de Doha n'a
accouché finalement que d'un accord à minima en décembre
dernier à Bali », le nouvel
economiste.fr,
consulté le 10 juin 2015.
152Conférence ministérielle de l'OMC,
Doha, 2001 : déclaration ministérielle, WT/MIN (01) DEC1, §
3.
153 Ibidem. § 2.
154 Ibid.
155 Mehdi ABBAS, « Mondialisation et
développement. Que nous enseigne l'enlisement des négociations
commerciales de l'OMC ? », LEPII ; 9/2009. 2009, p.3.
27 | P a g e
différencié en (TSD)156,
envisagé comme l'une des mesures marquantes de cette volonté de
rééquilibrage dans les rapports Nord-Sud.
Cependant, cette grandeur de l'esprit de Doha tant
célébrée par les promoteurs, s'éclipse rapidement
devant les déceptions et régressions engendrées par
l'enlisement des négociations devant conduire à son adoption. Les
négociations butent régulièrement sur plusieurs points.
Néanmoins la pomme de discorde la plus notable demeure le dossier
brûlant de l'agriculture qui voit opposé principalement les
États-Unis et l'Union Européenne au bloc des pays
émergents formé par le groupe de Cairns157 au sujet
des subventions agricoles. Parallèlement, les différentes parties
n'accordent pas leurs violons sur des questions pourtant essentielles telles
que l'industrie, les services, l'accès aux marchés publics, le
commerce électronique, les droits de propriété
intellectuelle etc. A chaque fois annoncées comme susceptibles de
déboucher sur un accord imminente, les négociations finissent
presque toujours par être purement et simplement repoussées aux
calendres grecques.
Au total, de Doha à Bali158, le bilan des
douze années de négociations acharnées ayant englouti tant
d'énergies et des centaines de millions de dollars paraît plus que
mitigé. Force est alors de reconnaître que ces blocages
répétitifs des Conférences ministérielles exposent
constamment l'OMC à de crises cycliques. C'est ainsi que les Etats
perdent de plus en plus leur confiance dans le système, se
détournent du multilatéralisme et préfèrent
recourir à la voie bilatérale pour la conquête des
marchés ; ce qui in fine justifient l'adoption des accords
commerciaux préférentiels de type régionaux ou
bilatéraux aboutissant ainsi
156 Le TSD comporte six catégories de dispositions : i)
les dispositions visant à améliorer les opportunités
commerciales pour les PED-PMA, parmi lesquelles celles relatives à
l'accès aux marchés des pays du Nord ; ii) les dispositions
impliquant la prise en compte des intérêts des PED-PMA lors de
l'adoption de mesures commerciales par les pays du Nord ; iii) les dispositions
donnant aux PED-PMA une capacité discrétionnaire dans
l'élaboration de leur politique commerciale et les exemptant des
disciplines commerciales appliquées par et aux pays
développés ; iv) les dispositions relatives à l'aide et
à l'assistance technique ; v) les provisions relatives à la
protection de leur marché intérieur ; vi) les provisions
accordant aux PED-PMA des délais plus longs d'exemption à la
norme multilatérale. Pour plus amples une détaillée,
cf. Charles-Emmanuel COTE, « De Genève
à Doha : Genèse et évolution du Traitement spécial
et différencié des pays en développement dans le droit de
l'OMC », Revue de droit de McGill, vol. 56,2010, pp.115-176. Voir
également, Guy FEUER, « L'Uruguay round et les
Pays en développement » Annuaire français de droit
international, vol 40, 1994, pp. 758-775.
157 Le Groupe de Cairns regroupe les gros pays agricoles comme
l'Australie, l'Afrique du sud, l'Argentine, le Brésil, la Colombie, la
Costa Rica, la Bolivie, le Canada, le Chili, l'Indonésie, la Malaisie,
le Guatemala, Nouvelle-Zélande, le Pakistan, le Paraguay, le
Pérou, les Philippines, la Thaïlande, et l'Uruguay. En tout, 19
pays réunissant 1/4 de la production agricole mondiale.
158 Le paquet de Bali est constitué de trois piliers
essentiels qui sont : i) la facilitation des échanges commerciaux : les
mesures prises visent à réduire la bureaucratie aux
frontières ; ii) l'aide au développement des pays les moins
avancés : il est prévu une exemption accrue des droits de douane
aux produits provenant des pays les moins avancés ; iii) sur
l'agriculture l'engagement fut renouvelé à réduire les
subventions à l'exportation
28 | P a g e
irrémédiablement à la «
balkanisation des échanges »159. Il va sans
dire que les inquiétudes sur l'avenir du multilatéralisme ne
peuvent qu'être légitimement fondées.
Aux difficultés relatives à la crise du cadre de
négociations commerciales s'ajoutent celles qui sont liées aux
dysfonctionnements internes de l'organe de règlement des
différends.
§ 2. LES LACUNES DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES
DIFFERENDS
En vertu de l'article 3.2 du Mémorandum d'accord sur
les règles et procédures régissant le règlement des
différends de l'OMC, « le système (..) est un
élément essentiel pour assurer la sécurité et la
prévisibilité du système commercial multilatéral
». L'objectif visé par ses promoteurs était donc double
: d'un côté, le mécanisme se voulait préventif
c'est-à-dire améliorer la prévisibilité du
système commercial multilatéral et de l'autre coté,
curatif puisqu'il s'agissait avant tout de renforcer la sécurité
du mécanisme de régulation dans son ensemble. C'est donc au
regard des deux objectifs, au demeurant ambitieux qu'il nous importera
d'évaluer l'efficacité de l'ORD sous le prisme de la
procédure mise en oeuvre (A) mais aussi au travers de
la nature des sanctions (B).
A. Des insuffisances tenant à la
procédure mise en oeuvre
Au plan de la procédure, le système
présente de graves insuffisances. La prévisibilité et la
sécurité du mécanisme tant vantée dans les textes
est loin de faire ses preuves dans la pratique d'autant plus que non seulement
des lenteurs procédurales sont à relever dans la phase d'examen
mais plus pernicieux encore, à l'étape d'exécution, le
dilatoire demeure l'obstacle principal.
En ce qui concerne le premier point, malgré les
délais prévus, une procédure complète de
règlement de différends exige encore un temps considérable
durant lequel le plaignant continue de subir le préjudice
économique si la mesure contestée est effectivement incompatible
avec les règles de l'OMC. En effet, selon une étude
réalisée récemment par le General Accounting Office
américain sur 42 règlements des différends, 19 cas
ont pu être résolus avant la phase contentieuse de l'ORD. Mais,
dans 15 cas, les délais moyens
159 Pascal LOROT, « Le cycle de Doha n'a
accouché finalement que d'un accord à minima en décembre
dernier à Bali », le nouvel
economiste.fr,
consulté le 10juin 2016.
29 | P a g e
atteignaient 21 mois. Ces lenteurs procédurales
laissent les Etats et leurs entreprises dans une incertitude difficilement
acceptable. De même, il a fallu attendre pas moins de trois années
avant que l'affaire de l'amendement Byrd160 ne connaisse son
dénouement, alors même que, par principe, le délai de
réponse de l'ORD est généralement de 60 jours. Ce
délai a été encore plus allongé dans le contentieux
commercial sur la banane161 où l'arbitrage de l'OMC s'est
étalé sur une durée record de 12 ans. De ce point de vue,
il ne fait aucun doute que le système paraît désaxé
au regard de son ambition de prévisibilité.
Ensuite, les problèmes rencontrés dans
l'exécution des décisions de l'ORD sont encore plus importants
d'autant plus que le manque de volonté de coopérer est le plus
souvent manifeste, comme en témoignent éloquemment le
différend de la viande aux hormones162.
A cela s'ajoute le déséquilibre réel
malgré l'apparente égalité de droit de tous les Etats
entre les pays pauvres et le pays riches. En effet, les honoraires très
coûteux des cabinets d'avocats dissuadent les PMA de recourir à
l'ORD. Il s'en suit que ces pays ne peuvent véritablement se
prévaloir des droits induits par le système commercial
international.
Enfin les défauts du système résident
aussi dans l'absence de transparence des procédures puisque les
délibérations sont confidentielles et les experts demeurent
anonymes.
Aussi importe-t-il de conclure que la longueur du processus,
le déficit de transparence ainsi que le déséquilibre dans
la saisine de l'ORD constituent autant de pesanteurs à l'encontre des
ambitions de prévisibilité et de sécurité du
système. A ces pesanteurs s'ajoutent des avatars tenant à
l'absence de sanction.
160 Voir l'affaire WT/DS/217/2003 Etats-Unis -
loi sur la compensation (Rapport de l'organe d'appel). Le 21
décembre 2000 les plaignants, entre autre l'Australie, l'UE le
Brésil le Chili le Canada avaient saisit l'ORD sur l'amendement Byrd qui
prévoyait l'obligation pour les autorités douanières
américaines de distribuer des droits compensateurs aux producteurs
locaux touchés par des mesures de dumping. Le groupe spécial mis
en place par l'ORD a considéré que la mesure était
incompatible avec certaines dispositions de l'accord antidumping. Le 16 janvier
2003, l'Organe d'appel a confirmé la constatation du groupe
spécial.
161Débuté en 1996, l'affaire de la
Banane III (WT/DS27/2008 CE -_ Régime applicable à
l'importation, à la vente et à la distribution de la banane)
a connu moult rebondissements. Il a fallut attendre le 8 novembre 2012 pour
voir cette affaire réglée ou classée (demande
retirée ou solution convenue d'un commun accord).
162 Voir l'affaire Communautés européennes
- Mesures communautaires concernant les viandes et les
Produits carnés (Plainte des
États-Unis) (1998), OMC Doc. WT/DS26/AB/R et WT/DS48/AB/R
(Rapport de l'Organe d'appel) [Hormones]. Dans cette
affaire en particulier, en dépit de leur engagement à se
conformer aux recommandations de l'ORD, les communautés
européennes ont refusé à se mettre en conformité
vis-à-vis de cette décision. L'ORD a alors autorisé les
Etats Unis à prendre des mesures de rétorsions prenant la forme
de suspension de concessions à l'égard des communautés
européennes. Aux dernières nouvelles, les deux parties ont
trouvée un terrain d'attente : les Communautés européennes
s'engagent à importer la viande bovine provenant d'animaux non
traités avec certaines hormones en échange de droits
majorés appliqués par les Etats-Unis.
30 | P a g e
B. Des défauts tenant à l'absence de
sanction
Une analyse approfondie de la variété des
sanctions prévues par le Mémorandum sur le règlement des
différends laissent apparaître des insuffisances notables.
D'une part, en faisant une appréciation
rétrospective du mécanisme de l'ORD durant ces vingt
dernières années, on est saisi par une profonde impression de
carence et un fort sentiment de déception : carence parce que seuls les
États peuvent saisir l'ORD, alors que curieusement les victimes directes
des violations des règles commerciales internationales, en l'occurrence
les opérateurs économiques, n'y ont directement pas accès.
Cette limitation du droit de saisine laisse indubitablement subsister la
crainte que ces derniers soient condamnés à exercer un
lobbying insistant auprès de leurs États. D'autre part, le
pays en infraction et condamné peut toujours négocier des «
compensations commerciales mutuellement acceptables
»163, ou « suspendre des concessions ou d'autres
obligations en ce qui concerne le(s) même (s) secteurs (s) que celui
(ceux) dans lequel (lesquels) le groupe spécial ou l'Organe d'appel a
constate une violation »164. Ces mécanismes
particuliers de la procédure de l'ORD semblent donc ne pas être
conciliables avec l'idée d'une démarche de droit.
Par ailleurs, il faut souligner que les accords de l'OMC font
souvent référence à d'autres institutions internationales
telles que l'Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle, (OMPI). Ce qui interroge sur une concurrence éventuelle
entre ces régimes juridiques.165 Une mention spéciale
doit être faite au mécanisme de prélèvement de
droits de douane punitifs166 qui est, enfin, totalement impraticable
pour les pays pauvres lorsqu'ils sont confrontés à des super
puissances économiques qui rechignent à coopérer. Ce
phénomène a été très clairement mis en
évidence par les problèmes rencontrés par
l'Équateur dans l'application des sanctions à l'encontre de l'UE
dans le cas des importations de bananes167. De même, tout
récemment, l'Afrique du sud est sortie totalement affaiblie du bras de
fer qui l'a opposé plusieurs mois durant aux Etats-Unis au sujet de
l'importation de la volaille. Face à la menace de suspension
163 Voir l'article 22 §2du Mémorandum d'accord
sur les règles et procédures régissant le règlement
des différends, Annexe 2 de l'Accord de Marrakech instituant
l'Organisation mondiale du commerce, 14 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 426.
164 Ibidem §3 a).
165 Pour des cas de différends commerciaux, voir
Hélène RUIZ-FABRI, « Le
règlement des différends au sein de l'OMC : naissance d'une
juridiction, consolidation d'un droit » in mélanges en
l'honneur de Philippe Kahn, paris, Litec, 2000, p. 347. De même
voir David LUFF, Le droit de l'organisation mondiale
du commerce : analyse critique, LGDJ, 2004, p.15 et ss.
166 On parle généralement de suspension de
concession qui une forme de contre-mesure qui prend souvent la forme d'une
augmentation des droits de douanes sur les importations.
167 WT/DS27/R/ECU Communautés européennes -
Régime applicable à l'importation, à la vente et à
la distribution des bananes (Plainte de l'Équateur)
(1997), OMC. Doc. (Rapport du Groupe spécial).
31 | P a g e
du tarif préférentiel de vente sur le
marché américain dont l'Afrique du sud est
bénéficiaire dans le cadre de l'African Growth Opportunity
Act (AGOA)168, Pretoria n'a eu d'autres choix que de se plier
à la volonté de Washington. Plus pernicieux encore, le rachat
d'obligation instauré par le Mémorandum de règlement de
différends peut s'analyser comme une prime à la transgression des
règles commerciales.
Ces mesures sont, en tout état de cause, contraires
à l'esprit de l'OMC et elles peuvent donner l'impression qu'un pays s'en
tire à meilleur compte avec des mesures (de rétorsion) de nature
protectionniste ; ce qui, in fine, ne laisse manifestement que peu de
crédit au mécanisme de sanction de l'ORD et par extrapolation
à l'OMC169. On comprend donc assez aisément
qu'aujourd'hui l'Organisation soit l'objet de tant de contestations.
168 «African Growth Opportunity Act» est
une loi adoptée en mai 2000 par le Congrès américain ayant
pour objectif de soutenir l'économie des Etats africains. A noter que
cette loi est régulièrement l'objet de vives critiques. On lui
reproche d'avoir instauré un système asymétrique dont le
cadre ne permet pas aux petits pays africains de faire valoir leurs conditions
alors que les Etats-Unis se réservent un droit exclusif de suspendre les
clauses qui menaceraient leurs propres productions. Voir Didier
LAURENT, « Régimes préférentiels et
système commercial multilatéral : une analyse comparative des
accords Europe-ACP et de l'AGOA », Revue juridique de l'océan
indien, 2013, no16, p.113-152.
169 Romain BENICCHIO, Céline
CHARVERIAT, « L'avenir compromis de l'OMC »,
L'Économie politique 2007 (no 35), p. 55.
32 | P a g e
Chapitre II. Une organisation contestée
Le système commercial multilatéral qu'incarne
l'OMC a contribué d'une manière ou d'une autre à la
croissance économique, au développement, et à l'emploi ces
dernières décennies dans plusieurs parties du monde. Pourtant,
l'OMC est depuis quelques temps contestée.
Beaucoup estiment que l'OMC ne prend pas suffisamment en
compte les caractéristiques et les besoins particuliers des pays en
développement. Des auteurs tels que Romain BENICCHIO et Céline
CHARVERIAT ont par exemple montré qu'il y a une « dichotomie
(...) entre l'attente des PED de solutions adaptées à leurs
problèmes, et la volonté des pays de l'OCDE de préserver
leurs politiques agricoles tout en s'ouvrant de nouveaux marchés dans
les PED, que ce soit dans les domaines agricole, industriel ou des services
»170. Or ces pays représentent à eux seuls
environ 80 pourcent de la population mondiale, et plus du trois quart des Etats
membres de l'Organisation171. De leurs frustrations naît alors
la contestation. Le point d'orgue de cette contestation des PED fut la
conférence de Seattle qui a vu les réunions annulées en
partie en raison de la forte opposition des PED sur des dossiers aussi
épineux que sont l'agriculture en raison des soutiens internes et des
subventions accordées aux agriculteurs des pays du Nord. En outre, une
partie des critiques actuelles émane de la société civile
internationale, en l'occurrence des mouvements dits altermondialistes qui
reprochent à l'OMC d'être peu regardant sur les questions
intéressant les valeurs sociétales172. Cette
contestation s'élargit aussi aux économistes qui vilipendent
l'Organisation au sujet des pseudos bienfaits du libéralisme.
En somme, ce sont donc essentiellement deux points qui
prêtent constamment le flanc à la contestation : d'une part, la
place marginale des PED dans le système commercial multilatéral,
une mise à l'écart continuelle qui contribue à attiser
leurs frustrations vis-à-vis de l'OMC (Section I) et
d'autre part, la question des politiques sociales en amont des contestations
principalement sociales et économiques (Section II).
170 Romain BENICCHIO, Céline CHARVERIAT,
« L'avenir compromis de l'OMC », op.cit., p. 57.
171 Cf. la liste des membres disponible sur
https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/org6_f.html
172 Au titre de ces valeurs, l'on évoque souvent les
droits de l'homme, les normes de travail, les normes environnementales, etc.
33 | P a g e
SECTION I. L'OMC, UNE ORGANISATION CONTESTEE PAR LES
PAYS EN DEVELOPPEMENT
L'OMC est de plus en plus sous le feu de la critique des PED
qui l'accusent d'avoir instaurer un système commercial
multilatéral inégalitaire loin de favoriser leur
intégration dans le commerce international. Il convient alors de prendre
la teneur de la contestation liée à la marginalisation des PED
dans le système commercial international (§ 1)
avant d'envisager celle qui est inhérente aux asymétries des
accords (§ 2).
§1. UNE CONTESTATION LIEE A LA MARGINALISATION DES PED
DANS LE SYSTEME COMMERCIAL MULTILATERAL
Longtemps considérés comme «
quémandeurs de traitements préférentiels
»173 et parents pauvres de la mondialisation, les pays en
développement sont encore bien moins lotis lorsqu'il s'agit
d'évoquer leur situation actuelle dans le commerce mondial
(A) ainsi que leur place au sein de l'OMC
(B).
A. La persistance de la fracture Nord-Sud dans le
commerce mondial174
Au 1er janvier 1995, la mise en place de
l'Organisation mondiale du commerce avait été globalement
saluée comme une avancée majeure pour les PED175. Et
pour cause, cette euphorie dans le Sud était à la mesure de
l'ambition clairement affichée par la nouvelle Organisation. En effet,
en vertu de l'Accord instituant l'OMC, le cadre multilatéral devrait
« faire des efforts positifs pour que les pays en développement
en particulier, les moins avancés d'entre eux, s'assurent une part de la
croissance du commerce internationale qui corresponde aux
nécessités de leur développement économique
»176. Le point d'orgue de cette noble ambition fut
d'ailleurs la consécration du Traitement spécial
différencié (TSD)177 censé protéger les
acteurs commerciaux les plus faibles.
173A ce propos voir Philippe VINCENT, L'OMC
et les pays en développement, Larcier, 2010. p.5 et ss.
174 Ce rapport déséquilibré entre les
pays du Sud et les pays du Nord pourrait s'analyser comme une résultante
de la chute du mur de Berlin qui met désormais face à face les
pays de Nord et les pays du Sud, avec à la clef la responsabilisation
des pays du Sud sur le plan international.
175 Guy FEUER, « l'Uruguay round, les
pays en développement et le droit international du développement
», op.cit., p.758.
176 Voir Préambule de l'accord instituant l'OMC.
177 Mis en place lors de la conférence de Doha en 2001,
le TSD, regroupe un certain nombre clauses introduites dans différents
accords de l'OMC en faveur des pays en développement, la finalité
de celles-ci étant d'accorder
Cependant, après plus de vingt ans de fonctionnement de
l'OMC, le Nord domine toujours outrageusement le commerce mondial, fixe
discrétionnairement les prix des produits agricoles alors que le Sud
dans sa grande majorité est encore loin de faire son retard. Ainsi,
malgré les deux décennies de croissance économique
sensible dans les Pays Développés (PD) et dans les PED, les pays
les moins avancés (PMA)178, quant à eux, n'ont pu
profiter que modestement de la formidable expansion économique : leur
part dans le commerce mondial de marchandises (exportations et exportations
confondues) est actuellement de 1,08 pourcent179. Pire leur part
dans le secteur des services ne dépasse pas 0.5180 pourcent
en 2010 alors qu'il était au même niveau en 2000. Au fil des
années, force est de constater que le déséquilibre en
termes de balance commerciale longtemps constaté entre les pays riches
et les pays pauvres et pour lequel l'Accord instituant l'OMC se propose de
servir de correctif, semble en définitive persisté voire se
renforcé. Dans un récent Rapport, la CNUCED indique que la chute
des cours des matières premières a entraîné une
baisse des exportations et des importations des PMA, d'où un doublement
de leur déficit commercial qui est passé de 36 milliards de
dollars en 2014 à 65 milliards de dollars en 2016181. C'est
surtout au niveau du commerce des matières premières que la
situation des ces pays est encore plus perceptible. En effet, la part des
exportations des produits minéraux, des combustibles ne cessent de
décliner et avec elle, l'effondrement des économies des PED,
encore essentiellement primaires182. Plus pernicieux, l'excroissance
des obstacles non tarifaires, la multiplication des soutiens internes à
l'agriculture, y compris pour le coton dans les pays riches, les subventions
à l'exportation continuent d'accentuer la mise à l'écart
continuel des PMA dans le commerce international.
