![](Jouissance-des-terres-et-garantie7574981.png)
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II
************
FACULTY OF LAW
AND POLITICAL
SCIENCES
************
DEPARTMENT OF LEGAL THEORY,
LEGAL
EPISTEMOLOGY AND COMPARATIVE
LAW
UNIVERSITE DE YAOUNDE II
************
FACULTE DES
SCIENCES JURIDIQUES ET
POLITIQUES
************
DEPARTEMENT DE THEORIE
DU DROIT,
D'EPISTEMOLOGIE JURIDIQUE ET DE
DROIT COMPARE
***********
***********
BP : 1365 Yaoundé, BP : 18 Soa
P.O Box : 1365 Yaoundé, P.O Box : 18 Soa
MASTER RECHERCHE EN DROIT
Option : Théorie et
pluralisme juridiques
Jouissance des terres et garantie
Mémoire présenté et soutenu
publiquement le 28 septembre 2021 pour l'obtention du Master Recherche en
Droit
Par
NDEODEME JULES
Titulaire d'une Licence en
droit privé
Matricule : 20J0033N
Sous la direction de :
Monsieur le Professeur Pierre-Etienne KENFACK
Agrégé des Facultés de droit
Professeur à l'Université de Yaoundé II
Année académique 2020 - 2021
Jouissance des terres et garantie
AVERTISSEMENT
![](Jouissance-des-terres-et-garantie7574982.png)
L'Université de Yaoundé II n'entend donner
aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur.
Jouissance des terres et garantie
DEDICACE
II
A Mes deux grandes familles, celle de Papa Pascal BALDENA et
celle de feu Papa GUISSATA
III
Jouissance des terres et garantie
REMERCIEMENTS
Les mots sur cette page, ou même tous autres, ne peuvent
suffire à exprimer ma gratitude au Professeur Pierre - Etienne KENFACK.
Ses précieux enseignements, conseils et orientations ont permis de faire
de l'intitulé de ce mémoire un passionnant sujet de recherche et
un projet de vie.
J'exprime mes vifs remerciements à tous mes enseignants
de tous les cycles et de tous les niveaux.
Ma famille, mon soutien inconditionnel et ma source de
motivation. Je remercie, sans pouvoir exhaustivement citer, Papa Pascal, Mama
Bernadette, Mama Deved, Papa André, Mama Jeannette, Père Julien,
Oncle Badai.
Merci à vous mes amis, connaissances et camarades pour
vos divers accompagnements et encouragements. Vos prières portent leurs
fruits, je vous en remercie infiniment. Merci aux Avocats du Cabinet ABDOUL
BAGUI & Associés pour leur soutien et constants encouragements.
Merci à tous ceux qui l'ont relu. Toi ATEBA qui a été
brutalement arraché à la vie quelques temps avant
l'achèvement de ce travail que tu devrais relire, merci d'avoir
été très encourageant.
Seigneur Dieu, Toi qui fait toute chose en Ton temps et selon
Ton plan, merci mille fois pour Tes bénédictions multiples dans
ma vie.
iv
Jouissance des terres et garantie
RESUME
La propriété est considérée comme
le droit de jouir et de disposer d'une chose. Ces deux composantes de la
propriété peuvent survivre détachée l'une de
l'autre. Le droit de disposer constitue l'élément principal de la
propriété alors que le droit de jouissance peut lui être
autonome, bien qu'il ne s'agisse pas de son accessoire. La
propriété s'utilise comme objet de garantie de remboursement des
crédits. Il y a lieu de savoir si la jouissance des terres
particulièrement, peut aussi servir de garantie de remboursement des
crédits ? Lorsqu'elle constitue un droit réel aliénable et
saisissable, la jouissance des terres peut être utilisée comme
garantie de remboursement. Le bail emphytéotique, le bail à
construction, le droit de superficie et certains droits réels dits
innomés sont des démembrements du droit de
propriété pouvant constituer l'assiette de l'hypothèque.
Divers droits réels de jouissance sur les terres domaniales, s'agissant
des baux dans le domaine national ou le domaine privé de l'Etat, des
concessions provisoires, des autorisations ou concessions d'occupation ou
d'exploitation du domaine public artificiel déclassé et
même des droits des occupants et exploitants du domaine national avant le
05 août 1974, peuvent également constituer l'assiette de cette
garantie. L'hypothèque d'un droit réel de jouissance des terres
est indistinctement identifiée à l'hypothèque de
l'immeuble. La première a tout de même ses caractéristiques
propres tenant aussi bien à la nature de son assiette, distincte de
l'immeuble et du droit de propriété sur l'immeuble, qu'à
la créance qu'elle garantit. L'identification indistincte de
l'hypothèque d'un droit réel de jouissance des terres à
l'hypothèque de l'immeuble conduit à ce que l'ensemble, sinon
l'essentiel, des modalités de constitution et des effets de la
dernière lui soit appliqué. Ce recours aux règles
régissant l'hypothèque de l'immeuble voile pourtant certaines
particularités des droits réels de jouissance des terres et aussi
l'originalité de leur utilisation comme assiette d'une garantie. En
effet, le droit positif tente de lever ledit voile sans véritablement
s'y consacrer. Quelques règles spécifiques éparses
s'inspirant des caractéristiques des droits réels de jouissance
des terres sont prévues mais tout de même, il serait judicieux de
procéder à une conceptualisation desdits droits de jouissance et
d'organiser un régime spécifique à leur hypothèque
par la suite, toute chose devant amener la grande majorité à y
faire recours, les terres se faisant rares et les propriétaires moins
enclins à les disposer.
Mots clés : Droits réels de
jouissance des terres, hypothèque de jouissance des terres,
hypothèque de l'immeuble.
V
Jouissance des terres et garantie
ABSTRACT
Ownership is seen as the right to enjoy and dispose of
something. These two components of ownership can survive separately. The right
of disposal is the main element of ownership, whereas the right of enjoyment
may be independent, although it is not one of its accessory. Property is used
as collateral for credit repayment. The question is whether the enjoyment of
land, in particular, can also be used as collateral for repayment of loans.
When it constitutes a real right that can be alienated and seized, the
enjoyment of the land can be used as security for repayment. Long leases,
building leases, building rights and unnamed real rights are dismemberments of
the right of ownership that can form the basis of a mortgage. Various real
rights of enjoyment over state-owned land, such as leases in the national
domain or the private domain of the State, provisional concessions,
authorizations or concessions to occupy or exploit a declassified artificial
public domain and even the rights of occupants and exploiters of the national
domain prior to 5th August 1974, may also constitute bases of this guarantee.
The mortgage of a real right of enjoyment of land is indistinctly identified
with the mortgage of the immovable. However, the former has its own
characteristics, both in terms of the nature of its basis, which is distinct
from the immovable and the right of ownership over the immovable, and in terms
of the claim that it secures. The indistinct identification of the mortgage of
a real right of enjoyment of land with the mortgage of the immovable leads to a
situation where all, if not most, of the procedures for the creation and
effects of the latter are applied to it. However, the recourse to the rules
governing mortgages on immovable properties does obscure special features of
rights in rem in respect of the enjoyment of land and also the originality of
using them as basis of a security interest. Indeed, positive law tries to lift
the said veil without really focusing on it. A few scattered specific rules
inspired by the characteristics of real rights of enjoyment of land are
provided for. However, it would be advisable to conceptualize the rights of
enjoyment of land and to organize a specific regime for mortgaging them. This
should lead the vast majority of people to make use of them, as land is
becoming scarce and owners are less inclined to alienate it.
Keywords: Real rights of use of land, mortgage
of use of land, mortgage of the immovable.
vi
Jouissance des terres et garantie
LISTE DES ABBREVIATIONS
Al. Alinéa
Arch. Phil. Droit Archives de Philosophie du Droit
Art. Article
AUDCG Acte Uniforme OHADA portant Droit Commercial
Général
AUPSRVE Acte Uniforme OHADA portant organisation des
Procédures
Simplifiées de Recouvrement et des Voies
d'Exécution
AUS Acte Uniforme OHADA portant organisation des
Sûretés
Bibl. Bibliothèque
Bull. Civ Bulletin Civil
Cass. Civ. Chambre Civile de la Cour de Cassation
Française
CCJA Cour Commune de Justice et d'Arbitrage
Cf. Confère
Coll. Collection
Cons Const. Conseil Constitutionnel
CS Cour Suprême du Cameroun
D. Dalloz
Dir. Sous la Direction de
Ed. Editions
JCP N Semaine Juridique Edition Notariale
JO Journal Officiel
LGDJ Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
LPA Les Petites Affiches
Mél. Mélanges en l'honneur de
n° Numéro
Obs. Observations
OHADA Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires
Ohadata Banque de données de l'OHADA
p. Page
préf. Préface
PUA Presses Universitaires d'Afrique
PUAM Presses Universitaires d'Aix-Marseille
PUF Presses Universitaire de France
VII
Jouissance des terres et garantie
REDI Revue Européenne et de Droit
International
Rev. Loyers Revue des Loyers
RJ Com Revue de Jurisprudence Commerciale
RTD Civ. Revue Trimestrielle de Droit Civil
S. Sirey
s. Suivants
t. Tome
th. Thèse
v. Voir
Vol. Volume
VIII
Jouissance des terres et garantie
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : LA POSSIBILITE DECLAREE DE RECOURIR A
LA
JOUISSANCE DES TERRES COMME GARANTIE 11
CHAPITRE I : L'IDENTIFICATION DES DROITS REELS DE JOUISSANCE
DES
TERRES SUSCEPTIBLES DE GARANTIE ..14
SECTION I : LES DEMEMBREMENTS DE LA PROPRIETE IMMOBILIERE
CONFERANT JOUISSANCE ADMIS COMME OBJET DE GARANTIE ..15
SECTION II : LES DROITS REELS DE JOUISSANCE DES TERRES
DOMANIALES
SUSCEPTIBLES DE GARANTIE 23
CHAPITRE II : LA NATURE JURIDIQUE DE LA GARANTIE PORTANT SUR
LA
JOUISSANCE DES TERRES : L'HYPOTHEQUE 31
SECTION I : L'IDENTIFICATION DE LA GARANTIE AU MOYEN DES DROITS
DE
JOUISSANCE DES TERRES COMME HYPOTHEQUE ...32
SECTION II : LES CARACTERISTIQUES DE L'HYPOTHEQUE DE LA
JOUISSANCE
DES TERRES ..39
DEUXIEME PARTIE : UNE POSSIBILITE INCONSISTANTE QUANT AUX
MODALITES D'UTILISATION DE LADITE JOUISSANCE COMME
GARANTIE 48
CHAPITRE I : L'INCONSISTANCE PAR LE RECOURS DEMESURE AUX
REGLES
DU REGIME DE L'HYPOTHEQUE DE L'IMMEUBLE 51
SECTION I : LE RECOURS AUX REGLES DE CONSTITUTION DE
L'HYPOTHEQUE
DE L'IMMEUBLE 52
SECTION II : LE RECOURS AUX REGLES RELATIVES AUX EFFETS DE
L'HYPOTHEQUE DE L'IMMEUBLE 59
CHAPITRE II : L'INSTITUTION D'UN REGIME SPECIFIQUE A L'HYPOTHEQUE
DE
LA JOUISSANCE DES TERRES COMME SOLUTION ENVISAGEABLE 65
SECTION I : UNE NECESSITE PARTIELLEMENT PRISE EN COMPTE PAR
LES
TEXTES ..66
SECTION II : UNE PRISE EN COMPTE A PARFAIRE POUR INSUFFISANCES
ET
INADAPTATIONS .73
CONCLUSION GENERALE ...83
1
Jouissance des terres et garantie
INTRODUCTION GENERALE
Un auteur affirme avec conviction que «
l'évolution du monde des affaires et le développement
économique ne peuvent s'effectuer aisément que si des
opérateurs économiques ont la possibilité et la
facilité d'accès aux crédits »1.
