Conclusion
Prénom Nom - « Titre de la
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« Nous avons en France trop de polices ou une police
trop compliquée1. »
Cette phrase du criminologue Edmond Locard s'applique
au ressenti qui s'exprime à la fin de ce travail de recherche. Les
institutions policières de la fin du XIXe siècle
s'entremêlent dans un schéma complexe et produisent une
quantité d'archives dans laquelle le chercheur doit se frayer un chemin.
La police ne se résume pas seulement au ministère de
l'Intérieur, à la Préfecture de police, et à la
Sûreté générale. Il faut aussi prendre en compte les
polices municipales - étatisées ou non - et les
prérogatives dont disposent les préfets sur leur
département en matière de maintien de l'ordre. Ce n'est pas tout,
car l'appareil policier n'est qu'une partie de l'administration de la
coercition légitime qui s'organise au début de la
Troisième République ; l'institution judiciaire et le pouvoir
exécutif viennent compléter ce schéma déjà
très complexe. Nous avons cherché tout au long de ce
mémoire à expliquer le fonctionnement, le rôle et les
limites de ces différentes institutions opérant sous
l'égide de ce que nous avons nommé la « machine
d'État » du régime républicain.
La République contre les
anarchistes
Ce travail s'ancre dans une réflexion globale
concernant la Troisième République et le libéralisme de
ses institutions au travers de la question suivante : le régime a t-il
créé de toute pièce une menace anarchiste pour pouvoir se
légitimer ?
Cette hypothèse frontale a été
immédiatement écartée à la vue de la formulation du
principe de la « propagande par le fait » et des nombreuses attaques
à la bombe qui ont marqué la période
étudiée2. Cela ne nous a pas empêché de
nous pencher sur les réponses apportées par le gouvernement
opportuniste pour enrayer la propagation du militantisme anarchiste. Nous avons
ainsi constaté la mise en place d'un maintien de l'ordre
républicain en parallèle du développement d'un mouvement
anarchiste dans les années 1880. Les compagnons profitent de la loi
d'amnistie des communards votée par les opportunistes à leur
arrivée au pouvoir ainsi que du retour des militants internationalistes
réfugiés dans les pays européens frontaliers pour se
réorganiser.
La période étudiée est tout aussi
centrale pour le lecteur qui s'intéresse aux fondements de la
Troisième République et à l'administration
policière que pour celui qui se
1 Edmond Locard, La police, ce qu'elle est,
ce qu'elle devrait être, Payot, 1919.
2 Voir Annexe 1 - Tableau des actions
anarchistes.
Prénom Nom - « Titre de la
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passionne pour l'histoire de l'anarchie. La
libéralisation de la presse favorise autant les « quotidiens
à un sous » adeptes de romans-feuilletons et de faits divers que
les périodiques anarchistes. Puis, pendant la restructuration de la
Sûreté générale et la mise en place des lois «
fondatrices », un premier attentat anarchiste de grande ampleur touche le
café l'Assommoir du théâtre Bellecour à Lyon en
octobre 1882. L'événement marque l'opinion publique - un
garçon de café est tué - et fait prendre conscience
à l'administration de la coercition légitime, la menace que
représente les anarchistes, alors qu'elle redoutait jusqu'à
présent la formation d'une nouvelle Internationale.
Le procès des 66 qui se tient à Lyon en
1883 peut être considéré comme le premier fait d'armes de
l'administration de la coercition légitime sous la Troisième
République. Il s'agit d'enrayer la menace anarchiste à l'aide
d'une législation anti-libérale et contraire aux principes du
régime - la loi Dufaure interdisant l'AIT - dans le but de
protéger le nouveau gouvernement et de légitimer son pouvoir.
Cela ne fait que renforcer les divisions idéologiques entre les
opportunistes et les radicaux, ces derniers reprochant à la
majorité d'avoir fait du procès de Lyon un procès
politique contraire aux idéaux républicains. En outre, si
l'activité anarchiste est ralentie pendant quelques temps à Lyon,
les pratiques militantes évoluent favorisant la stratégie de la
propagande par le fait. Ceci résulte en de nombreuses explosions dans le
courant des années 1880, touchant des lieux symboliques du pouvoir
républicain (notamment les commissariats de police) autant dans la
région lyonnaise que dans la capitale3.
