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L’administration de la coercition légitime en république. Les institutions de l’état face à  l’anarchisme dans les années 1880.


par Amélie Gaillat
Institut des études politiques de Paris - Master de recherche en Histoire 2019
  

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Conclusion

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 175

« Nous avons en France trop de polices ou une police trop compliquée1. »

Cette phrase du criminologue Edmond Locard s'applique au ressenti qui s'exprime à la fin de ce travail de recherche. Les institutions policières de la fin du XIXe siècle s'entremêlent dans un schéma complexe et produisent une quantité d'archives dans laquelle le chercheur doit se frayer un chemin. La police ne se résume pas seulement au ministère de l'Intérieur, à la Préfecture de police, et à la Sûreté générale. Il faut aussi prendre en compte les polices municipales - étatisées ou non - et les prérogatives dont disposent les préfets sur leur département en matière de maintien de l'ordre. Ce n'est pas tout, car l'appareil policier n'est qu'une partie de l'administration de la coercition légitime qui s'organise au début de la Troisième République ; l'institution judiciaire et le pouvoir exécutif viennent compléter ce schéma déjà très complexe. Nous avons cherché tout au long de ce mémoire à expliquer le fonctionnement, le rôle et les limites de ces différentes institutions opérant sous l'égide de ce que nous avons nommé la « machine d'État » du régime républicain.

La République contre les anarchistes

Ce travail s'ancre dans une réflexion globale concernant la Troisième République et le libéralisme de ses institutions au travers de la question suivante : le régime a t-il créé de toute pièce une menace anarchiste pour pouvoir se légitimer ?

Cette hypothèse frontale a été immédiatement écartée à la vue de la formulation du principe de la « propagande par le fait » et des nombreuses attaques à la bombe qui ont marqué la période étudiée2. Cela ne nous a pas empêché de nous pencher sur les réponses apportées par le gouvernement opportuniste pour enrayer la propagation du militantisme anarchiste. Nous avons ainsi constaté la mise en place d'un maintien de l'ordre républicain en parallèle du développement d'un mouvement anarchiste dans les années 1880. Les compagnons profitent de la loi d'amnistie des communards votée par les opportunistes à leur arrivée au pouvoir ainsi que du retour des militants internationalistes réfugiés dans les pays européens frontaliers pour se réorganiser.

La période étudiée est tout aussi centrale pour le lecteur qui s'intéresse aux fondements de la Troisième République et à l'administration policière que pour celui qui se

1 Edmond Locard, La police, ce qu'elle est, ce qu'elle devrait être, Payot, 1919.

2 Voir Annexe 1 - Tableau des actions anarchistes.

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 176

passionne pour l'histoire de l'anarchie. La libéralisation de la presse favorise autant les « quotidiens à un sous » adeptes de romans-feuilletons et de faits divers que les périodiques anarchistes. Puis, pendant la restructuration de la Sûreté générale et la mise en place des lois « fondatrices », un premier attentat anarchiste de grande ampleur touche le café l'Assommoir du théâtre Bellecour à Lyon en octobre 1882. L'événement marque l'opinion publique - un garçon de café est tué - et fait prendre conscience à l'administration de la coercition légitime, la menace que représente les anarchistes, alors qu'elle redoutait jusqu'à présent la formation d'une nouvelle Internationale.

Le procès des 66 qui se tient à Lyon en 1883 peut être considéré comme le premier fait d'armes de l'administration de la coercition légitime sous la Troisième République. Il s'agit d'enrayer la menace anarchiste à l'aide d'une législation anti-libérale et contraire aux principes du régime - la loi Dufaure interdisant l'AIT - dans le but de protéger le nouveau gouvernement et de légitimer son pouvoir. Cela ne fait que renforcer les divisions idéologiques entre les opportunistes et les radicaux, ces derniers reprochant à la majorité d'avoir fait du procès de Lyon un procès politique contraire aux idéaux républicains. En outre, si l'activité anarchiste est ralentie pendant quelques temps à Lyon, les pratiques militantes évoluent favorisant la stratégie de la propagande par le fait. Ceci résulte en de nombreuses explosions dans le courant des années 1880, touchant des lieux symboliques du pouvoir républicain (notamment les commissariats de police) autant dans la région lyonnaise que dans la capitale3.

