3. L'UNITE DE LA VIA LUCIS
3.1. UNE HISTOIRE
L'ordre de la narration suit le rythme du temps cyclique : de
l'aube du jour de la Pâque du Christ jusqu'à la tombée de
la nuit. Les personnages sont le Ressuscité, les anges, Marie,
mère de Jésus, des femmes, des disciples de Jésus. Le
cadre narratif est le tombeau vide hors les murs de Jérusalem, le
Cénacle, le lac de Tibériade, une montagne, Jérusalem. Le
champ lexical est sapientiel : les Ecritures, le sens des Ecritures,
l'intelligence des Ecritures, les yeux, voir, reconnaître Jésus,
le reconnaître Maître, Messie, Seigneur et Dieu,
évangéliser. Il est question des pensées et des sentiments
des disciples : l'effroi sacré, le doute, la joie. Le champ lexical est
aussi liturgique : la fraction du pain, remettre les péchés,
baptiser, prier.
Les trois premières stations de la Via Lucis
ont pour thème la découverte du tombeau vide avec comme
cadre narratif l'extérieur de l'enceinte fortifiée de la ville de
Jérusalem, sur le mont Golgotha. La Première station met en
présence, à l'aube, les Saintes femmes et un ange (Mt 28,5-6) ou
deux (Lc 24,1-9). A la Deuxième station, ce sont Simon et l'autre
disciple qui vont voir le sépulcre (Jn 20,3-9). A la
Troisième station, le Ressuscité apparaît à Marie de
Magdala (Jn 20,11-18). Les Quatrième et Cinquième stations
concernent la rencontre des disciples d'Emmaüs avec le Ressuscité,
d'abord sur la route qui vient de Jérusalem à Emmaüs puis,
le soir venu, dans une maison jusqu'à ce qu'ils le reconnaissent
à la fraction du pain (Lc 24,13-27. 28-35).
Les Sixième (Lc 24,36-43), Septième (Jn
20,21-23) et Huitième (Jn 20,24-29) stations se déroulent dans le
cadre du Cénacle. A la Sixième station, le Crucifié
ressuscité
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dût prouver à ses disciples de plusieurs
manières la réalité de sa corporéité : en
montrant ses plaies et en leur proposant même de les toucher, puis en
leur demandant à manger du poisson grillé. A la Septième
station, le Ressuscité communique la paix messianique en insufflant aux
apôtres la puissance miséricordieuse de l'Esprit Saint pour qu'ils
puissent, en Eglise, pardonner les péchés. A la Huitième
station, de nouveau le Ressuscité se montre comme le Crucifié
pour Thomas qui avait des difficultés à croire sur le
témoignage des apôtres. Finalement, Thomas s'écrie : «
Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20,28). Ce témoignage de foi,
à titre individuel, est la première reconnaissance par un
disciple de la divinité de Jésus. Thomas proclame que
Jésus ressuscité est le Seigneur-Dieu et qu'il est son Seigneur
et qu'il est son Dieu. Auparavant, il y avait eu la profession de foi de
Simon-Pierre qui avait proclamé que Jésus était « le
Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,15-19). C'est à ce
moment-là que Jésus avait dit à Pierre qu'il serait la
pierre de fondation de l'Eglise, qu'il aurait le pouvoir de lier et
délier sur la terre et que cela serait de même
lié ou délié dans le Royaume des Cieux
dont il aurait les clefs.
La Neuvième station est l'apparition au bord du lac de
Tibériade avec la pêche miraculeuse. Le disciple que
Jésus aimait s'écrie spontanément : « C'est le
Seigneur ! ». A la Dixième station (Jn 21,15-17), le
Ressuscité fait la triple demande à Simon sur l'amour qu'il lui
porte : « M'aimes-tu ? ». Aux deux premières formulations de
la même question (15-16), le verbe aimer est en grec
?ãáðáù et la réponse est faite
par le verbe öéëåù. A la
troisième demande, la question est formulée avec le verbe
öéëåù (17)98car Simon ne
semble pas pouvoir accéder au degré d'amour auquel correspond
öéëåù et le Seigneur ne demande pas plus
que ce que Simon peut donner. Cette triple demande d'amour correspond-elle
simplement au triple reniement de Pierre, ou bien est-ce que le degré
d'amour que Simon peut porter au Seigneur Jésus est en relation avec la
mission qui va lui être confiée de paître le troupeau du
Seigneur ?
