Clément REUSSARD
Diplôme d'Etat d'Educateur Spécialisé
DC 2 : Conception et conduite de projet éducatif
spécialisé
Session de juin 2014
Mémoire professionnel
Processus d'autonomisation des jeunes pris
en
charge au titre de l'ASE et accès aux
droits
Sommaire
Remerciements
Introduction 1
Caractéristiques de la structure 3
1. L'association : les Pupilles de l'Enseignement Public 3
2. L'institution : la Maison du Couesnon 4
3. Les missions 4
4. L'équipe 5
5. Le cadre juridique d'intervention 5
6. La population accueillie 7
Situations observées et questionnements
11
a) Situation de Yasmine : 11
b) Situation de Gaëlle : 12
c) Situation d'Abu : 14
d) Situation d'Ajmal 16
Problème professionnel 18
Apports théoriques 21
1. Contexte : 21
a) Evolution de la jeunesse d'hier à aujourd'hui 21
b) Les politiques sociales à destination des jeunes pris
en charge au titre de l'ASE 27
c) Quelques constats actuels à l'échelle du
département 30
2. Soutien à l'autonomie et accès aux droits : une
contradiction ? 35
a) L'autonomie : éléments de définitions
35
b) Un constat : l'injonction (paradoxale) à l'autonomie
(financière) des jeunes majeurs 37
c) Accompagner vers l'autonomie et l'accès aux droits :
la prise en compte du sujet 38
d) Les préconisations de l'ONED... qui coïncident
avec mes observations de terrain 42
Projet 43
1. Qu'est-ce qu'un projet éducatif
spécialisé ? 43
2. Diagnostic 43
3. Axes de travail 45
4. Actions éducatives 45
a) Permettre au jeune d'intégrer la temporalité de
son accompagnement éducatif. 47
b) Permettre au jeune de mieux situer les lieux ressources du
territoire 51
Conclusion 54
Bibliographie 56
Glossaire 59
Annexes 60
Remerciements
J'aimerai remercier tous ceux qui ont contribué de
près ou de loin à l'élaboration de ce mémoire
professionnel.
Je souhaite remercier Géraldine Berthelot, ma
formatrice de terrain, pour tout ce qu'elle m'a apporté durant mon stage
à la Maison du Couesnon et toutes les réflexions qu'elle a su
susciter en moi.
J'en profite pour remercier tous les professionnels de la
Maison du Couesnon qui se sont toujours montré bienveillants et
disponibles à mon égard.
Je remercie également Stéphane Le Creurer, mon
intervenant d'atelier mémoire, qui aura toujours su me renvoyer des
questionnements pertinents me permettant d'aller plus loin dans ma
réflexion et de ne pas me perdre en chemin.
Je remercie mon frère pour son laborieux et minutieux
travail de relecture.
Je remercie Alexandre M'Bodje, mon conseiller
pédagogique, pour sa grande disponibilité, et ce, durant toute la
formation.
Je remercie les collègues de promotion, les amis, qui
m'ont apporté une aide ou un soutien dans les différents moments
de blocage. Ils se reconnaitront.
Je remercie mes parents pour tous les sacrifices qu'ils ont
consentis et pour le soutien financier qu'ils m'ont toujours apporté
dans la réalisation de mes études.
Enfin, je souhaite profiter de cet espace pour remercier tous
les jeunes, du service extérieur et de l'internat, que j'ai eu la chance
de connaître à la Maison du Couesnon. Ils m'auront tous
apporté quelque chose, consciemment ou non.
« L'objectif de toute éducation devrait
être de projeter chacun dans l'aventure d'une vie à
découvrir, à orienter, à construire. 1 »
(Albert Jacquard)
1 Jacquard A., Abécédaire de
l'ambiguïté, de Z à A des mots des choses et des concepts,
Points, 1989.
1
Introduction
Durant ma formation, j'ai effectué mon stage de
première année au sein d'un Institut Médico-Educatif
auprès de jeunes âgés de 13 à 15 ans
présentant une déficience et/ou un retard mental léger ou
moyen, avec ou sans troubles associés. Cette expérience m'aura
permis de découvrir le fonctionnement d'une structure
médico-sociale mais aussi de mieux appréhender le handicap,
notamment psychique.
Mon stage de deuxième année s'est
déroulé au sein d'un foyer d'accueil d'urgence à
São Paulo au Brésil auprès d'enfants et adolescents
âgés de 0 à 18 ans en situation de risque social, de rue ou
d'abandon. Ce stage m'aura permis de découvrir une autre
réalité du travail social, ainsi que d'autres manières de
travailler.
Pour mon stage de troisième année
d'éducateur spécialisé, je souhaitais travailler
auprès de jeunes majeurs pris en charge au titre de l'Aide Sociale
à l'Enfance. Non seulement, je voulais découvrir la protection de
l'enfance en France, mais c'est aussi une tranche d'âge et un public avec
lequel je n'avais jamais eu l'occasion de travailler auparavant. De plus, je
voulais expérimenter l'accompagnement éducatif et auprès
d'un public qui ne me semblait a priori aucunement contraint de
recevoir une aide éducative dans la mesure où c'est au jeune d'en
faire la demande auprès d'un Centre Départemental d'Action Social
à partir du moment où il est majeur. Nous le verrons, la
réalité est un peu plus complexe que la vision des choses que
j'avais alors.
En effet, cette réalité s'inscrit dans un
contexte qu'il nous faut discerner avec attention pour mieux comprendre les
tenants et les aboutissants de l'accompagnement destiné à ce
public. Ce processus de décryptage du contexte a fait écho chez
moi à une précédente recherche que j'avais menée
à l'université sur une action d'insertion par le sport
destinée aux personnes éloignées de l'emploi. Pour
comprendre véritablement la philosophie politique qui gouvernait une
telle proposition, il fallait la resituer dans un contexte plus global, de
politiques d'activation, de contractualisation et de
responsabilisation2.
Il est important de relever également que les jeunes de
cette tranche d'âge sont confrontés à un contexte
économique peu favorable pour s'insérer sereinement dans la
société. Une société qui considère par
ailleurs que, durant cette période de la vie, le soutien doit reposer
principalement sur la famille. Qu'en est-il des jeunes en difficulté ou
en rupture avec leur famille ? Quelles sont les politiques sociales
proposées pour cette catégorie ? Quelles sont les
conséquences, à terme, de ces politiques sociales sur leurs
parcours de vie ?
Cette période de la vie est, en plus,
déterminante à bien des égards car elle est à la
croisée des chemins entre l'adolescence et l'âge adulte. C'est une
période où l'on fait l'apprentissage de
2 Le Yondre F., Vrais chômeurs et vrais
sportifs. Le sport face au chômage comme instrument disciplinaire ou
support de tactiques identitaires : des catégories sociales en jeu,
2009.
2
l'autonomie et où l'on est confronté à
des choix cruciaux, scolaires et professionnels, mais aussi tout simplement des
choix de vie qui viennent impacter durablement celle-ci.
Ce sont tous ces questionnements qui viendront nourrir ma
réflexion tout au long du stage que j'ai effectué d'avril 2013
à mars 2014 au sein de la Maison du Couesnon, principalement
auprès de jeunes âgés de 16 à 21 ans accueillis dans
le cadre du service extérieur.
Pour développer ma réflexion, je
présenterai tout d'abord les caractéristiques de la Maison du
Couesnon. Ce détour me semble essentiel pour situer mon contexte
d'intervention.
Puis, je m'appuierai sur mes observations et mes
questionnements pour élaborer un diagnostic de terrain qui me permettra
de faire certains constats et de soulever un problème professionnel.
Par la suite, en lien avec ces premiers
éléments, je développerai des apports théoriques
qui me permettront de mieux comprendre les phénomènes actuels qui
touchent la jeunesse, et de mieux appréhender les politiques sociales
destinées aux jeunes pris en charge au sein de la protection de
l'enfance. Je viendrais ensuite interroger le concept d'autonomie pour le
mettre en lien avec l'accès aux droits.
Enfin, pour répondre aux besoins de ce public, je
proposerai un projet d'actions éducatives qui s'appuiera sur des moyens
de réalisation et d'évaluation.
3
Caractéristiques de la structure
1. L'association : les Pupilles de l'Enseignement
Public
Les Pupilles de l'Enseignement Public (PEP) sont un mouvement
laïc intervenant auprès des personnes victimes de pauvreté,
d'exclusion sociale ou en situation de handicap.
Depuis 1917, l'association continue son action de
solidarité et d'éducation pour répondre aux besoins des
enfants, des adolescents, des jeunes majeurs, et des familles en
difficulté.
L'association fournit un cadre légal et logistique,
apporte ses compétences et son expérience au
bénéfice d'actions partenariales en réponse aux appels
d'offre des pouvoirs publics dans le respect des réglementations en
vigueur, qu'elles soient nationales ou européennes.
Le projet d'établissement souligne que l'association
travaille au nom des valeurs de laïcité, de solidarité,
d'éducation, et d'humanisme. Pour elle, ces valeurs sont :
-Facteur de paix et fondement d'une société
respectueuse d'autrui, des libertés individuelles et collectives ;
-Le fondement d'une citoyenneté responsable ;
-Facteur de liberté et d'épanouissement de
l'Homme, rejetant toutes formes de ségrégation ;
-Elle rejette également la marchandisation de
l'éducation et des loisirs.
L'association s'engage à :
-Affirmer, vivre et réaliser en toute indépendance
sa complémentarité avec les services
publics ;
-Maintenir ses liens privilégiés avec l'Ecole ;
-Reconnaitre chaque personne dans le respect de son
individualité, de son unicité et du
principe d'une égale dignité ;
-Favoriser l'accès à l'autonomie de l'enfant, de
l'adolescent, du jeune majeur avec la
participation des familles ;
-Eduquer au civisme et à la responsabilité.
L'association gère quinze établissements ou
services médico-sociaux permanents en Ille et Vilaine dont quatre Maison
d'Enfants à Caractère Sociale. La Maison du Couesnon est l'un de
ces établissements.
4
2. L'institution : la Maison du Couesnon
La Maison du Couesnon (MDC) est une Maison d'Enfant à
Caractère Social (MECS) créée entre 2006 et 2007 suite
à des études soulignant un déficit de places d'accueil
pour les jeunes confiés au département ainsi qu'à la
Direction Départementale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse
(DDPJJ). Elle est financée par ces deux institutions.
La MDC inscrit ses compétences et ses savoirs-faires
dans l'action politique définie par l'Association Des Pupilles de
l'Enseignement Public (ADPEP 35), en mettant en pratique les valeurs de
l'association et en inscrivant sa démarche professionnelle au service
d'une mission publique.
La MDC dispose de ses actuels locaux sur Fougères
depuis juin 2011. Elle s'organise en deux services éducatifs :
1- Le service internat qui propose trois
formes d'hébergement pouvant accueillir jusqu'à :
|
Nombre de places
|
Tranche d'âge
|
Internat
Collectif et mixte (chambres individuelles)
|
8
+ 1 chambre de repli/DAP
|
0 à 18 ans
|
Studios individuels internes
|
2
|
15 à 18 ans
|
Appartements de proximité3 (service
extérieur)
|
5 places en appartements + 1 jeune hébergé en
FJT ou dans son propre logement
|
16 à 21 ans
|
2- Le service Dispositif Alternatif au Placement
(DAP) qui accompagne 11 jeunes au domicile familial.
3. Les missions
La MDC a pour mission d'accueillir des jeunes enfants,
adolescents et jeunes majeurs de 0 à 21 ans, conformément aux
principes fondamentaux de : droit à la protection des enfants ; maintien
des liens avec la famille ; droit des parents à mettre en oeuvre leurs
responsabilités notamment en matière d'autorité
parentale.
Elle a pour volonté de proposer un lieu d'accueil
adapté à la problématique des jeunes, afin qu'ils puissent
trouver une protection morale et physique, une sécurité
matérielle et un lieu d'écoute. Elle propose une prise en charge
éducative quotidienne et prépare les éventuels retours au
domicile naturel de l'enfant.
Pour le moment, il n'y a pas de projets de service qui
viendraient définir les missions des différents services.
3 Les appartements du service extérieur sont
tous situés dans le centre-ville de Fougères. Il s'agit de T1
individuels d'environ 25m2.
4. L'équipe
Service internat
+ service extérieur** 7 ETP
Organigramme de la Maison du
Couesnon
Directeur 0,5 ETP*
Chef de service 1 ETP
Psychologue 0,8 ETP
Service éducatif
Service généraux
Administratif et gestion
Service DAP 7 ETP
Familles d'accueil 2 ETP
Surveillants de nuit 2 ETP
Agent d'entretien 0,4 ETP
Maîtresse de maison 1 ETP
Ouvrier d'entretien 0,8 ETP
Secrétaire-comptable 1 ETP
Comptable 0,3 ETP
5
*ETP : Equivalent Temps Plein
** Le service extérieur est intégré
au service internat. En effet, une seule éducatrice
spécialisée (1 ETP) travaille sur le service extérieur. De
fait, il a été décidé cette intégration afin
que le service extérieur ne soit pas isolé. Les réunions
éducatives se tiennent donc en présence des éducateurs du
service internat et l'éducatrice du service extérieur. Les
éducateurs de l'internat assument également la
co-référence (environ une chacun) des jeunes du service
extérieur.
5. Le cadre juridique d'intervention
La Maison du Couesnon intervient auprès d'enfants,
adolescents et jeunes majeurs dans le cadre de :
- L'accueil provisoire, définit par
l'article 222-5 du Code de l'Action Sociale et des Familles comme suit : «
Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur
décision du président du conseil général :
1° (L. n° 2007-293 du 5 mars 2007, art. 22) « les
mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel
et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel,
modulable selon leurs besoins en particulier de stabilité affective,
ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières
nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un
établissement ou dans un service (...) » 4..
4 Code de l'Action Sociale et des Familles,
Dalloz, 2010, p.181.
6
- L'accueil provisoire jeune majeur (A.P.J.M)
régit par l'article L.222-5 qui énonce que «
peuvent être également pris en charge à titre
temporaire par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance
les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins
de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d'insertion
sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants
»5. Cet accueil prend la forme d'un contrat établit
entre le jeune majeur, et le département. Il est signé pour une
durée d'un ou plusieurs mois et renouvelable jusqu'aux 21 ans de
l'usager. C'est ce dernier qui est à l'origine de la demande d'A.P.J.M,
dont l'accompagnement est d'ordre à la fois social, professionnel et
éducatif. Tout d'abord destiné aux adolescents pris en charge par
l'ASE à leur minorité, l'A.P.J.M. peut être aujourd'hui
demandé par tout majeur en difficulté âgé entre 18
et 21 ans.
- Mesure d'assistance éducative :
l'article 375 du code civil énonce que « si la santé, la
sécurité, ou la moralité d'un mineur non
émancipé sont en danger, ou si les conditions de son
éducation ou de son développement physique, affectif,
intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance
éducative peuvent être ordonnées par justice à la
requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux
[...]de la personne ou du service à qui l'enfant a été
confié [...]du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère
public. »
Cet article est applicable « sur le territoire
français à tous les mineurs qui s'y trouvent, quelle que soit
leur nationalité ou celle de leurs parents. [...]. Un mineur, non
autorisé à résider en France, retenu en zone d'attente
peut faire l'objet d'une mesure de protection, une zone d'attente se trouvant
sous contrôle administratif et juridictionnel national
»6.
- Placement protection de la jeunesse : selon
l'article 1er de l'ordonnance du 2 février 1945 «
les mineurs auxquels est imputés une infraction qualifiée de
crime ou délit ne seront pas déférés aux
juridictions pénales de droit commun et ne seront justiciables que des
tribunaux pour enfants ». L'article 2 rajoute que « le
tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs prononceront, suivant
les cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et
d'éducation qui sembleront appropriées
»7.
5 Code de l'Action Sociale et des Familles,
Dalloz, 2010, p.181.
6 Code Civil, Dalloz, 2009, p.606.
7 Code Pénal, Dalloz, 2009, p.2069.
7
6. La population accueillie
Sur l'internat :
L'établissement accueille pour des durées
variables des enfants et adolescents dont les familles se trouvent en
difficulté momentanée ou durable, et ne peuvent, seules ou avec
le recours de proches, assumer la charge et l'éducation de leurs
enfants. Les jeunes sont placés à la MDC suite à une
décision judiciaire ou administrative.
Depuis 2007, l'établissement constate que les
problématiques rencontrées par les jeunes accueillis à la
MDC sont souvent les suivantes8 :
- « Jeunes avec troubles du comportement (exemples :
instabilité, agressivité, agitation) ;
- Victime de maltraitance physique ou morale par un membre de la
famille ;
- Avec des conduites addictives (aux jeux vidéo, à
l'ordinateur, à la cigarette) ;
- Ayant connu des échecs scolaires
(déscolarisation, absence de projet scolaire, redoublement) ;
- Victimes de violences, principalement des agressions sexuelles
;
- Auteurs d'agressions sexuelles ;
- Ayant un suivi psychologique important, et des traitements
médicaux lourds. »
On pourrait ajouter que ces jeunes ont pour la plupart connus
des carences affectives et éducatives pendant leur enfance, troublant
ainsi leur développement psychoaffectif. Une autre raison de leur
placement est également souvent le fait d'une conduite addictive des
parents, bien souvent l'addiction à l'alcool. Des conflits ont souvent
été repéré au sein de leur famille : avec leur
propres parents ou au sein de la fratrie. Enfin, une grande majorité
d'entre eux ont connu d'autres formes et lieux de placements (familles
d'accueil, autres foyers).
En mars 2014, à la fin de mon stage, l'internat
(studios compris) comptait 10 jeunes. Voici leur répartition selon les
critères de genre, d'âge, de scolarité et de forme
d'hébergement :
Genre
|
Age
|
Scolarité
|
Hébergement
|
F
|
11 ans
|
CM2
|
Collectif
|
F
|
11 ans
|
6ème
|
Collectif
|
H
|
12 ans
|
6ème
|
Collectif
|
F
|
12 ans
|
5ème
|
Collectif
|
F
|
15 ans
|
3ème
|
Collectif
|
H
|
15 ans
|
Seconde
|
Collectif
|
H
|
16 ans
|
Seconde
|
Collectif
|
F
|
16 ans
|
Seconde
|
Collectif
|
H
|
15 ans
|
Seconde
|
Studio interne
|
H
|
16 ans
|
Apprentissage
|
Studio interne
|
8 Cf. le projet d'établissement de la Maison du
Couesnon
8
Sur le service extérieur
:
Note importante : Mon stage
s'étant principalement réalisé sur le service
extérieur de la MDC, la suite de ce mémoire professionnel se
focalisera exclusivement sur les jeunes accueillis sur ce service.
Le service extérieur est habilité à
accueillir des jeunes de 16 à 21 ans hébergés en
appartement de proximité. Le service peut parfois accompagner des jeunes
vivant dans des logements ne dépendant pas de l'association. Ainsi,
selon leur projet, des jeunes résidant en Foyer de Jeunes Travailleurs
(FJT), ou en logement privé peuvent également
bénéficier d'un suivi éducatif.
Les jeunes mineurs et majeurs, garçons et filles, sont
accueillis au service dans le cadre de mesures de garde, d'Accueils Provisoires
(AP), d'Accueils Provisoires Jeunes Majeurs (APJM). Même si cela se fait
de plus en plus rare, le service peut également accueillir des jeunes
issus de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) dans le cadre de
l'ordonnance de 1945.
Les jeunes sont la plupart du temps scolarisés ou en
formation. Parfois, ils arrivent sur le service après un échec
scolaire ou une déscolarisation. Le suivi éducatif intègre
très souvent un objectif d'insertion professionnel dans le cadre de la
prise en charge.
La majorité des jeunes mineurs et majeurs,
garçons et filles, ont un passé institutionnel (foyer, famille
d'accueil, assistance éducative...).
Les jeunes accompagnées par le service ont entre 16 et
21 ans. Autrement dit, ils vont entrer ou commencent leur vie d'adulte et
doivent ainsi être accompagné dans l'autonomisation que cela
induit.
Comme sur l'internat, beaucoup de ces jeunes ont connus durant
leur enfance et adolescence des carences affectives et/ou éducatives
troublant ainsi leur développement psychoaffectif. Il s'agit souvent de
jeunes en situation d'isolement social qui ont peu de personnes ressources sur
lesquelles s'appuyer.
Le service accueille également des jeunes migrants :
Mineurs Isolés Etrangers (MIE) ou Majeurs Etrangers (ME). Par
définition, ceux-ci n'ont pas de famille sur le territoire
Français et doivent surmonter l'obstacle de la différence
culturelle, et bien souvent de la barrière de la langue. Un
accompagnement plus soutenu leur est proposé dans le cadre de la
régularisation de leur situation administrative.