In fine, le gouvernement renforce sa mainmise sur les pouvoirs de police dans le but d'asseoir son autorité et de mieux contrôler les politiques du maintien de l'ordre se détachant de plus en plus des principes républicains4. L'efficacité des mesures prises pour lutter contre l'anarchisme reste critiquable au début des années 1890 à la vue des attaques de Ravachol et de la bombe que lance Vaillant à la Chambre. L'administration de la coercition légitime sacrifie définitivement l'idéologie libérale lors des votes des lois « scélérates » en décembre 1893, révélant les contradictions qui existent entre l'exercice de l'État et la doctrine politique.

3 cf. Chapitre 5.

4 cf. la loi municipale de 1884 dans le Chapitre 5.

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 177

Une machine d'État conditionnant la pratique du pouvoir des républicains

Ainsi, nous avons constaté tout au long de ce mémoire la présence d'une machine d'État. Malgré les vagues d'épurations successives touchant l'appareil policier au début de la Troisième République et les tentatives de réformes des institutions judiciaires, les opportunistes ne peuvent se détacher des cadres étatiques installés depuis plusieurs décennies.

Pour des questions évidentes de moyens, les républicains conservent en grande partie les agents de la préfecture de police et les commissaires de la Sûreté tout en écartant les individus les plus hostiles au nouveau régime5. L'épuration de la magistrature que plusieurs historiens ont qualifié d'épuration brutale a de la même façon écarté les fonctionnaires qui ont traîné leur robe dans la « boue du 2 décembre » selon les mots de Camille Pelletan mais ont largement limité leur réforme de l'institution6. Cependant, il ne faut pas considérer que le nouveau régime souffre de cet héritage. Cette machine d'État lui assure une protection contre les menaces politiques - conservatrices et révolutionnaires - tout en légitimant son gouvernement opportuniste. Tandis que la Sûreté Générale a vocation à disparaître au début de la Troisième République, son directeur Émile-Honoré Cazelles - un républicain effronté - insiste sur la nécessité de conserver une institution en charge du renseignement politique dans le but de protéger le gouvernement7. Le rapport Cazelles apparaît comme le document fondateur d'une administration républicaine de la police, reprenant les cadres et méthodes hérités du Second Empire tout en développant une doctrine adaptée à la conception libérale. Du côté de la Préfecture de police, la suppression de la quatrième brigade de recherches n'a pas empêché Louis Andrieux de créer son propre réseau d'indicateurs qui dépasse largement le territoire sur lequel il exerce sa souveraineté8. Enfin, le ministère de l'Intérieur se plie aux règles du régime républicain en soumettant chaque année son budget au vote de la Chambre mais argumente toujours en faveur du maintien des fonds secrets, qui financent entre autres la préfecture du Rhône et ses larges besoins en matière de police politique9. Par ailleurs, l'institution judiciaire, connaît les mêmes types de réformes que l'appareil policier :

5 cf. Chapitre 2.

6 cf. Chapitre 4.

7 Voir le rapport Cazelles, Chapitre 2.

8 Voir Louis Andrieux, Souvenirs d'un préfet de police, op.cit., p.36 et les cartons concernant les anarchistes du Rhône à la PP.

9 cf. Chapitres 3 et 5.

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 178

l'inamovibilité des magistrats est suspendue en 1883 permettant d'écarter les fonctionnaires les plus anti-républicains mais ses structures ne sont aucunement remises en cause10. Au delà du paradoxe que représente une justice politique illustrée par la présence d'un parquet nommé par le pouvoir exécutif, la répression du mouvement anarchiste dans le cadre du procès des 66 a révélé les rapports de subordination qui existent entre le corps de la magistrature et le gouvernement11. L'administration de la coercition légitime tente ainsi de s'adapter à la doctrine républicaine tout en conservant les pratiques héritées des régimes précédents.