Toute économie doit sa croissance à la disponibilité du
crédit et à son usage. En effet, « le crédit est
indispensable dans tous les rouages de la vie économique, de la
production à la consommation»2. Lorsque les
entrepreneurs, investisseurs, producteurs et consommateurs n'ont pas
respectivement de fonds nécessaires à la mise en oeuvre de leurs
projets, à la réalisation de leur production et à la
satisfaction de leur besoin de consommation, ce qui est le cas pour la
majorité d'entre eux, ils recourent aux possibilités de
financement offertes par les établissements de crédits ou
mêmes par des fournisseurs et autres personnes impliquées dans la
vie des affaires.
Le crédit qui vient de credere (croire) se
définit comme le « soutien financier qui consiste en une
opération par laquelle une personne met ou fait mettre une somme
d'argent à la disposition d'une autre personne en raison de la confiance
qu'elle lui fait »3. La simple confiance, sans
objectivité sur la situation de celui qui fait la demande de
crédit, n'est pas de nature à déterminer l'offre de
crédit, s'il ne s'agit pas d'un don. Et un don suppose la cession d'un
bien ou d'une somme d'argent sans attente de remboursement. Il ne peut donc
s'assimiler à un crédit. Pour Max WEBER, le «
crédit» au sens large du terme [est] toute cession de
droits de disposer de quelques biens matériels que ce soit contre la
promesse future d'une cession équivalente de droits »4.
La technique du crédit s'analyse en une sorte d'échange
« d'un droit de disposer de valeurs matérielles ou
monétaires, présentement non disponibles mais disponibles en
abondance dans l'avenir, contre un droit de disposition disponible mais non
destiné à l'usage de l'emprunteur »5. Le
crédit participe de la mise à disposition de certains moyens en
vue d'atteindre certains objectifs ou de satisfaire des intérêts
déterminés, moyens sans lesquels ces objectifs ne seront jamais
atteints, ou peut-être
1 S. BENMESSAOUD, Les garanties des crédits
bancaires. Etude comparée, Mémoire de Magister, Université
d'ORAN, 2013, p.1
2 PH. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
Sûretés, par L. AYNES et P. CROCQ, 14e éd,
Paris, LGDJ, 2020, n°1.
3 G. CORNU (Sous la Direction de), Vocabulaire
Juridique, 11e éd, Paris, PUF, 2016, p.286
4 M. WEBER, Economie et Société,
Tome 1 Les catégories de la sociologie, trad. J. CHAVY, PLON, 1995,
p.
125
5 Idem.
2
Jouissance des terres et garantie
seront-ils atteints tardivement. Pour éviter que
l'atteinte des objectifs ou la satisfaction des intérêts soit
improbable ou même impossible, tous peuvent recourir au crédit en
fonction de leurs besoins et de leur possibilité de rembourser, cette
dernière est la condition essentielle de consentement au crédit.
Les gouvernements encouragent leurs citoyens à recourir aux
crédits, de même qu'ils y font recours également pour leur
fonctionnement et pour la réalisation de leurs programmes politiques.
La place primordiale du crédit dans le
développement des économies et des affaires est perceptible
à travers des rapports comme ceux établis par les organismes
financiers comme la Banque Mondiale. Cet organisme établit chaque
année des rapports appelés Doing Business6.
Ces rapports sont les résultats d'enquêtes et analyses prenant en
compte divers aspects de la vie des affaires. Il s'agit du classement des pays
en terme d'ouverture et de rentabilité des investissements et donc des
économies favorables au développement des affaires. Le Cameroun
occupe le 167e rang sur 190 pays dans le classement mondial
Doing Business 2020. Ce classement met un accent particulier sur le
facteur financement7.
Le financement ou le crédit est intimement lié
au remboursement qui doit intervenir à l'échéance,
l'instant d'exigibilité de la créance. Le remboursement se
réalise de manière conditionnée puisque la
solvabilité du débiteur8 est le facteur
déterminant. Dans les contextes socio-économiques de
sous-développement comme en Afrique subsaharienne et au Cameroun
particulièrement, les conditions d'accès au crédit peuvent
se trouver mieux organisées alors que les modalités devant
conduire au remboursement du même crédit sont comme quasiment
sous-organisées. Pour bénéficier d'un crédit, il
faut pouvoir rassurer le financier sur les réelles capacités de
rembourser9 et pour ça, des garanties sont prévues.
Selon
6 Le classement est disponible à l'adresse
internet suivante :
www.doingbusiness.org.
Le profil de l'économie camerounaise et le rapport Doing Business
2020 concernant exclusivement le Cameroun peuvent être
téléchargés à ladite adresse internet.
7 Il s'agit de l'indice Doing Business
n°5 : Getting credit (l'accès au crédit), Movable
collateral laws and credit information systems (le droit des
sûretés réelles et l'accès à l'information
sur le crédit sont les éléments analysés et
évalués). Pour cet indice le Cameroun a un point de 60 sur 100 et
est classé 80e.
8 C'est l'indice Doing Business n°10
: Resolving insolvency (le règlement des questions
d'insolvabilité) ; Time, cost, outcome and recovery rate for a
commercial insolvency and the strength of the legal framework for insolvency
(le temps, le coût, le résultat et le taux de remboursement pour
une insolvabilité résultant du cours des affaires et la vigueur
du cadre légal contre l'insolvabilité sont les
éléments analysés et évalués). Ce rapport
établit que la solvabilité du débiteur au Cameroun est
hautement problématique. En effet, le Cameroun a un point de 36,6 sur
100 et occupe le 129e rang. Ceci préfigure de la souplesse
des mesures de garantie mises en place ou peut-être même du manque
de prise en compte des diverses potentialités du débiteur pouvant
conduire à l'apurement de son passif.
9 Relativement aux mesures d'évaluation de
la capacité de remboursement des emprunteurs, la loi n°2019/019 du
24 décembre 2019 fixant certaines règles relatives à
l'activité de crédit dans les secteurs bancaire et de la
3
Jouissance des terres et garantie
le Lexique des Termes Juridiques10 la garantie peut
être l' « obligation mise à la charge d'un contractant
destinée à assurer la jouissance paisible de fait et de droit de
la chose remise à l'autre partie, alors même que le trouble ne
résulte pas de son fait ». Egalement, la garantie s'entend
comme ensemble des « moyens juridiques permettant de garantir le
créancier contre le risque d'insolvabilité du débiteur ;
en ce sens, il s'agit du synonyme de sûreté. »
La sûreté est bien moins qu'une garantie dans la mesure où
certaines garanties ne constituent pas des sûretés alors que
toutes les sûretés sont des garanties. C'est
précisément la définition du Vocabulaire
Juridique11 qui explicite cette notion de garantie. Il la
définit en effet comme : « tout mécanisme qui
prémunit une personne contre une perte pécuniaire [...]
c'est en réalité un terme générique
doté d'un sens d'évocation employé seul et chargé
de sens de précision associé à d'autres ». Il
rappelle que la garantie est parfois synonyme de
sûreté12, dans son sens strict, « mais une
sûreté n'est qu'une espèce de garantie ».
Sur la relation entre la garantie et la sûreté,
un auteur établit que la garantie est une notion fonctionnelle,
englobant la sûreté, et cette dernière n'est qu'une notion
conceptuelle13. Il est plus approprié de retenir la garantie
dans son sens strict qui s'assimile à la sûreté telle que
définie ci-avant. La garantie peut donc s'entendre comme le
mécanisme consistant à affecter un bien ou un ensemble de biens,
une propriété ou tout un patrimoine, et éventuellement un
droit de jouissance, à la satisfaction du droit d'un créancier
à être remboursé. En effet, en vue du remboursement
des crédits, le droit de gage général14 est une
garantie15 bien qu'il ne
micro finance au Cameroun énumèrent quelques
pièces et documents que ceux-ci doivent fournir en vue de conclure la
convention de crédit. Ces pièces et documents sont de
manière de non exhaustive indiquées à l'article 4
alinéa 2 de ladite loi.
10 S. GUINCHARD et Th. DEBARD, Lexique des Termes
Juridiques, op. cit. pp.1020-1021.
11 G. CORNU, op. cit. pp.486-488.
12 La sûreté elle-même se
définit en effet comme « l'affectation à la satisfaction
du créancier d'un bien, d'un ensemble de biens ou d'un patrimoine, par
l'adjonction aux droits résultant normalement pour lui du contrat de
base, d'un droit d'agir, accessoire de son droit de créance, qui
améliore sa situation juridique en remédiant aux insuffisances de
son droit de gage général, sans être pour autant une source
de profit, et dont la mise en oeuvre satisfait le créancier en
éteignant la créance en tout ou partie, directement ou
indirectement. ». P. CROCQ, Propriété et
garantie, Thèse, Université de Paris II, LGDJ, 1995,
n°282.
13 P. CROCQ, Propriété et garantie,
op. cit. n°287.
14 C'est le sens des articles 2092 et 2093 du code
civil et de l'article 28 de l'Acte Uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement des créances et des
voies d'exécution. Le droit de gage général est la
prérogative qui appartient à tout créancier et qui lui
permet, en cas d'exigibilité de sa dette et en cas de non-paiement
volontaire et spontané de sa créance par le débiteur, de
saisir les biens de son débiteur et de les vendre pour se faire payer
sur le prix de ceux-ci.
15 C. DAUCHEZ, Le principe de
spécialité en droit des sûretés réelles,
Thèse, Université de Toulouse, 2013, n°94. L'auteur explique
que l'ancien droit français ne connaissait pas le droit de gage
général mais le prévoyait dans l'hypothèque
générale. C'était donc une hypothèque qui
recouvrait l'attribut du droit de gage général.
L'avènement du code civil en 1804 consacre le droit de gage
général distinctement de l'hypothèque.
4
Jouissance des terres et garantie
puisse malheureusement pas toujours suffire à asseoir
la conviction du financier sur la solvabilité de son
débiteur16 à l'exigibilité de la
créance. Dans la mesure où le droit de gage général
ne représente pas une garantie suffisante au remboursement, les chances
d'accès au crédit s'amenuisent considérablement.
D'ailleurs, « le seul droit de gage général ne permet
[...] pas au créancier de se prémunir contre
l'insolvabilité future du débiteur.»17 En
plus du droit de gage général, le droit a donc dû
prévoir des garanties offrant plus de sécurité au
financier en vue de son remboursement le moment venu. Les garanties de
remboursement des créances sont contenues dans divers textes
communautaires18 et dispositions éparses, des
lois19 et règlements20, et certaines techniques
adoptées par les établissements de crédits21 et
les prêteurs n'en constituent pas moins des garanties de recouvrement,
peut-être moins fiables mais tout de même utilisées. Il
s'établit que l'entrepreneur ou même toute autre personne
nécessitant du crédit a une panoplie de droits auxquels il peut
faire recours pour garantir le remboursement du crédit dont il a besoin.
