Crise politico-religieuse en Afrique centrale. Cas de la RCA.par Matthieu Alidor Kabeya Université de Lubumbashi - Graduate en Relations Internationales. 2017 |
§2. POSITION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALELa situation générale en RCA a poussé la France et la communauté internationale à intervenir pour sécuriser le pays après avoir évacué leurs concitoyens au plus fort des combats. Par la suite, les opérations de maintien de la paix se sont succédé pour désarmer, sécuriser et restaurer la paix dans tout le pays.126(*) Depuis la fin des années 1990, l'ONU est associée aux tentatives de stabilisation de la République centrafricaine. En mars 1998, une Mission des Nations-Unies en RCA (MINURCA), fut envoyée superviser les élections législatives en novembre-décembre 1998 ; présidentielles en septembre 1999. Les Casques bleus furent retirés en février 2000, mais demeura à Bangui un Bureau des Nations-Unies pour la consolidation de la paix en RCA (BONUCA), transformé en Bureau intégré des Nations-Unies pour la consolidation de la paix en RCA (BINUCA) au mois d'avril 2009. Jusqu'à la crise actuelle, de par le manque d'empressement des principaux États, les résultats ne furent guère probants. La ténacité de la France et du Secrétaire général de l'ONU ont peut-être permis une percée décisive : le 10 avril 2014, « constatant que la situation en République centrafricaine appelle une approche unifiée et intégrée, notamment par le déploiement d'une opération de maintien de la paix multidimensionnelle des Nations Unies » le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution n° 2149, créant la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en RCA (MINUSCA), qui mobilisera un effectif de 12.000 personnes.127(*) Cette décision sanctionne l'échec des initiatives africaines. La Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale-CÉMAC mit sur pied la Force multinationale en RCA-FOMUC, déployée en décembre 2002 pour remplacer les soldats libyens envoyés à la rescousse du président Patassé en mai 2001, après la tentative de putsch du général Kolingba. La Communauté économique des États d'Afrique centrale-CÉÉAC, grâce à sa Force multinationale des États d'Afrique centrale-FOMAC, participe à l'Architecture africaine de paix et de sécurité mise en place par l'Union africaine-UA en 2003. Elle tenta de régler par la médiation les troubles récurrents de la RCA. Elle relaya la FOMUC, en juin 2008, pour une mission de maintien de la paix, baptisée pour la circonstance Mission de consolidation de la paix en RCA-MICOPAX. Au mois de mars 2013, le président Djotodia réclama une augmentation des effectifs de la MICOPAX pour assurer la sécurité des populations contre les bandes armées qu'il ne contrôlait plus, ou feignait de ne plus contrôler. La CÉÉAC promit une hausse de 700 à 2 000 hommes, qui tarda à se concrétiser, en dépit de la décision prise en juillet par l'UA de remplacer la MICOPAX par la Mission internationale de soutien à la Centrafrique-MISCA. Cette force d'interposition devait compter à terme 2 475 militaires (dont ceux de la MICOPAX), 1 025 policiers et 152 civils. La MISCA reçut pour mission de contribuer à la protection des civils et à la restauration de la sécurité et de l'ordre public ; à la stabilisation du pays et la restauration de l'autorité de l'État ; à la réforme et la restructuration du secteur de la défense et de la sécurité ; et à la création de conditions propices à la fourniture d'une assistance humanitaire aux populations dans le besoin. Mais les moyens faisant cruellement défaut, les États africains concernés se tournèrent vers l'ONU.128(*) Conformément aux directives de la résolution 2088 du 24 janvier 2013, le Secrétaire général des Nations unies remit au Conseil de sécurité un rapport en date du 5 août 2013. Cela s'inscrivait dans le cadre institutionnel régulier de la Charte de San Francisco : le Secrétaire général, qui « est le plus haut fonctionnaire de l'Organisation», « agit en cette qualité à toutes les réunions de l'Assemblée générale, du Conseil de sécurité, du Conseil économique et social et du Conseil de tutelle. Il remplit toutes autres fonctions dont il est chargé par ces organes. » Le rapport constatait la « faillite totale de l'ordre public» en RCA et jugeait « indispensable de mettre un terme aux souffrances de la population», ce qui ouvrait la possibilité