1.2. Présentation du modèle des 3E 28
Les recherches empiriques sur l'entrepreneuriat sont
nombreuses, pourtant le champ manque d'un cadre théorique solide.
L'absence d'une définition standardisée de l'entrepreneur et de
l'entrepreneuriat constitue un frein à la progression des connaissances.
Le paradigme dominant, celui de Schumpeter, l'entrepreneur innovateur,
présente une dimension trop limitée du phénomène
entrepreneurial. La conception proposée ici, celle de
l'entrepreneurinitiateur d'un processus complexe.
Initiateur, car l'entrepreneur est celui qui ouvre une
nouvelle porte, qui offre des nouvelles possibilités.Processus
car la dimension temporelle est l'essence même de l'entrepreneuriat,
Il est le mouvement, état d'esprit, et un chemin.Complexité
car la création d'entreprise est la combinaison étroite et
permanente d'une composante stratégique et d'une composante
psychologique.
Paturel a énuméré sept paradigmes avec
«une conception extensive 29 » :
- Une approche par les traits: qui consistent à
identifier l'entrepreneur par ses caractéristiques propres à lui.
Il s'agit de répondre à la question « Qui ? ».
L'utilisation de cette approche est limitée, sauf si un changement
important lié aux caractéristiques influence l'organisation;
- Une approche par les faits; cette approche permet de
répondre à la question « Quoi ? », elle
s'intéresse aux comportements de l'entrepreneur;
- Une approche par l'impulsion de l'organisation : il s'agit
de représenter l'entrepreneuriat par l'émergence d'une
organisation. Cette dernière est définie par l'identification de
quatre propriétés classées en deux catégories 30 :
les propriétés processuelles (l'intention et l'échange) et
les propriétés structurelles (les ressources et les limites).
Quand l'intention, l'échange, les ressources et les limites sont
présents et interagissent entre eux, estiment qu'il existe une
organisation. L'intention est la volonté d'agir pour créer une
organisation, elle précède souvent les trois autres
propriétés. L'échange qui permet de communiquer en interne
avec les acteurs de l'organisation et en externe avec son environnement.
Favoriser les ressources nécessaires: humaines, financières
28THÈSE / UNIVERSITÉ DE BRETAGNE
OCCIDENTALE: Structure, fonctionnement et évolution des Equipes
Entrepreneuriales: une modélisation systémique dans une
perspective l'accompagnement à la création d'entreprises,
présentée par Nesrine MILIANIMOSBAH Thèse soutenue le 10
décembre 2015 29 PATUREL R., 2007, Grandeurs et servitudes de
l'entrepreneuriat, Revue internationale de psychosociologie et de gestion
des comportements organisationnels, p. 32.
30KATZ J., GARTNER W.B., 1988, « Properties of
Emerging Organizations »,Academy of
Management Review, p. 429~441
19
Problématique de l'entrepreneuriat informel
dans la cité de Kisantu:typologie basée surle modèle des
3E
et matérielles pour donner naissance à une
organisation et les limites permettent, en premier lieu, de donner un statut
propre à l'organisation et en deuxième lieu de la séparer
de son environnement et de l'individu;
- Une approche par les opportunités ; elle consiste,
d'abord, à identifier les opportunités, ensuite à les
étudier et enfin à les exploiter;
- Une approche par le processus; elle consiste à
décrire les étapes de création et de reprise des
organisations;
- Une approche par l'innovation ; il s'agit pour cette
approche de rendre compte du processus entrepreneurial par la mise en place de
nouveaux produits, de nouveaux marchés, de nouvelles
techniques31 ;
- Une approche par la création d'une valeur nouvelle
adaptée par Paturel : «Il s'agit d'une extension de l'approche
par l'innovation adaptée au champ de l'entrepreneuriat ». Elle
consiste à innover pour créer de la valeur ou économiser
la valeur existante.
L'auteur(Paturel) combine les différentes approches
citées précédemment pour proposer une définition de
l'entrepreneuriat repris au premier chapitre. Pour rendre le champ de
l'entrepreneuriat encore plus intelligible, il a posé trois
questions:
- « what », le quoi ? Il suffit de se concentrer sur
l'entrepreneur. A l'instar de Schumpeter, l'entrepreneur est un acteur de
l'innovation ; c'est grâce à ses initiatives et à sa prise
de risque qu'il apporte un changement essentiel à l'entreprise. Son
rôle est non seulement d'agir pour créer une entreprise mais aussi
de trouver des possibilités encore inconnues dans l'environnement et
d'être Pionner pour avoir la fonction d'entrepreneur;
- « Why and Who: le pourquoi? Le qui ? Cette approche
s'intéresse aux caractéristiques propres à l'entrepreneur
: ses traits de personnalités, ses comportements, explique plus
concrètement que les motivations, les capacités, les aptitudes,
les compétences et la formation de l'entrepreneur forment son
comportement.