Le constat est donc sans appel, en dépit de la mise en
place de l'OMC, les PED dans leurs grandes majorités continuent
d'occuper une position marginale dans le commerce mondial qui, par
conséquent, demeure largement inégalitaire.
une aide suffisante aux industries naissantes de ces pays
à l'interne (protection) comme à l'externe
(préférences commerciales).
178 Les PMA incluent les 49 pays les plus pauvres de la
planète dans quatre continents dont l'Océanie. Selon la CNUCED
ces pays répondent à 3 critères à savoir un revenu
national bas, un capital humain faible et une grande
vulnérabilité économique. Plus de la moitié des
pays africains font partie de cette catégorie.
179 OMC /Introduction au commerce et au développement,
disponible sur
https://ecampus.wto.org/TD-M2-R1-F.
180 Idem.
181 CNUCED, Rapport 2016 sur les pays les moins
avancés, disponible sur
http://www.unctad.org/ldc.
182 Idem.
34 | P a g e
35 | P a g e
S'il paraît indéniable que la position des PED
dans le commerce mondial reste peu enviable, il en va de même de leur
place au sein de l'OMC.
B. La place marginale réservée aux PED au
sein de l'OMC
Cette question sera abordée autour de deux pôles
qui font inexorablement l'objet de récriminations de la part des pays du
Sud, à savoir leur marginalisation du point de vue normatif ensuite leur
marginalisation du point de vue de la participation aux travaux de l'OMC.
Sur le premier point, pour séduisant qu'il puisse
paraître prima facie, le cadre normatif l'OMC n'emporte pas
toujours la satisfaction des Etats du Sud: si sa philosophie semble plus
altruiste, il est infiniment préférable de tenter de
réglementer l'usage qui peut être fait de la puissance en amont de
la production des normes que de la laisser produire ses effets dans la
sphère même du droit. Bien évidemment, ce sont toujours les
Etats puissants du Nord qui tirent le plus d'avantages du cadre
multilatéral. En effet, le cadre normatif de l'OMC leur a permis,
jusqu'à maintenant, d'imposer leurs lois aux pays du Sud. La
configuration actuelle de l'économie mondiale, la géographie de
la richesse mondiale permettent de penser que la plupart des règles de
l'OMC ont été élaborées pour favoriser leurs
intérêts dans un sens qui accroît leur
hégémonie sur le reste du monde. Le résultat, comme le
soulignait un Rapport de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, est que
pour certains groupes de l'humanité, l'OMC est vécue comme un
« véritable cauchemar »183.
Sur le second point, relativement à la participation
des PED aux travaux de l'OMC, il relève de l'évidence que
jusqu'à présent, les pays du Sud sont encore minoritaires bien
que la plupart des questions abordées aient souvent été
d'une importance significative pour ces pays, du moins pour la majorité
d'entre eux. En effet, la principale équation pour les PED demeure sans
aucun doute le défi de leur participation à l'OMC. Et pour cause,
parmi les pays en développement, certains pays, faute de ressources
financières, administratives mais aussi par manque de compétences
techniques, ne sont pas en mesure d'entretenir une représentation
permanente au sein de l'Organisation. Il s'ensuit dès lors une
obstruction manifeste quant à la capacité de ceux-ci à
assurer une participation optimale à l'ensemble des travaux. En
conséquence, ils ne peuvent ni s'imprégner des enjeux ni
défendre leurs intérêts.
183 Joe OLOKA-ONYANGO et DEEPIKA UDAGAMA,
La mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance des
droits de l'homme, Rapport préliminaire présenté le
15 juin 2000, in Rapport d'information no 2750 « sur la place
des pays en développement dans le système commercial
multilatéral », Assemblée nationale française,
2000, p.41.
36 | P a g e
Dans le Rapport d'information sur la place des pays en
développement dans le système commercial multilatéral, il
a déjà été indiqué que vingt-huit pays
membres de l'OMC n'entretiennent aucune représentation à
Genève'84.
En effet, contrairement à ses objectifs, l'Organisation
n'accorde que peu de ressources au financement de l'assistance technique promis
aux pays les plus faibles. Cette inadéquation complète entre les
objectifs poursuivis et les moyens qui leur sont consacrés fait
alimenter ainsi la frustration des PED.
Outre leur marginalisation dans le système commercial
multilatéral, les PED s'indignent davantage des asymétries des
accords de l'OMC.
§2. UNE CONTESTATION LIEE AUX ASYMETRIES DES ACCORDS
DE L'OMC
Dans la répartition des droits et obligations contenus
dans un certain nombre de conventions estampillées OMC, la comparaison
entre le Nord et le Sud est tout sauf évident. Certains accords se
caractérisent par un véritable déséquilibre entre
les pays du Nord et les pays du Sud. Il en est ainsi de l'Accord sur
l'agriculture (A), ainsi que l'Accord sur la
propriété intellectuel (B).
A. L'iniquité de l'Accord sur l'agriculture
L'Accord sur l'agriculture fixe le cadre juridique
destiné à une réforme en profondeur et à long terme
des politiques intérieures des Etats membres relatives au commerce des
produits agricoles. Son ambition est bien évidemment de parvenir
à une concurrence plus équitable et à moins de distorsions
possibles. À cet égard, cet Accord vise essentiellement trois
points : d'abord, l'accès aux marchés qui évoque les
concessions et les engagements que les membres doivent offrir concernant
l'accès aux marchés; c'est ainsi que les mesures non tarifaires
à la frontière sont remplacées par les droits de douanes
qui assurent une protection uniforme. Ensuite, le soutien interne qui table sur
la réduction des recours aux subventions et aux mesures de soutien
publics stimulant la production et aboutissant à la distorsion des
échanges. Et enfin, la concurrence à l'exportation qui vise la
réduction des mesures de subvention à l'exportation.
'84Idem.
37 | P a g e
Si à la lecture de ces dispositions, il est
évident que cet Accord se veut être, avant tout, le correctif des
distorsions en matière de commerce des produits agricoles, en quoi
consiste alors le déséquilibre dont il est souvent accablé
?
En effet, sur le chapitre de l'agriculture, plusieurs
observations peuvent être faites.
En premier lieu, comme pour la plupart des conventions de
l'OMC, les PED sont tenus d'appliquer l'Accord sur l'agriculture. Or la
définition du contenu de cet Accord leur a largement
échappé. Résultat, ces pays se sentent parfois
piégés lorsqu'ils commencent à les mettre en oeuvre. On se
souvient encore de ces propos plus que révélateurs de l'expert de
l'OMC du ministère du commerce extérieur de la Guinée qui
confiait que son pays avait adhéré à l'OMC « sans
savoir à quoi cela l'engagerait, comme lorsqu'il avait plafonné
des droits de douane sans avoir conscience, par manque d'informations, que cela
aboutirait au sacrifice de certains secteurs importants de son économie.
»185. Les pays en développement en viennent alors
à considérer que ces accords qu'ils ont signés, en toute
méconnaissance de cause, se fait systématiquement à leur
désavantage.
En deuxième lieu, la consolidation des tarifs
pratiqués par les PD a abouti à des droits prohibitifs,
empêchant les PED d'exporter leurs marchandises. Selon une étude
menée par l'Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE) les droits de douane
appliqués par les pays industrialisés sont longtemps
restés à un stade élevé, en général
de l'ordre de 35 % pour les produits agricoles d'importation186. Ce
n'est qu'à partir de 2005 que taux est descendu sous la barre des 17%
pour se situer finalement au tour 20% en moyenne en 2015 pour les produits
agricoles en provenance des PMA187.
En troisième lieu, les soutiens à l'agriculture
sont hors de la portée financière de la plupart des PED en raison
notamment de l'impact de nombreuses années de politiques d'ajustement
structurels ayant conduit à un désengagement de l'Etat du fait de
la diminution considérable de ses moyens alors que les producteurs du
Nord continuent d'être largement subventionnés. Sur le dossier du
coton par exemple le groupe « Coton -4 »188 a presque
toujours lancé un appel urgent à l'élimination de toute
forme de subvention et de soutien interne à la production. Mais cet
appel est demeuré sans suite et la dixième conférence
185 Idem., p. 56.
186 OECD, Preliminary Report on market access aspect of
Uruguay Round Implementation, Document COM/AGR/APM/TD/WP (99) 50,
juin1999, Paris . Document disponible sur
http://www.oecd.org
187 OMC, Introduction au commerce et au
développement. Document disponible sur
https://ecampus.wto.org/TD-M2-R1-F.
html
188 Les pays du groupe coton -4 sont le Burkina Faso, le
Bénin, le Tchad et le Mali.
38 | P a g e
ministérielle tenue à Nairobi en Décembre
2015, n'a pas permis d'obtenir des avancées significatives puisqu'«
aucune idée ou option n'a fait l'objet de consensus
»189 .
A l'évidence, loin de correspondre à la
générosité qu'il affiche, l'Accord sur l'agriculture est
révélateur d'une flagrante inégalité de traitement
qui existe entre des pays ayant arrêté leur soutien à
l'agriculture, faute de moyens, et les pays industrialisés disposant
d'énormes capacités d'intervention qui ont été
reconnues, voire renforcées, par les règles de l'OMC, y compris
sur les aspects touchant aux droits de propriété
intellectuelle.
B. Le déséquilibre de l'Accord sur la
propriété intellectuelle
L'Accord de l'OMC sur les aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce
(ADPIC)190, entré en vigueur le 1er janvier 1995 est un texte
annexé à l'Accord instituant l'OMC qui a introduit pour la
première fois les règles sur la propriété
intellectuelle191 dans le système commercial
multilatéral. A l'origine mû par la nécessité de
protéger les droits de propriété intellectuelle, l'ADPIC
va très vite se retrouver au coeur d'une controverse principalement
alimentée par les PED. A ce propos, il a depuis lors fait l'objet
d'études diverses.
Pour la majorité des études
réalisées sur la question, les économies
sous-développées sont les grandes perdantes de l'Accord
ADPIC192. Le déséquilibre de cet Accord viendrait de
ce qu'il empêche ces pays de refaire leur retard en basant leurs
politiques d'industrialisation sur des procédés et
méthodes de fabrication mis en place dans d'autres pays alors même
que cette stratégie avait été longtemps utilisée
par les pays du Nord pour se développer193.
189 Source OMC/ déclaration de M. l'ambassadeur
Vangelis Vitalis, président des négociations sur l'agriculture
lors de la dernière consultation sur le coton menée à
l'OMC le 23 novembre 2016.
190 L'accord sur les ADPIC (ou encore TRIPS en anglais)
constitue l'annexe 1C de l'accord de Marrakech instituant l'OMC du 15 avril
1994 consultable sur
http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/t_agm0_f.htm.
191 Il s'agit des droits d'auteur, les marques de fabrique ou le
commerce des brevets, etc.
192 Cloatre EMILE, « Brevet
pharmaceutiques occidentaux et accès aux médicaments dans les
pays pauvres : le cas du Djibouti face au droit international de
propriété intellectuelle », science sociale et
santé vol, 4/2008 (vol. 26), pp.51-74 ; Keith
MASKUS, «strengthening Intellectual Property Rigth in Asia:
Implication for Autralia» Australian economic papers, 1998,
pp.346-361.
193 En guise d'illustration, certaines sources historiques
situent l'invention de la poudre à canon durant la dynastie Han.
Aujourd'hui, l'industrie occidentale de l'armement qui domine ce marché
continue de recourir à ce procédé sans que des droits de
propriétés intellectuelles n'aient été
préalablement concédés à la Chine.
39 | P a g e
Ensuite, cet Accord écarterait les PED des biens
essentiels. En effet, l'article 7 de cet Accord met en avant un esprit
volontariste notamment celui de contribuer à la promotion de
l'innovation technologique, au transfert de la technologie, ainsi qu'à
la mutualisation des avantages de ceux qui génèrent et de ceux
qui utilisent les innovations techniques. Toutefois force est de constater
qu'à l'heure actuelle, l'ADPIC n'a guère contribué
à favoriser le transfert massif de technologies en direction des pays en
développement. Au contraire, plusieurs analyses soutiennent que l'ADPIC
contribue à remettre en cause la satisfaction des besoins les plus
essentiels de ces pays. Cette situation s'explique essentiellement par le fait
que les entreprises titulaires des brevets, dans le souci d'amortir le plus
rapidement possible les coûts de leurs recherches, ont tendance à
concentrer leurs efforts dans les secteurs où il existe une garantie de
solvabilité. Cette propension à la recherche de
rentabilité rapide pousse celles-ci à aller vers les secteurs
porteurs qui intéressent les pays riches au détriment des
domaines qui intéressent les pays pauvres comme l'a indiqué
Martin KHOR, président de l'ONG Malaisienne Third World
Network. Ainsi, selon les données du Programme des Nations Unies
pour le développement (PNUD) moins de 1 pourcent des activités
mondiales de recherche relative à la santé portent sur la
pneumonie, les maladies diarrhéiques et la tuberculose, alors que ces
affections représentent 18 % des maladies à l'échelle
mondiale. De même, c'est près de 10 millions d'enfants de moins de
5 ans qui meurent chaque année dans le Tiers-monde faute d'avoir
accès aux médicaments. Ceci justifie pleinement la terminologie
aux accents misérabilistes de « médicament orphelin
»194 pour désigner cette réalité.
Enfin, avec l'ADPIC, les entreprises privées se voient
accorder pendant 20 ans une position dominante qui leur permet de fixer
elles-mêmes le prix que doivent payer les Etats afin d'accéder
à leurs innovations. Or les PED ne sont pas toujours en mesure de
supporter ces coûts généralement exorbitants. Il s'ensuit
que l'ADPIC induit à l'encontre des PED une obstruction à
l'accès aux produits essentiels. Et comme indiqué plus haut, les
conséquences humaines d'un tel dispositif dans le domaine de la
santé peuvent être dramatiques pour les pays pauvres en
particulier pour les pays africains confrontés parfois à de
véritables crises épidémiologiques telles que la
pandémie du Sida.
L'on retiendra en définitive que si la création
de l'OMC marque l'institutionnalisation et la réglementation des
marchés, cela n'a pas eu pour effet d'entrainer la réduction
attendue des
194 Anne JEANBLANC, « Des maladies rares
mais des malades très nombreux », le point.fr, 29
février 2016. Article disponible sur
http://www.lepoint.fr/editos-du-point/anne-jeanblanc/des
maladies-rares-mais-des-malades-très-nombreux-29-02-2016-2021713_57.php
(consulté le 10 avril 2016).
40 | P a g e
inégalités mondiales. Cela étant, il est
donc tout à fait compréhensible que l'Organisation suscite
actuellement autant de frustrations.
SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION GENERATRICE DE
FRUSTRATIONS MULTIDIMENSIONNELLES
Depuis quelques années déjà, l'OMC est
décidemment bien dans la tourmente. Une partie importante de l'opinion
publique internationale estime que les errements de l'Organisation au cours de
ces deux décennies d'existence ont fini par avoir raison de ses
ambitions nobles. Depuis Seattle195 en 1999, les rangs de
détracteurs ne cessent de grossir. Aux nombres de ceux-ci, l'on retrouve
de plus en plus des politiques, des économistes chevronnés, des
universitaires, des personnalités de tout premier plan, des leaders
d'opinions, des membres d'ONG, des think tank,196 etc.
Cependant, parmi les contestations les plus marquantes, l'on retiendra d'une
part, la contestation politique portée le plus souvent par les Etats
membres et plus largement par les entités intergouvernementales
(§ 1) et d'autre part, les critiques sociales et
économiques généralement exprimées par les acteurs
non gouvernementaux (§ 2).
§1. LA DIMENSION POLITIQUE DE LA FRUSTRATION
Une grande partie des débats publics et des
commentaires inhérents aux activités de l'OMC se polarise sur ce
qui est perçu comme une aliénation de la souveraineté des
Etats (A). A cela s'ajoute une autre facette de la critique
qui est, quant à elle, axée sur l'idée d'un manque de
démocratie dans le fonctionnement de l'Organisation
(B).
A. Une critique liée à
l'aliénation de la souveraineté des Etats
Déjà, il faut noter qu'à part le Fond
monétaire international (FMI) et la Banque mondiale qui sont de
facto des organisations internationales contraignantes, l'OMC, en plus
d'être déjà
195 Conférence ministérielle tenue sous la
bannière de l'OMC qui a pour la toute première fois
enregistré des manifestations importantes contre l'OMC entraînant
la suspension des travaux.
196 Un think tank est un groupe de réflexion
ou un laboratoire d'idée, en général une structure de
droit privé indépendante de l'Etat ou de toute autre puissance,
en principe à but non lucratif, regroupant des experts.
L'activité principale est la production des études le plus
souvent dans les domaines des politiques publiques et de l'économie. On
citera par exemple le Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture
(MOMAGRI) qui réunit les responsables du monde agricoles, des secteurs
de la santé, du développement, etc.
41 | P a g e
contraignante au plan de la réglementation, est aussi
munie d'un tribunal tout autant contraignant : l'ORD197. Ainsi, au
cours d'une procédure de règlement de différends, il
arrive qu'un moyen tiré de la violation par une norme législative
de nature économique ou commerciale soit invoquée comme moyen de
défense à l'encontre d'un Etat. Ce peut être aussi bien le
cas, à l'inverse, lorsqu'un texte interne venant en appui à un
moyen de défense est jugé incompatible avec une obligation prise
dans le cadre de l'OMC198. Dans ces cas de figure, l'Etat
concerné, sous peine de sanction, est dans l'obligation d'opérer
une modification, un retrait voire une suppression du texte incriminé de
son ordonnancement juridique, dans le but de le rendre conforme à
l'ordre établi par le système commercial multilatéral. A
ce propos, le système de réglementation ainsi que les
mécanismes de régulation de l'OMC peuvent apparaître comme
une menace au libre choix des Etats et par conséquent être
perçus comme une aliénation de leur
souveraineté199. Ce raisonnement qui revient
régulièrement fait des adeptes parmi les Etats membres en
particulier, les PED pour lesquels il y a manifestement un lien évident
entre l'activisme excessif de l'OMC et l'atteinte à leur
souveraineté. Aussi certains en viennent-ils à dénoncer
l'impérialisme de l'Occident à travers les normes de l'OMC.
Néanmoins on peut se poser la question de savoir si ces
craintes sont réellement fondées. Pour une partie de la doctrine
ces appréhensions sont tout à fait
justifiées200. Ces auteurs pointent
régulièrement du doigt l'instrumentalisation de l'OMC par les
multinationales, une situation qui représente indéniablement un
danger pour les politiques intérieures des Etats et par-delà, une
menace pour leurs souverainetés201. En effet, durant ces deux
décennies d'existence de l'Organisation, il s'est déjà
produit que de grandes entreprises qui s'estiment lésées par la
législation d'un Etat étranger entreprennent un lobbying
frénétique auprès des Etats puissants pour qu'ils
intercèdent en leur faveur dans les négociations. L'affaire
des
197 Ainsi, conformément à sa volonté de
faire prévaloir le droit de l'OMC, l'Organe de règlement des
différends de l'OMC (ORD) a par exemple rejeté l'argument de
l'Europe basé sur le « principe de précaution
» pour imposer son argumentation scientifique afin de justifier
l'érection ou non de barrières au commerce.
198 WT/DS26/AB/R Communautés européennes
- Mesures communautaires concernant les viandes et les produits
carnés (Plainte des États-Unis) (1998), OMC Doc.
(Rapport de l'Organe d'appel) [Hormones].
199 Le concept de souveraineté, est définit
comme la puissance suprême (suprema potestas) de gouverner, de
commander de décider et qui, liée à l'apparition de l'Etat
moderne est indépendante de celui-ci. Voir Jean
SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruylant,
Bruxelles, 2001, p.1045 Il induit à cet égard, comme l'estimaient
Jean COMBACAU et Serge SUR, la non-soumission à une autorité
supérieure, le fait de n'être le sujet (au sens d'assujetti)
d'aucun sujet de droit international (au sens de personnalité
juridique). Voir Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit
international public, 4 e éd., 1999, p.227.