Initialement, le code civil organisait les garanties autour des biens mais
aussi des personnes qui se portaient garantes du remboursement du crédit
octroyé à une autre personne. Les garanties sont dites
personnelles pour renvoyer à l' « action supplémentaire
» d'une tierce personne à la garantie du remboursement au
créancier d'une dette contractée par une autre personne. Les
garanties
16 Il en est ainsi parce que le droit de gage
général n'offre pas aux créanciers les avantages reconnus
aux sûretés. Ces avantages sont notamment le droit de suite et le
droit de préférence. Le droit de suite permet à un
créancier de suivre le bien affecté à la garantie de sa
créance en quelques mains qu'il pourrait se trouver au moment de
réaliser sa garantie, en cas de non remboursement par le
débiteur. Le droit de préférence de sa part permet au
créancier bénéficiaire de se faire payer en
priorité sur le prix du bien objet de son droit de
préférence avant les créanciers chirographaires, non
bénéficiaires dudit droit de préférence.
17 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit Civil. Les
Sûretés, op. cit, n°4
18 L'Acte Uniforme OHADA portant organisation des
Sûretés principalement mais il y a des garanties dans le domaine
maritime et aérien qui ne sont pas concernées par ce texte.
19 Initialement, le code civil organisait les
suretés et c'est toujours le cas en France. Tout de même avec
l'avènement de l'OHADA, certaines dispositions relatives aux garanties
subsistent. Il s'agit par exemple de la compensation (article 1289), de
l'action directe considérée d'ailleurs comme une
sûreté, de l'action paulienne, de l'exception
d'inexécution, de la résolution pour inexécution, de la
solidarité passive (article 1200) qui peut parfois être
utilisée comme sûreté personnelle, de l'obligation in
solidum. Et même, certaines dispositions du code civil relatives aux
privilèges, hypothèques et aux sûretés de
manière générale restent en vigueur puisque les
différents actes uniformes n'ont pas adoptées des dispositions
les abrogeant.
20 Comme texte règlementaire important dans
le domaine, il y a le Décret n°2015/3580/PM du 11 août 2015
fixant les modalités d'enregistrement et le régime des garanties
et sûretés applicables aux concessions et aux baux domaniaux.
21 J. GATSI, droit des biens et des
sûretés dans l'espace OHADA, Limbé, Presses
Universitaires Libres, 2012, p.9. Les traitant des « dérives de la
pratique », l'auteur relève que les établissements de
crédits ont notamment recours aux techniques de « domiciliation
des traitements et salaires, clause de fidélité, procuration
irrévocable de vente par devant notaire, délégation de
pouvoir, etc. » Les assurances crédits et les fonds de
garanties des crédits constituent également des garanties
spécifiques. S. BENMESSAOUD, « Les garanties des crédits
bancaires », op.cit. p.5
5
Jouissance des terres et garantie
sont dites réelles22 pour établir
qu'elles sont constituées sur des choses sur lesquelles peuvent porter
des droits réels c'est-à-dire des droits portant directement sur
la chose et procurant à son titulaire tout ou partie de l'utilité
de cette chose23. Ces biens sont classés en deux groupes, les
meubles et les immeubles. Il y a notamment d'un côté les meubles
par nature, par anticipation et par détermination de la loi, et de
l'autre côté il y a les immeubles par nature, par destination et
par l'objet auquel ils s'appliquent. Sur les meubles sont notamment
constitués le gage, le nantissement, le droit de rétention, les
privilèges généraux et spéciaux. Sur les immeubles
étaient constitués l'hypothèque et
l'antichrèse24 en plus des privilèges
généraux accordés à certains créanciers sur
les immeubles de leurs débiteurs.
Les garanties réelles ont connu une certaine
évolution et aujourd'hui, elles portent aussi bien sur les biens que sur
le droit de propriété25 d'une personne sur des biens
déterminés ou simplement déterminables. Ce qui fonde la
spécificité des nouvelles garanties ainsi inventées ou
réutilisées26 et portant sur la
propriété, ce sont les modalités de leurs
réalisations27. Les garanties classiques sont
réalisées difficilement puisque très souvent les biens
objet des garanties n'appartiennent pas aux créanciers et ceux-ci
doivent vendre lesdits biens de leurs débiteurs ou peut-être
demander que la propriété leur en soit attribuée.
Pourtant, dans le cadre des propriétés garanties, les biens
appartiennent aux créanciers - même si cela n'est
22 CH. GIJSBERS, « Quel avenir pour les
sûretés réelles ? », in L'avenir du droit des
biens, colloque Lille 7 mars 2014, 2016, LGDJ, p. 131. Cet auteur conteste
la qualification de sûreté réelle puisque la
sûreté ne porte pas sur la chose mais simplement sur la valeur de
la chose, contrairement au droit réel qui porte directement sur la
chose.
23G. CORNU (Sous la Direction de), op. cit., p.718
;
24 D'après le Vocabulaire Juridique (G.
CORNU, op. cit. p.68), l'antichrèse provient du latin
antichresis. Elle se définit comme une «
sûreté immobilière conventionnelle avec
dépossession (dont le pendant, sur les meubles corporels, est le gage
avec dépossession) » Plus précisément, c'est une
« convention d'affectation d'un immeuble à la garantie d'une
obligation en vertu de laquelle le créancier, investi de la possession
et de la jouissance de l'immeuble et tenu de pourvoir à la conservation
et à l'entretien de celui-ci, en perçoit les fruits à
charge de les imputer sur les intérêts (et subsidiairement) le
capital de la dette, et peut, sans en perdre la possession le donner à
bail à un tiers ou au débiteur lui-même, lequel, en aucun
cas, ne peut réclamer la restitution de l'immeuble avant l'entier
acquittement de la dette. »
Cette sûreté qui est une sorte de gage immobilier
avec dépossession et jouissance de l'immeuble mis en gage n'existe plus
en droit des sûretés des Etats parties à l'OHADA, l'acte
uniforme y relatif ne l'ayant pas prévu. Elle demeure en droit
français, elle est régie par les dispositions des articles 2387
à 2392 du code civil.
25 P. CROCQ, op. cit. n°282. Avec ses travaux, l'auteur a
pu démontrer que les propriétés peuvent constituer aussi
des garanties de remboursement des crédits, elles sont utilisées
aujourd'hui dans le cadre des sûretés suivantes : la
propriété retenue à titre de garantie, de la
propriété cédée à titre de garantie, de la
fiducie autrement désigné transfert fiduciaire de créance
à titre de garantie. Le crédit-bail constitue aussi une sorte de
propriété-garantie,...
26 Le transfert fiduciaire de somme d'argent est
une sûreté ayant existé autrefois mais abandonné
pendant plusieurs siècles.
27 M. DOLS-MAGNEVILLE, la réalisation
des sûretés réelles, Thèse, Université
de Toulouse 1 Capitole, 2013, 577p.
6
Jouissance des terres et garantie
pas souvent accompagné de la possession et ou de la
jouissance du bien - ou même, ils possèdent le bien et en jouit
bien que la propriété dudit bien ait été
cédée et ils ont les garanties qu'offrent, en plus, les actions
pétitoires et possessoires auxquelles ils ont la possibilité de
faire recours, le cas échéant.
Ainsi donc, un bien peut être utilisé comme
garantie, la propriété du même bien peut également
être utilisée à cette fin. Souvent, dans le cadre des
propriétés garanties ou même dans le simple exercice des
prérogatives conférées sur les terres par le droit de
propriété ou la loi, un tiers peut bénéficier du
droit de jouissance.
La jouissance est une notion juridique qui dérive de
jouir et en latin, il s'agit de `gaudere'. Selon le Doyen Cornu, la
jouissance peut s'entendre d'une part, comme des «
bénéfices et avantages divers attachés à la
possession d'un bien ou d'un patrimoine ». D'autre part, la
jouissance est entendue comme « l'usage (usus, droit de se servir
personnellement de la chose) jusqu'à désigner parfois une
espèce particulière d'usufruit (jouissance légale des
parents), mais s'oppose toujours à la disposition du capital
frugifère (la chose objet de jouissance) »28.
La jouissance peut être définie comme «
l'utilisation d'une chose (usus) et le droit de percevoir les fruits d'une
chose, de les conserver ou de les consommer (fructus) »29.
Puisque le droit de propriété30 offre trois attributs
que sont l'usus, le fructus et l'abusus, la
jouissance c'est la réunion de l'usus et du fructus.
Tout de même, l'un comme l'autre peut exclusivement constituer la
jouissance. Il n'est pas exclu par ailleurs que la jouissance se fasse en vertu
d'aucun droit, c'est la jouissance de fait. Peu importe, il s'agit de la
jouissance des terres lorsque des biens immeubles sont concernés.
La terre peut être assimilée au mot «
terrain » qui dérive de la même racine. L'adjectif
terrain31 dérive du latin terrenum ou
terrenus, ce qui est formé de terre. Abstraitement, terrain
renvoie à l'idée d'étendue, de limites. Il s'agit du
« synonyme de champ ou de domaine d'application » ou
même du « lieu auquel se circonscrit un débat (terrain de
discussion) ou un accord (terrain d'entente) »32.
Concrètement, c'est « une parcelle de terre,
28 G. CORNU (Sous la direction de), Vocabulaire
Juridique, op. cit., P.580
29 S. GUINCHARD et Th. DEBARD (Sous la direction de),
Lexique des Termes Juridiques, op. cit., p.1181
30 L'article 544 du code civil dispose à ce
sujet que : « La propriété est le droit de jouir et
disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en
fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
»
31 S. GUINCHARD et Th. DEBARD (Sous la direction de),
Lexique des Termes Juridiques, op. cit., p.1021
32 Idem
7
Jouissance des terres et garantie
portion de territoire ». La terre emprunte la
définition concrète du terrain, c'est les parties ou portions du
globe33, c'est aussi l'étendue du territoire d'un Etat, d'une
région.
« Jouissance des terres » comme expression,
au regard des définitions ci-avant retenues, s'entend comme l'usage
par habitation ou par exercice d'activités économiques diverses
sur des terres et le droit de percevoir ainsi que de disposer des fruits issus
de cet usage des terres. La jouissance par habitation consiste en
l'érection des constructions en vue d'y habiter ou même la prise
de possession des constructions déjà érigées et
leur éventuelle amélioration pour y habiter. La jouissance des
terres sert à une activité économique à partir du
moment où les terres et constructions érigées sont
louées ou sous louées et utilisées dans le cadre
d'activités professionnelles civiles, artisanales, industrielles et
commerciales diverses. Les conventions ouvrant droit à jouissance
déterminent en bien des cas la nature de la jouissance dont
bénéficie le titulaire, toujours est-il que l'utilité
économique de la jouissance est conséquente.
La jouissance des terres qui est un droit exercé par
une personne sur des terres peut être cessible ou non. La jouissance des
terres peut découler de l'exercice des attributs
sus-évoqués du droit de propriété sur des terres
que de la simple possession ou plus encore d'une jouissance de fait qui peut
même être réprimée. Un auteur explique à ce
propos que : «au Cameroun, deux types de prérogatives sont
reconnues et protégées au profit des personnes et
communautés sur les terres : la propriété et la
possession.»34 Alors que la propriété ne
pose pas de difficulté sérieuse35 puisque c'est la
situation presqu'idéale36 à laquelle tous doivent
parvenir, il n'en est pas de même de la possession. « La
possession est la prérogative de fait reconnue aux personnes et
communautés qui, sans titre, occupent paisiblement un espace du domaine
national, en y édifiant leurs maisons, plantations ou en y
exerçant des activités d'élevage. »37
Mais puisque la possession d'une chose ne confère pas en
elle-même
33 Dictionnaire de l'Académie Française,
consulté en ligne à l'adresse
www.ebooksfrance.com
34 P-E KENFACK, « les indemnisations : une
question de fonds », in le Plus de Repères. Revue d'analyse et
d'enquête, n°001, juin 2014, p.6
35 Exception faite des contentieux qui naissent
dans les cas de vente à plusieurs personnes et qui se multiplient ces
jours. Voir à ce propos C. LANG, « terrains acquis, litiges conquis
», in le Plus de Repères, op. cit. p.7. Le
développement de cet auteur renseigne qu'autant la possession que la
propriété posent de problèmes et donnent lieu à des
contentieux de diverse nature entre les protagonistes.