In fine, le gouvernement renforce sa mainmise
sur les pouvoirs de police dans le but d'asseoir son autorité et de
mieux contrôler les politiques du maintien de l'ordre se détachant
de plus en plus des principes républicains4.
L'efficacité des mesures prises pour lutter contre l'anarchisme reste
critiquable au début des années 1890 à la vue des attaques
de Ravachol et de la bombe que lance Vaillant à la Chambre.
L'administration de la coercition légitime sacrifie
définitivement l'idéologie libérale lors des votes des
lois « scélérates » en décembre 1893,
révélant les contradictions qui existent entre l'exercice de
l'État et la doctrine politique.
3 cf. Chapitre 5.
4 cf. la loi municipale de 1884 dans le Chapitre
5.
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Une machine d'État conditionnant la pratique
du pouvoir des républicains
Ainsi, nous avons constaté tout au long de ce
mémoire la présence d'une machine d'État. Malgré
les vagues d'épurations successives touchant l'appareil policier au
début de la Troisième République et les tentatives de
réformes des institutions judiciaires, les opportunistes ne peuvent se
détacher des cadres étatiques installés depuis plusieurs
décennies.
Pour des questions évidentes de moyens, les
républicains conservent en grande partie les agents de la
préfecture de police et les commissaires de la Sûreté tout
en écartant les individus les plus hostiles au nouveau
régime5. L'épuration de la magistrature que plusieurs
historiens ont qualifié d'épuration brutale a de la même
façon écarté les fonctionnaires qui ont
traîné leur robe dans la « boue du 2 décembre »
selon les mots de Camille Pelletan mais ont largement limité leur
réforme de l'institution6. Cependant, il ne faut pas
considérer que le nouveau régime souffre de cet héritage.
Cette machine d'État lui assure une protection contre les menaces
politiques - conservatrices et révolutionnaires - tout en
légitimant son gouvernement opportuniste. Tandis que la
Sûreté Générale a vocation à
disparaître au début de la Troisième République, son
directeur Émile-Honoré Cazelles - un républicain
effronté - insiste sur la nécessité de conserver une
institution en charge du renseignement politique dans le but de protéger
le gouvernement7. Le rapport Cazelles apparaît comme le
document fondateur d'une administration républicaine de la police,
reprenant les cadres et méthodes hérités du Second Empire
tout en développant une doctrine adaptée à la conception
libérale. Du côté de la Préfecture de police, la
suppression de la quatrième brigade de recherches n'a pas
empêché Louis Andrieux de créer son propre réseau
d'indicateurs qui dépasse largement le territoire sur lequel il exerce
sa souveraineté8. Enfin, le ministère de
l'Intérieur se plie aux règles du régime
républicain en soumettant chaque année son budget au vote de la
Chambre mais argumente toujours en faveur du maintien des fonds secrets, qui
financent entre autres la préfecture du Rhône et ses larges
besoins en matière de police politique9. Par ailleurs,
l'institution judiciaire, connaît les mêmes types de
réformes que l'appareil policier :
5 cf. Chapitre 2.
6 cf. Chapitre 4.
7 Voir le rapport Cazelles, Chapitre 2.
8 Voir Louis Andrieux, Souvenirs d'un préfet
de police, op.cit., p.36 et les cartons
concernant les anarchistes du Rhône à la PP.
9 cf. Chapitres 3 et 5.
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l'inamovibilité des magistrats est suspendue en
1883 permettant d'écarter les fonctionnaires les plus
anti-républicains mais ses structures ne sont aucunement remises en
cause10. Au delà du paradoxe que représente une
justice politique illustrée par la présence d'un parquet
nommé par le pouvoir exécutif, la répression du mouvement
anarchiste dans le cadre du procès des 66 a révélé
les rapports de subordination qui existent entre le corps de la magistrature et
le gouvernement11. L'administration de la coercition légitime
tente ainsi de s'adapter à la doctrine républicaine tout en
conservant les pratiques héritées des régimes
précédents.