200 Chloé MAUREL, Géopolitique
des impérialismes, op.cit., p. 175.
201 Idem.
42 | P a g e
boeufs aux hormones,202 en est ainsi une
parfaite illustration car en l'espèce, il ne fait aucun doute que la
plainte des États-Unis contre la législation sanitaire
européenne n'est que la résultante de pressions diverses
émanant de grands groupes alimentaires comme Monsanto203 et
Cargill204. On voit bien qu'il en résulte ainsi des effets
pervers qui découlent d'une instrumentalisation de l'OMC. Comme le
soulignait déjà Virgile PACE au début des années
2000, « les grandes multinationales sont tentées de se servir
de l'OMC, via les Etats pour faire valoir leurs intérêts
privés. Il y a là un danger qui ne doit pas être
sous-estimé. Les Etats sous pression des lobbies peuvent être
amenés à utiliser le mécanisme de règlement des
différends de l'OMC pour s'attaquer à des législations
étrangères qui ne servent pas les intérêts des
grands groupes privés.»205 Cette situation traduit
la forme typique de l'aliénation des souverainetés
étatiques à l'OMC.
En définitive, dès lors qu'ils
considèrent qu'il y a une atteinte à leurs droits nationaux et
donc à leur souveraineté, bien de gouvernements n'hésitent
plus à dénoncer le fait que peu à peu leurs Etats perdent
les leviers du pouvoir de choisir eux-mêmes les orientations et les
priorités de leurs politiques économiques. A cet égard,
ils ne s'empêchent donc plus de hausser le ton contre l'OMC. Si cette
contestation autrefois paraissait bénigne au nom de l'autolimitation
triomphant206, désormais elle se fait ouvertement entendre et
amplifier autant par les milieux politiques207 que par les
médias. A ce propos, on a noté des protestations
réactionnaires quasiment à chaque fois que l'OMC engage une
procédure de mise en conformité à l'encontre d'un Etat. Le
Rapport de 2005 du Conseil consultatif mentionnait ainsi qu'il y a eu
littéralement des dizaines de procédures de règlements de
différends
202 Voir l'affaire Communautés européennes
- Mesures communautaires concernant les viandes et les produits
carnés (Plainte des États-Unis) (1998), OMC Doc.
WT/DS26/AB/R et WT/DS48/AB/R (Rapport de l'Organe d'appel)
[Hormones].
203 MONSATO est une multinationale américaine
spécialisée dans les biotechnologies agricoles, mais aussi
présente sur les marchés de semences, des produits et des
organismes génétiquement modifiés (OGM).
204 CARGILL est une entreprise américaine
spécialisée dans la fourniture d'ingrédients alimentaires
et dans le négoce des matières premières.
205 Vigile Pace : « Cinq ans après sa mise en mise
en place : la nécessaire réforme du mécanisme de
règlement des différends de l'OMC» R.G.D.I.P, 2000,
p. 616.
206 La doctrine de l'auto-limitation dispose qu'il n'y a pas
d'atteinte à la souveraineté lorsque l'Etat se soumet
volontairement à l'ordre international. A noter que cette doctrine
demeure majoritaire en droit international public et est incarnée par
d'illustres internationalistes tels que JELLINECK. Voir Georg
JELLINECK, L'Etat moderne et son droit,
Panthéon-Assas, 2004, p.130 et ss. Mieux encore, confortée
par le principe de subsidiarité, cette doctrine a intégré
le droit positif depuis qu'elle a reçu l'onction du juge international
en 1927 dans l'affaire du Lotus, arrêt no 9
série A, CPIJ Rec. 1927.
207 Arnaud MONTEBOURG, Votez pour la
démondialisation !, Flammarion, Paris, 2011, p.5 et ss. Voir de
même Jacques SAPIR, La Démondialisation,
Le Seuil, Paris, 2011. De même, « America first!»
signifiant littéralement «Les Etats-Unis d'abord ! » fut le
programme qui a récemment porté le candidat TRUMP au pouvoir aux
Etats-Unis. Ce programme qui s'articule autour du concept de «
patriotisme économique », de la relocalisation des
entreprises n'est que l'expression d'un protectionnisme qui fait
désormais recette dans les milieux politiques de par le monde.
43 | P a g e
soumises à l'OMC dans lesquelles l'idée de
souveraineté a été invoquée lorsqu'il fallait
appliquer divers normes conventionnelles aux mesures prises par les Etats
membres208.
Aussi faut-il se rendre à l'évidence que de
telles frustrations qui sont en amont de contestations paraissent dès
lors très préoccupantes209 pour le futur de
l'institution. Tout comme l'est la critique axée sur l'idée de
l'absence de la démocratie.
B. Une critique axée sur l'idée de
l'absence de la démocratie
L'OMC suscite la récrimination de certains Etats
particulièrement ceux du Sud qui estiment qu'elle est
profondément antidémocratique210. Pour le Tiers
-monde, le problème clé de l'OMC c'est bien évidemment
celui du déséquilibre de pouvoir et le manque de
démocratie. Pour démontrer le caractère fondamentalement
antidémocratique de la structure OMC, plusieurs raisons peuvent
être avancées. D'abord, le choix des négociateurs ne s'est
jamais fait sur une base démocratique à l'instar de
l'élection211. Ensuite, bien plus condamnable encore,
jusqu'à la signature des accords, ces « experts », acquis au
catéchisme néolibéral, travaillent dans le secret le plus
absolu. Les textes élaborés prennent ainsi l'allure de contrats
d'adhésion,212contrevenant ainsi au principe juridique de la
libre discussion des clauses entre les parties tout en amoindrissant la
portée du principe sacro-saint d'égalité souveraine des
Etats en droit international213. Enfin, comme si cela ne suffisait
pas, les pays du Sud, en l'occurrence les PMA, ont rarement les moyens
financiers et les compétences susceptibles de leur permettre d'engager
des procédures, et par conséquent ils sont de facto
exclus de celles-ci. Les deux décennies d'existence de l'OMC n'ont
toujours pas suffit à rendre inclusif l'accès au règlement
des différends comme en témoigne le déséquilibre
notoire dans la répartition mondiale des Etats qui saisissent
l'ORD214. Ce déséquilibre ne manque pas de susciter
régulièrement de l'indignation dans les PED. « C'est
dommage et
208 OMC, l'avenir de l'OMC. Relever les défis
institutionnels du nouveau millénaire, op.cit., p.34.
209 Chloé MAUREL, Géopolitique
des impérialismes, op. cit., p.176.
210 La démocratie repose essentiellement sur la
liberté individuelle, la règle de la majorité et le
pluralisme.
211 L'élection, peut être définie comme le
choix par les citoyens de certains d'entre eux pour la conduite des affaires
publiques. Voir Gérard CORNU (Sous la dir.),
Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p.241.
Concrètement, c'est un choix réalisé au moyen d'un
suffrage (vote ou approbation) auquel toutes les personnes disposant d'un droit
de vote sont appelées à participer.
212 Type de convention dont le contenu est exclusif d'une
partie qui en amont en rédige seule les conditions et qui l'impose
à l'autre partie. Voir Gérard CORNU (Sous la
dir.), op.cit., p.158.
213 Ce principe a depuis été
systématisé par la jurisprudence de la CPA, 4 avril 1928, RSA,
II, p.838 ; puis consacré par la Charte des Nations Unies en son art. 2
§1 qui déclare que l'organisation « est fondée sur le
principe de l'égalité souveraine de tous ses membres ». De
ce principe résulte un autre : « un Etat, une voix ! ».
214 Source : OMC/carte des différends entre membres de
l'OMC. Disponible sur
www.wto.org.
44 | P a g e
décevant que les négociations [à
l'OMC] ne soient jamais allées au delà du groupe des sept
principales puissances commerciales », fulminait, en 2008, Popane
LEBESA, ex-ministre du commerce du Lesotho représentant le groupe
africain lors des négociations du cycle de Doha215. Ces
propos font échos aux déclarations de Tetteh HORMEKU du Third
World Network216 qui affirmait en 2005 que « L'OMC
n'est plus un forum de concertation sur le commerce mondial, elle est devenue
un instrument de pouvoir entre les mains de puissances économiques qui
imposent leurs volontés au monde entier »217.
Néanmoins, même s'il est évident que les
Etats du Sud sont directement en première ligne de ce front, les
critiques n'émanent pas que de leurs rangs. Ces dernières
années, l'on entend de plus en plus les critiques qui émergent
des milieux d'affaires des pays riches. Selon Jean Luc GREAU, « il n'y
a que trois catégories de vainqueurs [du libre-échange] : les
pays qui produisent les matières premières, ceux qui ont de
faibles coûts de mains d'oeuvre comme la Chine ou l'Inde et ceux qui sont
hautement spécialisés dans les biens d'équipement comme
l'Allemagne et le Japon. Les pays qui ne font pas partie des trois sont
perdants»218.
Dans les sphères politiques, l'OMC n'a pas la cote
comme l'atteste ces propos de M. LE PEN du Front national, parti
d'extrême Droite française qui qualifie le cycle de Doha de «
grand marchandage qui ignore même l'existence des Etats de l'Union
Européenne »219.
Les organisations intergouvernementales n'en sont pas moins
concernées. En effet, de plus en plus d'organisations
intergouvernementales se voient confrontées à la
prééminence de facto des normes de l'OMC. En guise
d'illustration, en matière du travail, les normes de l'Organisation
internationale du travail (O.I.T) qui est l'une des instances les plus
démocratiques du système des Nations Unies n'ont aucun poids
devant les décisions de l'OMC. Chloé Maurel montre par exemple
que lorsqu'un conflit d'intérêts survient entre un droit
fondamental des travailleurs reconnu par l'O.I.T et un intérêt
commercial garanti par
215
http://www.nouvelobs.com/economie
/20080730.OBS5252/
les-réactions-a-l-echec-des-negociation-au-sein-de-l-omc.html
216 Third World Network est une organisation non
gouvernementale et un réseau d'organisations et d'individus
engagés dans les causes de l'environnement, du développement et
des relations Nord-Sud avec en toile de fond, le problème de la dette du
Tiers-monde.
217 Voir
http://
www.mondequibouge.be/index.php/2005/11/omc-fondamentalement-non-démocratique.
html
218 Jean Luc GREAU, Avenir du
capitalisme, Gallimard, 2005, p.303.
219
http://
nouvelobs.com/economie/20080730.OBS5252/
les-réactions-a-l-echec-des-negociation-au-sein-de-l-omc.html.
Consulté le 12 0ctobre 2016.
45 | P a g e
l'OMC, c'est de facto l'OMC qui obtient gain de cause
puisque l'OIT n'a aucun pouvoir de sanction, contrairement à
l'OMC220.
En définitive, le sentiment général
qu'ont les Etats, en l'occurrence ceux du Sud, est qu'il se produit une
uniformisation à marche forcée de la mosaïque des
modèles de développement que compte le monde vers un
modèle unique qui est le système libéral de
l'économie de marché et ce sans aucun égard à la
souveraineté étatique ni aux processus démocratiques.
Mais si la contestation des entités gouvernementales
paraît de plus en plus affirmée, elle ne l'est pas moins des
critiques économiques et sociales.
§2. LES DIMENSIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES DES
FRUSTRATIONS
A l'image de la contestation politique, il existe de
même à l'encontre du libéralisme prôné par
l'OMC une critique qui est à la fois économique et sociale. Si la
critique de nature économique est représentée par les
milieux économiques (A), la contestation sociale, quant
à elle, est essentiellement portée à bout de bras la
société civile internationale (B).
A. La critique économique du
libéralisme
Pour l'OMC, la libéralisation du commerce favorise la
croissance quelque soit le niveau de développement du pays
concerné221. Cependant depuis quelques années
déjà, il y a une floraison de théories économiques
qui concluent au scepticisme quant au lien entre le commerce et le
développement, entre l'ouverture et la croissance222. Ces
critiques sont vérifiées à l'examen des faits. En effet
les PED qui se sont intégrés depuis les années 1980
à l'économie mondiale libéralisée n'ont pas ou ont
peu bénéficié de la croissance à l'instar de la
majorité des pays de l'Amérique latine (comme l'Argentine
l'Uruguay ou le Mexique). A l'opposé, ceux qui en ont largement
profité, ce sont des pays qui se sont abstenus de respecter tous les
règles du jeu. Au nombre de ces pays, nous pouvons citer les pays
asiatiques qui ont pratiqué la politique d'orientation du crédit
et différentes formes du protectionnisme. Certains
220 Chloé MAUREL, Géopolitique
des impérialismes, op.cit., p. 176-177.
221 OMC, Rapport annuel 1998, OMC, Genève, 1998,
p.6.
222 Frederic Rodriguez et Dani
Rodrik, «Trade policy and economic growth: A skeptic's Guide to
the National Cross Evidence» NBR Working Papers, n
o7081.Voir Lahsen ABDELMALKI et
René SANDRETTO, les cahiers français de la
Mondialisation et commerce international, no 325, Paris, la
documentation française 2005, pp. 73-78.
46 | P a g e
économistes trouvent qu'aujourd'hui si la Chine et
l'Inde progressent rapidement sur le plan économique c'est grâce
à la combinaison intelligente qui alterne les phases de
libéralisme et de contrôles223. De même, certains
donnent l'exemple de la Malaisie qui a réussie à sortir d'une
crise financière grâce au contrôle des mouvements de
capitaux.
Finalement, ce ne sont pas les pays les plus ouverts qui ont
bénéficié de la croissance. Ce constat tranche
radicalement avec certaines affirmations de l'OMC qui soutient que «
les pays en développement ouverts ont des résultats meilleurs
que les pays en développement fermés. »224.
Le prix Nobel d'économie Joseph STIGLITZ ne partage pas lui non plus
cette vision. En 2001, cet économiste de renom n'a pas
hésité à monter au créneau pour dénoncer de
telles aberrations. Pour lui, il est évident que « les pays en
développement ayant réussi [...] ont profité de la
mondialisation pour augmenter leurs exportations et leur croissance en a
été accélérée. Mais ils n'ont levé
leurs barrières protectionnistes qu'avec précaution et
méthodes225 ».
En somme, la critique économique avance que le
libéralisme « intégral » tant
célébré autant par les institutions internationales que
par l'esprit de Marrakech n'a pas profité à grand monde.
Paradoxalement, c'est le contraire qui s'est produit puisque au lieu de
réduire les inégalités, il a plutôt contribué
à les accentuer n'arrangeant rien au retard accusé par les
pauvres en l'occurrence les Etats africains.
La contestation émanant des milieux économiques
constituent donc un cinglant désaveu à la récurrente
propagande de l'OMC qui s'appuie davantage sur les pseudos bienfaits sociaux du
libéralisme.
B. La contestation sociale du libéralisme
La contestation sociale est celle qui est exprimé par
la société civile internationale dont le combat porte
principalement sur deux fronts. Le premier est en rapport avec la
problématique de l'environnement alors que le second est relatif
à la question des normes sociales.
223 En effet, cette combinaison astucieuse repose sur des
politiques par lesquelles l'Etat intervient, par moment en fonction de la
conjoncture pour protéger les industries locales de la concurrence
étrangère.
224 OMC, Rapport annuel 1998, Genève, OMC, 1998,
p.6.
225Joseph STIGLITZ, la grande
désillusion, Paris, Fayard ,2002. Cité in serge Agostino,
« la mondialisation, Paris Bréal, 2002, pp.74-75.
47 | P a g e
D'abord au sujet de l'environnement, les économistes et
les écologistes ont été les premiers à tirer la
sonnette d'alarme, suite au développement fulgurant du commerce
international226 favorisé par la libéralisation des
échanges après la seconde guerre mondiale. A ce propos, l'impact
du libéralisme sur l'environnement a fait l'objet d'études
variées. La question centrale était de savoir si la
problématique environnementale est compatible avec le
libre-échange. Les différentes études
réalisées sur cette question pointent presque toutes vers la
même conclusion, à savoir que le libéralisme est nuisible
à l'environnement. Par exemple, les travaux de GROSSMAN et de
KRUEGER227ont montrée qu'à chaque fois qu'il y a eu
des levées de barrières douanières, on a notée un
accroissement subséquent de flux de biens. Or le plus souvent le
processus de production de ces biens s'avère habituellement peu soucieux
du respect des normes environnementales228.
Ensuite, à l'occasion du cycle d'Uruguay, les tests
effectués pour estimer l'impact de la libéralisation
négociée ont montré au niveau mondial, que les
émissions de différents polluants augmenteraient annuellement de
0,1% à 0,5%229. Il y a donc bien là un lien
évident entre la libéralisation des échanges et la
dégradation de l'environnement. Ces résultats ont par la suite
été confirmés par des études spéciales
menées en interne par le secrétariat de l'OMC230.
De même, en ce qui concerne les normes sociales, le
cadre juridique de l'OMC est l'objet de vives critiques. Ce sont les droits de
l'homme qui suscitent beaucoup de récriminations. Les défenseurs
de droits de l'homme déplorent l'orientation très
égoïste de l'OMC consistant à privilégier des sujets
de nature économique au détriment des préoccupations
relatives aux droits de l'homme. C'est ainsi que dans un Rapport publié
en juillet 2005231, en
226Selon les données de l'OMC, entre 1950 et
2006 le volume du commerce mondial a été multiplié par 27
et la part du commerce international dans le produit intérieur brut
mondial est passée de 5,5% à 20.5%.
227Gene GROSSMAN, Alan KRUEGER,
«Environmental impacts of North American Free trade Agreement»,
in Paul GARBER, The Mexico US free trade
agreement, MIT press, Cambridge, Massachusetts, 1993. Ces travaux seront
suivis par bien d'autres encore comme les études réalisées
par la Commission de coopération environnementale de l'Amérique
du Nord in « libre-échange et environnement : un tableau
plus précis de la situation », commission de coopération
environnementale de l'Amérique du Nord, 2002, p.4.
228 Les normes environnementales sont des règles qui
s'appliquent sur l'ensemble des agents productifs qui visent sans
détruire les ressources naturelles. Ces normes sont issues des accords
environnementaux multilatéraux telles que la Conférence de
Stockholm de 1972 ; le Sommet de la terre de Rio de 1992 qui adopte une
convention sur le changement climatique pour réduire en particulier les
émissions de gaz à effet de serre; le Sommet de Johannesburg en
2002 qui réaffirme le principe de développement durable ou encore
la 21e conférence des partis à Paris avec pour
ambition de limiter le réchauffement climatique à 2% d'ici
2021.
229 Matthew COLE, Anthony RAYNER,
John BATES «Trade Liberalization and the Environment: the
case of Uruguay Round», World Economy, 1998 p. 337 et ss.
230 Hakan NORDSTROM, Scott VAUGHAN,
«Trade and Environnement: Special studies 4», World Trade
Organization Report, Geneva, 1999. Disponible sur
www.wto.org.
231 F.I.D.H, comprendre le commerce mondial & les droits
de l'homme, FIDH, Paris, 2005, p.2 et ss.
48 | P a g e
prélude à la conférence
ministérielle de Hong Kong, la Fédération internationale
des droits de l'homme (F.I.D.H) met en exergue l'énorme fossé qui
existe entre les droits de l'homme et le commerce mondial. Ce rapport
précise à cet effet qu' « il est aujourd'hui
évident que la mondialisation économique et financière a
de profondes conséquences humaines »232. Ce constat
est aussi partagé par l'OMC. Adoptée lors de la quatrième
conférence ministérielle de l'OMC en 2001, la Déclaration
de Doha pour le développement prévoit un cadre de
négociation devant respecter les dimensions humaines du
développement233.
Enfin, de leur côté, les altermondialistes
dénoncent habituellement le fait que la plupart des accords commerciaux
multilatéraux soient conclus en totale mépris des clauses
sociales consacrées par l'O.I.T et par les textes internationaux
notamment le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux
et culturels de 1966. La déception de la société civile
internationale est d'autant plus grande que les Groupes spéciaux
chargés d'examiner les affaires refusent le plus souvent de prendre en
compte les accords environnementaux au prétexte qu'ils sont
extérieurs au droit de l'OMC234.
En somme, au regard des crises multiples auxquelles l'OMC est
actuellement confrontée, on serait tenté de croire aux
prévisions pessimistes sur le futur de l'Organisation. Cependant, cette
vision tendancieuse pourrait être vite nuancée à l'analyse
minutieuse de la situation de l'Organisation.
232 Idem., p.3
233 Déclaration ministérielle de Doha de 2001,
disponible sur
www.wto.org/thewto_whatis_f/inbr00_f.html
234 WT/DS291/R, WT/DS292/R, et WT/DS293/R, § 7.74.,
Communautés Européennes-Mesures affectant l'approbation et la
commercialisation des produits biotechnologiques, Rapport du groupe
spécial du 29 septembre 2006, WT/DS291/R,WT/DS292/R, WT/DS293/R, §
7.74.