Il s'agit en fait d'une véritable machine d'État qui remet en cause l'ensemble des hiérarchies propres au maintien de l'ordre, dans le seul but de protéger le régime qu'elle doit désormais servir. Le ministère de l'Intérieur n'est pas le seul acteur disposant des pouvoirs de police et à être en charge de la protection de la République : il est certes à la tête d'une technostructure policière, mais les institutions de la haute-police jouissent en réalité d'une grande autonomie. Par conséquent, cet organigramme complexe contraint la mise en place d'une politique unique et efficace de répression des compagnons libertaires. L'appareil policier et la magistrature disposent cependant de la même mission et du même objectif de protection du régime. C'est pourquoi, il est possible d'évoquer l'existence d'un « archipel de gouvernement » au début de la Troisième République, empêchant de conférer aux opportunistes l'entière responsabilité des politiques antilibérales visant à enrayer la menace anarchiste.

En somme, il existe un déterminisme de la machine d'État permettant de dépasser la question du libéralisme de la Troisième République qui divise les historiens.

Une administration de la coercition légitime se révélant dans les sources de l'histoire de l'anarchisme

L'originalité de cette recherche réside dans l'approche du maintien de l'ordre à la fin du XIXe siècle en France à travers l'histoire du mouvement anarchiste.

Dès le début de cette étude, nous avons constaté que l'historiographie est toujours dominé par les travaux de Jean Maitron dont la thèse reste aujourd'hui le travail de

10 cf. Chapitre 4.

11 Voir les dossiers de carrières des magistrats au Chapitre 4.

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 179

référence12. Certes, d'autres chercheurs se sont penchés sur l'évolution de la doctrine anarchiste13 ou ont étudié les modes de vie libertaires14. Néanmoins, ces aspects de l'histoire de l'anarchisme n'ont pas été analysés dans ce mémoire, car notre intérêt s'exprime avant tout pour le contexte politique et social lié à l'émergence d'un « parti révolutionnaire » en France à la fin du XIXe siècle. Les débuts de la Troisième République, les Communes de Lyon et de Paris et les questions idéologiques qui divisent les partisans du nouveau régime sont parties intégrantes de l'histoire de l'anarchie. Réciproquement, une plongée dans les milieux libertaires français des années 1880 révèle l'existence d'une administration du maintien de l'ordre républicain et permet d'écrire une autre histoire de l'État à cette époque.

La définition même du terme anarchie conditionne l'absence de hiérarchie et de structures institutionnelles garantissant une organisation de type partisane15. Par conséquent, il n'existe pas de centre d'archives réunissant les productions et l'activité des militants depuis le milieu du XIXe siècle. Les historiens s'appuient sur d'autres sources, que ce soit les papiers réunis par Max Nettlau conservés à l'ISSH, les mémoires de militants comme Louise Michel et Jean Grave ou encore les nombreux journaux libertaires édités par les groupes dans plusieurs régions de France. Néanmoins, ce qui nous a marqué dans la lecture des différents travaux sur l'anarchisme en France, reste la large utilisation des sources policières pour écrire cette histoire d'un mouvement qui a refusé toute forme d'organisation rigide et codifiée. Jean Maitron utilise les rapports de surveillance de la Préfecture de police et des documents issus de la série F7 des Archives Nationale notamment pour évaluer les effectifs militants16. Marcel Massard et Laurent Gallet ont largement étudié les fonds de la série 4M des ADR pour retracer respectivement l'histoire des anarchistes lyonnais17, celle d'Antoine Cyvoct et du procès des 6618. Plus récemment, Vivien Bouhey s'est intéressé aux réseaux des compagnons

12 Nous avons largement fait référence à l'ouvrage de Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France dans ce mémoire, source principale pour retracer l'évolution du mouvement anarchiste à la fin du XIXe siècle.

13 Gaetano Manfredonia, Anarchismes et Changement social, Atelier de Création Libertaire, 2007.

14 Pour exemple : André Nataf, La vie quotidienne des anarchistes en France..., op.cit. ; Céline Beaudet, Les milieux libres..., op.cit.

15 cf. Introduction.

16 Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en Franc. Tome 1, op.cit., p.128-129.