Il s'agit en fait d'une véritable machine
d'État qui remet en cause l'ensemble des hiérarchies propres au
maintien de l'ordre, dans le seul but de protéger le régime
qu'elle doit désormais servir. Le ministère de l'Intérieur
n'est pas le seul acteur disposant des pouvoirs de police et à
être en charge de la protection de la République : il est certes
à la tête d'une technostructure policière, mais les
institutions de la haute-police jouissent en réalité d'une grande
autonomie. Par conséquent, cet organigramme complexe contraint la mise
en place d'une politique unique et efficace de répression des compagnons
libertaires. L'appareil policier et la magistrature disposent cependant de la
même mission et du même objectif de protection du régime.
C'est pourquoi, il est possible d'évoquer l'existence d'un «
archipel de gouvernement » au début de la Troisième
République, empêchant de conférer aux opportunistes
l'entière responsabilité des politiques antilibérales
visant à enrayer la menace anarchiste.
En somme, il existe un déterminisme de la
machine d'État permettant de dépasser la question du
libéralisme de la Troisième République qui divise les
historiens.
Une administration de la coercition
légitime se révélant dans les sources de l'histoire de
l'anarchisme
L'originalité de cette recherche réside
dans l'approche du maintien de l'ordre à la fin du XIXe
siècle en France à travers l'histoire du mouvement
anarchiste.
Dès le début de cette étude, nous
avons constaté que l'historiographie est toujours dominé par les
travaux de Jean Maitron dont la thèse reste aujourd'hui le travail
de
10 cf. Chapitre 4.
11 Voir les dossiers de carrières des magistrats
au Chapitre 4.
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référence12. Certes, d'autres
chercheurs se sont penchés sur l'évolution de la doctrine
anarchiste13 ou ont étudié les modes de vie
libertaires14. Néanmoins, ces aspects de l'histoire de
l'anarchisme n'ont pas été analysés dans ce
mémoire, car notre intérêt s'exprime avant tout pour le
contexte politique et social lié à l'émergence d'un «
parti révolutionnaire » en France à la fin du XIXe
siècle. Les débuts de la Troisième République, les
Communes de Lyon et de Paris et les questions idéologiques qui divisent
les partisans du nouveau régime sont parties intégrantes de
l'histoire de l'anarchie. Réciproquement, une plongée dans les
milieux libertaires français des années 1880 révèle
l'existence d'une administration du maintien de l'ordre républicain et
permet d'écrire une autre histoire de l'État à cette
époque.
La définition même du terme anarchie
conditionne l'absence de hiérarchie et de structures institutionnelles
garantissant une organisation de type partisane15. Par
conséquent, il n'existe pas de centre d'archives réunissant les
productions et l'activité des militants depuis le milieu du
XIXe siècle. Les historiens s'appuient sur d'autres sources,
que ce soit les papiers réunis par Max Nettlau conservés à
l'ISSH, les mémoires de militants comme Louise Michel et Jean Grave ou
encore les nombreux journaux libertaires édités par les groupes
dans plusieurs régions de France. Néanmoins, ce qui nous a
marqué dans la lecture des différents travaux sur l'anarchisme en
France, reste la large utilisation des sources policières pour
écrire cette histoire d'un mouvement qui a refusé toute forme
d'organisation rigide et codifiée. Jean Maitron utilise les rapports de
surveillance de la Préfecture de police et des documents issus de la
série F7 des Archives Nationale notamment pour évaluer les
effectifs militants16. Marcel Massard et Laurent Gallet ont
largement étudié les fonds de la série 4M des ADR pour
retracer respectivement l'histoire des anarchistes lyonnais17, celle
d'Antoine Cyvoct et du procès des 6618. Plus
récemment, Vivien Bouhey s'est intéressé aux
réseaux des compagnons
12 Nous avons largement fait référence
à l'ouvrage de Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en
France dans ce mémoire, source principale pour retracer
l'évolution du mouvement anarchiste à la fin du XIXe
siècle.
13 Gaetano Manfredonia, Anarchismes et
Changement social, Atelier de Création Libertaire,
2007.
14 Pour exemple : André Nataf, La vie
quotidienne des anarchistes en France..., op.cit. ;
Céline Beaudet, Les milieux libres...,
op.cit.
15 cf. Introduction.
16 Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en
Franc. Tome 1, op.cit., p.128-129.