49 | P a g e
PARTIE II. UNE ORGANISATION AU BOUT DE
REFORMES
50 | P a g e
L'ampleur des crises actuelles qui secouent le système
multilatéral est loin de rassurer les observateurs sur la
capacité de l'OMC à réguler le commerce
multilatéral. Ainsi, comme l'affirme le professeur SIROËN,
« cette évolution risque d'achever le principe fondateur du
multilatéralisme déjà mal en point : la clause de la
nation la plus favorisée »235.
Pourtant, malgré ces soubresauts, l'OMC s'est
forgée une solide réputation en s'imposant dans la sphère
des organisations internationales comme l'instance ayant permis d'assurer une
meilleure régulation du commerce mondial. Elle s'est efforcée au
mieux de ses moyens d'assurer une meilleure sécurité et une
meilleure prévisibilité du système commerciale
multilatéral.
La question n'est pas de savoir si les opinions
exprimées ça et là sur l'OMC sont vraies ou fausses.
S'inscrire dans une telle perspective s'avérerait tendancieuse et
inféconde. L'enjeu ne doit pas se trouver pas dans les querelles
sempiternelles entre les partisans ou les détracteurs de l'OMC. L'enjeu
sera plutôt d'esquisser des pistes de réforme crédibles du
système commercial multilatéral. On pourrait se servir du blocage
actuel du cycle de Doha comme une vraie occasion afin de repenser l'OMC pour
lui ouvrir les portes d'un avenir plus conforme à la
réalité mondiale.
A cet égard, l'OMC ne peut espérer une
conjoncture heureuse du commerce mondiale et une perspective meilleure que s'il
elle donne des gages sur sa capacité à s'adapter sur le long
terme. Comme le rappelle Sandra POLASKI, l'OMC « peut et doit revoir
les règles pour qu'elles favorisent moins les pays riches et qu'elles
offrent des chances à tous les pays, quel que soit leur niveau de
développement »236. Cette réforme pourrait
être le point de départ pour réorganiser les règles
commerciales autour d'objectifs de développement plus fondamentaux qui
prendraient en considération à la fois les effets commerciaux et
non commerciaux des négociations multilatérales.
Même si l'Organisation peut déjà se
targuer de quelques succès significatifs qui pourraient dénoter
de sa résilience (Chapitre I), il lui faudrait
davantage s'inscrire dans une perspective réformatrice pour mieux
relever les défis actuels et futurs (Chapitre II).
235 Jean-Marc SIROËN, « OMC : le
possible et le souhaitable », L'Économie politique 2007/3
(n° 35), p. 12.
236 Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en
danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p.
26.
51 | P a g e
Chapitre I. L'OMC, une organisation
résiliente
Il est assez habituel d'entendre des prédictions
négatives sur l'avenir de l'OMC. « Serons-nous encore là
l'année prochaine ? »237 rapporte Yves SCHEMEIL.
Cette question hante en permanence l'esprit du personnel et semble être
une épée de Damoclès sur la tête de l'Organisation.
L'avènement au pouvoir de M. TRUMP aux Etats-Unis et sa volonté
de mettre en place des mesures protectionnistes de grande ampleur238
ont aussi déclenché à l'échelle mondiale une vague
de pessimisme sur l'avenir de l'Organisation chargée de la
régulation du commerce mondial239. Or à
l'évidence, cette institution dure déjà depuis plus d'un
demi-siècle, d'abord sous le couvert du GATT puis en tant qu'OMC,
créée fin 1994 et inaugurée en janvier 1995. Quelles
peuvent bien être alors les recettes de ce succès ?
Selon le professeur Yves SCHEMEIL, « cette
longévité provient pour une bonne part de sa capacité
à résister aux tentatives de contrôle et aux pressions des
États qui la constituent. L'OMC est en effet pilotée par ses
membres (les États qui y adhèrent), et n'est censée jouer
qu'un rôle de facilitateur dans le déroulement des
négociations multilatérales. Elle ne produit rien
elle-même, à la différence de l'Organisation mondiale de la
santé (OMS), par exemple, qui élabore des normes directement
issues du travail de ses experts »240.
Si l'OMC a pu résister à l'implosion, c'est donc
grâce au fait qu'au cours des vingt dernières années elle a
su mieux incarner, au travers de ses règles, de ses mécanismes et
de ses organes, un système commercial multilatéral plus
universel, plus transparent et plus sûr lui permettant de s'imposer comme
l'instance indispensable à la gouvernance de la mondialisation
(Section I). De même, en traitant d'enjeux majeurs avec
des ressources réduites ses performances sur le court terme lui assurent
donc une efficacité à long terme (Section
II).
237 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une
organisation hybride et résiliente », op.cit., p. 31.
238 Depuis le 21 janvier 2017, le nouveau président
américain a indéniablement choisi une orientation
néo-isolationniste axée sur la relocalisation d'entreprises,
l'abandon du traité transpacifique (TTP) et l'ALENA.
239 Dans une tribune intitulée «Trump peut-il
signer l'arrêt de mort de l'OMC et du libre-échange ?»
signée dans le Figaro le 10 Novembre 2016, le Professeur Philip Marin
indiquait que « si les Etats-Unis sortaient de l'Organisation, les
autres membres n'auraient pas d'intérêt à rester dans
l'organisation ». Et d'ajouter que « sans l'OMC, le monde
entrerait dans un univers commercial chaotique ». Cet article est
disponible sur http : //
www.lefigaro.fr.
Consulté le 12 décembre 2016.
240 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une
organisation hybride et résiliente », op. cit p. 32.
52 | P a g e
SECTION I. UNE ORGANISATION INDISPENSABLE
L'OMC est avant tout la seule organisation internationale qui
s'occupe des règles régissant le commerce mondial dans le but de
prévenir et de régler les tensions commerciales, vecteurs de
conflits internationaux. Son utilité vient de ce qu'elle est non
seulement le cadre formel de promotion du libre-échange
(§1) mais aussi le cadre de la défense du libre
échange (§2).
§1. LE CADRE DE PROMOTION DU LIBRE-ECHANGE
L'OMC est l'institution chargée, à
l'échelle mondiale, du libre-échange. Le but primordial de
l'organisation est de faire en sorte que le commerce soit aussi libre que
possible. A cet effet, elle dispose d'une double mission : elle est à la
fois l'enceinte de négociations commerciales multilatérales
(A) et le cadre de mise en oeuvre des accords commerciaux
(B).
A. L'OMC, une enceinte de négociations
permanentes et continues
En référence à l'article 3 §2 de
l'Accord de Marrakech, l'OMC constitue une enceinte de négociations
permanentes et continues241. Formellement, c'est le lieu où
les gouvernements membres se rendent pour discuter des problèmes
commerciaux qui les divisent. A ce propos une question se pose : quel est alors
l'enjeu des négociations commerciales ? Pour la doctrine
majoritaire242, les négociations commerciales
multilatérales ont pour objet de promouvoir la libéralisation des
échanges mondiaux sur la base d'un avantage mutuel. Cette vision, en
accord avec la théorie économique des avantages
comparatifs243 formulée au 18 e siècle par
le libéral Adam SMITH244 et popularisée au
19e siècle par l'économiste David
RICARDO245, part du postulat selon lequel les échanges
commerciaux sont bénéfiques à tous les pays.
241 A la différence du GATT qui n'était qu'un
simple accord de caractère provisoire liant les parties contractantes,
l'innovation de l'OMC réside dans son caractère
institutionnel.
242Jean-Marc SIROËN, «
l'OMC et les négociations commerciales multilatérales »,
De Boeck Supérieur Négociations 2007 (no7)
p.7.
243 Cette théorie qui est au fondement du commerce
international explique que dans un contexte de libre-échange, chaque
pays, s'il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de
la productivité la plus forte comparativement à ses partenaires,
accroitra sa richesse nationale. Pour une analyse détaillée
cf. Robert TORRENS, Essay on External CornTrade,
J. Hatchard , London, 1815, p. 17 et ss.
244 Economiste écossais (5 juin 1723-17juillet 1790) connu
pour avoir été le père de l'économie politique.
245 Economiste britannique considéré comme l'un
des économistes libéraux les plus influents de l'école
classique aux côté d'Adam Smith et de Thomas Malthus.
53 | P a g e
Concrètement, les négociations commerciales se
déroulent quotidiennement dans les locaux de
l'Organisation246 à Genève et c'est la
Conférence ministérielle qui est l'organe habileté en
amont à décider de l'opportunité des sujets à
négocier247 puis à entériner en aval les
résultats issus des négociations. Mais faudrait-t-il, pour
autant, y voir la marque d'un véritable pouvoir normatif
conféré à cette Organisation ? La question fait depuis
débat248. A l'opposée d'autres organes des
organisations internationales, le droit de l'OMC interdit tout pouvoir
normatif, car l'OMC est une organisation member driven249.
De jure, ses organes n'ont pas compétence à se
substituer aux Etats membres250. Tout au plus, ils assument une
mission d'assistance, de coordination ou de facilitation. De plus,
l'Organisation dispose d'un cadre de négociation
caractérisée par une « dualité permanente
»251 entre le volet formel et le volet
informel252, entre l'Administration et le politique253.
Cette disposition organique a toujours permis à l'OMC de s'affranchir de
toute tentative de prise en otage des Etats Membres par les instances. C'est
ainsi que, contrairement à certaines organisation internationale comme
l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dont les normes sont
directement issues du travail de ses experts, l'OMC ne décide de rien
elle-même254. Un autre indicateur de la résistance de
l'OMC, c'est la pratique des « chambres vertes
»255 lors des négociations commerciales. Il s'agit
d'une pratique informelle mise en place pendant le
246Plus particulièrement, c'est dans
l'organe ad hoc du comité de négociation commercial
(CNC) que se tiennent les négociations. En l'occasion, cet organe
définit le plus souvent 21 thèmes qui seront soumis aux nouvelles
négociations témoignant ainsi du caractère
véritablement mouvant du droit de l'OMC.
247 L'art. 4§1 de l'Accord de Marrakech souligne que la
conférence ministériel a le pouvoir pour négocier «
sur toute question relevant de tout accord commercial multilatéral
».
248 Jean-Louis GOUTAL, « le rôle
normatif de l'organisation mondiale du commerce » Petites affiches
- 11/01/1995 - n° 5 - page 24 ; De même voir Karim
BENYEKHLEF, une possible histoire de la norme : les
normativités émergentes de la mondialisation, 2eme
éd., Thémis, 2015 ; v. de même Joseph NGAMBI
, la preuve dans le règlement de différends de
l'organisation mondiale du commerce, Bruyant, 2010.
249 Une organisation member driven signifie
littéralement que l'OMC est une organisation gouvernée par ces
membres. Subséquemment, les décisions de l'OMC ne peuvent
valablement émaner que des Etats et non des instances de
l'Organisation.
250 Sur ce point, voir Mehdi ABBAS et
Christian DEBLOCK, « L'Organisation mondiale du commerce
et le programme de Doha pour le développement. Un système
commercial en mal de renouvellement », Paris, Annuaire français
de relations internationales, juin 2015, pp. 739-760.
251 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une
organisation hybride et résiliente », op.cit., p. 32.
252 Il convient de souligner, en effet, qu'à part les
réunions officielles, il y a une multitude de réunions
officieuses. Il s'agit de négociations de couloir qui, soit ne sont pas
répertoriées à l'agenda officiel de l'organisation ou bien
ne donnent pas lieu à un compte rendu officiel.
253 Quel que soit le type de négociations ou de
débats, la présidence d'une séance est assurée
conjointement par un membre du secrétariat général et un
représentant permanent élu par ses pairs. Ils décident
ensemble de l'ordre du jour de la réunion, du contenu de sa note de
synthèse et des résultats susceptibles d'être
communiqués à l'extérieur. C'est un élément
capital car il implique un consensus entre le volet technico-administratif et
le volet politique.
254 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une
organisation hybride et résiliente », op.cit., p. 33.
255 Idem.
54 | P a g e
GATT sous la direction d'Arthur DUNKEL256. Celle-ci
consiste en effet à réunir dans un cadre restreint, en
l'occurrence dans une confortable salle verte, sur convocation du directeur
général, des Membres récalcitrants, les tenants d'une
solution et les indécis afin de traiter du processus d'ensemble de la
négociation ou de thèmes sectoriels. De ce cadre restreint et
à huit clos, les participants ne peuvent sortir que lorsque qu'un accord
est trouvé. Les absents n'auront dès lors qu'à se rallier
à la position de leur chef de file. Cette stratégie permet
d attester de la capacité d'adaptation de l'OMC.
L'OMC est le fruit de plusieurs négociations qui se
sont tenues dans le cadre du cycle d'Uruguay de 1986 à 1994 mais aussi
celles qui ont eu lieu antérieurement dans le cadre du GAAT. Quant aux
dernières grandes négociations qui ont été
lancées en 2001 dans le cadre du Cycle de Doha, malgré quelques
avancées obtenues lors des Conférences ministérielles de
Bali (2013) et de Nairobi (2015), notamment avec la conclusion d'un Accord sur
la facilitation des échanges (AFE)257, les lignes n'ont pas
pour l'instant suffisamment bougé pour permettre à ce cycle
d'aboutir.
Néanmoins, la mission de l'OMC va encore plus loin en
intégrant la gestion des accords commerciaux multilatéraux.
B. L'OMC, un cadre de mise en oeuvre des accords
commerciaux
L'OMC est avant tout le gardien de la légalité
du système commercial multilatéral. Elle assure, à cet
égard, un rôle d'encadrement en vue de parvenir à
l'équilibre global issu des textes négociés, mais aussi
dans le but de faciliter la mise en oeuvre, et le fonctionnement de l'Accord de
Marrakech. Bien entendu, la finalité étant de garantir
l'effectivité du système.
A ce titre, elle doit faciliter la mise en oeuvre,
l'administration et le fonctionnement des Accords de l'OMC et favoriser la
réalisation de leurs objectifs.
256 Arthur DUNKEL fut un diplomate suisse qui
assuma la mission du Directeur General GATT entre 1980 et 1993. Il est bien
connu pour avoir tenu une part très active dans les négociations
du cycle d'Uruguay ayant conduit à la création de l'OMC en
1995.
257 L'accord sur la facilitation des échanges qui est
entré en vigueur ce 22 février 2017 suite à la
ratification des deux tiers des Membres de l'OMC, est un ensemble de
dispositions conventionnelles destinées à accélérer
le mouvement, la mainlevée et le dédouanement des marchandises, y
compris les marchandises en transit. De plus en vue d'enrayer les entraves
à la circulation des marchandises. Cet accord prévoit aussi une
coopération effective entre les douanes et les autres autorités
compétentes et comporte par ailleurs des dispositions relatives à
l'assistance technique dans ce domaine.
55 | P a g e
Pour ce faire, l'OMC assure le suivi des politiques
commerciales nationales. Cette mission s'inscrit dans le cadre du
mécanisme d'examen permanent des politiques commerciales
(MEPC)258. Il s'agit d'un mécanisme qui oblige chaque Etat
membre à présenter des rapports périodiques259
sur des mesures adoptées. L'ensemble des dispositions de ces rapports
sont soumis à la critique multilatérale. Le MEPC instauré
par l'OMC peut donc être analysé comme une garantie de
transparence du système commercial.
L'Organisation s'efforce aussi de lever les obstacles au
libre-échange. C'est ainsi que depuis sa création, les quotas
prônés par les mercantilistes ont été abolis dans la
quasi-totalité des secteurs. A la place des quotas, des droits de douane
ont été introduits avec des réductions très
significatives. On est ainsi passé de 14% en 1997 à 3%
aujourd'hui soit une réduction de 11 points.
Mais le commerce multilatéral suppose aussi
l'intégration d'un plus grand nombre d'acteurs y compris les plus
faibles. C'est ici qu'apparaît l'une des missions les plus importantes
à mettre à l'actif de l'OMC à savoir l'assistance des
Etats les plus faibles.
Destinée en priorité aux PED, l'assistance
apportée par l'OMC prend substantiellement la forme d'un appui juridique
et technique, à travers la mise en place de sessions de formations sur
le droit de l'OMC à destination des fonctionnaires des PED ou des PMA.
Cette mission est dévolue au Centre consultatif sur la
législation de l'OMC mis en place par cette dernière et
basé à Genève. Aussi, l'appui de cet organisme s'est-il
relevé significatif dans 45 procédures260. Il a donc
permis d'ouvrir un peu plus le mécanisme de règlement des
différends aux PED, ce qui contribue de plus en plus à
l'apaisement du Sud.
En somme, l'OMC assure la promotion du libre-échange,
en essayant d'empêcher le repli protectionniste qui reste dommageable
pour un commerce multilatéral concurrentiel et loyal. De la sorte, sa
longévité provient alors pour une bonne part de sa
capacité à résister aux tentatives de contrôle et
aux pressions des États qui la composent lors des processus de
258 Cette procédure s'inspire du mécanisme de
contrôle interétatique avec pour particularité d'être
une procédure non contraignante. Ce mécanisme reste bien
ancré dans le droit international. L'exemple typique est le
Mécanisme africain d'évaluation par les pairs qui vise le
renforcement de la bonne gouvernance des Etats de l'Union Africaine.
259 La périodicité du rapport est fonction de
l'importance du pays concernée dans le commerce mondial. C'est ainsi que
les puissances commerciales comme les Etats-Unis, la Chine, l'UE, le japon
présentent les rapports tous les 4 ans. En revanche les puissances
émergentes le font tous les 6 ans ; quant aux pays ayant une part non
significative dans le commerce mondial, ils le font tous les 8 ans.
260 OMC, Rapport sur le commerce mondial 2015. L'OMC
à 20 ans défis et réalisations, OMC, Genève,
2015. p.70.
56 | P a g e
négociations commerciales multilatérales.
Cependant, en plus d'être l'enceinte de promotion du
libre-échange, l'Organisation demeure aussi l'instance de protection du
libre-échange.
§ 2. LE CADRE DE PROTECTION DU LIBRE-ECHANGE
La protection du libre-échange à l'OMC se
décline en deux volets : d'une part, l'action par la
réglementation (A) et d'autre part, la protection par
la régulation (B).
A. La protection du libre-échange par la
réglementation
Les Etats préoccupés par la
nécessité de la stabilité et de la liberté des
échanges ont mis progressivement en place un cadre normatif du commerce
international, d'abord avec le GATT, puis avec son évolution qu'est
l'OMC née le 1er 1995. Pour l'essentiel, le socle
idéologique de ces règles demeure une philosophie
libre-échangiste en vertu de laquelle la liberté du commerce est
essentielle au « relèvement des niveaux de vie, [à] la
réalisation du plein emploi et un niveau de vie élevé et
toujours croissant du revenu réel et de la demande effective
»261.
A noter qu'en dépit de quelques exceptions notables,
ces règles sont le fil conducteur de tous les instruments de l'OMC et le
fondement même du système commercial
multilatéral262.
Substantiellement, à part le respect des concessions
tarifaires, l'interdiction générale des restrictions
quantitatives ainsi que le principe du traitement spécial et
différencié, deux autres principes occupent une place centrale
dans le système commercial multilatéral : la nondiscrimination et
la transparence.
La règle de non-discrimination qui suppose une
égalité de traitement en termes fiscales se décline en
deux volets : le premier volet porte sur la non-discrimination entre les Etats
membres de l'OMC et est bien connu sous le vocable de la clause de la
nation la plus favorisée (CNPF). Il induit une
égalité de traitement pour tous les produits
importés263 quel
261 Voir le Préambule de l'accord instituant l'OMC.
262 Dominique CARREAU et Patrick JUILLIARD,
Droit international économique, op.cit., p.339.
263 Voir à ce sujet le « Rapport de la Commission
du droit international sur les travaux de sa vingt-huitième session (3
mai - 23 juillet 1976) », Annuaire de la Commission du droit
international, 1976, vol. II, pp. 1-155, p. 7. On notera à cet
égard que la clause NPF s'applique à de nombreux domaines. Outre
le commerce,
que soit le pays d'origine. Il s'ensuit que toute concession
offerte dans un cadre bilatéral par un Membre de l'OMC à un autre
Etat, devra normalement bénéficier à tous les autres
Membres. Néanmoins, le bénéfice de la clause ne joue pas
pour les partenaires commerciaux non membres de l'Organisation. Le second volet
s'attache à la non-discrimination entre produits nationaux et produits
étrangers : c'est la clause du traitement national (CTN). Il
s'agit ici de considérer les produits importés comme des produits
nationaux. Ainsi sur le territoire national, les conditions de concurrence
doivent être égales entre les produits similaires.
Quant au principe de transparence, il vise à tenir
l'OMC et ses Membres informés des actions de ces derniers. L'objectif
poursuivi est de rendre le système commercial multilatéral plus
prévisible en démantelant ces mesures généralement
opaques et souvent difficiles à identifier qui prennent des formes non
tarifaires. A cet effet, les membres de l'OMC ont une obligation de publication
et de notification régulière de leurs mesures. Toujours dans la
même perspective, la transparence des politiques commerciales est
également réalisée à travers le MEPC, lequel
constitue également un instrument favorable au renforcement de la
discipline individuelle des Membres
Ces deux principes s'appliquent tant au commerce des
marchandises, qu'au commerce des services ainsi qu'aux aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce.