Malgré une population assez polymorphe, j'ai pu
identifier durant mon stage deux grands types de profil sur le service
extérieur :
-Une partie des jeunes sont accompagnés puisqu'en
difficulté vis-à-vis de leur environnement familial (rupture
familiale totale ou partielle à la suite de conflits, ou parents en
difficulté).
-Une autre partie des jeunes concerne les Mineurs
Isolés Etrangers et les Majeurs Etrangers (suivi à partir de leur
majorité dans le cadre d'un APJM).
9
En mars 2014, le service extérieur accompagnait quatre
jeunes âgés entre 17 et 20 ans :
Sexe
|
Age
|
Scolarité
|
Hébergement
|
Mesure
|
Origine
|
Admission
|
F
|
17
|
Terminale CAPA « Service en Milieu Rural
»
|
Appartement MDC
|
Garde ASE
|
France
|
02/13
|
H
|
17
|
1ere générale
|
Appartement MDC (auparavant internat puis studio)
|
OPP
|
Cameroun
|
01/12
|
F
|
17
|
Déscolarisée CLPS
|
Appartement MDC
|
Accueil Provisoire
|
France
|
01/14
|
H
|
20
|
CAP 2e année « Travaux Paysagers
»
|
Foyer Jeune Travailleur
|
APJM (ME)
|
Congo
|
08/11
|
Voici les profils des six autres jeunes que j'ai pu
accompagner mais qui n'étaient plus pris en charge à la MDC
à la fin de mon stage qui s'est tenu d'avril 2013 à mars 2014
:
Sexe
|
Age
|
Scolarité
|
Hébergement
|
Mesure
|
Origine
|
Admission
|
Fin de PEC
|
|
|
Term. Pro
|
Appartement
|
|
France
|
|
|
H
|
20
|
|
|
APJM
|
|
01/13
|
09/13
|
|
|
Gestion Admin.
|
MDC
|
|
(Mayotte)
|
|
|
|
17
|
MGI puis CAP
|
Appartement
|
|
|
|
|
H
|
|
|
|
(MIE)
|
Albanie
|
04/13
|
12/13
|
|
(15)9
|
Peinture
|
MDC
|
|
|
|
|
|
|
|
Famille
|
|
|
12/11
|
|
H
|
17
|
CAP Boucherie
|
|
OPP
|
France
|
|
12/13
|
|
|
|
d'accueil
|
|
|
(DAP)
|
|
|
|
|
Appartement
|
APJM
|
|
|
|
H
|
19
|
CAP Maçonnerie
|
|
|
Afghanistan
|
02/11
|
12/13
|
|
|
|
MDC
|
(ME)
|
|
|
|
|
|
|
|
Garde
|
|
|
|
|
|
1ere Pro Gestion
|
Appartement
|
|
|
|
|
F
|
18
|
administration
|
MDC
|
ASE puis
|
France
|
01/13
|
01/14
|
|
|
|
|
APJM
|
|
|
|
|
|
Esthétique puis
|
Logement
|
Garde
|
|
|
|
F
|
17
|
CLPS
|
personnel
|
ASE
|
France
|
12/13
|
03/14
|
9 Le jeune a d'abord été accueilli
dans un appartement MDC. Puis il a confessé n'avoir que 15 ans et non
pas 17 ans. Il a par la suite été accueilli sur l'internat de la
MDC.
10
Sur la base de ce tableau et d'autres informations en ma
possession, sur les dix jeunes accueillis sur le service extérieur
durant mon stage, on peut observer, que :
4 La moyenne d'âge est de 18 ans.
4 6 garçons et 4 filles ont
été accompagnés sur le service extérieur pendant
mon stage, soit une répartition assez équilibrée des
sexes.
4 Sur les 10 jeunes : 7 étaient
logés dans un appartement de la MDC, 1 dans un FJT, 1 dans une famille
d'accueil, 1 dans son logement personnel.
4 8 jeunes sur 10 étaient connus de
l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) avant d'être accueilli sur le
service extérieur.
4 Pour les 5 jeunes qui ne sont plus pris en
charge à la MDC, mais qui l'ont été pendant mon stage, la
durée moyenne du temps de prise en charge (PEC) a été de
10 mois et demi, avec des écarts qui vont de 3 à 22 mois. On peut
remarquer que les PEC MIE/ME donnent généralement lieux à
des accueils plus longs.
4 8 des 10 jeunes accueillis étaient
scolarisés durant la majeure partie de leur temps de PEC.
4 7 de ces 8 jeunes scolarisés,
étaient scolarisés dans des filières professionnalisantes,
de courte durée, de type Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP) ou
Bac PRO.
4 4 des 10 jeunes accueillis sont nés en
dehors du territoire français.
4 3 des 10 jeunes devaient faire face
à des difficultés liées à l'apprentissage de la
langue ou d'ordre culturelles, en plus des démarches auxquels ils sont
tenus pour régulariser leurs situations administratives car il s'agit de
MIE ou de ME.
4 1 des 10 jeunes est en situation de
handicap. Il est sourd, c'est pourquoi il est logé en FJT, lieu plus
sécurisant pour lui.
4 Enfin, du fait des tranches d'âges
accueillies et des temps de prise en charge, on observe que la grande
majorité des jeunes vivent leur passage à la majorité (18
ans) en étant pris en charge sur le service extérieur.
Nous verrons, à travers les observations que j'ai pu
mener durant mon stage, que ce changement de statut, acquis à la
majorité, peut constituer un moment déterminant de la prise en
charge.
11
Situations observées et
questionnements
Plusieurs situations m'ont particulièrement
interrogé pendant mon stage. J'ai choisi d'en isoler quatre et de les
questionner à partir de mes réflexions qui me sont venues sur le
moment ou un peu plus tard dans l'accompagnement. Je suggérerai quelques
hypothèses personnelles permettant d'éclairer la situation,
parfois associées à des constats.
Tous les prénoms ont été changés
de façon à conserver l'anonymat des personnes.
a) Situation de Yasmine :
Yasmine a été accueillie à la MDC
à 17 ans et 8 mois. Elle a auparavant connu une mesure d'AEMO de plus
d'un an à partir de 2008. Les problèmes d'alcools de ses parents,
séparés, en sont à l'origine. A partir de novembre 2009,
le juge décide le placement de Yasmine en famille d'accueil puis,
à partir d'août 2012, dans un foyer sur Rennes. Elle fait la
demande de venir habiter sur Fougères à partir de décembre
2013 avant tout pour se rapprocher de sa mère.
La jeune s'installe dans son propre logement dans le centre de
Fougères car tous les appartements de la MDC étaient
occupés au moment de son admission. Confrontée à un
problème de voisinage, Yasmine déménage dans une commune
située à 10 km de Fougères et nous met devant le fait
accompli. En effet, Yasmine dit pouvoir tout gérer toute seule, sauf
qu'elle fait rapidement face à des problèmes financiers (pour
payer son loyer, ses factures d'électricité, etc.). Elle met
rapidement fin à sa formation en esthétique (pour des
problèmes relationnels) puis s'inscrira un temps au CLPS de
Fougères, formation qu'elle abandonnera très vite
également. La jeune est dépendante de sa famille, de ses amis, ou
des éducateurs de la MDC pour tous ses déplacements. De plus,
elle reconnaît subir pas mal d'envahissement à son domicile du
fait d'un large réseau d'amis. L'équipe constate le peu de «
prise » sur la jeune et le fait qu'il est difficile de faire appliquer un
règlement à quelqu'un qui est dans son propre appartement.
Pendant cette période, les éducateurs de la MDC renvoient
également qu'il n'est pas possible de travailler avec elle dans ces
conditions, bien que Yasmine reste en lien avec notre service. Il faut qu'elle
vienne habiter dans un de nos appartements sur Fougères (qui s'est
depuis libéré). La jeune refuse catégoriquement cette
éventualité pour plusieurs raisons : perte de libertés et
peur d'un envahissement encore plus conséquent.
Une Commission Enfance Famille (CEF) se tient un mois avant sa
majorité : le service exprime que dans ces conditions (« on ne
maîtrise pas, elle décide tout »), on ne peut pas
l'accompagner dans un APJM. Les représentants du Centre
Département d'Action Sociale (CDAS) partagent cet avis. Il est alors
suggéré durant cette CEF de plutôt lui proposer une Action
Educative à Domicile Jeune Majeur (AED JM), voire il a même
été question à un moment d'une Allocation Mensuelle Jeune
Majeur (AM JM). Cette dernière possibilité sera
écartée d'emblée par la psychologue présente :
« Pas d'allocation mensuelle sans AED Jeune Majeur, sinon ça
devient un droit ! ».
12
Finalement, une lettre doit lui être envoyée pour
lui présenter les dispositifs auxquels elle peut prétendre
(APJM/AED JM) ainsi qu'un rendez-vous auprès d'une assistante sociale de
secteur accompagnée de son éducatrice ASE. Finalement le courrier
ne sera envoyé que deux semaines plus tard. Il sera très peu
explicite10. Aucun rendez-vous avec une AS ni de rencontre avec la
jeune ne sera pris par son éducatrice ASE, et ce, malgré nos
sollicitations. Yasmine finira par écrire toute seule sa lettre de
demande AED jeune majeur la veille de ses 18 ans.
Questionnements :
1) Quelle idée Yasmine se fait-elle d'un APJM ?
2) Quelle représentation Yasmine a-t-elle de l'AED Jeune
Majeur ? Est-elle suffisamment renseignée ?
3) Ce passage à la majorité a t-il
été suffisamment préparé et anticipé ?
Hypothèses et constats
:
1) Il semble que Yasmine se sent suffisamment autonome pour
mener sa vie toute seule. Peut-être qu'elle souhaite prendre de la
distance avec la protection de l'enfance, milieu dans lequel elle a grandi,
dans la contrainte, depuis qu'elle a 12 ans. En en rediscutant avec elle, une
semaine avant sa majorité, ce qui revient le plus dans son discours est
la perte de libertés. Dans son logement personnel, Yasmine pouvait y
faire dormir son copain et pouvait avoir un chat, ce qui ne serait plus le cas
dans un appartement de la MDC. De plus, elle ne voit pas tellement ce que peut
lui apporter un APJM : elle pense que le service extérieur de la MDC est
là uniquement pour l'aider financièrement et établir un
travail de médiation familiale avec ses parents. Elle semble ne pas
avoir intégré qu'on peut lui apporter une aide, par exemple, au
niveau de ses recherches de formation, de ses démarches administratives,
dans lesquelles elle m'avouera pourtant être en difficulté.
2) Yasmine se dira perdue ne sachant pas ce dont elle pouvait
bénéficier avec une AED Jeune Majeur. Très clairement,
nous, éducateurs de la MDC, n'étions pas en mesure de
répondre à ces questions car nous ne connaissons pas le
dispositif de l'AED Jeune Majeur. Yasmine s'est alors tournée vers ses
anciens éducateurs du foyer de Rennes pour obtenir des informations,
pendant que nous sollicitions sa référente ASE pour lui
présenter ce dispositif, en vain. Il n'existe d'ailleurs pas de
plaquette de présentation des dispositifs à destination des
jeunes majeurs.
3) Même si le fait qu'elle soit arrivée quatre
mois avant ses 18 ans nous laissait peu de temps, il aurait fallu anticiper et
échanger en amont avec Yasmine, sur ses besoins, et sa projection
à la majorité. Elle a dû faire des choix importants (bien
que non définitifs) sans être réellement au clair sur les
possibilités qui s'offraient à elle.
b) Situation de Gaëlle :
Gaëlle est accueillie depuis ses 16 ans et demi à
la MDC dans un de nos appartements de proximité. Elle aussi a connu une
mesure AEMO à partir de juin 2011, puis une Aide Educative
10 Voir Annexes
13
Renforcée (AER). Il a été constaté
un rôle inadapté de Gaëlle au sein du système familial
puisqu'elle y occupait une place parentifiée et avait une relation trop
fusionnelle avec sa mère, cette dernière n'ayant que peu
d'autorité sur sa fille. Le juge décidera un placement de
Gaëlle à l'ASE à partir de décembre 2012
jusqu'à sa majorité, qu'elle obtiendra en septembre 2014.
Je suis co-référent de sa situation. Environ 6
mois avant ses 18 ans, je suis chargé d'écrire son projet
personnalisé. Il y a un encart « attentes de la jeune par rapport
à son placement ». Je l'interroge donc à ce sujet durant un
trajet en voiture. Au fil de la conversation, la jeune me dit alors « De
toute façon à mes 18 ans, je pars de la Maison du Couesnon, comme
ça j'serais tranquille, j'aurai plus besoin de supporter les
éducateurs. De toute façon j'sais me débrouiller toute
seule, je n'ai pas besoin de vous. Et puis comme ça, je ne vous aurai
pas sur le dos tout le temps, je pourrais faire ce que je veux ! » Sur le
moment, je suis un peu surpris de sa réponse car Gaëlle est une
jeune qui est dans le lien avec les éducateurs de la MDC, y compris avec
moi. De plus, j'ai en tête que la jeune souhaite entrer en formation
d'Auxiliaire de Vie Sociale (1 an) à partir de septembre prochain. Je
décide de la questionner un peu : « D'accord. Et tu habiteras
où du coup ? », « Bah en appart ! » « Ok, et tu
payes comment ton loyer, tes dépenses alimentaires,
d'électricité, etc ? » « Bah, chépas, au pire
j'retourne chez ma mère je m'en fous ! » « Tu en as
parlé avec ta mère ? » « Non ». Je l'invite
à en discuter avec elle. La discussion en restera là, je lui
dirai qu'elle a « encore le temps pour bien y réfléchir
» et que « cette décision [lui] appartient de toute
façon ».
Questionnements :
1) Gaëlle s'était-elle déjà
projetée après sa majorité ? La jeune a-t-elle conscience
de ses besoins actuels et futurs ?
2) Pourquoi la jeune a-t-elle l'impression d'avoir les
éducateurs « tout le temps sur le dos » ?
3) Pourquoi envisage-t-elle un retour au domicile de sa
mère ?
4) Quel est l'intérêt d'avoir cette discussion
si longtemps avant sa majorité (6 mois) ?
Hypothèses et constats
:
1) Je m'aperçois, grâce à cette
conversation, que Gaëlle a de réelles difficultés à
se projeter après sa majorité. Elle ne réalise pas
tellement les enjeux pour elle (en termes éducatifs, financiers ou
d'insertion socioprofessionnelle). Elle sait qu'elle sera libre de prendre son
envol toute seule si elle le souhaite, mais ne semble pas avoir vraiment
conscience des besoins qui sont les siens.
2) Cette impression relève sans doute de son
passé avec la protection de l'enfance. Elle aussi a vécu une aide
contrainte depuis de nombreuses années. De plus, elle doit se plier aux
règles des appartements de la MDC, qu'elle respecte scrupuleusement bien
qu'elles soient probablement sources de frustration pour la jeune puisque, par
exemple, elle ne peut faire dormir son copain dans son appartement. C'est ce
qu'elle mettra en avant dans la conversation.
3) Gaëlle a peut-être besoin d'aller
vérifier certaines choses au domicile de sa mère. Elle reproche
très souvent à sa mère d'accorder plus d'attention et
d'accepter plus souvent les requêtes de son frère qui
14
est schizophrène. Toutefois, pour en avoir
échangé avec sa mère, cette dernière ne souhaite
pas que sa fille revienne au domicile, puisqu'elle est en difficulté
avec elle et n'arrive pas à faire valoir son autorité sur elle.
Elle préférerait que la situation reste ainsi, à savoir
que sa fille continue de vivre dans un logement autonome.
4) Ce n'était pas tellement volontaire de ma part
d'aborder ce sujet si longtemps avant sa majorité. Toutefois, cela m'a
permis de comprendre que la jeune a du mal à se projeter de façon
réaliste au-delà de ses 18 ans. Cela permet d'anticiper les
échéances et de l'y préparer au mieux, de lui faire
prendre conscience de ses besoins, de lui présenter les
différentes possibilités qui s'offrent à elle, de
façon à ce que la jeune puisse être à même de
choisir d'elle-même ce qu'elle considère être la meilleure
solution. C'est ce que nous ferons dans les semaines qui suivirent.
Les situations de Yasmine et Gaëlle sont venues me poser
la question de la présentation qui doit être faite aux jeunes des
dispositifs de l'ASE dont ils peuvent bénéficier après
avoir acquis leur majorité. De même, elles m'ont fait
réfléchir au travail qui doit être fait avec eux quant
à l'évaluation qu'ils peuvent faire eux-mêmes de leurs
besoins pour mieux anticiper les échéances et seuils de
passage.
c) Situation d'Abu :
Abu est originaire de Mayotte et est arrivé à
Fougères en septembre 2010 à l'âge de 17 ans.
Hébergé à Fougères chez une tante pendant un an,
puis chez une cousine pendant la même durée, il est mis à
la porte par le mari de cette dernière en novembre 2012 suite à
des conflits. Scolarisé en 1ère Bac Pro « gestion
et administration », il intègre alors l'internat de son
lycée et passe les week-ends au FJT tout en bénéficiant
d'un suivi éducatif par le service extérieur de la MDC dans le
cadre d'un APJM sollicité par Abu à ses 19 ans en mai 2012, qui
sera ensuite prolongé en septembre 2012. Les raisons de cet APJM sont
qu'Abu a besoin de soutien et de repères éducatifs. Il a besoin
de guidance dans le quotidien (scolarité, budget, démarches
administratives). En janvier 2013, Abu intègre un appartement de
proximité du service extérieur.
Le jeune continue d'avoir des mauvais résultats (7,6 de
moyenne générale) au lycée malgré le redoublement
de sa 1ère, certains professeurs y voient un manque
d'investissement. Un point est fait sur la situation d'Abu au CDAS en mai 2013,
peu après le début de mon stage. Malgré le respect du
contrat signé, l'accent est mis sur les difficultés scolaires
d'Abu. La commission met en avant qu'il aura 21 ans en mai 2014, synonyme de
fin de PEC, et cela avant la fin de son année scolaire en Terminale,
alors même qu'il n'aura aucune source de revenu et qu'il a peu de chance
d'obtenir le bac compte tenu de ses résultats. Les représentants
du CDAS présents lors de cette CEF considèrent que le projet
d'Abu n'est pas « ancré dans la réalité ». Ils
lui proposent de se réorienter et de s'inscrire à la Mission
Locale pour trouver une source de revenu s'il veut que son APJM soit
prolongé. Ils lui
15
laissent l'été pour y réfléchir.
Abu refusera et préfèrera continuer sa scolarité en
Terminale même s'il doit aller vivre chez son grand-frère (23 ans)
qui, lui, travaille, à l'usine, et s'occupe déjà de sa
petite soeur (18 ans). L'APJM ne sera donc pas prolongé et prendra fin
en septembre 2013.
Questionnements :
Arrivé depuis peu sur mon lieu de stage, j'ai
été franchement surpris par cette injonction du CDAS. Cela a
soulevé chez moi de nombreuses interrogations :
1) Pourquoi la situation d'Abu aboutit sur la non-prolongation
de son APJM ?
2) Pourquoi Abu est-il en difficulté scolairement ?
Est-ce uniquement par « manque d'investissement » ?
3) Est-ce qu'Abu a suffisamment réfléchit sa
décision ?
4) Quels autres dispositifs et lieux ressources peut-il
solliciter pour lui venir en aide ? Comment l'accompagner au mieux dans la fin
de sa prise en charge ?
Hypothèses et constats
:
1) Dans un premier temps, j'ai pensé que l'attitude
que renvoie le jeune notamment au lycée où beaucoup notent «
peu d'investissement » lui avait porté préjudice. Plus tard,
je trouverai de nombreux éléments de réponse au gré
des lectures qui viendront m'apporter un éclairage théorique sur
les dispositifs d'assistance aux jeunes majeurs et des logiques
intégrées par les travailleurs sociaux. Ils seront abordés
dans la partie « apports théoriques ».
2) Abu s'investit scolairement puisqu'il se rend chaque soir
à des heures de permanence pour faire ses devoirs et travailler ses
cours. Il n'empêche qu'il est réellement en difficulté au
lycée dans la plupart des matières. Une autre lecture que son
supposé « peu d'investissement » serait de se poser la
question du niveau de capital scolaire dont a hérité Abu de par
son milieu familial, de savoir quel est le niveau scolaire des jeunes
scolarisés en Mayotte et quelles sont les ressources dont Abu dispose
à Fougères pour parvenir à combler ses lacunes.
3) Abu m'a paru déterminé et convaincu par son
choix qu'il a eu le temps de mûrir pendant l'été. Il a
ainsi pu en échanger avec son frère, avec les éducateurs
de la MDC, avec des personnes ressources de son lycée (proviseur,
conseiller d'orientation, professeurs). Je pense qu'il accordait beaucoup
d'importance au fait d'obtenir un diplôme en comptabilité avant de
rentrer à Mayotte et que toute autre orientation aurait vécue par
lui comme un échec.
4) J'ai été assez étonné à
l'époque que rien ne lui soit proposé en contrepartie de sa
non-prolongation d'APJM bien que ce n'est que bien plus tard que j'ai appris
l'existence d'autres dispositifs. A posteriori, et étant donné la
précarité vers laquelle Abu s'orientait, je reste surpris qu'il
ne lui ait pas été proposé de se rendre par exemple
à la Mission Locale (qui peut octroyer, sous certaines conditions des
aides alimentaires et des aides à la mobilité) ou de prendre
rendez-vous avec une assistante sociale de secteur (pour obtenir
éventuellement une Allocation Mensuelle Jeune Majeur ou une AED Jeune
Majeur).
16
d) Situation d'Ajmal
Originaire d'Afghanistan, Ajmal est arrivé à
Rennes en janvier 2011 à l'âge de 16 ans et demi. Il a fuit son
pays car sa vie était en danger, c'est pourquoi il
bénéficie aujourd'hui de la protection subsidiaire. Depuis
février 2011, il est accueilli à la MDC sur le service
extérieur, dans un premier temps en tant que Mineur Isolé
Etranger (MIE). À ses 18 ans en juillet 2012, il signe son premier
contrat APJM. En septembre 2012, Ajmal intègre un CAP en
maçonnerie. Ses revenus d'apprentissage lui permettent de toucher
environ 800€ par mois et de pouvoir mettre de côté. Son APJM
a pris fin en décembre 2013 car le jeune était jugé
suffisamment autonome dans son quotidien et surtout suffisamment établi
dans un parcours d'insertion professionnelle lui assurant une autonomie
financière.
Nous l'avons préparé à la fin de sa prise
en charge. Je me suis notamment occupé de l'accompagner dans la
recherche d'un appartement à Fougères et dans les
démarches administratives qui y sont liées. À la fin de sa
prise en charge, nous lui avons signifié, avec l'accord de la chef de
service, qu'en cas de problème, il pourrait nous solliciter.
Dans les trois mois qui suivirent la fin de sa PEC, Ajmal m'a
sollicité personnellement à deux reprises. La première
fois pour me demander par téléphone s'il était normal
qu'il n'avait pas encore touché ses aides au logement de la part de la
CAF, et pour me demander où se trouvait « Inicial » à
Fougères, à qui il doit rapporter un document pour toucher ses
aides mobili-jeune11. J'ai répondu à ses questions par
téléphone. La deuxième fois qu'il m'a sollicité,
c'était à l'occasion d'un match de foot que j'avais
organisé à la fin de mon stage avec tous les jeunes de la MDC
plus ceux qui ne sont plus pris en charge mais que j'ai connus pendant mon
stage. Il en a profité pour me montrer un courrier qu'il avait
reçu de l'assurance maladie concernant l'obtention de la CMU-C. Je lui
ai dis d'aller se renseigner directement à la CPAM, en lui rappelant
où c'était, et de bien insister pour qu'ils lui expliquent
clairement les choses.
Questionnements :
1) Est-ce que le fait d'avoir été trop
soutenant dans son accompagnement n'implique t'il pas un relatif manque
d'autonomie dans la résolution de certaines de ses difficultés
?
2) Est-il trop peu informé ou a-t-il besoin de se
réassurer en sollicitant mon avis ?
3) Est-ce que le fait qu'il soit étranger lui pose
t-il des difficultés dans la résolution de certains de ses
problèmes quotidiens ?
Hypothèses et constats
:
1) Il est vrai que nous avons été très
soutenant dans la PEC d'Ajmal du fait qu'il soit étranger puisqu'il est
souvent mis en difficulté par la barrière de la langue et qu'il
n'a aucunes ressources sur lesquelles il pourrait s'appuyer dans la mesure
où il est isolé, de sa famille notamment. De plus, il manque de
temps en raison de ses horaires de travail en apprentissage (7h-19h tous les
jours de la semaine).
11 Ce sont des aides au logement à destination
des jeunes en apprentissage.
17
Quand je l'ai accompagné à trouver un logement,
j'ai moi-même chercher les annonces que je lui ai soumises pour qu'il
choisisse (le jeune n'a pas d'ordinateur ni internet), je l'ai
accompagné lors des différentes visites d'appartements
(généralement dans le but de rassurer les propriétaires),
je l'ai accompagné à remplir les dossiers, etc. Cette posture ne
permet pas vraiment de développer l'autonomie maximale du jeune et c'est
pourquoi peut-être il peut se retrouver en difficulté à la
fin de sa PEC.
2) En fait, je pense qu'il s'agit un peu des deux. Il lui
manquait probablement des informations, comme par exemple où se situe le
local d'Inicial à Fougères. Je m'y étais en effet rendu
seul pour demander le dossier mobili-jeune et obtenir quelques informations,
car il ne pouvait s'y rendre pendant ses semaines d'apprentissage en raison de
ses horaires. Je lui avais expliqué ce qu'était cette aide et il
avait rempli le dossier avec mon soutien. Il ne savait donc pas où cela
se situait bien qu'il aurait pu trouver la réponse seul en regardant sur
internet (depuis la médiathèque par exemple). Pour le reste des
démarches, je crois qu'il savait où se situait la CAF et la CPAM,
mais qu'il avait sans doute besoin de se réassurer que c'était
bien là qu'il pourrait trouver l'information avant de s'y rendre.
3) Ajmal est souvent mis en difficulté par la
barrière de la langue. Je l'ai en effet accompagné à
plusieurs types de rendez-vous où Ajmal acquiesçait à son
interlocuteur pour lui signifier qu'il comprenait, mais une fois dans la
voiture, il me confiait qu'il n'avait pas tout compris et je devais alors lui
réexpliquer. Il est vrai que beaucoup de personnes s'adressent à
lui comme s'il était en capacité de tout comprendre, alors qu'en
réalité, son vocabulaire est assez limité. Ayant
vécu moi-même à l'étranger, je suis capable de
simplifier mon discours avec des mots simples pour le rendre intelligible et
compréhensible. Ce qui n'est pas le cas de beaucoup de personnes, y
compris chez les professionnels travaillant dans des institutions telles que la
CAF, la CPAM, etc.
Les situations d'Abu et Ajmal soulèvent la question du
niveau d'autonomie acquis avant la fin de la prise en charge, et ce qui est
justement fait en ce sens durant l'accompagnement pour que les jeunes puissent
être à même de résoudre leurs difficultés
seuls, pendant et après celle-ci, en étant capable de situer et
solliciter les différents lieux et institutions ressources.
Nous verrons, à travers l'exposé du
problème professionnel, en quoi les situations de Yasmine et Gaëlle
d'une part et d'Abu et Ajmal d'autre part se rejoignent et viennent questionner
les pratiques d'accompagnement et leurs incidences sur le processus
d'autonomisation des jeunes pris en charge. Nous viendrons plus
précisément questionner la présentation qui leur est faite
des différents dispositifs spécifiques ou de droit commun qu'ils
peuvent être amenés à solliciter, et
réfléchirons à comment travailler à mieux mobiliser
les jeunes sur leurs besoins actuels et futurs, leur faisant prendre conscience
de la temporalité de l'accompagnement et aussi de leur permettre de
mieux identifier ce qui peut faire ressource dans leur parcours d'insertion.
18
Problème professionnel
Pour faire émerger le problème professionnel en
lien avec les situations observées sur le terrain, il convient de se
demander tout d'abord quelles sont les missions des professionnels de la MDC
qui accompagnent ces jeunes de 16 à 21 ans pris en charge au titre de
l'ASE.
Un objectif d'autonomie
prégnant...
Il n'existe pas, pour le moment, de projet de service
concernant le service extérieur, ni même pour les autres services
de la MDC. Les objectifs de l'accompagnement du service extérieur ne
sont pas non plus déclinés précisément au sein du
projet d'établissement.
Sur le site internet de la Maison du Couesnon12,
une présentation identifie tout de même quelques grands axes de
l'accompagnement sur le service extérieur :
« Le jeune devient acteur de son projet
Par un suivi de proximité, l'éducateur lui
permet de :
se préparer à l'autonomie,
s'intégrer socialement par la scolarité,
l'apprentissage ou le travail,
gérer un budget,
organiser son quotidien,
préserver son espace. »
Le règlement de fonctionnement des appartements de
proximité, que le jeune doit lire et signer avant qu'on ne lui remette
les clés de son appartement, présente ainsi les objectifs de
l'accompagnement :
Nous mettons à ta disposition, un lieu (studio,
appartement collectif) meublé, nous te demandons de respecter ce lieu et
le règlement du service.
Pendant ton accueil, tu dois tenir tes projets
professionnels ou scolaires, tu dois te rendre aux rendez-vous posés par
ton éducateur référent et gérer tes
démarches (médicales, administratives, ...) en étant
accompagné.
L'objectif de cet accompagnement avec toi est de
développer ton autonomie et de t'amener à réaliser ces
différentes démarches seul.
Le travail du service extérieur est de t'amener
à une certaine autonomie afin de t'aider à te construire en tant
que jeune adulte, vers une indépendance (logement personnel).
»
En résumé, comme l'indiquent ces
différents éléments, l'accompagnement proposé
accorde une grande importance à la préparation à
l'autonomie. La finalité recherchée est que ces jeunes puissent
développer « une certaine autonomie » pour se «
construire en tant que jeune adulte », dans le but les « amener
à réaliser diverses démarches seuls ». D'ailleurs, le
préambule le rappelle bien : « Le jeune devient acteur de son
projet ».
12
http://www.pep35.org/Maison-du-Couesnon-Fougeres.html
19
Au-delà des documents internes, l'objectif
d'autonomisation est très prégnant dans les discours
professionnels, que ce soit chez les éducateurs de service, ou les
éducateurs de l'ASE tout comme chez tous les professionnels travaillant
au CDAS amenés à travailler avec ces jeunes.
Il est aussi inscrit dans les valeurs défendues par les
PEP 35 que l'association s'engage à « favoriser l'accès
à l'autonomie de l'enfant, de l'adolescent, du jeune majeur ».
.... à mettre en lien avec la tranche
d'âge accueillie...
Cet objectif d'autonomie est bien sûr à mettre en
lien avec la tranche d'âge accueillie sur le service, à savoir les
16-21 ans, car il s'agit d'une période charnière avant le passage
à l'âge adulte. Une période durant laquelle se jouent
beaucoup de choses en termes d'insertion sociale et professionnelle, surtout
pour des jeunes qui disposent de peu de soutien familial.
De plus, le « service extérieur »,
appelé aussi dans d'autres endroits Services d'Accompagnement Progressif
(SAP), est bien souvent la dernière étape de prise en charge
d'une protection ASE pour des jeunes qui sont suivis depuis plusieurs
années par les services de la protection de l'enfance.
Cette période est également bien souvent
marquée par le passage à la majorité. En plus de tout ce
que cela suppose pour le jeune (en terme légal, de
responsabilité, de droits et de devoirs), cela implique une
différence majeure dans le cadre de son accompagnement : le jeune n'est
plus contraint d'être placé dans un service de la protection de
l'enfance. C'est à lui de faire la demande auprès d'un Centre
Départemental d'Action Sociale (CDAS) pour continuer de
bénéficier, s'il le souhaite, et si le CDAS accepte sa demande,
de cet accompagnement « service extérieur » dans le cadre d'un
Accueil Provisoire Jeune Majeur (APJM). D'autres dispositifs existent
également, mais sont sous-utilisés comme nous le verrons.
La prise en charge APJM, contractualisée avec le jeune
et soumise à évaluation, peut être reconduite sur des
périodes plus ou moins longues. Elle peut s'interrompre à tout
moment, si le jeune le souhaite ou si le CDAS ne l'estime plus pertinente. Elle
prendra fin dans tous les cas aux 21 ans du jeune. Ce type de prise en charge
induit donc une forte incitation à l'autonomisation des usagers.
De plus, les jeunes expriment bien souvent l'envie d'une plus
grande autonomie, de se « débrouiller seul », de « bien
s'en sortir » par l'aboutissement d'un projet professionnel, par
l'acquisition d'une autonomie financière, par l'entrée dans un
logement personnel, etc.
... et l'orientation des politiques
sociales...
Cette logique d'autonomisation s'inscrit pleinement dans ce
que met en avant la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant
l'action sociale et médico-sociale. En effet, l'article L. 311-3 stipule
que, dans le respect des dispositions législatives et
réglementaires en vigueur, l'usager doit être assuré
d'« une prise en charge et [d']un accompagnement individualisé de
qualité favorisant son développement, son autonomie et son
insertion, adaptés à son âge et à ses besoins,
respectant son
20
consentement éclairé qui doit
systématiquement être recherché lorsque la personne est
apte à exprimer sa volonté et à participer à la
décision13 ».
Nous le verrons, pour bien comprendre ce qui se joue sur le
terrain, il convient de resituer les politiques à destination des jeunes
majeurs dans des processus historiques, politiques et économiques des
politiques sociales.
...qui contraste malgré tout avec certaines
situations observées.
Les situations de Yasmine, Abu et Ajmal viennent pourtant
questionner ce qui vient d'être dit plus haut concernant l'objectif
d'autonomisation. En effet, si le but de l'accompagnement est bien de favoriser
chez ces jeunes « une certaine autonomie » pour se « construire
en tant que jeune adulte », dans le but de les « amener à
réaliser diverses démarches seuls » et de « devenir
acteurs de leurs projets », comment peut-on expliquer que la fin de leur
prise en charge à la MDC ait révélé, d'une part,
que Yasmine s'est retrouvée en manque d'informations claires sur les
dispositifs post-majorité de l'ASE et, d'autre part, qu'Abu et Ajmal ne
paraissaient pas vraiment à même de solliciter seuls les
dispositifs de droit commun et les différents lieux ressources sur
Fougères malgré la fin de leur prise en charge ?
A contrario, la situation de Gaëlle aura permis
de montrer l'importance d'anticiper et de questionner la jeune quant à
ces besoins, dans le but de mieux se projeter et anticiper le seuil fatidique
du passage à la majorité.
Tout ceci vient poser le problème professionnel suivant
:
? Comment, un éducateur
spécialisé travaillant dans un service qui accompagne des jeunes
de 16 à 21 ans pris en charge au titre de l'ASE doit-il préparer
avec le jeune son passage à la majorité et à la fin de sa
prise en charge ?
Nous tâcherons d'apporter des éléments de
réponses à ce problème. Tout d'abord en faisant des
détours théoriques nous permettant de mieux cerner le contexte de
notre questionnement : que signifie être « jeune » aujourd'hui
? Quelles sont les réponses spécifiques apportées aux
jeunes majeurs accueillis au titre de l'ASE ? Puis, nous creuserons le concept
d'autonomie et nous tenterons de voir comment est-il possible de favoriser
l'autonomie en tenant compte des besoins et des ressources du jeune et
notamment à travers l'accès aux droits spécifiques et aux
droits communs, considérant le jeune comme un acteur actif de sa prise
en charge.
Enfin, nous formulerons dans la partie projet des actions
éducatives qui nous semblent pertinentes auxquelles nous joindront des
méthodes d'évaluation.
13 Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002
rénovant l'action sociale et médico-sociale.
<
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000215460&categorieLien=id
>
21
Apports théoriques
1. Contexte :
a) Evolution de la jeunesse d'hier à
aujourd'hui
Quelques constats actuels
Une catégorie difficile à
identifier
Qu'est-ce qu'un jeune ? La « jeunesse », ou «
les jeunes » sont « des catégories complexes à
définir, l'abondance de la littérature sur la question en
témoigne14 ». En France, traditionnellement, les
instituts de statistiques utilisaient la tranche d'âge 16-24 ans pour
identifier « les jeunes » dans leurs enquêtes. Pourtant, on
peut observer que l'homogénéité des nomenclatures
statistiques se fissure puisque l'INSEE (Institut National de la Statistique et
des Etudes Economiques) a introduit récemment via ses enquêtes une
nouvelle variable « jeune » qu'il définit par la tranche
d'âge des 16-29 ans15. Il est possible également de
rencontrer la tranche d'âge « jeune adulte » qui s'étend
cette fois de 18 à 29 ans. Il apparaît donc difficile de poser des
limites d'âge sur la « jeunesse ». Toutefois, ce qui est
communément admis, c'est que la jeunesse est la période de la vie
entre l'adolescence et l'âge adulte.
Une catégorie d'âge qui tend à
s'allonger
Cet élargissement de la catégorie « jeune
» reflète la difficulté de plus en plus accrue pour
accéder à l'âge adulte ces dernières années.
Déjà, en 2000, le rapport Charvet16 a permis de mettre
en évidence une réalité commune à bon nombre de
jeunes : « l'allongement de la période de la jeunesse, la
prolongation des études et les difficultés d'accès
à l'emploi et au logement ». Un rapport de l'Observatoire Nationale
de l'Enfance en Danger (ONED) datant de 200917 souligne que la crise
économique actuelle n'a fait qu'accentuer cette tendance.
Les causes de cet allongement : de plus longues
études et l'instabilité du marché du travail
Pour Céline Jung, sociologue, la question de
l'allongement de la jeunesse s'explique par une « plus longue
dépendance familiale due à l'allongement des études et une
vie active stable plus tardive due aux difficultés d'accès au
marché du travail18 ». Les sociologues Nathalie Guimard
et Juliette Petit-Gats notent quant à elles que cette difficulté
d'accès au marché du travail est « la conséquence de
la crise de la société salariale » qui a pour effet de
« reporter l'indépendance financière et résidentielle
» des jeunes puisque celle-ci est fortement liée à leur
stabilisation sur le marché du
14 Nicole-Drancourt C., Roulleau-Berger L.,
L'insertion des jeunes en France, PUF, 2006, p.3-6.
15 Ibid., p.3-6.
16 Charvet D., Jeunesse, le devoir d'avenir,
Rapport pour la commission jeunes et politiques publiques, 2000.
17 Rapport ONED, Entrer dans l'âge
adulte. La préparation et l'accompagnement des jeunes en fin de mesure
de protection, 2009, p.10-11.
18 Jung C., L'aide Sociale à l'Enfance
et les jeunes majeurs. Comment concilier protection et pratique contractuelle
?, L'Harmattan, 2010, p.48-49.
22
travail19. Céline Jung note à cet
égard que les jeunes sont actuellement les « premiers
concernés par l'effritement de la norme du contrat à durée
indéterminée et de certaines protections statutaires20
».
Pour traduire ce changement de contexte de l'emploi, Olivier
Galland observe qu'il paraît « aussi normal à un jeune
aujourd'hui de commencer sa vie post-scolaire par un stage qu'il apparaissait
normal il y a 20 ans [...] de se faire embaucher dans l'entreprise où
travaillait son père21 ». En effet, aujourd'hui,
l'accès des jeunes à l'emploi est souvent marqué par
« une période transitoire plus ou moins longue où alternent
des périodes de chômage, des petits boulots, ou des statuts
intermédiaires. Une situation en quelque sorte entérinée
par la politique pour l'emploi des jeunes [...]22. » Cette
multiplication des statuts intermédiaires est aussi le fruit d'une
modification des politiques d'embauche des entreprises, qui « cherchent
dorénavant à tester les compétences des jeunes qu'elles
recrutent durant des périodes d'essai ou des phases probatoires qui ont
[elles aussi] tendance à s'allonger »23.
Les conséquences
Dans ce contexte de crise, où il devient de plus en
plus difficile d'accéder à un emploi stable sur le marché
du travail, il semble que les jeunes soient, avec les séniors, les
premiers à être touchés par des phénomènes de
pauvreté. En effet, entre 2004 et 2009, la pauvreté (au seuil de
50 %) pour l'ensemble de la population a subi une augmentation de 16 %, passant
de 3,9 millions de personnes à 4,5 millions. Sur la même
période, celui des jeunes adultes (18-29 ans) a subi une augmentation
impressionnante de 40 %: leur taux de pauvreté est passé de 7,9 %
à 10,9 %, faisant passer le nombre de jeunes adultes sous le seuil de
pauvreté de 670 000 à 941 00024. Comme le montre le
rapport Charvet, ces évolutions ont aussi contribué à
favoriser « l'association, dans les représentations collectives,
entre jeunesse et problèmes ». Or, comme le souligne et le rappelle
à juste titre ce rapport, « loin de démontrer l'existence
d'un problème jeune, les transformations de la période de la
jeunesse apparaissent à bien des égards comme un effet et un
aspect de ces mutations économiques, sociales et culturelles » et
renvoient avant tout à des choix collectifs25. Pour illustrer
ce propos, il était d'ailleurs assez amusant, au moment où
j'écrivais ces lignes, de lire Pierre Gattaz, à la tête du
Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), proposer la création
« d'un smic intermédiaire », inférieur au
smic, « pour un jeune ou quelqu'un qui ne trouve pas de
travail26 ». Une tentative de précariser encore
davantage la jeunesse, comme le fut en 2006 le Contrat Première
Embauche.
19 Guimard N., Petit-Gats J., Le contrat jeune majeur. Un
temps négocié., L'Harmattan, 2011, p.21.
20 Jung C., Op. Cit., p.54.
21 Galland O., Sociologie de la jeunesse,
Armand Colin, 2007, p.91.
22 Jung C., Op.Cit., p.54.
23 Galland O., Op. Cit., p.165.
24 « La pauvreté augmente chez les jeunes mais
aussi chez les séniors », Inégalités.fr,
publié le 23 février 2012 : <
http://www.inegalites.fr/spip.php?article373>
25 Rapport ONED, Op. Cit., p.11.
26« Le Medef s'empare de l'idée d'un salaire minimum
« transitoire » », Le Monde.fr, publié le 15
avril 2014 : <
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/04/15/pierre-gattaz-souhaite-l-instauration-d-un-smic-transitoire.html
>
23
Eclairage historique : du sujet jeune à la
catégorisation sociale du jeune majeur
L'émergence du sujet jeune
Céline Jung rappelle que « si l'Ancien
Régime voyait le jeune sous l'angle de la filiation, l'esprit des
Lumières introduit une dimension éducative : le jeune est celui
qui apprend27 ». Le 19ème siècle met
quant à lui l'accent sur le rapport des générations.
Pendant le 20ème siècle, avec le développement
de la psychologie, on pense la jeunesse comme un « processus de
maturation28 » ou comme une période de crise, « un
moment d'adaptation fonctionnelle29. » Enfin, à partir
des années 60, c'est la sociologie qui va s'intéresser au sujet
jeune en retenant davantage l'idée de passage et de transition, que
proposait déjà la psychologie, mais en y incluant d'autres
paramètres. Elle invite à regarder la jeunesse comme un «
processus de socialisation », « une phase de préparation aux
rôles adultes30 ». Depuis les années 1980, des
évolutions majeures sont à prendre en considération, comme
on l'a vu plus haut du fait de l'allongement de la jeunesse avec « des
seuils qui l'encadrent qui se sont désynchronisés31
» et qui ne sont plus franchis de façon irréversible, que ce
soit sur « l'axe scolaire-professionnel [ou] l'axe
familal-matrimonial32 »
L'émergence du sujet jeune adulte
Comme le souligne Vincenzo Ciccheli, sociologue, l'expression
« jeune adulte » unit deux éléments apparemment
contradictoires et permet de « classer idéalement les jugements
portés sur l'allongement de la dépendance entre les parents et
les jeunes, en saisissant ce qu'ils partagent »33. Le «
jeune adulte » renvoie donc tant à une position de manque
qu'à une notion d'acquis, au moins partiels, nouvelle donne dans les
rapports intergénérationnels34. Selon lui, « le
rapprochement permet de juger le jeune pour ce qu'il n'est pas encore, mais
qu'il aurait déjà dû être : mûr,
indépendant, responsable, bref, tous les mots associés au champ
sémantique du mot adulte35 ».
Cette analyse semble transposable à l'expression «
jeunes majeurs », même si dans ce cas de figure, la
dépendance de ce public est moins familiale
qu'institutionnelle36, dans la mesure où la prise en charge
du jeune majeur relève d'une collectivité territoriale : le
département.
L'émergence du sujet jeune majeur
Depuis quand utilise-t-on l'expression « jeunes majeurs
» ? Historiquement, il faut tenir compte de l'importance de la loi du 05
juillet 1974 qui a abaissé l'âge de la majorité de 21
à 18 ans. Avec
27 Jung C., Op.Cit., p.45.
28 Galland O., Op. Cit., p.56.
29 Ibid.
30 Ibid., p.127.
31 Galland O., Ciccheli V., « Les nouvelles
jeunesses », La Documentation Française, n°955,
déc. 2008, p.8.
32 Ibid.
33 Ciccheli V., « Les jeunes adultes comme
objet théorique », Recherche et Prévisions,
n°65, septembre 2001, p.40.
34 Jung C., Op.Cit., p .49.
35 Ibid.
36 Kunhapfel R., Le dispositif du contrat jeune
majeur comme d'accompagnement et de prise en charge après le placement.
Comment fabrique-t-on l'autonomie des jeunes ?, 2012, p.12.
24
l'abaissement de la majorité, la question s'est
posée des jeunes de toute cette classe d'âge devenus majeurs et
qui bénéficiaient jusque là de l'assistance de l'Etat.
C'est afin de s'adapter à cette nouvelle situation que des textes sont
apparus permettant de prolonger la prise en charge jusque 21 ans :
« - un décret de février 1975 instaurant
une mesure judiciaire d'aide aux jeunes majeurs, (mesure PJM, protection jeune
majeur). Il s'agit d'un public relevant essentiellement de la Protection
Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) ;
- un décret de décembre 1975 instaurant une
mesure administrative concernant le public relevant de l'ASE. C'est ainsi que
l'on assiste à la construction d'une nouvelle catégorie sociale,
les « jeunes majeurs». Il semble donc que dans le champ de la
protection de l'enfance, l'expression « jeune majeur » correspond
à une catégorie bien définie : les jeunes de 18 à
21 ans sans ressources ou soutien familial suffisants qui
bénéficient d'une mesure d'aide37. »
Le seuil de la majorité introduit en 1974
découpe clairement la population jeune en deux. « Elle
établit un statut de majeur, opposé à celui de
minorité. Aux premiers se rattachent automatiquement tous les attributs
de l'adulte : autonomie et responsabilité. Le mineur,
considéré comme vulnérable, doit être
protégé, d'abord par son milieu ; mais éventuellement de
ce milieu, c'est ce qui fonde l'assistance éducative. Toutefois ce
passage d'un statut à l'autre est organisé par une acquisition
progressive de certains droits. Pour F. Labadie, « cette situation induit
des incertitudes concernant le statut de mineur et de majeur, et en
conséquence créé des tensions entre les démarches
à visée de protection et d'autres à visée de
responsabilisation38 », qui ne peuvent pas se régler
d'elles-mêmes à la date des 18 ans, et doit sans doute perdurer
au-delà de la minorité. »39
La jeunesse comme temps
d'expérimentation
Selon Olivier Galland, « la jeunesse peut être
définie sociologiquement comme la phase de préparation à
l'exercice de ces rôles d'adultes, ce que les sociologues appellent la
socialisation40 ». Sans s'y réduire complètement,
il semble que l'entrée dans la vie d'adulte peut, en partie, être
perçue comme le moment où certains marqueurs ou seuils de
transition ont été atteints (comme le départ de sa famille
d'origine, le premier logement, l'indépendance financière etc.).
Pourtant, on l'a vu, avec les évolutions sociétales (telles que
l'allongement de la durée des études, l'évolution du
contexte socio économique, des moeurs et de la structure familiale)
toutes les études insistent sur le déclin de la fonction
intégrative tenue par certaines institutions comme l'école, la
famille, le mariage, le service militaire. Les conditions d'entrée dans
la vie d'adulte semblent donc se modifier41. Ainsi, comme le
résume Olivier Galland, le modèle actuel se caractérise
par « deux traits majeurs : un retard de plus en plus marqué de
franchissement des principales étapes qui permettent d'accéder au
statut adulte et une
37 Kunhapfel R., Op. Cit., p.12.
38 Labadie F., « L'évolution de la
catégorie jeune dans l'action publique depuis 25 ans »,
Recherche et Prévisions, n°65, 2001, p.22.
39 Jung C., Op. Cit., p.45.
40 Galland O., Op. Cit.., p.127.
41 Kunhapfel R., Op. Cit., p.3-4.
25
désynchronisation de ces seuils42». Ce
dernier évoque par ailleurs l'apparition d'une nouvelle forme de
socialisation avec le passage « d'un modèle de l'identification
à un modèle de l'expérimentation43 ». Il
ressort que la référence au modèle identificatoire de ses
parents ou référents éducatifs ne suffit plus pour se
construire en tant qu'adulte, cela sous-entend que la socialisation « se
fait par des temps d'expériences constitués d'essais, de
succès ou d'échec jusqu'à parvenir à une
définition de soi satisfaisante sur le plan de la self-esteem
et crédible aux yeux des acteurs institutionnels 44». Ce
temps d'expérimentation tendrait lui aussi à s'allonger. La
jeunesse prend donc aujourd'hui la forme d'un passage marqué par la
préparation et la mobilisation de soi pour acquérir une position
de moins en moins programmée et prévisible puisque « le
changement est devenu la règle45». Dubet parle lui
d' « épreuve de la jeunesse » qui s'impose
comme « l'expérience moderne par excellence quand rien n'est
donné et que tout est acquis par les acteurs
eux-mêmes46 ».
Une jeunesse ou des jeunesses ?
Enfin, il convient de prendre en compte que la jeunesse n'est
pas un ensemble homogène et qu'elle peut être plurielle. Pierre
Bourdieu fut d'ailleurs le premier à nous mettre en garde par sa
célèbre expression « la jeunesse n'est qu'un mot
»47. Pour lui, le concept de jeunesse constitue ainsi un abus
de langage sous lequel on peut dissimuler des univers sociaux qui peuvent
être très différents. Il parle même d'un enjeu de
manipulations : « Il n'y a rien là que de très banal, mais
qui fait voir que l'âge est une donnée biologique socialement
manipulée et manipulable ; et que le fait de parler des jeunes comme
d'une unité sociale, d'un groupe constitué, doté
d'intérêts communs, et de rapporter ces intérêts
à un âge défini biologiquement, constitue
déjà une manipulation évidente. Il faudrait au moins
analyser les différences entre les jeunesses, ou, pour aller vite, entre
les deux jeunesses48». Bourdieu induit ici l'existence de
différentes conditions d'existence au sein de la jeunesse
française.
C'est aussi l'occasion de rappeler que les grandes
évolutions évoquées plus hauts impactent de façon
différenciée les différentes catégories de jeunes,
et plus particulièrement, les jeunes pris en charge par les services de
la protection de l'enfance. Natalie Guimard et Juliette Petit-Gats notent
à ce titre que l'indépendance de plus en plus tardive et
l'incertitude qu'elle génère « ne s'effectuent pas avec les
mêmes modalités pour tous les jeunes, et renforcent des
inégalités déjà persistantes49 »,
citant Marc Bessin : « le brouillage des étapes du cours de vie
n'accompagne pas un brouillage des classes : cette faculté de faire face
aux incertitudes restant déterminée socialement, ces
dérégulations accentuent
42 Galland O., Op. Cit., p.133.
43 Ibid., p.165.
44 Ibid.
45 Recherche-action effectuée avec la DDCS
du Maine et Loire et quatre opérateurs du dispositif, Accompagner
les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville-vie-vacances,
Résovilles, 2012, p.20.
46 Dubet F., « La jeunesse est une
épreuve », in Comprendre, n°5, PUF, 2004,
p.280.
47 Bourdieu P., Questions de sociologie,
Éditions de Minuit, 1992, p.143-154.
48 Ibid.
49 Guimard N.,et Petit-Gats J., Op. Cit.,
p.21-22.
26
les inégalités50 ». Elles
rappellent à ce titre que « les événements
précarisants au sein de la cellule familiale (baisse de revenus,
divorce, décès d'un parent, problème de santé)
» auxquels sont plus souvent exposés les jeunes pris en charge par
l'ASE, peuvent aussi « avoir des conséquences néfastes sur
l'insertion professionnelle des enfants51 ». A titre d'exemple,
« être orphelin à moins de vingt ans d'un ou de ses deux
parents rend plus difficile l'accès à un diplôme,
influençant alors le parcours professionnel52. Lorsque le
jeune cumule plus de trois facteurs de précarité (problème
de santé des parents, baisse de revenu des parents, éclatement
familial durant l'enfance), le risque de rester à l'écart de
l'emploi pendant les cinq premières années de la vie active est
deux fois plus élevé.53 » Elles notent
également54 l'impact du processus d'inflation des
diplômes55 qui « affecte également les parcours
scolaires et professionnels. Un jeune sortant du système éducatif
sans diplôme a 26% de chances de rencontrer un parcours professionnel
dominé par le sous-emploi contrairement à un jeune sortant avec
un diplôme (2% de chances)56 »
L'accession différée à l'âge adulte
dans la population générale résulte de mutations
familiales, sociales et économiques profondes et renvoie à la
manière dont la société articule les
responsabilités entre la famille, l'Etat et l'individu dans la
transition vers l'âge adulte. Comme le pointe le rapport de l'ONED, ces
mutations sont lourdes de conséquences pour le public spécifique
de la protection de l'enfance, puisque déjà «
fragilisé et disposant de moins de ressources familiales et
sociales57 ». Les pouvoirs publics, qui ont été
amenés à jouer un rôle de suppléance familiale
vis-à-vis de ces enfants, ont donc, à ce titre, « une
responsabilité particulière à leur
égard58 ».
Le chercheur québécois Martin Goyette a
d'ailleurs travaillé sur le passage à la vie autonome pour les
jeunes sortants des dispositifs de protection de l'enfance, qu'il qualifie de
« rapide et brutal ». Pour lui, ces jeunes sont «
confrontés à des injonctions paradoxales et leurs trajectoires
sont des suites d'avancées et de reculs59 ».
Contrairement aux jeunes de la population générale, ces jeunes
là « doivent faire face à toutes les transitions en
même temps plutôt que graduellement60 », et ce,
alors même qu'ils y sont peu préparés et « qu'ils
disposent de moins de supports et de compétences sociales
50 Bessin M., « La compression du temps : une
déritualisation des parcours de vie ? », Education
permanente, n°138, « les âges de la vie », 1999,
p.75-85, p.4.
51 Lopez A., Thomas G., « l'insertion des
jeunes sur le marché du travail, le poids des origines socioculturelles
», Données Sociales, La Société
Française, 2006.
52 Blanaïn N., « perdre un parent pendant
l'enfance : les effets sur le parcours scolaires, professionnel, familial et
sur la santé à l'âge adulte ? », Etudes et
résultats, n°668, DRESS, oct. 2008.
53 Lopez A., Thomas G., Op. Cit.
54 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit.,
p.22.
55 Passeron J-C., « L'inflation des
diplômes », Revue française de sociologie, 23 (4),
1982.
56 Gasquet C., Roux V., « les sept
premières années de vie active des jeunes
non-diplômés : la place des mesures publiques pour l'emploi
», Economie et Statistique, n°400, 2006.
57 Rapport ONED, Op. Cit., p.6.
58 Ibid., p.5
59 Goyette M., Projet d'intervention en vue de
préparer le passage à la vie autonome et d'assurer la
qualification des jeunes des centres jeunesse du Québec, Rapport
final d'évaluation, 2007.
60 Stein M., Munro E.R, Young People's Transitions from Care
to Audulthood, International Research and Practice, Child Welfare
Outcomes, Jessica Kingsley Publishers, 2008.
27
que les jeunes de la population
générale61 ». Emilie Potin, sociologue, explique
dans ses travaux que « les inégalités de passage à la
vie adulte sont autant dues au réseau social qu'à des
critères plus visibles comme le logement ou l'emploi62
».
Céline Jung observe également que,
arrivés à leurs 18 ans, « les jeunes sont rarement en mesure
de quitter l'ASE. Les rares qui décident de se passer de l'aide
éducative semblent voués à des parcours
difficiles63 ». Elle rapporte les observations des partenaires
qui les rencontrent dans des services sociaux du droit commun ou d'urgence :
« ils ont d'abord eu recours au réseau familial, ce qui s'est
rapidement montré inefficace, puis ont sollicité des aides
amicales ; quand ce réseau arrive à épuisement, les jeunes
se présentent dans ces services avec des besoins vitaux qui rendent le
projet d'insertion prématuré : déscolarisation, addiction,
prostitution, mauvaise santé physique et psychique, qui s'ajoute aux
difficultés particulières liées aux changements induits
par cet âge de la vie64 ».
b) Les politiques sociales à destination des
jeunes pris en charge au titre de l'ASE
Un dispositif législatif à
destination des mineurs :
On l'a vu, pendant leur minorité, les jeunes sont
situés dans le cadre de l'assistance éducative qui, rappelons le,
énonce via l'article 375 du code civil que des mesures peuvent
être ordonnées « si la santé, la
sécurité, ou la moralité d'un mineur non
émancipé sont en danger, ou si les conditions de son
éducation ou de son développement physique, affectif,
intellectuel et social sont gravement compromises ». Article qui
s'applique « sur le territoire français à tous les mineurs
qui s'y trouvent, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs
parents65 ». Il peut s'agir également d'un accueil
provisoire définit par l'article 222-5 du Code de l'Action Sociale et
des Familles concernant « les mineurs qui ne peuvent demeurer
provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert
un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins en
particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant
des difficultés particulières nécessitant un accueil
spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un
service (...)66 ».
Un dispositif législatif à
destination des jeunes majeurs :
La France fait partie des rares pays, avec la Norvège,
la Suède, la Finlande, les Etats-Unis et l'Angleterre, qui ont une
législation spécifique en direction des jeunes majeurs dans le
cadre de la Protection de l'Enfance (contrairement à l'Allemagne,
l'Espagne et la Suisse notamment) 67. On l'a vu, cette
législation repose historiquement sur le décret n° 75-96 du
18 février 1975 créant la mesure judiciaire d'aide au jeune
majeur (PJM) suite à l'abaissement de l'âge de la
majorité.
61 Goyette M., Op. Cit., 2007.
62 Potin E., Enfants placés,
déplacés, replacés : parcours en protection de
l'enfance, Erès, coll. « Pratiques du champ social »,
2012.
63 Jung C., Op. Cit., p.142.
64 Ibid.
65 Code Civil, Dalloz, 2009, p.606.
66 Code de l'Action Sociale et des Familles,
Dalloz, 2010, p.181.
67 Rapport ONED, Op. Cit., p.14.
28
C'est à peu près au même moment que la
protection administrative pour les jeunes majeurs est instaurée sur les
fondements du décret n° 75-1118, du 2 décembre 1975, relatif
à la protection sociale de l'enfance en danger, qui permet de demander
au département un placement approprié ou une action
éducative, en cas « de graves difficultés d'insertion
sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisant ». L'aide
administrative, mobilisée en cas de graves difficultés
d'insertion, peut prendre la forme d'une aide éducative, d'un placement,
du versement d'une aide financière ponctuelle ou d'une allocation
mensuelle.
Pendant longtemps ces deux types de mesures ont
cohabité. En effet, avec les lois de décentralisation de 1982 et
1986, le département prend en charge les jeunes majeurs au titre de
l'ASE alors que l'Etat prenait lui en charge les jeunes majeurs de la PJJ Mais
depuis 2008, ce dernier s'est désengagé progressivement des
mesures de Protection Jeune Majeur (PJM)68, afin de centrer son
action exclusivement sur les mineurs délinquants. « Cela a pour
conséquence un transfert de charge vers les départements qui
peinent actuellement à absorber toutes les mesures (les jeunes issus de
la PJJ sollicitant aujourd'hui l'ASE) d'autant que ce retrait de l'Etat ne
s'étant accompagné d'aucun transfert financier. Ce cas qui n'est
pas propre aux jeunes majeurs s'inscrit dans un contexte plus
général de tensions entre l'Etat et les départements
concernant la répartition de la dépense sociale69
» comme le souligne Régis Kunhapfel.
Dans le même temps, la loi n° 2007-293 du 5 mars
2007 réformant la protection de l'enfance est venue confirmer la
possibilité de poursuivre dans le champ administratif la mesure de
protection pour les jeunes de moins de 21 ans « connaissant des
difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre
». En France, en 2007, 21 565 jeunes âgés entre 18 et 21 ans
sont pris en charge ou accompagnés par l'ASE. Ils représentent
0,84% de la population de cet âge70.
Constat : de nombreux
paradoxes
Nombreux sont les ouvrages ou rapports qui relèvent les
nombreux paradoxes de l'aide aux jeunes majeurs en France.
Le caractère facultatif de l'aide aux jeunes
majeurs
L'ONED considère que si la loi réformant la
protection de l'enfance de 2007 a confirmé le principe d'un soutien aux
jeunes majeurs qui incombent aux départements, le caractère
obligatoire n'a pas été affirmé et les conditions de mise
en oeuvre suscitent le débat dans la mesure où « l'article
L222-5 du code de l'action sociale et des familles relatif aux prestations de
l'Aide Sociale à l'Enfance prévoit la prise en charge des jeunes
majeurs comme une possibilité, mais laisse imprécis les
critères d'attributions du Contrat Jeune Majeur avec notamment un flou
autour de la notion « en difficulté »... 71» L'aide aux
jeunes majeurs est donc bien une « possibilité » et « en
aucun cas une
68 Helfter C., « Quel devenir pour les jeunes
adultes », ASH, n°8690, avril 2010, p.25.
69 Kunhapfel R., Op Cit., p.12.
70 Rapport annuel de l'ONED, avril 2010.
71 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.13.
29
obligation72 ». Cette mesure ne s'inscrit pas
sur un mode binaire, « c'est-à-dire celui ou la demande de l'usager
est satisfaite ou non en référence strictement aux conditions
prévues par les textes73 ». De ce fait, «
l'interprétation de l'agent prend une place importante et prend le
risque d'un arbitraire74 ». La mise en oeuvre du CJM pose donc
la question du positionnement des départements puisque le
législateur met à leur disposition une mesure inscrite dans la
loi, mais à « inventer dans la pratique.75 »
La contractualisation : un processus de
sélection
Une autre évolution marquante du dispositif d'aide aux
jeunes majeurs, probablement en lien avec le développement des
politiques d'activation et marquant « le passage d'un modèle
solidariste du risque à un modèle responsabiliste du
risque76 », est le recours systématique à la
contractualisation. En effet, d'après Petit-Gats et
Guimard77, avant on ne parlait pas de « contrat », mais
uniquement « d'aide aux jeunes majeurs », il s'agissait d'un droit
quasi-automatique sans une formalisation d'exigences en contrepartie.
Désormais, le jeune doit s'engager par l'intermédiaire d'un
contrat avant d'obtenir un APJM, ce qui pose la question : quid des jeunes
« en difficulté » mais incapables de contractualiser ?
Effectivement, comment atteindre les jeunes les plus en
difficulté avec des dispositifs qui ont tendance à s'adresser aux
jeunes les plus à même de construire et de porter des projets
cohérents et à laisser de côté les jeunes les plus
en difficulté ?. Le recours aux contrats jeunes majeurs semble ainsi
« partiellement déterminé par la manière dont le
professionnel perçoit la situation autour de deux axes : la
capacité d'insertion du jeune, et la qualité de la relation
éducative. Se dégage notamment une situation que les
qualifiée « d'idéale » où le processus
d'insertion semble déjà engagé et où la relation
éducative est jugée « satisfaisante ». Bref, il s'agit
d'une situation au sein de laquelle le jeune est perçu comme un adulte
responsable ayant déjà fait l'acquisition d'une forme
d'autonomie... Le recours au dispositif paraît alors être
proposé prioritairement aux jeunes qui sont les moins en
difficulté78. » Pourtant, le rapport de l'ONED souligne
que, « face à une contractualisation de la vie du jeune adulte
souvent pensée comme « devant être un parcours sans fautes
», le « droit à l'erreur doit rester possible comme pour tout
autre jeune citoyen »79.
L'incohérence des limites
d'âge
Enfin, c'est aussi l'incohérence des âges du
passage à l'âge adulte et d'entrée et sortie dans les
dispositifs d'aide qui est pointée avec une fin de scolarité
obligatoire à 16 ans, une majorité civile à 18 ans, une
fin de prise en charge officielle à 21 ans et des démarrages des
minimas sociaux à 25 ans, auxquels « s'ajoutent des âges et
des conditions spécifiques d'entrée dans les dispositifs d'aide
à la
72 Jung C., Op. Cit., p.73.
73 Commaille J., Martin C., Les enjeux politiques
de la famille, Bayard, 1998, p.113.
74 Jung C., Op. Cit., p.75.
75 Ibid., p.69.
76 Soulet M-H., « une solidarité de
responsabilisation », in Le travail social en débat, sous
la direction de Ion J., La Découverte, 2005, p.86-103.
77 Petit Gats J., Guimard N., « Ecrit de
jeune en quête de statuts », Recherche familiale, n°
7, 2010, p.120.
78 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit.,
p.9.
79 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p14.
30
formation ou l'insertion qui engendrent des effets de seuil et
de frontière préjudiciables pour les jeunes.»
80
Comme le souligne Régis Kunhapfel81, on peut
légitimement « se demander en quoi et dans quelle mesure,
l'âge seuil des dispositifs de protection de l'enfance peut contribuer
à conditionner leur « devenir adulte » voire les conduire
à être adulte beaucoup plus tôt ? ». De plus, cadrer
cet accompagnement en termes de limite d'âge présuppose que chaque
jeune acquiert une maturité et une autonomie selon la même
temporalité alors que chaque individu se construit à son rythme
et selon les ressources qui sont les siennes. Céline Jung regrette
d'ailleurs que « la dimension symbolique liée au passage à
l'adulte soit éludée dans le discours et la pratique du
CJM82 ».
Hétérogénéité des
pratiques selon les territoires
On observe une forte
hétérogénéité des pratiques selon les
territoires comme le souligne en 2007 Jean Michel Rapinat, directeur à
l'Assemblée des Départements de France (ADF)83. Pour
ce dernier, cela génère des inégalités entre les
départements, qui ont tendance par ailleurs à limiter le nombre
de Contrats jeunes majeurs même si les publics qui ont connu une mesure
de protection durant leur minorité demeurent prioritaires. Pour les
autres, décrocher une mesure de prise en charge par le
département devient encore plus difficile. Face aux limites du
dispositif, à l'hétérogénéité des
pratiques territoriales, au désengagement de l'Etat sur des mesures de
prise en charge et en l'absence ces dernières années de
politiques publiques générales concernant les jeunes majeurs, les
associations et professionnels de terrains manifestent une certaine
inquiétude.
L'hétérogénéité des
pratiques est même constatable au sein d'un même
département...
c) Quelques constats actuels à l'échelle du
département
80 Ibid.
81 Kunhapfel R., Op. Cit., p.5.
Dans le but de mieux m'imprégner du contexte
territorial, à l'échelle du CDAS de Fougères et à
l'échelle du département, j'ai rencontré la Responsable
Enfance-Famille du CDAS de Fougères, ainsi qu'une chargée de
mission à la protection de l'enfance, en charge de la réflexion
sur l'aide aux jeunes majeurs. Ces rencontres se sont tenues fin mars 2014 et
m'auront permis, d'une part, de consolider les constats que j'avais pu faire
à une plus petite échelle, et, d'autre part, d'enfin avoir
accès à des documents expliquant les différents
dispositifs spécifiques jeunes majeurs et de pouvoir en échanger
avec des responsables de l'ASE. L'étude84
réalisée par Pauline Girardot à l'échelle du
département constitue d'ailleurs un document riche d'informations.
82 Jung C., Op. Cit., p.150-151.
83 Dihl M., « Quel avenir pour le Contrat
Jeune Majeur ? », Lien social, n°853, septembre 2007, p.8.
84 Girardot P., Processus d'autonomisation des
jeunes pris en charge au titre de l'ASE : étude de parcours,
2013
31
Une préoccupation
départementale
Considérant que « tous les jeunes ne disposent pas
de soutiens familiaux pour les guider et les soutenir dans un processus
d'accès à l'autonomie85 », le département,
semble s'interroger actuellement sur l'efficience des accompagnements
proposés. En outre, il se questionne sur la portée des actions
qu'il mène en direction des jeunes « dans une volonté de
s'assurer de l'accès à ses services par les jeunes en situation
de vulnérabilité86». Cette préoccupation
« s'inscrit dans le cadre de travaux engagés par la
collectivité et ses partenaires autour de l'élaboration du
schéma départemental de protection de l'enfance 2013/2017. Elle
prend place dans le volet : « le renforcement de la place et l'implication
des enfants et des familles dans les accompagnements » au sein duquel se
décline l'objectif opérationnel « Favoriser l'accès
aux dispositifs de droit commun en tant qu'alternative ou en
complémentarité avec une mesure ASE87. »
Un recours massif à l'APJM, au
détriment d'autres dispositifs existants
Quelques données statistiques
L'aide accordée aux jeunes majeurs au titre de l'ASE
peut s'effectuer sous différentes formes : une prise en charge physique
(APJM), une action à domicile (AED, TISF, accompagnement
budgétaire) ou encore une aide financière.88
Au 31 mars 2013, « le département comptait 392
jeunes bénéficiant d'une mesure APJM, soit 14% du nombre total
des prises en charges physiques. Ces jeunes sont accueillis pour 30% en famille
d'accueil, 60% en établissement89, et 10% en FJT, chez un
tiers, ou en logement autonome. À cette même date, le nombre de
mesures d'Aides Educatives à Domicile (AED) jeunes majeurs était,
quant à lui de 51, soit moins de 5% du nombre total des mesures d'action
éducative à domicile. Concernant les allocations mensuelles, le
département comptait 68 bénéficiaires sur les six derniers
mois de 2012. Enfin, aucune mesure de Technicienne en Intervention Sociale et
Familiale (TISF) et d'accompagnement budgétaire n'ont été
mis en place sur ces mêmes périodes90 ».
En outre, il est constaté une utilisation
hétérogène des dispositifs selon les territoires. Par
exemple, « la part des APJM peut représenter de 5 à 34% des
prises en charges totales en fonction des CDAS91. »
L'APJM
Sur le territoire de l'Ille-et-Vilaine, il est constaté
une « augmentation notable du nombre de prises en charge des jeunes
majeurs dans le cadre de l'APJM92 ». Plusieurs raisons viennent
éclairer ce
85 Ibid., p.1.
86 Ibid., p.2.
87 Ibid.
88 Ibid., p.26.
89 La part des jeunes majeurs accueillis en
établissement est variable d'un CDAS à l'autre : de 14 à
86%. Cf. Innover pour l'autonomie des jeunes majeurs, Conseil
Général 35, 2013.
90 Girardot P., Op. Cit., p.7.
91 Ibid., p.1.
92 Ibid.
32
recours massif à l'APJM, notamment « l'aspect
sécurisant de cette mesure au travers des garanties qu'elle donne et de
son cadre légal bien défini, ainsi qu'une certaine
méconnaissance des autres dispositifs93 ».
L'AED Jeune Majeur
La mesure d'Action Educative à Domicile (AED) constitue
une réponse à des difficultés d'ordre éducatif.
Cette mesure vise à proposer à un jeune majeur un accompagnement
éducatif à partir de son domicile et/ou de son environnement,
qu'il vive dans sa famille ou qu'il soit déjà en logement
autonome, y compris en foyer de jeunes travailleurs94.
« La mesure d'AED peut être accordée aux
mineurs anticipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et
un ans confronté à des difficultés sociales. Elle peut
venir prolonger une mesure décidée pendant la minorité ou
répondre à une situation de jeune majeur en difficultés.
La mesure d'AED peut également venir soutenir un jeune après un
contrat jeune majeur particulièrement lorsque le besoin d'une aide
financière n'est plus que ponctuel. Le jeune majeur est signataire de
cette mesure. »95
Pauline Girardot note que « cette mesure semble permettre
aux professionnels de bénéficier de marges de manoeuvre sur les
modalités de sa mise en oeuvre (fréquence des rencontres)
».
Elle reste pourtant sous-utilisée dans le
département puisque seulement 51 mesures étaient exercées
au 31 mars 201396. Ce non-recours peut s'expliquer par un «
manque de visibilité sur la mesure mais aussi par un manque
d'automatisme de la part des professionnels à passer d'une mesure
à une autre97 ».
L'allocation mensuelle Jeune Majeur
« Les aides financières au titre de l'ASE
représentent aussi une possibilité offerte aux jeunes majeurs qui
rencontrent des difficultés. Elles répondent à la
nécessité d'une aide matérielle et ne constituent pas une
intervention éducative. Ainsi, une allocation mensuelle peut être
attribuée à un jeune majeur autonome. Est considéré
comme jeune majeur autonome tout jeune répondant aux critères
cumulatifs suivants:
- Tout jeune qui réside à titre principal dans un
logement indépendant tel que chambre, appartement, FJT, cité
universitaire. Ne sont pas concernés les jeunes qui suivent une
scolarité en internat ; - Tout jeune indépendant
financièrement
L'allocation versée est destinée à couvrir
les frais à l'entretien, aux transports, aux loisirs, à
l'habillement, à la scolarité, au logement du jeune98
».
93 Ibid., p.26.
94 Ibid., p.31.
95 Extrait du Cahier technique de la vie sociale,
« l'action éducative à domicile », n°207, novembre
2011, Conseil Général Ille et Vilaine.
96 Girardot P., Op. Cit., p.32.
97 Ibid.
98 Extrait du Cahier technique de la vie sociale,
« L'accompagnement des jeunes majeurs de moins de 21 ans au titre de
l'Aide Sociale à l'Enfance ».
33
Les allocations mensuelles sont « sous-utilisées,
et lorsqu'elles sont utilisées il s'agit d'aides ponctuelles. Or, cette
mesure prévoit la possibilité d'un accompagnement de plus longue
durée, au travers de contrats d'accompagnement99 ».
Les mesures de TISF ou AESF
« Parmi les actions à domicile il existe
également dans le département les interventions des Techniciennes
en Intervention Sociale et Familiale (TISF) et les accompagnements
budgétaires (AESF). Un des objectifs suivis par l'intervention d'un TISF
est de favoriser l'insertion sociale ou l'intégration des personnes dans
leur environnement (faciliter la mise en relation avec les institutions,
favoriser l'insertion sociale - transports en commun, ...) sous formes
d'actions individuelles ou collectives. Ces mesures qui pourraient être
mises en place pour des jeunes majeurs ne sont pas ou peu actionnées
dans le département. »100
Un faible accès aux dispositifs de droit
commun
Les réflexions départementales ont mis en
évidence le fait qu'à partir du moment où les jeunes
entreraient dans un dispositif spécifique, « ils
bénéficieraient très peu ou pas des dispositifs de droit
commun ». Le risque serait donc « d'enfermer » ces jeunes dans
un système spécifique qui ne peut être que provisoire.
L'étude propose d'interroger « dans quelle mesure les
professionnels amènent les jeunes à bénéficier des
dispositifs de droit commun, et si oui, par quel(s) moyen(s) et à
quel(s) moment(s) de leur accompagnement101 ».
Des réflexes et postures professionnels qui
ne favoriseraient pas toujours l'autonomie
Pauline Girardot estime qu'on peut en effet «
s'interroger sur l'influence des pratiques professionnelles sur le processus
d'autonomisation102. » Elle relève à travers son
étude « un manque de connaissance et aussi de visibilité
autour des autres mesures hors APJM, mais également des
représentations quelques fois erronées de l'usage de ces mesures,
ce qui ne permet pas une réelle adaptation des dispositifs et outils par
les professionnels qui se les approprient peu103. » De
même, elle interroge également des comportements de protection de
la part des éducateurs de service pour appuyer une demande d'APJM d'un
jeune, par exemple au moment de la majorité : « le professionnel
qui exerçait dans le cadre d'une mesure de protection pendant la
minorité du jeune, se doit désormais d'exercer dans le cadre
d'une mesure d'aide éducative et considérer le jeune comme un
jeune adulte. Lorsque l'accompagnement est installé dans la
durée, ce changement peut s'avérer plus compliqué, et
parfois, certains professionnels peuvent continuer à protéger le
jeune, rendant alors plus difficile son accès à l'autonomie.
Cette transition devrait alors se faire de façon lente et
anticipée avant la majorité
99 Girardot P., Op. Cit., p.33.
100 Ibid., p.32.
101 Ibid., p.34.
102 Ibid.
103 Ibid., p.33.
34
du jeune afin d'amener la relation de protection vers une
relation qui relève davantage du soutien et de
l'accompagnement104. »
Une nuance à apporter : la contrainte
budgétaire
Le département semble vouloir développer une
diversification des dispositifs d'aide à l'attention des jeunes majeurs.
Bien que la plupart des propositions préconisées semblent assez
louables, il convient toutefois, à mon avis, de se rappeler que nous
sommes dans un contexte de maîtrise de la dépense publique qui
s'impose aux départements. Une AED Jeune Majeur ou une Allocation
Mensuelle Jeune Majeur coûte en effet moins cher qu'un APJM. C'est ce que
j'ai pu questionner durant mon échange avec la chargée de mission
à la protection de l'enfance, qui reconnaîtra que le
département a, dans un premier temps, interrogé très
fortement le coût de la prise en charge jeune majeur, c'est pourquoi il a
impulsé une étude sur cette aide départementale. En fait,
il est apparu au cours de cette étude que les dispositifs mis en place
par le département ne sont pas exploitées de façon
optimales, du fait entre autre d'un manque de visibilité par les
travailleurs sociaux et de postures professionnelles ne favorisant pas toujours
l'autonomisation des jeunes. Je partage ce constat à certains
égards, et pense également que de nombreuses améliorations
sont possibles. Mais, il faut rester vigilant sur la forme que va prendre
l'aide aux jeunes majeurs dans le cadre du nouveau schéma
départemental dans les années à venir en l'absence d'un
véritable dispositif de droit commun, tel qu'un revenu universel, ou un
Revenu de Solidarité Active 105 garantie à cette
tranche d'âge pourtant durement touchée par la crise
économique.
Ayant posé le contexte sociétal,
législatif, institutionnel et territorial de notre intervention en tant
qu'éducateur spécialisé auprès de ce public
spécifique, il convient maintenant de se demander comment
répondre à la commande de la prise en charge, à savoir :
comment favoriser l'autonomie des jeunes pris en charge physiquement par l'ASE
au sein d'un service d'accompagnement progressif tel que le service
extérieur ?
On commencera par interroger ce que signifie le terme «
autonomie » avant de se poser la question plus spécifique de ce
mémoire, à savoir : comment aider le jeune à mobiliser des
ressources afin de favoriser son autonomie et son accès aux droits ?
104 Girardot P., Op. Cit., p.30.
105 Pour l'instant accessible presque qu'aux plus de 25 ans au
vu des conditions d'accès (très restrictives) du « RSA-Jeune
».
35
2. Soutien à l'autonomie et accès aux
droits : une contradiction ?
a) L'autonomie : éléments de
définitions
Etymologie
L'autonomie du grec auto, soi-même, et
nomos, pourrait être définie d'un point de vue
étymologique et juridique comme la capacité à se forger
ses propres lois, ses propres règles, ses propres valeurs106.
C'est également de cette façon que François de Singly
définit cette notion puisque, pour lui, il s'agit de la «
capacité d'un individu de se donner lui-même sa propre loi, ses
propres règles de conduites107 ».
L'autonomie relève donc d'une « liberté
intérieure qui est mobilisée dans une capacité à
choisir sans se laisser dominer par certaines tendances naturelles ou
collectives, ni se laisser dominer de façon servile par une
autorité extérieure108 ». Ainsi, l'autonomie
renvoie à l'idée que l'individu se donne lui-même ses
propres règles, elle est considérée comme une perception
positive de soi vers laquelle l'individu tend. C'est une catégorie de
l'identité qui implique que l'individu doit participer le plus possible
dans l'élaboration de « son monde », de l'univers dans lequel
il vit109.
Dans cette conception, l'autonomie n'est pas naturellement
acquise : elle se construit dans l'éducation, d'où le terme
d'autonomisation qui en souligne la dynamique.
Un processus dynamique
Cela induit selon moi le principe d'un processus que l'on
acquiert tout au long de la vie. A ce titre, Edouard Durand souligne que cette
acquisition de l'autonomie s'opère parallèlement au
développement de l'être humain : « L'étymologie du mot
enfant (infans : celui qui ne parle pas) ne laisse place à une
quelconque autonomie. En revanche, celle du mot adolescent (adolescere
: grandir) signale davantage le processus de construction de la
personnalité auquel l'accès à l'autonomie semble pouvoir
prendre part110 ». Irène Théry, sociologue,
considère quant à elle que si « l'homme est par essence un
être libre, il ne le devient véritablement qu'en accomplissant le
processus éducatif qui le fait accéder à l'autonomie et
à la responsabilité111. »
L'autonomie via autrui
L'autonomie ne se construit pas toute seule dans son coin.
L'être humain, être social par excellence, a toujours besoin
d'autrui pour s'exprimer, se réaliser, se comparer, se comprendre,
106 Picard A., « Le concept d'autonomie et
l'épreuve des décisions de santé relatives aux mineurs
» in Les paradoxes de l'autonomie sous la direction de Guillaume
Nemer, Le sociographe, hors-série n°6, 2013.
107 De Singly F., « penser autrement la jeunesse »,
Lien social et Politique, n°43 83, 2000, p.13.
108 Ramos E., « Autonomie, indépendance et
entrée dans l'âge adulte », in Accompagner les jeunes
vers l'autonomie dans le dispositif ville, vie, vacances, Recherche-action
effectuée avec la DDCS du Maine et Loire et quatre opérateurs du
dispositif Résovilles, 2012, p.33-34.
109 Ibid., p.24
110 Durand E., « L'autonomie de l'enfant. Construire un
passé positif », in Les paradoxes de l'autonomie sous la
direction de Guillaume Nemer, Le sociographe, hors-série
n°6, 2013, p.83.
111 Théry I., Le démariage, Odile Jacob,
1989, p.342.
36
s'identifier. C'est pourquoi Elsa Ramos, sociologue, dit du
concept d'autonomie qu'il semble donc « être de nature à
rendre compte de la capacité, théorique et pratique, de l'homme
à prendre une décision responsable, sans pour autant faire
abstraction de l'autre112 ».
François de Singly dit d'ailleurs que « c'est par
la médiation d'autrui que l'individu peut être, peut avoir la
sensation d'être lui-même113 ». Ainsi, pour devenir
lui-même, le jeune a besoin du regard de personnes à qui il
accorde de l'importance et du sens, ce que Mead appelle les « autrui
significatifs ». Mead définit un autrui significatif comme «
une personne qui entoure concrètement, spatialement, et affectivement,
l'enfant ; il est celui par qui passe une part de sa définition propre
et qui se trouve, pour cette raison, investi d'une importance
singulière, celle d'un autrui qui compte dans le processus de
socialisation114. » Acquérir la validation des «
autrui significatifs » permet de « grandir » au sens d'affirmer
sa réalité même si celle-ci n'est pas toujours semblable
à celle des proches auxquels les jeunes vouent leur confiance. Ainsi,
« ils acquièrent progressivement une définition de
partenaires et d'égaux, et c'est à travers cette
redéfinition que les jeunes pourront tendre à se définir
eux-mêmes en tant que personne et à se définir comme
responsables de leur propre vie115 ».
La distinction entre autonomie et
dépendance
Elsa Ramos rappelle l'importance de distinguer les notions de
dépendance et d'autonomie. « L'indépendance se
définit à partir de catégories objectives : c'est un
état dans lequel se trouve l'individu lorsqu'il dispose de ressources
suffisantes pour gérer sa vie sans le soutien financier et
matériel parental. D'une certaine façon, c'est une
définition statutaire que le jeune acquiert : être
indépendant de ses parents, avoir un travail, avoir une famille.
Cependant, on ne peut réduire l'autonomie à l'indépendance
: les adolescents, les jeunes adultes chez leurs parents malgré la
cohabitation et un degré plus ou moins fort de dépendance avec
leurs parents peuvent se déclarer adulte et/ou autonome, et il s'agit
aussi de comprendre ces déclarations. « Etre dépendant
» ne signifie pas nécessairement ne pas être autonome, ne pas
être adulte116. » Les jeunes pris en charge au titre de
l'ASE sont parfois relativement indépendants de leurs parents, mais pas
de l'institution. Notons donc que leur situation d'indépendance relative
vis-à-vis de leurs parents n'en fait pas forcément des individus
autonomes.
112 Ramos E., Op. Cit., p.24.
113 De Singly F., Sociologie de la famille
contemporaine, Nathan, 1993.
114 Mead G. H., L'esprit, le soi et la
société, PUF, 2006.
115 Ramos E., Op. Cit., p.27.
116 Ibid., p.24.
37
b) Un constat : l'injonction (paradoxale) à
l'autonomie (financière) des jeunes majeurs
Une injonction paradoxale...
Pauline Girardot le souligne bien, « l'APJM conduit
à une réelle injonction à devenir rapidement
autonome117 ». Cette injonction à l'autonomie
relève pourtant un caractère paradoxal, à deux niveaux.
D'une part, « Les professionnels ont conscience de la pression
exercée sur les jeunes et du cadre contradictoire dans lequel ils se
trouvent : rendre le jeune autonome plus rapidement que d'autres jeunes alors
même qu'il est pris en charge par l'ASE.118 » D'autre
part, ce cadre est particulièrement contradictoire jusque dans sa nature
même, puisqu'il relève d'une pratique contractuelle. Or, comme le
souligne Pauline Girardot, « le contrat inhérent à la mesure
ne permet pas cette autonomie puisqu'il introduit nécessairement une
dépendance institutionnelle119 ». Guy Hardy,
thérapeute familiale, reprend la notion de double-lien pour comprendre
l'injonction paradoxale120, c'est-à-dire une injonction qui
contient deux affirmations qui se contredisent (exemple : « sois
spontané ! »). « Exiger des jeunes d'être autonome, au
travers d'un contrat de prise en charge physique constitue une injonction
paradoxale. L'injonction est « je veux que tu veuilles être autonome
». Demander à quelqu'un qu'il devienne ce qu'on souhaiterait qu'il
devienne est d'emblée voué à
l'échec.121. » C'est un peu ce que dit en d'autres
termes Paul Fustier, qui relève un caractère paradoxal à
la pratique éducative. « On pourrait la formuler ainsi : pour qu'il
y ait effet de changement, ou effet thérapeutique, il faut qu'il n'y ai
pas de thérapie. C'est à la condition que celle-ci soit absente
qu'elle peut manifester sa présence122. » Pour lui,
« On ne rééduque que celui dont on pense qu'il n'a pas
besoin de l'être123 ».
...à une autonomie préconstruite et
avant tout financière
Comme le souligne Céline Jung, « l'objectif
affiché par les professionnels de la protection de l'enfance est
l'accession à l'autonomie. En réalité cette autonomie fait
partie des compétences pré-requises, et l'objectif à
atteindre est une autonomie financière vis-à-vis des services
sociaux124. » En effet, Juliette Petit-Gats observe quant
à elle que le CJM se situe « entre le danger encouru en cas
d'arrêt de la prise en charge et les injonctions à
l'autonomie125. » Les projets des jeunes sont donc
centrés sur cette question, « sur les moyens les plus rapides pour
stabiliser la situation financière
117 Girardot P., Op. Cit., p.34.
118 Ibid.
119 Ibid., p.29.
120 Hardy G., S'il te plait ne m'aide pas I L'aide sous
injonction administrative ou judiciaire, Ed. Erès, 2012.
121 Girardot P., Op. Cit., p.29.
122 Fustier P., L'enfance inadaptée, repères
pour des pratiques, presses universitaires de Lyon, 1983, p.19.
123 Ibid., p.20.
124 Jung C., Op. Cit., p.151.
125 Guimard N., Petit-Gats J., « Ecrits de jeunes en
quête de statut », Recherches familales, 2010/1, n°7,
p.115125.
38
(formation courtes) sans poser la question du projet de
manière plus générale126. » Au final, ce
« projet qui doit permettre au jeune de décider pour lui,
d'être acteur, d'être au centre de la relation, semble
prédéfini, et laisse peu de place aux aspirations personnelles.
[...] Ce projet clé en main laisse peu de place à
l'expérimentation et à une évolution, et semble favoriser
une certaine reproduction sociale127. » Celine Jung regrette
que « le principe de réalité est imposé sans que les
jeunes puissent en faire leur propre apprentissage128 » et que
« souvent cantonnés dans des trajectoires
prédéterminées, une partie des jeunes est
confrontée à des échecs menant à une fin de
mesure129 ». Finalement, il semble que l'enjeu soit moins de
réussir un « projet » que de s'affranchir de l'aide sociale
facultative.
c) Accompagner vers l'autonomie et l'accès aux
droits : la prise en compte du sujet
On l'a vu, être autonome, c'est être capable de
décider seul, face à une situation donnée. Mais cette
aptitude à prendre des décisions ne signifie pas la
négation de l'autre. Pour Maëla Paul, docteure en science de
l'éducation, « l'essentiel est que la personne concernée ait
le sentiment que c'est elle, et pas une autre, qui se détermine,
même si le choix qu'elle adopte consiste à suivre une obligation,
dont on dira alors qu'elle est assumée. Être autonome, c'est alors
être capable d'analyser la situation, d'inventorier les obstacles,
d'envisager des solutions, de repérer des moyens et de faire des choix
d'action, avec et en présence d'un autre.130 »
Dans le même temps, on peut considérer comme
contraire à l'autonomie « le fait de suivre des modèles tout
faits, d'obéir sans réflexion à des injonctions ». Il
en résulte que « l'autonomie des jeunes ne peut trouver de seule
réponse dans la simple qualification professionnelle mais réside
plus largement dans celle de la participation citoyenne, autrement dit le
pouvoir d'agir dans un environnement donné131 ». Selon
cette conception, « la tâche d'un accompagnant serait de faciliter
la distanciation : car, en créant de l'extériorité, il
aide une personne à « sortir » de la situation dans laquelle
elle est prise. Plus on diversifie les modalités de décentration
et d'aide à la prise de conscience, plus on facilite
l'intégration d'une posture intérieure de prise de recul et
d'analyse de son propre fonctionnement, à la base de
l'autodétermination (capacité à prendre librement ses
propres décisions), l'autoréférenciation et
l'autorégulation (capacité à utiliser et adapter ses
ressources en cours d'expérience) 132 ».
Maëla Paul insiste donc sur le rôle à jouer
des professionnels censés soutenir les jeunes dans leur accès
à l'autonomie : « On ne saurait concevoir que les professionnels
accompagnant, quelles que soient leurs structures, puissent exercer leur
fonction sans développer un regard critique sur ce qu'ils
126 Jung C., Op. Cit., p.84.
127 Ibid., p.96.
128 Ibid., p.151.
129 Ibid.
130 Paul M., « Ce qu'accompagner veut dire », in
Accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville, vie,
vacances, Recherche-action effectuée avec la DDCS du Maine et Loire
et quatre opérateurs du dispositif Résovilles, 2012.,
p.34.
131 Ibid., p.34.
132 Ibid.
39
font quand ils disent « accompagner les jeunes », au
regard de la commande inscrite dans des dispositifs d'accompagnement. Car c'est
cette dimension de réflexivité et de critique qui est
éminemment émancipatoire. Elle soulève avec elle les
insatisfactions et les préoccupations des acteurs, contribue à ce
qu'ils en rendent compte et, par là, modifie leur rapport à la
réalité sociale en même temps qu'elle les inscrit dans le
monde. [...] C'est qu'on ne saurait accompagner des jeunes pour devenir acteur
sans se positionner soi-même en tant que professionnel dans un monde
social, en s'y adaptant mais aussi en le modifiant133 ».
Rolland Janvier dit d'ailleurs qu'il « en va aussi de notre engagement
d'acteurs sociaux à développer, auprès des personnes
accompagnées, la connaissance du droit, la reconnaissance des
capacités propres à chacun et la mise en oeuvre
démocratique des lieux d'accueil où espace public et espace
privé cohabitent134. »
L'accès aux droits comme soutien au processus
d'autonomisation
Un accès aux droits nécessaire et
légitime :
Rappelons le, la situation des jeunes sortants de la
Protection de l'Enfance est spécifique à bien des égards
du fait du peu de soutien familial et amical dont ils disposent souvent et
d'une histoire familiale qui les a fragilisés. L'histoire
institutionnelle des jeunes dans leur parcours de prise en charge n'est
également pas neutre pour leur trajectoire d'insertion. Les pouvoirs
publics qui ont assumé les actions de suppléance familiale
à leur égard ont bel et bien une responsabilité
particulière envers eux pour préparer et accompagner leur
départ.
La question du soutien au passage à l'âge adulte
des jeunes sortants interroge à ce titre la relation entre droit commun
et droit spécifique. Elle « met en tension le risque d'aboutir
à des réponses insuffisantes et partielles ou au contraire le
risque d'aboutir à des pratiques d'aide massives qui peuvent se
révéler stigmatisantes. Pour résoudre cette tension, on
peut concevoir ce soutien spécifique pour les jeunes issus de
dispositifs de protection de l'enfance, ou accueillis dans ce cadre à
leur majorité, comme transitoire, palliatif à une
évolution du droit commun en direction de l'ensemble des jeunes en
difficultés135, tout en s'assurant que les difficultés
spécifiques des jeunes issus de dispositifs de protection de l'enfance
soient adéquatement prises en compte dans le droit commun. En effet, si
les besoins des jeunes issus des dispositifs de protection de l'enfance ne
trouvent pas de réponses suffisantes dans le droit commun, ils doivent
pouvoir bénéficier d'une aide spécifique, sans pour autant
être stigmatisés136 ».
133 Paul M., Op. Cit., p.36.
134 Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des
usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002,
p.21.
135 La proposition 16 du Livre Vert de la commission de
concertation sur la politique de la jeunesse parle de « refonder les
mesures existantes et de créer une mesure de protection dont le pilotage
pourrait être assurée par le Conseil général et la
responsabilité partagée entre le Conseil général et
l'Etat. [...] Cette mesure serait accessible à tous les jeunes sans
ressource et sans soutien familial, qu'ils aient ou non fait l'objet d'une
mesure éducative ou de protection judiciaire ou administrative pendant
la minorité.»
136 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.12.
40
Tant que le droit commun ne répondra pas dans une
optique d'aide universelle à l'ensemble des besoins des jeunes sortants
des dispositifs de protection de l'enfance, le maintien d'un dispositif
transitoire et palliatif est plus que nécessaire. En attendant, l'ONED
rapporte qu' il est « important de renforcer le droit commun en faveur des
jeunes de moins de 25 ans sans soutien familial et en situation de grande
précarité, dans l'intérêt de tous, y compris dans
celui des jeunes sortants de la protection de l'enfance137.
»
Le savoir est un droit, leur droit est de savoir...
Pour aider les jeunes à prendre connaissance des droits
qu'ils peuvent solliciter, je recommande l'ouvrage d'Hélène
Dubouis, Les jeunes dans la société138.
L'éditeur de l'ouvrage fait remarquer à juste titre dans son
introduction que « Du couple droits-obligations, ce sont souvent les
obligations des citoyens vis-à-vis de la Nation qui sont mis en avant.
Les droits des citoyens doivent être également connus et
respectés. [...] La loi est devenue complexe et sa connaissance
monopolisée par les « professionnels du droit ». Cette
distance oblige les citoyens à toujours se placer en « demandeurs
» de leurs droits. Le fossé s'est creusé entre les principes
fondamentaux de la solidarité nationale, toujours affirmés par le
monde politique, et la réalité de la vie des citoyens. Or, si la
solidarité nationale s'est réduite au fil des aléas
politiques, les droits continuent de devoir être honorés.
»
L'ouvrage explique en des termes simples, les
différents dispositifs et les différentes aides de droit commun,
auxquels les jeunes peuvent avoir recours en termes de logement, de
santé, d'emploi, etc. pour pallier aux difficultés qu'ils peuvent
rencontrer. Des dispositifs qui peuvent être des appuis provisoires dans
leur processus d'autonomisation en l'absence de soutien familial.
Un accès au droit qui n'est pas une fin en soi :
Toutefois, l'accès aux droits des jeunes majeurs pris
en charge par l'ASE n'est pas une fin en soi. Certes, elle est souvent
nécessaire et légitime, pour autant, il convient de ne pas
enfermer ces usagers dans une situation d'assistance et de dépendance
qui ne permet pas la mobilité sociale. Comme le remarque Rolland
Janvier, « ce serait tomber dans le piège de créer une
catégorie à part de citoyens susceptible de réclamer des
droits particuliers du fait de leurs difficultés. Cette logique serait
à l'encontre de tout projet d'intégration sociale des personnes
marginalisées, en rupture sociale, ou en voie de
l'être139. » C'est pourquoi il faut
réfléchir à comment mobiliser l'usager. Rolland Janvier
croit à la transformation de l'usager-roi en l'usager-sujet : «
L'usager-roi, c'est l'individu-problème déguisé en
citoyen, c'est une parodie d'égalité de droits qui cache une
discrimination. C'est la négation de la dimension politique de tout
acteur social et, dans ce cas, de la dimension politique des personnes en
difficultés. L'usager-sujet c'est la combinaison de l'autonomie de
l'individu et de sa transcendance citoyenne. L'individu est une entité
originale, jouissant d'une capacité créatrice singulière.
Cependant,
137 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.35.
138 Dubouis H., Les jeunes dans la
société, Edition des citoyens, 2011.
139 Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des
usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002,
p.23.
41
il ne peut être réduit à cette seule
dimension. La dimension citoyenne vient traverser la particularité
individuelle en la reliant à ce qu'il y a de commun entre les hommes,
à ce qui fait sens dans une vie en société. Nous jouissons
également d'une capacité créative collective. Refuser de
chosifier l'usager par l'artifice de droits réducteurs, c'est faire le
pari qu'il est possible de combiner l'individuel et le collectif c'est
restaurer une dimension politique.140 »
La place du jeune dans la quête de sa propre
autonomie
Rolland Janvier clame qu'il faut que les institutions «
cherchent à se définir non plus par le plein mais par le vide,
c'est-à-dire aux espaces qu'elles laissent ouverts afin de donner une
chance aux usagers de conserver, voire de conquérir, les places qu'ils
peuvent occuper dans leur fonction sociale. Dans cette démarche, le
cadre institutionnel est un atout car il structure la prise en charge et permet
de repérer ce qui est possible ou non141. » Il s'agit
bien là de mobiliser les ressources de l'usager pour qu'il soit l'acteur
de son accès à l'autonomie. Toutefois, il convient au
préalable de réfléchir à mettre en place des
conditions qui peuvent permettre cela. Il faut notamment penser à :
comment informer le jeune, et quels supports lui donner pour qu'il puisse
être capable de se mobiliser seul à la fin de sa prise en charge
qui, rappelons-le, intervient au plus tard à ses 21 ans. D'après
Reynald Brizais, « une des conditions pour être autonome est
d'identifier le pourvoyeur potentiel qui peut répondre à son
besoin. La condition suivante sera d'être capable d'entrer en contact
avec celui-ci142 ». C'est pourquoi il faut que les jeunes
soient capables de pouvoir situer les ressources dont ils peuvent se saisir sur
leur territoire. C'est quelque chose qui doit être travaillé
durant leur prise en charge.
Pour résumer, c'est bien l'avenir d'un individu inscrit
dans la société qui se pose. Or Guimard et Petit-Gats soulignent
que « pour pouvoir maîtriser son avenir, se projeter, anticiper,
prévoir, il faut avoir une certaine maîtrise du temps et ne pas
être dans l'urgence d'un besoin143 ». De plus, l'individu
doit pour cela avoir suffisamment de supports, définit par Castel et
Haroche comme « la capacité de disposer de réserves qui
peuvent être de type relationnel, culturel, économique,
etc. et qui sont les assises sur lesquelles
peut s'appuyer la possibilité de développer des stratégies
individuelles »144. Pour ces auteurs les supports permettent
ainsi à l'individu de « développer des stratégies
personnelles, de disposer d'une certaine liberté de choix, dans la
conduite de sa vie parce que l'on n'est pas dans la dépendance d'autrui
»145.
140 Ibid., p.174.
141 Ibid., p.167.
142 Brizais R., « l'Autonomie en question »,
intervention à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) de
Loire-Atlantique,
2003.
143 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit., p.14.
144 Castel R., Haroche C., Propriété
privée, propriété sociale, propriété de soi
: entretiens sur la construction de l'individu moderne, Fayard, 2001.
145 Ibid.
d) Les préconisations de l'ONED... qui
coïncident avec mes observations de terrain L'ONED établit
plusieurs recommandations dans son rapport sur les jeunes
majeurs146. Ces recommandations coïncident très
fortement avec les questionnements qu'avaient suscités les situations de
Yasmine, Gaëlle, Abu et Ajmal.
Les préconisations générales de
l'ONED :
? Concevoir le passage à l'âge adulte
comme un parcours marqué par la date symbolique et juridique des 18 ans
mais qui se prépare en amont dès 16 ans et peut
s'échelonner au-delà de 21 ans.
Ceci afin d'éviter dans les dispositifs les effets de
seuils et d'évictions ainsi que les ruptures brutales de prise en charge
et de permettre une plus grande cohérence et continuité des
parcours en laissant plus de temps aux jeunes pour construire leurs
trajectoires d'insertion. Cette préconisation est largement
partagée par les jeunes interrogés qui regrettent d'avoir
été peu préparés à la vie d'adulte et
d'avoir effectué des choix à court terme, notamment concernant la
formation, faute d'aides au-delà de 21 ans. ? Etablir des
passerelles entre droit commun et droit spécifique tout en maintenant un
accent
éducatif spécifique pour les jeunes
sortants de la protection de l'enfance et en adaptant les
dispositifs de droit commun aux besoins
spécifiques des jeunes sortants.
Toujours dans un souci de cohérence, le groupe de
travail recommande de fédérer les ressources sur un territoire en
direction des jeunes en articulant les dispositifs de droit commun et les
dispositifs de droits spécifiques, le dispositif de droit commun
étant conçu comme premier et celui de droit spécifique
comme subsidiaire ou complémentaire au droit commun quand celui-ci se
révèle insuffisant. Par cette articulation, il s'agit de rendre
disponibles les ressources à l'ensemble des jeunes sur le territoire, de
garantir la lisibilité des dispositifs et de proposer une approche
globale.
A mon grand étonnement, ces recommandations font
échos à ce que j'avais pu observer sur le terrain, et
répondent presque point par point aux pistes d'action que j'avais en
tête quant au projet que je souhaiterais impulser sur le service
extérieur.