- « How », le comment ? Cette approche qui fait
référence au processus entrepreneurial Comment l'entrepreneur
agit-il pour créer une entreprise? Nous
31SCHUMPETER J.A., 1934,The Theory of Economic
Development: An Inquiry Into Profits, Capital, Credit, Interest, and the
Business Cycle, Transaction Publishers, 324 p.
20
Problématique de l'entrepreneuriat informel
dans la cité de Kisantu:typologie basée surle modèle des
3E
nous intéressons alors aux interactions entre
l'environnement, l'entrepreneur et le projet pour aboutir,in fine,
à la décision de créer ou non une organisation. En effet,
ce n'est pas la structure juridique qui fait l'entrepreneuriat mais c'est le
cheminement processuel complexe par lequel passe le porteur de projet.
La thèse de R. PATUREL proposait « le
modèle des 3 E » Comme un décrypteur intégratif pour
l'évaluation des décisions de gestion. Il le définissait,
en effet, comme un méta-modèle servant à garantir la
cohérence entre « les 3 E » constitutifs de la décision
que sont:
- Premier (E) : le porteur de
projet, le dirigeant-intrapreneur ou l'intrapreneur), et ses aspirations, qui
exige un diagnostic personnel approfondi de créateur potentiel;
- Le deuxième (E) : est
l'ensemble des ressources et des compétences intégrées
à l'Entreprise ou d'une façon plus générale
à l'organisation;
- Le troisième(E),
représente les possibilités de l'Environnement
qu'il soit global, spécifique ou local.
En d'autres termes, leE1 concerne les
ambitions du créateur, qui sont traduites par le lancement dans la
création d'entreprise. LeE2 est l'ensemble de
ressources et de compétences qui permettent au créateur de passer
à l'action de la création. LeE3
caractérise un environnement favorable permettant au
créateur de se lancer dans la création d'entreprise sereinement
;( environnement économique, socioculturel, etc.)
Ce modèle de 3E est présenté dans le
graphique ci-après:
E3
2
B
C
1
D
3 E2
E1
2 Projet viable
21
Problématique de l'entrepreneuriat informel
dans la cité de Kisantu:typologie basée surle modèle des
3E
Figure 1 : Le modèle des 3 E (R. Paturel,
1997)
Schématiquement (Figure 1), les décisions
optimisant les chances de réussite de l'organisation émergeraient
à la convergence des « 3 E »
symbolisée par la zone noire du schéma. Les décisions des
zones 1, 2 et 3 aboutiraient
à des échecs à plus ou moins long terme et celles
symbolisées par B, C et
D, pourraient être envisagées grâce
à des aides ou accompagnements (en matière d'opportunités
de l'environnement, de compétences, voire d'envie de faire du dirigeant,
non encore perçues ou maîtrisées par l'organisation),
élargissant la zone noire.
Dans le cas où il appartient aux zonesB, C et D
, il faudrait apporter des solutions pour qu'il rentre dans cette zone de
cohérence:
? Soit en trouvant les moyens pour acquérir des
compétences et des ressources nécessaires pour le bon
fonctionnement du projet(zone B ),
? Soit en redéfinissant le projet pour que le
créateur s'y projette et soit cohérent avec ses
aspirations(zone C ),
? Ou alors en apportant des modifications au projet afin qu'il
soit adapté à son environnement(zone D)
.
Sous son apparente simplicité, ce modèle est
particulièrement éclairant pour appréhender les situations
de management stratégique exogène qui retiennent plus
particulièrement notre attention dans ce travail. Il a d'ailleurs
été utilisé par PATUREL pour décrire la
problématique du montage de création ou de reprise
d'entreprise.
Par ailleurs, Levy Tadjine et Paturel font état de la
dynamique du modèle en montrant qu'à tout moment, le
créateur peut oeuvrer sur l'un des « 3 E ».
En effet, l'entrepreneur ayant, par exemple, mené des actions afin
d'accroitre les possibilités de l'environnement peut, par la suite
être conduit à mobiliser des compétences en vue de
répondre à cet environnement élargi.32
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