Il s'ensuit donc qu'avec la mise en oeuvre de ces principes
fondamentaux par l'OMC, c'est bien évidemment le libre-échange
qui ressort incontestablement protégé à l'échelle
multilatérale. Mais la protection des échanges commerciaux est
davantage renforcée par l'ingénieux système de
régulation de l'OMC.
B. La protection du libre-échange par le
règlement des différends
L'instauration de règles dont le non-respect serait
sanctionné uniquement par des contre-mesures264
qu'adopteraient, sans contrôle, les Etats qui se prétendent
victimes, conduiraient
mentionnons les paiements internationaux, l'activité
diplomatique, le statut des personnes physiques ou morales et leurs
activités, le transport, la propriété intellectuelle ou
encore la justice.
264 Pour une analyse plus détaillée cf.
Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, les contre-mesures
dans les relations internationales, Pedone, 1992. p. 5 et ss.
57 | P a g e
58 | P a g e
très vite à une guerre commerciale
généralisée. Il était donc nécessaire de
mettre en place un système, qui, tout en préservant le dialogue
constructif, permet de donner un caractère juridictionnel265
à son intervention en imposant si besoin est, sa décision.
Ainsi que l'indiquait Hélène RUIZ-FABRI, la
création de l'ORD apparaissait alors comme l'une des innovations
principales attachées à la création de l'OMC266
dans la mesure où il garantit l'effectivité des accords
commerciaux multilatéraux267.
La procédure de règlement des différends
est prévue dans le Mémorandum règlement des
différends (MRD), annexé à l'Accord instituant l'OMC.
Notons que c'est l'ORD qui reçoit les plaintes émanant
généralement des acteurs du commerce international et
portées devant lui par l'intermédiaire des Etats dont
dépendent ces acteurs. Dans la première partie, la
procédure, prévue pour durer 60 jours, est essentiellement
conciliatoire. En l'absence de consensus, on passera à la seconde phase
qui, quant à elle, est contradictoire et dure au maximum six mois. Les
parties pourront alors faire appel à un organe de recours dont la
décision s'imposera. Il s'agit de mettre en place un groupe
spécial qui établira un rapport préliminaire qui vaudra,
sauf rejet par consensus, décision définitive. Cependant en cas
de désaccord sur la solution proposée l'organe d'appel est alors
saisi. Constitué de sept membres, dont trois nécessaires pour un
recours, il ne se prononce que sur les aspects juridiques de la décision
du groupe spécial. Sa décision qui doit intervenir dans les 60
jours, ou au plus tard, dans les 90 jours, sera soumise à l'ORD. Si la
décision est adoptée les recommandations du groupe spécial
devront être appliquées par la partie dans un « délai
raisonnable ». Dans le cas contraire, la partie victime pourra être
autorisée à prendre des mesures de rétorsion dans un
délai limité à titre de compensation.
Depuis la création de l'OMC, le nombre de litiges a
connu une forte progression268 participant ainsi à la
formation d'une jurisprudence internationale en matière du commerce
multilatéral. La raison de ce succès tient à
l'augmentation du nombre des Etats membres de
265 Certes, le langage « politiquement correct » de
l'OMC préfère parler de système «
quasi-juridictionnel », pourtant, à y voir de plus près,
toutes les conditions sont remplies pour une conclusion beaucoup plus ferme en
faveur du caractère juridictionnel.
266 Hélène RUIZ-FABRI, « le
règlement des différends dans le cadre de l'OMC », JDI,
1997, p.2 et ss.
267 voir de même Eric CANAL-FORGUES,
Le règlement des différends à l'OMC, Bruxelles
Bruylant , 2008, p. 3 et ss.
268 Ainsi au 8 Novembre 2015, avec l'affaire
WTO/2015/DS500/Afrique du Sud -- Droits antidumping provisoires visant les
importations de ciment Portland en provenance du Pakistan (Plaignant:
Pakistan), l'OMC a atteint t la barre symbolique des 500 demandes de
consultation et plus de 350 ont été rendues témoignant
ainsi du succès de son mécanisme de règlement des
différends.
59 | P a g e
l'OMC, l'extension et complexité des accords,
l'assistance fournie gratuitement ou à coût réduit aux PED
pour ester devant l'ORD.
Ainsi, grâce à son ingénieux
mécanisme de régulation, l'OMC veille au respect de
l'effectivité du libre-échange. Le MRD quant à lui, a
permis de désamorcer les escalades conflictogènes nées des
tensions commerciales. Il a aussi donné la possibilité aux PED de
contraindre juridiquement les puissances économiques dans les conditions
où les rapports de force étaient clairement en défaveur de
ces pays. On pourra utilement se référer à la
célèbre affaire des bananes269 ou encore à la
récente affaire -- WTO/2012/DS442 des Mesures antidumping visant les
importations de certains alcools gras en provenance d'Indonésie
marquée par la plainte de l'Indonésie à l'encontre
l'UE.
Si l'OMC réussit à obtenir des résultats
suffisants, c'est avant tout grâce à un fonctionnement ouvert
à l'adaptation permanente. Capable de résilience, l'OMC est en
plus une organisation véritablement efficace.
SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION EFFICACE
L'OMC est sans nul doute parfois contestée.
Néanmoins, bien qu'étant aujourd'hui pointée du doigt par
certains, cette organisation n'en reste pas moins l'une des plus grandes
réussites internationales de ces dernières
années270. Par ses mécanismes, ses procédures
et ses résultats, elle a contribué à l'instauration d'un
commerce international plus sûr. De plus, son mécanisme de
règlement des différends qui apparaît comme le pilier du
système commercial multilatéral est l'outil le plus efficace pour
assurer l'effectivité des normes relatives à la
libéralisation des échanges271. Julien BURDA dira,
à cet effet, que : « la place centrale accordée à
la règle de droit dans la procédure, les délais plus
stricts et la plus grande automaticité qui ont été
instaurés, en particulier par l'adoption quasi automatique des rapports
des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel par le biais du consensus
inversé,
269 Voir l'affaire Communautés européennes -
Régime applicable à l'importation, à la vente et à
la distribution des bananes (Plainte de l'Équateur)
(1997), OMC. Doc. WT/DS27/R/ECU (Rapport du Groupe spécial). Dans cette
affaire, les pays de l'Amérique latine exportateurs de la banane tels
l'Equateur, le Guatemala, le Honduras et le Mexique ont fait bloc pour
contraindre juridiquement les Communautés européennes
dénoncées pour avoir pris des mesures contraires aux dispositions
de l'Accord sur l'agriculture et celles de l'Accord sur les services.
270 Julien BURDA : « l'efficacité
du mécanisme de règlement des différends de l'OMC : vers
une meilleure prévisibilité du système commercial
multilatéral », R.Q.D.I (2005), p.1.
271 Idem.
60 | P a g e
renforcent sans conteste la sécurité et la
prévisibilité du système commercial international
»272.
Alors, comment ne pas voir dans tous les développements
que le monde a connus, à savoir la croissance économique, les
progrès humains, la consolidation de la paix tout au long de ces deux
décennies passées, la matérialisation des fulgurants
succès de l'OMC ? 273. Ces succès considérables
ne sont que la résultante de l'efficacité de l'Organisation.
Cette efficacité, si elle est déjà établie
(§1), elle ne cesse de se renforcer
(§2)
§1. UNE EFFICACITE AVEREE
Depuis l'instauration de l'OMC en 1995, suite aux Accords de
Marrakech, les données274 montrent que l'OMC suscite une
adhésion massive de la part des Etats, ce qui témoigne de
l'efficacité acquise par l'Organisation. Cette efficacité est
à double tour : une efficacité par la procédure mise en
oeuvres (A) et une efficacité par les résultats
obtenus (B).
A. Une efficacité assurée par les
procédures mises en oeuvre
L'OMC est une organisation member driven
c'est-à-dire que l'OMC est directement dirigée par ses membres
que constituent les gouvernements représentés, soit par les
ministres qui doivent ainsi se rencontrer tous les deux ans ou soit par les
déléguées ou les ambassadeurs qui tiennent
régulièrement des réunions. Ce qui en fait a priori
une institution indépendante aux antipodes des autres organisations
internationales comme la Banque mondiale ou le Fond monétaire
international (FMI) auxquelles il est régulièrement
reproché d'être sous influence américaine ou
européenne.
Machine de négociations permanentes et continues, le
fonctionnement de l'OMC repose sur le consensus. En effet, le consensus est un
processus de recherche du consentement le plus large sans recourir à un
vote formel au moyen de discussions, en dépassant les blocages, les
clivages entre les positions différentes, voire divergentes, pour
arriver à un compromis
272 Ibidem.
273 Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en
danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p.
22.
274 Selon les tous derniers chiffres de l'OMC publiés ce
29 juillet 2016, ils sont au total 164 Etats membres.
61 | P a g e
acceptable. Ainsi, aucune décision majeure
n'échappe à la règle de consensus275, que ce
soit pour l'adoption des accords commerciaux multilatéraux issus des
négociations ou pour la mise en oeuvre de sanctions économiques
à l'encontre d'un membre reconnu fautif, dans le cadre du
mécanisme de règlement des différends276.
Certes, s'il peut paraître parfois difficile d'adopter des
décisions avec un nombre aussi important d'Etats membres, en revanche le
choix d'une telle procédure ne manque pas de finesse : le principal
avantage reste que les décisions ont plus de chance d'être
acceptées ou mieux appliquées par tous les Membres. Il y a
là une différence fondamentale par rapport aux autres
organisations internationales économiques que sont la Banque Mondiale ou
le Fond monétaire international (FMI) puisqu' il n'y a pas de
délégation de pouvoirs concédée à un conseil
d'administration ou à un quelconque ou à un chef à
l'OMC.
A cela, s'ajoute une procédure de règlement des
différends277dont la principale caractéristique est le
respect d'un échéancier. Les décisions des groupes
spéciaux sont entérinées par 1'O.R.D. (sauf rejet à
l'unanimité, ce qui devrait être très rare) et des mesures
de rétorsion à l'encontre des Etats fautifs sont aussi
possibles.
La mise en oeuvre de ces dispositions procédurales qui
tient compte des sensibilités de tous Membres permet ainsi à
l'OMC d'assoir une solide légitimité. Preuve de sa solide
légitimité, l'OMC jouit d'une base sociologique assez confortable
puisqu'elle compte actuellement plus de 164 membres278
répartis sur tous les continents et représentant tous les
intérêts ainsi que toutes les sensibilités du monde. Sa
base sociologique qui est non seulement l'une des plus étendues mais
aussi l'une des plus représentatives de la diversité du monde,
constitue sans doute une avancée significative. En effet, le nombre
croissant d'Etats membres, de regroupements ou d'alliances279
traduit une diffusion plus large du pouvoir de négociation au sein de
l'OMC.
275 Cependant, lorsque le consensus n'est pas atteint, les
décisions de la Conférence Ministérielle et du conseil
général sont prises, sauf dispositions contraires, par un vote
à la majorité.
276 En effet, contrairement au mécanisme de
règlement de différends du GATT, le Mémorandum d'accord
sur le Règlement des Différends, en son article 2:4, a
opté pour le choix d'un consensus inversé pour l'adoption des
sanctions. Il y a consensus si aucun membre de l'OMC, présent à
la réunion au cours de laquelle la décision a été
prise ne s'oppose formellement à la décision proposée.
277 La procédure de conciliation sous l'empire de
l'ancien GATT débouchait régulièrement sur le blocage.
Faute de consensus, nombre de rapports des groupes spéciaux n'avaient pu
être adoptés, la partie « perdante » ne manquant pas de
s'y opposer. Cependant, même lorsque les rapports étaient
adoptés, les recommandations qu'ils contenaient étaient rarement
suivies d'effet.
278 Voir la liste des Membres de l'OMC sur
https://www.wto.org/french/thewto_f/countries_f/org6_map_htm
279De nouveaux groupements d'États ont émergé
à l'OMC. Il y a par exemple les regroupements de type «G» tels
que groupe G-20 qui représente l'alliance des pays en
développement sur l'agriculture. ou encore le G-33,
En somme, l'ensemble des procédures mises en oeuvre
assure à l'OMC une légitimité qui ne fait l'ombre d'aucun
doute. C'est ce que rappelait Bernard GUILLOCHON, quand il indiquait que les
demandes d'adhésion et le nombre élevé de conflits
commerciaux portés devant ses organes de règlement des
différends restent les meilleurs indicateurs de la confiance acquise par
l'OMC. Il concluait à cet égard qu'« il existe une
certaine confiance dans la possibilité d'aller vers un système
plus multilatéral et beaucoup de pays veulent manifestement s'appuyer
sur l'Î.Ì.Ñ. pour mieux participer au
développement attendu du commerce mondial. Cela transparaît dans
le dynamisme des échanges mondiaux f...], les demandes d'adhésion
et les nombreux recours à l'arbitrage de l'institution pour le
règlement des conflits »280.
Si les procédures mises en oeuvre confèrent
à l'OMC une certaine légitimité, celle-ci est davantage
assurée grâce aux résultats qui ont été
atteints par l'Organisation au cours de ces deux décennies de
fonctionnement.
B. Une efficacité justifiée par les
résultats Obtenus
La mise en place de l'OMC en 1994, a directement eu un effet
positif sur le commerce mondial qui a bondi de 9% en volume entre 1994 et 1996,
ce qui équivaut à la plus forte croissance enregistrée
depuis les années 1970281. L'explication est toute
trouvée : « le fait qu'on ait fini par déboucher sur un
compromis a certainement créé un regain de confiance dans le
système commercial multilatéral et apporté aux entreprises
et aux gouvernements une garantie sur une libéralisation future
»282.
Et depuis, cette croissance se poursuit à un rythme
soutenu se hissant en moyenne au tour de 4% au cours de deux décennies.
La croissance des échanges sous l'impulsion de l'OMC a également
eu des effets d'entrainement sur la croissance économique, la promotion
du plein emploi, la stabilisation des cours des matières
premières mais aussi et surtout la réduction de la
pauvreté. A ce propos, selon les données récentes de la
Banque mondiale, si en 1993, près
une coalition de 48 pays en développement qui se
coordonnent sur les questions économiques, en particulier sur le dossier
relatif à l'agriculture. Il y a également de nouveaux acteurs
importants tels que le Groupe africain, constitué de nations africaines
ou le groupement de type «C» coton 4 comprenant les pays de l'Afrique
subsaharienne qui prônent une réforme commerciale dans le secteur
du coton.
280 Bernard GUILLOCHON, « L'O.M.C, un
premier bilan », Revue française d'économie, volume
12, n°4, 1997, p. 39.
281Idem., p.40.
282 Ibid.
62 | P a g e
63 | P a g e
de 4 personnes sur 10 vivaient en dessous du seuil
d'extrême pauvreté, en 2015, en dépit de l'augmentation de
la population mondiale, ce ratio est passé sous la barre symbolique de
10%283. Or il se trouve que ces résultats positifs de la
situation socio-économique correspondent précisément aux
deux décennies d'existence de l'Î.Ì.Ñ.
Par ailleurs, du point de vue des acquis, le bilan de l'OMC
durant ces 20 dernières années, c'est aussi le formidable
éventail de règles stables encadrant le commerce international.
Il en va ainsi de la prohibition des restrictions quantitatives284,
la lutte contre les obstacles non tarifaires,285 la lutte contre le
dumping286 mais aussi l'adoption des règles sur les
services287, les investissements288, ou encore, sur la
propriété intellectuelle,289 etc.
Mieux encore, l'Organisation a mis en place un système
de règlement des plus originaux qui manie savamment une procédure
conciliatoire avec une procédure contraignante. Ainsi que l'affirme
julien BURDA, « le règlement des différends au sein de
l'OMC allie, de manière adroite, souplesse et rigidité. Si la
rigidité se retrouve dans les délais stricts qui ont
été institués, la souplesse réside quant à
elle dans la possibilité de choisir le mode de règlement du
différend commercial : les négociations, les bons offices, la
médiation et la conciliation sont autant de mécanismes classiques
du droit international admis pour régler les différends au sein
de l'OMC. »290
283 Ces données sont disponibles sur : http//
www.banquemondiale.org/fr/news/pressrelease/2015/10/04/world-bank-fore-cast-global-poverty-to-fall-below-10for-first-time-major-hudles-remain-in-goal-to-end-poverty-by2030.html
284 Sous l'OMC, on est arrivé à un accord
multifibre (AMF) qui prévoyait de 1995 à 2005 une
libéralisation progressive du secteur textile de façon a
éliminer les restrictions quantitatives abusivement imposées aux
importations des pays développés.
285 Toutes les obstacles non tarifaires été
prohibées. Par exemple, les mesures de sauvegarde, les contingentements,
les raisons d'hygiène de sécurité ou de défense ne
sont plus justifiées. Voir l'Accord sur les mesures sanitaires et
phytosanitaires (accord SPS) qui fait partie des accord de base de l'OMC.
286 Le dumping est une pratique qui joue sur le prix d'un
même produit, qui ne sera pas vendu au même prix sur les
marchés d'Etats différents sans qu'une raison économiques
ne puisse justifier cette différence. Le GATT avait déjà
réagi contre cette pratique, en particulier au cours de Tokyo Round
(1973/1979). Il en était résulté la mise en place
d'un comité anti-dumping et l'adoption d'un code anti-dumping. Mais ces
obligations n'avaient été respectées que par un nombre
limités d'Etats. En mettant en place l'OMC on a intégré
ces règles dans le système OMC, les imposant ainsi à tous
les Etats membres.
287 Accord général sur le commerce des
services, Annexe 1B de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation
mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 219 [Accord sur les
services].
288 Accord sur les mesures concernant les investissements
liées au commerce [Accord MIC]
289 Accord sur les aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Annexe 1C de
l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, 15
avril 1994, 1869 R.T.N.U. 332 [Accord sur les droits de propriété
intellectuelle].
290 Julien BURDA, « L'efficacité
du mécanisme de règlement des différends de l'OMC : vers
une meilleure prévisibilité du système commercial
multilatéral », Revue québécoise de droit
international, 2005, p.13.
64 | P a g e
On retiendra donc qu'en matière de résultats,
même si l'on peut noter que des disparités subsistent encore dans
la géographie des gains réalisés, il semble que le bilan
de l'OMC soit bien meilleur que la moyenne, ce qui conforte bien plus le
sentiment de l'appartenance à un système multilatéral
assurément efficace.
§ 2. UNE EFFICACITE CONFORTEE
La popularité grandissante de l'OMC ne fait aujourd'hui
l'ombre d'aucun doute. Non seulement les membres prennent de plus en plus
activement part aux différents travaux de l'Organisation, mais en plus,
de nouveaux Etats, sans doute convaincus du bien-fondé de l'appartenance
au système commercial multilatéral, y font leurs entrées
(A). L'ampleur des demandes d'adhésion, ces
dernières années, constitue l'un des signes de l'impressionnante
efficacité dont fait preuve l'OMC, au travers de ses instruments
(B).
A. L'explosion des demandes d'adhésion
L'adhésion massive des Etats à l'OMC
relève de l'évidence. Pour le démontrer, il n'existe pas
de meilleures preuves que les indicateurs formels. En effet, dans un
récent Rapport de l'Organisation, il a été indiqué
que de 1995 à 2015, ils sont au total 33 économies à
accéder à l'OMC291. Néanmoins ce qui est encore
plus remarquable, c'est la diversité des pays qui y accèdent. Il
s'agit des mastodontes économiques comme la Chine292, la
Russie293 mais aussi les Etats insulaires comme le Vanuatu ou les
Seychelles. Rien qu'à eux seuls, ces nouveaux Membres
représentent le cinquième de l'effectif des Etats Membres de
l'OMC294.
Et la dynamique ne s'arrête pas là. En effet, En
dépit de la multitude d'exigences préalables à
l'accession295, ils sont encore un peu plus d'une vingtaine de pays
venant de tous les horizons à se bousculer au portillon de
l'Organisation et espérer pouvoir y adhérer. Parmi
291 OMC, Rapport sur le commerce mondial 2015. L'OMC à
20 ans défis et réalisations, op. cit., p. 25.
292 Idem. En effet, selon les données de
l'OMC, en 2014, la Chine à elle seule comptait pour 13% du PIB mondial,
17% des échanges et 21% de la population.
293 Selon la Banque Mondiale, en 2014, le produit
intérieur brut de la Russie est de1860 milliard de dollars, soit le
10e au monde. Voir http : //
www.worldbank.org
/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?year_high_desc=true
294 En référence aux données de l'OMC, en
2014, les nouveaux Membres représentaient environ un cinquième du
commerce mondial, un cinquième du produit intérieur brut mondial
(PIB) et plus d'un quart de la population mondiale.
295 Cette procédure d'accession nécessite une
longue période d'examen et de négociation difficiles qui durent
parfois plusieurs années. Par exemple, la Chine a accédé
à l'OMC en 2002 après 15 ans de négociations. Quant
à la Russie, il a fallu attendre 18 années d'âpres
négociations pour voir sans candidature aboutir.