17 Marcel Massard, Histoire du mouvement anarchiste à Lyon..., op.cit.

18 Laurent Gallet, Machinations et artifices..., op.cit.

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 180

à l'aide des archives policières de nombreux départements en plus de celles de la PP19, tandis que Gaetano Manfredonia travaille désormais sur la répression policière du mouvement sur l'ensemble du territoire français et fait appel aux documents conservés aux ADR20.

Pourtant, si les chercheurs se sont appuyés sur ces sources pour écrire l'histoire du mouvement anarchiste, ils ne les ont jamais étudiés pour ce qu'elles étaient réellement, soit des témoignages de l'administration policière à la fin du XIXe siècle.

Que ce soit les rapports des agents présents lors des réunions publiques, les lettres d'indicateurs infiltrés dans des groupes ou les échanges entre les différentes institutions en charge de la répression du mouvement anarchiste, les archives dressent le portrait d'une technostructure du maintien de l'ordre sous la Troisième République. La Préfecture de police de Paris et ses moyens dignes de la police secrète du Second Empire, la Sûreté générale et son réseau de commissaires spéciaux des chemins de fer et la préfecture du Rhône largement financée par les fonds secrets du ministère de l'Intérieur produisent une quantité de documents qui permettent à la fois d'écrire une histoire du mouvement anarchiste en France et une histoire du maintien de l'ordre dans les années 1880. Ceci permet ensuite de proposer une réflexion sur le paradoxe que peut représenter l'existence d'une police républicaine et de raconter une autre histoire de l'État au début de la Troisième République.

Ce mémoire aborde l'histoire de l'anarchisme sous l'angle de l'administration de la coercition légitime - ce qui a pour l'instant fait l'objet de peu de travaux21 - et celle d'une Troisième République largement associée au triomphe du libéralisme en Europe. Nous estimons donc que ce travail met en lumière de nouvelles sources pour écrire une histoire de l'État en France à la fin du XIXe siècle. En étudiant l'efficacité des réponses apportées par la technostructure policière et le pouvoir exécutif face à cette menace politique, nous pouvons analyser le système régissant les moyens de la répression. D'une part, la surveillance des militants libertaires n'est pas la mission d'une seule institution mais est partagée entre les diverses composantes de l'appareil policier se retrouvant à échanger la plupart des informations dans un contexte de crise, comme lors de l'attentat de l'Assommoir22. Une

19 Vivien Bouhey, Les anarchistes contre la République..., op.cit.

20 Pour exemple : Gaetano Manfredonia, « Surveillance et répression de l'anarchisme sous la IIIème République, 1879-1914 : le cas de la Creuse et de la Corrèze », dans Archives en Limousin, n°46, 2016, p.49-59.

21 Seul Vivien Bouhey et plus récemment Gaetano Manfredonia ont posé frontalement la question de la répression du mouvement anarchiste.

22 cf. Chapitre 3.

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 181

forme de logique régit cette absence de centralisme démocratique associée jusqu'ici à des régimes conservateurs ou à une doctrine jacobine rejetée par les opportunistes. D'autre part, les moyens mis en place pour lutter contre le fractionnement de l'administration de la coercition légitime tendent à remettre en cause les fondements du libéralisme, un prix cher payé pour des résultats très limités.

L'étude du maintien de l'ordre à la fin du XIXe siècle propose une ouverture pour étudier l'histoire de l'État et de l'administration républicaine et creuse l'idée selon laquelle la pratique du pouvoir remet nécessairement en cause la doctrine des gouvernants. La présence d'une machine d'État renforce l'éclatement des politiques du maintien de l'ordre et empêche la mise en place d'une répression homogène du mouvement anarchiste.

Etudier la Troisième République sous le prisme de « l'État secret »

Nous n'avons aucunement la prétention de trancher le débat qui traverse l'historiographie de la Troisième République consistant à déterminer si le régime est, autant par la pratique que dans la doctrine, libérale.

