B- Les modes spécifiques de transmission et
d'extinction
Les spécificités de la transmission et de
l'extinction de l'hypothèque de la jouissance des terres sont
très rattachées aux caractéristiques des droits de
jouissance des terres eux-mêmes.
256 Article 15 alinéa 4 du décret de 2015. En ce
cas, il est admis que le débiteur est défaillant et les
créanciers sont d'office reconnus par l'administration comme
bénéficiant sans autre formalité des droits de jouissance
dont bénéficiaient leur débiteur. En proposant une
personne tierce qui va jouir à la place de leur débiteur, il s'en
suit que c'est à leur profit que ladite jouissance sera faite. Il s'agit
d'un mode de réalisation très particulier qui consiste à
substituer un débiteur à un autre bien qu'il s'agisse de la
réalisation d'un droit réel.
257 Article 22 alinéa 3 du décret du 11 août
2015.
258 Article 15 alinéa 2 et 18 alinéa 2 du
décret du 11 août 2015.
72
Jouissance des terres et garantie
Ce sont des droits soumis à condition, ce sont des
droits temporaires, précaires et limités. Ils ne peuvent
être facilement transférés mais ils s'éteignent plus
facilement.
La spécificité de la transmission du
droit hypothécaire constitué sur une jouissance des terres se
déduit de la possibilité donnée au créancier de
substituer un tiers au débiteur occupant ou exploitant, du domaine
public artificiel déclassé, défaillant. En effet, il
s'agit d'un transfert de droit et de l'hypothèque qui le grève.
Ce transfert pourrait constituer à la fois une modalité de
réalisation comme déjà vu mais également un mode
d'extinction de puisque le tiers peut être amené à
désintéresser directement les créanciers et donc purger
son droit de jouissance de toutes charges.
Lorsqu'il s'agit de l'hypothèque de certains droits de
jouissance des terres domaniales dont l'hypothèque n'est permise qu'en
considération du lien de la créance garantie avec la jouissance,
il reste difficile d'envisager sa transmission par voie de cession
d'hypothèque, sauf lorsque ladite créance remplit la
condition d'existence de lien de connexité avec la jouissance dont le
droit est l'assiette de la garantie.
Le caractère temporaire et même
précaire de la jouissance des terres conduit aussi à la
temporalité et à la précarité de
l'hypothèque259, c'est dire que l'hypothèque
s'éteint aussitôt que s'éteint le droit sur lequel elle
porte. En effet, ledit droit peut disparaître à tout moment
même avant l'expiration de la durée fixée.
L'hypothèque reste donc tributaire des mouvements d'extinction qui
guettent, à tout moment, les divers droits réels de jouissance
des terres. A contrario, pour l'hypothèque de l'immeuble, la
propriété étant perpétuelle, l'extinction par
caducité du droit ne peut pas être envisagée, sauf pour les
cas où l'immeuble est affecté de certaines conditions conduisant
à l'extinction sans produire ses effets260. Il ne doit pas
être perdu de vue qu'une extinction abusive du droit réel par le
propriétaire ou l'administration donne droit à indemnisation.
Cette indemnisation devient l'assiette de la garantie.
La destruction, la dégradation ou la perte des
investissements réalisés sur les terres objet de jouissance
peuvent également constituer des évènements qui
éteignent la garantie sauf lorsque des investissements sont à
nouveau réalisés et permettraient dans ce cas la
259 Article 22 alinéa 2 du décret du 11 août
2015.
260 C'est le cas de l'hypothèque d'un immeuble indivis.
Lorsqu'au moment du partage le constituant n'en est pas alloti,
l'hypothèque est considérée comme n'avoir jamais
été constituée.
73
Jouissance des terres et garantie
substitution desdits investissements à ceux
antérieurs. Il s'agirait ainsi des droits flottants. Comme
déjà signalé, l'hypothèque se reportera sur
l'indemnité d'assurance y relative261.
La jouissance des terres a des caractéristiques
déterminées qui ont rendu nécessaire leur prise en compte
dans l'organisation du régime de la garantie dont elle peut constituer
l'assiette. Au moment de sa formation, sont pris en compte la qualité de
titulaire du droit réel de jouissance et non pas celle de
propriétaire des terres. Pour la publicité, il y a l'institution
d'un registre spécial d'enregistrement des droits de jouissance des
terres et l'inscription hypothécaire devient à cet effet
possible. Des effets supplémentaires à ceux de
l'hypothèque de l'immeuble peuvent être envisagés pour
l'hypothèque de la jouissance des terres, tout comme ses modes de
transmission et d'extinction. La revue de toutes ces règles peut amener
à conclure que le régime de l'hypothèque de la jouissance
des terres est suffisamment organisé. Mais en réalité, il
n'en est pas grande chose, il y a d'insuffisances et inadaptations multiples
que le législateur gagnerait à aborder en vue de l'adaptation du
droit des biens aux réalités relatives à la
propriété, à la possession et aux formes de jouissance
d'une part. D'autre part, il faudrait aussi adapter le droit des garanties
à ses propres réalités et aux évolutions du droit
des biens déjà évoqué.
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