65 | P a g e
ces pays, l'on retrouve des géants pétroliers
comme l'Iran, l'Irak, la Libye, ou encore le Soudan, mais aussi des pays
européens comme la Serbie, l'Andorre, la Bosnie-Herzégovine ainsi
que des pays en développement comme le São Tomé,
l'Ethiopie ou les Comores296. Néanmoins, le point commun
à tous ces pays est qu'ils disposent pour l'instant d'un statut
d'observateur qui leur permet de suivre les discussions.
A noter qu'en référence à l'Accord de
Marrakech, notamment en son article XVI, pour qu'un Etat ou territoire douanier
pleinement autonome accède à l'Organisation, il doit s'engager
à ouvrir son marché et à se conformer aux règles
définies par l'OMC297. Il s'agit là d'une contrepartie
nécessaire aux avantages consentis par les autres pays membres. Mais la
décision finale est entre les mains des Etats membres. A cet effet,
l'accession à l'OMC s'analyse juridiquement comme une cooptation
organisée par les textes instituant l'OMC.
Ces adhésions massives constituent-elles une chance ou
une catastrophe pour le commerce mondial ? Pour la majorité des
analyses, avec l'accession de ces pays, la part non négligeable des
échanges qui échappait encore au multilatéralisme se
trouve désormais considérablement réduite, ce qui
représente un gain pour le commerce mondial. Azzedine GHOUFFRANE est de
ceux qui partagent une telle vision. Dans une publication récente, il
faisait état de ce que désormais l'OMC pèse près de
98% des échanges mondiaux298.
De même que l'indique le Rapport annuel sur le commerce
mondial, « si l'on considère leurs parts dans le commerce
mondial, leurs poids économiques et ne serait-ce que leurs populations,
c'est la plus forte expansion de l'histoire du système commercial
multilatéral »299. Indéniablement,
l'explosion actuelle des demandes d'adhésion à l'Organisation est
le meilleur témoignage de l'immense légitimité dont elle
jouit. Il s'agit donc bien là d'un succès considérable qui
conforte sans doute encore plus le caractère universel de
l'organisation.
296OMC, Rapport sur le commerce mondial 2015.
L'OMC à 20 ans défis et réalisations, op.
cit.,. p. 26.
297 En effet dans le cadre de l'OMC, il est mis en place un
groupe de travail dans le cadre duquel sont examinés les données
et la situation et les politiques commerciales du candidat. Les parties
contractantes qui en font la demande engagent des négociations
bilatérales avec le candidat, notamment en ce qui concerne les
concessions tarifaires qu'il doit consentir. Ces concessions seront
évidemment élargies aux autres Etats membres. Lorsqu'il apparait
que le candidat a fait des concessions et pris des engagements
nécessaires, un protocole d'accession est adopté par la
Conférence Ministérielle à la majorité des 2/3 des
membres.
298 Azzedine GHOUFFRANE, « les 20 ans de
l'OMC : acquis et limites », l'économiste, 2015,
disponible sur le site www.l'
economiste.fr et
consulté le 10 décembre 2016.
299 Idem.
66 | P a g e
Enfin, avec l'élargissement de la portée des
règles de l'OMC, c'est toute l'intégration de l'économie
mondiale qui se voit ainsi largement consolidée, avec en toile de fond
l'ouverture de nouveaux débouchés commerciaux, sur des bases plus
saines alliant la compétitivité à la transparence, et la
prévisibilité à la sécurité juridique.
De toute évidence, si l'ampleur des adhésions et
la multiplication des candidatures soulignent la légitimité
acquise de l'Organisation, elles tiennent davantage à
l'efficacité des instruments de l'OMC.
B. L'efficacité des instruments de l'OMC
Le pouvoir de séduction acquis par l'OMC ne souffre
d'aucun doute. Cela peut s'expliquer par l'efficacité des instruments
mis en oeuvres au sein de l'Organisation. Ainsi que l'affirmait le professeur
Jean-Marc SIROËN, « pour la plupart des pays, l'OMC est un club
bien séduisant qui justifie, à leurs yeux, des conditions
d'entrée de plus en plus exigeantes. Il aura ainsi fallu à la
Chine plus de 14 ans de négociations pour obtenir un accès plus
ouvert aux marchés des pays membres.»300.
L'efficacité de l'OMC tient d'abord à son
modèle organique. En effet, l'OMC est une organisation obéissant
à une structure classique mais pragmatique. Classique, parce que sa
structure institutionnelle n'est pas différente des autres organisations
internationales : un secrétariat avec un Directeur général
ayant un rôle administratif et deux organes diplomatiques : la
Conférence Ministérielle réunissant tous les 2 ans et le
Conseil général301. Pragmatique, parce que le savant
dosage décrit à l'article 4 de l'Accord de Marrakech entre les
organes intégrés et les organes diplomatiques est destiné
à préserver l'équilibre institutionnel302.
Ensuite, l'efficacité de l'OMC relève davantage
de sa finesse opérationnelle. Le fonctionnement de l'OMC est comparable
à celui d'une organisation intergouvernementale classique. Les
initiatives pour les accords sont données, approuvées et
appliquées par les
300 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une
institution en crise », op.cit., p.72.
301 Le Conseil général est l'organe de
décision suprême de l'OMC ; il se réunit, en vertu de
mandats différents, en tant qu'organe de règlement des
différends et en tant qu'organe d'examen des politiques commerciales. Il
est composé de représentants de tous les gouvernements
Membres.
302 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une
organisation hybride et résiliente », op.cit. , p. 32.
67 | P a g e
Etats membres. Néanmoins, il y a une différence
majeure avec les autres institutions internationales : les décisions se
prennent par « consensus ». A noter que ce «
consensus » ne signifie nullement « l'unanimité
», comme précisé plus haut.
L'efficacité de l'OMC tient aussi à son
architecture organique. Nous mettrons ici en exergue l'ORD. Au mécanisme
de règlement de différends essentiellement conciliatoire
hérités du GATT, l'Accord de Marrakech a rajouté une
logique juridictionnelle dont les axes majeurs sont les procédures
obligatoires et contraignantes, le consensus négatif. De plus, la mise
en place d'une phase d'appel qui participe d'une volonté de
juridictionnalisation plus poussée constitue une garantie
supplémentaire de l'effectivité des décisions. Ce
système de régulation a depuis été
considéré comme l'un des succès fulgurants303
de l'Organisation. Certaines analyses mettent ainsi en avant l'importante
contribution de l'ORD dans l'équilibre des rapports de force entre pays
du Nord et du Sud. Les exemples qui reviennent régulièrement sont
entre autres le cas des subventions aux exportations du coton américain
ou du sucre européen. Sans conteste, l'existence de l'ORD octroie
à l'OMC un certain crédit, une certaine puissance par rapport
à d'autres organisations internationales qui en sont dépourvues ;
d'où cette tendance à la mode consistant à en appeler au
sursaut réformateur d'autres organisations internationales pour les
rendre plus efficaces : C'est ainsi que pour faire respecter les droits
sociaux, certains estiment qu' « il faudrait surtout doter l'OIT d'un
instrument comparable à l'ORD »304.
Enfin son model financier témoigne aussi d'une
formidable efficience: l'OMC est en effet une organisation internationale
très peu budgétivore. Pour preuve, le budget consolidé de
l'OMC pour 2016 n'est que de 197.203.900 francs suisse305. Ce budget
ne représente par exemple qu'une infime partie du budget de la Banque
Mondiale qui est de 1230 millions d'Euros en 2012306.
Ces quelques points saillants, symboles de la
résilience de l'OMC, relevés, ne sont pas autosuffisants et
méritent d'être consolidés par des approches de solutions
tout aussi importantes afin de permettre à l'Organisation de mieux
résister à l'usure du temps.
303 Yves NOUVEL, « L'unité du
système commercial multilatéral » op.cit., 654.
304 Propos de Pascal Lamy in Alternatives
économiques. Disponible sur
https://www.alternatives-economiques.fr
/faut-brûler-lomc/0032772.htm
305
https://www.wto.org/french
/res_f/booksp_f/anrep16_chap9_f.pdf. html
306 Source : Banque Mondiale. Disponible sur http : //
www.worldbank.org
68 | P a g e
Chapitre 2. Une organisation perfectible
Si l'OMC constitue actuellement un foyer de tensions et de
contestations, c'est en raison des enjeux économiques, commerciaux,
sociaux, politiques qui la traversent. Il en est ainsi parce que
premièrement, la base réglementaire sur laquelle le
système commercial moderne repose à savoir le principe de
non-discrimination, s'est progressivement érodée307.
Deuxièmement, c'est aussi parce que la fracture économique entre
les Membres continue de s'accroître au lieu de se réduire.
Troisièmement, parce que l'Organisation priorise les valeurs marchandes
au détriment d'autres valeurs comme les droits de l'homme ou les valeurs
sociétales en général. Certes, des dispositions
prévoient la possibilité des mesures spécifiques pour le
respect de la santé humaine308 ou la protection des
espèces végétales ou animales. Mais il ne s'agit que d'une
prise en compte marginale de questions qui ne cessent de se faire
croissantes.
On peut appliquer le même type de raisonnement à
l'égard de la question des normes du travail, en mettant par exemple en
relief les différences de protection sociale existant entre les PD et
les PED. Cela conduit aux mêmes résultats, en l'occurrence,
l'insatisfaction qui va du simple mécontentement à la
contestation parfois violente309. Ce sont ces problématiques
qui engendrent le doute, l'inquiétude voire le pessimisme quant à
l'avenir de l'Organisation.
Cependant, il ne faut pas complètement noircir le
tableau parce que la conscience de ces insuffisances existe. Le convenable
serait plutôt de faire des propositions qui serviront de correctifs
à ces défis en vue de parfaire le fonctionnement de l'OMC et de
rehausser sa crédibilité. Aussi, ce chapitre tentera-t-il
d'apporter des pistes de solutions aux différents points de friction qui
ont été identifiés comme constituant de véritables
menaces qui pèsent sur le futur de l'Organisation. Dès lors, deux
axes majeurs seront au centre des propositions de réformes. Si le
premier concerne le cadre normatif (Section 1), le second
portera par contre sur le cadre organique (Section 2).
307 OMC, avenir de l'OMC. Relever les défis
institutionnels du nouveau millénaire, op.cit., p.22. Ce rapport
parle de « l'érosion de la non-discrimination ».
308 On mentionnera ici l'Accord sur l'application des mesures
sanitaires et phytosanitaire (SPS) dans lequel les Membres ont
réaffirmé leur volonté de ne pas empêcher un Etat
membre d'adopter ou de ne pas appliquer les mesures relatives à la
santé sous réserve que ces mesures ne soient pas
appliquées de façon à constituer soit un moyen de
discrimination arbitraire ou injustifiable entre les Membres.
309 En exemple, on mentionnera les violentes manifestations de
la Société civile altermondialiste lors de la Conférence
ministérielle Seattle en 1999. Ces manifestations ont été
organisées de nouveau à Cancun en 2003.
69 | P a g e
SECTION I. DES REFORMES NECESSAIRES AU PLAN
NORMATIF
Il est évident qu'actuellement, l'OMC a une multitude
de défis à relever. Cependant parmi ces nombreux sujets, il en
existe qui requièrent des réponses des plus urgentes. En effet,
alors que le cycle de Doha peine à avancer et n'enregistre aucune
percée déterminante qui puisse laisser espérer un
aboutissement prochain, les accords commerciaux régionaux continuent de
se multiplier un peu partout dans le monde. Il s'agit en réalité
d'accords bilatéraux de libre-échange qui portent sur bien de
points et qui vont plus loin que le droit de l'OMC. « Ce
phénomène ne peut laisser penser qu'il restera sans incidence
normative ni systémique »310. C'est donc
précisément au niveau des normes que devra s'orienter la
réforme
du cadre des négociations (§1).
Cette réforme ira davantage de pair avec le renforcement du lien entre
le commerce et le développement pour corriger les imperfections du cadre
normatif tant décrié par les PED. Enfin l'OMC devra aussi
suffisamment prendre la mesure de la
critique sociale en incluant les valeurs non marchandes dans le
système conventionnel (§2).
§ 1. LA REFORME DU CADRE JURIDIQUE DES NEGOCIATIONS
COMMERCIALES
La réforme du cadre juridique des négociations
commerciales devra s'articuler au tour de deux points. D'une part, le
renforcement du multilatéralisme (A) et d'autre part,
la consolidation du lien entre le commerce et le développement
(B).
A. Le nécessaire renforcement du
multilatéralisme
Le défi le plus important que l'OMC doit relever est
celui du renforcement de la règle de non-discrimination qui est la
pierre angulaire de l'Accord instituant l'OMC.
Pour cela, la clarification des règles relatives aux
accords commerciaux s'impose, même si certains pensent qu'une telle
orientation ne mettra pas complètement fin au problème de fond
310Habib GHERARI, «
Organisation mondial du commerce et accords commerciaux régionaux: le
bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce
international ».R.G.D.I.P, 2008, p. 292.
70 | P a g e
que soulève la prolifération des accords
préférentiels, dans la mesure où ces accords ne sont tout
de même pas dénués
d'intérêts311.
Néanmoins, puisque le problème se fait
persistant, la doctrine n'a alors pas manqué de formuler des
propositions. Parmi celles qui reviennent le plus souvent, nous en retiendrons
quatre.
Une première proposition consisterait à revoir
certains principes qui peuvent paraître quelques fois rébarbatifs.
Au rang de ceux-ci, figure le principe général du consensus. En
effet, comme le rappelle le professeur SIROËN, « L'absence de
règles de majorité flatte la souveraineté des
États, mais, avec 148 pays, elle conduit à l'échec,
à des compromis boiteux ou à des règles contradictoires
qui, en retour, affaiblissent l'organisation. L'échec de la
Conférence de Seattle en 1999 a empêché l'ouverture d'un
nouveau cycle dit du millénaire, celui de la Conférence de Cancun
en 2003 a ravivé les inquiétudes sur l'avenir de l'OMC.
»312 Ainsi, lors des négociations ou au moment de
l'examen des accords commerciaux, il serait convenable de mettre en
parenthèses le principe du consensus et lui substituer la technique du
vote qualifié qui demeure nécessaire pour adopter ou faire
amender les accords lorsque certaines de leurs dispositions font l'objet de
désaccords. Cependant, il faut aussi bien reconnaître qu'une telle
option, s'il est amené à se généraliser, pourrait
bien être suicidaire pour le multilatéralisme. Pour cela, il faut
qu'elle concerne les cas où les désaccords paraissent des plus
insurmontables.
Une seconde proposition consisterait à s'inspirer du
droit international en l'occurrence de l'expérience européenne
pour mettre en oeuvre le principe de subsidiarité dans le cadre du
système commercial multilatéral. Pour rappel, ce principe vise
à privilégier le niveau inférieur de décision aussi
longtemps que le niveau supérieur n'est pas en mesure d'agir de
manière efficace. Concrètement, il s'agira donc d'attribuer des
compétences à l'OMC par délégation de pouvoir
d'autorité politique.
Par ailleurs, l'élargissement du recours au
mécanisme de règlement des différends et l'extension de sa
portée aux accords commerciaux seraient des options qui
mériteraient d'être étudiées avec minutie. Une telle
solution serait utile d'autant qu'elle offrirait une voie légale
311 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une
institution en crise », op.cit., p.73. En effet, pour
Siroën, « Ces accords visent autant à réduire les
tarifs douaniers qu'à introduire les "sujets" repoussés à
l'OMC : normes de travail, concurrence, investissement, marchés
publics, environnement."
312 Jean-Marc SIROËN, « l'OMC, une
institution en crise », op.cit., p.73.
71 | P a g e
aux contestations externes s'exprimant de manière
inappropriée lors des négociations313. L'on devrait
aussi permettre au Conseil général d'intervenir par voie
d'autorité pour préserver l'intérêt collectif et
assurer la progression des dossiers.
Enfin, la dernière proposition s'inscrit dans la droite
ligne des recommandations faites par Richard BALDWIN dont les
travaux314ont profondément inspiré le Rapport sur le
commerce mondial de 2011. Son analyse est simple mais assez pragmatique.
Puisque le régionalisme est une pratique appelée à durer,
il propose alors de le « multilatéraliser » pour
qu'il soit en phase avec le cadre multilatéral. Il suffirait pour cela
de « lier les grands groupes régionaux entre eux par de
multiples accords, en regroupant les accords bilatéraux pour en faire
des accords plurilatéraux, et en étendant aux autres membres de
l'OMC les préférences contenues dans les nouveaux accords
»315. En guise d'illustration, on peut évoquer les
accords tels que le Partenariat Trans-Pacifique (TPP)316 entre la
zone Amérique et la région Asie-Pacifique ; le Partenariat
Transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI, TTIP ou
TAFTA)317 ou encore les Accords de Partenariat économiques
entre l'UE et la CEDEAO.
Outre, le renforcement du multilatéralisme, il importe
aussi de consolider lien commerce et développement dans les accords de
l'OMC.
B. Le nécessaire renforcement du lien commerce
et développement dans les accords de l'OMC
Pour relever le défi d'une meilleure intégration
des PED, en particulier des PMA, dans le système commercial
multilatéral, l'élan réformateur devra tendre vers deux
axes majeurs. D'une part, l'amélioration de la participation de ces pays
à l'OMC et d'autre part, le renforcement leur présence dans le
commerce mondial.
313 Au titre de contestations externes, on mentionnera
principalement celles qui émanent de la société civile
internationales. De par le passé celles-ci ont déjà abouti
au blocage des Conférences ministérielles à Seattle en
(1999) et à Cancun en 2003.
314 Pour une analyse détaillée, voir
Richard BALDWIN et Patrick LOW (dir.),
Multilateralizing Regionalism. Challenges for the Global Trade system,
Cambridge University Press, 2009, 742p.
315 Christian DEBLOCK, « le
régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? »
op.cit., p.19.
316 Le TPP est un traité de libre-échange,
signé le 4 février 2016, visant à intégrer deux
régions économiques telles que : la Région Amérique
(Canada, Chili, Mexique, Pérou) et la région Asie-Pacifique
(Australie, Brunei, Japon, Nouvelle Zélande, Malaisie, Singapour,
Vietnam). L'actualité récente de cet Accord est marquée
par le retrait des Etats-Unis le 23 janvier 2017 peu après l'accession
à la présidence de Donald TRUMP.
317 Le TPCI en anglais « TAFTA » qui, s'il
aboutissait, devrait réunir les Etats-Unis et l'Union
européenne.
72 | P a g e
Il est évident qu'un très grand nombre de PED,
en particulier les moins avancés d'entre eux, n'arrivent pas à
tirer pleinement parti des possibilités offertes par les
négociations commerciales318 en raison du fait qu'ils n'ont
pas les compétences techniques nécessaires. Cette situation qui
constitue aujourd'hui une source de tensions permanentes pesant sur le
système commercial multilatéral, nécessite dès lors
des réponses des plus appropriées. Pour créer un
système commercial équilibré, l'OMC doit s'assurer que
tous ses Membres profitent de manière équitable des avantages
inhérents à leurs participations à l'OMC. Ce qui ne peut
se faire qu'à travers une réforme normative.
Certes, l'on admettra qu'il existe déjà dans le
cadre de l'OMC un certain nombre de programmes de formation et d'assistance
technique, mais ceux-ci s'avèrent encore insuffisants puisqu'ils n'ont
permis jusqu'ici de sortir l'immense majorité de ces pays de la
marginalisation qui caractérise leur situation. Tout effort de
réforme doit alors prioritairement tendre vers l'amélioration de
la fourniture de l'assistance aux PED pour renforcer leurs compétences
techniques. Cette solution aura aussi pour avantage d'accroître leur
participation aux travaux de l'Organisation, de consolider leurs institutions
commerciales, leurs systèmes juridiques et leur capacité de
production. Mais, concrètement, comment en arriver là ? Pour
atteindre cet objectif, il est nécessaire d'insister davantage sur
l'inclusion d'un traitement spécial et différencié plus
effectif comme un élément fondamental dans les futurs accords
commerciaux, y compris dans les prochaines réunions du Cycle de Doha.
L'ouverture de futurs rounds319 devrait donc être
conditionnée par la mise en oeuvre de cette exigence.
L'autre aspect qui mériterait d'être davantage
renforcé est l'inclusion de PVD dans le commerce mondial. Si certains
pays de ce groupe comme la Chine font aujourd'hui figure de géant du
commerce mondial, tel n'est certainement pas le cas des PMA, en particulier des
pays africains qui continuent d'occuper une position marginale320
dans le commerce mondial. C'est vers eux que doit se diriger en priorité
tout effort de réforme. Bien entendu, la Conférence
ministérielle de Hong Kong de 2005 appelait déjà à
l'expansion de l'aide pour le commerce afin « d'aider les pays en
développement, en particulier les PMA, à se doter de la
318 Document WT/COMTD/M2/R1/F. A la page 17 de ce rapport
officiel de l'OMC, il a été précisé que la part des
PMA dans le commerce mondial (importations et exportations confondues) n'est
que de 1,1% en 2010.Pour plus amples détails sur le poids commercial des
PMA, voir Document WT/COMTD/LCD/W/51. De même, cf. CNUCED,
Rapport 2016 sur les pays les moins avancés, disponible sur
http://www.unctad.org/ldc.