L'amour porté à Jésus semble avoir une
très grande importance dans cette histoire : il y a le disciple que
Jésus aimait qui reconnaît immédiatement le Seigneur
et il y a Pierre à qui le Seigneur ressuscité doit frapper trois
fois à la porte du coeur et encore, sans tout-à-fait pouvoir
l'ouvrir. Et il y a Marie de Magdala à qui le Maître est apparu en
premier et qui doit la repousser parce qu'elle veut se jeter à ses
pieds. A la Onzième station, le Ressuscité envoie
98 SOEUR JEANNE D'ARC, Evangile selon Jean,
« Les Evangiles », Paris, Les Belles Lettres, 1990, 139.
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les apôtres, qui sont désormais en collège
hiérarchisé, dans le monde pour évangéliser et
baptiser « au Nom du Père et du Fils et de l'Esprit Saint »
(Mt 28,19-20 ; Mc 16,15-18).
La Douzième station est l'Ascension du Seigneur. La
Treizième station est le temps de l'attente de l'Esprit Saint pour
l'Eglise de Jérusalem réunie dans la prière, hommes et
femmes disciples de Jésus autour de Marie, sa mère. C'est le
temps de l'Histoire de l'Eglise qui commence avec les Actes des Apôtres.
Le commentaire qui est donné de la Quatorzième station dans
Pèlerins en prière, Pour le Jubilé de l'Année
sainte 2000 est celui-ci : « Dans la salle où ils
étaient réunis le jour de la Pentecôte, passe le vent de
l'Esprit, qui est le souffle divin qui se répand sur les disciples du
Christ ressuscité. S'allume aussi le feu de l'amour, qui
réchauffe le coeur des croyants et les conduit dans le monde pour
témoigner de la vie, de la lumière et de l'amour de Dieu. En
mille langues, dans la diversité des cultures et des nations, l'Eglise a
ses racines à Jérusalem et sa source dans l'Esprit
Saint99 ».
Comme les pèlerins d'Emmaüs, nous avons besoin
d'entendre les Ecritures proclamées en Eglise pour qu'elles deviennent
Parole vivante du Ressuscité à nos oreilles. Comme les
pèlerins d'Emmaüs, nous avons besoin d'explications pour comprendre
le sens des Ecritures, pour qu'elles s'inscrivent dans une intelligence de la
Révélation de Dieu dans l'Histoire de l'Eglise.
Comme les pèlerins d'Emmaüs, nous avons besoin
d'un prêtre pour que, dans la liturgie eucharistique, les espèces
consacrées deviennent le signe de la présence sacramentelle du
Crucifié Ressuscité. C'est à la veille de sa Pâque
que Jésus a institué le sacrement de l'Eucharistie. C'est dans un
repas postpascal que le Ressuscité a rappelé à ses
disciples la fraction du pain. La prière de la Via Lucis
fait une très grande place aux repas avec le Ressuscité :
les Cinquième, Sixième, Septième, Huitième et
Neuvième stations. Trois stations sont situées au Cénacle,
le lieu où les disciples se réunissent le dimanche pour la
fraction du pain.
Notre Seigneur Jésus-Christ est le Grand Prêtre
au ciel qui est la Source de l'efficacité des sacrements de l'Eglise et
en premier lieu de l'Eucharistie. Le baptême est la porte d'entrée
du ciel sur la terre. La célébration eucharistique est l'acte de
rendre grâces à Dieu pour tous les biens et les bienfaits dont il
nous comble et pour le Sacrifice que son Fils
99 Pèlerins en prière, Pour le
Jubilé de l'Année sainte 2000, 215.
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Unique bien-aimé a librement consenti, ainsi que la
communion à la Table du Seigneur pour toute l'assemblée des
fidèles, communion offerte ecclésialement à tous et
à chacun, communion à la fois à la Parole de Dieu et au
Pain de Vie. Nous sommes conviés tous les dimanches à l'unique
Table de la Parole et du Pain, en agapes du festin céleste.
3.1.1. Le monde de l'au-delà
Chez Matthieu, la mort-résurrection du Seigneur
Jésus s'accompagne d'une théophanie de tremblement de terre, de
déchirement du voile du Temple et d'ouverture des tombeaux. Pour la
Pâque du Christ, le ciel est descendu sur la terre : les anges viennent
pour annoncer le kérygme et les femmes en sont les premiers
témoins. Le Seigneur Jésus a été relevé des
morts et vient se donner à voir à ses disciples proches. Il se
manifeste à plusieurs reprises, donne à manger, donne des
instructions pour la fondation de l'Eglise. Puis il est enlevé au
ciel et les anges sont encore sur terre pour expliquer ce qui se passe et
annoncer qu'il viendra de nouveau. Tout est sens dessus dessous.
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