B- La conceptualisation de l'hypothèque de la
jouissance des terres
La garantie portant sur la jouissance des terres étant
envisagée non pas séparément mais plutôt
indistinctement de l'hypothèque de droit commun, il en découle
qu'un simple copiage est fait des rigidités ainsi que des
éventuelles faiblesses de la dernière. L'assiette est
pourtant distincte. La jouissance des terres, caractérisée
souvent en « peines et soins » ou « impenses »
pour désigner les cultures, constructions et améliorations
apportées aux terres, est distincte de l'immeuble ou des terres et des
droits de propriété sur elles. Les impenses constituaient
autrefois l'assiette du nantissement. La nature de la garantie portant sur la
jouissance des terres a été appréhendée
différemment par le premier AUS de 1997, avec un léger changement
lors de la révision de 2010. Il y a à espérer un plus
grand changement lors de la prochaine révision.
Il y a nécessité d'envisager de
manière formelle c'est-à-dire prévoir dans
l'Acte uniforme OHADA organisant les sûretés un titre ou chapitre
ou même une section relative à la garantie ou l'hypothèque
de jouissance des terres avec des modes de constitution et de
réalisation plus souple. Il s'agira d'adopter des modes visant
clairement l'objectif d'efficacité, c'est-à-dire amener le
créancier à accepter telle hypothèque pour garantir le
remboursement de son crédit. Ceci permettrait de parvenir à une
situation où les crédits seront offerts aux titulaires des droits
de jouissance parce qu'il sera reconnu auxdits droits leurs réelles
valeurs économiques capitalisables.
Il est perceptible du décret du 11 août 2015
qu'il y a un renvoi, excessif, aux dispositions sur
l'hypothèque générale c'est-à-dire de l'immeuble.
Cette technique de renvoi n'est pas du tout admissible pour
l'intelligibilité et l'efficacité d'un régime
juridique274, d'une garantie de surcroit. L'autorité
décrétale qui avait bien la possibilité de déroger
auxdites règles et de créer celles adaptées à
l'hypothèque de la jouissance des terres dans les domaines a
plutôt fait autre chose. De même, le législateur OHADA qui a
choisi de n'évoquer que la possibilité de constitution d'une
hypothèque portant sur les droits réels de jouissance des terres
peut décider de séparer cette hypothèque de celle de
l'immeuble et lui organiser un régime propre. L'OHADA a fait pareil
avec les différentes sous-catégories de gages ou de
274 N. MOLFESSIS, « le renvoi d'un texte à un
autre », in Les mots de la loi, Collection « Etudes
juridiques, Economica, p.55
78
Jouissance des terres et garantie
nantissements275. D'ailleurs, cela participe de la
vie et l'évolution des garanties en général276.
En tout si la réorganisation de cette hypothèque arrivait
vraiment, elle éviterait des écueils et distorsions
observés dans la pratique et que la CCJA est aujourd'hui obligée
de corriger277.
La réformation conceptuelle de la jouissance
des terres qui constitue l'assiette de l'hypothèque spéciale et
la réformation conceptuelle de l'hypothèque spéciale
elle-même doivent s'accompagner d'une réformation fonctionnelle
c'est-à-dire d'une réorganisation et d'une optimisation de son
régime en envisageant une mise en oeuvre fonctionnellement
adéquate.
|