319 Les rounds sont les cycles de négociations
commerciales organisés par l'OMC et portant sur plusieurs dossiers
notamment.
320 En référence aux donnés du rapport
sur le commerce mondial, au cours de la période 2000-2013, la part des
PMA dans le commerce mondial de marchandises n'a pas connue une
évolution significative, passant de 0,48% à seulement 1,17%.
73 | P a g e
capacité du côté de l'offre et de la
demande de l'infrastructure liée au commerce dont ils ont besoin pour
[...] accroître leur commerce »321. Mais il faut
aller encore plus loin. Une solution efficace devra insister sur le concept
plus large d'aide pour le commerce en faisant valoir l'amélioration de
l'accès de leurs entreprises aux marchés extérieurs. En
outre, la production agricole des PMA doit être également
compétitive. Pour cela, l'abolition de toute forme de subvention encore
pendante dans certains accords commerciaux s'avère impérieuse.
Enfin, l'assistance liée au commerce doit être
dans une large mesure axée sur les PMA, dans le but les aider à
mettre les questions commerciales au centre de leurs stratégies
nationales de développement et à s'intégrer dans le
système commercial multilatéral. La finalité étant
de mieux les outiller à faire face efficacement aux chocs externes
liés à la mondialisation322. La constitution d'un
fonds de solidarité internationale d'appui à l'agriculture dans
les PED/PMA reste souhaitable. Il pourrait émaner des économies
faites par les pays développés à l'issue des
réductions de leurs soutiens distorsifs.
Certes, l'adoption de ces différentes solutions
permettra à l'OMC de sortir de la crise dans laquelle elle est
engouffrée. Mais, l'Organisation gagnerait davantage en intégrant
les valeurs sociales à son champ conventionnel.
§2. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES VALEURS SOCIALES
DANS LES ACCORDS DE L'OMC
En privilégiant les valeurs commerciales, le droit de
l'OMC est resté largement fermé aux autres valeurs notamment
celles liées aux enjeux sociétaux323, qu'il
gère comme des externalités. Comme l'a relevé la
Commission du droit international, ce choix « rend pratiquement impossible
» la possibilité de faire référence à des
traités internationaux
321 Cf. Paragraphe 57 de la Déclaration de Hong
Kong de 2005.
322 La mondialisation peut se définir comme le «
processus d'élargissement de l'espace économique
d'intervention des agents économiques associée à la
libéralisation des échanges. La mondialisation débouche
sur la perte d'autonomie des politiques économiques locales ou
nationales ». Au titre de synonymes, on évoque parfois les
termes voisins tels que la Planétarisation,
Transnationalisation ou encore globalisation. Voir
Ahmed SILEM et Jean-Mari ALBERTINI (Sous la
dir.), Lexique de l'économie, 6e éd., 1999,
Paris, Dalloz, p. 408. Mais, la mondialisation c'est aussi un
phénomène voulant caractériser, depuis la chute de l'URSS,
une sorte d'universalisation de principes gouvernant aussi bien
l'économie (avec comme principe de base l'économie de marche) que
l'organisation interne des Etats (démocratie et droits de l'homme) comme
la nécessaire couverture des Etats dans les partenariats divers. Voir
Gérard CORNU (Sous la dir.), Vocabulaire
juridique, Paris, P.U.F., 1987, p.382.
323 Pour d'amples détails, voir Catherine Le
BRIS, l'humanité saisie par le droit international public,
Paris, L.G.D.J., 2012, p.12 et ss.
74 | P a g e
extérieurs à l'OMC324. Pour Catherine
Le BRIS « cet isolement du droit international économique est
révélateur d'une conduite schizophrénique des États
sur la scène internationale qui, bien qu'ayant consacré
universellement les droits de l'homme, [rechignent manifestement]
à les appliquer dans leurs accords commerciaux
»325. L'élaboration d'une politique sociale
internationale nécessite donc une « responsabilisation des
États par une réintégration des enjeux sociétaux
dans le champ du droit de l'OMC »326. Sont en particulier
visées, d'une part, les normes sociales (A) et d'autre
part, les normes liées à l'environnement (B).
A. La nécessaire inclusion des normes sociales
dans les accords de l'OMC
Si le dossier des normes sociales fait actuellement
débat à l'OMC, c'est en partie à cause du traitement
laxiste327 que l'OMC réserve à la question mais c'est
aussi en raison de la divergence de perceptions dont elle est l'objet. D'abord
les PED dénoncent l'utilisation du commerce comme sanction pour faire
appliquer les normes sociales. Les normes sociales constitueraient alors une
forme de protectionnisme cachée, ce que contestent les pays
riches328. Pour les pays riches, en l'occurrence l'UE et les
Etats-Unis, il s'agit avant tout de se protéger contre le dumping
social329 qui entraîne une concurrence déloyale.
L'OMC doit prendre cette problématique en
considération et lui trouver une réponse des plus adaptée.
Evidemment, même si la question n'a pas été prise en compte
dans le cadre du
324 Voir CDI, « Fragmentation du droit international :
difficultés découlant de la diversification et de l'expansion du
droit international », Rapport du Groupe d'étude de la Commission
du droit international établi sous sa forme définitive par Martti
Koskenniemi, 13 avril 2006, A/CN.4/L.682 ,§ 450.
325 Catherine Le BRIS, « Remédier
à l'irresponsabilité des États : intégrer les
enjeux sociétaux dans le droit international économique »,
Communication du 10 juin 2015 au Collège de France le 10 juin 2015
présentée dans le cadre du séminaire Inter-réseaux
« ID » « Le changement climatique, miroir de la globalisation -
12 propositions sur les responsabilités des Etats et des ETN ».
326 Idem.
327 Il n'y avait eu aucune avancée à l'OMC sur
la question du travail depuis la Conférence ministérielle de
Singapour de 1996.
328Pour les européens, l'UE avait
l'obligation, conformément à ses traités internes, de
promouvoir la démocratie, la règle de droit et les droits de
l'homme dans ses accords internationaux.
329 selon le lexique des termes juridique, « le
dumping social est un néologisme désignant la politique de
certains Etats consistant à établir une législation
permettant de pratiquer des rémunérations de moindre niveau et
des règles de droit du travail et de droit syndical moins rigoureux que
ceux qui sont en vigueur dans les Etats réputés concurrents
économiques, dans le but d'attirer l'implantation de d'entreprises sur
leur territoires ». Voir Gérard CORNU (Sous
la dir.), Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 1987, p.234. Le
dumping social résulte donc de la différence de traitement des
salariés d'un pays pauvre comparé aux salariés d'un pays
riche. Cette différence de traitement en termes d'allocations ou de
prestations sociales génère un coût différentiel qui
est défavorise les producteurs concurrents des pays riches.
75 | P a g e
cycle de Doha, les négociations ne sont pas encore
épuisées. Il conviendrait alors de l'inscrire au titre de
priorité dans l'ordre du jour des prochaines réunions.
Toutefois, l'OMC pourra se servir des exemples d'instruments
conventionnels au plan international qui accordent de l'importance à la
question de normes sociales. Ainsi, existe -il dans le cadre de
l'ALENA330 un avenant dont le but est d'assurer le respect, par
chaque Etat membre, de sa propre législation du travail. Cet accord
prévoit des consultations régulières entre les
administrations à ce propos et met en oeuvre un mécanisme de
règlement des différends doté du pouvoir de
sanction331 .
L'OMC peut davantage puiser des références utiles
dans les dispositions du Système de Préférences
Généralisées américain. Dans le cadre de ces
programmes de coopération avec les pays pauvres, les Etats-Unis
appliquent systématiquement des dispositions relatives aux normes du
travail. Il s'agit d'une forme de conditionnalité, plus ou moins souple.
Ce peut être par exemple des normes qui mettent en place un
contrôle accru de l'OIT en lui permettant par exemple d'accéder
aux usines. Le processus d'examen est confié à un
sous-comité du SGP qui examine les requêtes
présentées par des tiers.
Enfin le singulier modèle européen pourra aussi
utilement servir de guide à l'OMC afin d'accorder un meilleur traitement
à la question des normes sociales. En effet, le SPG européen,
opère d'une manière différente du SGP américain.
Concrètement, des préférences additionnelles sont
accordées aux pays qui ont adopté et respectent trois des
conventions de l'OIT : celle relative à la liberté syndicale,
à la négociation collective, et à l'abolition du travail
des enfants. Ces dispositions sont assorties de sanctions commerciales qui
peuvent être prises en cas du non respect des conventions relatives au
travail forcé et de l'interdiction d'exportation de marchandises
fabriquées par des détenus.
B. La nécessaire inclusion des normes
environnementales dans les accords de l'OMC
Il est bien connu que le commerce est essentiel pour le
développement332. Mais pour que le développement soit
durable, il est crucial que le commerce entretienne une relation
330 Accord de libre-échange nord américain
réunissant les Etats-Unis, le Mexique et le Canada.
331 Substantiellement ce pouvoir de sanction dont il est question
se décline en des amendes.
332 Le Document final de Rio+20 intitulé «
L'avenir que nous voulons » indique en son point 4 que la protection et la
gestion des ressources naturelles constituent les piliers essentiels le
développement économique et social.
76 | Page
harmonieuse avec l'environnement. L'OMC a d'ailleurs bien
compris cet impératif en inscrivant dans les lignes de l'Accord de
Marrakech333 l'objectif du développement
durable334. L'Organisation a davantage pris la mesure des enjeux en
instaurant un cadre organique protecteur, en l'occurrence les Comité du
Commerce et de l'Environnement (CCE) dont la mission est d'être
l'enceinte du dialogue constructif entre l'environnement et le commerce mais
aussi de servir de couloir de transmission entre l'OMC et les Accords
environnementaux multilatéraux. De même, l'agenda de Doha pour le
développement avait déjà conclu à la
nécessité d'organiser des négociations spécifiques
sur l'environnement335. Il reste que toutes ces batteries de mesures
demeurent insuffisantes. Preuve, aucun accord portant sur l'environnement n'a
pu être obtenu à l'OMC faute de consensus. En l'absence d'accord
véritablement contraignant, la contestation écologique prend ici
tout son sens. Dès lors, certaines recommandations doivent être
formulées.
D'abord, l'OMC doit concilier les préoccupations
environnementales avec le commerce. Cela s'entend de la nécessité
d'inclure dans tous les accords commerciaux multilatéraux des clauses
environnementales336. Il faudrait par exemple promouvoir un commerce
des ressources sans méconnaitre la protection, la
régénération, et la reconstitution des
écosystèmes face aux défis existants et
nouveaux337. De la sorte, le commerce participerait effectivement
à la survie des espèces menacées.
Ensuite, sur la question de la pollution, le lien entre le
commerce et la pollution due au transport des marchandises n'est plus à
démontrer puisque ce sont les opérations de production et de
consommation qui sont en amont de la pollution. L'instauration de taxes
appropriées ou de règles telles que du principe du
"pollueur-payeur"338 dans les accords de l'OMC pourrait
ainsi permettre de responsabiliser les producteurs mais aussi les consommateurs
sur les impacts liées à la pollution.
333Le Préambule de l'Accord instituant l'OMC
dispose comme suit : « Les parties au présent accord,
reconnaissant que leur rapports dans le domaine commercial et économique
devrait être orientés vers (...) l'utilisation des ressources
mondiales conformément à l'objectif du développement
durable ». Ces objectifs ont été aussi
réitérés dans la Déclaration de Doha de 2001.
334 Le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro a
été le tournant décisif dans le discours politique mondial
sur le commerce et l'environnement et le développement durable. Cf.
Principe 12 de la Déclaration de Rio sur le commerce et
l'environnement.)
335 Cf. Déclaration ministérielle de Doha de
2001.
336 Ce sont des dispositions issues des Accords Environnementaux
Multilatérales.
337 Ces propositions sont en accord avec les solutions
déjà formulées dans l'Acte final de Rio+20.
338 Le principe du pollueur-payeur est un principe
adopté en 1972 et figurant dans l'Acte unique européen selon
lequel les frais qui résultent des mesures de prévention, de
réduction et de lutte contre les pollutions doivent être pris en
charge par le pollueur. Il s'agit donc avant tout de responsabiliser les
acteurs économiques sur les impacts environnementaux de leurs
activités.
77 | P a g e
De même, l'inclusion de normes à l'image
d'ajustements aux frontières de la taxe carbone sur les produits
à fort potentiel de risque serait une réponse adéquate
à la question du changement climatique.
Enfin, puisque les législations internes sont laxistes
et opaques sur la question de l'environnement et que le plus souvent les
gouvernements au nom de la compétitivité ne prennent pas les
mesures nécessaires pour corriger les défaillances du
marché susceptibles d'impacter l'environnement, il est alors
nécessaire que la transparence soit renforcée en ce qui concerne
l'adoption par des membres des mesures de commerce susceptible de toucher
l'environnement.
On retiendra donc que pour que le développement
commercial engendre effectivement le développement durable, il est avant
tout crucial que les règles du commerce mondiale soient assorties les
mesure de contrôle afin puissent effectivement contribuer à
l'amélioration du bien-être des populations. Si ces solutions
nécessitent des réformes au plan normatif, il existe en revanche,
des défis qui requièrent des réponses au plan
organique.
Section II. Des réformes nécessaires au
plan organique
Au plan organique, si la réforme de l'OMC paraît
aujourd'hui largement enlisée, c'est parce que les Etats membres ne
souhaitent pas modifier fondamentalement son architecture organique, qu'il
s'agisse des attributions des organes de gestion (§ 1) ou
des fonctions des organes de règlement des différends
(§2).
§1. LA REFORME DES FONCTIONS DES ORGANES
DIRIGEANTS
Pour améliorer le fonctionnement de l'OMC, le
renforcement des fonctions des organes dirigeants paraît d'une importance
capitale, que ce soit pour les fonctions du Secrétariat
(A) que les fonctions du Directeur général
(B).
78 | P a g e
A. Le renforcement des pouvoirs du Directeur
général
Relativement au Directeur général, au lieu de
clarifier les pouvoirs et les attributions de ce dernier comme c'est souvent le
cas dans la plupart des chartes constitutives d'organisation internationale,
l'Accord de Marrakech a préféré déléguer
cette compétence à la Conférence ministérielle. A
cet égard, l'art.VI. 2 de cet Accord énonce que la
Conférence ministérielle nommera le Directeur
général et « adoptera les règles
énonçant les pouvoirs, les attributions et les conditions
d'emploi et la durée du mandat ». Or cette exigence n'a jamais
été satisfaite si ce n'est uniquement pour la
détermination des conditions d'emploi. L'absence de description claire
et précise des attributions du Directeur général constitue
donc une ombre au tableau de l'architecture institutionnelle de l'Organisation.
Ce mutisme de l'Accord de Marrakech handicape la fonction du Directeur
général qui en est simplement « réduit au
rôle mineur de porte-parole de l'Organisation multipliant les voyages et
des contacts à l'étranger au lieu d'en être
véritablement le chef de file »339. Il est
peut-être temps de revoir cette « anomalie » en clarifiant, une
fois pour toutes, les attributions du Directeur général comme
l'avait déjà suggéré, il y a plus de 10 ans, le
Rapport Sutherland340 .
Ensuite le choix du Directeur général doit
obéir à des règles strictes et non à des
considérations géoéconomiques. Etant celui qui incarne
l'image de l'OMC, il faudrait que ce dernier ait été d'une
compétence hors pair et d'une renommée irréprochable.
Parallèlement, son autorité devra aussi
être renforcée. Au lieu de limiter la présence du Directeur
général aux seuls Comités de négociation
commerciale, l'élargissement de son rôle aux autres comités
et conseils tels que le Conseil général serait plutôt plus
avantageux vue qu'il incarne l'autorité de l'OMC. Cette orientation est
d'autant plus importante que la fonction de Directeur général est
caractérisée par sa neutralité. Dans cette perspective,
les avis du Directeur général pourront être d'une grande
utilité lors des délibérations des différents
organes. Ceci permettra par exemple de dépasser les clivages qui
conduisent à des négociations infécondes comme c'est le
cas actuellement pour la plupart des dossiers pendants du cycle de Doha.
Outre le renforcement du rôle du Directeur
général, il importe aussi de consolider la fonction du
secrétariat
339 OMC, Avenir de l'OMC. Relever les défis
institutionnels du nouveau millénaire, OMC, 2005, p.88.
340 Idem.
79 | P a g e
B. La nécessaire consolidation de la fonction du
secrétariat
Les préoccupations à propos du
secrétariat ne sont pas du tout négligeables. D'abord, ayant un
rôle plutôt effacé sinon limité, le
secrétariat ne permet pas à l'Organisation de tirer pleinement
partie de son potentiel. Non seulement, il n'arrive pas à se faire
entendre d'une voie forte et cohérente, mais en plus, son influence sur
les débats demeure insignifiante. Pour une réforme efficace,
même si l'OMC est une organisation « member driven »,
son secrétariat devrait disposer d'une plus grande liberté
d'action, et son autorité se doit d'être raffermie.
Ensuite, l'effectif du personnel du secrétariat demeure
faible : tout au plus 634 fonctionnaires341. C'est un effectif
relativement faible pour une organisation dont les exigences en termes
d'efficacité sont fortes et les attentes nombreuses. En comparaison avec
la Banque mondiale, le personnel technique et administratif représentent
à eux seuls plus de 11430 agents342. Il urge donc, du moins
au regard de sa mission actuelle, d'augmenter le nombre de personnel et de
relever le budget du secrétariat afin de lui permettre d'accomplir
efficacement ses taches à savoir l'appui technique et professionnel
ainsi que l'assistance aux PED/PMA.
Parallèlement, en raison de sa neutralité, le
secrétariat s'abstient de tout acte destiné à peser sur
les négociations. Il ne dispose pas de pouvoir de prendre part, en
termes d'orientation, aux grands débats économiques. Certes, on a
pris l'habitude de rappeler que le poids de la technostructure à l'OMC
apparaît nettement beaucoup moins lourd que dans d'autres organisations
internationales343, notamment dans les institutions de Bretton
Woods. Pour autant, il n'en demeure pas moins qu'étant l'héritier
de l'ancien secrétariat du GATT, le secrétariat de l'OMC est
largement à dominance anglo-saxonne, ce qui ne facilite pas souvent
l'accès aux ressources de l'Organisation par d'autres Membres. Il en est
ainsi par exemple des ressources documentaires dont une large partie n'est
disponible qu'en version anglaise principalement. Pour corriger cette lacune,
le convenable serait alors une plus grande diversification de l'origine
nationale du personnel du secrétariat. Il faut donc renfoncer la
multiculturalité de cet organe pour lui permettre d'être le plus
représentatif possible de la diversité culturelle des Etats
membres. Mais il importe avant tout d'insister sur le recrutement
341
https://www.wto.org/french
/res_f/booksp_f/anrep16_chap9_f.pdf. html
342 Source Banque mondiale / nombre d'employés à
temps plein au 31 juin 2015 selon la profession. Données disponible sur
http : //
www.worldbank.org
343 OMC, avenir de l'OMC. Relever les défis
institutionnels du nouveau millénaire, op.cit., p. 91.
80 | P a g e
d'un personnel hautement qualifié qui dispose de vastes
compétences et de l'expérience nécessaire digne d'une
responsabilité inhérente à la fonction publique
internationale.
Au demeurant, il faut renforcer le rôle du
secrétariat afin qu'il dispose d'un pouvoir de direction plus important
dans la conduite des négociations et dans la promotion des
capacités techniques des délégations des PED. La
réforme des organes de gestion ira de pair avec celle des organes de
régulation.
§ 2. LA REFORME SOUHAITEE DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES
DIFFERENDS
S'il est vrai que l'ORD présente quelques failles dans
son fonctionnement, il n'en demeure pas moins qu'il présente
l'originalité, du point de vue du contentieux international
interétatique, de pouvoir comporter deux instances344 qu'il
serait intéressant d'améliorer. D'une part, les groupes
spéciaux (A), et d'autre part, l'Organe d'appel
(B).
A. Des réformes relatives aux Groupes
spéciaux
Une multitude de critiques ont été émises
au sujet de la constitution des groupes spéciaux.
L'un des problèmes étaient relatifs à la
sélection des membres de ces groupes spéciaux. Pour
remédier à ces problèmes, le mode de sélection doit
être revu. Au lieu d'un processus unique de sélection, il serait
nécessaire d'alterner les combinaisons. L'ORD pourra par exemple
sélectionner les membres de ces groupes spéciaux sur une liste
préétablie ou recourir à un choix alternatif tel qu'une
désignation à partir d'un mécanisme ad hoc.