36 Presqu'idéale parce que la
propriété des terres reconnue par l'obtention d'un titre foncier
ne met vraiment pas à l'abri des problèmes et contentieux. R.
TCHAPMEGNI, La problématique de la propriété
foncière au Cameroun, Actes de la Conférence sur le foncier,
Mbalmayo, 2005, 143p.
37 P-E KENFACK, « les indemnisations : une
question de fonds », in le Plus de Repères, op. cit.
p.6
8
Jouissance des terres et garantie
un droit absolu comme la propriété, il y a
incontestablement un souci à n'être que possesseur. Pire lorsque
dans le contexte camerounais, la propriété immobilière ne
peut pas s'acquérir par la prescription et que le titre foncier est la
certification officielle de la propriété
immobilière38.
Il est important de signaler que la jouissance des terres peut
être de fait, c'est la simple possession sans aucun titre, une jouissance
de pur fait. Il est hasardeux de croire aussi que toute possession est
illégale puisque même sans titre, il peut être reconnu un
véritable droit réel à certains occupants et exploitants
du domaine national, ceux d'avant 05 août 1974 en occurrence. Sur ce
même domaine national, il peut être reconnu des droits réels
de jouissance à travers la concession provisoire et les baux. Dans ces
cas, il ne s'agit plus de la jouissance sans titre puisqu'un acte constate
toujours telle jouissance. Sur d'autres terres domaniales, certains droits
réels peuvent aussi être constitués. Il s'agit du droit
d'occupation et d'exploitation du domaine public artificiel
déclassé et des divers baux considérés comme droits
réels de jouissance sur le domaine privé de l'Etat lui-même
et de ses démembrements. En vertu de ces divers droits, les titulaires
réalisent des impenses. Ce sont des investissements qui
améliorent l'état des terres ou des constructions, installations
et ouvrages érigés sur des terres. Elles constituent des
plus-values d'une valeur économique certaine.
Les démembrements du droit de propriété
quant à eux sont de véritable droits réels et
confèrent, pour certains, un droit de jouissance. Il s'agit des droits
de l'usufruitier et des droits conférés dans le cadre des droit
d'usage et d'habitation, de superficie, des baux emphytéotique, à
construction et sont davantage admis divers droits réels de jouissance
spéciale dits innomés39. Les modalités de
jouissance sont les mêmes, elles consistent en la possession en vue de
tirer des terres diverses utilités économiques des constructions
et investissements réalisés par le cédant ou le
cessionnaire lui-même.
La jouissance des terres peut ainsi représenter une
prérogative, un droit conféré par la loi ou un
règlement, par une décision de justice ou par une convention, la
propriété est
38 Article 1er alinéa 1 du
Décret n°76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention
du titre foncier au Cameroun.
39 L. D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La
liberté de création des droits réels aujourd'hui. »
Recueil Dalloz, 2013, n°1
9
Jouissance des terres et garantie
également une prérogative, un
droit40. Toutefois, la propriété confère une
prérogative absolue qui recouvre sans conteste le droit de jouissance.
Par ailleurs, la propriété peut servir de garantie, c'est
très ancien. Et même cette garantie connait un régime
consolidé par les caractères absolu, définitif et
perpétuel du droit de propriété. Ces caractères ne
sont pas tous reconnus aux droits de jouissance des terres. La
préoccupation est de connaître si la jouissance des terres
résultant de la propriété ou de la simple possession peut
servir de garantie. La jouissance des terres de fait est impossible à
constituer l'assiette d'une garantie pour le simple fait de ne pas
résulter d'un titre et donc de ne pas être un droit
véritablement établi ou conféré par un texte. Pour
le cas de la jouissance des terres exercée en vertu d'un texte de droit
quelconque ou d'une convention des parties, la réponse ne peut
être aussi radicale et la question suivante se pose réellement :
la jouissance des terres de droit peut-elle servir de garantie de
remboursement des crédits ?
L'intérêt de répondre à cette
question découle de ce qu'elle permet de déterminer et
d'évaluer les droits de jouissance des terres pouvant servir de garantie
et les modalités suivant lesquelles cette garantie peut être
constituée et mise en oeuvre. Il a été relevé
ci-haut le lien étroit entre le crédit et la garantie. Bien
avant, dans une perspective socio-économique, ont été
montrés la place et le rôle des financements c'est-à-dire
du crédit sur l'évolution et la croissance des économies
ainsi que les répercussions sur les ambitions d'émergence des
nations. En effet, dans des contextes propres aux pays en voie de
développement comme au Cameroun et en Afrique globalement, le besoin de
crédit est primordial mais les crédits ne sont pas suffisamment
accessibles pour la majorité des populations du fait de leur niveau
d'insolvabilité très élevé41 pour
certains et pour défaut d'immeubles à proposer comme garantie
pour d'autres, l'hypothèque étant la garantie favorite. La
possibilité de varier et de diversifier l'assiette des biens et droits
qu'ils offrent en garantie au remboursement des crédits auxquels ils
prétendent améliore nettement leur chance.
L'étude de la jouissance des terres et garantie
s'attèle à montrer comment la jouissance des terres de droit
comme l'usage par habitation ou par exercice d'activités
économiques sur des terres et le droit de percevoir ainsi que de
disposer des fruits issus de cet usage des terres peut servir comme outil
aidant à prémunir un créancier contre une perte
financière qui
40 Bien que la jouissance et la
propriété soient des droits, il ne s'agit nullement des
mêmes droits. Le droit de propriété est un droit
réel complet alors que la jouissance est parfois un droit réel
démembrement du droit de propriété, en tout cas, elle
n'est jamais assimilable à cette dernière.
41 Rapport Doing Business 2020, indice
n°10 sus-évoqué.
10
Jouissance des terres et garantie
surviendrait du fait de l'insolvabilité de son
débiteur qui bénéficie pourtant de certains droits de
jouissance des terres. L'idée est donc de ressortir dans quelles mesures
un créancier peut obtenir, de son débiteur qui jouit de droit
d'une terre, ladite jouissance pour assurer le recouvrement de sa
créance.
Pour trouver des réponses à la question de
recherche posée, ont été utilisées, d'une part,
l'exégèse42 qui a servi pour étudier, analyser
et expliquer les textes internationaux et communautaires, législatifs et
règlementaires, les jurisprudences des diverses juridictions et les
travaux doctrinaux auxquels recours ont été faits aussi bien pour
expliquer les textes que pour explorer les solutions déjà
proposées et s'en inspirer. D'autre part, la méthode de la libre
recherche scientifique43 a été utilisée pour
proposer des solutions et faire des constructions juridiques à partir
des logiques et raisonnements établis en science juridique.
Le recours à ces méthodes ont permis de parvenir
au résultat selon lequel les droits réels de jouissance des
terres sont divers et tous ne sont pas susceptibles de faire l'objet de
garantie. Cette garantie s'identifie comme hypothèque. Cette
identification à la « mère des garanties » fait
transposer à la garantie portant sur les droits réels de
jouissance des terres l'essentiel des règles qui la constitue et qui
régissent ses effets. Les modalités d'utilisation des droits
réels de jouissance sont donc quasiment celles de l'hypothèque de
l'immeuble. A l'analyse, cette assimilation est un handicap à
l'utilisation desdits droits qui ne représentent simplement que des
utilités sur des terres. Des spécificités
déjà prises en compte doivent s'étendre et amener à
constituer une véritable garantie avec un régime
spécifique. Il y a donc une possibilité déclarée de
recourir à la jouissance des terres comme garantie (Première
partie). Tenant aux modalités d'utilisation de cette jouissance comme
garantie, ladite possibilité se révèle inconsistante
(Deuxième partie). Ceci par l'emprunt aux règles de
l'hypothèque, emprunt fait quelques fois de manière insuffisante
et inadaptée d'où la nécessité de lui organiser un
régime juridique propre. La possibilité d'utiliser la jouissance
des terres comme objet de garantie est donc à recadrer.
42 MALAURIE Ph. et AYNES L., Droit civil.
Introduction au droit, par MALAURIE Ph. et MORVAN P., 6e éd, Paris,
LGDJ, 2016, n°134. B. BARRAUD, La recherche juridique - Sciences et
pensées du droit, L'Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016,
556p.
43 F. GENY, Méthodes d'interprétation et
sources en droit privé positif, Essai critique (Xavier Magnon), t.
2, 2e éd, LGDJ, 1919, pp. 74-93. C'est dans cet ouvrage que
François GENY a développé une méthode de recherche
et de réflexion sur le droit, qui se distingue de la méthode
exégétique arcboutée sur le droit positif, elle ne se
confine non plus dans la spéculation et la stipulation, ni dans la
métaphysique juridique. C'est cette méthode objective
basée sur de l'empirisme qu'il a été utile de s'en
servir
PREMIERE PARTIE : LA POSSIBILITE DECLAREE DE RECOURIR A
LA JOUISSANCE DES TERRES COMME GARANTIE
12
Jouissance des terres et garantie
L'assiette des garanties peut être constituée par
les divers biens qui forment le patrimoine44 de toute personne
physique ou morale selon telle possibilité déclarée par le
droit positif. Divers objets et biens se développent et se créent
du fait de la fulgurante évolution scientifique et technologique depuis
le XIXe siècle. Selon qu'ils sont meubles pour la plupart, les biens
fruits des avancées technologiques et scientifiques entrent dans la
catégorie des biens meubles déjà déterminés
pour faire objet des garanties selon les modalités propres à
ceux-là. Certains de ces biens meubles sont incorporels45,
ces derniers ont fait émerger la garantie de nantissement. Tous les
biens meubles comme immeubles, corporels comme incorporels confèrent en
réalité deux principales prérogatives. L'une est celle de
jouir du bien constituée de l'usus et du fructus ou
parfois de l'un des deux seulement et l'autre est celle de le
disposer46, il s'agit de l'abusus.
Pour les immeubles, le droit de jouir est ce qu'il convient
d'appeler la jouissance des terres. Cette dernière s'analyse
beaucoup plus comme une approche fonctionnelle que conceptuelle du
mécanisme qui consiste à prendre possession des terres, de
les utiliser pour des besoins d'habitation ou pour des besoins
économiques comme le commerce, l'industrie, l'agriculture,
l'artisanat,...et d'en percevoir les fruits. Certaines formes de
jouissance des terres pourraient revêtir la nature d'un droit de
créance parce que ladite jouissance ne serait que la contrepartie
d'une convention synallagmatique mise à la charge du propriétaire
de l'immeuble ou de celui qui en assure la garde47. D'autres formes
de jouissance par contre relèveraient de la nature des droits
réels, la jouissance dans ce cadre confère quelques
attributs du droit de propriété.
La jouissance des terres sous ses deux formes, droit de
créance comme droit réel, amène à poser la question
de savoir si elle peut constituer une garantie au remboursement d'un
crédit. Les garanties portent généralement sur les droits
réels, ce qui exclut les droits personnels de l'assiette des garanties.
Bien que les garanties portent sur les droits réels, il se pourrait que
tous les droits réels ne puissent pas être admis pour ce faire.
