1. Contexte économique et financier
L'idée d'expérimentation du CS à Anjouan
doit être prise dans la perspective de recherche de solutions aux
problèmes d'accès aux intrants agricoles. En effet, malgré
l'existence de banques commerciales et de quelques IMF à Anjouan, il y a
une réticence généralisée au financement de
l'agriculture parce qu'elle est considérée comme une
activité très risquée.
Pour faire face aux dettes contractées afin d'assurer
la production (emprunts pour lancer la campagne agricole : semences, engrais,
autres intrants) et pour subvenir à leurs besoins financiers, Les
paysans d'Anjouan, met en place un projet d'investissement appelé Projet
d'Amélioration de la Productivité agricole et de la
Sécurité Alimentaire (PAPSA). L'idée
générale est d'expérimenter un système de
financement des intrants agricoles basé sur le nantissement des
récoltes. Le projet vise à prendre en compte ce nouveau
mécanisme de financement qui aide les producteurs à
accéder aux crédits, tout en sécurisant leurs productions.
Pour ce faire, plusieurs producteurs anjouanais dans les zones rurales n'ont
pas d'autres choix que de mettre leurs produits agricoles sur le marché
en grande quantité dès la récolte. Ce qui entraîne
une baisse du prix et les producteurs n'arrivent pas à tirer profit de
leur production. Face à une telle situation, les partenaires au
développement aux Comores peuvent décider de soutenir le
développement du système du Crédit-Stockage. Un
système qui porte essentiellement sur les produits vivriers et de rente,
dans le but d'améliorer la commercialisation aux prix
intéressants sur le marché32.
C'est, en effet, la mise en oeuvre du système du
crédit à trois cadenas. Dans un cadre du PODV33, le
projet est initié sur la promotion des techniques du CS pour les petits
producteurs
30 Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest
31 M. Matiéyédou Konlambigue, (2011).
32 CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et
le développement)
33 Projet d'Organisation et de Développement Villageois
29
à Anjouan. Le but est de leur permettre d'obtenir de
meilleurs prix pour leurs produits agricoles. Dans son expérience, le
projet porte essentiellement sur cinq coopératives dans les cinq
Régions du l'île. La technique est la même que celle de CS
communautaire déjà développée plus haut. Ce projet
aura également ces quatre objectifs suivants :
- la restauration des sols dégradés et la
protection des ressources naturelles ;
- l'augmentation et la diversification des revenus des
producteurs ;
- l'accès des petits producteurs au crédit à
travers le système de CS
- la réduction de conflits liés à la tenue
et à l'utilisation de la terre.
2 - Description technique
Avec la bonne gouvernance de l'Etat comorien et la dynamique
de sa gestion en matière des finances publiques, le projet peut
être financé par le FIDA34 et soutenu par le FAO. Les
parties prenantes à cette expérience seraient les OP, les IMF
(principalement la Meck qui dispose un produit de financement agricole), le
distributeur d'intrants (la Direction Régionale de l'Agriculture, de
l'Elevage et de la Pêche), le projet DAHARI et des structures
d'encadrement et de facilitation. Les membres de la coopérative
déposent leur stock de récolte au niveau du magasin de la
coopérative contre un certificat de dépôt. Sur la base de
ce stock, l'IMF (notamment les Meck de base) octroie un crédit
correspondant à 75 (généralement pour les zones
déficitaires) et 80% (pour les autres zones) de la valeur des
marchandises stockées. Le magasin est alors fermé à triple
cadenas, la clé d'un cadenas pour le projet, la seconde pour la Meck
correspondante et la troisième clé pour groupement. Le processus
se met en place avec l'accréditation de la BCC.
Ce système de CS développé à Anjouan
doit présenter les particularités suivantes :
- Les magasins doivent être construits par le PODV avec
la participation financière des producteurs ;
- Après la constitution du stock, le magasin doit
être fermé par trois cadenas et les clés sont
réparties entre le projet, l'IMF et le groupement.