17 Marcel Massard, Histoire du mouvement anarchiste
à Lyon..., op.cit.
18 Laurent Gallet, Machinations et artifices...,
op.cit.
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à l'aide des archives policières de
nombreux départements en plus de celles de la PP19, tandis
que Gaetano Manfredonia travaille désormais sur la répression
policière du mouvement sur l'ensemble du territoire français et
fait appel aux documents conservés aux ADR20.
Pourtant, si les chercheurs se sont appuyés sur
ces sources pour écrire l'histoire du mouvement anarchiste, ils ne les
ont jamais étudiés pour ce qu'elles étaient
réellement, soit des témoignages de l'administration
policière à la fin du XIXe siècle.
Que ce soit les rapports des agents présents
lors des réunions publiques, les lettres d'indicateurs infiltrés
dans des groupes ou les échanges entre les différentes
institutions en charge de la répression du mouvement anarchiste, les
archives dressent le portrait d'une technostructure du maintien de l'ordre sous
la Troisième République. La Préfecture de police de Paris
et ses moyens dignes de la police secrète du Second Empire, la
Sûreté générale et son réseau de commissaires
spéciaux des chemins de fer et la préfecture du Rhône
largement financée par les fonds secrets du ministère de
l'Intérieur produisent une quantité de documents qui permettent
à la fois d'écrire une histoire du mouvement anarchiste en France
et une histoire du maintien de l'ordre dans les années 1880. Ceci permet
ensuite de proposer une réflexion sur le paradoxe que peut
représenter l'existence d'une police républicaine et de raconter
une autre histoire de l'État au début de la Troisième
République.
Ce mémoire aborde l'histoire de l'anarchisme
sous l'angle de l'administration de la coercition légitime - ce qui a
pour l'instant fait l'objet de peu de travaux21 - et celle d'une
Troisième République largement associée au triomphe du
libéralisme en Europe. Nous estimons donc que ce travail met en
lumière de nouvelles sources pour écrire une histoire de
l'État en France à la fin du XIXe siècle. En
étudiant l'efficacité des réponses apportées par la
technostructure policière et le pouvoir exécutif face à
cette menace politique, nous pouvons analyser le système
régissant les moyens de la répression. D'une part, la
surveillance des militants libertaires n'est pas la mission d'une seule
institution mais est partagée entre les diverses composantes de
l'appareil policier se retrouvant à échanger la plupart des
informations dans un contexte de crise, comme lors de l'attentat de
l'Assommoir22. Une
19 Vivien Bouhey, Les anarchistes contre la
République..., op.cit.
20 Pour exemple : Gaetano Manfredonia, «
Surveillance et répression de l'anarchisme sous la IIIème
République, 1879-1914 : le cas de la Creuse et de la Corrèze
», dans Archives en Limousin, n°46, 2016,
p.49-59.
21 Seul Vivien Bouhey et plus récemment Gaetano
Manfredonia ont posé frontalement la question de la répression du
mouvement anarchiste.
22 cf. Chapitre 3.
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forme de logique régit cette absence de
centralisme démocratique associée jusqu'ici à des
régimes conservateurs ou à une doctrine jacobine rejetée
par les opportunistes. D'autre part, les moyens mis en place pour lutter contre
le fractionnement de l'administration de la coercition légitime tendent
à remettre en cause les fondements du libéralisme, un prix cher
payé pour des résultats très limités.
L'étude du maintien de l'ordre à la fin
du XIXe siècle propose une ouverture pour étudier
l'histoire de l'État et de l'administration républicaine et
creuse l'idée selon laquelle la pratique du pouvoir remet
nécessairement en cause la doctrine des gouvernants. La présence
d'une machine d'État renforce l'éclatement des politiques du
maintien de l'ordre et empêche la mise en place d'une répression
homogène du mouvement anarchiste.
Etudier la Troisième République sous le
prisme de « l'État secret »
Nous n'avons aucunement la prétention de
trancher le débat qui traverse l'historiographie de la Troisième
République consistant à déterminer si le régime
est, autant par la pratique que dans la doctrine, libérale.