De même, pour éviter les accusations relatives
à la transparence qui entachent la crédibilité des groupes
spéciaux, _ car il faut le souligner, les procédures de
règlement des différends sont en principe confidentielles _ il
serait souhaitable que les audiences soient largement ouvertes au public.
344 Le Mémorandum d'accord sur le règlement des
différends aménage un véritable double degré de
juridiction : d'une part, les groupes spéciaux s'analysant comme le
premier niveau de « juridiction » et d'autre part l'Organe d'appel
qui constitue le second niveau de juridiction. V. Mémorandum d'accord
sur les règles et procédures régissant le règlement
des différends, Annexe 2 de l'Accord de Marrakech instituant
l'Organisation mondiale du commerce, 14 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 426.
81 | P a g e
En outre, le Mémorandum d'accord dispose que, si un
Membre le demande, une partie à un différend doit «
fournir [...] un résumé non confidentiel des renseignements
contenus dans ses exposés écrits qui peuvent être
communiqués au public ». Mais, dans la pratique les parties se
sentent rarement liées par cette disposition. Les Membres donc doivent
être tenus de rendre publique une partie ou la totalité de leurs
communications. Cette obligation devrait aussi s'élargir à tous
les documents relatifs à un différend porté devant l'OMC,
à savoir les demandes d'établissement d'un groupe spécial,
les communications du Groupe spécial et les rapports finaux des groupes
spéciaux. Tous ces documents importants doivent être librement
accessibles au grand public sur le site Web de l'OMC dans l'ensemble des trois
langues officielles de l'OMC.
Au plan organique, il serait convenable de professionnaliser
les groupes spéciaux. La professionnalisation des groupes
spéciaux serait en effet un moyen nécessaire pour mieux garantir
l'indépendance des « panels » et pour diversifier leur
composition dans l'optique de renforcer davantage le caractère
juridictionnel de l'ORD.
Au plan de la procédure, le Mémorandum d'accord
a entendu conférer une force obligatoire aux décisions de
l'ORD345. Mais le défaut de ce texte, c'est qu'il n'a pas
assorti ces décisions de la force exécutoire, puisque pour
l'exécution de celles-ci, il est simplement demandé aux parties
de faire part de leurs intentions. Résultat, l'application de ces
décisions peut paraître très aléatoire.
L'instauration d'une force exécutoire complétant les
décisions de l'ORD sera ainsi un excellent rempart contre la mauvaise
foi et les procédures dilatoires régulièrement
relevées dans les phases d'exécution des ces décisions.
Afin de résoudre le problème actuel de
l'engorgement de l'ORD, et surtout celui des retards procéduraux,
l'action se doit d'être double : en premier lieu, une procédure
préventive, en réponse à un constat de menace dans le
cadre du Mécanisme d'évaluation des politiques commerciales,
mérite d'être mise en place à l'OMC. Il faudrait
déjà commencer par penser à l'autosaisine de l'ORD.
Ensuite, la mise en place d'une procédure d'urgence paraît aussi
nécessaire pour régler les litiges impliquant d'énormes
enjeux financiers. Cette action en référé qui
intègre la possibilité de prononcer les mesures provisoires ou
conservatoires est d'autant plus nécessaire que, laissé à
la libre disposition des Etats, le mécanisme d'appel est le plus souvent
utilisé comme un excellent prétexte pour retarder le
345 L'article 17.4 du Mémorandum d'accord dispose
à cet égard que « les rapports de l'organe d'appel
seront acceptés sans condition par les parties au différend
».
82 | P a g e
processus de règlement de différends. A cet
égard, on pourra s'inspirer du référé
pré-arbitral existant dans le cadre de la Chambre de Commerce
Internationale (CCI) reconnue comme l'instance mondiale des entreprises.
Si la réforme de l'ORD est avant tout destinée
à corriger les défauts des Groupes spéciaux, elle devrait
davantage portée sur l'organe d'appel.
B. Des réformes relatives à l'Organe
d'appel
Il est évident que la création de l'Organe
d'appel (OA) fut l'une des principales innovations du règlement des
différends introduite par le Mémorandum. Mais, il reste que
durant les deux décennies passées, son fonctionnement n'a pas
été irréprochable à tout point de vue.
D'abord, le principe consistant à autoriser l'OA
à renvoyer une affaire au groupe spécial de premier niveau doit
être revue surtout lorsqu'il peut y avoir renvoi sans que le processus
soit prolongé.
Ensuite, l'Organe d'appel a toujours été
épinglé au sujet du secret qui caractérise ses
procédures. Pour apaiser les craintes relatives à la
transparence, les audiences de l'OA doivent être publiques. Pour y
parvenir, il faut que l'ouverture des délibérations de l'OA
devienne la règle et le secret l'exception. Et pour lever cette
obligation, les acteurs ayant intérêt au différend, en
l'occurrence les parties, doivent être les seules à même de
faire valoir des motifs « suffisants et valables » pour exclure le
public d'une partie ou de la totalité du différend. Ces motifs
peuvent par exemple se déduire de l'importance des enjeux
économiques.
De même, cet organe doit veiller à ce que ses
décisions, ainsi que les rapports dont il est fait appel, n'accroissent
ni ne diminuent les droits et obligations résultant pour les Membres des
accords de l'OMC.
En outre, lorsqu'il connaît des appels, l'OA doit jouer
un rôle crucial dans la clarification des droits et obligations des
Membres découlant des Accords de l'OMC. Dans le même temps, l'OA
devra contribuer à la sécurité et à la
prévisibilité du système commercial multilatéral en
aidant à assurer la cohérence de l'interprétation de ces
accords.
83 | P a g e
Au delà, il y a aussi des questions transversales aux
deux organes de l'appareil judiciaire qu'il faudra également prendre en
considération.
La question de la mise en conformité par exemple occupe
une position centrale dans les critiques. La réforme devra alors
s'atteler à y trouver des réponses par des formules des plus
appropriées. D'une part, le « rachat » d'obligations, qui
s'envisage comme une prime à la mauvaise foi et à la
transgression des règles commerciales doit être simplement banni
des mesures de sanction. D'autre part, il sera aussi préférable
d'octroyer une compensation monétaire aux plaignants les plus pauvres,
ce qui devrait leur permettre d'amortir les couts énormes des violations
dont ils ont été l'objet en attendant que la procédure
aille à son terme.
En somme, ces propositions sont autant de solutions
spécifiques qui profiteront à l'ensemble du système et qui
devraient aboutir au renforcement de la prévisibilité et la
sécurité de l'OMC.
CONCLUSION
85 | P a g e
Cordell HULL346 qui est considéré
comme le père du système commercial actuel avait vu juste
lorsqu'il affirmait qu' « il ne pouvait y avoir de paix durable sans
prospérité économique, ni de prospérité sans
liberté de commercer ». C'est en substance l'esprit même
de l'internationalisme libéral347 prôné par
l'OMC, « cette doctrine qui tente de concilier, d'un
côté, la liberté économique avec la
démocratie et, de l'autre, la coopération internationale avec la
souveraineté des nations »348.
Fondé sur les deux solides piliers que sont la clause
de la nation la plus favorisée et la clause du traitement national,
l'édifice OMC se veut le gardien du nouveau système commercial
multilatéral. L'objectif est de faire disparaître progressivement,
par des concessions négociées lors de rounds, tous les
obstacles tarifaires ou non tarifaires au commerce des marchandises. A la
différence du GATT, l'OMC a réussi le pari d'étendre le
champ des activités couvertes par le système commercial
multilatéral. Elle a aussi mis en place un mécanisme de
règlement de différends à la fois « global et
intégré »349, l'un des plus
originaux350 ayant permis de réduire significativement le
« talion commercial »351.
Cependant, plus de vingt ans après sa mise en place, si
les fondements idéologiques de l'Organisation ne sont pas en cause, en
revanche, les dysfonctionnements existent. La vague libérale des
années 1980 et 1990 semble s'essouffler. La réalité
confirme, en effet, aujourd'hui l'existence d'une multitude de menaces qui
pèsent sur l'avenir de l'Organisation à l'instar du
régionalisme ou du protectionnisme qui prennent l'allure d'une tendance
à long terme. Puisque les divers instruments adoptés dans le but
de contrer ce fléau ont très vite été
submergés par des pratiques mercantilistes, le monde compte encore
aujourd'hui des centaines d'accords commerciaux régionaux ou
bilatéraux qui mettent déjà à mal le
multilatéralisme et fragilisent subséquemment l'OMC. A
fortiori, la remise en cause du libre-échange, le regain des
thèses populistes et nationalistes, les réflexes autarciques
postérieurs à la crise de 2008 ou encore la prolifération
des mesures protectionnistes déguisées peuvent-
346 Secrétaire d'Etat dans l'administration Roosevelt
connu pour avoir été le principal artisan du plan
américains de reconstruction du système international. Pour plus
de détails sur Hull et son influence, voir entre autres :
William ALLEN, « The International Trade Philosophy of
Cordell Hull, 1907-1933 », American Economic Review, vol. 43,
1953, pp. 101-116 ; Michael BUTLER, Cautious
Visionar. Cordell Hull and Trade Reform, 1933-1937, Londres, The
Kent State University Press, 1998.
347 On peut résumer l'internationalisme libéral
par deux aphorismes : les démocraties ne se font pas la guerre, et de
bons voisins sont des voisins prospères.
348 Christian DEBLOCK, « le
régionalisme commercial, y a-t-il un pilote dans l'avion ? »
op.cit., 2.
349 Yves NOUVEL, « L'unité du
système commercial multilatéral » op.cit., pp. 654
-663.
350 Julien BURDA, « l'efficacité
du mécanisme de règlement de différends de l'OMC : vers
une meilleure prévisibilité du système commercial
multilatéral », op.cit., p.1.
351 Idem., p.4.
86 | P a g e
elle alors être analysés comme le signe d'une
descente aux enfers d'une Organisation « à bout de souffle
»352. Ainsi que le soutient le Professeur Christian
DEBLOCK, « la réciprocité est en effet de moins en moins
adaptée aux réalités de [la] globalisation. La nouvelle
diplomatie commerciale qui l'accompagne, dont le bilatéralisme est l'une
des facettes, met de son côté à rude épreuve le
second pilier du système, le multilatéralisme
»353.
Et comme si cela ne suffisait pas, étant entendu que
l'OMC ne pouvait rassurer ni l'opinion publique ni une société
civile inquiète des effets néfastes de la mondialisation, les
frustrations ont été autant politiques, économiques,
écologiques que sociales. D'une certaine manière, l'OMC
apparaît de plus en plus comme une Organisation surpuissante qui
imposerait le libéralisme économique aux États et qui
brimerait la démocratie au détriment des Etats les plus faibles.
Les PED restent alors sur le ressentiment d'avoir été
floués lors des dernières négociations. Et pour tout
couronner, le cycle de Doha semble sombrer dans une profonde léthargie.
Le constat est donc poignant : « A moins d'une redéfinition
rapide et consensuelle, autant de ses objectifs que de ses modes de
fonctionnement interne, le ` Doha light' dont a accouché la
conférence de Bali en décembre 2013 pourrait bien n'être
que le dernier soupir d'une organisation sans repère. »354
Le panorama des facteurs à l'origine de l'expansion des
inquiétudes ainsi retracé, aboutit aux conclusions du Professeur
Jean-Marc SIROËN qui soulignait que l'OMC constitue aujourd'hui «
une institution en crise »355. L'OMC semble donc
arriver à un niveau où le fait même de survivre
relèverait désormais de la gageure. Bref, tout porte à
croire que son avenir est peut-être bien déjà
derrière elle356.
Pourtant, l'OMC s'est imposée ces vingt
dernières années comme l'instance indispensable à la
gouvernance de la mondialisation. Sa recette miracle et en même temps son
gage de survie est d'avoir été l'artisan d'un nouveau
système commercial multilatéral plus légitime (164 membres
représentant 98% des échanges commerciaux mondiaux), plus
transparent (évaluation sur une base multilatérale des politiques
commerciales des Etats membres et juridictionnalisation du mécanisme de
règlement des différends) et plus
352 Habib GHERARI, «L'OMC à bout
de souffle? Quelques observations sur la 8ème Conférence
ministérielle», op.cit., p.111 et ss. ; Christian
DEBLOCK, « OMC : le déclin irréversible de la
réciprocité et du multilatéralisme »,
op.cit., p. 35.
353 Idem.
354 Pascal LOROT, « Le cycle de Doha n'a
accouché finalement que d'un accord à minima en décembre
dernier à Bali », le nouvel
economiste.fr,
consulté le 10 juin 2016.
355 Jean-Marc SIROËN, « L'OMC, une
institution en crise », Alternatives économiques,
n°240, octobre, p.72. 356Christian DEBLOCK,
« OMC : le déclin irréversible de la
réciprocité et du multilatéralisme », op
cit., p.54.
87 | P a g e
représentatif des besoins spécifiques des PED
(consécration du traitement spécial et
différencié). Elle semble donc mieux adaptée à
accuser les chocs de la mondialisation que l'on ne le pense357.
Comme le rappelle Sandra POLASKI, bien que le Cycle de Doha se soit
enlisé, « l'impossibilité de trouver un accord [...] ne
freinera pas le commerce mondial et ne nuira pas à l'OMC
»358. Aussi faut-il croire que l'Organisation est loin
d'être en danger359.
Mais Au lieu de s'employer à deviner, en vain, quel
serait le sort de l'OMC dans les années à venir, il serait
plutôt judicieux de réformer l'Organisation en profondeur afin de
garantir à l'échelle mondiale aussi bien le développement
équitable du commerce des biens et des services marchands que la
satisfaction des droits fondamentaux. Les thérapies de choc
proposées pour servir de correctifs aux imperfections de l'Organisation
restent in fine l'un des mérites de cette présente
étude. Comme indiqué plus haut, les solutions devront passer
d'abord par une évaluation des accords existants et par la
définition de règles équitables entre le Nord et le Sud.
Il est aussi crucial de rompre avec la logique du libéralisme à
outrance pour réconcilier les valeurs marchandes avec les
considérations sociétales. En outre, des aménagements
institutionnels s'avèrent davantage impérieux, car c'est le prix
à payer si l'on veut assurer la pérennité de
l'Organisation.
Cependant prôner la suppression de l'OMC comme le
recommandent ardemment certains serait une entreprise ruineuse qui exacerberait
les rapports de force bilatéraux déjà à l'oeuvre
dans le commerce international. A l'évidence, ces rapports de force ne
font que le jeu des unilatéralistes. Même si nombres de
détracteurs proposent de sceller définitivement le sort de
l'Organisation, ils n'explicitent ni quand, ni comment le faire, une preuve de
plus que l'invocation d'une alternative à l'OMC est une coquille
vide.
En définitive, l'OMC ne disparaîtra pas puisqu'
il est indispensable pour le monde d'avoir cette organisation qui est à
la fois universelle, transparente et résiliente pour maintenir encore
longtemps à flot le libre-échange, car ce dernier reste une
garantie de paix. Du reste, ce constat s'inscrit dans le prolongement des
propos de Cordel HULL qui aimait souvent
357 Yves SCHEMEIL, « L'OMC, une
organisation hybride et résiliente », Le journal de
l'école de Paris du management, 2014/5(No109), p.
31-36.
358 Sandra POLASKI, « L'OMC n'est pas en
danger. », L'Économie politique 3/2007 (n° 35), p.
18.
359 Idem.
88 | P a g e
rappeler que : « quand les marchandises ne traversent
pas les frontières, les armées le font
»360.
360Cordel HULL cité par
Christian DEBLOCK, « OMC : le déclin
irréversible de la réciprocité et du
multilatéralisme », op.cit., p. 36.
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commerce, 14 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 426 [Mémorandum d'accord].
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marchandises, Annexe 1A de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation
mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1867 R.T.N.U. 410 [Accord sur les
marchandises].
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services, Annexe 1B de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation
mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 219 [Accord sur les
services].
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propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Annexe 1G de
l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, 15
avril 1994, 1869 R.T.N.U. 332 [Accord sur les droits de propriété
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96 | P a g e
TABLE DES MATIERES
97 | P a g e
98 | P a g e
99 | P a g e
Avertissement : .i
Dédicace : ii
Remerciement : iii
Sommaire : iv
Liste des sigles et abréviations : vi
INTRODUCTION 1
PARTIE I. UNE ORGANISATION A BOUT DE SOUFFLE 11
Chapitre I. Un édifice juridico-institutionnel
fragilisé 13
SECTION I. UN ARSENAL NORMATIF AFFAIBLI 14
§1. DES ENTRAVES A LA CLAUSE DE LA NATION LA PLUS
FAVORISEE 14
A. Les accords commerciaux régionaux
15
B. Les accords commerciaux préférentiels
17
§ 2. LES OBSTACLES A LA CLAUSE DU TRAITEMENT
NATIONAL 19
A. Les mesures protectionnistes de nature tarifaire
19
A. Les mesures protectionnistes de nature non tarifaire
21
SECTION II. UNE INSTITUTION REGULIEREMENT EN CRISE 23
§ 1. L'ENLISEMENT RECURRENT DES NEGOCIATIONS COMMERCIALES
MULTILATERALES 24
A. Les raisons de l'enlisement récurrent des
négociations commerciales multilatérales 24
B. Etude de cas typique: l'impasse du cycle de Doha
26
§ 2. LES LACUNES DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS
28
A. Des insuffisances tenant à la procédure
mise en oeuvre 28
B. Des défauts tenant à l'absence de
sanction 30
Chapitre II. Une organisation contestée 32
SECTION I. L'OMC, UNE ORGANISATION CONTESTEE PAR LES PAYS EN
DEVELOPPEMENT 33
§1. UNE CONTESTATION LIEE A LA MARGINALISATION DES PED
DANS LE
SYSTEME COMMERCIAL MULTILATERAL 33
A. La persistance de la fracture Nord-Sud dans le
commerce mondial 33
B. La place marginale réservée aux PED au
sein de l'OMC 35
§2. UNE CONTESTATION LIEE AUX ASYMETRIES DES ACCORDS DE
L'OMC 36
A. L'iniquité de l'Accord sur l'agriculture
36
B. Le déséquilibre de l'accord sur la
propriété intellectuelle 38
SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION GENERATRICE DE
FRUSTRATIONS
MULTIDIMENSIONNELLES 40
§1. LA DIMENSION POLITIQUE DE LA FRUSTRATION 40
A. Une critique liée à l'aliénation
de la souveraineté des Etats 40
B. Une critique axée sur l'idée de
l'absence de la démocratie 43
§2. LEs DIMENSIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES DES FRUSTRATIONS
45
A. La critique économique du libéralisme
45
B. La contestation sociale du libéralisme
46
PARTIE II. UNE ORGANISATION AU BOUT DE REFORMES 49
Chapitre I. L'OMC, une organisation résiliente 51
SECTION I. UNE ORGANISATION INDISPENSABLE 52
§1. LE CADRE DE PROMOTION DU LIBRE-ECHANGE 52
A. L'OMC, une enceinte de négociations
permanentes et continues 52
B. L'OMC, un cadre de mise en oeuvre des accords
commerciaux 54
§ 2. LE CADRE DE PROTECTION DU LIBRE-ECHANGE 56
A. La protection du libre-échange par la
réglementation 56
B. La protection du libre-échange par le
règlement des différends 57
SECTION II. L'OMC, UNE ORGANISATION EFFICACE 59
§1. UNE EFICACITE AVEREE 60
A. Une efficacité assurée par les
procédures mises en oeuvre 60
B. Une efficacité justifiée par les
résultats Obtenus 62
§ 2. UNE EFFICACITE CONFORTEE 64
A. L'explosion des demandes d'adhésion
64
B. L' efficacité des instruments de l'OMC
66
Chapitre 2. Une organisation perfectible 68
SECTION I. DES REFORMES NECESSAIRES AU PLAN NORMATIF 69
§ 1. LA REFORME DU CADRE JURIDIQUE DES NEGOCIATIONS
COMMERCIALES 69
A. Le nécessaire renforcement du
multilatéralisme 69
B. Le nécessaire renforcement du lien commerce et
développement dans les accords de
l'OMC 71
§2. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES VALEURS SOCIALES DANS
LES
ACCORDS DE L'OMC 73
A. La nécessaire inclusion des normes sociales
dans les accords de l'OMC 74
B. La nécessaire inclusion des normes
environnementales dans les accords de l'OMC 75
Section II. Des réformes nécessaires au plan
organique 77
§1. LA REFORME DES FONCTIONS DES ORGANES DIRIGEANTS 77
A. Le renforcement des pouvoirs du Directeur
général 78
B. La nécessaire consolidation de la fonction du
secrétariat 79
§ 2. LA REFORME SOUHAITEE DE L'ORGANE DE REGLEMENT DES
DIFFERENDS
80
A. Des réformes relatives aux Groupes
spéciaux 80
B. Des réformes relatives à l'Organe
d'appel 82
CONCLUSION 84
BIBLIOGRAPHIE 89
TABLE DES MATIERES 96
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