- Le crédit est octroyé de manière
collective à l'OP, qui ensuite le distribue aux paysans en fonction des
produits stockées et du montant sollicité par chacun.
- Le crédit octroyé doit réparti en deux
parties égales dont la première est remise en liquide aux
producteurs pour subvenir à leurs besoins financiers et pour faire face
aux besoins sociaux (consommation). La seconde partie sera octroyée en
nature pour lancer la campagne agricole : semences, engrais, autres
intrants.
34 Fonds International pour le Développement Agricole
30
- Le crédit s'obtient lors du stockage, avec un
délai de deux semaines à un mois dans les cas les plus lents, et
son remboursement est prévu avant l'ouverture de l'entrepôt, avec
les revenus générés par les activités
rentières réalisées durant les mois de stockage
grâce au crédit35. Pour la conduite de ce
système de crédit, le projet signe un protocole de collaboration
avec la Meck qui doit conduire les opérations pilotes. Ce protocole doit
permettre à la Meck, d'accorder des avantages
préférentiels aux OP qui seront identifiées par le PAPSA
(le taux d'intérêt mensuel négocié est de 1%). Les
dépenses prises en charge par chaque producteur lors d'une
opération de CS sont celles concernant le stockage des produits et les
frais de l'institution financière. Quant à l'institution
financière, pour se prémunir du risque de non remboursement, en
plus de la garantie prise sur les stocks de produits36, il existe
une épargne37 à constituer par l'OP. L'environnement
institutionnel relatif au système de récépissé
d'entreposage doit ainsi connaitre progressivement une évolution
sensible avec la création à Anjouan un organe de
régulation composé des acteurs du secteur privé et
doté d'un personnel technique.
Tableau 4: Frais de l'activité du CS
Frais liés au stockage des produits
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Type de frais
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Coût
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Acteurs assumant les frais
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Frais de stockage
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100 KMF/ mois et par sac
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Paysans
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Le prix du sac
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varie de 200 KMF à 500 KMF selon le type de sac
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Paysans
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Le coût du transport jusqu'à
l'entrepôt
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Varie de 0 à 400 KMF, selon la distance
séparant le paysan de l'entrepôt de stockage
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Paysans
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Frais de l'institution financière
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Type de frais
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Coût
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Acteurs assumant les frais
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Le taux d'intérêt
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5 à 12% du crédit par an
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Paysans
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Frais de gestion
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1% du crédit
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Paysans
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Frais de dossier
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5000 KMF par OP
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avancé par OP et remboursé par chaque paysan
à la fin de l'opération.
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Assurance
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0,5% du crédit
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OP
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Frais de demande
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500 KMF par OP
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OP
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Source : impétrants
Les filières choisies sont principalement celles de
conservation facile, avec des hausses de prix importantes et sûres
entre la période de récolte et de soudure. Il y a principalement
le
35 Elia Sanchez G. et Isabel Suarez S., 2015.
36 Afin de s'assurer que la vente des sacs va permette
à l'institution de récupérer le capital investi, la valeur
du crédit s'ajuste doublement grâce à deux
mécanismes : Tout d'abord, la valeur donnée au sac est
généralement inférieure au prix post-récolte.
Ensuite, le crédit accordé ne dépasse pas 80 % de la
valeur du sac.
37 Le taux d'épargne nantie à constituer varie de
5% à 10% du montant du crédit.
31
girofle et certains produits de légumes pour permettre
les paysans d'obtenir des prêts à moyen terme auprès des
Meck et de devenir plus solvables. La réussite de cette technique de
crédit se concrétise sur la sécurité alimentaire.
Elle peut motiver les agents économiques de l'île à
l'instaurer comme un instrument de crédit rural.
32
DEUXIEME PARTIE
ANALYSE D'UN PROJET DE CREDIT-STOCKAGE A LA MECK.
33
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