Les uns sont souvent
44 MALAURIE Ph. et AYNES L., Droit civil,
Introduction au droit, op. cit, n°73
45 F. ZENATI, « Pour une rénovation de
la théorie de la propriété », RTD Civ 1993,
pp. 307 et s. ; R. M. RAMPELBERG, « Pérennité et
évolution des res incorporales après le droit romain
», Arch. Phil. Droit, t. 43, 1999.
46 C'est ce qui ressort de la définition de
la propriété contenue à l'article 544 du code civil
applicable au Cameroun qui dispose ainsi : « La
propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la
manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage
prohibé par les lois ou par les règlements. »
47 C'est le fait d'appréhender le seul
rapport entre le propriétaire et son cocontractant qui amène
à telle considération. Le rapport de la personne à la
chose est direct, il s'agit d'un droit réel.
13
Jouissance des terres et garantie
soumis à condition et sont temporaires. Mais la
temporalité ne constitue forcément pas un obstacle à la
formation des garanties. Certains sont en effet inaliénables et donc
insaisissables. Les biens ayant de tels caractères ne peuvent être
utiles à un créancier puisqu'il ne pourra jamais les
réaliser et se faire payer, c'est dire que l'objectif de la garantie ne
pourra être atteint.
Ainsi, la possibilité d'utiliser un droit réel
de jouissance des terres comme garantie nécessite que les uns,
aliénables, saisissables et procurant une
utilité économique certaine, soient distingués des
autres qui sont inaliénables et insaisissables, procurant une
utilité économique certes mais sans intérêt pour un
prêteur qui ne peut les réaliser et assurer le remboursement du
crédit qu'il a consenti. Dans cette partie, il convient au
préalable d'identifier les droits réels de jouissance des terres
susceptibles de garantie (Chapitre 1). Ceci avec pour but d'entrevoir leurs
caractéristiques et donc de déterminer la nature juridique de
ladite garantie dont ils peuvent être l'assiette (Chapitre 2).
14
Jouissance des terres et garantie
CHAPITRE 1 : L'IDENTIFICATION DES DROITS REELS DE
JOUISSANCE DES TERRES SUSCEPTIBLES DE GARANTIE
Un droit réel, jus in re en latin, est un
droit qui porte directement sur une chose et procure à son titulaire
tout ou partie de l'utilité économique de cette
chose48. Le droit réel est très souvent
opposé au droit de créance considéré comme
un droit personnel en vertu duquel une personne nommée
créancier peut exiger d'une autre nommée débiteur
l'accomplissement d'une prestation de donner, de faire ou de ne pas
faire49. Pourtant, il reste admis de nos jours que les
frontières entre les deux notions deviennent de plus en plus floues du
fait qu'il y a des droits mixtes comme les obligations dites
réelles50. Et même, les droits réputés
pour être personnels, comme les baux, empruntent plutôt beaucoup
aux caractères des droits réels51, si certains ne sont
pas expressément considérés comme tels52. La
question qui se dégage en rapport avec la garantie est celle de savoir
si tous les droits réels sont donc susceptibles de constituer garantie.
Pour le droit réel par excellence qu'est le droit de
propriété, la question ne se pose guère.53
S'agissant des autres droits réels qui procurent une
utilité économique particulière à leurs titulaires,
la question reste posée. Ceci dans la mesure où sur une seule et
même chose, les droits appartiennent à deux ou plusieurs
personnes. C'est dire qu'une seule chose se trouve dans des patrimoines
distincts à travers le mécanisme de distribution des
prérogatives de propriété, selon les proportions
prévues par la loi, décidées en justice ou plutôt
convenues entre les parties. Comme évoqué ci-haut, les droits sur
la chose consistent soit dans le droit de jouir comme simple usage ou de
percevoir les fruits, soit dans le droit de disposer.
48 G. CORNU (Sous la direction de), Vocabulaire
Juridique, op. cit., p.873
49 Idem, p.285
50 SCAPEL, La notion d'obligation
réelle, PUAM, 2002
51 J.-B. SEUBE, « Le droit des biens hors le Code
civil », Les Petites Affiches, 15 juin 2005, n° 118.4.
52 Des auteurs français évoquent
notamment à ce sujet ce qui suit : « certains textes
confèrent expressément au preneur un droit réel : tel est
le cas du bail emphytéotique, du bail à construction, du bail
à réhabilitation, mais aussi du bail à domaine
congéable, du bail à complant, de la concession d'exploitation
d'une mine ou de la concession immobilière. » TERRE F. et
SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, 9e éd, Paris,
Dalloz, 2014, n°928
53 Non seulement la propriété
elle-même peut être utilisée comme garantie à travers
les mécanismes de réserve ou de cession de
propriété mais également à travers celui du
crédit-bail. Aussi, la chose sur laquelle porte le droit de
propriété peut elle-même être objet de garantie
(l'hypothèque porte sur l'immeuble, le gage sur les meubles corporels,
le nantissement sur les meubles incorporels,...) et les formes variées
de propriété comme la copropriété sont objet de
garantie.
15
Jouissance des terres et garantie
Le titulaire du droit de disposer54 est
propriétaire et dans ce cas, il est considéré que l'objet
lui appartient et il le met en garantie comme tout propriétaire. Le
titulaire du droit de jouir par contre tire simplement une utilité d'une
chose appartenant à autrui. Cette utilité, et non pas des
moindres, représente une valeur qui peut servir de base à la
constitution d'une garantie, son droit ne pouvant être en concurrence
avec celui du propriétaire. Mais les rapports entre les deux peuvent ne
pas faire admettre la constitution des garanties, l'aliénabilité
étant la condition des garanties. Les droits réels de jouissance
des terres admis comme objet de garantie sont quelques démembrements du
droit de propriété (Section 1) non frappés de condition
d'inaliénabilité. Au Cameroun, une forme particulière de
reconnaissance des droits réels sur les terres s'est
développée, il s'agit des droits en vertu des concessions,
autorisations et des baux sur les domaines. Ces droits réels de
jouissance des terres peuvent également faire l'objet de garantie, ce
sont des droits réels spéciaux (Section 2) quelques fois sujets
à condition.
SECTION 1 : LES DEMEMBREMENTS DE LA PROPRIETE
IMMOBILIERE CONFERANT JOUISSANCE ADMIS COMME OBJET DE GARANTIE
La jouissance des terres s'envisage dans le cadre de cette
étude hors du cadre de jouissance propre à une personne sur des
terres objet de son droit de propriété. Le propriétaire ne
peut constituer en son nom un droit réel distinct de son droit de
propriété et l'affecter exclusivement à la garantie sauf
si cela est envisagé dans le cadre de création des
sociétés avec apport en nature du droit de jouissance. Dans ce
dernier cas, le droit réel de jouissance entre dans un patrimoine
distinct, celui de la société en question, et il peut constituer
un objet de garantie. Les droits réels sont donc réputés
pour faire objet de garantie mais pas tous. La condition pour faire objet de
garantie est que le droit réel doit être dans le commerce
c'est-à-dire aliénable et saisissable55.
Pourtant, tous les démembrements du droit de propriété
accordant jouissance sur les terres ne sont pas aliénables ou
plutôt ils ne sont aliénables que sous conditions. Il en est ainsi
du droit d'usage et d'habitation56 et même de
l'usufruit57 qui sont accordés en considération de la
personne qui en bénéficie et de ses besoins. Les
54 Le nu-propriétaire, le tréfoncier ou
le bailleur.
55 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit , n°665
56 Articles 625 à 636 du code civil applicable
au Cameroun.
57 Articles 578 à 624 du code civil
applicable au Cameroun. Il est largement admis que l'usufruit des terres peut
être susceptible d'hypothèque mais il s'agit de l'usufruit
créé par la volonté de l'homme et non de l'usufruit
légal parce que la loi confère ce droit simplement en
considération des relations entre le propriétaire et
l'usufruitier ce qui le rend insusceptible de passer d'une main
déterminée à une autre.
16
Jouissance des terres et garantie
servitudes également ne sont pas susceptibles de
garantie puisqu'elles sont des services fonciers conférés en
fonction de la nature et des dispositions géographiques de certains
fonds de terres desquels elles ne peuvent être séparées. A
contrario, certains baux (Paragraphe 1) sont susceptibles de garantie à
côté d'autres démembrements déterminés du
droit de propriété (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les baux, droits réels susceptibles
de garantie
Le bail est un contrat de louage par lequel l'une des
parties appelée bailleur s'engage, moyennant un prix que l'autre partie
appelée preneur s'oblige à payer, à procurer à
celle-ci, pendant un certain temps, la jouissance d'une chose mobilière
ou immobilière58. A partir de cette définition, il
s'évince que le bail est considéré plus comme un droit
personnel qu'un droit réel. La question de l'admission du bail comme
droit réel se trouve donc âprement discuté et fait l'objet
de beaucoup d'écrits59. La relation qu'il implique semble
être double.
La première relation est celle du preneur et du
bailleur, entre les deux il y a obligation de l'un envers l'autre, il s'agit
là d'un droit personnel. La seconde relation est toute autre,
c'est celle du preneur avec la chose louée. Le preneur a sur la chose
qui lui est louée un droit réel. Portant sur les terres,
la valeur économique de ce droit peut ne pas être suffisante pour
constituer garantie si ledit bail est de très courte durée et
fondé sur un système de loyers qui rémunère
exactement la valeur de la jouissance. Ceci pour la raison que ce bail ne peut
pas susciter la confiance d'un prêteur encore que le montant des loyers
à payer ne permettra pas forcément de procurer au
créancier la valeur dont il entend recouvrer. Mais il y a des baux
donnant droit réel de jouissance sur les terres pendant de très
longue durée en plus de représenter une valeur économique
forte, ils ne sont pas dépouillés de la temporalité mais
ils en viennent à pouvoir susciter confiance de la part du
créancier bénéficiaire. Il s'agit du bail
emphytéotique (A) et du bail à construction (B), qu'ils soient
des baux civils ou à usage professionnel60.
58 Cette définition tirée du
vocabulaire juridique est empruntée à l'article 1709 du code
civil applicable au Cameroun.
59 Le bail est au coeur de la distinction entre
droit réel et droit personnel mais en réalité il a
plutôt plus contribué à les rapprocher. M. PLANIOL,
Traité de droit civil, 1e éd, t 1,
n°2158 et s. MICHAS, Le droit réel considéré
comme une obligation passive universelle, thèse, Paris, 1990. F.
HAGE-CHAHINE, in Essai d'une nouvelle classification des droits
privés, RTD Civ. 1982, pp. 705 s.
60 Le bail à usage professionnel est
substitué à l'ancien bail commercial. Il est organisé aux
articles 101 et suivants de l'AUDCG révisé le 15 décembre
2010. La qualification de bail commercial ou désormais de bail à
usage professionnel ne fait pas de cette convention une à distinguer du
bail emphytéotique et du bail à construction qui peuvent
être tous deux commerciaux et civils. A. FOKO, « Bail commercial /
Bail à usage professionnel », in Encyclopédie du droit
OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011, pp. 400-439
17
Jouissance des terres et garantie
A. Le bail emphytéotique
Le bail emphytéotique61 est un bail par
lequel un propriétaire concède la jouissance d'un immeuble pour
une durée de 18 à 99 ans, moyennant une redevance annuelle
modique appelée canon emphytéotique et sous l'obligation de
planter ou d'améliorer l'immeuble loué, à un
preneur nommé emphytéote qui acquiert le droit réel
d'emphytéose62.
