1.1.2. Les effets de l'accès difficile à
l'eau potable dans la ville de Tsévié
Lors des entretiens individuels et focus groups, nous avons
remarqué que le problème d'accès à l'eau engendre
des effets sur la vie des habitants de Tsévié, surtout sur le
plan sanitaire, économique et social. Les propos recueillis en
témoignent fortement.
? Effets sociaux induits par l'accès difficile
à l'eau potable
Une femme de 49 ans nous dit qu'elle et sa famille souffrent
bel et bien du problème d'eau potable. Elle s'explique :
« quand l'eau devient rare, je ne peux rien faire.
Avec quoi vous allez préparer la nourriture ? Boire, se laver, faire la
vaisselle et s'occuper du linge sale deviennent impossibles. Or ces choses sont
les besoins premiers de l'homme. » Extrait d'entretien individuel
du 25 juillet 2019.
Interrogée sur les conséquences qu'engendre le
manque d'eau dans la ville, une revendeuse d'eau de forage, âgée
de 21 ans, nous éclaire sur les comportements qui se présentent
auprès du forage dont elle assure la gestion :
« lorsque l'eau de la TdE est coupée, les gens
viennent s'approvisionner en nombre ici, et chaque soir, on assistait à
des conflits liés au problème du premier venu. Un jeune
lycéen a même tenu les cols d'un acheteur d'eau entre temps, car
ce dernier voulait prendre sa place dans la file d'attente alors que le jeune
lycéen devait se rendre à l'école. Si l'eau n'était
pas coupée dans leurs maisons, ils ne se rencontreraient pas sous mon
forage pour nous déranger » Extrait d'entretien individuel
du 25 juillet 2019.
Une jeune dame, âgée de 22 ans et pharmacienne
dans la localité explique ce qui suit :
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« lorsque l'eau devient rare dans les robinets, les
gens vont la chercher à des kilomètres, surtout dans les cantons
qui font limites avec la commune. Ils reviennent fatigués et
désespérés. L'année surpassée, un de mes
collègues a fait un accident de route un jour quand il revenait de
Lomé avec deux bidons d'eau sur la moto. C'est triste de voir qu'on met
notre vie en jeu à cause de l'eau ». Extrait d'entretien
individuel du 27 juillet 2019.
Le président du CDVT explique ces types d'effets en ces
termes :
« les difficultés d'accès à une
eau potable ont conduit à la prolifération des forages dont les
eaux ne sont pas analysées et auxquels les populations s'adonnent en cas
de manque».
Extrait d'entretien individuel du 26 juillet 2019.
Un homme de 30 ans en situation de handicap moteur, affirme :
« je dispose d'un bidon de 20 litres pour puiser
l'eau au forage. Dès que j'y vais, je ne repars jamais vite et
difficilement certains m'acceptent dans la file d'attente. Les gens m'oublient
des fois même, et ceux qui viennent après moi, trouvent l'eau
rapidement, et je reste toujours dans ma chaise roulante. Tout ceci parce que
je n'ai pas mes deux jambes pour me mettre dans la file d'attente. Je quitte
des fois les lieux sans puiser l'eau ».
Extrait d'entretien individuel du 25 juillet 2019.
Les mêmes effets se sont fait remarquer dans les
affirmations d'une femme de 61 ans, qui se faisait aider par des jeunes du
quartier dans la recherche de l'eau. Elle dit :
« l'eau à Tsévié est un
véritable problème. C'est rarement j'en trouve pour boire. Je ne
me lave plus correctement, et je suis devenue sèche. Pour cela, je mets
une serviette dans le peu d'eau dont je dispose pour essuyer ma peau, une fois
par jour ou une fois tous les deux jours. Quand je vais à la pompe en
cas de pénurie, je reviens tardivement car je n'ai pas de force pour
bousculer la file d'attente comme les autres. C'est difficilement je marche
avec l'eau sur la tête. »
Extrait d'entretien du 25 juillet 2019
Dans la recherche des effets sociaux, une musulmane
âgée de 35 ans affirme que les difficultés d'accès
à l'eau ont occasionné dans son milieu, il y a de cela trois ans,
une mésentente entre certains musulmans et les non-musulmans :
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« à côté de la mosquée
d'en face, il y avait un ouvrage d'eau que la Turquie a offert à la
communauté musulmane. Avec le temps, les non-musulmans ont
commencé par l'utiliser jusqu'au moment où ils voulaient
s'accaparer de la gestion de l'eau, car ils s'estiment autochtones. Il y a eu
de vraies disputes à tel point qu'on a réduit l'accès
à cette eau seulement aux musulmans. Les bagarres entre musulmans et non
musulmans pendant ces temps ont été sérieuses. »
Extrait d'entretien individuel du 25 juillet 2019
? Les effets sanitaires induits par les
difficultés d'accès à l'eau potable
Les difficultés d'accès à l'eau potable
augmentent les risques sanitaires chez les populations. Lorsque l'eau potable
devient rare, les populations cherchent des moyens alternatifs pour
s'approvisionner, ce qui n'arrange pas souvent leur santé.