En tant que jeune chercheuse et à la vue des contraintes temporelles dans lesquelles nous avons réalisé le travail, il est délicat de s'insérer dans des discussions académiques très riches et parfois complexe. Ceci n'a cependant jamais été notre objectif et nous avons donc fait le choix de centrer notre recherche sur les fondements administratifs du pouvoir au lieu d'étudier la vie politique et les changements de majorité qui rythment les années 1880. Toutefois, nous regrettons de ne pas avoir insisté sur l'influence qu'on pu avoir les scrutins électoraux et les évolutions du rapport de force au sein des républicains de gouvernement sur les politiques du maintien de l'ordre et la répression du mouvement anarchiste. Néanmoins les contraintes archivistiques que nous avons exposées dans le premier chapitre nous ont amené à détourner cette question en étudiant les structures de l'administration de la coercition légitime. Les débats à la Chambre des députés permettent de déterminer les positions des acteurs politiques quand l'étude des dossiers de carrières des magistrats confirment la subordination de ce corps judiciaire au gouvernement.

Une autre limite commune à tout travail de recherches est le choix des sources primaires étudiées. L'histoire du mouvement anarchiste à la fin du XIXe siècle a favorisé l'étude des archives de la PP, de la DSG et de la préfecture du Rhône. Or, il est possible et nécessaire de compléter ce travail avec l'analyse des séries 4M de l'ensemble des archives

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 182

départementales françaises pour constater si ces institutions subordonnées au ministère de l'Intérieur produisent une politique homogène du maintien de l'ordre. Par ailleurs, le large dépouillement que nous avons réalisé entre les fonds du cabinet du préfet, la sous-série F7 et les cartons concernant les anarchistes des ADR, nous a obligé à sélectionner les documents analysés dans le cadre de ce mémoire. Il est frustrant de ne pas pouvoir exploiter toutes les archives que nous trouvions pertinentes pour notre sujet et de devoir tracer la limite de notre recherche.

Ceci n'empêche pas de considérer ce dépouillement comme une expérience très enrichissante en tant que jeune chercheuse et nous avons tenté malgré les contraintes de rendre compte dans ce mémoire de l'importance de ce travail d'archives. En outre, nous avons constaté qu'il y a matière à compléter ce travail sur l'administration de la coercition légitime en République. La complexité de l'appareil policier a retenu notre intérêt et la large production de documents associés aux différentes institutions nous pousse à nous interroger sur la compréhension qu'elles peuvent avoir du mouvement libertaire en terme de doctrine et de pratique. Il serait aussi intéressant de réaliser une étude comparative entre les polices françaises et britanniques dans la lignée du travail de Constance Bantman23.

Si à l'origine de ce mémoire on trouve un intérêt pour l'histoire de l'anarchisme, à son terme on s'est découvert une véritable passion pour l'histoire de la police et du renseignement. Nous espérons alors que ce travail saura s'insérer dans l'historiographie de « l'État secret » instiguée par Sébastien Laurent24 en proposant une autre approche de l'histoire de la Troisième République à la fin du XIXe siècle.

En définitive, il n'est pas évident pour un régime libéral de se défendre face à une menace venue de son aile gauche et qui s'exprime hors des institutions. Nous devons reconnaître la difficulté qu'il y a pour l'administration en charge du maintien de l'ordre d'empêcher un mouvement politique aussi déstructuré que l'anarchisme de sévir. Cette contrainte finit néanmoins par être détournée à l'aide d'une machine d'État écartant la nécessité sécuritaire au profit de la légitimation de l'autorité de la République. La répression de l'anarchisme prend le pas sur les principes du libéralisme et l'efficacité de ce choix se pose nécessairement : le sacrifice des fondements du régime sur l'autel des lois « scélérates »

23 Constance Bantman, Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne..., op.cit.

24 Sébastien-Yves Laurent, L'Etat secret, l'information et le renseignement en France au XIXe siècle..., op.cit.

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 183

valait-t-il le coup lorsque l'on sait que celles-ci n'empêchent pas l'assassinat de Sadi Carnot par un anarchiste quelques mois plus tard ? Nous sommes en droit d'en douter.

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 184

Prénom Nom - « Titre de la thèse » - Thèse IEP de Paris - Année 185

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams