6
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
SOMMAIRE
i
DEDICACE
REMERCIEMENTS .ii
RESUME ....iii
ABSTRACTS ..iv
SIGLES ET ABREVIATIONS .v
INTRODUCTION GENERALE .1
PREMIERE PARTIE: CONTEXTE ET DISPOSITIF
JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE
CENTRALE
39
CHAPITRE 1: CONTEXTE ET ENJEUX DE LA DIVERSITE CULTURELLE
DANS LES PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE
CENTRALE 41
Section 1: Les champs et les répertoires de
la diversité culturelle en Afrique Centrale
.42
Section 2: Les enjeux de la diversité culturelle
dans l'exacerbation de la conflictualité
52
CHAPITRE 2: LE DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DES
POLITIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE
.63
Section 1: Le cadre normatif de la gestion de la diversité
culturelle en Afrique
centrale 64
Section 2 : Le dispositif institutionnel de la
gestion de la diversité
culturelle 73
DEUXIEME PARTIE: IMPLEMENTATION ET LIMITES DES POLITIQUES
PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE
CENTRALE 81
CHAPITRE 3: LES MECANISMES ET STRATEGIES D'IMPLEMENTATION DES
POLITIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE
CENTRALE 83
Section 1: Les mécanismes
politico-administratifs de la gestion de la diversité culturelle
84
Section 2 : Les stratégies d'implémentation
de la diversité culturelle en Afrique Centrale
90
CHAPITRE 4: LES LIMITES À L'IMPLEMENTATION DES
POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LA
CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE.
..98
Section 1: Les limites liées au cadre juridique
et institutionnel
..99
Section 2: Les obstacles à
l'implémentation des politiques de gestion de la diversité
culturelle en Afrique Centrale ...107
CONCLUSION GENERALE 119
7
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
DEDICACE
À la mémoire de mon père, TSAGHO Etienne
8
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail a
bénéficié du soutien de plusieurs personnes à qui
nous souhaitons témoigner notre profonde gratitude et reconnaissance.
Nous pensons particulièrement au Professeur Ibrahim
MOUICHE qui nous a fait l'honneur d'accepter la direction de ce mémoire
malgré ses occupations et charges académiques. Ses orientations,
critiques, instructions et encouragements nous ont permis d'effectuer ces
recherches de manière adéquate. Puisse-t-il trouver ici
l'expression de notre sincère gratitude ;
Nous pensons également à tous les enseignants et
l'administration de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun
(IRIC), en particulier ceux de la Chaire ISESCO/FUMI pour la qualité des
enseignements et l'encadrement reçus ;
Aux Dr MANGA EDIMO, Dr KENHOUNG YANIC, Dr TSAFACK Delmas et M.
TSADJIA Célestin pour la qualité de nos échanges qui ont
grandement contribué à l'amélioration de ce travail ;
À nos amis et camarades de promotion, notamment WEKETIA
Herman, DJEINABOU ISSA, MALANGA Omer, TSALA Théodore, KAKMENI Raphael,
FACHIKAIN AWA et ETEME Martial pour l'excellence de nos relations ;
À ma mère Madame TSAGHO Florence qui porte
depuis plusieurs années le poids du sacrifice pour notre
éducation et instruction ;
À la grande famille TEDEMO, particulièrement M.
et Mme TEDEMO Pierrette pour leur précieux conseil et leur
incommensurable soutien. Daignez trouver ici l'expression de ma profonde
reconnaissance ;
À SAFIATOU ABBA pour son amour inconditionnel et son
soutien multiforme ;
À mes frères et soeurs MENKEM T. Narcisse,
TSAGHO Jodel, KENGNI T. Irène, NGUEMO T. Carelle, LEMOFOUET T. Mariette
et MAKEUTSA Odrice pour leur sens élevé des
responsabilités et de la famille ;
À M. FOUELEFACK Eric, KENFACK Arthur pour leur
précieux soutien et encouragement durant toutes ces années ;
À tous ceux qui ont contribué à la
réalisation de ces travaux, et dont nous avons involontairement omis de
mentionner les noms, nous témoignons notre profonde et sincère
reconnaissance.
9
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
RESUME
La présente recherche porte sur les politiques
publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de
construction de la paix en Afrique centrale. Elle questionne ces politiques
publiques dans leur capacité à assurer la paix et un
vivre-ensemble inclusif et partagé de tous au sein des
sociétés devenues plurales et multiculturelles. En effet, depuis
les mouvements de démocratisation des années 1990, les
sociétés d'Afrique Centrale sont soumises à des
phénomènes de pressions, tensions, crises ou conflits
découlant peu ou prou de la diversité culturelle et de sa gestion
très souvent problématique. Niée, reconnue ou
acceptée, la diversité culturelle impose aux Etats de la
sous-région de procéder à une redéfinition des
mécanismes et des pratiques censés définir les rapports
entre les différents segments sociaux. Afin de les rendre plus
harmonieux, et davantage pacifiques, il devient nécessaire de
procéder à une redéfinition des programmes d'actions qui
peuvent se nicher dans les pratiques politico-administratives, ou la
pluralité de dispositifs juridiques et institutionnels encadrant la
diversité culturelle. Au démeurant, quoique soumis à de
variables lourdes et obstacles qui entravent leur mise en oeuvre, les processus
de construction de la paix et du vivre-ensemble déplacent la gestion
démocratique de la diversité culturelle pour l'intégrer au
coeur des débats actuels sur l'identité nationale et
l'éventail de différence admissible et tolérable dans nos
sociétés.
10
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
ABSTRACTS
This research focuses on public policies for managing cultural
diversity in peacebuilding processes in central Africa. It questions public
policies for the management of cultural diversity in their capacity to ensure
the construction of peace and an inclusive and shared life of all in societies
that have become plural and multicultural. Indeed, since the democratization
movements of the 1990s, societies in Central Africa have been subject to
pressures, tensions, crises or conflicts stemming more or less from cultural
diversity and its often problematic management. Denied, recognized or accepted,
cultural diversity requires the States of the subregion to redefine the
mechanisms and practices supposed to define the relationship between the
different social segments. In order to make them more harmonious and more
peaceful, it becomes necessary to redefine the action programs that can be
found in politico-administrative practices, or the plurality of legal and
institutional mechanisms governing cultural diversity. At the dismantling,
though subject to heavy variables and obstacles that impede their
implementation, the processes of building peace and living together move the
democratic management of cultural diversity to integrate it into the current
debates on identity. national, and the range of permissible and tolerable
difference in our societies.
11
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
SIGLES ET ABREVIATIONS
APSA : Architecture africaine de paix et de
sécurité
BAD : Banque africaine de développement
CEA : Communauté économique africaine
CEEAC : Communauté économique des Etats de
l'Afrique Centrale
CEMAC: Communauté économique et monétaire
de l'Afrique Centrale
COPAX : Conseil de paix et de sécurité de
l'Afrique Centrale
FMI : Fonds monétaire international
HCR : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés
IDH : Indicateur de développement humain
NU : Nations Unies
OCDE : Organisation de coopération et de
développement économique
OIF : Organisation internationale de la Francophonie
ODD : Objectifs de développement durable
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
développement
ONG : Organisation non gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OSC : Organisation de la société civile
PAS : Programme d'ajustement structurel
PIB : Produit intérieur brut
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
développement
RCA : République Centrafricaine
RDC : République Démocratique du Congo
UA : Union africaine
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, les sciences et la culture
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
12
INTRODUCTION GENERALE
13
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Les sociétés d'Afrique Centrale sont comme
celles du monde confrontées aux défis des relations
interculturelles qu'entrainent avec plus d'acuité la mondialisation, les
nombreux échanges internationaux et les déplacements migratoires
des peuples1. Par le jeu du «déplacement de l'espace
et du lieu»2 que décrit GIDDENS, on y entend de
plus en plus parler de diversité et de relations interculturelles visant
à parvenir à des sociétés sûres et
pacifiées.
Dans une configuration sous-régionale
considérée comme un «ensemble de
tensions»3, figurent parmi les vecteurs de troubles et de
violences, la relative accalmie autour de la propagation du conflit avec Boko
Haram, la fragilité constante au lendemain de la crise en
République centrafricaine, la résurgence des troubles en raison
des élections et les tensions anticipées par d'autres scrutins
récents ou à venir dans la sous- région,
l'insécurité maritime dans le Golfe de Guinée, et
l'instabilité persistante dans la région des Grands Lacs devenue
«l'Afrique Centrale de la communauté diplomatique et des
médias » etc. Dans le même temps, ces crises et tensions
découlent d'un climat mondial d'insécurité transnationale
marqué par la recrudescence de l'extrémisme violent et de
l'intolérance, mais aussi des crises humanitaires persistantes et
accentuées ayant entrainé des milliers de déplacés,
réfugiés et migrants tant aux frontières qu'à
l'interieur des Etats.
Cette «crise multidimensionnelle des
civilités»4 a des répercussions profondes
sur les trajectoires socio-politiques des Etats qui, pour la plupart sont
résolumment et inextricablement engagés dans des processus de
développement avec un succès mitigé plusieurs dizaines
d'années après les indépendances. Faisant suite à
une gouvernance déficitaire et en crise depuis lors, les
sociétés de la sous-région n'affichent que d'une
manière mollusque et frêle le sentiment d'une identité
commune et partagée en termes d'initiatives de construction de la paix
au sens d'une véritable «Pax Africana»5.
Chaque situation de conflit présente en effet, une forte
1 Jean KARINA, La gestion de la diversité :
Caractéristiques et implantation, Université de Sherbrooke,
Volume 4, N°2, Automne 2000, P 2.
2 GIDDENS définit la mondialisation comme «
une intensification des relations sociales mondiales qui relient des lieux
éloignés d'une telle façon que ce qui se passe en un lieu
porte l'empreinte de ce qui se passe dans un autre lieu éloigné
de nombreux kilomètres, et inversement» (GIDDENS 1999: 85)
3 Mwayila TSHIYEMBE, « Les principaux déterminants
de la conflictualité », in Paul ANGO ELA, La Prévention
des conflits en Afrique centrale. Prospective pour une culture de paix.
Paris, Karthala, 2001, P.14.
4 Sébastien ROCHE, « Les incivilités,
défi à l'ordre social », Projet n°238,1994,
PP.37-42.
5 Ali MAZRUI, Towards a Pax Africana, Chicago: Imprimerie de
l'Université de Chicago, 1967, P.158. Ali Mazrui, le tout premier
prophète de la «Pax Africana», fut l'un des plus
anciens analystes à articuler la
14
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
dimension d'exclusion sociale des groupes socio-culturels ou
politiques qui, longtemps marginalisés reclament de plus en plus une
place importante dans le vaste chantier de la démocratisation des
sociétés en Afrique6.
Pourtant à proprement parler, la diversité n'est
pas un phénomène nouveau en Afrique Centrale, même si l'on
a pas toujours employé les mêmes termes pour décrire des
sociétés qui renferment à l'intérieur de leurs
frontières des groupes sociaux divers. Historiquement, la sous-region
garde dans son tissu des traces multiples de migrations intracontinentales, et
de redécoupage des frontières ayant entrainé un vaste
brassage des peuples et des communautés dans des relations pouvant
justifier et expliquer l'apparition des conflits7.
Comme une réponse et une adhésion formelle des
dirigeants au processus total et irréversible qu'impose désormais
la gestion des différences au sein des sociétés modernes,
la diversité culturelle fait naître auprès des acteurs
socio- politiques et économiques interessés par la
stabilité de cette sphère géopolitique une nouvelle
conceptualisation du vivre-ensemble conciliant à la fois les
préoccupations sécuritaires et les programmes de
développement déployés en faveur des peuples8.
Cet état de faits laisse entrevoir la nécessité de
s'interroger sur les processus de construction de la paix à
l'épreuve de la diversité culturelle.
Notre introduction générale s'articulera autour
de la définition des concepts (1), la revue de littérature (2),
la problématique de l'étude (3), le bloc des hypothèses
(4), l'intérêt du sujet (5), la présentation du champ
d'analyse (6), les considérations méthodologiques (7) et la
structure de l'étude (8).
nécessité pour les Africains de prendre en
charge la responsabilité de garder, de construire et de consolider la
paix sur leur propre continent.
6 Ibrahim MOUICHE, «
Démocratisation et intégration sociopolitique des
minorités ethniques au Cameroun », Codesria Books Series, 2012.
7 On considère que des groupements sociaux et des
catégories socialement construites autour de certaines variables comme
la langue, la religion, l'ethnie, l'identité nationale ou la couleur de
la peau rendent compte de la manière dont l'existence des
différences et de leur signification dans la société
tendent à être fortement problématique et sont susceptibles
de conduire à des troubles et conflits.
8 Nations Unies, 2012, Manuel sur les affaires civiles du
DOMP/DAM, chapitre 8 ; et SHAW T. M., 2003, « Regional Dimensions of
Conflict and Peacebuilding in Contemporary Africa », in Journal of
International Development, vol. 15.
15
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
1- DEFINITION DES CONCEPTS
À en croire DURKHEIM, « la première
démarche du sociologue doit être de définir les choses dont
il traite afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question
»9. C'est le préalable qui permet à tout
chercheur d'établir les bornes de la question qu'il veut traiter, cela
permettant de ne point embrasser tous les aspects du phénomène
social que l'on a en présence de soi10. Pour éviter de
se perdre dans le flou sémantique, l'imprécision ou l'arbitraire,
le chercheur doit lever toute équivoque sur les concepts quant à
certains termes et notions voisines, délimiter sa signification par
rapport à ce qu'il est et ce qu'il n'est pas, afin d'éviter de
graves méprises qui l'écarteraient de la voie tracée vers
de grandes découvertes11. Dans le cadre de notre travail,
seront l'objet d'un contenu définitionnel les concepts de «
politiques publiques », de «gestion de la
diversité culturelle», ainsi que ceux de «
construction de la paix ».
A-Les politiques publiques
La définition conventionnelle
généralement retenue veut qu'une « politique publique se
présente sous la forme d'un programme d'action propre à une ou
plusieurs autorités puliques ou gouvernementales
»12. Selon une formule célèbre il s'agit de
« ce que les gouvernements font, pourquoi ils le font, et ce que
ça change »13. Pour JENKINS, « les
politiques publiques refèrent non seulement à un ensemble de
décisions interreliées, prises par un acteur politique ou un
groupe d'acteurs politiques, mais aussi à la sélection des buts
visés et des moyens pour les atteindre et donc à la recherche des
solutions »14. Cette dernière définition
insiste sur le caractère interdépendant et non pas isolé
des décisions relatives aux politiques publiques d'un
9 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode
sociologique, Paris, Coll. Champs, Flammarion, 1988, PP 27-28.
10 Marc Adélard TREMBLAY, Initiation à la
recherche dans les sciences humaines, Paris, Armand Colin, 2005, P70.
11 Marcel MAUSS et Paul FAUCONNET, « La sociologie, objet
et méthode », extrait de La Grande Encyclopédie,
Vol. 30, Société anonyme de la Grande Encyclopédie,
Paris, 1901, PP.19-20.
12 Jean-Claude THOENIG, « Politique publique » in L.
BOUSSAGUET (Dir) et autres, Dictionnaire des politiques publiques,
Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques,
P.326-333.
13 Thomas DYE, « Understanding Public policy »,
Engelwood Cliffs, Prentice-Hall, 1972, P.1
14 William Leuan JENKINS, Policy analysis : A political
and organizational perspective, New-York, St-Martin Press, 1978.
16
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Etat comme étant le produit d'une serie de
décisions supposant une coordination de l'ensemble des différents
acteurs gouvernementaux impliqués.
Historiquement construite comme une «analyse pour les
politiques » au moment du New-Deal où elle émerge en
1930 aux Etats-Unis, l'analyse des politiques publiques est devenue
principalement une « analyse des politiques », une sorte de
« sociologie de l'action publique » attentive aux
transformations des conditions d'exercice du pouvoir politique ainsi que de sa
légitimation15. Cela correspond à une double fonction:
Aider les décideurs à faire les bons choix politiques, et ensuite
comprendre pour agir sur les interventions de l'État dans la
société afin d'améliorer les interactions entre tous les
acteurs qui ne peuvent pas s'organiser de la même manière dans la
défense leurs intérêts, vu qu'ils ne disposent pas tous du
même poids lorsqu'il s'agit de faire pression, voire d'influencer Ie
processus decisionnel16.
B- La gestion de la diversité culturelle
La notion de diversité culturelle se
révèle polysémique, notamment par l'indéfinition du
terme « culture » auquel elle reste foncièrement
liée. Thomas ELIOT écrivait à cet effet en 1948 que «
l'intérêt porté au mot culture croît à
mesure qu'augmente l'incertitude qui pèse sur sa signification
véritable ».17
À en croire les textes de l'UNESCO qui lors de sa
Conférence générale en 2001 a adopté la
Déclaration universelle sur la diversité culturelle18,
celle-ci serait la résultante des différents flux
transfrontaliers de populations tels que la migration qui amènent
à davantage de diversité à l'intérieur des
sociétés. Cette diversité est faite de traditions et de
coutumes propres à chaque individu appelé à rentrer en
contact avec « l'autre ». Cette Déclaration, la
première du genre au
15 Il faut toutefois noter que dans certains pays
anglo-saxons notamment, l'analyse des politiques publiques continue de
conserver une forte dimension prescriptive, une large part des recherches
restant consacrée à l'évaluation et au diagnostic afin
d'aider les décideurs politiques.
16 Pour Charles GOFFIN, le processus décisionnel est
une étape cruciale des politiques publiques. C'est le moment où
tous les acteurs impliqués (responsables politiques, groupes de
pression, société civile et associations...) vont se retrouver
afin de dégager et imaginer les solutions au problème
posé. L'unanimité n'étant pas toujours évidente
à trouver, il faut pour chacun des acteurs faire des compromis afin
d'aboutir à la définition des politiques publiques efficaces. Une
fois que ce consensus est trouvé, ladite politique est adoptée et
implémentée. Projet Interform, Séminaire des 3 et 4 Avril
2007, UFR pluridisciplinaire de Bayonne.
17 Thomas Stearns ELIOT, « Notes towards the definition of
culture ». Faber Paperback, 1962, P. 27.
18 Déclaration Universelle de l'UNESCO sur la
diversité culturelle adoptée à Paris le 02 Novembre
2001.
17
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
sein de la communauté internationale
élève la diversité culturelle au rang d'héritage
commun de l'humanité et en fait du même coup un impératif
éthique inséparable de la dignité humaine. Pour mieux
comprendre la notion de diversité culturelle, il est important de se
référer à la Déclaration dans ses articles 1,2,3,
et 4.
Tel que le note Ivan BERNIER, on peut s'y reférer soit
en faisant un parrallèle avec la biodiversité, soit en la
renvoyant à la diversité des expressions culturelles, ou encore
en étendant la notion à celle de pluralisme
culturel19. Utilisée pour décrire le fait de la
multiplicité des cultures dans son sens premier, la diversité
culturelle renvoie également à une finalité pragmatique
orientée vers l'interaction des cultures, voire le dialogue des
civilisations. Elle engage également la prise en considération
des minorités nationales internes et externes dans l'élaboration
et la mise en oeuvre des politiques sociales. Elle se manifeste
également par la reconnaissance des différentes langues,
histoires, religions, traditions, modes de vie ainsi que toutes les
particularités et sigularités attribuées à une
culture. Pas toujours évidente en ce qui concerne son application sur le
plan des faits, sa mise en oeuvre revèle une actualité
réaffirmant la nécessité du dialogue et de
l'échange interculturel comme facteurs de paix.
La gestion de la diversité culturelle quant à
elle répond à des préoccupations sociales, politiques,
culturelles et économiques. Ce concept émergent dans les sciences
sociales viserait de ce fait à apporter des outils et des
méthodes permettant aux organisations tant publiques que privées
concernées de mieux tirer profit des avantages des différences
culturelles et de ses modèles de gestion20. COX Taylor la
décrit alors comme étant «une façon de
gérer les gens pour que les avantages potentiels de la diversité
soient maximisés pendant que les désavantages potentiels sont
minimisés»21, la diversité en elle
même étant toujours définie en termes larges et inclusifs
par un savant mélange de toutes les différences et des
ressemblances22.
19 Ivan BERNIER, « Préserver et développer
la diversité culturelle : Nécessité et perspective
d'action », document de travail présenté à la
première rencontre internationale des associations professionnelles du
milieu de la culture, Paris, Septembre 2001.
20 Georges-Axelle BROUSSILLON, « Politiques et pratiques
de gestion de la diversité, de la contrainte légale à
l'opportunité: Un enjeu de management interculturel »,
Troisième Rencontres Internationales de la diversité, CORTE, 5-7
Octobre 2007.
21 Taylor COX, « Cultural diversity in Organisations:
Theory, research and practise », San-Francisco:Berret-Koehler Publishers,
Chap.2, 1993, PP.45-58.
22 Françoise BENDER, « La gestion internationale
de la diversité: Etat des recherches », Congrès annuel de
l'AGRH, Toulouse, 2009, PP.205-217.
18
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Au sens de notre analyse, les politiques publiques de gestion
de la diversité culturelle renvoient à un ensemble de
mécanismes, pratiques et stratégies mises en oeuvre par les Etats
et les structures gouvernantes en vue de garantir le respect, l'inclusion et le
traitement de tous les groupes et individus susceptibles d'être l'objet
de discriminations du seul fait de leurs différences par rapport
à l'ensemble, ou la grande partie de leur communauté
d'appartenance ou d'encrage. Il s'agit en quelque sorte de la réponse
légale ou organisationnelle dont les Etats et les pouvoirs publics se
pourvoient afin de permettre l'organisation de la cohabitation des
différentes couches sociales. Cette nouvelle approche semble
répondre avec efficacité et équité aux défis
modernes des relations internationales qui se tournent de plus en plus vers une
nouvelle façon d'aborder les différences, d'où sa place
grandissante au sein du débat public relatif à
l'intégration et à la lutte contre les discriminations et les
différences 23.
C-La construction de la paix
Dans les relations internationales contemporaines, la
littérature abondante sur la construction de la paix l'associe
très souvent à la «deuxième
génération» des missions internationales des
Nations-Unies de l'ère post guerre-froide24. Au début
des années 1990, la construction de la paix se veut un effort
concentré de la part des Nations unies, et l'ensemble des acteurs de la
communauté internationale qui entendent développer des
infrastructures politiques, économiques et sécuritaires pour que
les conflits puissent être jugulés ou résolus de
manière durable. Avec la fin de la bipolarité et la construction
d'un monde pacifié autour de l'idée d'un «nouvel ordre
international », la transition effectuée entre l'état
de «guerre» et celui de «paix» ne se joue
plus seulement sur les champs de bataille ou le long des lignes de front, mais
avant tout au coeur de l'articulation des rapports Etat-société
dans la triple crise du lien politique (relation à l'Etat), social (lien
à la communauté et à l'environnement le plus
immédiat comme le quartier) et domestique (lien familial et
inter-générationnel) que traduisent la plupart des guerres
contemporaines une fois ces rapports rompus25.
23 Jean KARINA, Idem, PP.233-235.
24 Agenda pour la paix, DPI/1247, Nations Unies, New York,
juin 1992. Rapport sur l'état de l'organisation préparé
par le précédent Secrétaire Général, Javier
Perez de CUELLAR, fut considéré par un certain nombre
d'observateurs comme marquant le commencement d'une nouvelle époque dans
les relations interétatiques et les efforts pour résoudre les
conflits : cf. United Nations, Report of the Secretary General to the General
Assembly, UN doc. A/43/1, United Nations, New York, septembre 1988.
25 Idem.
19
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Aujourd'hui, de nombreux efforts ont été faits
pour adapter la construction de la paix à une nouvelle approche
holistique, lui consacrant désormais des dimensions plus techniques tout
en la vidant de sa substance politique. Il semble de plus en plus difficile de
réduire la paix à l'étude des causes apparentes de la
violence et espérer la construire en supprimant ces seules
causes26. La logique à l'oeuvre dans de nombreux coins du
globe suppose désormais de concevoir des modalités pacifiques de
gestion des contradictions et des différences, des rivalités
d'intérêt et de pouvoir afin de voir cohabiter des systèmes
de valeurs, des cultures et des peuples à l'histoire
différente27.
Pour la présente recherche, la construction de la paix
vise donc à aboutir non pas uniquement à la paix politique, mais
à la paix sociale par le redressement des inégalités
socio-économiques et culturelles qui pourraient conduire à
davantage de conflits. D'une manière générale, il est
question d'empêcher les conflits armés ou d'y mettre fin, ainsi
que d'en stabiliser la résolution pacifique après la fin des
violences. Ce processus englobe toutes les mesures liées directement
à ce but dans un délai bien déterminé. De telles
tâches impliquent la prise en compte des aspects politiques, sociaux,
économiques et culturels d'une société soumise à
des crises et tensions afin de promouvoir la sécurité humaine, et
partant tout processus de développement. Dans ces conditions, la paix ne
peut se construire que via des mécansimes et stratégies visant
à rendre intelligibles les nombreuses transformations qui la traversent
dans ses structures comme dans ses règles, de façon à
évaluer toutefois les bases sur lesquelles une reconstruction reste
possible.
Les défis que posent les relations interculturelles et
la diversité se sont transposés dans les structures et les
microsociétés d'Afrique Centrale où la question reste
complexe. Dans sa mesure et son évaluation, cela ressort des politiques
publiques plus ou moins approximativement ficelées.
26Béatrice POULIGNY, in «La
construction de la paix »
http://www.afri-ct.org/wp-content/uploads/2007/12/Pouligny-2003.
27 Idem
20
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
2- REVUE DE LA LITTERATURE.
Si les clarifications conceptuelles participent de la
compréhension de la question de recherche, il va de soi que la revue de
littérature permet de rendre compte des productions intellectuelles en
vue de la rendre plus aisée. Encore appelée
l'«état des connaissances sur le sujet»28,
elle permet de jeter les bases d'une interrogation pertinente et susciter
l'interrogation formulée sur le sujet porté à
l'étude. La revue de littérature permet d' «
identifier les acteurs, les ouvrages et les articles scientifiques qui ont
façonné la connaissance dans la discipline donnée sur un
sujet précis »29.
Dans le cadre de notre étude, la revue de la
littérature repose sur le débat théorique qui oppose deux
courants dans la définition des politiques publiques spécifiques
à la diversité comme réponses aux processus de
construction de la paix d'une part, politiques publiques qui doivent
nécessairement faire intervenir des critères
complémentaires d'autre part.
La première approche refute la prise en compte des
composantes de la diversité au sein des Etats à configuration
plurale et muticulturelle en vue de la construction du living
together. Elle est défendue par des auteurs tels que Maurice KAMTO,
Selim ABOU et Joseph MAILA, Léopold DONFACK SOKENG, Jean de Noël
ATEMENGUE et François THUAL. Ce dernier s'intéresse à une
typologie particulière des conflits liés à la
diversité, les conflits dits identitaires.
Pour Maurice KAMTO, le renouvellement de la forme de l'Etat en
Afrique impose systématiquement un dépassement politique des
particularismes et des singularités30. Selon cet auteur, la
nation est un cadre d'homogénéité exalté par
l'Etat-nation dans lequel les individus doivent perdre leurs identités
locales ou paroissiales pour s'identifier à elle. Toute tentative de
définition ou de représentation de composantes sociologiques tant
au niveau local que national, en l'occurrence des groupes
considérés comme minorités ethniques lui apparait
périlleuse et hasardeuse comme aventure. L'amenagement d'un
régime spécial en faveur des minorités
28 Omar AKTOUF, Op. Cité.
29 Guy BEDARD, Lawrence OLIVIER et Julie FERRON,
L'élaboration d'une problématique de recherche, sources,
outils et méthodes, L'Harmattan, 2005, P.10.
30 Maurice KAMTO, « Crises de l'Etat et
réinvention de l'Etat en Afrique » in l'Afrique dans un monde
en mutation : Dynamiques internes et marginalisation internationale,
Février 2010, P90.
21
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
ethniques reviendrait à consacrer une «
dictature de l'ethnie ». Il rajoute par ailleurs qu'« une
telle dictature serait d'autant plus redoutable qu'elle se construirait autour
d'un critère bio-culturel », car la « traduction
politique des droits des minorités pourrait aboutir à une
perversion de la démocratie». Dans son processus de
défiguration et de démolition méthodique de ce que
lui-même qualifie de « l'application du droit des peuples comme
principe démocratique dans un Etat multiethnique
»31, il semble urgent que le respect des individus et des
peuples dans leur singularisme et particularisme ne puisse s'assimiler à
la production des politiques publiques spécifiques à la
différence sans baffouer la démocratie en ce qu'elle a de
fondamentale.
L'ouvrage collectif Dialogue des cultures et
résolution des conflits: Les horizons de la paix32, paru
sous la direction de Selim ABOU et Joseph MAÏLA relève que
l'introduction brutale et hâtive de la notion de
«minorité» au sein du corpus social des Etats
africains et de l'Europe ex-communiste notamment traduit la crise du
modèle classique d'intégration qui ne semblait souffrir d'aucune
contestation jusqu'à lors. Or l'affirmation de la protection des
minorités en tant que mode de gestion sociopolitique de la polis
mène à des conséquences tant au plan politique qu'au
plan juridique. Pour ces auteurs, la protection des groupes dits
minorités ethniques aurait pu à l'avenir justifier un «
droit à l'enfermement », un « droit à
l'oppression », et un « droit à la mort »,
causes profondes des conflits et des luttes de pouvoir
génératrices d'effets pervers et d'affrontements incivils qui
remettent en question les bases de l'avènement d'une vie politique et
sociétale pacifiée.
S'interessant particulièrement aux enjeux de la
diversité culturelle au Cameroun, Léopold DONFACK SOKENG
présente l'ingénierie constitutionnelle de 1996 dans la
protection et la prise en compte de toutes les composantes socio-ethniques au
niveau local et national comme un fait original33. Si pour cet
auteur le fait est original et innovateur, il serait aussi important de relever
que par de telles dispositions, le pays semble avoir amorcé le virage
31 Maurice KAMTO, « Le droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes : Entre fétichisme idéologique et
glissements juridiques » in Annuaire africain de droit international,
Vol. 14, n°1, PP.219-243.
32 Selim ABOU et Joseph MAILA, Dialogue des cultures et
résolution des conflits: Les horizons de la paix, Presses
Université Saint-Joseph, Beyrouth, Octobre 2004.
33 Léopold DONFACK SOKENG, « Le droit des
minorités et des peuples autochtones », Thèse non
publiée pour le doctorat en droit, Université de Nantes, 2001.
22
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
conduisant vers le ghetto des particularismes et des
provincialismes culturels. Cela semble d'autant plus vrai lorsque l'on sait que
ces derniers, quoiqu'ils soient bel et bien révélateurs de
l'identité culturelle nationale, n'apparaissent pas moins comme des
limites à l'expression de la démocratie libérale et
pluraliste. Car, non seulement l'on ne voit pas clairement en quoi la
présence des minorités constitue une garantie irréfutable
de la préservation des droits ou de l'identité des populations,
mais encore elle est porteuse de ségrégation et vise plutôt
à aiguiser des sentiments d'égoïsme des groupes sociaux.
De la même manière, Jean de Noël ATEMENGUE
dans ses travaux esquisse une vision déplorable de la mise en oeuvre de
la protection et la prise en compte de toutes les composantes socio-ethniques
et culturelles particulièrement celles considérées comme
groupes minoritaires34. Tout en stigmatisant cette pratique, cet
auteur dénonce toutes les politiques ou mécanismes visant
à assurer la promotion et la protection des groupes dits minoritaires.
Selon lui, de telles politiques parce que porteuses de discrimination,
d'exclusion et de cristallisation des replis identitaires au sein de l'espace
national seraient susceptibles de troubles et conflits.
Pour François THUAL, les tensions et les conflits
reposent sur une dynamique psychologique des peuples et des communautés.
Ces crises ne sont pas nécessairement ancestrales ou inévitables,
car ces conflits résultent principalement des dicriminations et des
blessures du « narcissisme collectif » liées à
l'identité de certains segments sociaux35. Dans cette
optique, on ne peut comprendre les «dynamiques nationalitaires»
du vivre-ensemble qu'en les analysant à partir des
significations majeures sociales renvoyant à la construction d'un
équilibre excluant le modèle de la « paix par la force
». L'auteur préconise la mise en place de technologies
pré-conflictuelles, conflictuelles ou post-conflictuelles au sein des
Etats qui puissent prendre en considération une stratégie
d'ensemble, à même d'intégrer des politiques toutes aussi
efficaces sur la sécurité, l'économie, et le
développement tout en tablant sur une instauration de la
démocratie, les droits de l'homme, et la coopération
juridique.
34 Jean de Noel ATEMENGUE, «La protection des
minorités et la préservation des droits des populations
autochtones au Cameroun. Une analyse prospective», Revue de droit
international et de Droit comparé, n°1, PP. 5-42, 2003.
35 François THUAL, Les conflits identitaires,
Paris, Ellipses, 1995, p. 6, et «Du national à l'identitaire.
Une nouvelle race de conflits » (b), Le débat, n° 88, 1996,
PP. 162-170
23
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Au demeurant, les arguments évoqués par les
tenants de la première approche témoignent à suffisance de
leur volonté de combattre toute initiative sociopolitique de mise en
oeuvre des politiques spécifiques à la diversité par la
prise en compte de la citoyenneté multiculturelle ou multi-ethnique. De
tels arguments sont plus révélateurs des préjugés
qui hantent leurs analyses sur la question des minorités notamment.
À ces positions tranchées des différents auteurs ainsi
repertoriés, une seconde approche soutient que des politiques publiques
spécifiques à la diversité constituent des réponses
adaptées aux nombreuses crises et tensions qui traversent les
sociétés plurales et multiculturelles. Cette approche beaucoup
plus inclusive du vivre-ensemble va émerger de la posture de James
MOUANGUE KOBILA, Luc SINDJOUN, Christine INGLIS, Sophie BESSIS, Sally HOLT,
Carlos MILANI et Ali DEHLAVI, ou au sein des organisations internationales
telles que l'UNESCO.
James MOUANGUE KOBILA tout en se démarquant de
l'approche libérale de la citoyenneté prend le contrepied des
courants plus haut présentés. Dans son analyse, cet auteur pose
les dangers auxquels s'exposerait toute société qui adopte des
politiques uniformisatrices de gestion de la diversité, et de la prise
en compte des minorités36. Prennant en exemple le cas du
Cameroun, il entend apporter la preuve de « la réduction des
tensions interehniques ou interraciales » du fait de la prise des
différentes composantes socio-culturelles dans le dessein de la
« construction d'un minimum de compréhension mutuelle et de
coopération entre les minorités, les peuples autochtones et les
groupes plus nombreux ou majoritaires ». Pour lui, « le
danger le plus inquiétant qui subsiste est celui de l'éradication
despotiques des groupes intermédiaires par une
homogénéisation nationale à marche
forcée».
Luc SINDJOUN quant à lui pose qu'une bonne
intégration et une bonne prise en compte de toutes les composantes
socio-ethniques laissent entrevoir des implications telles que : La lutte
contre les inégalités et la reconnaissance de
l'égalité entre personnes d'une part, et d'autre part, le respect
de l'appartenance des individus à des communautés. Pour
l'éminent professeur camerounais, les sociétés
marquées par le pluralisme ethnoculturel restent influencées par
les interactions que se construisent les différentes communautés
qui les constituent. Il fait remarquer que la gestion des affaires publiques et
le déroulement du jeu politique local et national doivent se faire
suivant un modèle consensuel et démocratique. Afin
d'éviter toute
36 James MOUANGUE KOBILA, « La protection des
minorités et des peuples autochtones au Cameroun », Danoia, 2009,
P220.
24
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
politique à somme nulle, l'on devrait prendre en compte
toutes les composantes socio-ethniques, aussi bien dans la gestion
administrative que dans le jeu électoral. Par cette prise en
considération des minorités ethniques dans la participation au
gouvernement et au jeu politique, on aura une implication différentielle
qui relève davantage de l'association au pouvoir que du partage du
pouvoir comme étant au fondement de l'égalité politique
réelle et de la loi de la majorité37.
Christine INGLIS dans une réflexion intitulée
« Multiculturalisme: Nouvelles réponses de poltiques publiques
à la diversité »38 examine le fonctionnement
des politiques multiculturelles et en évalue le potentiel pour les
pouvoirs publics qui ont à gérer la diversité. L'auteure
remarque que la « redécouverte » de
l'ethnicité et des identités culturelles a fait prendre
conscience de la nécessité de gérer la diversité
ethnique et culturelle en mettant en oeuvre des politiques qui encouragent
à la fois la contribution et l'accès des groupes ethniques et
culturels minoritaires aux ressources de la société, tout en
maintenant l'unité dans la grande majorité des
sociétés modernes et contemporaines. Avec la fin de la guerre
froide et la mise en oeuvre d'un nouvel ordre international, les revendications
identitaires de nature ethnique, religieuse et culturelle sont des
séries de faits susceptibles d'aboutir à des situations
conflictuelles et à des tragédies comme celles qui ont eu cours
au Rwanda. Pour l'auteure, le multicultiralisme loin de constituer une
«exclusion active et indirecte» de quelques groupes et
communautés sociaux, économiques et culturels permet d'apporter
des solutions démocratiques aux problèmes que suscite la
diversité de par les avantages et les mécanismes institutionnels
spécifiques qu'il contient.
Sophie BESSIS dans une analyse intitulée « de
l'exclusion sociale à la cohésion sociale »39 soutient
que les sociétés plurales sont celles où la dialectique de
l'un et du multiple est instable et l'équilibre précaire. C'est
la raison pour laquelle la violence entre les groupes est
généralement une variable d'analyse de ce type de
société. L'on doit cependant reléver que les
37 Luc SINDJOUN, « La démocratie plurale est-elle
soluble dans le pluralisme culturel? Eléments pour une discussion
politiste de la démocratie dans les sociétés plurales
», Afrique politique, 2000.
38 Christine INGLIS, « Multiculturalisme: Nouvelles
réponses de politiques publiques à la diversité, in La
gestion des transformations sociales », Document de Politiques sociales du
Most numéro 4, 1995.
39 Sophie BESSIS, « De l'exclusion sociale à la
cohésion sociale in La différenciation des régimes de
croissance: Réseau, histoire et observation des transformations sociales
», Presses Universitaires de Grenoble, 1995.
25
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
sociétés multiculturelles peuvent devenir
pacifiques lorsque chaque groupe social se sent impliqué dans la gestion
publique. Cela est d'autant plus vrai que dans ce contexte, la
démocratie dans les sociétés plurales traduit une
situation où les groupes sociaux en interaction jugent la coexistence
moins coûteuse que la destruction mutuelle. Le multiculturalisme
constituerait ainsi la recherche des solutions démocratiques de
politiques publiques à la diversité culturelle et ethnique.
Cette idée est ardemment reprise par Sally HOLT selon
qui, « regardless of the level of a country's development, the nature
of its political system or whether it is essentially peaceful or, on the brink
of (or in the midst of) violent conflict, diversity issue requires proactive
management in policy, legislation and practice for both principled and
pragmatic reasons [...] A pattern of peaceful enforced domination of one group
by another is particularly prone to breakdown»40.
Pour Carlos MILANI et Ali DEHLAVI dans une reflexion
intitulée La globalisation, les transformations sociales et les
stratégies de gestion de la diversité »41,
l'analyse profonde des interactions au niveau des individus dans ce monde sans
frontières rend la gestion des problématiques interculturelles
encore plus nécessaire et digne d'attention. Le domaine de la gestion
des différences peut devenir un outil précieux pour aider
à trouver la bonne mesure entre le « global » et le
« local », tout en minimisant les risques. Etant une
donnée aisément manipulable, la diversité selon ces
auteurs renvoie à toutes sortes de reférents subjectifs et
passionnels pouvant se prêter à la récupération dans
une période de superposition des images, des mondes et des
représentations, d'où la nécessité de lui assurer
une gestion qui soit des plus démocratiques. C'est le prix à
payer pour parvenir à des sociétés au sein desquelles
règne une forme de cohésion et d'harmonie certaine.
L'UNESCO concrétise cet idéal de concilier le
respect de la diversité avec le souci de la cohésion sociale et
la promotion des normes et valeurs universelles. Dans sa Déclaration
universelle sur la diversité culturelle, l'UNESCO affirme sans
détour en son article 2: «Dans nos sociétés de
plus en plus diversifiées, il est indispensable d'assurer une
interaction
40 Sally HOLT, « Diversity management and conflict
prevention » in Contemporary challenges in securing Human Rights.
41 Carlos MILANI et Ali DEHLAVI, « La globalisation, les
transformations sociales et les stratégies de gestion de la
diversité » in Projets de recherche sur le Programme MOST, Document
UNSECO, 1996.
26
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
harmonieuse et un vouloir vivre-ensemble de personnes et
de groupes aux identités culturelles à la fois plurielles,
variées et dynamiques. Des politiques favorisant l'intégration et
la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion
sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix
». Elle souligne dans son Acte constitutif le dessein de «
féconde diversité » des cultures et en fait son
principe le plus élevé dans la chaîne de la
«solidarité intellectuelle et morale de
l'humanité»42.
Notre travail s'inscrit dans cette seconde approche qui vient
d'être présentée. Plus concrète, elle rompt en effet
avec la spéculation normative qui a longtemps existé autour de la
gestion de la diversité culturelle au sein des sociétés
africaines contemporaines. D'une valeur incontestable, elle nous permet de
repenser et interpeller en de termes différents et inclusifs la gestion
de la diversité comme panacée à des tensions et crises
persistantes dans la sous-région Afrique Centrale. Les transformations
récentes, l'évolution des idées et des mentalités
en font un enjeu essentiel qui se greffe à un idéal de living
together tant souhaité que désiré. Cela soutend que
la diversité culturelle doit être gérée à
l'intérieur de nos sociétés elle-mêmes, de sorte que
des politiques publiques puissent soutenir de telles logiques.
3- PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
La problématique renvoie à «l'ensemble
construit autour de la question principale, des hypothèses de recherche
et des lignes d'analyse qui permettront de traiter le sujet
choisi»43. C'est en quelque sorte un écart ou un
manque à combler dans le domaine de la connaissance entre ce que nous
savons et ce que nous devrions ou désirons savoir sur le
réel44. Il s'agit de l'approche ou de la perspective
théorique que l'on décide d'adopter pour traiter le
problème posé en vue d'obtenir de nouvelles
informations45. Ervin GOFFMAN l'affirmait déjà de
manière claire: « devenir sociologue, c'est poser des questions
impertinentes, montrer ce qui se joue derrière la scène ;
être au fait des ficelles de la vie sociale, bref dévoiler la face
cachée des faits sociaux ». Partant de ces
considérations, la problématique apparait comme une
étape
42 Acte constitutif de l'UNESCO adopté à Paris en
1945.
43 Michel BEAUD, L'art de la thèse : Comment
préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse
de doctorat ou tout autre travail universitaire à l'ère du net,
Paris, La découverte, 2006, P.11.
44 Madeleine GRAWITZ, Lexique des sciences sociales,
8ème édition, Paris, Dalloz, 2004, P.47.
45 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUD, Manuel de
recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 1995, P85-86.
27
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
charnière de la recherche située entre la
rupture et la construction du sujet46, car elle permet de constater
et ainsi de combler l'écart entre une situation de départ
insatisfaisante et une situation d'arrivée
désirable47.
Du Sahel aux localités menacées par Boko Haram
dans le bassin du lac Tchad, en passant par la corne de l'Afrique et l'est de
la République Démocratique du Congo, les tensions, troubles et
conflits en Afrique Centrale présentent tous sans exception une forte
dimension de régime de violences dans des configurations de rapports
Etats-sociétés tendant à évoluer des «
logiques de paix » vers des « logiques de guerre
»48. Le modèle de gouvernance de l'ère
coloniale construit sur une infrastructure politique autoritaire y a pendant
longtemps influencé les relations entre l'État et la
société, conduisant à une crise d'identité et
d'aliénation dont les séquelles demeurent aujourd'hui encore. Ce
modèle voulu ou imposé aux dirigeants a eu comme
conséquences immédiates la multiplication de longs conflits
nationaux et internationaux, liés peu ou prou à la
diversité dans près de la moitié des pays de la
sous-région. Le génocide rwandais de 1994, les guerres civiles
particulièrement violentes et meurtrières en Angola et au Burundi
constituent des cas rappelant encore la large désarticulation entre les
différentes régulations à l'oeuvre portées par
certains groupes ou communautés, et la création d'un
véritable vivre-ensemble pacifique et partagé de tous.
L'histoire récente en République Centrafricaine
qui se remet difficilement des cendres de la guerre civile de 2011, et
l'actualité au Cameroun dans les régions du Nord-Ouest et du
Sud-Ouest avec l'enlisement des tensions et revendications ayant
débouché sur la crise dite «anglophone», nous
rappelle encore que ces conflits sont nourris et alimentés de
façon contemporaine par « une combinaison de puissants facteurs
identitaires et de perceptions plus larges de la justice économique et
sociale »49 concernant la répartition des
ressources
46 Marie Fabienne FORTIN, Le processus de la recherche :
De la conception à la réalisation, Québec, Edition
Fortes, 1996, P.41.
47 Gordon MACE et François PETRY, Méthodes
en sciences humaines : Guide d'élaboration d'un projet de recherche en
sciences sociales, Bruxelles, Université de Boeck, 2000, P.24.
48 Mathias Eric OWONA NGUINI, « Les rapports
Etat-société dans le processus politique en Afrique Centrale: Les
montages civilisateurs et décivilisateurs du pouvoir et du droit »,
African journal of political sciences, Volume no2, 1999.P.143-180.
49 Adele JINADU, « Explaining & Managing Ethnic
Conflict in Africa: Towards a Cultural Theory of Democracy ». Claude
AKE Memorial Paper No.1, Uppsala University, Department of Peace and
Conflict Research, Nordica Africa Institute, Uppsala, 2007.
28
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
économiques, politiques et publiques par l'État.
Au Tchad, l'actualité récente faisait encore état de
« graves problèmes intercommunautaires», notamment
dans l'Est du pays entre d'un côté les autochtones ouaddaiens
agriculteurs, et de l'autre des tribus d'éleveurs arabes50.
En République démocratique du Congo, la diversité
relève aussi des problèmes de gouvernance politique et sociale
dans une stratégie qui renvoie l'imaginaire collectif à une
rupture de la gestion de la pluralité par les institutions de l'Etat. De
ce fait, il faut interroger le «contrat social», notamment
les différentes pratiques qui incarnent le vivre-ensemble garanti par
des mécanismes et dispositifs spécifiques.
Loin d'être un simple débat comme le
relève fort à propos Christine INGLIS, la réalité
en Afrique Centrale montre qu'il devient de plus en plus nécessaire de
définir un modèle de paix qui incarne les sociétés
dans leur diversité intrinsèque et mouvante. Dès lors,
prévenir les troubles et les tensions ou résoudre les conflits y
relève dorénavent de deux sources principales: La volonté
de participation à la gouvernance émanant de groupes culturels,
politiques, régionaux et socioéconomiques longtemps
marginalisés ou exclus d'une part, ainsi que la (re)définition
des questions de migration interne associées à la
citoyenneté et à l'identité d'autre part.
Dans ce contexte, il faut regarder les régulations
existantes qui structurent la cohésion et le rapport à l'Etat des
divers groupes sociaux, tant il est vrai que c'est au travers des politiques
publiques qu'une société peut définir les principes
d'interactions qui servent le mieux son vivre-ensemble. La question qui
se pose est celle de savoir comment les Etats gèrent-ils la
diversité culturelle dans la perspective de la construction de la paix
en Afrique Centrale? À cette question principale, viennent
s'agripper des problématiques d'ordre secondaire.
Dans un contexte de féconde diversité
culturelle, quels sont les mécanismes et les stratégies
mobilisés à cet effet? Eu égard à la persistance
des tensions et des crises au sein de la sous-région, quels sont les
limites et les obstacles auxquels ils font face?
50 Article à retrouver sur
www.jeuneafrique.com,
mis à jour le 14 Février 2019.
29
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
4- BLOC DES HYPOTHESES
Dans tout travail de recherche, l'hypothèse est une
proposition portant sur un rapport entre un ensemble de concepts particuliers
dont on n'est pas sûr de la véracité ou de la
faussété, mais au sujet de laquelle on croit que les faits
pourront établir soit la vraisemblance, soit la tartuferie51.
Il s'agit d'un mode de raisonnement qui part d'une affirmation, d'un à
priori ou d'une proposition qu'il s'agira par la suite de confirmer ou
d'infirmer expérimentalement ou empiriquement52. Selon
Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUDT, « un travail ne peut être
considéré comme véritable recherche que s'il se structure
autour d'une ou de plusieurs hypothèses »53. Dans
le cadre de notre travail d'analyse, le volet hypothétique se
déclinera autour d'une hypothèse principale, et de deux
hypothèses connexes.
A-Hypothèse principale
En Afrique Centrale, des politiques publiques favorables
à la diversité culturelle orientent et structurent la
cohésion et l'harmonie à l'intérieur des
sociétés de plus en plus plurales et muticulturelles.
B-Hypothèses connexes
Une première hypothèse connexe démontre
que ces politiques publiques sont principalement envisagées comme des
réponses à de récentes transformations et dynamiques
sociales qui ont cours dans la sous-région depuis quelques
décennies. Cependant, une seconde hypothèse connexe ressort que
lesdites politiques publiques sont en proie à de nombreuses limites,
risques et obstacles dans leur formulation et/ou implémentation, ce qui
les rend ipso facto inefficaces ou infécondes lorsqu'il s'agit
d'influencer les formes contemporaines desdites transformations sociales.
51 Benoit GAUTHIER, « Recherche sociale : De la
problématique à la collecte des données », Bruxelles,
Université De Boeck, 2009, P. 519.
52 Didier COURBET, « Comment faire un projet de
thèse ou de recherche de mémoire », Volume 2: Communication
et expérimentation, Paris, Editions Hermès Lavoisier, 2010,
P.9
53 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUD, Op. cité, 1995,
P137.
30
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
5- INTERET DE L'ETUDE
Tout travail de recherche doit exprimer clairement la
portée scientifique du sujet en indiquant clairement en quoi ce dernier
s'inscrit dans les préoccupations scientifiques, et le point par lequel
il contribuera à l'évolution de la science sur le plan de
l'avancement des connaissances, de même que son originalité et son
actualité notamment du point de vue de l'angle abordé dans
l'étude concernée54. Il va de soi s'agissant d'un
travail mené sur la question sensible de l'action de l'Etat,
l'intérêt que recèle notre sujet soit inscrit à
double titre, scientifique et pratique.
A-Intérêt scientifique
Sur le plan scientifique, il s'agit de tirer profit de la
question de la diversité culturelle qui est une
actualité prégnante au sein de la plupart des
sociétés modernes. Pour les Etats d'Afrique Centrale, il
échoit d'envisager la diversité comme pouvant être y
qualifiée et pensée différemment, l'enjeu et le
défi en termes de gouvernance étant désormais clairement
exprimé de manière assez consensuelle. Etant donné qu'il
existe également très peu d'études de science politique
portant sur une analyse des politiques publiques en rapport avec la
diversité, la prise en compte de ses enjeux par les études
internationales se trouve ainsi renforcée par la présente
contribution. En suivant le chemin ouvert par des prédécesseurs,
elle ouvre aussi de nouveaux horizons heuristiques. En termes de connaissance
cumulative, notre travail entend illustrer au mieux l'idée suivant
laquelle les logiques de paix en Afrique dénotent d'une perspective
inséparable des constructions historique, socio-anthropoloqique et
même politico-économique.
B-Intérêt pratique
Sur le plan pratique, il s'agit pour nous de structurer dans
le champ des politiques publiques en sciences sociales, une «boite
à outils»55 pour les dirigeants et décideurs
politiques dans un contexte où, ceux-ci de plus en plus sont soumis
à la recrudescence des conflits, tensions et revendications liés
à la problématique de la diversité et de sa gestion. Il
nous semble dès lors opportun et nécessaire de contribuer
à la recherche de la paix et au développement de
54 Guy Roger ASSIE et Roland Raoul KOUASSI, Cours d'initiation
à la méthodologie de recherche, Ecole pratique de la chambre de
commerce et d'industrie, Abidjan, 2008, P.20.
55 Jean-Claude THOENIG, « la quête du second
souffle», in Enjeux, controverses et tendances de l'analyse des politiques
publiques, Revue française de Science politique, 1996, PP.102-107
31
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
la sous-région. Une analyse stratégique et
apolitique des dynamiques de paix nous permettra de contextualiser la
diversité comme mode de structuration des sociétés
à l'intérieur de cet espace56. En cela, notre
étude s'avère innovatrice car, elle devra sans doute appuyer
l'interférence ou l'interdépendance entre la diversité
culturelle et les différentes « écoles de la paix
»57 jusqu'alors expérimentées dans la
sous-région.
6-PRESENTATION DU CHAMP D'ANALYSE
Tout travail de recherche nécessite une
délimitation du problème que l'on se propose
d'étudier58. C'est l'opération qui permet de cerner le
champ matériel d'investigation et qui peut s'entendre comme étant
l'opération de délimitation du sujet dans le temps et
l'espace.
A-Délimitation temporelle
Analyser la conduite d'une politique induit le choix d'une
variable temporelle dont il convient de préciser les bornes. Dans le
cadre de cette recherche, le début des années 1990 nous servira
de référent temporel. Le contexte sociopolitique en Afrique est
en effet favorable aux mouvements démocratiques et la montée des
revendications liées à des segments sociaux qui, longtemps
marginalisés réclament de plus en plus leur insertion et la prise
en compte de leur spécificité au sein de l'espace public.
À partir de cette période, l'univers socio-politique dans la
plupart des Etats de l'Afrique Centrale laisse entrevoir un net encrage autour
des discours et positions en faveur de la diversité comme panacée
à des crises et tensions incessantes.
B-Délimitation spatiale
Sur le plan spatial, l'Union Africaine et les deux
communautés économiques régionales (la Communauté
économique des Etats de l'Afrique Centrale -CEEAC- et la
Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale
-CEMAC-) ayant chacune une définition différente des Etats
membres composant l'« Afrique centrale »59,
les recherches aux fins de ce
56 Patrick QUANTIN, « L'Afrique Centrale dans la guerre :
Les Etats fantômes ne meurent jamais », African journal of
political science, Vol.6, n°2, 1999, P34.
57 Daniel COLARD, « De la paix par la force à la
paix par la sécurité coopérative et démocratique
», ARES n°45, Volume 18, Mai 2000, P.41-60.
58 Jean-Louis LOUBET DEL BAYLE, Initiation aux
méthodes des sciences sociales, Paris, l'Harmattan, 2000, P. 51.
59 Les membres de la CEEAC sont l'Angola, le Burundi, le
Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République
centrafricaine, la République démocratique du Congo, la
République du Congo, le Rwanda, Sao
32
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
travail ont globalement privilégié ceux faisant
partie de la CEEAC, région médiane du continent qui part du Tchad
au Nord au Sud de la RDC et du Burundi à l'Est du bouclier
ouest-africain au Sao-Tomé et principe à l'Ouest de la
vallée du grand rift60.
En faisant preuve de souplesse, notre recherche s'inscrit
nécessairement dans une perspective globale. Prenant en
considération la sous-région dans son ensemble, les
présents travaux évitent délibérément un
encrage approfondi au cas spécifique et particulier d'un Etat, quoique
ce rapprochement n'est pas à exclure. Sa valeur ajoutée
réside dans le fait qu'ils illustrent un cadre de compréhension
passant avant tout par la façon de percevoir les politiques publiques en
tant qu'une « seule unité d'analyse »61.
Par ailleurs, notre approche se justifie dans la construction de la
sous-région sur une mosaïque d'identités plurales et
variées. L'intérêt et le défi est donc de
réussir à faire cohabiter à l'intérieur de cet
espace les différentes communautés et les groupes sociaux, en vue
de réduire à leur plus simple expression les tensions et les
conflits qui y pullulent depuis plusieurs décennies. Au-delà de
ces considérations, l'intérêt à travailler
précisément sur les Etats membres de la CEEAC vient du sentiment
assez répandu selon lequel cette organisation régionale à
vocation économique n'aurait pas grand-chose à apporter sur les
problèmes de paix et de sécurité que connaît la
sous-région Afrique centrale.
7- CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
En sciences sociales, une méthode est un ensemble de
démarche que le chercheur suit pour découvrir et démontrer
la vérité62. KAPLAN le relevait déjà,
« le propre de la méthode est d'aider à comprendre au
sens le plus large, non les résultats de la recherche scientifique,
mais
Tomé-et- Principe et le Tchad, sachant que le Rwanda a
réintégré ses rangs en 2015 après un hiatus de huit
ans.
Les membres de la CEMAC sont le Cameroun, le Gabon, la
Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la
République du Congo et le Tchad.
Selon la définition de l'Union africaine, l'Afrique
centrale regroupe le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée
équatoriale, la République centrafricaine, la République
démocratique du Congo, la République du Congo, Sao
Tomé-et-Principe et le Tchad.
60 Communauté économique des Etats de l'Afrique
centrale, Profil,
www.ceeac-eccas.org.
61 Louise HERVIER, « Le
néo-institutionnalisme sociologique », Dictionnaire des
politiques publiques, 2010, PP.374-383.
62 Madeleine GRAWITZ, Méthodes de recherche en
sciences sociales, 7ème édition, Paris, Dalloz,
1986, P.446.
33
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
le processus de la recherche en question
»63. La méthode renvoie ainsi à l'ensemble
des opérations intellectuelles que le chercheur met en oeuvre pour
démontrer, vérifier et établir les vérités
qu'il poursuit, ainsi que l'attitude concrète qui dicte la
manière d'organiser la recherche afin de parvenir à la
connaissance scientifique64. Pour nos travaux, nous retiendrons deux
volets méthodologiques qui intègrent de manière succincte
les méthodes d'analyse d'une part, et les techniques de collecte des
données d'autre part.
A-Les méthodes d'analyse
Dans ce cadre, il s'agit d'opérer des choix qui
permettent de rendre compte de façon paradigmatique du comment la
recherche procède afin d'analyser la question principale qu'elle s'est
assignée65. Notre activité de sélection et de
mise en ordre relève comme méthodes, l'analyse cognitive des
politiques publiques, et celle relativement nouvelle de l'institutionnalisme
sociologique.
1-L'analyse cognitive des politiques publiques
Selon Pierre MULLER, dans une société
donnée, les politiques publiques viseraient principalement à
« saisir l'Etat à partir de son action »66.
Par conséquent, une politique publique n'existe que parce qu'il y'a
un problème, et son élaboration apparait comme la réponse
du pouvoir politique à ce problème67.
Dans sa dimension cognitive, ce sont ces
éléments qui permettent de rendre compréhensible l'analyse
de la politique publique ainsi édictée. Ils constitueraient ainsi
un niveau de compréhension spécifique de l'activité
politique de l'Etat centré sur l'aptitude de ce dernier à
«résoudre les problèmes»68 par la
légitimation nécessaire des inputs (construction
63 Abraham KAPLAN, 1964, The Conduct of Inquiry:
Methodology for behavioral sciences, San Francisco, Chandler ed. P 428.
64 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUD, Idem.
65 Gordon MACE et François PETRY, Méthodes
en sciences humaines : Guide d'élaboration d'un projet:de recherche en
sciences sociales, Bruxelles, Université de Boeck, 2000, P 37.
66 Pierre MULLER, « Les politiques publiques »,
Presses Universitaires de France,
10ème édition, 2013,
P.128.
67 Pierre MULLER (Dir.), Dictionnaire des politiques
publiques, Presses de Sciences Po,
3ème édition, 2010,
P.776.
68 Pierre MULLER, « L'analyse cognitive des politiques
publiques: Vers une sociologie politique de l'action publique », Revue
française de science politique, 2000, PP.189-208.
34
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
d'une identité collective avec d'autres acteurs
sociaux), ainsi que des outcomes c'est-à-dire les
résultats et les solutions recherchés. De visée
essentiellement pragmatique, cette dimension perçoit la politique
publique comme le produit des institutions politiques, des pratiques
administratives, de traditions et cultures politico-administratives propres
à chaque société. En d'autres termes, les politiques
publiques sont des constructions sociales qui ressemblent à la
société dans laquelle elles baignent. Dans cette approche,
l'analyse des politiques publiques offre la possibilité de construire
des cadres d'interprétation de la société en posant la
question des rapports entre les activités politiques de l'Etat et la
structuration de l'ordre social, tout en mettant principalement l'accent sur
l'observation des résultats de cette action étatique.
Dans le cadre de nos travaux, l'approche cognitive des
politiques publiques nous a permis d'identifier et légitimer l'action de
l'Etat dans la recherche des solutions au «problème
social»69 que pose la diversité au sein des Etats
de la sous-région Afrique centrale. De même, cette approche nous
offre des outils d'analyse du cadre et de la pertinence des résultats
obtenus de cette activité étatique.
2- L'institutionnalisme sociologique
Selon HALL Peter et Rosemary TAYLOR, l'institutionnalisme
sociologique ou néo-institutionnalisme sociologique est une
théorie qui émerge en réaction aux perspectives
behavioristes des années 60 et 70 qui entendent «
élucider le rôle joué par les institutions dans la
détermination des résultats sociaux et
politiques»70. Selon cette approche des courants
néoinstitutionnalistes, les institutions par les codes culturels et
cognitifs dessinent les frontières du politique en inculquant aux
acteurs des idées précises quant à la
légitimité de leur action et de leur comportement.
L'institutionnalisme sociologique confère aux institutions une influence
déterminante dans la constitution des préférences et des
comportements sociaux acceptables, ainsi que l'interprétation des
situations plutôt que leur évaluation. Cette variante de
69 Howard BECKER, «Social Problems: A modern approach»,
New-York, John Wyler, 1966, P. 11.
70 Peter HALL et Rosemary TAYLOR, « la science politique
et les trois néo-institutionnalismes », Revue française
de sciences politiques, 1997, 47, PP.469-482.
35
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
l'institutionnalisme est plus clairement associée avec
la définition normative, où les normes sont comprises moins comme
des règles, que des paramètres culturels et
symboliques71.
Dans le champ des politiques publiques, cette branche
suggère que les institutions structurent le comportement des acteurs
sociaux et les forcent ainsi à s'adapter à elles. C'est ce qui
leur confère une légitimité qui s'accumule et s'accroit
dans le temps, d'où la notion d'isomorphisme qui pose que la
création de nouvelles institutions se fait dans une logique de
compatibilité avec celles déjà existantes. Il s'agit
là d'une variable indépendante qui façonne les acteurs,
fait naître leurs intérêts et leurs
préférences dans la «routinisation» des
relations sociales, peu importe leur nature exacte72. Cela renvoie
à une double réalité: D'une part, les politiques publiques
apparaissent comme des facteurs d'ordre définissant les
«règles de jeu», et les «cadres de
signification» du comportement des acteurs sociaux. D'autre part,
elles représentent l'ensemble des «règles,
procédures ou mesures formelles, mais aussi les systèmes de
symboles, les schémas cognitifs et les modèles moraux»
dont se dotent les gouvernements dans la mise en oeuvre de leurs
activités politiques73.
La réalité des relations sociales en Afrique
Centrale étant «construite» ou
«coconstituée», selon l'expression de KATZENSTEIN,
KEOHANE et KRASNER74, l'institutionnalisme
sociologique nous permet de comprendre comment les politiques publiques de
gestion de la diversité culturelle en Afrique centrale sont
élaborées, structurées et référencées
à l'intérieur des relations de pouvoir dont les variables sont
soumises à de nombreuses limites et obstacles.
B-Les techniques de collecte de données
Construit alternativement entre reflexion théorique et
travail empirique, notre cheminement méthodologique consiste à
axer notre analyse autour de la recherche documentaire qui servira de canevas
pour le recensement des travaux précédents et actuels dans
71 André LECOURS, « L'approche institutionnaliste
en science politique: Unité ou diversité », Politiques et
sociétés, Université Concordia, Vol.21, N03,
2002.
72 Idem
73 Louise HERVIER, Idem
74 Peter KATZENSTEIN, Robert KEOHANE et Stephen KRASNER,
« International Organization and the Study of World Politics »,
International Organization, n°52, 1998, PP. 645-685.
36
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
le domaine. En outre les entretiens exploratoires, les sources
électroniques, et Internet par des bases de données
spécialisées nous seront d'un important usage.
1-La recherche documentaire
Dans les sciences sociales, la recherche scientifique
nécessite un travail de documentation préalable à travers
la lecture des livres, des archives ainsi que des comptes rendus et autres
rapports de diverses natures.
Tout au long de cette étude, nous avons utilisé
les ouvrages généraux en sciences politiques, relations
internationales, et sociologie politique. Dans cet ordre d'idées, nous
avons fait usage des ouvrages spécialisés sur les processus de
sortie de crise et de construction de la paix, les politiques publiques, la
diversité et ses différentes problématiques que sont
notamment le management et la gestion.
Pour ce qui est des documents officiels, nous avons
procédé à une exploitation munitieuse des «
politiques publiques codifiées » que sont notamment les
Constitutions écrites du Cameroun, Congo, Burundi, Rwanda,
République Démocratique du Congo et République
Centrafricaine, les textes et instruments juridiques nationaux et
internationaux à l'instar des Lois No18/2008 du 23 Juillet 2008 portant
répression du crime d'idéologie du génocide et
No47/2001 sur la prévention, la répression et la
punition des crimes de discrimination et pratique du sectarisme au Rwanda, les
décrets No 2017/013 du 23 Janvier 2017 portant
création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale pour
la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, les Loi
N02004/017 du 22 Juillet 2004 portant orientation de la
décentralisation, Loi N02004/018 du 22 Juillet 2004 portant
sur les règles applicables aux communes ; Loi N02004/019
fixant les règles applicables aux régions au Cameroun, etc.
Par ailleurs, outre les travaux scientifiques et
universitaires répertoriés (thèses, mémoires,
articles...) nous avons exploité les rapports, périodiques, et
autres revues issues des résolutions et recommandations adoptées
par des organisations internationales au rang desquelles l'UNESCO, le PNUD,
ainsi que les rapports sur la gouvernance et la gestion de la diversité
en Afrique de la Communauté économique africaine (CEA), notamment
ceux de 2010 et 2011, les éditions du Journal africain des Sciences
politiques dont les thématiques sont spécifiques à la
diversité des sociétés, les politiques publiques ou toutes
autres questions relatives à la paix. Toute cette documentation a
été consultée et obtenue auprès de la
37
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
bibliothèque de l'Institut des Relations
Internationales du Cameroun, la Fondation Paul ANGO ELA, et la
bibliothèque du ministère de la recherche scientifique et de
l'innovation, ou auprès des bureaux et représentations
diplomatiques du PNUD et de l'UNESCO basés à Yaoundé.
2-L'entretien
L'entretien en sciences sociales est « un
procédé d'investigation scientifique utilisant un processus de
communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec le but
fixé »75. Il s'agit d'une technique exploratoire
qui consiste en l'utilisation de questions plus ou moins directes,
adressées à un interlocuteur rencontré fortuitement ou
choisi en fonction des critères préalablement
établis76. Nous l'avons utilisé sous sa forme
semi-directive. L'approche par entretien a ainsi consisté
à se rendre auprès des «personnes ressources»,
notamment les enseignants-chercheurs, et professionnels
de terrain présents au Cameroun. Concernant les personnes
interviewées, nous avons établi un échantillon
représentatif des personnes aux profils suffisamment diversifiés
pour obtenir un panorama global des réponses susceptibles
d'intégrer notre problématique. Nous avons eu des échanges
fructueux avec mesdames Manga EDIMO77 et NEKDEM
Florentine78, ainsi que KENHOUNG Yanic79 et TSAFACK
Delmas80, qui ont mis à notre disposition des informations
précieuses sur les politiques publiques ou les questions de paix en
Afrique.
Dans le cadre de la présente analyse, ce choix
méthodologique se justifie par sa grande flexibilité. L'entretien
mené n'est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand
nombre de questions, mais il impose une série de questions relativement
bien pensées afin de permettre à
75 Madeleine GRAWITZ, Op cité.
76 Marc Adélard TREMBLAY, Initiation à la
recherche dans les sciences humaines, Paris, Armand Colin, 1968, P189.
77 Manga EDIMO est enseignante-chercheuse à l'IRIC et
à l'université de Yaoundé II à Soa. Son champ de
recherche concerne les relations internationales et les politiques
publiques.
78 Florentine NEKDEM est la promotrice principale de l'ONG
dénommée DUCA, active dans les domaines de la paix et
l'intégration des catégories sociales défavorisées
en Afrique. Elle a souvent officié dans de projets nombreux pour des
organisations internationales telles que le PNUD ou l'UNICEF.
79 Yanic KENHOUNG est docteur en sciences politiques de
l'Université de Dschang, Il s'intéresse principalement aux
questions d'intégration régionale et de paix en Afrique
centrale.
80 Delmas TSAFACK est docteur et chercheur en
relations internationales.
38
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
nos interlocuteurs de fournir des réponses
impératives, et à même de nous aider à
vérifier et confirmer les hypothèses que nous avons
préalablement émises.
8- STRUCTURE DE L'ETUDE
Notre travail est structuré en deux grandes parties. La
première partie présente le contexte et les enjeux, ainsi que le
dispositif juridico-institutionnel de la gestion de la diversité
culturelle en Afrique Centrale.
Cette partie se subdivise en deux chapitres. Le premier
chapitre analyse le contexte et les enjeux de la diversité culturelle
comme instruments des processus de construction de la paix en Afrique Centrale.
Il analyse les champs et les répertoires de la diversité
culturelle au sein des Etats de l'Afrique centrale. Le deuxième chapitre
quant à lui traite du dispositif juridico-institutionnel des politiques
de gestion de la diversité culturelle.
La deuxième partie de notre étude examine les
politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans leur
capacité à assurer la réalisation des processus de
construction de la paix. De ce fait, le troisième chapitre met en
exergue les mécanismes et les stratégies mis sur pied pour la
gestion de la diversité culturelle, tandis que le quatrième
chapitre présente les limites, les risques et les obstacles liés
à l'implémentation des politiques publiques de gestion de la
diversité culturelle en Afrique Centrale.
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
39
PREMIERE PARTIE: CONTEXTE ET DISPOSITIF
JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE POUR LA
CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE
40
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Au cours de ces dernières décennies, la
dynamique socio-politique de l'Afrique Centrale est caractérisée
par une prolifération des pressions, crises et tensions qui en font une
importante « zone de concentration de conflits » 81.
La sous-région affiche un bilan mitigé en termes de
développement économique, mais aussi de stabilité
politique. Etant un espace marqué par une pluralité de
réalités, et une zone de grande concentration des
identités ethniques, religieuses ou linguistiques, l'Afrique Centrale en
contexte géopolitique reste difficile à cerner avec pertinence et
intelligence.
Pour la plupart, ces troubles, tensions et crises sont mus par
la détermination des rapports qu'ont les différents groupes
sociaux avec la gestion de la diversité culturelle au sein des Etats
depuis les années des indépendances. Elles ont connu une
accentuation avec les mouvements de libéralisation intervenus au
début de la décennie 1990, sans que toutefois des réponses
définitives y soient apportées. Aujourd'hui encore, la prise en
compte de la diversité culturelle et les différentes interactions
qu'elle est censée susciter devient un enjeu essentiel dans la
prévention et l'apparition de nouveaux foyers de tensions, et crises
dans une sous-région considérée plus ou moins à
juste titre comme étant essentiellement
«conflictogène»82.
Dans ce chapitre, il est question d'examiner les conditions et
les configurations par lesquelles l'Afrique Centrale intègre les
nouveaux défis et enjeux de la diversité culturelle dans la
recherche de la paix. À cet effet, il serait judicieux de faire de la
diversité culturelle un instrument majeur des processus de construction
de la paix en Afrique Centrale (Chapitre 1). Cela soutend que des politiques
publiques soient favorablement édictées et
implémentées par un cadre normatif et institutionnel soucieux de
la préserver au mieux (Chapitre 2).
81 Patrick QUANTIN, Idem
82 Paul ANGO ELA, "La prévention des conflits en
Afrique Centrale: Prospective pour une culture de la paix", Presses de la
nouvelle imprimerie Laballery, 2001, PP. 23-27.
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
41
CHAPITRE 1: CONTEXTE ET ENJEUX DE LA DIVERSITE
CULTURELLE DANS LES PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE
CENTRALE
42
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
L'Afrique Centrale apparaît comme une zone
fragmentée et divisée, en proie à différentes
communautés où les rivalités locales sont
entremêlées de conflits géostratégiques, politiques
et religieux. L'actualité récente et l'histoire de cette
sous-région ne peuvent qu'attester de ce phénomène.
Pourtant, la diversité culturelle y est presentée comme un
construit social, un concept englobant et multiforme faisant appel à un
ensemble d'hétérogénéité raciale, ethnique,
religieuse, de genre, ou de pouvoir entre les différents groupes
sociaux.
Il convient toutefois pour garantir une lecture
appropriée de la conflictualité en Afrique Centrale de ne pas
occulter «l'obsolescence de la culture» comme source de paix
ou de guerre entre les Etats83. En effet, l'enjeu que
revêt la dimension culturelle des processus de construction de la paix
est tributaire du fait que les tensions, crises et conflits sont le produit
d'une exploitation considérable du capital culturel en Afrique. À
côté des mécanismes traditionnels de résolutions des
conflits et de sortie de crise, la dimension culturelle des processus de paix a
été la marque d'une utilisation de la diversité culturelle
dans de nombreux cas recensés dans la sous-région.
Cette dimension des processus de construction de la paix
laisse entrevoir une capitalisation des enjeux de la gestion de la
diversité culturelle. Dans ce chapitre, il est question dans un premier
temps de ressortir les champs et les répertoires de la diversité
culturelle en Afrique Centrale comme outils de paix (Section 1), même si
dans un second temps, la diversité culturelle peut être source
d'exacerbation de la conflictualité (Section 2).
Section 1: Les champs et les répertoires de la
diversité culturelle en Afrique Centrale
En Afrique Centrale, la diversité désigne la
pluralité de groupes d'identités qui habitent un pays. Aux plans
ethnique, religieux et linguistique, très peu de pays ou de
sociétés sont parfaitement homogènes. Leur
diversité tient au large éventail de relations d'association ou
de groupe qu'entretiennent les individus ou groupes à certains marqueurs
d'identité, tels que l'appartenance ethnique, la langue, et la religion,
selon lesquels ils sont classés84. Cette diversité
83 Mwayila TSHIYEMBE, « Les principaux
déterminants de la conflictualité », in Paul ANGO ELA,
La Prévention des conflits en Afrique centrale. Prospective pour une
culture de paix. Paris, Karthala, 2001, P.14.
84 David BARRETT, Liste établie des groupes ethniques
en Afrique par pays, rapport de mission publié dans the Africa Mission
Resource Centre, 2003.
43
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
s'explique aussi à la fois par la multiplicité
des milieux favorisant les processus d'individualisation culturelle par
l'histoire du peuplement et des migrations d'une part, et par la
complexité historique qui présente la sous-région comme
l'un des espaces «carrefours» du continent d'autre part.
Elle est à la fois d'ordre ethnique (Paragraphe 1), religieuse
(Paragraphe 2) et linguistique (Paragraphe 3).
Paragraphe 1: La diversité ethnique en Afrique
Centrale
La notion d'ethnie est controversée au sein de
l'anthropologie contemporaine, notamment francophone. Pour Michel FOUCHER,
l'ethnie est « un ensemble social composé d'individus qui se
reconnaissent en commun un certain nombre de traits (origine,langue) et qui
dispose d'un terme spécifique pour nommer ainsi le groupe formé
»85. À en croire Eric HOBSBAWN, l'ethnie a deux
caractéristiques: Soit le groupe ethnique se donne lui-même un nom
qui lui permet de se distinguer par rapport à d'autres entités,
soit les caractéristiques retenues pour définir un groupe
proviennent de l'extérieur86. Il s'agit d'une variable qui
pendant longtemps a permis de définir l'Afrique comme un continent aux
identités plurielles.
En termes d'analyse géopolitique, une double question
se pose : la diversité ethnique est-elle un obstacle à la
formation de l'unité nationale ? la présence de groupes ethniques
en position transfrontalière est-elle un facteur d'instabilité
régionale ? Pour mieux appréhender la question de la
diversité ethnique en Afrique Centrale, il faut dans un premier temps
analyser son aire ethnoculturelle originelle (A), et faire ressortir dans un
second temps la diversification qu'a entrainé le fait de la colonisation
(B).
A- L'aire ethnoculturelle et la diversité
originelle en Afrique Centrale
L'étude des ensembles qui servent d'assise
ethnoculturelle au sein des Etats de l'Afrique Centrale n'est pas dissociable
des réalités sociopolitiques des études anthropologiques
des sociétés africaines depuis les
indépendances87. Les ensembles ethnoculturels sont pour la
85 Michel FOUCHER, Fronts et frontières, un tour du
monde géopolitique, Fayard, 1991, P.34.
86 Eric HOBSBAWM, « Qu'est-ce qu'un
conflit ethnique?, Actes de la recherche en Sciences sociales », Volume
100, Décembre1993, PP.52.
87 Bruno MARTINELLI, « Diversité et convergence
culturelle en Afrique Centrale », in Patrimoine esthétique et
artistique Centrafricain, Revue Centre Africaine d'Anthropologie, No4,
PP.3-33.
44
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
plupart issus des processus de décomposition et de
recomposition historiques provoqués par la dynamique des
sociétés et des Etats. Ils sont le produit des
déplacements migratoires de plus ou moins grande envergure, plus ou
moins volontaires, ainsi que des contacts interculturels qui résultent
des situations de confrontation et de coexistence. L'Afrique centrale se
caractérise par une extraordinaire diversité ethnique : Les
ethnologues ne répertorient pas moins de 250 groupes différents
pour la seule RDC et près de 300 pour le Cameroun. Ces dynamiques
d'échanges posent des hypothèses de « parenté
esthétique »88 entre les ensembles culturels du
Cameroun oriental ou septentrional au nord de la République
Centrafricaine, entre les hautes-terres du Cameroun et la République
Démocratique du Congo, voire la région des Grands Lacs.
Il existe certes plusieurs exemples d'espace culturel commun
dans les différentes régions frontalières des territoires,
notamment parmi les groupes ethniques Baka (Cameroun, Gabon, République
du Congo), Béti-Pahouin (Cameroun, Gabon, Guinée
équatoriale, République du Congo et Sao Tomé-et-Principe),
Peul (peuple nomade vivant sur un vaste territoire qui englobe le Cameroun, la
République centrafricaine, le Tchad et de nombreux autres pays hors
Afrique centrale), Kanuri (Cameroun, et Tchad), Sara (Cameroun,
République centrafricaine et Tchad) et Zande (République
centrafricaine, République démocratique du Congo et
Congo-Brazaville). Des groupes ethniques répartis sur plus d'un pays
sont plus importants numériquement que la population de certains pays:
Les Haoussas, près de 10 millions au Tchad, au Cameroun, et au Congo;
les Ibos, 30 millions au Cameroun. La plupart des groupes ethniques ont
été éclatés entre plusieurs pays. Au nombre des
exemples figurent les Banyarwanda repartis entre le Rwanda, l'Ouganda, la
République démocratique du Congo, le Burundi et bien d'autres.
Les présumés Bantou occupent le Sud-Ouest de la
sous-région au contact des Pygmées. Outre les Mbuti de la
forêt de l'Ituri divisés en trois groupes dans l'Est de la
République Démocratique du Congo, l'on recense les Aka et les
Mbenzele en République Centrafricaine, le Babinga au Gabon et à
l'ouest du Congo, les Twa au Burundi, au Rwanda, au Sud-Ouest et au
centre-Ouest de la RDC89. Les Groupe Bantou (80 % de la population:
Groupe soudanique central et ancienne population de Nubie Groupe nilotique :
Alur, Kakwa, Bari ; Groupe chamite : Hima-Tutsi Groupe pygmée : Mbuti,
Twa, Baka, Babinga.
88 Jean Loup AMSELLE et Eliki'a MBOKOLO, Au coeur de
l'ethnie: Ethnies, tribalisme et Etat en Afrique, Ed. La
Découverte, Paris, 1985, P.34.
89 Voir la liste de groupes ethniques en Afrique par pays
établie par David BARRETT, rapport de mission publié dans the
Africa Mission Resource Centre, 2003.
45
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Toutefois, la question de savoir dans quelle mesure les liens
ethniques peuvent déboucher sur une fusion plus large de normes, qui
pourrait à son tour contribuer à constituer une identité
sous régionale positive ou plurielle est un sujet complexe90.
En effet, comme cela apparaît clairement, ces liens ethniques traversent
également les frontières vers d'autres sous-régions et
peuvent alimenter certains discours et tendances déjà longtemps
entretenus par la colonisation.
B- La colonisation et la diversification des groupes
ethniques
Au sein des sociétés, les ethnies sont
originellement et essentiellement des catégories de désignation
identitaire mises en oeuvre par les individus et les groupes communautaires
à travers leurs interactions sociales. Cette catégorie dont la
pertinence est limitée à des conjonctures d'interaction constitue
les résultantes de processus historiques et de dynamiques sociales, dont
l'une des expressions est l'identification d'espaces définis par des
limites territoriales et spatiales. L'analyse ethnique est tronquée si
on ne l'aborde qu'en termes de subdivision des populations et des territoires.
Les appartenances ethniques participent en effet aux dynamiques linguistiques
et culturelles qui transcendent les groupes et les frontières,
constituant ainsi autant de strates pouvant entraver les processus
d'intégration91.
La période coloniale en Afrique a été
marquée par la stratégie du «diviser pour
régner». La notion de diversité liée à
l'identité ethnique était extrêmement manipulée et
systématisée dans les organes du pouvoir. Par des
«théories colonialistes de l'origine ethnique», le
divisionnisme et la discrimination devinrent même encore plus
profondément ancrés au sein des sociétés
africaines92. L'accès aux services publics, tels que
l'éducation et la fonction publique, reposait sur un système de
quotas ethniques. Les divisions ethniques faisaient partie des cours
dispensés quotidiennement à l'école. Des dirigeants
corrompus exploitaient le système à des fins politiques.
La colonisation a donc accentué les diversités
ainsi que la polarisation et les contradictions dans de nombreux pays de la
sous-région, approfondissant les clivages ethniques, compliquant
90 L'Afrique centrale, une région en retard ?,
Premier rapport d'évaluation stratégique sous
régionale du PNUD, Mars 2017.
91 Idem
92 Olivier MBODO, « Violences ethniques en Afrique »,
Revue N0715, Mars 2007.
46
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
ainsi les questions de citoyenneté et empêchant
la réalisation de la cohésion et l'identité nationale.
Selon MOFFA C. « le pouvoir colonial avait institué un
système de classification ethnique avec des cartes d'identité
obligatoire spécifiant l'ethnie d'appartenance (...). Les
préjugés et différents qui s'y rattachent avaient
créé une division et un climat qui ont contribué à
l'instabilité (...) » 93. À cet effet, les
relations postcoloniales entre la RDC et le Rwanda comptent un nombre important
de déplacés en territoire congolais. Cela a été un
prétexte pour soutenir des groupes sociaux congolais, toute chose qui
continue de durcir les rapports conflictuels entre les deux pays.
Même si on considère que l'histoire coloniale n'a
pas vraiment figé les ensembles ethniquement identifiables dans des
limites intangibles, toute approche qui tiendrait à fixer des cadres
géographiques trop précis relèvent à la fois leur
profondeur historique et anthropologique. La multiplicité des ethnies
n'est pas en soi un obstacle au fonctionnement de l'Etat : Les ethnies ne
constituent qu'un cadre de référence identitaire parmi d'autres,
à une échelle les situant entre le groupe familial de
proximité et l'Etat. Ethnie et Etat cessent d'apparaître comme des
catégories antagonistes dès lors qu'on raisonne en termes
d'emboîtements et non d'exclusion. Les 38 groupes ethniques du Gabon
n'altèrent pas la réalité d'une identité gabonaise.
La RDC voisine du Rwanda, du Burundi et de l'Angola est composée d'une
centaine de groupes ethniques partagés avec beaucoup de pays de la
sous-région. De même, l'existence des plus de 250 ethnies
répertoriées en RDC n'est pas incompatible avec le sentiment
d'appartenir à une entité congolaise englobant. Mais le paradoxe
n'est qu'apparent, plus il y a d'ethnies et moins il y a de problème
ethnique à l'intérieur d'un Etat, aucune n'étant en mesure
de revendiquer un quelconque leadership94.
Paragraphe 2: La diversité religieuse en Afrique
Centrale
La diversité religieuse fait maintenant partie de la
trame sociale de toutes les sociétés contemporaines. À des
degrés divers, tous les États doivent composer avec cette
réalité qui prend d'ailleurs de multiples visages. L'Afrique
Centrale n'échappe pas à cette réalité inscrite
d'ailleurs au creux de son histoire. Aujourd'hui, cette diversité prend
des visages plus variés
93 Claudio MOFFA, « L'ethnicité en Afrique,
l'implosion de la question nationale après la décolonisation
», Publications de l'Université de Teramo, P15.
94 Claudio MOFFA, idem
47
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
que par le passé. La diversité religieuse s'y
manifeste de diverses manières. Son portrait se veut d'ailleurs
nuancé et complexe. Il convient de l'analyser sous le double angle de la
trame du pluralisme religieux d'une part (A), ainsi que la cohabitation
religieuse qu'elle entraine d'autre part (B).
A-La trame du pluralisme religieux
Dans le contexte de crise généralisée de
l'Afrique centrale, les religions jouent un rôle décisif dans les
processus de socialisation. Elles doivent donc être pleinement prises en
compte dans l'étude des dynamiques socio-culturelles régionales.
Par ailleurs, la sous-région est écartelée entre son
affiliation à la religion musulmane et son appartenance à la
religion chrétienne. La concurrence qu'elles se livrent souligne aussi
leur investissement idéologique, qu'il s'agisse de l'église
catholique latine, des églises protestantes anglo-saxonnes, des
nouvelles églises et sectes au succès grandissant (églises
de réveil, pentecôtismes etc.) ou de l'islam. Les conversions sont
de plus en plus nombreuses et rapidement, la présence sur un même
territoire de sujets professant des convictions religieuses différentes
pose de nouveaux défis aux autorités royales et religieuses. Ce
n'est qu'après plusieurs affrontements marqués par de sanglants
épisodes que s'instaureront les modalités d'une certaine
tolérance religieuse. L'émergence du protestantisme, puis
l'avènement de l'anglicanisme va venir briser l'hégémonie
catholique Parallèlement, l'islam, née au VIIe va rapidement se
diffuser en Afrique Centrale. Confronté à la diversité des
croyances dans les régions où il prend pied, cet islam
conquérant, après une période de domination reposant sur
les armes saura s'implanter en démontrant une relative tolérance
et permettant ainsi un certain syncrétisme. Le contact direct entre Dieu
et le croyant ainsi que l'absence de clergé favorise cette souplesse.
L'écho du pluralisme religieux joue ainsi un rôle
irremplaçable dans le fonctionnement des communautés. Avec
l'effacement de l'Etat, les institutions religieuses sont de plus en plus
présentes dans l'économie. Tel évêque se fait
entrepreneur pour améliorer l'état des routes et permettre
l'approvisionnement des marchés urbains. L' « archipellisation
» du territoire a favorisé toutes sortes d'initiatives
locales95. Par l'action des églises, les groupes sociaux
religieux s'insèrent ainsi dans des réseaux régionaux et
internationaux qui sont autant de facteurs d'ouvertures et de rapprochements
possibles.
95 Lasseur MAUD, « Cameroun: Les nouveaux territoires de
Dieu », in Afrique contemporaine, 2005/3, Numéro 215,
P.12.
48
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Malgré un discours parfois simpliste et variable selon
les États, l'évocation du nettoyage ethnique et religieux durant
la récente crise centrafricaine ainsi que l'extrémisme violent
qui se manifeste à l'échelle sous régionale, soulignent
également l'importance accordée aux aspects religieux de la
construction d'une cohabitation soignée et harmonieuse entre les peuples
et les communautés.
B-De la cohabitation religieuse en Afrique Centrale
Dans de nombreux pays africains, la religion est la «
ligne de fracture »96 qui a fragilisé la
transition. Même si elle ne représente pas un facteur
décisif dans la politique de beaucoup de pays d'Afrique sub-saharienne,
elle peut provoquer des tensions et même conduire à des troubles
et des conflits. Le caractère de la mosaïque religieuse y est
souvent considéré comme source de conflits, pourtant la plupart
des religions qui sont recensées se sont juste incrustées dans
l'imaginaire des africains au point d'être un référent de
la cohabitation religieuse.
Dans la plupart des Etats, aux Églises
chrétiennes présentes depuis les débuts de la colonie,
plusieurs autres religions et mouvances religieuses diverses sont venues
s'ajouter, dans une société où les personnes
déclarant n'avoir aucune affiliation religieuse constituent maintenant
le second groupe en importance De plus, avec la montée de courants
fondamentalistes au sein des diverses religions, tant chrétiennes que
non-chrétiennes, le dialogue est d'autant plus important que depuis une
vingtaine d'années, la présence de groupes religieux minoritaires
au sein des grands groupes religieux (islam, sikhisme, bouddhisme)
soulève de nouvelles interrogations et interpelle97.
Dans un contexte où la diversité religieuse fait
partie du tissu social, la séparation entre l'État et les
religions permet d'assurer à chaque individu un traitement
équitable. Elle contribuera par exemple, à garantir
l'impartialité religieuse des institutions étatiques dans le
sillage de la laïcité. La notion de laïcité fait partie
de la théorie de la démocratie, la laïcité de
l'État et des institutions communes d'une société
démocratique étant le garant du traitement
96 Samuel HUNTINGTON, Le choc des civilisations,
Flammarion, Paris, 1992.
97 En effet, de tels courants existent dans toutes les
religions : le protestantisme compte les adventistes du 7e jour, les
témoins de Jéhovah et les « Born Again Christians »,
les catholiques ont l'Armée de Marie et l'Opus Dei, l'islam, le sunnisme
et le chiisme. Aucun grand groupe religieux n'échappe à cette
tendance qui se caractérise généralement par une
interprétation très littérale des textes sacrés.
49
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
pluraliste de la diversité religieuse (potentiellement
vulnérable à la discrimination) en son sein. Un principe qui doit
nécessairement s'appuyer sur les droits individuels.98
La laïcité constitue en effet un corollaire des
droits et libertés. Elle ne signifie donc pas que les diverses religions
et croyances n'ont plus de place dans l'espace public civique, ni que les
manifestations de croyances dans l'espace public pourraient être
interdites. Les individus, en tant que porteurs de croyances et de convictions
ont le droit reconnu d'exercer leur liberté de conscience et de
religion, et de l'exprimer dans l'espace public. La laïcité
s'impose donc aux institutions afin que les individus puissent jouir pleinement
de leurs droits et de leurs libertés. De manière
générale, il s'agit en contexte par une stratégie globale
de prise en compte de la diversité visant à éviter toute
forme de discrimination ou d'exclusion ainsi que par une approche de
l'intégration qui veut éviter à la fois le repli
identitaire et l'anomie.
La liberté de religion est un droit individuel qui se
traduit collectivement par le droit pour les membres d'une même religion
de se réunir et de manifester leur foi. La liberté de religion
comprend le droit de la professer, de l'enseigner et de la propager, donc par
voie de conséquence, le droit du fidèle de fréquenter un
lieu de culte et sur le plan collectif, le droit pour la communauté
religieuse de construire et de posséder un lieu de culte pour se
réunir et pratiquer les rites de ses croyances
religieuses99.
La prise en compte de la diversité religieuse fait
partie d'une saine gestion des rapports sociaux. Il faut d'une part
éviter que la croyance ne devienne un prétexte d'exclusion, et
d'autre part, créer les conditions pour favoriser la pleine
participation des personnes de toutes confessions afin d'éviter
l'auto-exclusion. Or, c'est bien au gouvernement qu'incombe la
responsabilité de s'assurer que toutes les conditions sont
réunies pour que tous les citoyens quelles que soient leurs convictions
religieuses ou leur origine ethnique entretiennent entre eux des relations
marquées par le respect, la tolérance et l'ouverture. À
partir de ce cadre où l'expression de la religion dans la sphère
publique est acceptée comme une réalité sociale, comme
l'expression des droits reconnus à tous par les lois et les
règlements en vigueur, et
98 Guy BOURGEAULT, « L'espace public et la dimension
politique de l'expression religieuse », in Les relations ethniques en
question : Ce qui a changé depuis le 11 septembre, sous la
direction de J RENAUD, L. PIETRANTONIO et G. BOURGEAULT, Presses de
l'Université de Montréal, Montréal, 2002, PP. 213-227.
99 José WOEHRLING, « L'accommodement raisonnable
et l'adaptation de la société à la diversité
religieuse », in Revue de droit de McGill (1998) 43, 325, PP.
401-473.
50
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
comme une modalité du vivre-ensemble, découlent
pour les institutions publiques certaines responsabilités:
Développement, formation, et adaptation des services à la
diversité religieuse.
Ces adaptations sont alors consenties non pas au nom d'une
tolérance mal définie ressemblant à une démission,
mais au nom de la laïcité des institutions au sein de l'Etat.
L'accommodement raisonnable, est une obligation juridique qui se traduit par
une attitude de négociation où chaque partie se doit de
reconnaître l'Autre dans sa spécificité au nom du
vivre-ensemble. Cependant, parce qu'il a une dimension strictement
individuelle, l'accommodement raisonnable ne peut à lui seul suffire
pour assurer une saine gestion de la diversité religieuse.
L'identité religieuse n'a pas seulement besoin d'être
accommodée, elle a aussi besoin d'être reconnue comme une part de
l'identité des citoyens, une part qui ne nuit en rien au
vivre-ensemble100.
Paragraphe 3: La diversité linguistique en Afrique
Centrale
Le concept de diversité linguistique, l'une des
composantes de la diversité culturelle décrit une situation dans
laquelle plusieurs langues ou plusieurs groupes linguistiques sont
nécessairement en interaction. Il invoque donc l'ensemble des rapports
entre les langues et se démarque des concepts qui décrivent
seulement les aires de développement d'une langue particulière.
Ensuite, il opère à partir d'un point de vue qui valorise
implicitement la différence plutôt que de la considérer
comme un problème, d'où la nécessité d'en faire un
outil de gestion. Au sein des Etats d'Afrique Centrale, il est fait état
d'une mosaïque de langues (A), mosaïque à laquelle vient se
superposer une forte cohabitation linguistique (B).
A-La mosaïque et les assises linguistiques
La diversité linguistique dans la sous-région
Afrique Centrale s'explique à la fois par l'histoire du peuplement et
des migrations dans la sous-région. L»offre linguistique actuelle
de la sous-région est composée des langues africaines et des
langues occidentales héritées de la colonisation.
La sous-région compte près de 750 langues
vivantes, soit plus de 30 % du total du continent. Quelques grandes langues
remplissent une fonction fédératrice tant à
l'intérieur du territoire, qu'à l'échelle
régionale. A titre illustratif, le tshiluba, langue des Luba en RDC, ne
déborde des
100 Idem
51
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
frontières nationales que sur une étroite frange
du nord de l'Angola. De même le mongo reste circonscrit à la
cuvette congolaise. Le ngbandi parlé au nord de la province de
l'Equateur trouve son prolongement en RCA sous le nom de sango. Le
tchokwé est parlé sur les frontières méridionales
de RDC, en Angola et en RCA. Mais trois langues se distinguent par leur
caractère largement international. Le kikongo est parlé
au-delà de l'espace Kongo proprement dit, jusque dans le Bandundu.
La communauté de langue favorise naturellement les
échanges économiques ou les mouvements de population. Au plus
fort de la guerre civile en Angola, le Bas-Congo a accueilli sans
problème majeur des centaines de milliers de réfugiés
angolais. Plus récemment, près de 50 000 personnes d'origine
Kongo fuyant la guerre civile au Congo Brazzaville ont trouvé refuge
dans les régions de Mbanza Ngungu et de Luozi. Le lingala est devenu la
grande langue véhiculaire de la moitié occidentale de la RDC ; il
est parlé dans une partie du Congo Brazzaville. Le Lingala a par
ailleurs acquis un statut de langue culturelle comme véhicule de la
musique congolaise dont l'influence dépasse largement les limites des
deux Congo. La moitié orientale de RDC est au contraire
intégrée au grand ensemble swahili. Mélange de langues
bantoues et arabes, le swahili a été diffusé à
partir des côtes de l'Océan Indien par les marchands arabes, y
compris les esclavagistes qui comme Tippo Tib, le dernier d'entre eux, avaient
étendu leurs réseaux jusqu'à Kisangani.
Ces langues internationales constituent des instruments de
rapprochement transfrontalier. Elles constituent des vecteurs culturels qui
prennent place au côté des langues maternelles et des langues
européennes que sont notamment le français parlé dans la
presque tous les Etats de la sous-région, l'anglais, l'espagnol ou le
portugais en Angola usité particulièrement.
B-De la coexistence à la cohabitation
linguistique
Comme pour la plupart des sociétés modernes,
l'offre linguistique en Afrique Centrale est prise dans l'étau de la
problématique individu-communauté (principe individuel et
principe communautaire) propre à la logique et à la
rhétorique de la modernité. Selon Angeline MARTEL, la
diversité linguistique est contraire à la logique classique de
l'Etat-nation qui «historiquement par des politiques linguistiques de
monolinguisme explicites ou implicites a tenté de diminuer,
d'éclipser ou de détourner la diversité
linguistique». Selon cette auteure, «les fondements
mêmes de l'Etat-nation moderne ne sont pas pluralistes ni
diversifiés». Pourtant, il faut réussir à faire
coexister la demande sociale quant à ce qu'elle exprime dans les langues
et les besoins en connaissances universelles ou particulières. Cette
réalité n'échappe
52
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
pas au destin des Etats de L'Afrique centrale qui, avec la
mondialisation voit sa généralisation accentuée.
La cohabitation linguistique est donc le dispositif politique
qui permet de gérer pacifiquement les relations jadis conflictuelles
entre l'identité langagière et la communication. Il s'agit
d'abord de respecter la diversité linguistique notamment pour les
langues maternelles, condition sine qua non de toute diversité, et
d'être ensuite sensible aux grandes aires linguistiques
dérivées des langues coloniales. Une des fonctions importantes
des langues est de servir de support à la diffusion des religions. Au
Cameroun par exemple, le clivage linguistique anglophone/francophone est le
référent le plus utilisé dans le paysage camerounais.
Dérivée du double héritage colonial, cette
diversité linguistique n'a pas toujours été bien
gérée par les pouvoirs politiques. A bien des égards,
cette forme de mis management a fortement contribué au
déclenchement des revendications ayant abouti à la crise dite
anglophone et à son enlisement, ce qui laisse penser que la
diversité culturelle peut également être source
d'exacerbation de la conflictualité en Afrique Centrale.
Section 2: Les enjeux de la diversité culturelle
dans l'exacerbation de la conflictualité en Afrique Centrale
L'ancien Secrétaire Général des
Nations-Unies Ban KI-MOON en 2011 relevait déjà que « si
la diversité peut être source de créativité et de
croissance, il n'en reste pas moins qu'elle donne souvent lieu, faute d'une
gestion appropriée, à une concurrence malsaine, des conflits et
de l'instabilité ». Il en est ainsi notamment lorsqu'elle est
source d'incompréhensions et d'erreurs d'interprétations.
En Afrique, la gestion de la diversité sociale et
politique s'est révélée être un défi colossal
que les États nouvellement indépendants étaient mal
préparés à affronter. Il n'est donc pas étonnant
que la plupart des Etats de la sous-région ait souffert de conflits,
notamment la République Centrafricaine, la République
démocratique du Congo, le Burundi et le Rwanda101. Faut-il
parler d'ethnie, de statut religieux dans le déclenchement et
l'implosion de ces conflits? Sans entrer dans le détail d'un
débat extrêmement complexe, on peut cependant considérer
que la posture qui consiste à nier les différences entre
communautés conduit à une
101 CEA, Elections et gestion de la
diversité en Afrique, note conceptuelle de la Commission
économique pour l'Afrique, Addis-Abeba, 2010, PP 34-52.
53
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
impasse et à un report ou engrenage des cycles de
violences. Il ne nous semble point abusif d'aborder les enjeux de la
diversité culturelle susceptibles de provoquer des crises et conflits en
Afrique Centrale (Paragraphe 1). De ce fait, la diversité culturelle
peut légitimement être pensée comme une entorse à la
paix et au vivre-ensemble en Afrique Centrale (Paragraphe 2).
Paragraphe 1: La diversité culturelle comme source
des tensions et de crises en Afrique Centrale
Dans la sous-région Afrique Centrale, la culture a
très souvent été à l'origine d'innombrables
conflits. Dans la région des Grands lacs, BEDOUM remarque que «
la crise rwandaise, par le nombre de victimes qui en a résulté, a
fait des rapports entre Tutsi et Hutu, une référence sur la
question des conflits ethniques en Afrique ». L'origine des conflits
ethniques dans cette région est liée à
l'instrumentalisation des ethnies à des fins de domination politique.
Ainsi la diversité culturelle peut être source d'exclusion et de
désintégration (A), notamment lorsqu'elle fait l'objet d'une
instrumentalisation accrue dans le déclenchement des conflits (B).
A-La diversité culturelle, facteur d'exclusion
et de désintégration: Dichotomie
autochtones, étrangers
et allogènes
Si la culture est porteuse de valeurs et de croyances, elle
peut également constituer un cadre de référence pour
interpréter une situation susceptible de malentendus pouvant rapidement
déboucher sur des tensions, voire des conflits. Selon DUPRIEZ, ignorer
la diversité culturelle et ses enjeux comme une représentation
dans un système social peut conduire à des « mis
management », c'est-à-dire des erreurs de gestion lorsqu'elle
s'accompagne d'une faible intégration de certaines composantes. La
situation actuelle de la République centrafricaine avec la
dernière décennie des tensions et des crises s'exprime par une
forte aspiration d'identité commune s'appuyant sur une
multiplicité de références ethniques et religieuses
plutôt que d'appartenance.
La question des autochtones et étrangers ou
halogènes se veut dès lors très cruciale dans la prise en
compte de la diversité culturelle comme source d'exclusion et de
désintégration. Elle pose des problèmes d'une
extrême complexité concernant les relations entre autochtones et
étrangers, sitôt que le statut de la terre et l'exercice du
pouvoir sont en cause. Ces questions ne
54
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
sont pas nouvelles en Afrique Centrale: Dans les années
1990, des violences récurrentes jalonnent l'histoire du Kivu depuis la
fin de la période coloniale. Les migrants Banyamulengue et Banyarwanda,
qu'ils soient Hutu ou Tutsi, sont restés des
«étrangers» pour les groupes ethniques qui se
considèrent comme autochtones : Nande, Tembo, Hunde, Havu, Shi, Bavira,
Bembe etc. L'Etat lui-même a entretenu la confusion en modifiant la
législation sur la nationalité avec pour effet de retirer la
nationalité à de nombreux résidents originaires du Rwanda.
La Conférence nationale a encore envenimé les relations
intercommunautaires en privant de représentativité des
populations du Kivu présumées de « nationalité
douteuse ». Les massacres interethniques au Masisi en 1993 ont
montré à quelles violences les conflits entre autochtones et
étrangers pouvaient conduire102.
L'afflux de réfugiés hutus en 1994, puis les
opérations militaires de l'AFDL ont aggravé
l'insécurité régionale et rendu la situation plus confuse
que jamais. Aujourd'hui, des bandes armées hutues, constituées
d'anciens militaires rwandais et de miliciens interahamwé qui ont
survécu en se dissimulant dans les forêts après la
destruction des camps de réfugiés, entretiennent un climat de
violence. Les combattants Maï Maï n'ont rien perdu de leur ardeur
combattive ; ils prennent les armes dès que leur
prééminence et leurs droits sur leurs terroirs sont
menacés. Leur « patriotisme local » les dresse contre
toute forme d'occupation étrangère, actuellement contre les
forces rwandaises et leurs alliés du RDC Goma103.
Au-delà de l'imbroglio politique et militaire et de la
confusion qui règne dans l'est du Congo, aucun règlement
pacifique durable n'est envisageable sans un éclaircissement du statut
des personnes vis-à-vis de la nationalité, du droit au sol, de la
citoyenneté. Le défi est énorme car les strates
successives de migrations ont rendu le panorama particulièrement
embrouillé. C'est dans cet espace frontalier que s'est noué le
noeud gordien de la crise politique dans laquelle cette partie de l'Afrique
centrale est plongée depuis de longues
décennies104.
102 Mwamba SINONDA, « Situations conflictuelles et
instabilité politique en RD Congo », in Conflit et violence
dans l'histoire contemporaine de l'Afrique Centrale, Presses
universitaires de Lubumbashi, Lubumbashi, 2006, P.270.
103 Idem
104 Paul MATHIEU, MAFIKIRI TSONGO et autres, « Cohabitations
imposées et tensions politiques et guerres au Kivu et dans les
régions des Grands Lacs », in P. MATHIEU et J. WILLAME (dir),
« Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs
», Cahiers africains et Afrika Studies, N0 39-40, 1999.
55
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
B- L'instrumentalisation de la diversité
culturelle dans le déclenchement des tensions et des conflits en Afrique
Centrale
L'approche instrumentaliste a fortement marqué la
science politique africaniste où l'utilisation des variables
manipulables atteste du fait que, l'identité naturelle qui s'imposerait
par la force des choses ressort d'une véritable illusion105.
Après les indépendances, la plupart des États
multiethniques d'Afrique Centrale affichaient des diversités qui
constituaient un défi pour la construction de l'unité nationale.
Dans cet ordre d'idées, il n'existait que des stratégies
d'instrumentalisation rationnellement conduites par des acteurs identifiables.
Très souvent, la question de l'ethnicité a été
évoquée comme une donnée structurelle des causes
principales des conflits africains. C'est justement l'occasion d'esquisser une
réflexion sur le vécu démocratique des pays africains
à travers quelques questionnements pour essayer de comprendre pourquoi
le processus de démocratisation relève-t-il ce rapport de forces?
À bien des égards, nous conviendrons avec MAALOUF que les
relations conflictuelles même les plus meurtrières, sont souvent
précédées de relations pacifiques d'échanges et de
commerce, les conflits ou les guerres ne survenant que lorsqu'un
élément perturbateur s'est glissé dans le règne de
l'équilibre, transformant ainsi les identités conviviales en
« identités meurtrières».106
Dans la plupart des crises et des tensions, la
diversité culturelle en elle-même ne semble pas être souvent
le problème, mais le prétexte pour des manipulations
exacerbées sur les sensibilités ethniques, religieuses ou
linguistiques des groupes et des communautés. Ainsi, la plupart des
guerres civiles qui ont eu ou continuent d'avoir cours dans la
sous-région peuvent résulter de l'instrumentalisation de ces
fibres par des acteurs rationnels en quête des intérêts et
bénéfices particuliers et égoïstes107.
Il ne fait l'objet d'aucun doute que le fait ethnique est une
réalité de l'Afrique Centrale et que les causes qui essaiment les
conflits politiques et les guerres civiles ont pour beaucoup une implication
ethnique, plus ou moins forte ici ou là. En dépit de cela, la
thèse selon laquelle la
105 Jean François BAYART, L'illusion identitaire,
Fayard, 1996, Paris, P.45.
106 MAALOUF, cité par Ernest MBONDA, « La justice
ethnique comme fondement de la paix dans les sociétés
pluriethniques, Le cas de l'Afrique in Souveraineté en crise »,
Québec, L'Harmattan et Presses universitaires de Laval, PP.451-500.
107 David KEEN, « The economic functions of violence in
civil wars », Oxford University Press, Oxford, 1998, P.34.
56
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
conflictualité est un phénomène
structurel de l'ethnicité nous semble très limitée. Et
pourtant la question continue de se poser. Pourquoi alors l'ethnicité
est-elle un facteur récurrent, voire central des conflits ? Encore une
fois, la « balkanisation ethnique » est le fait des
élites qui, dans leur ensemble exploitent la sensibilité de cette
réalité comme un fonds de commerce au centre de leurs
stratégies de conquête et de conservation des fiefs
électoraux. La défaillance de l'État (donc de
l'élément fusionnel) du fait de son pillage par les gouvernants,
ne laisse pas autre choix que le recours à la solidarité
familiale (élément discriminant), comme seule voie de survie dans
un contexte de pauvreté absolue108.
Plus que la diversité ethnique, religieuse et
linguistique en définitive, c'est l'instrumentalisation qui en est faite
dans un contexte de frustrations accumulées qui est le
déclencheur des conflits. La polarisation ethnique est en Afrique
Centrale apparue comme un outil de contrôle des masses utilisé par
les différents protagonistes. Dans ce contexte, dont la clef est la
pauvreté, aucun des acteurs n'a finalement intérêt à
oeuvrer pour l'intégration et l'unité nationale. Les
élites au pouvoir cherchent à corrompre les ethnies proches et
les dressent les unes contre les autres pour renforcer leur position dominante
et éviter tout partage du pouvoir, tandis que les forces d'opposition
mobilisent les ethnies « opprimées » pour affaiblir
le pouvoir en place109.
À titre d'illustration, même l'exemple
paroxystique du Rwanda semble bien indiquer que le génocide des Tutsis
en 1994 ne fut pas une violence fondamentalement ethnique, mais une violence de
masse de nature politique inhérente à la lutte pour le pouvoir
d'État. Le génocide n'était pas le fait de
l'identité Hutu ou de toute autre ethnie, ces réflexions
étant aussi valables dans d'autres cas de génocides ayant eu lieu
en dehors de la sous-région (ex-Yougoslavie notamment).
Paragraphe 2: La diversité culturelle comme une
entorse à la paix et au vivre-ensemble en Afrique Centrale
Au lendemain des indépendances africaines, la
construction de l'unité nationale a pris les allures d'une
nécessité impérieuse. L'objectif des pouvoirs en place
était la construction d'une superstructure étatique, faisant
abstraction des solidarités tribales, ethniques ou
108 René OTAYEK, « Démocratie, culture
politique, sociétés plurales. Une approche comparative à
partir des situations africaines », Revue française de sciences
politiques, numéro 47,1997, PP.798-822.
109 Idem
57
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
classiques qui elles n'avaient guère disparues. Cette
escalade a laissé entrevoir la diversité culturelle des peuples
comme un obstacle à ce qui s'apparentait alors à un idéal
de la construction de l'Etat-nation. Cet état de fait qui a
perduré pendant de longues décennies a laissé entrevoir la
diversité comme un élément catalyseur des tensions (A),
même si plus loin, elle prend les allures d'un handicap pour la paix
(B).
A-La diversité culturelle comme catalyseur des
tensions et des inégalités sociales
Presque tous les Etats de la sous-région sont
confrontés au problème de
l'hétérogénéité de la population et de la
lente maturation d'une véritable nation. Bien plus, la
sous-région est considérée comme le terreau fertile des
identités et des appartenances. De ce fait, l'attachement à
l'identité culturelle devient un facteur de division potentielle de la
nation.
Au lieu de maîtriser les diverses ressources humaines et
spatiales du pays, le traitement politique de la question de la gestion de la
diversité culturelle se réduit généralement
à une lutte pour le pouvoir et les ressources, ce qui accroît
l'exclusion, attise la discorde sociale et favorise les conflits politiques.
Aussi, pour tout conflit à connotation religieuse, ethnique ou
linguistique qui dégénère en violence communautaire,
rappelle Gareth EVANS «d'innombrables personnes ou groupes de cultures
et milieux différents vivent harmonieusement côte à
côte dans le monde. Pour chaque groupe dont les doléances
économiques dégénèrent en violence catastrophique,
nombre d'autres n'atteignent pas cette extrémité ; Pour chaque
prédation économique qui cherche à contrôler des
ressources ou des leviers du pouvoir et provoque ou attise ainsi les conflits,
d'autres n'ont pas ce résultat »110.
Outre le politico-institutionnel, la diversité
culturelle dans la plupart des sociétés de cette région
accroît les sentiments d'insatisfaction et catalyse les tensions
sociales. Selon un rapport du PNUD de 2012 sur le développement mondial,
l'Afrique centrale est classée deuxième après
l'Amérique du Sud en tant que contributrice socio-économique aux
crimes. Au Gabon par exemple, la mauvaise répartition des richesses a de
tout temps été décriée non seulement par la
population elle-même, mais aussi par la communauté internationale
notamment les organisations non-gouvernementales. Le même constat est
valable pour le Tchad et la Guinée-Équatoriale où des 10 %
les plus riches gagnent 31 fois plus que les 10 % des plus pauvres.
110 Gareth EVANS, « Prévenir les conflits: un
guide pratique », ICG, Politique étrangère n°
1-2006 printemps, 2 janvier 2006.
58
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Longtemps, on a décrit le génocide du Rwanda
comme le fruit d'une fureur spontanée, incompréhensible,
inattendu. En vérité, le racisme inter-ethnique dans lequel le
Rwanda s'était construit depuis deux siècles et dans lequel il a
sombré en 1994 explique ce génocide. Mais tout de même
avant la colonisation, le Rwanda avait une population homogène
(même langue, culture, religion). Il n'existait pas de groupes ethniques
et si les rwandais se reconnaissaient Hutu ou Tutsi, cette appellation
n'était pas fondamentale dans l'identité sociale du rwandais et
était mouvante (un Hutu pouvait devenir Tutsi...). La colonisation
allemande, puis belge (mandat de la Société des Nations en 1919)
induit le passage d'une identité sociale à une identité
ethnique en transposant un schéma de pensée étranger qui
va être à la base du dualisme identitaire Hutu / Tutsi avec le
mythe d'une ancienne migration de Blancs en Afrique Noire. Les Tutsi ayant
majoritairement la peau claire, ce devaient être des «
nègres blancs » appartenant à une race
supérieure.
En 1961, le parti du mouvement de l'émancipation hutu
accède au pouvoir, ce qui marque le début du pouvoir hutu. Ce
gouvernement cherche à se débarrasser de la minorité
Tutsi. En 1962, le pays accède à l'indépendance et les
élites Tutsi sont chassées du pouvoir. C'est le début du
génocide qui entraîne un exode massif des Tutsis vers l'Ouganda.
On assiste dans ce contexte à une inversion du racisme des nobles Tutsi
contre les Hutu, mais ce racisme s'étend à l'ensemble des Tutsis
et notamment les Tutsis du Nord qui avaient autant souffert de la domination
des nobles Tutsis. L'idée que les Hutus et les Tutsis sont deux races en
guerre est diffusée par les dirigeants rwandais et cela leur permis
d'unir la nation autour d'un chef d'Etat contre un ennemi commun sur le
thème « massacrer avant d'être massacré
». L' « ethnicisation » de la
société rwandaise est donc le fruit d'une construction politique
et institutionnelle élaborée par la puissance coloniale et
intériorisée par les rwandais.
En RDC, les franges orientale et septentrionale de ce pays
sont traitées par l'Ouganda, et plus encore par le Rwanda, comme un
hinterland dont il s'agit d'exploiter les ressources minières. Non
seulement les bénéfices assurent le financement de la guerre,
mais ils permettent également aux élites au pouvoir de maintenir
un niveau de vie privilégié. C'est ainsi que des comptoirs d'or
et de diamants se sont ouverts au Rwanda, alors que le sous-sol de ce pays est
dépourvu de ces gemmes. Parallèlement, le café de la
province congolaise du Nord-Kivu est exporté via l'Ouganda et le Rwanda.
Les ambitions économiques de ces deux États ne se limitent pas
à la prédation de richesses facilement accessibles et
commercialisables (diamant, or) ; elles concernent également des
minerais tels que le niobium et le tantale, qui sont utilisés
59
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
dans l'industrie de pointe (électronique,
aéronautique, médecine de pointe. De ce fait, l'exploitation et
la commercialisation de ces minerais sont le monopole des Rwandais,
protégés par des militaires et plusieurs compagnies
internationales sont représentées à Kigali.
D'une manière générale, le conflit que
connaît la Centrafrique laisse penser que ce pays connaît
également la diversité comme une source d'exacerbation de la
conflictualité. En effet, outre des affrontements interreligieux qui
caractérisent ce conflit, des groupes rebelles militarisés
contrôlent aussi une part importante des sites de production de
diamant.
Ce panorama de la conflictualité montre que l'Afrique
centrale est une région dans laquelle ont proliféré les
conflits armés même si certains sont anciens et ont
débuté pendant la guerre froide. Ces conflits sont pour
l'essentiel des guerres civiles qui débordent de la sphère
interne en ayant des répercussions importantes à l'échelle
régionale à savoir, des catastrophes humanitaires liées
à la détresse des personnes déplacées et des
réfugiées qui, souvent errent des mois durant dans la
forêt, tenaillés par la faim, la soif et les maladies en fuyant
les zones de combats. Qu'ils soient plus ou moins anciens comme en Angola et en
RDC, ou plus ou moins récents comme en RCA, la plupart des conflits que
connaissent les États de l'Afrique centrale paraissent avoir un
dénominateur commun : La diversité en parallèle. En effet,
la déliquescence du pouvoir des États observée en Afrique
centrale s'accompagne d'une forme d'organisation économique et
politico-territoriale parallèle111.
B - Les enjeux de la diversité culturelle
liés à la question des réfugiés et aux
migrations
À bien des égards, l'appartenance à un
groupe considéré comme minorité est une condition
naturelle et une « pathologie sociale » des
communautés humaines. Elle peut procurer un sentiment de
solidarité communautaire face à la mondialisation des
marchés. Cependant, elle devient néanmoins un obstacle entravant
l'harmonie sociétale quand elle est mobilisée dans des
hostilités contre «l'autre ». En cas de tensions ou
de crises, la conscience minoritaire a alors tendance à
déshumaniser l'autre en prenant des voies menant à des conflits
et violences d'une intensité singulière112.
111 Philippe HUGON, « L'économie des conflits en
Afrique », in Revue internationale et stratégique, n°
43, 2001, p. 152-169.
112 UNRISD (Institut de recherche des Nations Unies pour le
développement social), « Diversité ethnique et politiques
publiques: Aperçu », Genève, 1994.
60
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
L'Afrique centrale sensu lato a son lot de
réfugiés. Les besoins et les impacts socio-économiques de
ces populations sont immenses, et la menace de nouveaux épisodes
d'insécurité est présente dans chaque camp. L'escalade du
conflit en République centrafricaine depuis décembre 2013 a
entraîné le déplacement de 930 000 personnes en 2014,
tandis que 250 000 Centrafricains ont fui vers le Cameroun, 22 000 vers la
République démocratique du Congo, 20 000 vers le Tchad et quelque
10 000 vers la République du Congo76. En 2012, les activités de
la LRA avaient contraint 20 269 Centrafricains et 347 360 Congolais à se
déplacer, et 6 034 Congolais à fuir leur pays pour se
réfugier en République centrafricaine, sans compter les milliers
de morts et d'enlèvements (qui ont également touché le
Soudan du Sud). La situation en République centrafricaine a
également entraîné la fuite de dizaines de milliers
d'étrangers résidents dans le pays, originaires principalement du
Tchad et du Cameroun. En particulier, la situation des ressortissants du Tchad
a constitué un problème humanitaire dans la mesure où la
plupart étaient des immigrés de la deuxième ou
troisième génération qui résidaient en
République centrafricaine depuis de nombreuses années et avaient
peu, voire aucun lien avec leur pays d'origine113.
Dans l'est de la République démocratique du
Congo, la situation sécuritaire demeure instable et imprévisible,
freinant les interventions humanitaires et empêchant le retour de quelque
429 000 réfugiés installés pour la plupart au Burundi, au
Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda. La République démocratique du
Congo compte actuellement plus de 2,6 millions de déplacés. La
République du Congo accueille toujours près de 23 200
réfugiés originaires de la République démocratique
du Congo, auxquels s'ajoutent plus de 10 000 nouveaux arrivants de la
République centrafricaine. Les réfugiés venus de
République démocratique du Congo sont également nombreux
au Burundi respectivement de 57 700, et au Rwanda 74 000
environs114.
La présence massive des étrangers africains dans
les secteurs de la petite activité marchande les rend indispensables au
fonctionnement de l'économie urbaine, mais les expose à des
accès périodiques de xénophobie dont ont été
victimes à tour de rôle Congolais de Brazzaville, Tchadiens, et
Camerounais. Ces migrants temporaires tissent des réseaux
transnationaux, contribuent à une redistribution régionale des
ressources monétaires, diffusent des pratiques religieuses et
culturelles, des modes vestimentaires etc. participant ainsi à la
113 HCR, Aperçu opérationnel sous
régional 2015, zone Afrique centrale et Grands Lacs, disponible à
l'adresse :
http://www.unhcr.fr/pages/4aae621d541.html
114 Idem
61
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
formation d'une urbanité africaine. Si en
période de crise politique ils sont exposés à la vindicte
populaire et aux pillages, et doivent parfois se résoudre à un
rapatriement prématuré, ils ne posent pas de problèmes
aussi complexes que les migrants ruraux car, le plus souvent résidents
temporaires, ils gardent un statut d'étranger et ne sont pas
impliqués dans les confuses questions foncières.
Pour ce qui est des migrations, celles-ci créent des
conditions de vie très artificielles, plus ou moins
éphémères, généralement dans des camps
gérés par le HCR, signe tangible de leur non-intégration
dans le pays d'accueil. Une réflexion d'ensemble sur l'Afrique centrale
ne peut éluder un questionnement sur l'avenir des populations
réfugiées et sur les possibilités de résorption des
camps soit par des politiques de retour, soit par des politiques
d'intégration : Tous les pays de la sous-région sont
concernés car, ils ont tous été affectés à
des degrés divers par ces chassés croisés transfrontaliers
de populations en fuite. Les étrangers comptent pour le quart de la
population de la capitale gabonaise. Ils sont originaires d'Afrique centrale
(Cameroun, Guinée équatoriale, les deux Congo) ou d'Afrique de
l'Ouest (Mali, Sénégal, Togo et Bénin, Nigeria) ; ceux
qu'on désigne du terme générique de « Haoussa
» jouent depuis quelques décennies un rôle important
dans la diffusion de l'islam.
La question des réfugiés n'est pas seulement
humanitaire, elle est aussi politique : les réfugiés
représentent en effet un potentiel d'instabilité
régionale. La reconquête du pouvoir au Rwanda par les Tutsis
réfugiés en Ouganda au début des années 1990 en est
la meilleure illustration. L'APR, Armée Patriotique Rwandaise, s'est
forgée en Ouganda en s'engageant au côté de Yoweri
MUSEVENI. Elle y a acquis une efficacité qui fait d'elle une des
meilleures armées d'Afrique subsaharienne. C'est la crainte de voir les
Hutus se réorganiser dans les camps de réfugiés du Kivu
pour tenter de reconquérir le pouvoir qui est à l'origine de la
grande offensive lancée à l'automne 1996 par les nouveaux
maîtres de Kigali, offensive d'où sont sortis l'AFDL et
Laurent-Désiré KABILA. Depuis la débâcle des forces
armées hutues en 1996, quelques milliers de rescapés, anciens
militaires et miliciens, ont réussi à gagner les pays voisins
après avoir traversé le Zaïre. Au Congo Brazzaville, pour
quelques dollars par jour, ils se mirent au service de SASSOU NGUESSO. Cette
catégorie de réfugiés-mercenaires, constitue un facteur de
déstabilisation et d'insécurité à l'échelle
régionale.
62
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
CONCLUSION
L'objectif de ce chapitre était de montrer d'une
manière générale la pertinence des enjeux de la prise en
compte de la diversité dans la conception actuelle de la paix en Afrique
Centrale. En somme, le caractère multiculturel de la plupart de ses
sociétés pose le problème de la pacification des relations
intercommunautaires entre les différents groupes sociaux. Dans les
processus de construction de la paix, la diversité culturelle reconnait
d'une part les identités primaires des individus, même si dans
certains cas de figure elle peut donner lieu à des manifestations de
tensions ou des crises, voire des conflits d'autre part.
D'une façon générale, parler des crises
ou des tensions intercommunautaires dans la sous-région Afrique Centrale
consiste donc à rendre compte des difficultés de coexistence et
de cohabitation entre les différentes catégories sociales et
ethniques. Si elles sont des indicateurs d'un déficit
d'intégration des groupes reconnus comme appartenant à des
minorités, les fondements peuvent avoir des relents dans la nature des
rapports politiques, sociaux, religieux ou tribaux, ainsi que les enjeux des
migrations. Il faut donc mettre en place des mécanismes et des
procédés censés régir la qualité de ces
rapports. La politique publique peut être considérée comme
une action ou un ensemble d'actions menées par les pouvoirs publics dans
l'encadrement d'un problème public. Cela ne peut se faire qu'au travers
de la définition d'un cadre normatif et institutionnel et des
stratégies d'action qui y soient méthodiquement
adaptés.
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
63
CHAPITRE 2: LE DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE LA
GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE
64
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
La question de la gestion de la diversité culturelle
trouve ses éléments essentiels dans la formulation des
théories politiques et des normes juridiques censées la
régir. La radioscopie des options développées dans ce sens
laisse entrevoir que ces théories et modèles juridiques ou
institutionnels se cristallisent autour de deux axes majeurs: Le souci qu'ont
les Etats ou les sociétés multiculturelles de construire des
modèles de citoyenneté multiculturelle d'une part, et la
reconnaissance des identités primaires ou communautaires d'autre part.
Si le débat reste loin d'être tranché au sein des Etats
d'Afrique Centrale, la solution toute trouvée reste l'aménagement
d'un cadre normatif conciliant à la fois un modèle de rechange de
l»Etat jacobin ou républicain, qui subsisterait à
côté de la reconnaissance des identités communautaires,
ceci en tentant de préserver les différences culturelles dans la
construction de la paix et du vivre-ensemble.
Tel que défini, il nous paraît nécessaire
d'établir le cadre normatif capable de soutenir la réflexion et
l'action en vue de la prise en compte de la diversité culturelle, tant
il est vrai que les politiques publiques doivent faire de la diversité
culturelle un outil de paix et de cohésion sociale. Il nous semble donc
opportun de présenter le cadre normatif des politiques de gestion de la
diversité en Afrique Centrale d'une part (Section 1), avant d'analyser
les dispositifs institutionnels d'autre part (Section 2).
Section 1: Le cadre normatif des politiques de gestion
de la diversité culturelle en Afrique Centrale
Les conflits de classes, d'intérêts et d'ethnies
sont des éléments naturels de la vie sociale. Ce qui importe
à la réalité, c'est qu'ils soient gérés
selon des procédures civiles, des règles équitables, le
dialogue et la négociation dans un cadre de gouvernance facilitant la
coopération et la réconciliation. Tout ceci doit être
précédé en amont par un cadre normatif qui lui soit des
plus favorables. Ce dernier intègre à la fois le droit
international (Paragraphe 1), et le droit interne ou national dans la prise en
compte de la diversité culturelle au sein des Etats (Paragraphe 2).
65
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Paragraphe 1: Le droit international, la reconnaissance et
la protection des groupes socio-culturels spécifiques
En droit international, la question du droit des
minorités et des groupes sociaux reconnus comme tels est
évoquée dans le cadre de la lutte contre toute forme de
discrimination, d'exclusion ou de traitement de ces dernières. Il s'agit
d'un droit qui vise la reconnaissance et la protection des groupes dits
minoritaires. L'on peut toutefois remarquer que, le droit international de
protection des minorités et des peuples autochtones a fortement
évolué, s'est diversifié et s'est épaissi avec le
temps. Il prend en considération les textes généraux sur
les droits de l'Homme (A), et ceux portant sur la diversité culturelle
proprement dite (B).
A- Les textes généraux sur les Droits de
l'Homme
Bon nombre d'instruments internationaux pertinents ont
été adoptés sur le plan universel en considération
de ce que la promotion et la protection des droits des personnes appartenant
à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et
linguistiques contribuent à la stabilité politique et sociale des
Etats dans lesquels elles vivent. Les Etats protègent l'existence et
l'identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique
des minorités, sur leurs territoires respectifs, et favorisent
l'instauration des conditions propres à promouvoir cette
identité. Plus directement, les droits de l'homme facilitent le respect
et la protection de la diversité dans les instruments du droit
international s'y rapportant. Ces instruments internationaux englobent
principalement la Déclaration universelle des droits de l'homme, et ses
pactes subséquents notamment le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels ainsi que la Déclaration sur
les droits des personnes appartenant à des minorités nationales
ou ethniques, religieuses et linguistiques de 1992.
Adoptée en 1948, la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme n'impose pas une norme culturelle, mais elle fixe
néanmoins un cadre juridique définissant un seuil minimal
en-dessous duquel la dignité humaine est bafouée. Cette
référence à la protection de la dignité humaine est
proclamée par la communauté internationale, et par l'ensemble des
pays quel que soit la culture ou la religion pratiquée. Après
avoir voté la Déclaration universelle des droits de l'homme,
l'Assemblée générale de l'ONU a souhaité une Charte
des droits de l'homme qui aurait force obligatoire. Après la
création d'une Commission des droits de l'homme chargée de la
rédiger, le projet a abouti après de longues négociations
dans le contexte de la guerre froide
66
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
à deux textes complémentaires: Le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
L'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques dispose ce qui suit: « Dans les États où
il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les
personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être
privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur
groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre
religion, ou d'employer leur propre langue »115. La
question de l'existence de minorités est abordée par le
Comité des droits de l'homme en 1994 dans son Observation
générale sur les droits des minorités, qui énonce
que «l'existence dans un État partie donné d'une
minorité ethnique, religieuse ou linguistique ne doit pas être
tributaire d'une décision de celui-ci, mais doit être
établie à l'aide de critères objectifs».
Le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels est entré en vigueur en 1976 et compte actuellement
156 États parties. Les droits de l'homme promus et
protégés par ce Pacte comprennent notamment le droit à
l'éducation et le droit de participer à la vie culturelle et au
progrès scientifique de tous les membres d'un groupe social. Cet accord
prévoit l'exercice de ces droits, sans discrimination d'aucune sorte. En
1985, le Conseil économique et social a créé le
Comité des droits économiques, sociaux et culturels et l'a
chargé de suivre l'application du Pacte par les États parties.
La Déclaration sur les droits des personnes appartenant
à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et
linguistiques du 18 Décembre 1992 procède de la réflexion
du groupe de travail mis en place en 1978 par la Commission des Droits de
l'Homme de l'ONU. Elle rompt avec la pratique antérieure des
Nations-Unies et innove comme étant la force normative dans la pratique
de la protection des personnes appartenant à des minorités. Son
article premier dispose: « Les Etats protègent l'existence de
l'identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse et linguistique
des minorités sur leurs territoires respectifs et favorisent les
conditions propices à promouvoir cette identité
»116. Le texte réaffirme le droit pour les
personnes appartenant aux minorités le droit de participer aux
décisions nationales ou locales intéressant la vie du groupe et
leur survie.
115 Voir notamment l'Art. 27 du Pacte II de l'ONU sur les droits
civils et politiques.
116 Voir la Déclaration des Nations-Unies sur les
droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou
ethniques, religieuses et linguistiques du 18 Décembre 1992.
67
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
B- Les textes et déclarations sur la
diversité culturelle
Depuis longtemps, la communauté internationale est
soucieuse des questions relatives à la diversité culturelle.
Cette préoccupation remonte à la fin de la Deuxième Guerre
mondiale et à la formation de l'Organisation des Nations unies. Cette
dernière a créé une agence spécialisée
chargée des questions culturelles, l'Organisation des Nations unies pour
l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Depuis sa
création, l'UNESCO a pour objectif principal la garantie et la promotion
de la culture des différences. Pourtant, ce ne serait qu'en 2001 que
l'UNESCO a adopté le tout premier instrument contenant des principes
destinés spécifiquement à régir la question de la
diversité culturelle : La Déclaration universelle de l"UNESCO sur
la diversité culturelle, qui plus tard a été suivie par la
Déclaration Islamique sur la Diversité Culturelle. .
La gestion de la diversité culturelle ainsi trouve son
fondement normatif dans la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la
diversité culturelle adoptée le 02 Novembre 2001 au lendemain des
attentats du 11 Septembre 2001. Cette déclaration est un instrument
normatif reconnaissant, pour la première fois, la diversité
culturelle comme « héritage commun de l'humanité »,
et considérant sa sauvegarde comme étant un impératif
concret et éthique inséparable du respect de la dignité
humaine.
Dans son introduction, la Déclaration islamique sur la
Diversité Culturelle affirme avec vigueur « la reconnaissance
solennelle du principe de la diversité culturelle ». Sous la
plume de ses rédacteurs, son premier contenu informationnel reste
l'appel au dialogue des cultures, des civilisations, et des religions
étant entendu qu'«...il n'existe pas de culture ennemie et
encore moins de nation ennemis, contrairement à ce que peuvent laisser
entendre les stéréotypes fallacieux qui brouillent l'image
authentique des cultures, des civilisations et des peuples ».
C- Au niveau continental et communautaire
Au niveau continental l'on peut citer entre autres, la Charte
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, et la Charte africaine de la
démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG), la Charte
africaine sur les valeurs et les principes de la décentralisation, de la
gouvernance locale et du développement local, et la Charte culturelle
africaine.
Entrée en vigueur le 21 Octobre 1986, la Charte
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples affirme en son article 2 :
« Toute personne a droit à la jouissance des droits et
libertés fondamentales reconnus et garantis dans la présente
Charte sans distinction aucune de race,
68
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion
politique ou de toute autre opinion d'origine nationale ou sociale, de fortune,
de naissance, ou de toute autre situation»117. Plus loin,
elle reconnait que, « tous les peuples sont égaux ; Ils
jouissent de la même dignité et ont les mêmes droits. Rien
ne peut justifier la domination d'un peuple par un autre ». Dans son
article 20, alinéa 1 le texte consacre: « Tout peuple a droit
à l'existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et
inaliénable à l'autodétermination. Il détermine
librement son statut politique et assure son développement
économique et social selon la voie qu'il a librement
choisie»118. Cette disposition est complétée
à l'article 22, alinéa 1: «Tous les peuples ont droit
à leur développement économique, social et culturel, dans
le respect strict de leur liberté et de leur identité, et
à la jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité
»119. La Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples, à sa trente-quatrième session ordinaire tenue en
novembre 2003 a rappelé «l'importance accordée par le
droit international à l'auto-identification en tant que principal
critère déterminant de ce qui caractérise une
minorité ou une personne autochtone»120.
La Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance (CADEG) dispose en son article 2 :
« les Etats parties adoptent des mesures législatives et
administratives pour garantir les droits des femmes, des minorités
ethniques, des migrants et des personnes vivant avec un handicap, des
refugiés et de tout autre groupe social, marginalisé et
vulnérable»121. La Charte africaine de la
démocratie, des élections et de la gouvernance fait de la gestion
de la diversité culturelle un instrument essentiel pour le renforcement
de la démocratie. Elle dispose que « Les Etats parties
respectent la diversité ethnique, culturelle et religieuse qui contribue
au renforcement de la démocratie de la participation des
citoyens».
La Charte africaine sur les valeurs et les principes de la
décentralisation, de la gouvernance locale et du développement
local a été adoptée en Juin 2011 à Malabo en
Guinée Equatoriale. Cette Charte innovatrice dans le genre en Afrique
souligne un certain nombre de
117 Article 2 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
118 Idem, art.20
119 Idem, art. 22
120 Résolution ACHPR/Res.65 (XXXIV) 03 sur l'adoption
du rapport du Groupe de travail de la Commission africaine sur les populations
ou communautés autochtones.
121 Article 8, al. 2 de la Charte africaine de la
démocratie, des élections et de la gouvernance.
69
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
dimensions et de réformes qui devraient être
intégrées dans cette nouvelle approche de la définition
des relations entre les gouvernants et les gouvernés. Elle appelle
à la mobilisation et au renforcement de l'architecture des institutions
sur le continent africain en mettant l'accent sur des questions essentielles
identifiées comme « priorités communes du
développement ». En outre, elle enjoint aux Etats des efforts
concertés pour faire avancer les processus de décentralisation,
de la gouvernance locale et du développement local en vue de faire
participer toutes les composantes sociales au développement national des
Etats. La Charte dispose à l'article 6, alinéa 1 que «
le gouvernement central crée les conditions propices à la prise
de décisions, à l'élaboration, à l'adoption et
à la mise en oeuvre des programmes et des politiques aux niveaux
inférieurs du gouvernement où les gouvernements locaux ou les
autorités locales offrent une meilleure garantie de pertinence et
d'efficacité ».
La Charte Culturelle Africaine a été
adoptée le 05 Juillet 1970. Un de ses objectifs fondamentaux
vis-à-vis des peuples africains est de « préserver les
communautés dont la diversité constitue une richesse
incontestable pour l'Afrique ». Elle assure la protection des
minorités nationales, des groupes et individus qui les composent dans
les aspects culturels et historiques, notamment leur existence physique et leur
droit à la survie122.
Paragraphe 2- Le droit interne des Etats et
l'aménagement des normes en faveur des groupes minoritaires
Au sortir des indépendances, les Etats africains se
sont livrés à l'inhibition des particularismes socioculturels,
socioreligieux et sociolinguistiques qui jadis caractérisaient les
sociétés précoloniales. Pour la plupart, les
législations nationales étaient muettes quant à la mise
sur pied des outils de promotion et d'encadrement de la diversité
culturelle. Il a fallu attendre les mouvements démocratiques des
années 1990 avec la poussée des revendications identitaires pour
que des politiques favorables à la diversité culturelle soient
envisagées comme panacée aux différentes crises
socio-politiques qui bâillonnaient le développement au sein de la
sous-région. Si le débats ont continué sur la question de
son opérationnalisation ou son opportunité,
122 Son contenu a un champ d'application plus vaste que celui
de la seule protection des minorités nationales.
70
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
le droit interne des Etats s'est enrichi par
l'aménagement des normes constitutionnelles d'une part (A), et
législatives et règlementaires d'autre part (B).
A- Les dispositions constitutionnelles et l'encrage des
groupes minoritaires
Le constitutionnalisme multiculturel, ou encore la gestion
multiculturelle de la diversité a été la voie dans
laquelle se sont engagés de nombreux pays d'Afrique Centrale à
partir des années 1990123. Ce type de gestion cherche
à faire cohabiter dans un même cadre juridico-institutionnel une
diversité de régulations, en octroyant des droits de
citoyenneté revendiqués comme des droits historiques et originaux
aux groupes minoritaires et marginaux, notamment les peuples autochtones.
Solution identifiée comme nécessaire à un
moment donné face à une crise ou situation particulière,
l'ingénierie constitutionnelle de la prise en compte de la
diversité permet d'ouvrir le statu quo et d'éviter un
déphasage avec les évolutions politique, sociale et
démographique du pays. Si l'outil ingénierie institutionnelle ne
peut être une fin en soi en termes de gestion de la diversité, il
constitue un moyen incontournable à intégrer dans une
stratégie réfléchie sur le temps long. Cela est d'autant
plus vrai que la question ethnique est concernée. Autour de la question
de la diversité culturelle et des risques d'explosion d'un pays qu'elle
peut entraîner si elle n'est pas prise en compte, il apparaît que
la consécration d'un système constitutionnel apporte une
réponse ouvrant la pacification de la société par la prise
en compte ou la reconnaissance des groupes sociaux spécifiques. Le cas
du Cameroun et du Burundi sont forts intéressants de ce point de vue.
Dans la perspective de l'inclusion sociale, la
libéralisation politique des années 1990 au Cameroun s'est
singularisée par une réforme constitutionnelle en date du 18
janvier 1996 qui institue un Etat unitaire décentralisé,
reconnaît les droits des autochtones et protège les
minorités. Cette garantie des droits des minorités et des
populations autochtones figure explicitement dans le préambule de la
constitution124. En plus, dans le titre X consacré aux
123 Léopold DONFACK SOKENG, « Le droit des
minorités et des peuples autochtones », Thèse non
publiée pour le doctorat en droit, Université de Nantes, 2001.
124 Ibrahim MOUICHE, Version provisoire du document
intitulé « Les minorités ethniques et les défis de la
représentation politique au Cameroun» présenté lors
de la 13ème Assemblée générale du
CODESRIA sous le thème l'Afrique et les défis du
XXème Siècle, Rabat-Maroc, 2011.
71
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
collectivités territoriales
décentralisées, l'article 57 (2) dispose en effet que le Conseil
régional qui est l'organe délibérant de la région
« doit refléter les différentes composantes
sociologiques de la région ». Avant cette réforme
constitutionnelle, les lois portant organisation des élections
municipales et législatives votées dans les années 1990
avaient déjà institué cette exigence de respect des
« différentes composantes sociologiques » dans les
circonscriptions électorales: L'article 5 alinéa 4 de la loi no
91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des
députés à l'Assemblée nationale et l'article 3
alinéa 2 de la loi no 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions
d'élections des conseillers municipaux.
Cette notion de « composantes sociologiques »
se ramène essentiellement aux «différentes
composantes ethniques de la population ». C'est d'ailleurs le sens
que lui attribuent les justiciables camerounais dans le cadre des recours
contentieux relatifs aux élections municipales depuis 1996. Dans son
préambule la Constitution camerounaise du 18 Janvier 1996 dispose que:
«L'Etat assure la protection des minorités et préserve
leurs droits des populations autochtones conformément à la loi
». Malgré de telles avancées, une incertitude plane
aujourd'hui sur le sort des minorités ethniques au Cameroun car avec le
renouveau législatif et constitutionnel des années 1990, cette
interrogation lancinante demeure: Le multipartisme et la démocratisation
constituent-ils une ouverture ou un prétexte de subversion de la
position des minorités ethniques ? On peut juste remarquer que
qu'au-delà les dosages sociologiques et nonobstant ces dispositions
législatives et constitutionnelles, la condition sociopolitique des
minorités ethniques demeure préoccupante au
Cameroun125.
Suite à plus de treize ans de guerre civile
particulièrement violente et meurtrière, et sous haute pression
extérieure, un processus de transition a été entamé
au Burundi avec la signature des accords d'Arusha en août 2001, puis en
août 2005. Ces accords sont un exemple type d'ingénierie
constitutionnelle mise en place dans le but précis d'apporter une
solution à un problème bien déterminé : La
représentativité des différents groupes ethniques au sein
des institutions de l'État (Présidence, gouvernement,
administration, parlement, ou encore armée et police). Les
négociations qui ont permis à ces accords de mettre en place un
système spécifique et adapté de gestion de la
pluralité ethnique. Elles avaient comme objectif une reconnaissance
concrète de la diversité, garantie par des mécanismes et
des dispositifs institutionnels spécifiques.
125 Idem
72
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
La Constitution burundaise permet d'envisager l'adoption de
mesures positives, mais pas expressément fondées sur l'origine
ethnique. Elle dispose en son article 22 que « Nul ne peut être
l'objet de discrimination du fait de son origine, de sa race, de son ethnie, de
son sexe, de sa couleur, de sa langue, de sa situation sociale, de ses
convictions religieuses, philosophiques ou politiques ou du fait d'un handicap
physique que mental ou du fait d'être porteur du VIH/SIDA ou toute autre
maladie incurable»126. Plus loin, il est dit que
« l'État, dans les limites de ses capacités, prend des
mesures spéciales pour le bien-être des rescapés des
personnes handicapées, des personnes sans ressources, des personnes
âgées ainsi que d'autres personnes
vulnérables»127.
Aux termes de l'article 9 de la Constitution, l'État
rwandais «s'engage à lutter contre l'idéologie du
génocide et toutes ses manifestations, à éradiquer les
divisions ethniques, régionales et autres et à promouvoir
l'unité nationale », tandis que la Constitution de la
République d'Angola établit le principe d'égalité
et de non-discrimination dans son article 23 comme l'un de ses droits
fondamentaux. Cet article établit en outre que tous sont égaux
devant la Constitution et la loi. Nul ne peut être lésé,
privilégié, privé de tout droit ou exempté de toute
obligation en raison de la descendance, le sexe, la race, l'ethnie, la couleur,
le handicap, la langue, le lieu de naissance, la religion, les convictions
politiques, idéologiques ou philosophiques, la condition
économique ou sociale ou la profession.
B- Les normes législatives et
règlementaires relatives à l'encadrement et la protection des
groupes socio-culturels spécifiques
Elles sont le fait à la fois des textes et des normes
juridiques régissant et encadrant des droits et des libertés
particuliers pour des groupes sociaux notamment considérés comme
minorités ethniques, religieuses ou linguistiques. Le droit des
individus de s'identifier librement comme appartenant à un groupe
ethnique, religieux ou linguistique est bien établi en droit interne de
la plupart des Etats d'Afrique Centrale. Dépassant le seul souci de
conformité à une norme internationale, la reconnaissance et la
prise en compte des différentes régulations sont devenues des
enjeux majeurs de la gestion publique de la diversité et de la
création d'un vivre-ensemble inclusif dans le corpus législatif
et règlementaire.
126 Article 22, Loi N01/018 du 18 Mars 2005 portant
promulgation de la Constitution de la République du Burundi.
127 Idem, Art.64
73
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
La législation interne relative à l'origine
ethnique, à l'identité, au statut des minorités, à
l'égalité et à la non-discrimination au sein des Etats
d'Afrique Centrale reconnaît ce droit et veille à ce qu'aucun
individu ou groupe ne se trouve désavantagé ou traité avec
discrimination de quelque façon que ce soit parce qu'il aurait choisi
librement de s'identifier comme appartenant ou n'appartenant pas à tel
ou tel groupe ethnique, religieux, linguistique ou autre. Dans une
manière plus radicale d'aborder les questions de diversité, le
Rwanda a interdit l'utilisation des identités Hutu, Tutsi et Twa. Le
Gouvernement de l'après-génocide a mis en place des
mécanismes visant à préserver l'identité et la
citoyenneté nationale en abolissant les anciennes identités
ethniques. Il reste encore à déterminer si cet objectif sera
atteint, mais ces efforts montrent combien le Rwanda tente de bâtir une
société post-génocide où la diversité ne
déchirera plus jamais le régime. Il s'agit entre autres de la loi
no 47/2001 sur la prévention, la répression et la punition des
crimes de discrimination et pratique du sectarisme, la Loi organique N0
20 /2003 sur l'éducation au Rwanda et dans la législation
relative au secteur de la justice,
Au Rwanda par exemple, le Code pénal punit les propos
haineux, les actes discriminatoires des représentants des pouvoirs
publics, la discrimination dans la fourniture de biens et de services publics,
la discrimination dans l'emploi, et les agressions physiques. Des dispositions
antidiscriminatoires figurent également dans le Code du travail, dans le
Statut général de la fonction publique, dans la loi organique no
20/2003 sur l'éducation au Rwanda et dans la législation relative
au secteur de la justice, y compris la police. En outre, d'après le
Gouvernement, la loi no 47/2001 sur la prévention, la répression
et la punition des crimes de discrimination et pratique du sectarisme a
joué un rôle important dans la lutte contre la discrimination
après le génocide rwandais. La loi no18/2008 du 23 juillet 2008
portant répression du crime d'idéologie du génocide a
été promulguée en octobre 2008128.
Section 2 : Le dispositif institutionnel de la gestion de
la diversité culturelle en Afrique centrale
Le dispositif juridico-institutionnel de la gestion de la
diversité culturelle fera l'objet d'une analyse succincte qui ressort
d'une part les mesures institutionnelles à l'intérieur des
Etats
128 Minority Rights Group International,
Communication au Comité pour l'élimination de la discrimination
raciale - Rwanda (2011).
74
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
d'une part (Paragraphe 1), et les outils du dispositif
communautaire ou un plaidoyer est de plus en plus fait en faveur des
stratégies et l'implémentation de la diversité culturelle
d'autre part (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le dispositif institutionnel de la
gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale
Les mesures institutionnelles mises sur pied en vue d'assurer
une saine gestion des politiques de la diversité culturelle concernent
aussi bien celles qui sont édictées à l'intérieur
des Etats de la sous-région (A), qu'au niveau communautaire de la CEEAC
où des outils de gestion commencent à prendre forme (B).
A- Le dispositif institutionnel à
l'intérieur des Etats
Au Cameroun, la mise sur pied d'une Commission Nationale pour
la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme (CNPBM), a
été la réponse institutionnelle faite par le Chef de
l'Etat camerounais aux revendications sur la diglossie linguistique et la
marginalisation subie par la minorité anglophone. Dans le paysage
socio-culturel camerounais, la création d'une telle commission est une
reconnaissance tacite du malaise longtemps clamé par les ressortissants
originaires de ces deux régions. Selon le décret qui la
crée et l'organise, elle en charge entre autres la promotion du
bilinguisme et du multiculturalisme, la dénonciation de toutes
discriminations fondées dur l'irrespect des dispositions
constitutionnelles relatives au bilinguisme et au multiculturalisme, et en
rendre compte au Président de la République129.
Au Rwanda, la Commission nationale de la lutte contre le
génocide a été établie en application de la
Constitution de 2003. Elle n'a commencé ses travaux qu'en 2008.
Conformément à son mandat, la Commission est chargée
notamment de concevoir et de mettre en oeuvre des stratégies de lutte
contre le génocide et l'idéologie du génocide, de
coordonner les activités de commémoration et de préserver
les sites de mémoire, et d'apporter une assistance aux survivants du
génocide. Elle est également habilitée à
entreprendre des activités éducatives en milieu scolaire et
à oeuvrer à la préservation de la mémoire du
génocide parmi les
129 Décret n02017/013 du 23 Janvier 2017
portant création, organisation et fonctionnement de la Commission
Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme.
75
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
nouvelles générations. La Commission nationale
pour l'unité et la réconciliation a officiellement
réintroduit ce système afin de favoriser la coexistence pacifique
des différentes communautés après le
génocide130.
La Commission nationale des droits de la personne a
été établie en application de la Constitution avec pour
mission, notamment, d'examiner les violations des droits de l'homme commises
par toute personne sur le territoire national au Rwanda et au Cameroun. La
Commission est chargée de sensibiliser la population aux droits de
l'homme et d'organiser des programmes de formation dans ce sens, de
préparer et diffuser des rapports annuels relatifs aux droits de l'homme
ou autres, et d'engager des procédures judiciaires à l'encontre
de tout auteur de violations de ces droits. Les rapports sont transmis au
Parlement au Rwanda, et au Président de la République au
Cameroun, ainsi qu'à d'autres organes de l'État et sont rendus
publics. La même mission a été confiée par la
Commission intersectorielle d'élaboration des rapports nationaux sur les
droits de l'homme (CIERNDH) en Angola131.
Le Bureau de l'Ombudsman132 au Rwanda
également a pour mandat de lutter contre les injustices et la
corruption, ce qui recouvre les obligations imposées au titre de la
Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale. Pendant ce temps, en Angola il y a le médiateur,
entité publique et indépendante dont l'objectif est de
défendre les droits, les libertés, et les garanties des citoyens
en garantissant par des moyens informels la justice et la
légalité de l'administration publique. En termes
généraux, le statut du Médiateur de l'Angola est conforme
aux principes de Paris sur les compétences, les responsabilités
et la disposition constitutionnelle. Comme dans d'autres pays, le
Médiateur angolais joue le rôle d'Institution Nationale des Droits
de l'homme133.
Un type d'organisme indépendant
généralement mis en place de façon exceptionnelle est la
Commission Vérité et réconciliation. Elle vise à
offrir une tribune publique inhabituelle pour
130 Commission nationale pour l'unité et la
réconciliation, Rwanda Reconciliation Barometer.
131 CIERDH -Commission intersectorielle pour la
préparation des rapports sur les droits de l'homme créée
par la Résolution n° 121/09 du 22 décembre 2011,
coordonnée par le Ministère des Affaires Étrangères
et assistée par le Ministère de la Justice, actuellement
coordonnée par le Ministère de la Justice et des Droits de
l'Homme, conformément à l'arrêté présidentiel
n° 29/14 du 26 mars 2017.
132 Établi en application de l'article 182 de la
Constitution de 2003 et par la loi no 25/2003 du 15 août 2003.
133 Sixième et septième rapport sur la mise en
oeuvre de la charte africaine sur les droits de l'homme et des peuples et le
rapport initial du protocole sur les droits de la femme en Afrique 2011-2017,
Luanda, République d'Angola, janvier 2017.
76
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
exposer les griefs et faire connaître les
allégations d'abus antérieurs et en cours ainsi que des cas de
discrimination de groupe et de violations des droits de l'homme. Il s'agit
généralement d'offrir ainsi l'occasion d'une gestion constructive
et démocratique de la diversité par le biais de la
réconciliation et de la restitution. Ces commissions ont
été mises en place en République démocratique du
Congo, en République centrafricaine et au Tchad134.
B- Le chevauchement institutionnel dans la gestion de
la diversité culturelle
La littérature analytique pointe aussi les
difficultés de mise en oeuvre des politiques de gestion de la
diversité dans les services publics comme la difficulté de
disposer d'indicateurs chiffrés qui permettent de dresser un diagnostic
et des objectifs, le manque d'adhésion et de compréhension des
objectifs recherchés et manque de moyens financiers et de ressources, la
rigidité du cadre légal et administratif. Pour la plupart, ces
institutions horizontales sont encore fragiles et éprouvent souvent des
difficultés à s'acquitter de leurs mandats du fait d'une
série de problèmes d'ordre culturel, financier et logistique et
de ressources humaines. Cet état de fait peut trouver explication dans
le sous-développement économique et les tendances politiques
antidémocratiques observables au niveau de l'élite politique.
Une autre contrainte découle des faiblesses et de
l'ambiguïté des textes portant création de ces institutions
et du chevauchement des compétences, entre ces institutions, et avec
d'autres organismes publics. Les statistiques sont aussi très peu
fiables et rarement le reflet de la situation vécue dans la
réalité. La plupart des administrations ont élaboré
un plan d'action car cela correspondait à une demande des
autorités politiques et administratives. Plusieurs soulignent toutefois
que ce plan d'action, faute de moyens suffisants et de réelle
implication des directions, reste parfois au stade de la déclaration
d'intention, avec des actions ponctuelles, sans réelle évaluation
et suivi.
Paragraphe 2 : Les outils du dispositif communautaire de la
gestion de la diversité culturelle dans l'espace CEEAC
La sous-région CEEAC affiche de façon timide la
prise en compte de la problématique de la gestion de la diversité
culturelle. Contrairement à l'espace CEDEAO, la diversité
culturelle
134 CEA, Diversity Management in Africa: Findings from the
Mécanisme africain d'évaluation par les pairs and a Framework for
Analysis and Policy-Making. Addis-Abeba, 2011.
77
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
et ses enjeux y connaissent encore des balbutiements. On peut
donc analyser ces outils en les classant sous l'angle d'une timide
reconnaissance communautaire des enjeux de la diversité culturelle (A),
à côté des droits et libertés reconnus aux
minorités (B).
A- Les initiatives et le plaidoyer communautaires en
faveur de la diversité culturelle
Au niveau communautaire proprement dit, la Communauté
économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), l'OIF et
l'UNESCO ont conjointement organisé le Forum des partenaires de la CEEAC
pour la valorisation de la culture au service de l'intégration et du
développement, du 21 au 23 novembre 2012 à Yaoundé
(Cameroun). Il s'agissait au cours de ce forum d'appuyer les efforts visant
à améliorer la pertinence de l'identité sous
régionale de la CEEAC dans le domaine socioculturel par un certain
nombre d'actions au rang desquels:
n Soutenir les initiatives visant à faire
connaître la diversité culturelle dans la sous-région
CEEAC, et au sein des réseaux de la société civile, des
groupes de réflexion, des réseaux du secteur privé,
etc.
n Soutenir les « relais » (responsables
interconfessionnels, femmes, jeunes, entreprises ou autres) capables de
susciter un élan en faveur de changements positifs à
l'intérieur et à l'extérieur des frontières
nationales
n Instaurer des programmes qui oeuvrent pour la
défense d'une identité sous régionale positive et
pluraliste célébrant la diversité des identités et
des nations, et recenser les mécanismes favorisant l'échange et
la confiance mutuels à l'instar des programmes d'échange de
volontaires, etc.
Pour passer des intentions aux actes, la CEEAC veut se
focaliser sur un objectif donc un besoin partagé par toutes ses
populations. Il est évident que tout progrès en matière
d'intégration économique au niveau sous régional aura des
incidences positives sur la recherche de la paix et du développement. De
la même manière, la logique qui sous-tend cette diversification
économique consiste précisément à élargir
à d'autres couches de la société les opportunités
de création de richesses et d'amélioration des moyens de
subsistance jusque-là réservées aux élites.
Dans un premier temps, il s'agit de dégager des outils
possibles et concrets pour porter la diversité culturelle au service du
dialogue et du développement bénéficiant à
l'ensemble des populations de la sous-région. Une réponse qui se
base sur le principe du bon usage des industries culturelles et de leur
diversité, portées par le pouvoir de transformer favorablement
les sociétés humaines. En pratique, il est question de
créer des outils interculturels, notamment
78
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
des comités interculturels et des semaines
interculturelles pour l'ouverture d'esprit et la découverte d'autres
cultures du monde. Cette mission incombe aux institutions étatiques
certes, mais également aux hommes et femmes qui, dans le monde
l'exercent déjà si bien en étant les personnes au contact
des valeurs humaines universelles favorisent le mieux-vivre ensemble.
Dans un second temps, il s'agit de développer un
réseau mondial de compétences et d'outils pour promouvoir le
mieux vivre-ensemble de l'Afrique Centrale et de ses populations par la
promotion du développement, en particulier économique, des
peuples de la sous-région. Une des voies pour y parvenir est de
contribuer à aménager une meilleure place pour l'Afrique Centrale
dans les échanges et les liens sur le continent, mais également
avec le monde dans les domaines les plus variés dont politiques,
économiques, scientifiques, technologiques et techniques, sociaux et
culturels135.
B- Les droits et libertés consacrés en
faveur des groupes minoritaires
Dans le contexte des Nations-Unies, les droits culturels des
minorités sont généralement garantis par la prise en
compte des droits et libertés consacrés en faveur de la
diversité. Les droits de l'homme et libertés relatifs à la
diversité culturelle englobent un large éventail de concepts
à savoir :
1. Les personnes appartenant à des minorités
nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ont le droit de jouir de
leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et
d'utiliser leur propre langue, en privé et en public, librement et sans
ingérence ni discrimination quelconque.
2. Les personnes appartenant à des minorités
ont le droit de participer pleinement à la vie culturelle, religieuse,
sociale, économique et publique de leur pays.
3. Les personnes appartenant à des minorités
ont le droit de prendre une part effective, au niveau national et, le cas
échéant, au niveau régional, aux décisions qui
concernent la minorité à laquelle elles appartiennent ou les
régions dans lesquelles elles vivent, selon des modalités qui ne
soient pas incompatibles avec la législation nationale.
4. Les personnes appartenant à des minorités
ont le droit de créer et de gérer leurs propres associations.
135 Le lien entre le sous-développement et la
prévalence de la violence est bien documenté. Voir notamment
Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde: Conflits,
sécurité et développement, Washington, Banque mondiale,
2011.
79
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
5. Les personnes appartenant à des minorités ont
le droit d'établir et de maintenir, sans aucune discrimination, des
contacts libres et pacifiques avec d'autres membres de leur groupe et avec des
personnes appartenant à d'autres minorités, ainsi que des
contacts au-delà des frontières avec des citoyens d'autres Etats
auxquels elles sont liées par leur origine nationale ou ethnique ou par
leur appartenance religieuse ou linguistique136.
136 Article 2, Déclaration des droits des personnes
appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses
et linguistiques, O.N.U. A.G. 47/135, annexe, 47 U.N. Doc. A/47/49, 1993.
80
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
CONCLUSION PARTIELLE
En conclusion, cette première partie nous a permis de
comprendre que les questions relatives aux dimensions socioculturelles de
l'intégration et de la participation des groupes minoritaires sont
sous-traitées et pourraient tirer parti d'un examen plus approfondi en
Afrique Centrale. Outre l'engagement touchant à la gouvernance
nationale, aux communautés locales et, en soi au projet global
d'intégration et de participation des groupes sociaux minoritaires, il
convient de se demander dans quelle mesure les citoyens et les
communautés de la sous-région partagent des normes, des valeurs
ou des identités fédératrices. En s'appuyant sur les
politiques publiques définies et implémentées jusqu'alors,
de nombreux Etats de la sous-région ont au fil du temps pris en compte
de manière directe les enjeux de la diversité culturelle dans la
matérialisation de la paix et du vivre ensemble. Cependant, lesdites
politiques publiques ne sont pas toujours à même d'influencer de
manière durable les dynamiques de rapports qu'auraient les
différents groupes sociaux. Un tableau évaluatif montre que ces
politiques publiques sont en proie à de nombreuses limites et obstacles
qui entravent leur saine implémentation au sein de la plupart des Etats
de la sous-région.
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
81
DEUXIEME PARTIE: IMPLEMENTATION ET LIMITES DES
POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LES PROCESSUS
DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE
82
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Mesurer l'impact d'un dispositif ou d'une politique publique
n'a rien d'évident. Dès lors qu'il est ainsi reconnu, la
nécessité de leur évaluation apparaît beaucoup plus
nettement. En effet, réussir une politique publique c'est aussi
l'évaluer, mais aussi et surtout utiliser les résultats de
l'évaluation pour l'améliorer137. L'objectif est donc
de permettre la compréhension des mécanismes sur lesquels
l'action publique cherche à peser et d'identifier les interventions les
plus efficaces au vu des objectifs souhaités138.
De manière spécifique, une politique de gestion
de la diversité est un projet de changement organisationnel. On y
retrouve ainsi plusieurs facteurs de succès liés au suivi des
rapports qu'entretiennent les groupes sociaux et les communautés. Au
niveau national, les politiques publiques sont « la boîte
à outils » qui traduit la volonté des autorités
et des pouvoirs politiques de satisfaire les populations
considérées comme minoritaires. Cela suppose que les objectifs et
les activités liés à la diversité culturelle soient
inclus dans les stratégies d'action et les contrats de
société avec l'Etat. En Afrique Centrale, malgré
l'élan entrevu dès les lendemains des décennies de
démocratisation dans les années 1990, la prise en compte des
groupes minoritaires par les politiques publiques ne semble pas toujours
à même d'influencer les dynamiques sociales d'uniformisation des
sociétés contemporaines. Il semble désormais
impératif d'imposer des stratégies de gestion et les
mécanismes d'implémentation des politiques publiques favorables
à la diversité culturelle (Chapitre 3), quoiqu'en proie à
un certain nombre de limites et insuffisances, obstacles et clivages qui
entravent leur implémentation (Chapitre 4).
137 Harold Dwight LASSWELL, The policy orientation in the
policy sciences: Recent developments in scope and method, Standford University
Press, 1951, P.71.
138 Antoine BOZIO, « L'évaluation des politiques
publiques : Enjeux, méthodes et institutions », Revue
française d'économie 2014/4 (Volume XXIX), PP.59 - 85.
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
83
CHAPITRE 3: LES STRATEGIES ET MECANISMES
D'IMPLEMENTATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE
EN AFRIQUE CENTRALE
84
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Pour s'assurer de l'intégration et de la prise en
compte des communautés spécifiques dans la structure politique
des Etats d'Afrique Centrale, des stratégies et des répertoires
d'action vont être élaborés. Afin d'éviter que la
très grande diversité culturelle des sociétés ne
porte un coup au modèle de l'équilibre sociétal, ces
stratégies seront perçues comme des réponses
apportées pour garantir à tous les membres de la
communauté l'accès à la construction de la justice
sociale. Ces stratégies d'action englobent tout aussi bien des
mécanismes politico-administratifs (Section 1), et les stratégies
d'implémentation de la diversité culturelle (Section 2).
Section 1: Les mécanismes et
procédés politico-administratifs de la gestion de la
diversité culturelle en Afrique Centrale
Parler de la prise en compte de la diversité culturelle
dans les processus de construction de la paix c'est faire allusion aux
mécanismes culturels de transformation des conflits. Jadis, il
était question des démarches traditionnelles de
négociation et de médiation, des mécanismes de justice
participative, de justice populaire ou d'institutions judiciaires
auxiliaires139. De plus en plus, dans la définition des
politiques publiques, l'aménagement d'un cadre politique et juridique se
veut propice à l'expression des différences culturelles. Ceci
impose l'utilisation des mécanismes politico-administratifs (Paragraphe
1) et la mise en oeuvre d'un certain nombre de stratégies
d'implémentation nécessaires pour répondre à cette
fonction (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les mesures politico-administratives de la
gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale
La constitution des sociétés
démocratiques en Afrique se veut un processus lent et évolutif
dont la trajectoire historique a été marquée par des
déterminants endogènes et exogènes140. De ce
fait, parler des mesures formelles de gestion de la diversité culturelle
en Afrique Centrale consiste à aborder des stratégies d'action
mises sur pied par les différents Etats comme des
139 Filip REYNTJENS et Stef VANDEGINSTE, «
Démarches traditionnelles de négociation et de médiation
au Burundi, Rwanda et Congo » in Construire la paix sur le terrain,
mode d'emploi, Editions GRIP, FID et Complexe, 2000. P.152.
140 Ibrahim MOUICHE, « Mutations sociopolitiques et
replis identitaires en Afrique: Le cas du Cameroun », Revue Africaine de
Sciences politiques, African Journal of Political Sciences, Vol.1,
N02, Décembre 1996.
85
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
systèmes de gouvernance des sociétés. Le
régime juridique laisse entrevoir les stratégies de gouvernance
locale, adossées à la décentralisation et au
développement local d'une part (A), ainsi que les techniques de
discrimination positive et les politiques de quota d'autre part (B).
A-La gouvernance locale
À ce niveau, il faut relever avec Ibrahim MOUICHE que
« le départ de l'administration coloniale a posé avec
acuité le problème de l'intégration politique des pays
africains qui dès leur berceau portaient déjà les
stigmates de l'Etat segmentaire ; Etat où généralement le
pouvoir central coexiste avec les unités périphériques et
centrifuges de pouvoir sur lesquelles il n'exerce qu'un contrôle relatif
»141. Cette tendance tend de plus en plus à
s'inverser avec la politique de la gouvernance locale. La gouvernance locale
est devenue en effet le versant pratique de la démocratie qui est
susceptible de permettre à un échelon plus bas la participation
des communautés locales dans la gestion de la vie politique, sociale,
économique et culturelle du pays. Elle suppose le respect de la
diversité culturelle des sociétés, et de sa prise en
compte dans la définition et l'implémentation des projets et
programmes des pouvoirs politiques. La tâche ardue pour les pouvoirs
publics consiste donc à ne pas opposer unité de l'Etat et
diversité des groupes sociaux, mais de réussir à les
articuler pour parvenir à une société
équilibrée et exempte de conflits. La gouvernance locale apparait
dès lors comme un outil approprié dans les stratégies
d''action de la gestion des différences.
Cela dit, le niveau local est un axe stratégique dans
la prévention des tensions, troubles et conflits que l'on connait
aujourd'hui concernant les groupes sociaux minoritaires au sein des Etats de
l'Afrique Centrale, tant il est vrai que la majorité des conflits
concernent différentes communautés dans l'Etat142.
Pour être une politique publique véritablement
opérationnelle, la gouvernance locale pose comme postulat de base une
véritable décentralisation du pouvoir au niveau des
communautés locales, et pour aller plus loin une véritable
autonomie reconnue aux
141 Ibrahim MOUICHE, « La question nationale,
l'ethnicité et l'Etat en Afrique: Le cas du Cameroun », Verfassung
und Recht in Ubersee / Law and Politics in Africa, Asia and Latin America,
Vol.33, N0 2, 2000, P.212.
142 Hugues François ONANA, Pratique de la
gouvernance au Cameroun, entre désétatisation et
démocratisation, L'Harmattan, Yaoundé, Février 2012,
P114.
86
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
institutions à l'échelon
régional143. Elle cumule avec la décentralisation pour
être un véritable outil d'intégration de l'ensemble des
couches sociales et des populations qui naguère n'avaient pas
accès aux centres de pouvoir et de prise de décisions visant
à améliorer leurs conditions de vie et ainsi lutter contre la
pauvreté de manière plus directe.
B- La décentralisation et le
développement local
Selon Pascal TOUOYE, la décentralisation est le
« premier facteur de réduction des tensions spatiales
»144. En droit administratif autant qu'en management, la
décentralisation est un mode d'organisation de l'Etat qui constitue une
solution aux problèmes de diffusion du pouvoir et de prise de
décision organisationnelle. Il s'agit d'un mécanisme
d'équilibre des relations et des pouvoirs entre gouvernants et
gouvernés dans la conception de la structure organisationnelle de la
société. Du point de vue de la doctrine du droit administratif,
la décentralisation consiste en une répartition verticale du
pouvoir et du partage des compétences entre l'Etat central et les
entités décentralisées. Elle engage la création des
régions et territoires autonomes, fondés sur des institutions
démocratiques et administrées par des autorités
légitimes que les populations locales se sont elles-mêmes
choisies. D'un point de vue pratique, la décentralisation permet la
participation de l'ensemble des composantes sociales à la gestion des
affaires publiques, par le recentrage de l'action publique sur les aspirations
des communautés qui de fait se sentent
«propriétaires» de leurs projets et initiatives de
développement. Elle favorise auprès des groupes la culture de la
tolérance et du respect de la différence en élevant en
chaque citoyen le sentiment d'appartenance à une seule communauté
de vie et de destin avec les autres groupes sociaux.
Au Cameroun par exemple, la Loi N0 96/06 du 18
Janvier 1996 a donné une nouvelle impulsion et un rôle accru aux
entités décentralisées pour améliorer et dynamiser
le développement politique, économique et social des
communautés locales à la base. Elle dispose à son article
premier, alinéa 2 : «La République du Cameroun est un
Etat unitaire décentralisé». Le dispositif
institutionnel de mise en oeuvre de la décentralisation est
constitué des collectivités
143 International Social Science Journal, UNESCO, Gouvernance,
administration publique et globalisation, Paris, Blackwell Publishers,
N0 155, Mars 1998.
144 Pascal TOUOYE, « Dynamiques de l'ethnicité en
Afrique, Eléments pour une théorie de l'Etat multinational
», Langaa et Centre d'Etudes Africaines, 2014, P.91.
87
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
territoriales décentralisées que sont
respectivement les communes et les régions, des organes consultatifs et
des organes opérationnels145. En favorisant l'implication et
la prise en compte des acteurs locaux dans les politiques gouvernementales, la
politique publique de décentralisation permet de contenir les
revendications et les frustrations des franges de citoyens qui se
considèrent de « seconde zone»146, et
ainsi prévenir les tensions et les conflits de divers ordres. Cela
déborde sur le concept non moins englobant du développement
local. Dans cette recherche, le recours à un autre principe s'est
avéré nécessaire. Il s'agit du principe de la
subsidiarité qui est un concept totalisant et essentiellement politique
dans la répartition des pouvoirs qui consiste à «
privilégier le citoyen d'abord, puis à défaut, les
différentes communautés qu'il constitue »147.
À cet égard, le principe de subsidiarité renforce
beaucoup plus celui de la décentralisation en lui donnant un sens et un
contenu plus larges.
L'économiste Bernard PECQUEUR analysant le
développement local définit la gouvernance locale comme
étant « un processus institutionnel et organisationnel et
organisationnel de construction d'une mise en comptabilité des
différents modes de coordination entre acteurs géographiquement
proches, en vue de résoudre les problèmes productifs
inédits posés aux territoires »148. À
ce projet d''essence néolibéral, est venu se greffer l'adjectif
«bonne», pour désormais faire place au concept de
bonne gouvernance qui entend instituer un Etat souple,
régulateur du système et très peu interventionniste. Ce
dernier existerait alors à côte des autres acteurs tels que la
société civile149.
145 Loi N02004/017 du 22 Juillet 2004 portant
orientation de la décentralisation, Loi N02004/018 du 22
Juillet 2004 portant sur les règles applicables aux communes ; Loi
N02004/019 fixant les règles applicables aux régions.
Voir aussi le Décret N2008/013 du 14 Janvier 2008 portant organisation
et fonctionnement du Conseil National de la Décentralisation ;
Décret N0 2008/014 du 14 Janvier 2008 portant organisation et
fonctionnement du Comité Interministériel des Services locaux ;
Décret N0 200/0365 du 11 Décembre 2000 modifié
par le Décret N0 2006/182 du 31 Mai 2006 portant
réorganisation du Fonds Spécial d'Equipement et d'Intervention
communale (FEICOM) ; Décret N0 77/494 du 07 Décembre
1977 portant création et organisation du Centre de Formation pour
l'Administration Municipale (CEFAM).
146 Manassé ABOYA ENDONG, « Menaces
sécessionnistes sur l'Etat camerounais », Journal le Monde
diplomatique, Décembre 2002, N0385.
147 Antoine DELCAMP, « Les problèmes de la
déconcentration dans les pays européens, Revue française
de droit administratif », Juillet-Aout 1995, PP.730-740.
148 Bernard PECQUEUR, Le développement local,
Syros, 2ème édition revue et
complétée, 2000.
149 Catherine BARON, « La gouvernance, débats
autour d'un concept polysémique », Droit et sociétés,
numéro 54, 2003, P. 330.
88
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Paragraphe 2 : Les techniques de discrimination positive et
les politiques de quota
Pour les pouvoirs publics, il est tout aussi important de
garantir le droit des individus et des communautés à exprimer
librement leur identité et leur culture ethnique. En vue de garantir son
effectivité, des politiques favorables ont été
conçues à cette fin. Elles englobent aussi bien les techniques de
discrimination positive (A), de même que des politiques de quota (B).
A- Les techniques de discrimination positive
La gestion de la diversité culturelle regroupe en son
sein des politiques et pratiques qui visent pour certains à lutter
contre les discriminations et les stéréotypes, pour d'autres,
à créer de la valeur ajoutée en utilisant au mieux les
différences et compétences individuelles. Les publics-cibles sont
généralement les femmes, les jeunes et les personnes
handicapées. Certains Etats y ajoutent des actions ciblées sur
l'âge le plus souvent, et des actions de lutte contre l'homophobie. La
gestion de la diversité culturelle s'inscrit aussi dans les principes
d'égalité des chances, de traitement et de lutte contre toutes
les formes de discrimination. Elle vise à offrir à chacun et
chacune des opportunités d'emploi, de carrière et de vie en lien
avec ses compétences et aspirations en dehors de ses origines ethniques,
religieuses ou linguistiques. Elle s'articule aussi autour de valeurs
susceptibles d'affecter la culture organisationnelle: Respect des
différences et rejet de tout comportement d'exclusion, de repli et de
jugement.
En outre, les services publics posent des actions visant leur
environnement local afin de permettre une meilleure insertion non seulement
professionnelle, mais aussi sociale de certains groupes-cibles. Ces objectifs
semblent à priori fortement en phase avec l'éthique des services
publics, à savoir le bien commun et la volonté d'assurer à
tous les citoyens une égalité de service et de traitement, dans
un souci de neutralité de l'administration. Cela ressort des bonnes
pratiques des services publics en matière de gestion de la
diversité, ces politiques étant le plus souvent liées
à des objectifs sociaux tels que l'inclusion professionnelle de
différents groupes minoritaires (minorités ethniques, personnes
handicapées, femmes et jeunes) dans l'emploi public, la volonté
de mieux représenter la population environnante, la volonté comme
service public d'être un lieu d'inclusion sociale basé sur
l'égalité de traitement et le refus de toute forme de
discrimination directe, le respect des lois et l'exemplarité des
services publics avec une plus grande efficacité et efficience:
«Valuing and using people's competences, experience, and
89
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
perspectives to improve government efficiency and
effectiveness, and to meet public servants' professional
expectations»150.
Au Cameroun, l'un des mécanismes consacrés est
l'institution de la politique dite de l'«équilibre
régional ». Cette politique s'insère dans un ensemble
de règles juridiques et de mesures politiques qui visent en la
diversification dans le recrutement au sein des instances politiques et dans
les administrations publiques, la répartition territoriale
équitable des investissements publics et la reconnaissance d'avantages
particuliers dans certains domaines tels que l'éducation ou la
santé pour les ressortissants de certaines régions reconnues
comme «défavorisées». Il s'agit comme
l'affirme Guy Landry HAZOUME, d'une variante originale de la démocratie,
une sorte d' « ethnocratie » reposant sur le postulat
suivant lequel la représentation de toutes les ethnies ou régions
du pays aux postes de direction de l'appareil d'Etat serait le seul
modèle capable d'assurer la participation universelle des citoyens aux
tâches d'administration de l'Etat151. La politique de
l'équilibre régional entend donc concilier les
différences, remettre l'équité comme principe de
régulation et de représentation politique au sein des instances
nationales, envisager la décentralisation comme étant une
dimension complémentaire du principe de la répartition des
pouvoirs au sein de l'Etat, et en faire un facteur d'épanouissement de
l'individu comme fondement de la démocratie et de la justice
sociale152.
B- Les politiques de quota
En Afrique Centrale, le terrain est favorable à la mise
en oeuvre des politiques et des pratiques de gestion de la diversité, au
regard de ses préoccupations sociales et de ses principes de base qui
s'appuient notamment sur l'égalité de droit et de traitement et
sur la nécessaire représentativité de la population dans
le personnel de la fonction publique153. Une analyse des
150 Institut de la gestion publique et du développement
économique, « Diversité : un enjeu de performance dans les
services publics », Perspectives- Gestion Publique, IGPDE, 22
Février 2007.
151 Guy-Landry HAZOUME, 1986, Idéologies
tribalistes et nation en Afrique : le cas dahoméen, Paris,
L'Harmattan, 1986.
152 Luc SINDJOUN, Notes de synthèse de l'ensemble des
travaux du Colloque Francophonie-Commonwealth-Cameroun sur le thème
« Démocraties et sociétés plurielles»,
Yaoundé, Mars 1999.
153 Hubert MONO NDZANA, « Le rôle des quotas dans
la gestion d'une société multiethnique », Impact Tribune 16,
2001.
90
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
pratiques montre de fait une préoccupation
d'égalité des chances et de lutte contre les discriminations. La
plupart des pays africains ont pris des dispositions en vue d'intégrer
des mesures spéciales dans leur constitution, y compris des quotas. Pour
les pays qui appliquent la politique des quotas comme le Burundi, l'Angola, le
Rwanda et le Cameroun, il est tout aussi important que les individus qui
s'identifient comme appartenant à tel ou tel groupe ethnique se sentent
également bien représentés dans les administrations
nationales et locales et aux postes de responsabilité de la fonction
publique.
Il importe de veiller à ce que l'appareil judiciaire et
la fonction publique, y compris la police et l'armée reflètent
toute la diversité de la société. Visant à assurer
«l'égalité réelle», il s'agit pour
VERSINI de «...diversifier la fonction publique pour qu'elle soit plus
représentative de la nation qu'elle sert », et rendre de ce
fait les viviers de recrutement plus représentatifs des minorités
visibles au sein de l'Etat. La gestion de la diversité peut s'appuyer
sur les valeurs de base des services publics comme l'égalité de
traitement, la justice et l'équité mais doit aussi s'appuyer sur
des arguments d'efficience (mieux utiliser les compétences et ressources
existantes) et d'efficacité (meilleure satisfaction des usagers des
services publics).
Plusieurs pays en Afrique Centrale ont mis au point des cadres
politiques en vue d'intégrer les groupes marginalisés, en
particulier les femmes. Dans de nombreux autres pays tels que le Cameroun et le
Gabon, même si le système politique a été
réformé, le contenu de la réforme et ses effets concrets
sur la situation des femmes restent modestes, et sont de surcroit
contestés par les forces patriarcales. La pratique semble frappée
par la lente marche qui empêche toute évolution vers un
système de gouvernement incluant un nombre important de femmes.
Contrairement à ces Etats, le Rwanda a réussi à placer des
femmes à des postes de responsabilité politique aux niveaux
national et local154. Par exemple en 2003, le Rwanda a adopté
l'égalité des sexes dans son système de gouvernance, et
les femmes occupaient 56 % des sièges de la chambre des
députés, 35 % du Sénat et 27 % du gouvernement. Les femmes
représentent aussi 35 % des secrétaires permanents, 61 % des
juges des cours suprêmes et 32 % des maires et maires adjoints, ce qui
montre les avancées en matière d'égalité des
sexes155.
154 CEA, Elections et gestion de la diversité en
Afrique, note conceptuelle de la Commission économique pour l'Afrique,
Addis-Abeba, 2010, P75.
155 Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD) et Commission économique pour l'Afrique (CEA), Actes du
huitième Forum sur « La gouvernance en Afrique:
égalité des sexes, élections et gestion de la
diversité en Afrique », Huitième Forum sur la gouvernance en
Afrique, Kigali, 1-2 novembre 2011.
91
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
L'exemple du Burundi illustre cette nécessité de
définir des modalités d'interaction qui répondent à
des enjeux spécifiques. Les accords d'Arusha, négociés
à la sortie de la guerre civile du Burundi, avaient pour objectif de
pacifier une situation vectrice de haine et de ressentiments. Il s'agissait
alors de trouver une réponse aux revendications et demandes de
représentation de toutes les franges de la société
burundaise qui ne puisse générer un sentiment
d'inégalité. Pour cela, un modèle institutionnel inclusif
fut négocié, passant notamment par la mise en oeuvre de quotas
dans l'intégralité des institutions de l'État burundais.
Cette étape était indispensable pour que chaque composante de la
société burundaise puisse se sentir représentée et
se projeter dans un avenir commun. Il est stipulé par exemple au
paragraphe 4 de l'article 9 de la Constitution qu'au moins 30 % des postes sont
attribués aux femmes dans les instances de prise de décisions.
Au chapitre de la participation des femmes à la vie
publique en Angola, des résultats ont montré qu'en 2016, le
pourcentage de femmes par rapport aux hommes était de 36,8% au
Parlement, avec une représentation dans le gouvernement central
et local de 19,5% des ministres femmes, 16,4% des
secrétaires d'État, 11,1% des
gouverneures, 19,5% des
vice-gouverneures, et dans la représentation diplomatique 29,9%, dans la
magistrature publique 34,4%, dans la Magistrature judiciaire 31,0%, dans la
haute fonction publique 30,5%. Dans le cadre de la politique de promotion du
genre, le gouvernement angolais a développé des actions qui ont
permis une représentation considérable des femmes dans diverses
positions de l'État et du gouvernement156. Ces mesures
formelles sont renforcées par des stratégies d'action visant une
meilleure implémentation de la diversité culturelle.
Paragraphe 2: Les stratégies d'implémentation
de la diversité culturelle en Afrique Centrale
Le débat sur la question identitaire s'est abondamment
renouvelé en Afrique Centrale. Avec la poussée des revendications
et l'accentuation des particularismes, les mécanismes de se sont
décuplés autour de deux approches distinctes dans
l'implémentation des politiques publiques de gestion de la
diversité culturelle. Il s'agit du multiculturalisme et de l'inter
culturalisme. Le
156 Sixième et septième rapport sur la mise en
oeuvre de la charte africaine sur les droits de l'homme et des peuples et le
rapport initial du protocole sur les droits de la femme en Afrique 2011-2017,
Luanda, République d'Angola, janvier 2017.
92
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
multiculturalisme, entendu comme reconnaissance et
revalorisation par les pouvoirs publics de la diversité culturelle
renvoie à ce qui relève de la coexistence de plusieurs cultures
différentes (A), tandis que l'inter culturalisme renvoie aux
différents échanges et contacts entre les cultures en vue d'une
meilleure valorisation des différences (B).
A- Le multiculturalisme comme nouvelle réponse
des politiques publiques de gestion de la diversité en Afrique
Centrale
Le multiculturalisme de la vie sociale est un fait en Afrique
Centrale. Les Etats-nations sont formés de populations diverses par leur
culture, leur milieu social, leur religion, leur origine régionale ou
nationale. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les
politiques engagées privilégient des outils multiples dont
certains visent explicitement des groupes minoritaires en façonnant des
politiques d'intégration qui s'appuient largement sur des dynamiques
communautaires des minorités et la préservation de leurs
identités. Un des aspects de ces politiques d'intégration est la
préservation de l'identité culturelle des minorités
ethniques. Il existe depuis cette période des débats sur la
question de savoir si cette préservation facilite ou entrave
l'intégration des minorités.
Selon Charles TAYLOR, le multiculturalisme est un «
mélange des horizons »157. Il est fondé sur
le double respect de la diversité des cultures d'une part, et de
l'éthique du vivre-ensemble d'autre part. Perçu comme le
modèle libéral le plus favorable à l'expression des
demandes de groupes minoritaires, le multiculturalisme démocratique est
utilisé pour caractériser des accommodements mis en oeuvre par
les Etats en vue de permettre la reconnaissance et la protection
d'identités culturelles différentes de la culture dominante. La
question de la représentation étant sous-jacente, l'enjeu ici est
de faire accéder les « minorités visibles »
à une représentation économique, politique et sociale
de la vie de leur nation.
Will KYMLICKA dans son ouvrage Multicultural
Citizenship, développe sa proposition de gestion politique de la
différence culturelle. L'auteur canadien y distingue deux types de
sociétés : les sociétés multinationales et les
sociétés multiethniques. Au sein des premières, existent
des minorités nationales, à savoir des populations autochtones
dont les sociétés postcoloniales (Etats-Unis, Canada, Australie
et d'autres) servent d'exemple. Ces minorités
157 Charles TAYLOR, Multiculturalisme. Différence et
démocratie, Paris, Flammarion, 1994.
93
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
méritent selon KYMLICKA des droits particuliers parce
qu'elles sont territorialement concentrées, elles ont une culture plus
ou moins structurée et elles sont souvent protégées par
des traités internationaux. Le second type de sociétés est
celles qui « accueillent » des immigrés. Pour ces
derniers KYMLICKA suggère qu'ils ont abandonné volontairement
leurs pays et par conséquent le droit à leurs cultures. Donc, il
reconnaît à la société libérale le droit de
« forcer » les immigrés de respecter la culture de la
société d'accueil (to compel respect)158.
Le contenu du concept de multiculturalisme se réduit
donc à la reconnaissance ou non de la différence culturelle dans
la sphère publique à la suite de la problématique
formulée par Charles TAYLOR. Il s'agit d'une caractéristique
fondamentale qui distingue le multiculturalisme moderne des cas traditionnels
de coexistence plus ou moins conflictuelle entre différentes
communautés ethniques, religieuses et linguistiques. Le
multiculturalisme est un moyen de relever le défi que constitue
l'aggravation des conflits et de la violence associée aux
différences. Pour d'autres, il constitue les dangers inhérents
à la division et la diversité culturelle, et des résultats
auxquels cette stratégie a abouti. La promotion du multiculturalisme
s'accomplit via les institutions universalistes. L'UNESCO a par exemple
lancé, depuis des années, une campagne pour la diversité
culturelle. L'ONU a proclamé 1993 « Année des peuples
indigènes ».
La nécessité de définir un socle commun
du fait de la diversité des États d'Afrique Centrale ont conduit
à penser un système de protection des droits de l'homme
basés sur les principes du multiculturalisme qui permettraient d'isoler
l'effet ethnique de l'effet social en vue d'« appréhender
concrètement la différence visible
»159. Il ne s'agit plus du
métissage et du cosmopolitisme d'antan au sein des
sociétés fermées, il s'agit de penser les conditions du
dialogue entre les cultures et des sociétés ouvertes les unes sur
les autres, ce qui n'est ni abandon des identités, ni un mélange
uniformisant des cultures. L'émergence d'une culture inclusive demande
au préalable une base morale établissant quelques principes du
vivre-ensemble
Dorénavant, la structuration des sociétés
du monde n'est plus déterminée par les rapports de production,
mais par les rapports culturels, entendus par la plupart des chercheurs
multi
158 Will KYMLICKA, Multicultural Citizenship. A liberal
theory of minority rights, Oxford, Clarendon Press, 1995.
159 GRAVEL S., GERMAIN A. et LECLERC E. (2010), « Les
données ethniques dans les services publics: Dilemmes de gestion de la
diversité et protection » in I. BARTH and C. FALCOZ, Nouvelles
perspectives en management de la diversité: Egalité,
Discrimination et diversité dans l'emploi, Paris: EMS, Management
et société, PP. 119-138.
94
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
culturalistes comme ethniques. Le poids des facteurs
socioculturels s'accroît dans la définition de l'espace social.
Ainsi: « D'un discours où une notion de classe même
contestée était centrale, on passe à un discours davantage
ethnicisé. Au fur et à mesure que le concept de classe
s'émiette, on cherche ailleurs les identités sociales
»160. En apprenant à se connaître, en
dialoguant, les individus prennent conscience de l'apport de chacun et des
ressources disponibles au sein de la société. Ceci conduit Claude
KARNOOUH à conclure ainsi: « Multiculturalism offers only
impotent responses to this social-political crisis created by capitalism,
because its elaboration is no way lessens, through an ever stronger social
atomization, what the real tragedy of late modernism reveals: A growing
disjunction between wealth and poverty »161.
B- L'interculturalisme comme stratégie de
valorisation de la différence en Afrique Centrale
L'espace culturel local, celui qui détermine
l'identité culturelle des groupes sociaux est beaucoup plus restreint
que celui de l'Etat-Nation. De ce fait l'identité culturelle se rattache
davantage à des entités plus petites que l'espace national.
Très souvent, celles-ci prennent le nom non moins expressif d'ethnies ou
de populations autochtones. De plus, la diversité a un caractère
subjectif. Elle peut se définir par une catégorisation des
individus selon leurs caractéristiques objectives, mais elle peut aussi
se fonder sur le sentiment d'appartenance des individus à une ou
plusieurs catégories spécifiques. Dans ce dernier cas, les
catégories sont interdépendantes, l'individu peut appartenir
à plusieurs catégories, et la définition de la
diversité peut évoluer au cours du temps. Les politiques de
gestion de la diversité doivent donc prendre en compte la
multiplicité des appartenances en ayant conscience des combinaisons des
différentes caractéristiques des individus. Tout état de
choses qui a véritablement lieu de citer au sein de la plupart des Etats
de l'Afrique Centrale.
Au sein de ces sociétés, une conséquence
directe de ces déplacements est le remplacement de la notion
d'inégalité par la notion de différence.
Par conséquent, ce qui divise les groupes conçus comme des
groupes culturels et non plus comme groupes sociaux, c'est la
160 Nancy GREEN. « Classe et ethnicité, des
catégories caduques de l'histoire sociale ? » in B. LEPETIT
(éd.), Les formes de l'expérience : une autre histoire
sociale, Paris, Albin Michel, p. 176.
161 Claude KARNOOUH, « Logos without Ethos: On
Interculturalism and Multiculturalism », Telos, 110, winter, Presses
universitaires de Montréal, 1998, P. 133.
95
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
différence entre eux. Sous le prisme d'un
pluralisme culturel abstrait basé sur la tolérance
mutuelle, celle-ci à son extension logique qui implique la
tolérance des groupes opprimés face aux points de vue dominants.
L'inégalité et la hiérarchisation qui régissent les
rapports sociaux s'effacent progressivement en vertu de l'utilisation du
concept de culture.
La culture, au sens des théories de l'interculturalisme
constitue un construit évolutif. Elle renvoie à l'ensemble plus
ou moins cohérent des sens produits durablement par les membres d'un
groupe qui, du fait même de leur appartenance à ce groupe sont
incités à donner une lecture partagée de leurs
productions, pratiques, langage, d'où l'homogénéisation
des représentations et des attitudes. La notion d'interculturalisme est
le plus souvent employée pour désigner l'ensemble des processus
psychiques, relationnels, groupaux, ou institutionnels
générés par les interactions de cultures dans un rapport
d'échanges réciproques, et dans une perspective de sauvegarde
d'une relative identité culturelle des partenaires en relation.
L'interculturalisme c'est-à-dire en
général la communication interculturelle implique la prise en
compte de la disparité des codes culturels et la conscience des
attitudes et mécanismes psychologiques suscités par
l'altérité. Elle permet ou vise le respect des
différences. Ces différences ne sont pas pensées en termes
d'inégalité et de hiérarchie des cultures. L'interculturel
vise également à connaître et comprendre ce que les hommes
ont de semblable. Certains auteurs distinguent inter culturalisme et
multiculturalisme sur ce point : Là où l'interculturalisme
souligne la notion de partage, le multiculturalisme n'implique pas
nécessairement partage. L'interculturalisme se définit selon
Antoine de SAINT- EXUPERY, comme « se savoir différent et
s'accepter complémentaire »162.
L'approche ou les projets interculturels poursuivent plusieurs
types d'objectifs : Acquérir une flexibilité cognitive, affective
et comportementale pour pouvoir s'ajuster à des cultures nouvelles ;
minimiser les conflits qui résultent de la confrontation de cultures et
de religions ; rechercher des solutions à la coexistence de populations
d'origines différentes ; permettre le dialogue, le partage
d'expériences et le travail en commun. L'éducation
interculturelle vise une instruction à l'altérité,
à la diversité et à la communication dans un contexte
caractérisé par le pluralisme.
162 Antoine de SAINT- EXUPERY, cité par Boniface KIZOBO
O'BWENG-OKWESS, « L'interculturalité en République
Démocratique du Congo : un facteur de paix et de cohésion sociale
»,
http://www.actionsud.placet.be/index.php/interculturalite/l-interculturalite-en-rdc-un-facteur-de-paix-et-de-cohesion-sociale.
96
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Si la non-discrimination constitue un préalable
à la véritable mise à contribution de la diversité,
elle n'est pas une garantie de la valeur ajoutée de la paix et de
l'équilibre sociétal. L'inter culturalisme tente d'articuler une
prise en compte de la diversité culturelle, religieuse, linguistique
plus ou moins poussée, avec le respect du principe
d'égalité entre les individus (égalité formelle,
égalité de traitement et égalité des chances), et
le maintien de la cohésion de l'ensemble national.
97
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
CONCLUSION
Au terme de ce chapitre, il ressort que la construction de la
paix et la sécurité en Afrique centrale demeure une
préoccupation majeure pour les États de cette région.
Celle-ci a été le théâtre d'une très forte
conflictualité au cours de la décennie écoulée. Les
contrecoups de cette situation sont encore sensibles et plusieurs pays de la
région sont toujours dans une phase de transition vers la paix dont le
résultat final demeure incertain. Cependant, la mise en oeuvre des
politiques publiques visant la construction de la paix a connu beaucoup
d'obstacles et de difficultés d'implémentation. Autant la
dimension culturelle doit être prise en compte, autant il est difficile
de l'appliquer d'une communauté à une autre, tant les modes de
représentation sociale varient les uns aux autres.
A la réalité, ce qui transforme les
équilibres et les rend précaires, c'est la défaillance des
politiques publiques qui sont pour la plupart édictées en dehors
de toute opportunité de la vie collective au sein de l''Etat. Cela a
comme conséquence principale la détérioration du
vivre-ensemble, et est en même temps susceptible d'induire des
déplacements plus ou moins massifs des populations. Il faut donc
analyser ce qui est susceptible d'entraver l'implémentation des
politiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de
paix en Afrique centrale.
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
98
CHAPITRE 4: LES LIMITES À L'IMPLEMENTATION DES
POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LA CONSTRUCTION
DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE.
99
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
L'action visant à la construction de la paix et du
vivre-ensemble renvoie à un ensemble de mesures instituées en vue
d'éviter tout éclatement des pressions, tensions et crises
susceptibles de mettre à mal la cohésion sociale et
l'équilibre sociétal. Elle sous-entend une corrélation
étroite entre les divers segments sociaux qui ont en charge la
définition et l'implémentation des politiques publiques au sein
de l'appareil étatique. Malgré la volonté des pouvoirs
publics de mettre en place des outils et des mécanismes de gestion de la
diversité culturelle, il demeure que certains comportements sociaux,
administratifs ou politiques entravent davantage l'implémentation des
politiques publiques favorables à cette dernière. L'on peut
relever ces facteurs aussi bien dans les faiblesses et les insuffisances
liées au cadre juridique et institutionnel d'une part (Section 1), et
les clivages, risques et obstacles aux politiques de gestion de la
diversité en Afrique Centrale (Section 2).
Section 1: Les faiblesses et les insuffisances
liées au cadre juridique et institutionnel
Elles peuvent se retrouver à la fois au sein des
politiques nationales de gestion de la diversité culturelle (Paragraphe
1), que dans l'inefficacité des bases juridiques et institutionnelles
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1: Les limites liées aux politiques
nationales de gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale
Ces limites et insuffisances engagent aussi bien la
désarticulation des politiques publiques de gestion de la
diversité culturelle au sein des environnements socio-culturels
complexes (A), suivie en aval par l'indifférence et la non prise en
compte des politiques sectorielles relatives à la diversité
culturelle au sein des Etats (B).
A- La désarticulation des politiques publiques
au sein des environnements socioculturels complexes
Une bonne politique publique est celle qui est
négociée et qui prend en compte les spécificités du
milieu, afin d'assurer une germination endogène avec les groupes sociaux
auprès desquels elle est implémentée. C'est en effet par
le biais des politiques publiques que l'Etat peut offrir à une
minorité un capital influent et lui permettre de s'affirmer tant au
niveau local, que national. Or pour la plupart des cas, dans l'espace public
des États en Afrique Centrale, la
100
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
transition démocratique ne s'est pas toujours
accompagnée d'une réforme adéquate des forces
institutionnelles longtemps accolées au modèle
jacobin-libéral de la forme de l'Etat dans un contexte de dictature
monopartite.
Dans la plupart de ces pays, il n'existe pas de
législation sur l'environnement socio-culturel qui soit à
même de décider de l'édiction de la politique publique
appropriée à la gestion de la différence. Des institutions
sensibles dans la mise en oeuvre des politiques publiques sont sujettes
à de nombreuses frustrations, ce qui traduit l'état de
délabrement de l'unité nationale et focalise les fléaux du
clientélisme et de l'impunité. Très souvent, ce qu'on
appelle souvent dans la sous-région la « géopolitique
» consiste en une répartition des pouvoirs entre groupes
ethno-régionaux, condition sine qua non du fonctionnement
pacifique de l'Etat. L'habileté des gouvernants réside dans leur
capacité à satisfaire les représentants issus de chaque
groupe, chefs traditionnels, notables, élites formées à la
modernité par l'école. Mais aucun pays de la sous-région
n'est véritablement à l'abri de revendications pouvant
dégénérer en violences lorsque les responsables politiques
mobilisent leurs forces pour un combat où les affrontements
interethniques se substituent à la négociation.
Analysant les conflits liés à la gestion des
ressources par une partie de la population, sorte d'élites
prévaricatrices, Côme Damien Georges AWOUMOU souligne le risque de
conflits dits de « localisation » ou d'«
expropriation »163. À juste titre, il fait
remarquer que dans la mesure où la qualité de la gouvernance
n'est pas de nature à améliorer les conditions de vie de la
population, il survient des mouvements de revendications liés au
sentiment d'expropriation et de spoliation d'une richesse puisée sur
leur territoire. À titre d'illustration, il évoque les
affrontements intercommunautaires dans la région
pétrolifère du sud du Tchad ; la guérilla cabindaise en
Angola ; les violentes manifestations des populations de Ndolou au sud-est du
Gabon ; les revendications de l'ethnie Bubi en Guinée-Équatoriale
et la plainte déposée par les ressortissants Bakweri contre
l'État du Cameroun auprès de la Commission Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples.
Ainsi, comme l'explique le juriste historien et
spécialiste des Relations internationales français Charles
ZORGBIBE une certaine légitimité s'inscrit au coeur du conflit
et, il s'installe
163 Damien Georges AWOUMOU, cité par le Premier rapport
d'évaluation stratégique sous régionale du PNUD, Mars
2017
101
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
progressivement un état de « guerre civile
froide »164, c'est-à-dire un climat de guerre
civile larvée entre les gouvernants, le système politique et le
peuple. Dans son analyse opérationnelle de la violence, le
spécialiste des relations internationales français Loup FRANCART
relève que: « Dans certains cas, c'est la disparition de
l'État qui crée une nouvelle fracture entre communautés
qui auparavant arrivaient à vivre ensemble. La violence engagée
est souvent le fait d'organisations politiques progressivement
constituées en milices, en groupes paramilitaires ou en mouvements de
guérilla. La motivation la plus fréquente est l'affirmation
identitaire. Mais celle-ci peut facilement dégénérer en
course au pouvoir ou en recherche de la richesse »165.
L'économie de ces pays est basée essentiellement sur un
modèle rentier: Les ressources tirées de l'exportation des
matières premières et de l'aide au développement. Ce qui
est naturellement source et objet de toutes sortes de convoitises: qui
tient l'État, tient les richesses.
Le contrôle de l'appareil de l'État est un enjeu
capital dans certains États de l'Afrique centrale. En effet, l'exercice
de responsabilités dans l'administration publique, de très loin
principal employeur au Gabon et au Cameroun par exemple est souvent une
solution toute trouvée en termes de recrutement et de promotion pour des
proches, le mérite y étant rarement la condition de la
réussite sociale. Cette dimension explique l'importance de la famille,
mais aussi de l'ethnie, la dérive identitaire faisant de l'appartenance
au même groupe la clef de l'ascension sociale. Dès lors, le
conflit politique devient aussi conflit entre familles et ethnies.
L'État et la chose publique sont gérés de façon
patrimoniale, il en résulte une rupture du lien entre État et
Nation, en tout cas, un rejet plus ou moins violent du modèle
étatique par une bonne partie de la population. Les groupes qui ne
profitent par des prébendes du système s'estiment léser
par un pouvoir assimilé à des familles, ethnies ou à une
région.
B- L'indifférence et la non prise en compte des
politiques sectorielles relatives à la diversité culturelle
Tout d'abord, les Etats de la sous-région sont
confrontés à la difficulté de pouvoir évaluer les
résultats des politiques publiques menées en faveur de la
diversité culturelle. À titre
164 Charles ZORGBIBE, Paix et guerres en Afrique, un
continent en dehors de l'histoire ? Tome 1, Bourrin Editeur, 2009,
P.146.
165 Loup FRANCART, Maitriser la violence, une option
stratégique, Deuxième édition, Paris, Economica,
1999, P.195.
102
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
illustratif pour de nombreuses sources non gouvernementales,
il ressort des recherches indépendantes et de données
qualitatives que les personnes appartenant à certains groupes
identifiables sont défavorisées ou font face à des
inégalités. Faute de statistiques ventilées, les
difficultés rencontrées par les groupes minoritaires, notamment
leur précarité socioéconomique, et leur déclin
démographique n'apparaissent pas dans les données officielles. La
politique du gouvernement au Rwanda refusant de reconnaître les
catégories ethniques fait qu'on ne dispose pas de données
officielles provenant d'enquêtes démographiques, de recensements
ou d'autres études ventilées par origine ethnique.
Quand bien même cela serait fait, les autres
difficultés se trouvent aussi au niveau du management qui, malgré
la multiplication des accords et des chartes pour promouvoir les politiques de
la diversité culturelle restent souvent démunis d'application
dans la plupart des Etats. Cela montre qu'une fracture peut naître entre
les gouvernements qui initient des politiques de la diversité, et les
différents segments sociaux censés les recevoir et les mettre en
oeuvre. Ces difficultés liées à la concrétisation
des politiques de diversité montrent que les politiques de gestion de la
diversité dans les Etats sont souvent superficielles et ne touchent pas
l'ensemble de l'organisation sociale.
L'interprétation des dispositifs politico-ethniques est
en outre rendue compliquée parce qu'ils sont à
géométrie variable. Ils constituent pourtant une grille d'analyse
obligée pour la compréhension du jeu politique. Plusieurs
initiatives locales sont lancées en vue de la promotion de la
diversité culturelle, le plus souvent portées par l'une ou
l'autre personne convaincue que l'égalité et la diversité
sont des valeurs importantes pour l'administration. Le problème est que
ces initiatives restent souvent assez confidentielles. En effet, les acteurs
impliqués travaillent souvent seul sans beaucoup de reconnaissance en
interne, même si ils ont de la visibilité en externe. Il a peu de
valorisation interne de ces initiatives et expertises, peu de partage
d'expériences hormis parfois des réseaux de responsables de la
diversité ou d'égalité. L'investissement consenti sur ces
projets est rarement intégré dans les évaluations
annuelles et dans les objectifs mis en place dans le cadre des nouveaux modes
de management des services publics. Les lenteurs administratives dans la mise
en place de certaines actions, comme les aménagements pour les personnes
handicapées, constituent également un frein à la
mobilisation et à l'action.
En sus, il se note une certaine réticence face à
ces pratiques d'actions et de discriminations positives. Certains pensent que
c'est contraire au principe d'égalité et de reconnaissance des
103
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
compétences, d'autres pensent que cela peut stigmatiser
les membres de ces groupes-cibles, voir les instrumentaliser. Certains pointent
aussi que la gestion de la diversité passe par une forme
d'individualisation des pratiques, ce qui rentre parfois en conflit avec le
modèle de gestion des ressources publiques dominant en contexte
démocratique.
Au Rwanda par exemple, la Constitution prévoit un
système décentralisé qui donne une autonomie aux
administrations locales élues pour la planification et la mise en oeuvre
des programmes. Si cette politique de décentralisation administrative
permet aux localités de mieux répondre aux conditions locales,
elle ne tient pas compte des besoins de certains groupes exclus, tels que les
Batwas qui sont mal représentés et participent insuffisamment
à la vie politique, même locale166. L'ethnie des Batwa
présente à la fois au Rwanda et au Burundi représente
typiquement un angle mort du champ politique consacrant la mise en oeuvre des
politiques sectorielles relatives à la diversité culturelle.
Malgré les tentatives raisonnées des représentants de
cette minorité pour se faire entendre, le gouvernement demeure
impassible face à leurs multiples revendications. De ce fait, l'ethnie
demeure invisible sur la scène politique et médiatique. Cette
réticence persistante du gouvernement à donner une voix aux
Batwas a des conséquences importantes, au-delà de la simple
absence de représentation au gouvernement. En effet, c'est tout le futur
des jeunes Batwas qui est remis en question car ces enfants de l'Afrique
"oubliée" ont très peu accès à
l'éducation et aux soins de base, sur lesquels repose pourtant l'avenir
de cette minorité. Le récit de ce peuple opprimé est loin
d'être un cas isolé et soulève la question de l'avenir de
ces populations censurées par leur propre gouvernement. Ceci rend
très difficile toute mesure de la diversité culturelle au sein de
l'Etat167.
Paragraphe 2: Les limites liées à
l'ineffectivité des textes juridiques et des bases institutionnelles
La gouvernance en Afrique se veut le reflet de la
démocratie telle que conçue et développée dans les
sociétés occidentales. Ce mimétisme aveugle n'a
jusqu'à présent pas permis au continent d'être à
l'abri d'un « Etat importé » qui a du mal à
trouver ses repères, et un système
166 Rapport de l'experte indépendante sur les questions
relatives aux minorités, Gay MC DOUGALL présenté au
Conseil des droits de l'homme sur l'ordre du jour Promotion et protection de
tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et
culturels, y compris le droit au développement, Dix-neuvième
session 31 janvier-7 février 2011.
167 Idem
104
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
autocratique qui le plonge dans la léthargie et des
guerres incessantes. C'est ce qui explique selon Jean François BAYART
les revendications qui se sont exprimées dans certains Etats sous la
bannière identitaire168. La principale conséquence qui
en découle est l'inadaptation de la personnalité des
sociétés que traduit l'affaiblissement des bases juridiques et
institutionnelles (A) et la participation des populations à sa
construction, ce qui rend la gouvernance et la gestion de la différence
très difficile en contexte multiculturel (B).
A- L'ineffectivité des textes juridiques et des
bases institutionnelles
Dans une monographie stimulante intitulée «Les
droits fondamentaux dans un conflit culturel », le Pr. Walter
KÄLIN appelle de ses voeux une discussion de fond sur les questions de
désarticulation des bases juridiques et institutionnelles de
première importance pour des sociétés plurales,
c'est-à-dire celles dont « les membres sont divisés en
catégories ou groupes en fonction de facteurs tels que la langue, la
race, l'appartenance ethnique, la communauté de départ ou
d'origine, la religion, les institutions sociales spécifiques ou la
culture »169. KÄLIN différencie entre les
sphères étatique, publique et privée, qui pré
structurent de manière différente la discussion autour des droits
culturels. Dans la sphère étatique, où les individus sont
soumis à l'influence directe de l'autorité de l'Etat, il s''en
suit en première ligne l'égalité de droit.
Concrètement, cela signifie l'interdiction stricte de la
discrimination des membres d'une minorité culturelle et une jouissance
égale des droits culturels telle qu'accordée aux membres de la
majorité.
Dans la sphère privée, les interventions de
l'Etat sont normalement proscrites. Toutefois, même dans une
société libérale, la tolérance doit être
limitée. Certaines normes du droit font notamment partie de ces
critères délimitant les interventions légitimes de l'Etat
dans une pratique culturelle. D'après KÄLIN, c'est la question de
la sphère publique qui pose le plus de difficultés, une
sphère où sont notamment évoquées les
problématiques liées à la prise en compte des
particularismes et des individualismes. La pesée d'intérêts
entre une intégration structurelle réussie et le respect de
l'autonomie des différentes cultures représente le coeur d'un
difficile débat.
168 Jean François BAYART, L'Etat en Afrique, la
politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, P.23.
169 SMITH M. G., « Pluralisme, violence et l'Etat moderne
: Une typologie », in Ali KAZANCIGIL, L'Etat au pluriel, Paris,
ECONOMICA, 1985, PP. 207- 228.
105
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Analysant le cas du Cameroun, Louis-Marie NKOUM pense que le
« message identitaire anglophone semble s'articuler autour de
l'auto-identification et du positionnement dans l'arène politique ou en
dehors de celle-ci...»170. En effet, l'expression de ce
ressentiment est marquée par des crises mineures avant de connaitre une
certaine escalade sous fond de processus de libéralisation politique.
À ce stade, une partie de l'élite anglophone s'organise pour
protester contre sa position dans l'espace public notamment le pouvoir
politique, avant d'adopter des positions sécessionnistes devant le refus
du gouvernement d'une réforme des politiques publiques et de la
constitution de la forme de l'Etat. Les lois et les politiques
aménagées sur le processus de la décentralisation sont
restées jusqu'à cette date lettre morte et ineffectives depuis
leur entrée en vigueur. Ainsi, sur le double plan politique et social,
ce qu'il est convenu d'appeler le « problème anglophone »
au Cameroun, serait d'abord fondé sur des raisons historiques,
même si à côté, il pourrait être
avantageusement prévenu par une articulation profonde des structures
gouvernantes administrées de façon autonome sous le
contrôle de l'Etat tel que prévus par les textes sur une
décentralisation territoriale effective, le principe de la
proportionnalité, la protection des minorités et autres
mécanismes tels que la décentralisation ou le
fédéralisme.
Dans l'espace communautaire d'une manière
générale, les questions relatives aux dimensions socioculturelles
sont sous-traitées. L'on note un engagement de la part des Etats membres
de la CEEAC de s'intéresser davantage au projet global
d'intégration et de construction d'un marché au détriment
d'un espace culturel commun. Contrairement à l'Afrique de l'Ouest, la
CEEAC ne dispose pas encore de bases institutionnelles suffisamment
encrées dans les problématiques de la diversité
culturelle. En s'appuyant sur la perspective de la construction de la paix, il
convient de s'interroger dans quelle mesure les citoyens de la
sous-région partagent des normes, des valeurs et des identités
fédératrices en vue de contribuer de manière directe
à l'intégration sous régionale? Cette question
mérite d'être posée si l'on s'en tient au fait qu'elle
illustre l'effritement de la conscience collective et la méconnaissance
des enjeux que la diversité culturelle recèle dans le mouvement
d'uniformisation des sociétés avec la mondialisation.
170 Louis-Marie NKOUM-ME-NTSENY, « Les anglophones et le
processus d'élaboration de la Constitution du 18 Janvier 1996, Aspects
juridiques et politiques », Fondation Friedrich Ebert AASP/GRAP,
Yaoundé, 1996, P.16.
106
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
B. L'effritement de la conscience collective et la
méconnaissance des enjeux de la diversité culturelle en contexte
multiculturel et pluriel
Le colonialisme a réifié les identités
ethniques et fabriqué des « citoyens ethniques
»171. Il a en outre aiguisé la concurrence et les
rivalités ethniques dans de nombreux pays de la sous-région. Au
lieu d'encourager l'émergence d'une nouvelle génération de
« citoyens multiculturels »172 conscients
à la fois de leur culture civique aux plan local, national, sous
régional et sensibles aux problématiques de la différence
dans les nouvelles formes de vie commune, la gestion de la diversité
culturelle a plutôt servi de justificatifs pour amener les
différentes entités à épouser la citoyenneté
commune de l'État-nation.
Par cette approche, on a tenté de résoudre la
question des diversités en la dissolvant dans le mythe de la
citoyenneté commune et des droits individuels. Avec la montée en
puissance des revendications identitaires en Afrique Centrale, il devient
difficile de réaliser une véritable synthèse nationaliste
ou de réaliser « l'unité de l'appartenance culturelle et
du cadre politique»173 pour reprendre GELLNER. En effet,
le sentiment d'appartenance au groupe ethnique, religieux ou linguistique
semble être plus sacré, plus légitime que celui
d'appartenir à l'Etat qui confère la nationalité. La
violence d'appartenance interethnique, la véhémence religieuse
est davantage renforcée par les clivages ethnoculturels, tandis que, la
conjugaison de tous ces facteurs aboutit à une sorte «
d'empêchement national ». Ainsi, plusieurs valeurs communes
dont l'Etat prétendait être l'expression sont rejetées, et
les règles et les politiques publiques qu'il édicte ne sont plus
respectées.
L'appartenance au groupe social minoritaire détermine
l'identité et l'essence des individus,
leurs préférences et leurs choix. Etant
donné que le groupe est généralement plus étroit
que
l'ensemble politique auquel les individus appartiennent, l'attention
qu'ils portent aux intérêts particuliers les détourne de
l'intérêt général et affaiblit la construction d'une
conscience collective nécessaire au fonctionnement harmonieux de la
collectivité-nation174. Ce phénomène
171 J.L. AMSELLE, et E. MBOKOLO, Op. Cité P.34-38.
172 Miche! WIEVIORKA et a!, Une société
fragmentée ? Le multiculturalisme en débat, Paris, La
Découverte, 1996, P. 35.
173 Ernest GELLNER, Nation et nationalisme, Paris, Ed.
Payot, 1989, P.11.
174 Jean NJOYA, « Identités et minorités :
Vivre et agir ensemb!e dans !a diversité », 4ème forum des
droits de l'Homme Nantes-France, 2010.
107
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
se caractérise par une perte de
légitimité de l'Etat et des politiques publiques qu'il met en
place dans la gestion de la diversité aussi bien dans la sphère
juridique, que socio-politique. Le respect de ces politiques publiques n'est
plus observable et la revendication identitaire devient la phase transitoire
entre la violence et la non-violence. C'est dans cette situation que se
trouvent aujourd'hui confrontées les régions du Nord-ouest et du
Sud-Ouest au Cameroun où les revendications socio-politiques ayant
débouché sur la crise dite «anglophone »
traduisent davantage une remise en cause de la prise en compte de la
réalité sociologique, ainsi que l'effritement des politiques
publiques censées la régir. La conséquence majeure est une
volonté manifeste pour les dissidents de déstructurer l'ordre
étatique aussi bien dans son versant fonctionnel que juridique, voire
politique. Cela traduit l'idée suivant laquelle non seulement le droit
et l'ordre politique se sont émiettés, mais aussi et surtout, ont
besoin d'être recomposés175.
Section 2: Les clivages et obstacles aux politiques de
gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale
Les théories de l'unité et de
l'intégration nationale en Afrique Centrale se sont mises en place
à partir du modèle jacobin-libéral de l'Etat. Ce
modèle hérité de la colonisation considère
l'individu-citoyen, abstraction faite des particularismes et des appartenances
ethniques, religieuses, linguistiques ou socio-culturelles176.
Jusqu'ici, ce modus operandi n'a réussi ni à réconcilier
la plupart des entités étatiques de la sous-région, ni
réussi à les placer mettre sur le chemin de la paix et du
développement. La montée des revendications, les crises et les
tensions incessantes observées de part et d'autre dans la
sous-région dénotent d'une intégration poreuse et
insuffisante des « cadets sociaux » et des groupes
minoritaires dans le débat public sur la démocratisation des
sociétés africaines177. À côté,
les autres clivages et autres risques sont tout
175 William ZARTMAN cité par Béatrice POULIGNY,
« Ils nous avaient promis la paix: Opérations de l'ONU et
populations locales », Paris, Presses des Sciences politiques, 2004,
P50.
176 James MOUANGUE KOBILA, « Le droit de la participation
politique des minorités et des peuples autochtones : l'application de
l'exigence de la prise en compte de toutes les composantes sociologiques de la
circonscription dans la constitution des listes de candidats aux
élections au Cameroun », Revue française de droit
constitutionnel, n°75, 2008, PP. 629-664.
177 Ibrahim MOUICHE, « Démocratisation et
intégration sociopolitique des minorités ethniques au Cameroun
», Codesria Book series, 2012, P.212.
108
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
aussi nombreux (Paragraphe 1), tandis que les obstacles et les
entraves existent également (Paragraphe 2).
Paragraphe 1: Les clivages liés à
l'implémentation des politiques de gestion de la diversité
culturelle en Afrique Centrale
Toute société humaine porte en elle des
données centrifuges. Très souvent, celles-ci restent à
l'état latent tant qu'elles ne font pas l'objet d'une
récupération par les différents acteurs sociaux qui
mettent au-devant des outils de mobilisation basés sur l'appartenance
ethnique, religieuse ou linguistique. La gestion de la diversité
culturelle forte de cette dynamique est susceptible de donner lieu à des
clivages et des risques de divers ordres. Il en est ainsi des risques
d'accentuation des particularismes (A), et de la mondialisation et des
mouvements migratoires (B).
A- Les risques liés à l'accentuation des
particularismes
La gestion des pressions sectaires (ethniques, raciales ou
religieuses) pose un problème difficile à de nombreux pays en
transition vers la démocratie. Elle représente un aspect
important des difficultés que les forces sociales doivent
résoudre pour influer sur le cours et la forme du régime
politique en pleine évolution. De ce fait, la gestion de la
diversité culturelle pourrait ainsi donner lieu à des
problèmes graves et déboucher sur la fracture et la fragmentation
des couches sociales au travers les risques d'accentuation des particularismes.
Très souvent présenté plus ou moins à juste titre
comme des signes de faiblesse des politiques d'intégration et de
participation des couches sociales dites vulnérables, les politiques
publiques au sein des Etats de la sous-région doivent se construire en
dépassant les revendications croissantes d'expression identitaire. Ces
risques concernent aussi bien le sectarisme, le communautarisme et
l'individualisme, l'ethnocentrisme et le tribalisme, ainsi que
Le népotisme, le clientélisme et la corruption ou le repli
identitaire.
La pratique du sectarisme consiste en «toute
expression orale, écrite ou tout acte de division, pouvant
générer des conflits au sein de la population, ou susciter des
querelles fondées sur la discrimination». Selon Amnesty
International, les termes ainsi employés sont généraux et
mal définis car, «la formulation vague des lois est
délibérément utilisée pour violer les
109
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
droits de l'homme»178. La
réalité au sein de la plupart des Etats de la sous-région
Afrique Centrale laisse entrevoir que l'implémentation des politiques
publiques favorables à la diversité culturelle est susceptible de
mener au sectarisme, et donc déboucher sur la fracture et la
fragmentation des couches sociales.
Le communautarisme, quant à lui est très souvent
présenté comme étant le «cauchemar» de
la diversité culturelle. Il permet de rendre compte aujourd'hui du
rapport des « individus » aux communautés, et
à l'individualisme, cette « part la plus individuelle de
l'individu » dans les sociétés contemporaines d'Afrique
centrale.
Selon les termes de Pierre André TAGUIEFF,
l'ethnocentrisme signifie «voir le monde et sa diversité
à travers le seul prisme privilégié et plus ou moins
excessif des ides, des intérêts et des archétypes de notre
communauté d'origine, sans regard critique sur
celle-ci»179. Une autre définition fait du concept
«un comportement social et une attitude inconsciemment motivée
», qui amène en particulier à «surestimer le
groupe racial, géographique ou national auquel on appartient,
aboutissant parfois à des préjugés en ce qui concerne les
autres peuples»180 .
L'instrumentation de l'ethnie par les politiques en Afrique
Centrale a fait naître le tribalisme qui apparaît de nos jours
comme étant une source potentielle des guerres civiles et ethniques.
Cela interroge la dimension philosophique du tribalisme comme négation
d'autrui et parvient à soulever des problématiques fortes autour
de la question de l'autre et de la capacité de ces ethnies à
vivre ensemble en paix et en harmonie. La sociologie l'explique par
l'auto-affirmation d'un groupe ou individu comme étant «
supérieur » ou « meilleur » dans un
environnement socioculturel partagé avec les autres groupes, ou par des
représentations sociales particulières qui influencent activement
la production et la consommation des idées motivées par des
élites représentatives ou constructrices des
réalités sociopolitiques. Les cas du Rwanda, du Congo-Brazzaville
et de la RDC montrent que le tribalisme fait partie de ces nombreux maux qui
minent les Etats de la sous-région dans sa longue marche vers
l'unité sociétale. Au Cameroun, les appels à la
pénalisation du tribalisme se font de plus en plus entendre, au regard
de nombreuses dérives auxquels les débats sur l'évolution
politique, socio-économique et
178 Rapport de l'ONG Amnesty International, Il est plus
prudent de garder le silence: Les conséquences effrayantes des lois
rwandaises sur l'«idéologie du génocide» et le
«sectarisme», Londres, 2010, P. 7.
179 Pierre André TAGUIEFF, (Dir.), Dictionnaire
historique et critique du racisme, PUF, 2013.
180 Dictionnaire, Le trésor de la langue
française, Troisième édition, 2012.
110
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
culturelle du pays donnent très souvent lieu, notamment
dans les réseaux sociaux ou sur les plateaux des chaines de radio ou de
télévision.
Dans la plupart des Etats de la sous-région Afrique
Centrale, les risques majeurs encourus par l'implémentation des
politiques publiques de gestion de la diversité culturelle se trouvent
être le népotisme, le clientélisme ou encore la corruption.
Cela se traduit dans la répartition des postes, les
responsabilités publiques, les avantages politiques et matériels
y afférents qui se font non pas sur la base de la compétence ou
du mérite républicain, mais plutôt sur celle de
parenté ou de la récompense à une certaine «
fidélité »181. Ces pratiques
antirépublicaines trouvent leur terreau fertile au sein de l'appareil
bureaucratique de l'Etat, ou dans celui des entreprises publiques,
parapubliques ou privées dans lesquels les recrutements et les
promotions se font en privilégiant les « frères »
ou les «soeurs» du village ou de la tribu, de la
famille, ou des réseaux, et ce en dehors de toute
objectivité182. Il s'agit d'une entorse au principe
républicain de la justice, l'équité ou
l'égalité des chances dans l'accès aux charges publiques
et l'exercice du pouvoir politique au sein de l'Etat.
Le repli identitaire est aussi un moyen de se prémunir
contre les risques et aléas, face à l'absence de la protection de
l'État. Ces modes de représentation et de mobilisation sociale se
développent d'autant plus que les acteurs sont en situation de forte
vulnérabilité. Il s'agit d'une expression donnée par une
victime de discrimination, y compris de diffamation face à la
singularité ou au caractère unique de sa propre
expérience. Elle se traduit par des conflits, mais aussi et surtout par
des pratiques discriminatoires visant l'exclusion ou le renfermement des
communautés, des ethnies, des religions et autres traditions
spirituelles. Avec le mouvement de mondialisation, la dynamique du repli
identitaire entraine le rejet du non national, de l'immigré et du
refugié, mais également des groupes ethniques, culturels ou
religieux nationaux qui seraient différents ou minoritaires, ainsi que
la discrimination à leur regard.
181 Diallo AMADOU, « L'Afrique ne produit pas assez pour
sérieusement faire face aux grandes problématiques auxquelles
elle est soumise », in Contrepoint pauvreté et mal gouvernance en
Afrique, 02 Juillet 2014.
182 Jean François BAYART, Op. Cité
111
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
B- Les clivages liés à la mondialisation,
les mouvements et les flux migratoires
Dans son ouvrage Dialogue des cultures, le premier
président du Sénégal indépendant Léopold
SEDAR SENGHOR écrit : «Toutes les cultures de tous les
continents, races et nations sont, aujourd'hui, des cultures de symbiose
où les quatre facteurs fondamentaux que sont la sensibilité et la
volonté, l'intuition et la discussion jouent, de plus en plus, des
rôles équilibrés». La mondialisation ouvre une
nouvelle séquence marquée par des brassages et des ponts entre
les différentes cultures décloisonnées, et par
conséquent de plus en plus en position d'échange, de dialogue et
d'appropriation des éléments des unes et des autres. Cependant,
il faut redouter des tendances hégémoniques de cette formidable
ouverture des marchés, ponctuée par la libre circulation des
biens et des services et y faire face. Cette tendance est mise à rude
épreuve par la nouvelle quête hégémonique qui, parce
qu'ayant un versant culturel manifeste, risque d'être à l'origine
des conflits les plus sanglants, les plus longs et donc les plus coûteux.
Les Etats de la sous-région doivent se prémunir de tels clivages
dans la gestion de la diversité culturelle.