d'invoquer la «responsabilité de protéger la population«, conformément au texte adopté en 2005 par l'Assemblée générale des Nations unies.129(*) Préoccupé par la détérioration de la situation centrafricaine, le Secrétaire général soutenait la décision de l'Union africaine de déployer la MISCA, une nouvelle opération de soutien à la paix appuyée sur des contingents africains. Il proposait au Conseil de sécurité d'offrir l'«assistance technique« de l'ONU. La plus haute instance internationale se voyait conseiller la mise en oeuvre du concept de «consolidation de la paix« élaboré dans la seconde moitié des années 1990. L'ONU le définit comme suit : « La consolidation de la paix comprend un éventail de mesures visant à réduire le risque de retomber dans un conflit, par le renforcement à tous les niveaux des capacités nationales de gestion de crise, et à établir les fondations d'une paix et d'un développement durables. La dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire se poursuivit car, contrairement aux prévisions, les forces françaises furent immobilisées à Bangui par les massacres intercommunautaires, alors que des exactions avaient lieu dans l'ensemble du pays. Pour adapter son action à cette situation inattendue, le Conseil de sécurité adopta la résolution n° 2134, le 28 janvier 2014. Suite à la démission forcée du président intérimaire Djotodia le 10 janvier et à son remplacement par Catherine Samba-Panza dix jours plus tard, le texte prenait acte du changement à la tête des autorités de transition. Il insistait pour que le processus électoral ait bien lieu dans le délai initialement fixé (avant le mois de mars 2015). La résolution soutenait la création d'une commission d'enquête internationale sur les atteintes aux droits de l'Homme en RCA.130(*) La communauté internationale autorisait l'Union européenne à déployer des forces sur le terrain (EUFOR-RCA). Fin janvier 2014 l'Union européenne avait mobilisé une aide financière totale de 200 millions d'euros au profit de la RCA (dont 25,9 millions d'euros pour la MISCA). Mais, comme les analystes et les parlementaires français l'ont plusieurs fois soulignées depuis le 5 décembre 2013, la participation militaire des États membres demeure très limitée car il n'y a pas unanimité pour aider la France. Cela en dépit des demandes réitérées de Paris, notamment du rappel à l'ordre publié par le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense le 14 mars 2014. Mais toutes les parties étrangères engagées légalement en RCA réclamaient une intervention plus ambitieuse et plus substantielle, une opération de maintien de la paix-OMP. « Une opération de maintien de la paix se compose de personnel militaire, de policiers et de civils. Ils travaillent à renforcer la sécurité et à appuyer les processus politiques devant mener à la consolidation de la paix. » Le 10 avril 2014, l'OMP en RCA fut décidée par le Conseil de sécurité des Nations Unies avec l'adoption de la résolution n° 2149, créant la MINUSCA.131(*) Paris et Berlin semblent en avoir conscience, du moins à lire la tribune commune publiée dans Le Monde et la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le 2 avril 2014, par les ministres de la Défense allemande, Ursula von der Leyen, et français, Jean-Yves Le Drian. Le couple franco-allemand, moteur de la construction européenne, paraît décidé à provoquer un sursaut lorsqu'ils écrivent : « en situation de crise, l'engagement de moyens militaires ne remplace certainement pas les solutions politiques, mais il contribue à stabiliser des États fragiles, à protéger les populations, et, au final, à créer ainsi les conditions essentielles pour reconstruire et démocratiser un pays».132(*) * 126BABETTE ZOUMARA ET IBRAHIM ABDUL-RAUF, Texte traduit par ÉLISABETH NYFFENEGGER, Genèse de la crise en république Centrafricaine, https://www.pambazuka.org/fr/governance/genèse-de-la-crise-en-république centrafricaine, P.30, visite le 29/07/2017 à 16h09 * 127BABETTE ZOUMARA ET IBRAHIM ABDUL-RAUF, Op.cit., P.25 * 128BABETTE ZOUMARA ET IBRAHIM ABDUL-RAUF, Op.cit., P.26 * 129Idem, P.30 * 130BABETTE ZOUMARA et IBRAHIM ABDUL-RAUF, Op.cit., P.30 * 131PATRICE GOURDIN, Études Géostratégiques de la Misca, https://etudesgeostrategiques.com/tag/misca/, visite le 29/07/2017 à 16h09, P.20 * 132PATRICE GOURDIN, Op.cit., P.20 |
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