Il est clair à partir de cette définition que le
droit reconnu à l'emphytéote est un droit
réel63, conféré à une personne par le
propriétaire sur ses terres. La particularité de ce droit est
qu'il est toujours de longue durée, ce qui a l'avantage de constituer
pour un prêteur, même pour celui qui a consenti un prêt
à long terme à l'emphytéote, un droit qu'il pourra
réaliser en cas de défaillance de celui-ci, le débiteur de
sa créance ou la caution, à l'exigibilité de la
créance et ainsi se faire payer par préférence.
Il y a à distinguer le bail emphytéotique du
bail ordinaire puisque ce dernier est conclu pour une durée plus courte
avec des loyers de valeur élevée64. Le
bénéfice est pourtant le même, il s'agit de la jouissance
des terres. En effet, les deux défauts, relevés ci-avant,
à mettre au passif du bail ordinaire fait qu'il soit difficile de
l'admettre comme droit réel susceptible de garantie65. Dans
certains cas, les baux ordinaires sont intransmissibles et conclus avec la
condition de ne pas pouvoir faire l'objet de garantie. Ils n'autorisent pas la
conclusion des baux par le preneur à d'autres personnes sur les
mêmes terres. C'est l'interdiction de la sous-location. Contrairement aux
baux ordinaires, les baux emphytéotiques sont naturellement admis pour
faire l'objet de garantie66.
L'usufruit présente quelques caractères
semblables avec le bail emphytéotique, la réelle distinction
étant sur le point de ce que l'usufruit n'est pas toujours transmissible
et donc ne peut pas toujours faire l'objet de garantie. Les deux droits
confèrent le droit d'usage et le droit de percevoir les fruits des
terres, qu'ils soient naturels, civils ou même industriels. L'usufruit
résulte très souvent d'un contrat conclu intuitu
personae ou même plutôt d'une
61 C'est un mécanisme consacré par une
loi du 25 juin 1902.
62 G. CORNU (Sous la direction de), Vocabulaire
Juridique, op. cit. pp.118 et 396
63 Sa nature de droit réel ne fait l'objet
d'aucune spéculation. V. B. BOCCARA, Du bail emphytéotique,
REDI 1964, p. 448
64 VIATTE, « Du bail emphytéotique et de sa
distinction du bail ordinaire à longue durée », Rev.
Loyers, 1973, p. 302.
65 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens,
9e éd, Paris, Dalloz, 2014, n°928
66 Article 1er de la loi du 25 juin 1902
sus-évoqué.
18
Jouissance des terres et garantie
disposition légale67. A son sujet, la
doctrine admet volontiers qu'elle est « peu pratiquée à
cause de la fragilité du gage qui s'éteint avec ce droit
temporaire. »68 L'usufruit est un droit réel de
jouissance à caractère viager et il reste admis que le simple
fait de voir ce droit disparaître aussitôt après le
décès du débiteur, jamais prévisible, n'est d'aucun
secours à un créancier qui croyait s'en prévaloir pour le
paiement de sa créance, même après le décès
du débiteur.
Le bail emphytéotique fort de sa longue
durée69 et de sa valeur économique considérable
se place donc comme un droit réel de jouissance des terres pouvant
incontestablement faire l'objet de garantie70. Cette forme de droit
réel était à ses origines considérée comme
spécifique au domaine de l'agriculture, c'est pour cela que s'est
développée le mécanisme de bail à construction qui
a les mêmes caractères.
B. Le bail à construction
Le bail à construction est un bail de longue
durée allant de 18 à 99 ans, qui, conférant au preneur un
droit réel immobilier, avec faculté de céder,
hypothéquer ou apporter ce droit en société, l'oblige
à édifier sur le terrain loué des constructions,
moyennant, en tout ou partie, la remise au bailleur des édifices et,
s'il est stipulé, un loyer révisable.71
Ce qui a été dit pour le bail
emphytéotique est valable pour le bail à construction. Ainsi
donc, il s'agit tout aussi d'un droit réel de jouissance des terres
susceptible de garantie. Le preneur à bail a le droit de mettre en
garantie ses droits sur les terres qui lui sont données. Il est
considéré comme véritable propriétaire pendant la
longue durée de son bail72. Il est évident qu'avec la
possibilité de sous louer les constructions, la valeur économique
qui se dégage est considérable, ce qui peut notamment susciter
confiance de la part du prêteur de fonds.
Le droit réel de jouissance des terres qu'est le bail
à construction constitue avec le bail emphytéotique d'excellents
droits de jouissance à affecter à la garantie de
remboursement.
67 Cas de l'usufruit du conjoint survivant sur les biens de la
succession de l'époux décédé (article 767 du code
civil applicable au Cameroun) ou de l'usufruit des père et mère
sur certains biens de leurs enfants décédés (article 754
du code civil applicable au Cameroun)
68 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit , n°665
69 Ce temps faisait que l'emphytéote soit vu
comme le véritable propriétaire alors qu'il n'a qu'un droit de
jouissance. TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, op. cit.
n°928
70 Cass. Civ, 3e 12 mars 1970 et 13 mai
1998.
71 G. CORNU (Sous la direction de), Vocabulaire
Juridique, op. cit. p.117
72 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°936
19
Jouissance des terres et garantie
Tout de même, ils ne sont pas les seuls
démembrements du droit de propriété ayant ces
propriétés économiques utilisables aux fins de
garantie. D'autres mécanismes comme le droit de superficie et les droits
de jouissance spéciale, en pleine reconnaissance et
développement, peuvent aussi constituer l'assiette des garanties.
Paragraphe 2 : Les autres démembrements du droit de
propriété susceptibles de garantie
Le développement et la surpopulation des villes
conduisent à l'édification des habitations très denses
obligeant le recours à des techniques juridiques spécifiques
conférant des droits de jouissance particuliers73. C'est le
cas du droit de superficie (A). Il n'est pas qu'utilisé dans les milieux
urbains pour les constructions et ouvrages mais également dans les
milieux ruraux pour les plantations et cultures pouvant être faites sur
des terres appartenant à des tiers.
Avec la liberté contractuelle, il reste consacré
que des droits réels de jouissance spéciale sur les immeubles (B)
sont davantage imaginés. Ces droits s'apparentent à des droits
d'usage et parfois se rapprochent bien plus du droit d'usufruit ou même
encore du droit de superficie et des servitudes. Leur particularité est
que suivant les stipulations contractuelles qui les fondent, ils sont
aliénables et peuvent de ce fait faire l'objet de garantie.
A. Le droit de superficie comme objet de garantie
Le droit de superficie74 est un droit réel
qu'un propriétaire appelé superficiaire exerce sur la
surface d'un fonds, dont le dessous ou tréfonds appartient à un
autre propriétaire appelé
tréfoncier75. Au regard de son
étendue76, il peut être constaté que la
qualification de propriétaire pour désigner le superficiaire est
quelque peu trompeuse, bien que la doctrine et la jurisprudence tendent
à facilement l'admettre77. La propriété dont il
s'agit est celle des
73 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°948
74 F. DUMONT, La nature juridique du droit de
superficie, Thèse, Lyon III, 2001.
75 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°946
76 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit, n°936. « Il peut porter sur toute la surface
du sol et sur tous les objets établis sur le sol, seul le sous-sol
échappant à son emprise ; il peut aussi ne porter que sur les
objets se trouvant à la surface du sol, voire seulement sur quelques-uns
d'entre eux, tels que les constructions, les plantations ou même certains
arbres isolés. Il peut encore être détaché du sol,
en profondeur ou en altitude et prend alors la forme d'un volume de
propriété. »
77 J-P. BERTREL, « L'accession artificielle
immobilière. Contribution à la définition de la notion
juridique de droit de superficie », RTD Civ 1994, p. 737
La Cour Suprême du Cameroun reconnait telle
possibilité de constitution de droit conférant lesdites
prérogatives. Elle considère que le propriétaire du sol
n'est pas nécessairement le propriétaire des plantations se
trouvant au-dessus du sol. Arrêt n°16/L du 26 nov. 1984 serie 2,
n°29, pp.403-406
20
Jouissance des terres et garantie
constructions, des plantations, des ouvrages et de quelques
oeuvres établis sur la surface considérée. La
conséquence du fait de désigner comme propriétaire est
d'admettre que les prérogatives du superficiaire sont des
prérogatives de jouissance. Mais par-dessus tout, il reste
acquis qu'il a un droit aliénable, c'est un droit de disposer,
non pas de la propriété de tout l'immeuble ou des terres mais
seulement des ouvrages, constructions, plantations et toutes oeuvres qu'il aura
érigés. En France, le droit de superficie peut s'acquérir
par prescription comme la propriété des terres78
elle-même.
Dans le cadre des rapports sur la superficie, il n'y a donc
pas deux propriétaires des terres, il n'y en a qu'un seul, c'est le
tréfoncier. Sur ses terres, notamment sur le sol ou à une
certaine hauteur du sol, une personne appelée superficiaire qualifiable
de « jouisseur » exerce certaines prérogatives semblables
à celles d'un propriétaire. Le droit de superficie est
perpétuel et donc très rarement encadré dans le
temps. Le droit de superficie peut être accordé à plusieurs
personnes sous formes de volumes, chacune ayant son droit superficiaire pour un
volume déterminé, il s'agit de ce qui est appelé
volumes de propriété79. Les volumes
de propriété se distinguent de la copropriété en ce
que le sous-sol et le sol et certains volumes particuliers déterminent
les droits des superficiaires alors que la copropriété vise des
lots constitués souvent d'appartements et ne concernent jamais la
division des prérogatives sur le sol ou le sous-sol80. La
qualification de volumes de propriété pour qualifier une
catégorie particulière des droits de superficie recèle
toujours une part de tromperie pour la raison qu'elle vise à dire du
titulaire du droit de superficie qu'il est un propriétaire. Son droit
peut être perpétuel et ses prérogatives semblables à
celles d'un propriétaire mais il n'est pas un
copropriétaire81, raison pour laquelle il ne peut être
désigné propriétaire82.
Le titulaire du droit de superficie bénéficie de
larges droits qu'il devient donc assimilable à un propriétaire,
ceci fait que son droit soit saisissable et d'une valeur économique
78 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°951
79 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°948. J. LAFOND, « Volumes et
propriétés », JCP N, 2007, p. 1246.
80 V. D. SIZAIRE, « Division en volumes et
copropriété des immeubles bâtis », JCP, 1988,
I, p. 3367
81 Il s'agit d'une simple superposition de droits
réels. TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, op. cit.
n°948
82 A ce sujet, le conseil constitutionnel
français décide que le droit de superficie est une menace
à la protection constitutionnelle due à la
propriété car cette dernière est seule susceptible
d'être perpétuelle et donc de durée indéfinie. Cons.
Const. n°94-346, DC 21 juil. 1994, RTD Civ 1995, p. 656, obs.
ZENATI, JO 23 juil. 1994, 10635.
21
Jouissance des terres et garantie
considérable. Mais à bien surestimer les
prérogatives du titulaire du droit de superficie d'autres aspects de ce
droit peuvent s'en trouver occulter pour au moins deux raisons :
- L'acte de constitution du droit de superficie peut contenir
une clause d'inaliénabilité, ce peut être la
volonté des parties. Mais bien plus, il peut s'agir d'un droit
révocable, ce qui le rend précaire, ce serait en vertu d'une
clause contractuelle.
- Le droit de superficie peut être limité
dans l'espace. C'est dire que bien que le propriétaire
tréfoncier dispose de larges terres, le droit du superficiaire ne peut
porter que sur une partie de ces terres.