Dans la plupart des Etats de l'Afrique Centrale,
l'immensité des territoires n'offre pas plus d'exutoire intérieur
pour une fraction de la paysannerie condamnée dans un proche avenir
à quitter la terre. Les dynamiques qui ont permis un délestage
des espaces surpeuplés comme dans le cas de la transmigration ne
pourraient jouer ici que dans le cadre d'espaces transfrontaliers. Dans ce
cadre, les adeptes du présidentialisme triomphant qui s'affrontent au
niveau macro politique ont privilégié les discours
xénophobes et anxiogènes sur les migrations et les
étrangers, empêchant ainsi la création d'une
identité sous régionale plurielle183.
Les migrations sous contrainte créent des conditions de
vie très artificielles, plus ou moins éphémères,
généralement dans des camps gérés par le HCR, signe
tangible de leur non-intégration dans le pays d'accueil. Une
réflexion d'ensemble sur l'Afrique centrale ne peut éluder un
questionnement sur l'avenir des populations réfugiées, et sur les
possibilités de résorption des camps, soit par des politiques de
retour, soit par des politiques d'intégration. Tous les pays de la
sous-région sont concernés car ils ont tous été
affectés, à des degrés divers, par ces chassés
croisés transfrontaliers de populations en fuite. Les migrations
lointaines, en direction des pays riches, concernent plutôt la frange
aisée de la population, issue de la classe politique, du monde des
affaires, des milieux intellectuels. Les diasporas sont constituées
de
183 Chrysantus AYANGAFAC, 2008, « The Political Economy
of Regionalisation in Central Africa », cité par le Premier rapport
d'évaluation stratégique sous régionale du PNUD, Mars
2017.
112
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
populations disposant d'un capital culturel sans commune
mesure avec les migrants restés dans la région184. Les
migrations régionales, conséquences de la pauvreté et des
conflits, impliquent surtout les petites gens, paysans, soldats et autres
mercenaires qui dans leur diffèrent déplacements peuvent
contribuer à rendre instables les sociétés qui les
accueillent.
Paragraphe 2: Les obstacles aux politiques publiques de
gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale
Dans tout Etat, et pas seulement en Afrique, l'enjeu central
de la compétition politique reste « le partage du gâteau
national ». La différence avec les systèmes politiques
occidentaux, c'est qu'en raison de la patrimonialisation de l'Etat africain, la
compétition pour les ressources est beaucoup plus immédiate et
directe185. Les sociétés africaines étant
foncièrement plurielles, la diversité pose des problèmes
de gouvernance politique et de gestion sociale dans tous les domaines.
N'étant pas homogènes, elles produisent certes des idées
progressistes, mais aussi des tendances régressives186. Les
interactions entre l'État d'un côté, et la
société et les différents groupes qui la composent de
l'autre deviennent de ce fait essentielles pour gérer la
diversité. Cela ne va pas sans toutefois rencontrer des obstacles qu'il
convient de relever. Ceux-ci peuvent être de nature politique(A),
économique(B), ou socio-culturel (C).
A- Les obstacles politiques à la gestion de la
diversité culturelle en Afrique Centrale
La décolonisation en Afrique a produit des
régimes et des systèmes politiques à la fois faibles et
très centralisés, peu désireux ou incapables de remporter
le soutien d'une population politiquement, socialement et culturellement peu
soudée par le projet de construction d'un État-nation. L'Afrique
cultive depuis longtemps le présidentialisme, un système de
pouvoir
184 Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD), Département pour le développement international, Institut
pour la justice et la réconciliation (IJR) et Institut de recherche et
de dialogue pour la paix, Kigali, 2010.
185 Jean-François MEDARD, « Autoritarismes et
démocraties en Afrique noire » in Politique Africaine no
43, 1991, P. 92-104.
186 Maurice KAMTO, « Le droit des peuples à
disposer d'eux même : entre fétichisme idéologique et
glissements juridiques », Annuaire Africain de droit international,
vol 14, n°1, 2006, PP.219-243.
113
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
fortement personnalisé, qui trouve nombre de ses
célèbres représentants en Afrique centrale187.
Dans ces États où les pouvoirs économiques et politiques
se concentrent dans les mains de la minorité dirigeante, la
rébellion devient le moyen de revendication le plus efficace. Celles-ci
se traduisent le plus souvent par des guerres civiles ou par des conflits
opposant des gouvernements à des groupes rebelles dont l'unique ambition
est le contrôle du pouvoir politique188.
La mauvaise gouvernance semble laisser passer l'État
comme un acteur d'insécurité pour la population civile
jugée indésirable, nuisible ou dangereuse.189. En
effet, l'organisation de l'État en Afrique Centrale est un enjeu
politique, et une sorte de marchandise autour de laquelle gravitent les
gouvernants et les fonctionnaires exploitant la faiblesse du système
à leur propre profit. Comme partout en Afrique, l'État en Afrique
centrale a été bâti sur un modèle d'administration
très centralisé à la tête de l'État avec une
concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif, le chef de
celui-ci étant par ailleurs chef du parti au pouvoir. Malgré des
textes et des discours prônant la décentralisation,
l'autonomisation des collectivités territoriales et des organisations
politiques est perçue comme un risque d'affaiblissement du pouvoir
central avec comme conséquence majeure la perte de ses « rentes
» et autres avantages au profit des « autres ».
L'Afrique centrale presque dans son entièreté
s'était plongée après les indépendances dans une
forme de compétition politique entre les partis politiques ou les
classes sociales qui privilégiaient la force comme principal moyen
opératoire. Ainsi, plusieurs foyers de tensions se sont
déclarés : Il s'agit de l'Angola, du Burundi, de la Centrafrique,
du Congo Brazzaville, de la RDC, du Tchad ou de la RCA. Ces changements sont
aussi bien l'oeuvre des militaires que des civils. La récurrence des
conflits due à la course au pouvoir peut s'expliquer à travers
les propos de l'ancien Secrétaire général des
Nations-Unies, Kofi ANNAN: « L'État postcolonial, n'a pas
renoncé aux mécanismes d'asservissement mis en place par
l'État
187 Francis IKOME, Personnalisation of power, postregimes
instability and human insecurity in Central Africa, Institute of insecurity
studies of South Africa, cité par le Rapport du PNUD, L'Afrique
Centrale, une région en retard,; Mars 2017.
188 Jean-François BAYART, Idem.
189 Alain DUBRESSON et Jean-Pierre RAISON, L'Afrique
subsaharienne : une géographie du changement, Armand Colin, Paris,
1998. p. 32-37.
114
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
colonial, mise en place de classes prédatrices qui
aggravent la lutte pour le contrôle des moyens de l'État
»190.
Le sentiment selon lequel le pouvoir politique est
dominé par les membres d'un seul groupe peut être facteur de
tensions et d'instabilité. Or l'on sait depuis ARISTOTE que les lois
fortes protègent les plus faibles, que l'affaiblissement du règne
de la loi favorise les plus puissants, et que les sociétés
où le contrôle social est défaillant fragilisent les plus
vulnérables. Ceci est particulièrement important dans les
sociétés qui sont soumises à des tensions et
revendications, ou qui sortent d'un conflit ou d'une crise, car cela montre que
tous les groupes de la société, aussi bien ceux qui
détenaient auparavant le pouvoir que ceux qui ont pu se trouver exclus
des structures politiques sont représentés et peuvent jouer
pleinement leur rôle dans l'élaboration des décisions les
concernant. La participation effective et véritable de tous les groupes
à la vie politique peut être un élément
déterminant pour éviter les conflits violents.
Les turbulences et violences politiques qui affectent
cycliquement une partie de l'Afrique Centrale sont aussi un symptôme des
mutations et ajustements qui traversent les sociétés africaines
confrontées à diverses contraintes internes aux cours de ces
dernières décennies: Aspirations démocratiques, demandes
d'autonomie politique pour motifs identitaires ou pour un meilleur partage des
ressources, défis d'une adaptation au contexte de la mondialisation
(dérégulation, questionnement et redéfinition du
rôle de l'État). Ce schéma confrontant les acteurs locaux
à l'État national en crise se trouve également
travaillé par la montée de réseaux transnationaux
(diasporas, entreprises multinationales notamment minières et
pétrolières, puissances régionales ou internationales)
organisés dans un jeu complexe d'alliances ou d'allégeance en
tensions pour la conquête de ressources ou la redéfinition des
rapports d'influence.
Les institutions étatiques dont les actions devraient
être impartiales pour garantir l'égalité de tous devant la
loi sont dès lors occultées. Elles perdent leur rôle
d'équilibre des pouvoirs pour servir le monarque. Le contrôle de
l'appareil de l'État est pour les forces politiques un enjeu
stratégique de lutte pour le pouvoir dans la mesure où
l'État est un acteur économique
190 Koffi ANNAN, « Les causes des conflits et la
promotion d'une paix et d'un développement durable en Afrique »,
Rapport ONU, New York, mai 1998.
115
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
prépondérant, créant des monopoles dans
des secteurs économiques clés dont les entreprises publiques
entretiennent le mythe de l'État providence191.
B- Les obstacles économiques à la gestion
de la diversité culturelle
De nombreuses études révèlent que
l'Afrique centrale enregistre la plus forte population vivant sous le seuil de
pauvreté de toutes les sous-régions africaines. Les
conséquences tragiques de ces taux de pauvreté
élevés sur le développement humain apparaissent
également dans les données disponibles. En Afrique centrale, et
comme souvent ailleurs, l'extrême pauvreté et le
sous-développement voisinent avec des ressources naturelles
abondantes192. Les pays d'Afrique centrale obtiennent
également de très mauvais résultats en ce qui concerne les
indicateurs de gouvernance et de fragilité: La corruption, le
contrôle des richesses nationales par les acteurs politiques, les faveurs
politiques et la cooptation sont fréquents dans nombre de ces pays,
entraînant une mauvaise répartition du pouvoir et de fortes
inégalités, qui à leur tour empêchent la population
de tirer parti des possibilités du progrès économique et
de renforcement de leurs capacités humaines. La plupart des pays de la
région sont toutefois tributaires des secteurs minier et
pétrolier, qui tirent parti de l'abondance des ressources
minérales et des réserves d'hydrocarbures. Le Cameroun, la
Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la
République démocratique du Congo, la République du Congo
et le Tchad figurent au bas du classement des indices de gouvernance de
Transparency International et de la fondation Mo Ibrahim. L'espace politique
fermé et la tendance à la corruption du secteur public sont
notamment dans le viseur de ces indices193.
En outre, la redistribution des ressources économiques
entre les différents groupes sociaux en Afrique Centrale est susceptible
d'entrainer des tensions, troubles et/ou conflits. En effet, la mauvaise
répartition des richesses nationales est à l'origine d'un
sentiment de frustration et d'exclusion que peuvent ressentir les groupes
sociaux dits minoritaires. Les demandes
191 Jean François MEDARD, États d'Afrique
noire : Formation, mécanisme et crise, Paris, L'Harmattan, 1990, P.
405.
192 L'Afrique centrale, une région en retard
?, Premier rapport d'évaluation stratégique sous
régionale du PNUD, Mars 2017.
193 PNUD, 2013, Rapport intitué « Strategy for
Supporting Sustainable and Equitable Management of the Extractive Sector for
Human Development ». Disponible en anglais à l'adresse :
http://www.undp.org/
content/undp/en/home/librarypage/poverty-reduction/inclusive development.
116
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
démocratiques exacerbées notamment par la crise
des ajustements au début des années 1990 n'ont pas
contribué partout à la pérennisation d'une gouvernance au
service des populations.
La fragilité de l'État a notamment
été accentuée par les politiques d'ajustements structurels
imposées par le FMI et la Banque mondiale au cours des années
1980. Ces mesures d'austérité et de rigueur comptable, en
recommandant notamment une baisse drastique des dépenses publiques ont
retiré à la plupart des appareils gouvernementaux les moyens de
mener de véritables politiques publiques ainsi que leur capacité
de redistribution. Cette carence dans la gestion politique et
socio-économique du territoire est une source d'instabilité et un
facteur de fragmentation de l'espace national. Il en résulte dans bien
des cas une rupture du monopole de la violence légitime,
alimentée par une démultiplication d'acteurs concurrents à
l'État : Groupes armés, milices, réseaux criminels
nationaux, régionaux ou internationaux, etc194.
A n'en point douter, le faible niveau économique des
Etats de la sous-région Afrique Centrale constitue un obstacle majeur
à l'implémentation des politiques publiques de gestion de la
diversité culturelle. Dans la majorité des cas, ce faible niveau
économique déstabilise l'équilibre sociétal en
construisant auprès des groupes sociaux l'idée suivant laquelle
la pauvreté et le chômage des jeunes est dû à
l'inégale répartition des richesses nationales entre le centre et
la périphérie. Celles-ci seraient l'objet d'un accaparement par
une sorte d'« élites prévaricatrices » peu
soucieuses des populations paupérisées et laissées pour
compte195. Ces distorsions observées dans
l'inégale répartition du « gâteau national »
est très souvent source de frustration, susceptible
d'entraîner des revendications politiques et sociales auprès des
jeunes qui pour la plupart, sont en proie à un chômage
diachronique quoique très souvent diplômés de
l'enseignement supérieur. Un tel climat social ne saurait être
favorable à faire place à une implémentation sereine des
politiques publiques favorables à la diversité culturelle.
En sus, ces tensions latentes sont portées en substrat
par des revendications bien plus orientées vers des
considérations d'ordre ethnique, religieux, ou culturel, comme c'est
actuellement le cas en République Centrafricaine avec l'accord de paix
torpillé par les différents groupes et chefs rebelles qui
refusent de l'appliquer sous prétexte de ce qu'il ne serait pas assez
194 Ibrahima GASSAMA, « Les politiques d'ajustement
structurel et leurs conséquences sur les crises sociales en Afrique
», Center blog, 4 avril 2008.
195 Jean François BAYART, Idem.
117
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
représentatif des différents
intérêts de l'ensemble des communautés socio-culturelles ou
religieuses de l'Etat.
C- Les obstacles socio-culturels à la gestion de
la diversité culturelle
Les sociétés d'Afrique Centrale se
caractérisent notamment par une forte croissance démographique et
une population majoritairement jeune. 45% de la population a moins de 15 ans,
et 75 % a moins de 30 ans. La pauvreté touche près de 50% de
cette population. Cependant, l'exercice du pouvoir reste principalement aux
mains des aînés et le leadership tarde à se renouveler,
entrainant un déséquilibre
générationnel196.
Sur le plan socioculturel, l'évolution de certains
conflits en Afrique Centrale pourrait être abordée sous l'angle du
conflit générationnel et celui de la rupture du contrat social
entre les «cadets sociaux » et les
aînés197. L'effondrement du système
éducatif et des institutions publiques dans nombre de pays laisse sans
perspective d'avenir une majeure partie de la jeunesse et favorise la
montée d'une culture politique intolérante en rupture avec les
modes de lutte civique pacifiques. Une incapacité à assurer ces
besoins crée dans le pays un « écart d'aptitude »
ou « écart de capacité »198.
Confrontés aux inégalités croissantes du fonctionnement de
l'État et de la société, une partie de la jeunesse remet
radicalement en question la légitimité des institutions
étatiques et se tournent vers l'idéal «
égalitariste » et l'espoir d'un « autre avenir »
incarnés par les bandes armées et les mouvements religieux
sectaires qui écument les territoires étatiques199.
Les systèmes de conflits en Afrique Centrale s'appuient
également sur un contexte de pauvreté et de chômage de
masse, notamment de la catégorie des jeunes, ce qui favorise
196 Selon le descriptif de programme de pays du PNUD pour la
RDC, le chômage concerne les deux tiers de la population en âge de
travailler, principalement les jeunes, alimentant les fortes
inégalités dans le pays. La baisse du taux de chômage des
jeunes constitue l'un des trois facteurs déterminants pour l'avenir de
la RDC. Le descriptif de programme de pays pour le Cameroun précise que
le sous-emploi chronique touche 76 % de la population. En République du
Congo, le taux de chômage des moins de 30 ans atteint 42,2 %. Enfin, les
descriptifs des programmes de pays pour la République centrafricaine, le
Tchad et la Guinée équatoriale mentionnent tous la
nécessité de faire de la création d'emplois une
priorité.
197 Philippe HUGON, « L'économie des conflits en
Afrique », in Revue internationale et stratégique, n°
43, 2001, p. 152-169.
198 Ibrahima GASSAMA, idem
199 Alain DUBRESSON et Jean-Pierre RAISON, Op. Cité.
118
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
l'enrôlement dans les milices, groupes armés et
autres réseaux criminels. Ce contexte est marqué par la
résurgence ou l'instrumentalisation des référents
identitaires, communautaires porteurs d'un risque supplémentaire de
fractionnement et de tensions sociales. La montée des nouvelles
religiosités et des radicalismes des mouvements tels que Boko Haram au
Tchad et au Cameroun s'inscrit dans ce contexte de crise des «
encadrements »200.
Les sociétés de la sous-région sont
fortement inégalitaires dans l'accumulation du capital social, ce qui
accentue la division entre les pauvres peu éduqués et riches
fortement éduqués. La pauvreté y est légion, et se
transmet de génération en génération selon un
cercle vicieux d'inégalités persistances et d'exclusion sociale
qui finissent par exacerber les tensions et les crises dans l'exploitation, la
gestion et la redistribution des fruits de la croissance. Cette fracture
sociale devient de ce fait source d'inégalités, car elle provoque
des tensions politiques entre les groupes, les groupes les plus influents
conservant alors toutes les chances de l'emporter.
200 Selon A. DUBRESSON et J.-P. RAISON, les encadrements sont
d'ordre divers : système de parenté, structures politiques,
religion, les langues, l'écriture ou la culture au sens large.
« La crise des institutions modernes provoque soit un retour aux
sources soit une adhésion à des encadrements nouveaux, de la
bande guerrière à la secte religieuse ou à l'association
des originaires ». Op. Cité, P. 132.
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
119
CONCLUSION GENERALE
120
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
L'objectif de ce travail a consisté à
répondre à la question de savoir comment les Etats d'Afrique
Centrale gèrent la diversité culturelle dans la perspective de la
construction de la paix. En mettant en avant les instruments de politiques
publiques qui sont mobilisés à cette fin, nous avons
essayé d'illustrer l'idée suivant laquelle la construction d'une
véritable paix durable reste liée à la rapidité
avec laquelle ces différentes politiques publiques mettent au-devant de
la scène les groupes sociaux considérés comme
minoritaires, ainsi que leur insertion au sein du débat public sur la
démocratisation des sociétés dans lesquelles ils
s'insèrent.
Sous ces auspices, s'il est une leçon à tirer
des crises politiques et des mouvements sociaux de ces dernières
années, c'est que les États en Afrique Centrale et leurs
sociétés doivent se rencontrer à nouveau autour de la
définition d'un vivre-ensemble partagé, inclusif et dynamique. Au
bout du compte, le défi majeur de la paix en Afrique centrale est la
construction de l'État et le renforcement de la démocratie
intégrative et participative, ainsi que l'invention d'un nouveau pacte
républicain débarrassé de tout stéréotype
fondé sur la prise en compte de la diversité culturelle et des
avatars du sous-développement. Pour ce faire, il importe de partir du
caractère intrinsèquement pluriel de toute société
où cohabitent des acteurs, aux besoins et aux conceptions du monde
variés. Dans cette diversité se définit l'adhésion
à l'État, et se construit sa légitimité. Ce qui
revient à considérer la bonne gouvernance comme un
élément central de la stabilité et de l'équilibre
sociétal.
Les débats sur la gouvernance au sein de nos
sociétés africaines continueront donc d'approfondir notre
analyse, et surtout élaborer des propositions pour une approche
plurielle des politiques publiques qui constituent un enjeu majeur de la
gouvernance démocratique dans les décennies à venir. On le
sait avec Guy HERMET qui nous le révèle assez clairement dans son
ouvrage Culture et développement, une politique publique
inadaptée peut aboutir à des effets de nuisance: «
Développement et changement sont synonymes, tous deux risquant
d'échouer ou de briser le ressort du milieu touché s'ils ne
s'intègrent pas dans son univers mental et social (...) Les bienfaits
non négociés et mal adaptés risquent d'être mal
reçus, voire d'apparaître comme des nuisances aux yeux de ceux qui
sont censés en bénéficier ».
Ouvrant à la prise en compte de la complexité
des sociétés dans ce qu'elles ont de plus intime, la conception
du vivre ensemble partagé par cette réflexion dans une dynamique
interculturelle peut donc porter à bien des raccourcis
théoriques, philosophiques, politiques et techniques conduisant aux
mêmes impasses que celles dont elles sont censées sortir. Cette
place prééminente accordée à l'État ne peut
néanmoins être légitime que dans le contexte d'un
État
121
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
qui autorise, favorise voire incarne la prise en compte de la
diversité culturelle dans son action politique. La
nécessité de ne pas tomber dans la conception d'un modèle
prédéfini en opérationnalisant «l'État
pluriel» doit s'effectuer dans un souci de pragmatisme et
d'adaptation aux contextes particuliers de la diversité, et ce de
manière évolutive. C'est là une condition pour que
l'action publique menée dans ce sens ne se retrouve pas en
décalage avec les réalités sociales. Chaque État
doit dès lors être à l'écoute de la diversité
de sa société, et réévaluer en permanence la forme
et les modalités de son interaction avec les différentes
régulations qui la composent. C'est en cela aussi qu'il conserve sa
légitimité de garant de l'intérêt
général. Les Etats d'Afrique Centrale gagneraient bien à
s'en souvenir.
122
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
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diversité en Afrique, note conceptuelle de la
Commission économique pour l'Afrique, Addis-Abeba,
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diversité en Afrique, note conceptuelle de la
Commission économique pour l'Afrique, Addis-Abeba,
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culturelle, une tendance confirmée au 21ème
Siècle.
- UNESCO, Les fondements endogènes d'une
culture de la paix en Afrique, mécanismes
traditionnels de
prévention et de résolution des conflits (lectures critiques),
Revues françaises de sciences politiques, Vol.n°48, N° 3-4,
Juin-août 1998.
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
- UPA, Stratégies de prévention
et de résolution des conflits et d'établissement de la paix
de l'Union Parlementaire Africaine sur « le
rôle des Parlements africains dans la mobilisation des efforts des
gouvernements et des peuples en vue de mettre fin à toutes les formes de
violences et des conflits armés sur le continent africain »,
36ème Conférence de l'UPA réunie à Libreville
du 7 au 8 Novembre 2013.
V-TEXTES JURIDIQUES ET CONVENTIONS DES
ORGANISATIONS
INTERNATIONALES
-
|
Charte culturelle de l'Afrique (1981), adoptée en Juin
1981.
|
- Déclaration islamique sur la diversité
culturelle, (2004), adoptée par la 4ème
Conférence islamique des Ministres de la culture
réunie à Alger.
- Organisation internationale de la Francophonie, (2014),
Mécanismes des Systèmes
d'alerte : Contribution à une
Comparaison Internationale, Centre de Recherche sur la Paix, Institut
Catholique de Paris.
- UNESCO, (1946), Acte constitutif
- UNESCO, (2002), Déclaration universelle
sur la diversité culturelle.
- UNESCO, (2010), Investir dans la
diversité culturelle et le dialogue interculturel.
132
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Table des matières
DEDICACE Erreur ! Signet non défini.
REMERCIEMENTS Erreur ! Signet non
défini.
RESUME Erreur ! Signet non défini.
ABSTRACTS Erreur ! Signet non défini.
SIGLES ET ABREVIATIONS Erreur ! Signet non
défini.
INTRODUCTION GENERALE Erreur ! Signet non
défini.
1- DEFINITION DES CONCEPTS Erreur ! Signet non
défini.
A-Les politiques publiques Erreur ! Signet non
défini.
B- La gestion de la diversité culturelle Erreur !
Signet non défini.
C-La construction de la paix Erreur ! Signet non
défini.
2- REVUE DE LA LITTERATURE. Erreur ! Signet non
défini.
3- PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE Erreur ! Signet non
défini.
4- BLOC DES HYPOTHESES Erreur ! Signet non
défini.
A-Hypothèse principale Erreur ! Signet non
défini.
B-Hypothèses connexes Erreur ! Signet non
défini.
5- INTERET DE L'ETUDE Erreur ! Signet non
défini.
A-Intérêt scientifique Erreur ! Signet non
défini.
B-Intérêt pratique Erreur ! Signet non
défini.
6-PRESENTATION DU CHAMP D'ANALYSE Erreur ! Signet non
défini.
A-Délimitation temporelle Erreur ! Signet non
défini.
B-Délimitation spatiale Erreur ! Signet non
défini.
7- CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES Erreur ! Signet non
défini.
A-Les méthodes d'analyse Erreur ! Signet non
défini.
1-L'analyse cognitive des politiques publiques Erreur !
Signet non défini.
2- L'institutionnalisme sociologique Erreur ! Signet non
défini.
B-Les techniques de collecte de données Erreur !
Signet non défini.
1-La recherche documentaire Erreur ! Signet non
défini.
2-L'entretien Erreur ! Signet non
défini.
PREMIERE PARTIE: CONTEXTE, ET DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL
DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE ....
Erreur ! Signet non défini.
CHAPITRE 1: CONTEXTE ET ENJEUX DE LA DIVERSITE
CULTURELLE DANS LES
PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE
CENTRALE Erreur !
Signet non défini.
133
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Section 1: Les champs et les répertoires de la
diversité culturelle en Afrique Centrale
Erreur ! Signet non défini.
Paragraphe 1: La diversité ethnique en Afrique Centrale
Erreur ! Signet non défini.
A-L'aire ethnoculturelle et la diversité originelle en
Afrique Centrale Erreur ! Signet
non défini.
B-La colonisation et la diversification des groupes ethniques
Erreur ! Signet non défini.
Paragraphe 2: La diversité religieuse en Afrique
Centrale Erreur ! Signet non défini.
A-La trame du pluralisme religieux Erreur ! Signet non
défini.
B-De la cohabitation religieuse en Afrique Centrale
Erreur ! Signet non défini.
Paragraphe 3: La diversité linguistique en Afrique
Centrale Erreur ! Signet non défini.
A-La mosaïque et les assises linguistiques Erreur !
Signet non défini.
B-De la coexistence à la cohabitation linguistique
Erreur ! Signet non défini.
Section 2: Les enjeux de la diversité culturelle dans
l'exacerbation de la conflictualité en
Afrique Centrale Erreur ! Signet non
défini.
Paragraphe 1: La diversité culturelle comme
source des tensions et des crises en
Afrique Centrale Erreur ! Signet non
défini.
A-La diversité culturelle, source d'exclusion et de
désintégration: La dichotomie entre
autochtones, étrangers et halogènes Erreur
! Signet non défini.
B- L'instrumentalisation de la diversité culturelle dans
le déclenchement des tensions et
des conflits en Afrique Centrale Erreur ! Signet non
défini.
Paragraphe 2: La diversité culturelle comme
une entorse à la paix et au vivre-ensemble
en Afrique Centrale Erreur ! Signet non
défini.
A-La diversité culturelle comme catalyseur des tensions
et des inégalités sociales
Erreur ! Signet non défini.
B - La diversité culturelle, un handicap
plutôt qu'un atout pour la paix en Afrique
Centrale Erreur ! Signet non défini.
CHAPITRE 2: LE DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE
LA GESTION DE LA
DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE Erreur ! Signet
non défini.
Section 1: Le cadre normatif des politiques de
gestion de la diversité culturelle en Afrique
Centrale Erreur ! Signet non défini.
A-Les textes généraux sur les Droits de l'Homme
Erreur ! Signet non défini.
B-Les textes et déclarations sur la diversité
culturelle Erreur ! Signet non défini.
C- Au niveau continental et communautaire Erreur !
Signet non défini.
Paragraphe 2- Le droit interne des Etats et l'aménagement
des normes en faveur des
groupes minoritaires Erreur ! Signet non
défini.
A-Les dispositions constitutionnelles et l'encrage des groupes
minoritaires Erreur !
Signet non défini.
Le préambule constitutionnel et la consécration des
groupes et composantes socio-
culturels spécifiques Erreur ! Signet non
défini.
134
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
La prise en compte de la diversité culturelle dans le
corpus constitutionnel des Etats de la
sous-région Erreur ! Signet non
défini.
B- Les normes législatives et règlementaires
relatives à l'encadrement et la protection des
groupes socio-culturels spécifiques Erreur !
Signet non défini.
Paragraphe 1 : Le dispositif institutionnel de la
gestion de la diversité culturelle à
l'intérieur des Etats Erreur ! Signet non
défini.
A-Le dispositif institutionnel à l'intérieur des
Etats Erreur ! Signet non défini.
Paragraphe 2 : Les outils du dispositif communautaire de la
gestion de la diversité
culturelle dans l'espace CEEAC Erreur ! Signet non
défini.
A-Les initiatives et le plaidoyer communautaires en faveur de la
diversité culturelle
Erreur ! Signet non défini.
B- Les droits et libertés consacrés en faveur des
groupes minoritaires Erreur ! Signet
non défini.
DEUXIEME PARTIE: IMPLEMENTATION ET LIMITES DES POLITIQUES
PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LES PROCESSUS
DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE Erreur !
Signet non
défini.
CHAPITRE 3: LES STRATEGIES ET MECANISMES D'IMPLEMENTATION DES
POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN
AFRIQUE CENTRALE Erreur ! Signet non
défini.
Section 1: Les mécanismes et
procédés politico-administratifs de la gestion de la
diversité
culturelle en Afrique Centrale Erreur ! Signet non
défini.
Paragraphe 1 : Les mesures politico-administratives de
la gestion de la diversité
culturelle en Afrique Centrale Erreur ! Signet non
défini.
A-La gouvernance locale Erreur ! Signet non
défini.
B. La décentralisation et le développement local
87
Paragraphe 2 : Les techniques de discrimination positive et les
politiques de quota 88
A- Les techniques de discrimination positive .88
B- Les politiques de quota 89
Paragraphe 2: Les stratégies d'implémentation de la
diversité culturelle en Afrique
Centrale Erreur ! Signet non défini.
A-Le multiculturalisme comme nouvelle réponse des
politiques publiques de gestion de
la diversité en Afrique Centrale Erreur ! Signet
non défini.
B- L'interculturalisme comme stratégie de valorisation de
la différence en Afrique
Centrale Erreur ! Signet non défini.
CHAPITRE 4: LES LIMITES ET OBSTACLES À L'IMPLEMENTATION
DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LA
CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE. Erreur !
Signet non défini.
Section 1: Les limites liées au cadre juridique et
institutionnel Erreur ! Signet non défini.
135
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Paragraphe 1: Les limites et les insuffisances des
politiques nationales de gestion de la
diversité culturelle en Afrique Centrale Erreur !
Signet non défini.
A-La désarticulation des politiques publiques au
sein des environnements socio-
culturels complexes Erreur ! Signet non
défini.
B-L'indifférence et la non prise en compte des
politiques sectorielles relatives à la
diversité culturelle Erreur ! Signet non
défini.
Paragraphe 2: Les limites liées à
l'ineffectivité des textes juridiques et des bases
institutionnelles Erreur ! Signet non
défini.
A-L'ineffectivité des textes juridiques et des bases
institutionnelles Erreur ! Signet non défini.
B. L'effritement de la conscience collective et la
méconnaissance des enjeux de la
diversité culturelle en contexte multiculturel et
pluriel Erreur ! Signet non défini.
Section 2: Les clivages et obstacles aux politiques de
gestion de la diversité culturelle en
Afrique Centrale Erreur ! Signet non
défini.
Paragraphe 1: Les clivages et les risques liés
à l'implémentation des politiques de
gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale
Erreur ! Signet non défini.
A-Les risques liés à l'accentuation des
particularismes Erreur ! Signet non défini.
B-Les clivages liés à la mondialisation, les
mouvements et les flux migratoires . Erreur ! Signet non
défini.
Paragraphe 2: Les obstacles aux politiques publiques
de gestion de la diversité en
Afrique Centrale Erreur ! Signet non
défini.
A- Les obstacles politiques à la gestion de la
diversité culturelle en Afrique Centrale
Erreur ! Signet non défini.
B-Les obstacles économiques à la gestion de la
diversité culturelle ... Erreur ! Signet non
défini.
C-Les obstacles socio-culturels à la gestion de la
diversité culturelle Erreur ! Signet non
défini.
CONCLUSION GENERALE Erreur ! Signet non
défini.
BIBLIOGRAPHIE Erreur ! Signet non
défini.