Ainsi, pour le surveillant Général de la SHAB de la
Polyclinique :
« les habitants de la ville sont obligés de
faire des impluviums dans leur maison pour recueillir l'eau de pluie. Cette eau
non traitée, entraine la survenue des maladies liées à
l'eau. D'abord l'eau de pluie n'est pas bonne à boire, ensuite les
insectes et poussière qui restent dans ces impluviums contribuent
largement à la dégradation de la santé chez les
populations ». Extrait d'entretien individuel du 25 juillet
2019.
Le Surveillant Général de la Polyclinique de
Tsévié, assistant médical, renchérit en disant :
« les maladies liées à l'eau sont
souvent enregistrées ici. Elles ont fait partie l'année
dernière des dix premières causes de consultations.
Dernièrement, celles reçues sont la dysenterie amibienne, la
gastroentérite et l'amibiase ». Extrait d'entretien
individuel du 25 juillet 2019.
Pour le président du CDVT, quand l'accès à
l'eau devient difficile,
« les populations de Tsévié font
recours à l'utilisation de l'eau de pluie, ou à des forages qui
n'ont pas leur eau analysée. Cela peut entrainer les maladies
liées à l'eau, et rendre encore plus difficile la vie à la
population »
Extrait d'entretien individuel du 26 juillet 2019
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? Les effets économiques induits par
l'accès difficile à l'eau potable
Les personnes ressources ont révélé que
l'accès difficile à l'eau pèse économiquement sur
les ménages. Que ce soit le chef de la ville, le président du
CDVT, ou encore l'ingénieur d'hygiène de la polyclinique de
Tsévié, chacun a eu à relever dans ses propos un aspect
économique des effets liés aux difficultés d'accès
à l'eau potable.
Pour le chef de la ville, les effets économiques sont
d'une vraie réalité :
« ....Evidemment qu'il y a des effets sur la
population au plan économique. Lorsque la coupure ou la couleur de l'eau
deviennent des problèmes, les gens mettent la main dans leur poche pour
chercher un moyen de déplacement pour aller trouver de l'eau ailleurs.
L'eau devient aussi chère pendant ces temps et ça conduit les
gens à faire des dépenses élevées juste à
cause de l'eau. ». Extrait d'entretien individuel du 26 juillet
2019.
Aussi, un agent de santé travaillant à la
Polyclinique de Tsévié, s'exprime en ces termes :
« Les coûts inhérents au traitement des
maladies liées à l'eau font partie des effets économiques
que l'accès difficile à l'eau propre peut entraîner. Les
gens dépensent pour trouver de l'eau à boire, et cette eau les
conduit à dépenser de nouveau pour lutter contre les maladies
qu'elle a causées ».
Extrait d'entretien du 25 juillet 2019.
Une revendeuse de denrées alimentaires estime lors d'un
focus group que c'est parce que l'eau a tant manqué qu'elle n'arrivait
plus à joindre les deux bouts. Elle dit :
« je vends du riz à manger au bord de la
route. S'il n'y a pas d'eau potable, je ne peux pas préparer et vendre.
Lorsque l'eau est coupée ou est sale, je ne sais plus avec quoi faire
mon commerce. La vente de mon riz est basée sur l'eau et son absence m'a
beaucoup fait perdre de l'argent et des clients. Si l'eau était
là permanemment, je suis sûre que j'aurai plein de
bénéfices que ce que je perçois actuellement
»
Extrait de focus group du 26 juillet 2019.
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