Toutefois, le droit de superficie représente, en bien
de proportions, une utilité83 sur laquelle un
créancier peut constituer un droit de préférence pour se
faire payer en priorité en cas de réalisation mais simplement
à condition que le droit de superficie ne soit pas excessivement
limité dans le temps et dans l'espace et qu'il ne soit pas facilement
révocable et frappé d'inaliénabilité. Il en
découle que les droits réels de jouissance constitués sur
les terres sont fonction des stipulations contractuelles qui les constituent.
C'est la résultante du développement récent du droit de
jouissance spéciale que reconnait la Cour de Cassation française
qui fonde sa décision sur des dispositions relatives à la
liberté contractuelle, en vigueur au Cameroun.
B. Les droits réels de jouissance innomés
objet de garantie
Il s'agit des droits réels non pas
nommés84 c'est-à-dire contenus dans un texte
législatif ou règlementaire mais plutôt
innomés85 et donc créés par des conventions
conclues par le propriétaire avec un tiers pour concéder à
ce dernier un droit de jouissance que la jurisprudence et la doctrine
s'accordent à appeler « droit de jouissance
spéciale86 ». Il peut
83 Qui doit être conséquente et
déterminer le créancier à s'en prévaloir le moment
venu.
84 Les droits réels sur les terres
nommés sont notamment le droit de propriété, le droit
d'usufruit, le droit d'usage et d'habitation, le bail emphytéotique, le
bail à construction, les servitudes et tous les droits réels
clairement désignés comme tels par une loi ou un
règlement,...
85 DRUFFIN-BRICCA S., L'essentiel de
l'introduction générale au droit, 15e éd,
Clamecy, Gualino, 20192020, p.107
86 Cour de cassation, chambre des requêtes,
13 février 1834, dans l'arrêt CAQUELARD, ladite Cour
énonçait déjà ce qui suit : « (...) les
articles 544, 546 et 552 du Code civil sont déclaratifs du droit commun,
relativement à la nature et aux effets de la propriété,
mais ne sont pas prohibitifs ; que ni ces articles, ni aucune autre loi
n'excluent les diverses modifications et décompositions dont le droit
ordinaire de propriété est susceptible... ».
Ce droit de jouissance a véritablement pris ses marques
à la suite de la décision de la 3e Chambre de la Cour
de cassation du 31 octobre 2012 (Maison de Poésie, n° 11-16304,
Bull. civ. III n°159). Cet arrêt adopte les motifs ci-après,
après avoir visé les articles 544 et 1134 du code civil : «
Attendu qu'il résulte de ces textes que le propriétaire peut
consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit
réel conférant le bénéfice d'une jouissance
spéciale de son bien »
22
Jouissance des terres et garantie
s'agir d'un simple droit d'usage qui confère à
son titulaire une certaine utilité économique. Cependant, ce
droit d'usage est dépouillé des limites imposées par le
code civil contenues aux articles 625 à 636. Quelques fois, le droit de
jouissance spéciale prend le visage d'un droit d'usufruit, pourtant,
c'est un droit d'usufruit sans ses caractéristiques principales
disposées également dans le code civil aux articles 578 à
624.
A travers le visa de l'article 1134 du code civil par la Cour
de Cassation, il se conclut que les droits réels de jouissance
spéciale sont des véritables créations des parties, pourvu
que les règles d'ordre public soient respectées. A titre
illustratif, pour la constitution de ces droits, et notamment pour ceux portant
sur les terres, la condition de validité des conventions sur les
immeubles étant le recours à un Notaire, il ne sera pas admis
qu'ils soient constitués par des actes sous-seing privé.
Les parties au contrat fondant le droit réel de
jouissance spéciale peuvent librement convenir de ce que ce droit
confère les mêmes prérogatives qu'un droit d'usufruit ou
même comme un droit d'usage et d'habitation mais tout en rendant ces
droits aliénables et donc susceptibles d'être objet
de garantie. C'est dire que les contrats peuvent être conclus
intuitu personae, ce qui ne peut donner lieu à constitution de
garantie. A contrario, les droits réels de jouissance peuvent être
concédés avec possibilité d'aliénation87
par le titulaire.
En bref, lorsqu'un droit réel de jouissance
spéciale extrait du droit de jouissance générale du
propriétaire est concédé sans réserve, il est
susceptible de faire l'objet de garantie. De même s'en trouve les autres
droits réels de jouissance que sont le droit de superficie, le bail
emphytéotique et le bail à construction. Tous ces droits
réels sont des démembrements du droit de propriété.
Toutefois, sans droit de propriété encore moins sans
bénéfice d'un de ses démembrements, l'exploitation et la
jouissance de certaines terres ne sont-elles pas possibles ? Cela est
envisagé au Cameroun dans les ordonnances fixant le régime
foncier88 et domanial89. En effet, des droits
réels peuvent être constitués sur les terres domaniales
Les auteurs suivants et bien d'autres ont abondamment
écrits sur le sujet : L. D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La
liberté de création des droits réels aujourd'hui. »
Recueil Dalloz 2013 p.53 ; J. L. BERGEL, « Droits réels de
jouissance et valorisation des biens... », in Mél. J.-L.
MOURALIS, PUAM, 2011, p. 19 ; M. JULIENNE et J. DUBARRY «
Précisions sur le droit de jouissance spéciale », note sous
arrêt Cour de cassation, 3ème civ., 28 janvier 2015, Sté
ERDF, n°14-10013, Bull. civ. III n°13.
87 L. D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La
liberté de création des droits réels aujourd'hui. »
op. cit. n°16
88 Ordonnance n°74/1 du 6 juillet 1974 fixant
le régime foncier modifié par l'ordonnance n°77-1 du 10
janvier 1977 et les lois n°s 80-21 du 14 juillet 1980 et 83-19 du 26
novembre 1983.
89 Ordonnance n°74-2 du 6 juillet 1974
modifiée par l'ordonnance n°77/2 du 10 janvier 1977 fixant le
régime domanial.
23
Jouissance des terres et garantie
appropriées ou gérées par l'Etat. Les
droits réels de jouissances des terres susceptibles de garantie
procèdent souvent des conventions et actes ou situations de fait,
portant sur les domaines, et reconnus par l'Etat comme tels.
SECTION 2 : LES DROITS REELS DE JOUISSANCE DES
TERRES
DOMANIALES SUSCEPTIBLES DE GARANTIE
En Afrique, au moment de la pénétration
occidentale, les vastes terres étaient considérées comme
vacantes et sans maîtres90. La conclusion était que les
droits de propriété n'étaient pas constitués sur
elles. Au Cameroun, depuis un peu plus d'une douzaine d'années
après l'indépendance, pour constituer les droits de
propriété sur des terres du domaine national où les titres
n'ont jamais été délivrés, il faut passer par la
voie de l'immatriculation directe pour les terres occupées et
exploitées avant le 04 août 1974 sinon la voie de
l'immatriculation indirecte comme bénéfice d'une concession
définitive s'impose. Cette concession est précédée
d'une concession provisoire, droit de jouissance temporaire. Au terme de la
concession provisoire survient la concession définitive et souvent le
bail emphytéotique. Ces droits réels sur le domaine national sont
susceptibles de garantie (Paragraphe 2).
Les droits réels de jouissance peuvent être
consacrés au profit des particuliers sur les autres domaines que sont le
domaine privé de l'Etat et de ses démembrements et sur le domaine
public artificiel après déclassement et incorporation dans le
domaine privé de l'Etat. Pour le domaine public artificiel, les
autorisations ou concessions d'occupation temporaire remplissent quelques
caractères des droits réels qui sont seuls susceptibles de
garantie. Pour les terres du domaine privé de l'Etat proprement dit,
comme droits de jouissance, des baux ordinaires et emphytéotiques
peuvent être accordés aux particuliers91. Ainsi comme
objet de garantie, il y a aussi des droits de jouissance dans le domaine public
et dans le domaine privé de l'Etat (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 : Les droits réels de jouissance dans
les domaines public et privé de l'Etat susceptibles de garantie
Le domaine public est une partie du patrimoine des personnes
publiques soumise à un régime juridique de droit administratif
très protecteur ; les biens classés dans cette
90 G. KOUASSIGAN, L'homme et la terre. Droits
fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique
Occidentale, Paris, Ed. BERGER LEVRAULT, 1966, 289p.
91 Article 20 alinéa 1 (4°) du
décret n°76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de
gestion du domaine privé de l'Etat.
24
Jouissance des terres et garantie
catégorie sont, tant qu'ils y demeurent,
imprescriptibles et inaliénables et donc insaisissables. La sortie d'un
bien du domaine public résulte d'une procédure dite de
déclassement92. Le déclassement est la
procédure administrative qui consiste à retrancher un bien de la
catégorie de biens du domaine public artificiel afin de le classer dans
le domaine privé de l'Etat. Le déclassement mène, au
profit des particuliers, à l'autorisation d'occupation ou d'exploitation
temporaire du domaine public qui peut être traité comme
conférant un droit réel de jouissance susceptible de garantie
(A). Cette qualification donnée à ce droit réel de
jouissance portant sur des terres autrefois dans le domaine public conduit
à dire que, même étant admis dans le domaine privé
de l'Etat, un bien du domaine public a un statut particulier. Ceci est d'autant
plus vrai que ledit bien n'épouse pas l'une quelconque des
modalités de gestion du domaine privé de l'Etat, des baux (B) en
l'occurrence qui sont des droits réels aussi susceptibles de constituer
l'assiette d'une garantie.
A. L'autorisation d'occupation temporaire du domaine
public artificiel : droit réel de jouissance susceptible de garantie
Le domaine public est vaste et supporte de nombreuses
activités publiques ou privées propices à la vie locale.
Ce patrimoine peut être valorisé économiquement et donc
représenter une source de revenu. Pour concilier les différents
usages et intérêts, leur mise à disposition et exploitation
requièrent une parfaite organisation. C'est pourquoi, même si le
domaine public est réputé « inaliénable et
insaisissable », il est possible d'accorder un droit d'usage
temporaire à une personne privée et de définir les
modalités d'utilisation et de gestion de ces lieux au travers d'une
convention ou d'un acte administratifs d'autorisation d'occupation ou
d'exploitation temporaire93.
L'autorisation d'occupation ou d'exploitation temporaire du
domaine public permet au titulaire d'occuper le domaine public ou de l'utiliser
de manière privative, c'est-à-dire dans des conditions
dépassant le droit d'usage qui appartient à tous94. Il
y a des occupations mineures du domaine public, c'est le cas de l'occupation
des voies publiques par les véhicules pour des parkings publics ou
privés lorsqu'ils sont autorisés par des permis de
stationnement95. Ces occupations ne peuvent pas en elles-mêmes
constituer des droits réels
92 G. CORNU (Sous la direction de), Vocabulaire
Juridique, op. cit. p.306
93 CEREMA, Fiches outils. Valoriser le
domaine public, 2020. Vu sur
www.cerema.fr le 08 juin
2021.
94 Idem.
95 L'article 9 de l'ordonnance fixant le
régime domanial évoque telle prérogative qui peut
être accordée sur le domaine public.
25
Jouissance des terres et garantie
susceptibles de garantie. Les droits réels de
jouissance des terres du domaine public artificiel pouvant faire l'objet de
garantie sont des terres visées par des projets d'investissements et qui
nécessitent le déclassement en vue de l'incorporation au domaine
privé de l'Etat. Le déclassement et l'incorporation sont le
résultat d'un décret présidentiel96, ce qui
démontre l'importance de l'acte mais également la valeur
économique de l'autorisation pour son titulaire qui
bénéficie en ce sens d'un droit réel utilisable comme
assiette de garantie97. Les droits réels portent sur les
constructions, les ouvrages et les installations érigés sur
lesdites terres du domaine public ainsi
déclassées98.