42
146 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.16-19.
43
Projet
1. Qu'est-ce qu'un projet éducatif
spécialisé ?
Définitions
Le projet est une projection dans l'avenir rendue possible
par nos connaissances, nos observations et nos analyses de situations
passées. Jacques Papay définit le projet comme « une
représentation construite de quelque chose que l'on veut faire, sur la
base de données multiples concourant à l'évaluation des
situations considérées et proposant des hypothèses de
compréhension et d'action pour atteindre des objectifs
préalablement définis147 ». De plus, il a une
finalité qui est d'impacter positivement les personnes qu'ils ciblent.
C'est pourquoi, « un projet doit prendre appui sur l'expérience de
l'individu qui apprend à mobiliser ses savoirs, ses émotions, ses
croyances, et ses valeurs dans un objectif favorable à l'accomplissement
de lui-même148. ».
Méthodologie
Le projet représente un processus, une démarche
méthodologique, organisé généralement en quatre
étapes. Dans un premier temps, un diagnostic est réalisé
de manière à pointer la finalité de celui-ci. Dans un
deuxième temps, il s'agira de proposer des axes de travail à
partir d'objectifs généraux puis opérationnels. La
troisième étape décrit la mise en place des actions
éducatives. Enfin la dernière étape correspond à
évaluer le projet de manière à pouvoir réajuster
les actions réalisées.
2. Diagnostic
Il s'agit de synthétiser ici ce qui a été
évoqué plus haut dans notre travail d'analyse.
Cadre législatif
La loi du 2 janvier 2002 indique que « l'action sociale
et médico-sociale repose sur une évaluation continue des besoins
et des attentes des membres de tous les groupes sociaux [...]. L'action sociale
et médico-sociale est conduite dans le respect de l'égale
dignité de tous les êtres humains avec l'objectif de
répondre de façon adaptée aux besoins de chacun d'entre
eux et en leur garantissant un accès équitable sur l'ensemble du
territoire149 ».
Ainsi, pour Papay, les lois témoignent de nouvelles
orientations législatives qui « ont pour objectifs
l'intégration et l'inclusion sociale avec comme finalité ultime
la participation au monde social150 ». Le projet
éducatif doit alors contribuer à atteindre ces
finalités.
147 Papay J., DC 2 Conception et conduite de projet
éducatif spécialisé, Dunod, 2010, p. 2.
148 Bernatet C., Oser réussir l'insertion, Les
Editions de l'atelier, 2005, p.135.
149 Code de l'Action Sociale et des Familles, Dalloz,
2010.
150 Papay J., Op. Cit., Dunod, 2010, p.8.
44
Objectifs du service
La mise en place d'un projet ne peut être
développée sans la prise en compte des objectifs que se donne le
service auprès des jeunes accueillis. Ils sont résolument
tournés vers l'accès à l'autonomie. Ainsi, le projet
d'établissement de la MDC résume que « le passage en
appartement de proximité est une étape importante de la
préparation à la vie autonome. Cette forme de suivi a comme
objectif de poser des apprentissages sociaux151 ». Toutefois,
les méthodes d'accompagnement pour y parvenir sont peu
étayées du fait de l'absence d'un projet de service.
Le désir des usagers
De ce que j'ai pu observer pendant mon stage, c'est que les
jeunes accueillis sur le service expriment pour la plupart ce désir
d'autonomie. Ils souhaiteraient ne plus dépendre de la MDC, ou comme le
dit Gaëlle : « ne plus avoir d'éducateurs sur le dos ».
Ils sont souvent pressés de prendre leur envol dès que les
conditions de cet envol deviennent favorables.
Un contexte social difficile
Les conditions de passage à la vie adulte sont rendues
difficiles par les conditions d'accès au marché de l'emploi.
Elles le sont d'autant plus difficiles pour les jeunes accueillis au titre de
l'ASE, car ils possèdent moins de ressources et de réseaux pour
surmonter les difficultés qui peuvent survenir, et peuvent donc
rapidement se retrouver en situation de vulnérabilité.
Des dysfonctionnements
institutionnels
Parallèlement à cela, comme le rapporte des
études départementales ainsi que mes propres observations, les
jeunes majeurs pris en charge au titre de l'ASE, tout comme l'ensemble des
professionnels qui les accompagnent, disposent de peu de visibilité
concernant les différents dispositifs spécifiques ou de droits
communs qu'ils pourraient solliciter pendant ou après leur prise en
charge. De plus, la prise en charge est soumise à un certain nombre de
paradoxes, comme la contractualisation ou encore les limites d'âge qui
font qu'à 21 ans tout juste atteint, le jeune ne sera plus
accompagné au titre de l'ASE alors même qu'on constate un
allongement de la jeunesse.
Des forces en présence
Il faut également tenir compte des forces en
présence lorsque l'on souhaite impulser un projet. Tout d'abord, notons
que malgré les dysfonctionnements mis en évidence dans ce
mémoire, les accompagnements éducatifs proposés aux jeunes
majeurs démontrent dans bien des cas la pertinence et
l'efficacité des pratiques professionnelles. Toutefois, les
professionnels qui accompagnent ces jeunes sont généralement
conscients des limites qu'induisent ce type de prise en charge, quelque soit la
place qu'ils y occupent. Ils sont pour la plupart ouverts à la remise en
question. C'est d'ailleurs bien l'orientation que souhaite impulser le
département en voulant « innover pour l'autonomie des jeunes
majeurs ».
151 Projet d'établissement de la Maison du Couesnon.
45
3. Axes de travail
Le diagnostic, qui s'appuie sur une analyse de terrain
éclairée par des apports théoriques, indique, selon moi,
qu'il faut travailler prioritairement sur deux dimensions pour favoriser le
processus d'autonomisation des jeunes accueillis à la MDC qui est la
finalité de l'accompagnement. Nous l'avons vu, être autonome va
au-delà d'une autonomie financière vis-à-vis des services
de l'ASE. Il faudrait davantage se baser sur cette définition : «
être capable d'analyser la situation, d'inventorier les obstacles,
d'envisager des solutions, de repérer des moyens et de faire des choix
d'action, avec et en présence d'un autre152 ». C'est en
favorisant cette autonomie-là que ces jeunes seront capables, selon moi,
de surmonter au mieux les difficultés qui se dresseront devant eux dans
leur accès à l'âge adulte.
|
|
Finalité : l'autonomie des jeunes
|
Pour favoriser ce processus d'autonomisation des jeunes
accueillis, il faut pour moi proposer des réponses concrètes et
éducatives aux questions ci-dessous :
- Comment mieux baliser dans le temps l'accompagnement
éducatif de façon à anticiper les seuils importants
(majorité, fin de prise en charge) tout en évaluant avec le jeune
ses besoins et ses désirs ?
- Comment mieux informer les jeunes sur les lieux ressources
et dispositifs qu'ils peuvent solliciter pendant et après leur prise en
charge ?
Objectifs généraux :
Depuis le point de vue du jeune, les objectifs
généraux du projet sont les suivants :
a) Permettre au jeune d'intégrer la
temporalité de son accompagnement éducatif.
b) Permettre au jeune d'être informer sur les
lieux et les dispositifs ressources.
4. Actions éducatives
L'accompagnement proposé par le service
extérieur de la MDC repose fortement sur la qualité de la
relation éducative instaurée avec les jeunes accueillis. Il
convient toutefois de définir dans un premier temps qu'elle est la
finalité et le sens de cette relation éducative, pour ensuite
voir quels outils éducatifs peuvent permettre de la nourrir. A partir de
là, nous réfléchirons à comment mieux prendre
152 Paul M., « Ce qu'accompagner veut dire », in
Accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville, vie,
vacances, Recherche-action effectuée avec la DDCS du Maine et Loire
et quatre opérateurs du dispositif Résovilles, 2012.,
p.34.
46
en compte la temporalité dans l'accompagnement du jeune
accueilli, en proposant une méthode pour mieux évaluer les
besoins du jeune avant les échéances et seuils de passage qui
s'imposent à lui. Puis, nous verrons comment favoriser l'information des
jeunes concernant les ressources et dispositifs qu'ils peuvent solliciter
pendant et après leur prise en charge.
La relation éducative comme point de
départ
Comme Philippe Gabéran, je considère que la
« la finalité de la relation éducative n'est pas de
normaliser la personne [...] elle est de l'aider à devenir actrice de sa
vie en favorisant le passage du vivre à l'exister153. »
Selon moi, pour que les personnes accompagnées puissent « exister
» au sein de la société, j'estime, à l'instar de
Paulo Freire, pédagogue brésilien, que les personnes
accompagnées doivent percevoir « en termes critiques, la violence
et la profonde injustice qui caractérisent leur situation
concrète. Plus encore, qu'ils prennent conscience que leur situation
concrète [...] n'est pas le résultat de quelque chose qui ne peut
pas être changé154. » L'éducateur
spécialisé qui accompagne les jeunes a donc une lourde
responsabilité à cet égard car, comme le souligne Joseph
Rouzel, la relation éducative est un « moyen d'agir dans le sens
d'un changement des personnes en vue d'une meilleure insertion pour elles dans
la communauté des citoyens155. »
Toutefois, la position de l'éducateur n'est pas simple
à trouver vis-à-vis du jeune. Il doit à la fois être
présent et significatif pour le jeune, mais dans le même temps, il
doit pouvoir laisser au jeune un espace pour lui permettre d'exister,
d'être lui-même, et ainsi de favoriser son autonomie. En
résumé, comme le décrivent très
bien Capul et Lemay, l'éducateur spécialisé « tente
de se situer comme une sorte de médiateur entre le sujet et son
environnement. Dans le respect et l'écoute de l'autre et tout en sachant
qu'il doit parfois poser des limites, il veut à la fois être
suffisamment présent - utile - pour devenir significatif et suffisamment
distancié pour ne pas imposer sa direction156. »
Mon rôle, en tant qu'éducateur
spécialisé sur le service extérieur, sera alors
d'accompagner le jeune dans l'émergence, la construction et la
réalisation de son propre projet tout en prenant en considération
la réalité de l'environnement dans lequel il évolue.
Un outil éducatif essentiel :
l'entretien
L'entretien éducatif est pour Capul et Lemay « un
lieu précis où le jeune peut se permettre d'exprimer ses
difficultés ou ses tourments157 ». Pour Roger
Mucchielli, « le bon entretien a pour objectif la compréhension
exacte de ce qui se passe pour l'autre, la découverte de la
manière dont il éprouve la situation, la clarification
progressive de son vécu158. »
L'entretien d'aide, défini par Carl Rogers propose une
vision que je trouve intéressante de l'entretien : « J'entends par
ce terme de relation d'aide, des relations dans lesquelles l'un au moins des
153 Gaberan P., La relation éducative,
Erès, 2003, p.139.
154 Freire P., Pédagogie de l'autonomie,
Erès, 2013., p.94.
155 Rouzel J., Le travail de l'éducateur
spécialisé, Dunod, 2000, p.10.
156 Capul M., Lemay M., De l'éducation
spécialisée, Eres, 2011, p.125.
157 Ibid., p.213.
158 Mucchielli R., L'entretien de face à face,
ESF, 2009, p.12.
47
deux protagonistes cherche à favoriser chez l'autre, la
croissance, le développement, la maturité, un meilleur
fonctionnement et une meilleure capacité d'affronter la vie. L'autre
dans ce cas, peut être soit un individu, soit groupe. On pourrait encore
définir la relation d'aide comme une situation dans laquelle l'un des
participants cherche à favoriser chez l'une ou chez l'autre des parties,
ou chez les deux, une appréciation plus grande des ressources latentes
internes de l'individu, ainsi qu'une plus grande possibilité
d'expression et un meilleur usage fonctionnel de ses ressources159.
» Ainsi, l'entretien peut être un moyen pertinent de mesurer les
besoins et les ressources du jeune.
Toutefois, Mucchielli précise : « L'intention de
bien conduire un entretien ne suffit pas. Il faut une
méthode160. » La technique de reformulation est une
technique d'entretien que j'utilise beaucoup. Il s'agit de « redire en
d'autres termes et d'une manière plus concise ou plus
explicite161 » les paroles du jeune afin de s'assurer du sens
que le jeune a voulu exprimer, tout en le poussant à se positionner
davantage.
Je m'appuierai donc sur l'outil de l'entretien pour mesurer
les besoins et les désirs du jeune. Il convient toutefois de mesurer
cela en respectant la temporalité de la prise en charge.
a) Permettre au jeune d'intégrer la
temporalité de son accompagnement éducatif.
Rappel : « Pour pouvoir maîtriser son
avenir, se projeter, anticiper, prévoir, il faut avoir une certaine
maîtrise du temps et ne pas être dans l'urgence d'un
besoin162 ».
La prise en compte de la temporalité et des
seuils de passage
Le suivi éducatif se veut être un processus
dynamique dans le parcours du jeune pour qui, généralement le
service extérieur est très souvent la dernière
étape de l'aide apportée par l'ASE.
La notion de temps est donc centrale dans l'organisation de la
prise en charge qui va s'inscrire dans la temporalité du jeune : partir
de là où il en est pour lui permettre d'atteindre, à son
rythme, l'objectif général de ne plus avoir besoin de soutien
éducatif pour mener sa vie.
Pour cela, il est essentiel de tenir compte de la
temporalité de la prise en charge que le cadre législatif nous
impose : le temps de la minorité, la durée de l'APJM, les 21 ans,
etc.
D'autant que pour nombre de ces adolescents et jeunes adultes,
les repères temporels sont altérés, voir perdus parce
qu'ils peuvent être dans l'inactivité ou l'hyperactivité,
voire dans l'instabilité. Il est alors nécessaire de structurer
la prise en charge afin qu'ils puissent se réinscrire dans un
déroulement de leur vie en terme de progression. Pour certains, la
séparation peut parfois être source d'angoisse en
réactivant un sentiment d'abandon. C'est pourquoi le départ doit
également être
159 Rogers C., Le développement de la personne,
Dunod, 1967, p.29.
160 Mucchielli R., L'entretien de face à face,
ESF, 2009, p.12.
161 Ibid., p.53.
162 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit., p.14.
48
préparé afin de minimiser ses effets
déstabilisants et d'assurer la mise en place de relais possible dans les
dispositifs de droit commun.
Un moyen pour mieux mesurer et anticiper les
besoins et désirs du jeune : les bilans
Pour mieux visualiser le déroulement, anticiper les
échéances et mieux situer les besoins du jeune ainsi que les
points qu'il reste à travailler, la formalisation de la prise en charge
se doit d'être rigoureuse. Rappelons ici succinctement, les grands seuils
que peut être amené à franchir un jeune durant sa prise en
charge à la MDC, bien que comme nous l'avons vu, peu de jeunes sont pris
en charge de leurs 16 à21 ans. Néanmoins, ils sont nombreux
à connaître ces franchissements de seuils.
16 ans
18 ans
21 ans (ou avant)
Minorité
· Assistance éducative
· Travail avec la famille
· Recensement/JAPD
· Scolarité/orientation
· Code de la route
|
· Majorité
· APJM
· Travail avec la famille (si nécessaire)
· Carte électorale
· Scolarité/Formation
· Permis de conduire
|
· Fin de PEC
· Autonomie
· Logement autonome (inscription CAF, etc)
· Revenus
· Connaît ses droits
· Sait identifier les lieux ressources
|
Il faudrait selon moi que chaque étape importante de
l'accompagnement donne lieu, en amont, à un temps d'arrêt que l'on
pourrait appeler « bilan ». C'est quelque chose qui n'existe pas
actuellement de façon formalisé sur le service extérieur
mais qu'il faudrait mettre en place selon moi.
Modalités :
Les modalités sont à déterminer au cas
par cas. Toutefois je suggère que ces « bilans » prennent la
forme d'un entretien formel dans un bureau de la MDC. Ils peuvent toutefois
être conviviaux en proposant un goûter au jeune par exemple, pour
ne pas qu'il soit trop stressé ou tendu. Il n'est jamais aisé de
parler devant des adultes et professionnels. Ces temps de bilan seraient
préparés à l'avance avec les éducateurs
référents du jeune lors d'entretien à la MDC ou lors de
temps moins formels (repas extérieur). Ils dureront en moyenne entre
trente minutes et une heure selon là aussi les situations des jeunes.
Professionnels présents :
Ces bilans se feraient en présence des deux
éducateurs référents, du psychologue et de la chef de
service. Cela peut paraître beaucoup, mais cela permettrait selon moi
d'inviter à une multiplicité des regards. De plus, cela
nuancerait la place de l'affect dans les postures professionnelles et dans les
ressentis du jeune. Cette rencontre permet au jeune de resituer son suivi dans
un travail d'équipe et d'introduire du tiers dans la relation
éducative avec ses référents. J'ai remarqué en
effet à plusieurs reprises que les jeunes avaient le sentiment qu'une
décision les concernant était le fait d'une seule
49
personne, or la très grande majorité des
décisions sont prises en concertation, en réunion d'équipe
ou avec l'aval de la chef de service.
Fréquence :
La fréquence de ces bilans pourrait être modulable
en fonction de la situation particulière de chaque jeune, mais il me
semble qu'un minimum de deux bilans par an soit nécessaire mais cela
dépend de nombreux facteurs à commencer par la durée de la
PEC.
Chaque jeune devrait connaître au minimum trois bilans : un
au début, un pendant, et un avant la fin de sa PEC. Surtout, il faut que
ces bilans aient lieu à des moments importants de la prise en charge et
qu'ils coïncident avec les besoins du jeune à l'approche
d'échéances importantes.
Ainsi, je propose que les temps de bilan soient
découpés ainsi sur la prise en charge :
Premier bilan
Bilans intermédiaires
Bilan de fin de PEC
· A l'approche des 18 ans
· A l'approche d'une fin d'APJM
· En cas de besoin
Premier bilan :
Lors de ce bilan qui aurait lieu environ un mois après
le début de sa prise en charge, le jeune serait invité à
exprimer ses impressions, son vécu, ses premières
expériences concernant les différents aspects de son quotidien,
qu'il s'agisse de son logement, de suivi éducatif, de son projet
scolaire ou professionnel, de ses relations familiales...
C'est avant tout un premier temps d'échanges dont la
finalité est de favoriser l'expression du jeune et d'élaborer
ensemble ses objectifs à venir.
Ces temps de bilan seraient des moments
privilégiés d'échange où la confrontation
d'idées, le dialogue, les conseils doivent lui permettre de faire des
choix. Ces entretiens s'enracinent dans l'élaboration du projet
individualisé (insertion professionnelle, logement, budget...) ainsi que
dans le quotidien (courses, repas ménages). Ils sont aussi l'occasion
d'aborder les difficultés relationnelles et d'aider le jeune à
trouver sa place.
Bilan intermédiaires lié aux
échéances de PEC :
Ce sont les bilans qui doivent se tenir en amont des seuils de
passages importants, avant la majorité par exemple. En fonction des
jeunes et des délais impartis, je crois qu'il serait judicieux que ces
bilans intermédiaires aient lieux environ 6 mois avant les 18 ans. Ils
seront le moment d'échanger avec le jeune sur les apprentissages
effectués, et les différents points de son accompagnement qu'il
reste à travailler. Ils permettront de repérer quels sont les
besoins du jeune, et quels sont ses désirs et ses envies. Une
présentation pourra être faite aux jeunes des différents
dispositifs qui existent après la majorité (APJM, AED JM, AMJM,
etc.), les modalités de ces dispositifs, les avantages et les
50
inconvénients de chacun. Le jeune devra disposer du
maximum d'information pour être à même de faire un choix
qu'il jugera pertinent pour lui. Il pourra tout même être
éclairé par les professionnels de la MDC sur les possibles
conséquences de ses choix.
Les bilans intermédiaires à l'approche d'une fin
d'APJM (qui sera renouvelé ou non) se tiendront selon des
modalités similaires. Ces bilans intermédiaires peuvent
être des supports intéressants pour l'écriture de rapport
transmissibles aux CDAS ou au juge.
Bilan de fin de PEC :
Enfin, un bilan de fin de PEC doit selon moi être
systématiquement proposé au jeune : formaliser son départ,
évoquer la poursuite de ses projets de vie. Le service a
été une étape nécessaire dans son parcours, il
n'est pas question de rupture mais d'un processus logique de poursuite de sa
vie adulte. Ce bilan permet au jeune d'évaluer le chemin parcouru, les
différentes expériences vécues, les moments difficiles,
les échecs, les réussites. Il peut, avec un certain recul,
renvoyer à l'équipe le bien-fondé des choix
éducatifs ou au contraire, y porter un regard critique qui viendra
interroger le sens de notre démarche éducative et contribuera
à faire évoluer le projet du service extérieur.