En tant que jeune chercheuse et à la vue des
contraintes temporelles dans lesquelles nous avons réalisé le
travail, il est délicat de s'insérer dans des discussions
académiques très riches et parfois complexe. Ceci n'a cependant
jamais été notre objectif et nous avons donc fait le choix de
centrer notre recherche sur les fondements administratifs du pouvoir au lieu
d'étudier la vie politique et les changements de majorité qui
rythment les années 1880. Toutefois, nous regrettons de ne pas avoir
insisté sur l'influence qu'on pu avoir les scrutins électoraux et
les évolutions du rapport de force au sein des républicains de
gouvernement sur les politiques du maintien de l'ordre et la répression
du mouvement anarchiste. Néanmoins les contraintes archivistiques que
nous avons exposées dans le premier chapitre nous ont amené
à détourner cette question en étudiant les structures de
l'administration de la coercition légitime. Les débats à
la Chambre des députés permettent de déterminer les
positions des acteurs politiques quand l'étude des dossiers de
carrières des magistrats confirment la subordination de ce corps
judiciaire au gouvernement.
Une autre limite commune à tout travail de
recherches est le choix des sources primaires étudiées.
L'histoire du mouvement anarchiste à la fin du XIXe siècle a
favorisé l'étude des archives de la PP, de la DSG et de la
préfecture du Rhône. Or, il est possible et nécessaire de
compléter ce travail avec l'analyse des séries 4M de l'ensemble
des archives
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départementales françaises pour
constater si ces institutions subordonnées au ministère de
l'Intérieur produisent une politique homogène du maintien de
l'ordre. Par ailleurs, le large dépouillement que nous avons
réalisé entre les fonds du cabinet du préfet, la
sous-série F7 et les cartons concernant les anarchistes des ADR, nous a
obligé à sélectionner les documents analysés dans
le cadre de ce mémoire. Il est frustrant de ne pas pouvoir exploiter
toutes les archives que nous trouvions pertinentes pour notre sujet et de
devoir tracer la limite de notre recherche.
Ceci n'empêche pas de considérer ce
dépouillement comme une expérience très enrichissante en
tant que jeune chercheuse et nous avons tenté malgré les
contraintes de rendre compte dans ce mémoire de l'importance de ce
travail d'archives. En outre, nous avons constaté qu'il y a
matière à compléter ce travail sur l'administration de la
coercition légitime en République. La complexité de
l'appareil policier a retenu notre intérêt et la large production
de documents associés aux différentes institutions nous pousse
à nous interroger sur la compréhension qu'elles peuvent avoir du
mouvement libertaire en terme de doctrine et de pratique. Il serait aussi
intéressant de réaliser une étude comparative entre les
polices françaises et britanniques dans la lignée du travail de
Constance Bantman23.
Si à l'origine de ce mémoire on trouve
un intérêt pour l'histoire de l'anarchisme, à son terme on
s'est découvert une véritable passion pour l'histoire de la
police et du renseignement. Nous espérons alors que ce travail saura
s'insérer dans l'historiographie de « l'État secret »
instiguée par Sébastien Laurent24 en proposant une
autre approche de l'histoire de la Troisième République à
la fin du XIXe siècle.
En définitive, il n'est pas évident pour
un régime libéral de se défendre face à une menace
venue de son aile gauche et qui s'exprime hors des institutions. Nous devons
reconnaître la difficulté qu'il y a pour l'administration en
charge du maintien de l'ordre d'empêcher un mouvement politique aussi
déstructuré que l'anarchisme de sévir. Cette contrainte
finit néanmoins par être détournée à l'aide
d'une machine d'État écartant la nécessité
sécuritaire au profit de la légitimation de l'autorité de
la République. La répression de l'anarchisme prend le pas sur les
principes du libéralisme et l'efficacité de ce choix se pose
nécessairement : le sacrifice des fondements du régime sur
l'autel des lois « scélérates »
23 Constance Bantman, Anarchismes et
anarchistes en France et en Grande-Bretagne...,
op.cit.
24 Sébastien-Yves Laurent, L'Etat secret,
l'information et le renseignement en France au
XIXe siècle..., op.cit.
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valait-t-il le coup lorsque l'on sait que celles-ci
n'empêchent pas l'assassinat de Sadi Carnot par un anarchiste quelques
mois plus tard ? Nous sommes en droit d'en douter.
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