Evaluation :
Une évaluation globale du projet pourra être
menée, conjointement à la mise en place de celui-ci de
façon à pouvoir le réajuster. Elle portera sur ce qu'a
permis la mise en place de ces bilans. Elle viendra porter une attention
particulière sur différents points :
'3 La capacité des jeunes à pouvoir
s'exprimer sur leurs ressentis (désirs, besoins, sources de frustration,
etc.) lors de ces temps de bilan.
Le jeune est en capacité d'exprimer des
désirs à l'approche des échéances le concernant. Il
est aussi capable de nommer ses besoins et les points qui lui restent encore
à travailler.
'3 L'intégration par le jeune des
temporalités de l'accompagnement.
Le jeune est capable de nommer les différents
seuils de passage auquel il va être exposé durant sa prise en
charge et a conscience de ce qu'ils impliquent.
'3 La compréhension qu'ont les jeunes des
différents dispositifs existants (APJM, AED JM, AM JM, aides de la
Mission Locale, voire la possibilité de ne demander aucune
aide)
Le jeune est capable de nommer et expliquer les
différents dispositifs qu'il peut solliciter à sa
majorité. Il a conscience des modalités qu'impliquent ces
derniers (contrats, objectifs à tenir, niveau de soutien
éducatif, financier, etc.) et sait à quoi il s'expose s'il ne
demande aucune aide.
51
b) Permettre au jeune de mieux situer les lieux
ressources du territoire
Rappel : « une des conditions pour être
autonome est d'identifier le pourvoyeur potentiel qui peut répondre
à son besoin. La condition suivante sera d'être capable d'entrer
en contact avec celui-ci163 ».
L'accès aux droits et le
réseau
L'un des objectifs du service extérieur est de les
aider à sortir de leur isolement et à tisser autour d'eux un
réseau d'aide qui perdurera au-delà de leur prise en charge. Il
s'agit également de favoriser la participation citoyenne, autrement dit
le « pouvoir d'agir dans un environnement donné164
».
Pour cela, il nous faut faire du lien, ce qui suppose que nous
ne soyons pas nous même isolés, mais intégrés dans
un tissu professionnel et social vivant et réactif. Il faut faire le
lien entre les jeunes et les différents dispositifs de droit commun,
relayer leur demande auprès de lieux ou de personnes-ressources,
coordonner les interventions pour que chacun reste à sa place et soit
complémentaire : toutes ces actions demandent une bonne connaissance et
reconnaissance réciproque des professionnels de la formation, du
logement, de la santé, etc. Le partenariat est donc un aspect
particulièrement important dans la vie du service extérieur.
La nécessité d'un travail en
partenariat
Pour Fabrice Dhume, le partenariat est « une
méthode d'action coopérative fondée sur un engagement
libre, mutuel et contractuel d'acteurs différents mais égaux, qui
constituent un acteur collectif dans la perspective d'un changement des
modalités de l'action - faire autrement ou faire mieux - sur un objet
commun - de par sa complexité et/ou le fait qu'il transcende le cadre
d'action de chacun des acteurs -, et élaborent à cette fin un
cadre d'action adapté au projet qui les rassemble, pour agir ensemble
à partir de ce cadre165».
Durant mon stage, j'ai repéré la
nécessité de renforcer le travail en partenariat avec certains
acteurs importants de Fougères et même souhaité impulser un
partenariat entre différents acteurs que j'avais rencontré au
préalable : la Mission Locale et le CDAS. J'avais en effet
repéré que ces acteurs gravitent autours des jeunes accueillis
sur le service extérieur de la MDC mais ne sont pourtant pas au clair
sur les dispositifs que chacun proposent. Il me semble pertinent de renforcer
un partenariat entre ces acteurs dans le but de mieux coordonner l'action en
faveur des jeunes en difficulté sur le territoire fougerais. Toutefois,
je n'ai pas eu le temps d'organiser une telle rencontre dans les délais
impartis du fait de la complexité de concilier les disponibilités
des différentes personnes-ressources, qui ont pourtant toutes
exprimé le souhait qu'une rencontre ait lieu ultérieurement.
163 Brizais R., « l'Autonomie en question »,
intervention à l'ASE de Loire-Atlantique, 2003.
164 Paul M., Op. Cit., p.34.
165 Dhume, F., Du travail social au travail ensemble. Le
partenariat dans le champ des politiques sociales, ASH éditions,
2001.
52
Un support à mettre en place : le
« guide de la vie en autonomie
»
Dans le cadre d'un accompagnement vers l'autonomie des jeunes
pris en charge sur le service extérieur, il me semble essentiel que ces
derniers soient en capacité de pouvoir situer les ressources dont ils
peuvent se saisir sur le territoire pendant et même au-delà de la
prise en charge. On l'a vu, dans l'analyse, il est essentiel que ces jeunes
sachent leurs droits et soient en mesure de savoir vers où se tourner en
cas de difficultés - difficultés qui sont le lot de beaucoup de
jeunes issus des services de l'ASE à la fin de leur prise en charge
compte tenu du contexte difficile.
C'est pourquoi j'ai pensé à rédiger un
support que j'ai nommé le « Guide de la vie en autonomie »
afin de permettre aux jeunes pris en charge d'identifier et de repérer
les lieux ressources de Fougères. Je l'ai conçu et
réalisé principalement seul, mais j'ai tenté autant que
possible d'y intégrer les suggestions et remarques des collègues
de l'équipe. Surtout, et c'est à mon sens très important,
j'ai laissé une version numérique du document pour qu'il puisse
être modifié, et renforcé, progressivement au fil des
retours que les jeunes pourront formuler. Il se présente dans sa version
normale comme un petit livret.
Voir document complet en annexes au format A4.
Contenu :
L'introduction rappelle aux jeunes les objectifs de
l'accompagnement du service extérieur :
« Ton accueil en appartement dans le cadre de ta
prise en charge à la Maison du Couesnon doit être envisagé
comme une courte étape de ta vie qui te servira de tremplin vers la vie
en autonomie. Tu dois déjà anticiper la sortie et te
préparer à « l'après-Maison du Couesnon ». Ce
type d'accompagnement va justement te permettre de t'y préparer au
mieux.
Tu vas devoir apprendre rapidement à : faire tes
courses seul, te nourrir correctement (de façon saine et variée),
prendre soin de toi, réaliser un certain nombre de démarches
auxquelles tu ne t'es jamais confronté.
Pour bon nombre de ces démarches (administratives,
médicales, etc.) tu pourras solliciter de l'aide auprès de
l'équipe éducative. L'objectif de cet accompagnement avec toi est
de développer ton autonomie et de t'amener à réaliser
progressivement ces différentes démarches tout(e) seul(e).
»
Il explique l'objectif du document :
Ce petit « guide de la vie en autonomie » a pour
but de te présenter les lieux sur Fougères (ou sur Rennes) qui
peuvent être ressources pour toi, tout en t'expliquant quelques unes des
démarches auxquelles tu peux être confronté afin que tu
saches comment y remédier par toi-même dans la mesure du possible.
»
Il présente de façon claire les
différents lieux ressources que le jeune peut être amené
à solliciter à Fougères ou à Rennes, et les
démarches auxquels le jeune peut être confronté.
Il contient dix items différents : commerces,
transport, laverie, administratif (CDAS, Mairie, Préfecture, SAMIE,
CADA), orientation scolaire et professionnelle (CIO, Mission Locale),
mobilité,
53
santé, culture, loisirs/sports, logement. La liste est
non-exhaustive et pourra être consolidée au fil du temps (j'ai par
exemple oublié de mentionner le service de prévention
spécialisé de Fougères vers lequel ils pourraient
éventuellement se tourner après la fin de leur PEC). Ces
différents lieux ressources sont situés sur une carte afin de
pouvoir s'y rendre plus facilement.
Le choix d'un vocabulaire simple, clair et intelligible a
été fait dans la mesure où de nombreux jeunes accueillis
sont des MIE ou des ME. C'est pourquoi le document a également
été illustré par des images, le rendant accessible
à quelqu'un qui ne maîtrise pas bien la langue
française.
Des numéros de téléphone utiles sont
joints en cas de soucis.
Surtout, ce guide a été pensé comme un
document qui leur sera donné dès le début de la prise en
charge, mais qu'ils pourront garder auprès d'eux après la fin de
celle-ci. Il pourra alors favoriser l'accès aux droits communs, et donc
l'autonomie du jeune.
Le document a été distribué aux jeunes du
service extérieur lors de ma dernière journée de stage.
C'est pourquoi il m'est impossible d'en faire une évaluation pour
l'instant, ni même de pouvoir relater des retours de jeunes. Je l'ai
également présenté à la REF du CDAS de
Fougères lors de notre rencontre. Elle se sera montrée
très intéressée par la démarche, d'autant plus que
le CDAS travaille actuellement à l'élaboration d'un document un
peu similaire.
Evaluation :
Une évaluation globale du projet pourra être
menée, conjointement à la mise en place de celui-ci de
façon à pouvoir le réajuster. Il faudra être
attentif aux retours que peuvent en faire les jeunes. Les bilans pourraient
d'ailleurs constituer un moyen de venir interroger le jeune sur
l'utilité du document.
A partir de l'expression du jeune, l'évaluation viendra
porter une attention particulière sur différents points :
'3 Repérer les différents lieux ressources
de son territoire.
Le jeune est capable d'identifier, de nommer et de situer
les différents lieux ressources qu'il peut solliciter.
'3 Être capable d'expliquer ce qu'il peut trouver
dans ces différents lieux ressources.
Le jeune est à même de pouvoir expliquer les
aides qu'il peut obtenir dans les différents lieux ressources
indiqués dans le document et d'identifier le rôle des
professionnels qu'il peut y rencontrer.
'3 Se rendre seul dans ces différents lieux pour y
effectuer ses démarches
Le jeune peut se rendre seul dans ces différents
endroits sans avoir besoin d'être accompagné par un
éducateur. Il est également capable de s'y rendre après la
fin de sa prise en charge.
54
Conclusion
L'expérience constituée tout au long de ce stage
à responsabilité au sein de la Maison du Couesnon a
été enrichissante à de multiples égards. L'internat
m'aura permis de me confronter au quotidien de jeunes placés en foyer,
d'observer le travail qui est mené avec les familles, ou encore de
découvrir le fonctionnement relativement complexe de la protection de
l'enfance. Le service extérieur, de par sa spécificité et
la diversité du public accueilli, m'aura permis de découvrir un
champ d'intervention assez large en me permettant de travailler auprès
de partenaires issus de divers horizons et de différents secteurs. Il
m'aura permis d'élargir considérablement mes connaissances
concernant les lieux ressources qu'il est possible de solliciter en fonction
des situations (scolarité, formation professionnelle, accompagnement
administratif des étrangers, logement, santé, etc.).
De plus, cette expérience m'aura permis de me
confronter avec un concept, largement utilisé dans le secteur
médico-social, et cela, quelque soit le public : l'autonomie. Cet
objectif d'autonomie est encore plus prégnant sur le service
extérieur compte tenu de la tranche d'âge qu'il accueille et des
enjeux liés à celle-ci. En réalité, sur le terrain,
on a parfois l'impression il ne s'agit même plus d'une finalité,
d'un objectif, mais bien d'une injonction institutionnelle liée aux
politiques sociales, voire dans certains cas, d'une condition de départ
à l'obtention d'une aide.
Mes différentes lectures m'ont permis de voir à
quel point les politiques sociales qui sont menées en direction des
jeunes majeurs pris en charge au titre de l'ASE laissent apparaître un
certain nombre de paradoxes et de dysfonctionnements. Il ne nous appartient
pas, en tant qu'éducateurs spécialisés ou futurs
éducateurs spécialisés, de changer ce cadre, mais il nous
faut réfléchir à l'accompagnement que l'on peut proposer
à l'intérieur du cadre qui nous est imposé. Car au bout de
la chaîne, c'est bien les personnes accompagnées qui en subissent
directement les conséquences et qui se retrouvent parfois en situation
de vulnérabilité à la fin de leur prise en charge. Nous
avons une responsabilité importante vis-à-vis des usagers que
l'on accompagne.
Rolland Janvier dit par ailleurs à ce propos qu'«
intervenir auprès d'une personne en difficulté est un acte
politique et participe à la construction de la société. Il
est donc nécessaire d'interroger à tout instant notre fonction
politique. Ne pas le faire, c'est se priver d'un regard lucide sur nos
pratiques professionnelles et risquer de cautionner, à notre insu, des
dérives utilitaristes166 ». Car comme Maëla Paul,
déjà citée précédemment, le souligne bien :
dans l'accompagnement « c'est cette dimension de réflexivité
et de critique qui est éminemment émancipatoire. Elle
soulève avec elle les insatisfactions
166 Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des
usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002,
p.175.
et les préoccupations des acteurs, contribue à
ce qu'ils en rendent compte et, par là, modifie leur rapport à la
réalité sociale en même temps qu'elle les inscrit dans le
monde. 167 »
Enfin, au-delà du renforcement de mon positionnement
professionnel, ce travail m'aura permis de prendre la mesure que chaque
personne accompagnée est en capacité de devenir autonome. Pour
cela, il faut partir de la prise en compte des besoins et des désirs de
la personne, tout en tenant compte des temporalités. Toutefois, compte
tenu parfois du peu de ressources de départ, il faut l'accompagner
à trouver de nouvelles ressources, de nouveaux supports pour
s'émanciper de l'aide sociale.
Le rôle de l'éducateur spécialisé
est alors de faciliter la compréhension, la distanciation et
l'extériorisation, car, rappelons-le, en citant de nouveau Maëla
Paul : « plus on diversifie les modalités de décentration et
d'aide à la prise de conscience, plus on facilite l'intégration
d'une posture intérieure de prise de recul et d'analyse de son propre
fonctionnement, à la base de l'autodétermination (capacité
à prendre librement ses propres décisions),
l'autoréférenciation et l'autorégulation (capacité
à utiliser et adapter ses ressources en cours d'expérience)
168».
La personne doit être suffisamment
éclairée pour opérer individuellement les bons choix
stratégiques qui lui permettront d'éviter les difficultés
qui peuvent se dresser devant elle. C'est ce que peut permettre notamment
l'identification des différents lieux ressources, ainsi que la
connaissance des dispositifs spécifiques ou de droits communs. À
condition que cet accès aux droits ne soit pas vu comme une
finalité mais bien comme un moyen.
55
167 Paul M., Op. Cit., p.36.
168 Ibid.
56
Bibliographie
Ouvrages
ü Capul M., Lemay M., De l'éducation
spécialisée, Eres, 2011
ü Dhume, F., Du travail social au travail ensemble. Le
partenariat dans le champ des politiques sociales, ASH éditions,
2001
ü Dubouis H., Les jeunes dans la
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ü Freire P., Pédagogie de l'autonomie,
Erès, 2013
ü Fustier P., L'enfance inadaptée,
repères pour des pratiques, Presses universitaires de Lyon, 1983
ü Gaberan P., La relation éducative,
Erès, 2003
ü Guimard N., Petit-Gats J., Le contrat jeune majeur.
Un temps négocié., L'Harmattan, 2011
ü Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des
usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002
ü Jung C., L'aide Sociale à l'Enfance et les
jeunes majeurs. Comment concilier protection et pratique contractuelle ?,
L'Harmattan, 2010
ü Hardy G., S'il te plait ne m'aide pas ! L'aide sous
injonction administrative ou judiciaire, Erès,
2012.
ü Mucchielli R., L'entretien de face à
face, ESF, 2009
Ouvrages également cités :
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Éditions de Minuit, 1992
· Bernatet C., Oser réussir l'insertion,
Les Editions de l'atelier, 2005
· Castel R., et Haroche C., Propriété
privée, propriété sociale, propriété de soi
: entretiens sur la construction de l'individu moderne, Fayard, 2001
· Commaille J., Martin C., Les enjeux politiques de
la famille, Bayard, 1998
· De Singly F., Sociologie de la famille
contemporaine, Nathan, 1993
· Gaberan P., La relation éducative,
Erès, 2003
· Jacquard A., Abécédaire de
l'ambiguïté , de Z à A des mots des choses et des concepts,
Points, 1989
· Galland O., Sociologie de la jeunesse, Armand
Colin, 2007
· Mead G. H., L'esprit, le soi et la
société, PUF, 2006.
· Nicole-Drancourt C., Roulleau-Berger L.,
L'insertion des jeunes en France, PUF, 2006
· Papay J., DC 2 Conception et conduite de projet
éducatif spécialisé, Dunod, 2010
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déplacés, replacés : parcours en protection de
l'enfance, Erès, 2012
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personne, Dunod, 1967
·
57
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spécialisé, Dunod, 2000
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responsabilisation », in Le travail social en débat, sous
la direction de Ion J., La Découverte, 2005
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Jacob, 1989
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l'autonomie des jeunes majeurs, 2013
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V' Kunhapfel R., Le dispositif du contrat jeune majeur comme
d'accompagnement et de prise en charge après le placement. Comment
fabrique-t-on l'autonomie des jeunes ?, 2012
V' Le Yondre F., Vrais chômeurs et vrais sportifs. Le
sport face au chômage comme instrument disciplinaire ou support de
tactiques identitaires : des catégories sociales en jeu, 2009.
V' Rapport ONED, Entrer dans l'âge adulte. La
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vers l'autonomie dans le dispositif ville-vie-vacances, Résovilles,
2012
Rapports également cités :
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2000
· Goyette M., Projet d'intervention en vue de
préparer le passage à la vie autonome et d'assurer la
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· Lopez A., Thomas G., « l'insertion des jeunes sur le
marché du travail, le poids des origines socioculturelles »,
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Outcomes, Jessica Kingsley Publishers, 2008
Articles
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théorique », Recherche et Prévisions, n°65,
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V' Grondin B., Pichon I ., « L'autonomie et ses
paradoxes intrinsèques. Une oppression éducative ? » in
Les paradoxes de l'autonomie sous la direction de Guillaume Nemer,
Le sociographe, hors-série n°6, 2013
58
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l'épreuve des décisions de santé relatives aux mineurs
» in Les paradoxes de l'autonomie sous la direction de Guillaume
Nemer, Le sociographe, hors-série n°6, 2013
Articles également cités :
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permanente, n°138, « les âges de la vie », 1999
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n°400, 2006
· Labadie F., « L'évolution de la
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· Passeron J-C., « L'inflation des diplômes
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· Petit Gats J., Guimard N., « Ecrit de
jeune en quête de statuts », Recherche familiale, n°
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Codes juridiques
V' Code de l'Action Sociale et des Familles, Dalloz,
2010
V' Code Civil, Dalloz, 2009 V' Code
Pénal, Dalloz, 2009
Documents internes
V' Projet d'établissement de la Maison du Couesnon
V' Règlement de fonctionnement des appartements de
proximité
Sites internet consultés
http://www.pep35.org/Maison-du-Couesnon-Fougeres.html
http://www.legifrance.gouv.fr/ http://www.inegalites.fr/
59
Glossaire
ADF : Assemblée des Départements de France
ADPEP 35 : Association Départementale des Pupilles de
l'Enseignement Public d'Ille et Vilaine
AE : Assistance Educative
AED JM : Assistance Educative à Domicile Jeune
Majeur
AEMO : Action Educative en Milieu Ouvert
AER : Action Educative Renforcée
APJM : Accompagnement Provisoire Jeune Majeur
AMJM : Allocation Mensuelle Jeune Majeur
AP : Accueil Provisoire
ASE : Aide Sociale à l'Enfance
CADA : Centre d'Accueil pour Demandeurs d'Asiles
CAF : Caisse d'Allocations Familiales
CAP : Certificat d'Aptitude Professionnelle
CAPA : Certificat d'Aptitude Professionnelle Agricole
CEF : Commission Enfance-Famille
CIO : Centre d'Information et d'Orientation
CLPS : Organisme de formation
CMU-C : Couverture Mutuelle Universelle
Complémentaire
CPAM : Caisse Primaire d'Assurance Maladie
DAP : Dispositif Alternatif au Placement
DDPJJ : Direction Départementale de la Protection
Judiciaire de la Jeunesse
FJT : Foyer de Jeunes Travailleurs
FSL : Fonds de Solidarité Logement
INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes
Economiques
MDC : Maison du Couesnon
ME : Majeur Etranger
MECS : Maison d'Enfants à Caractère Social
MEDEF : Mouvement des Entreprises de France
MIE : Mineur Isolé Etranger
OPP : Ordonnance Provisoire de Placement
PEC : Prise en charge
PJM : Protection Jeune Majeur (judiciaire)
REF : Responsable Enfance Famille
SAMIE : Service d'Accompagnement pour Mineurs Isolés
Etrangers
Annexes
- Lettre du CDAS envoyée à « Yasmine »
à deux semaines de sa majorité pour lui présenter les
dispositifs qu'elle peut solliciter après ses 18 ans.
60
- « Guide de la vie en autonomie » (format
A4)
|