Il reste en ce sens acquis que même sur le domaine
public artificiel, des droits réels peuvent être constitués
au profit des particuliers. Ceux-ci peuvent à leur tour les utiliser
pour bénéficier des facilités de crédit. La
contrepartie à payer pour bénéficier de ces autorisations
est de peu de valeur puisque ce qui est payée c'est une redevance et
jamais la valeur de la jouissance. Le canon emphytéotique payé
par l'emphytéote pour bénéficier du bail de longue
durée s'apparente à cette redevance. Tel bail est envisageable
dans le domaine privé de l'Etat et dans le domaine national.
B. Les baux sur les terres domaniales susceptibles de
garantie
L'une des modalités phares de gestion du domaine
privé de l'Etat ainsi que du domaine privé des autres personnes
morales publiques (collectivités territoriales
décentralisées, établissements publics, entreprises
publiques,...) est le bail emphytéotique99 calqué sur
le modèle envisagé en droit privé et donc contenu dans la
loi de 1902 évoqué plus haut. Le bail emphytéotique
constitue également une modalité de gestion du domaine
national100. En effet, la conclusion du bail emphytéotique
est de droit lorsque le bénéficiaire d'une concession provisoire
arrivée à terme est un étranger. Il n'est pas exclu que
même pour un national
TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, op. cit.
n°954
96 Articles 10 et suivants du décret du 11 aout
2015 sus évoqué.
97 Article 13 et 14 du décret ci-avant.
L'article 14 énonce notamment ce qui suit : « Les droits,
ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier ne
peuvent être cédés ou transmis dans le cadre des mutations
entre vifs ou de fusion, absorption ou de scission de société,
pour la durée de validité du titre restant à courir, y
compris dans le cas de réalisation de la sûreté portant sur
lesdits droits et biens dans les cas prévus aux troisième et
quatrième alinéas du présent article, qu'a une personne
agréée par l'autorité compétente, en vue d'une
utilisation compatible avec l'affectation du domaine public occupe.
»
98 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°954
99 M. H. PERO, AUGUEREAU HUE et B. DELORME, «
Le bail emphytéotique des personnes publiques : clauses et
conséquences », JCP N 2013, p. 1119.
100 Article 17 de l'ordonnance fixant le régime
foncier.
26
Jouissance des terres et garantie
l'option de transformer la concession provisoire en concession
définitive soit rejetée pour être substituée par
celle de la transformation en bail emphytéotique.
La concession définitive mène à la
délivrance d'un titre foncier qui consacre le droit de
propriété définitif de son bénéficiaire. Par
contre, le bail emphytéotique représente un simple droit
réel de jouissance sur des terres déterminées avec parfois
de larges prérogatives101. Il s'agit d'un droit
aliénable et saisissable comme déjà
démontré, ceci permet à l'emphytéote de mettre le
en garantie102. La durée du bail emphytéotique sur les
domaines est comprise entre 18 et 99 ans. Il s'agit d'une durée
relativement longue qui peut donc inspirer la confiance du prêteur et
servir de garantie au remboursement de son crédit.
Le décret n°3450/PM du 11 août 2015
introduit une disposition contradictoire avec une disposition du décret
fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat. La
disposition est la suivante : « le bail sur un terrain domanial
confère au preneur un droit réel notamment susceptible
d'hypothèque. » Le décret fixant les modalités
de gestion du domaine privé de l'Etat exclut la possibilité
d'utiliser le bail ordinaire sur le domaine privé de l'Etat comme objet
de garantie103. La première disposition évoquée
étant récente et spécialement consacrée à
l'organisation des garanties sur les droits de jouissance des terres
domaniales, il pourrait être admis que le bail ordinaire est un droit
susceptible d'être cédé et donc de faire l'objet d'une
garantie. La question est donc entière de savoir si une jouissance
conférée par un bail ordinaire même sur des terres
domaniales peut être valablement utilisée comme objet de garantie.
Il serait difficile pour la raison qu'il est trop précaire et trop
temporaire. L'argument favorable à telle possibilité est le fait
que les loyers des terres domaniales sont très souvent des sommes
modiques et le preneur a la possibilité de sous-louer et donc de
spéculer. C'est sur la plus-value ainsi réalisable que peut se
justifier le recours à la garantie au moyen de la jouissance
conférée par le bail ordinaire sur des terres domaniales.
En bref, il faut conclure que l'autorisation d'occupation ou
d'exploitation temporaire du domaine public déclassé et les baux
domaniaux sont des droits réels de jouissance des terres susceptibles de
garantie parce qu'ils sont, d'une part, des droits réels, et d'autre
part, parce
101« La doctrine administrative en France
reconnaît aux titulaires du droit réel en vertu du bail
emphytéotique la qualité de propriétaires des
constructions ou installations par eux réalisés, de sorte que ce
droit réel doit être assimilé au droit de superficie.
» F. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens, op. cit.
p.846
102 Article 23 du décret fixant les modalités de
gestion du domaine privé de l'Etat.
103 Article 20 du décret du 27 avril 1976.
27
Jouissance des terres et garantie
qu'il s'agit des droits procurant une utilité
économique considérable à leur titulaire, ce qui permet
notamment à leurs créanciers d'y fonder confiance et de faire
constituer leur droit de préférence sur leur valeur pour se faire
payer, en cas de défaillance du débiteur au moment de
l'exigibilité de la créance.
L'admission de la possibilité de constituer ce droit de
préférence sur les prérogatives de jouissance des terres
des domaines témoigne d'une certaine volonté d'élargir la
catégorie des biens constituant l'assiette des garanties. En
conséquence, c'est aussi la volonté de favoriser le recours au
crédit et de faire de chaque valeur économique admise dans le
patrimoine du débiteur, un bien qui pourra servir son
intérêt puisque le crédit qu'il est amené à
bénéficier est de son intérêt puis de celui de la
société toute entière. Il a de ce fait été
constaté aussi que la jouissance accordée à certaines
personnes sur le domaine national constitue également une valeur
économique incontestablement considérable dans le patrimoine de
son bénéficiaire, c'est la raison pour laquelle des droits
réels sont conférés sur cette jouissance en vue de
constituer assiette aux garanties.
Paragraphe 2 : Les droits réels de jouissance sur le
domaine national susceptibles de garantie
Le domaine national est constitué des terres qui ne
sont pas classées dans le domaine public ou privé de l'Etat et de
ses démembrements ainsi que de celles qui n'ont pas fait l'objet d'une
appropriation ayant menée à la délivrance d'un titre
foncier. Les modalités de gestion de ce domaine sont l'affectation aux
personnes publiques, le bail et la concession104. Le bail
emphytéotique comme assiette de garantie a été vu
précédemment.
S'agissant de la concession, elle est une technique par
laquelle l'Etat reconnait aux particuliers à travers un acte
administratif déterminé105 un droit de jouissance
voire un droit de propriété sur des terres. Les modalités
de gestion du domaine national qui l'instituent ne la définit pas mais
en explique amplement le mécanisme. Comme évoqué ci-haut,
la concession est double. Elle est définitive lorsqu'elle
mène directement à la reconnaissance d'un droit de
propriété définitif au profit du
bénéficiaire. Mais avant la concession définitive,
l'aspirant à la propriété des terres doit d'abord
bénéficier d'une concession provisoire qui lui permet de mettre
en valeur et faire des investissements sur lesdites terres. La concession
provisoire constitue une technique conférant un droit réel de
jouissance des terres susceptible
104 Article 17 de l'ordonnance fixant le régime
foncier.
105 Un arrêté du Ministre des Domaines, du
Cadastre et des Affaires Foncières lorsqu'il s'agit de moins de 50
hectares ou un décret du Président de la République
lorsque la superficie est de plus de 50 hectares.
28
Jouissance des terres et garantie
de garantie (A) pendant sa durée. Cette voie menant
à la propriété définitive constitue la voie de
l'immatriculation indirecte. La voie de l'immatriculation directe est offerte
aux occupants et exploitants du domaine national avant le 05 août 1974.
Avant l'immatriculation, leur droit est un droit réel de jouissance des
terres susceptible de garantie (B).
A. La concession provisoire : droit susceptible de
garantie
La concession provisoire est « octroyée pour
des projets de développement entrant dans le cadre des options
économiques, sociales ou culturelles de la nation106
». Au regard de cette disposition, il est clair que les
investissements pour lesquels les concessions provisoires sont octroyées
ne sont pas limités. Et notamment, les terres pouvant être
accordées en concessions provisoires peuvent servir aussi bien pour des
besoins d'usage et d'habitation des familles que pour des besoins commerciaux
et économiques de toute catégorie.
Les concessions provisoires constituent aujourd'hui la
principale voie d'accès à la propriété
immobilière sur les vastes terres du domaine national. 15% à
peine des terres occupées au Cameroun étant immatriculées,
la voie de la concession provisoire qui s'impose aux occupants et exploitants
du domaine national devient une technique majeure de reconnaissance des droits
réels107.
En effet, lorsque les terres concernées par la demande
de concession provisoire sont de moins de 50 hectares, la concession est
attribuée par arrêté du Ministre en charge des Domaines.
Lorsqu'il s'agit plutôt des terres dépassant la superficie sus
évoquée, l'attribution est faite par un Décret du
Président de la République. Dans tous les cas, un cahier des
charges détermine les droits et les obligations du concessionnaire.
La concession prend fin à l'expiration du délai
de 5 ans pour lequel elle est attribuée et exceptionnellement à
l'expiration du délai de renouvellement. Le décès du
titulaire met fin à la concession lorsque ses héritiers n'ont pas
demandé la cession à leur profit du droit de jouissance dont
bénéficiait le de cujus. Le non-respect des obligations
contenues dans le cahier des charges, l'aliénation sans le consentement
de l'administration, la mise sous
106 Article 2 du décret n°76-166 du 27 avril 1976
fixant les modalités de gestion du domaine national.
107 A lire l'article 4 du décret suscité, il
peut en être conclu que seules les terres non occupées ou
exploitées peuvent faire l'objet de concession provisoire. Il y a lieu
d'envisager que l'occupation et l'exploitation dont il s'agit ne peuvent pas
valoir dans le sens où il s'agit des terres vierges. En
réalité, ce texte vise à écarter de l'assiette de
la concession provisoire les terres déjà immatriculées au
profit de l'Etat ou des particuliers et celles ayant été mises en
valeur avant le 4 août 1974. Sont également exclus les terres
relevant du domaine public.
29
Jouissance des terres et garantie
procédure collective en cas de cessation de paiements
ainsi que la concession définitive sont d'autres modes d'extinction du
droit de jouissance que constitue la concession provisoire.
Il s'évince de ce qui précède que la
concession provisoire est très précaire puisqu'elle ne dure que
cinq (05) ans et exceptionnellement plus. Mais elle constitue un droit
réel aliénable, sous quelques conditions, d'où son
admission comme susceptible d'être objet de garantie. Elle peut
même être un objet de garantie efficace pour des crédits de
court terme et de faible valeur. La concession provisoire est
érigée en droit réel susceptible de garantie aux termes de
l'article 18 alinéa 2 du décret sus évoqué fixant
les modalités de gestion du domaine national. Les dispositions dudit
article sont reprises par le décret n°2015/3580/PM du 11 août
2015 en son article 21. Toujours sur le domaine national, un autre droit
réel de jouissance est admis, pourtant aucun titre ne le constate. Il
s'agit d'une prérogative légale qui reconnait la jouissance
à certaines personnes et leur permet d'obtenir un titre foncier en vertu
de leur simple jouissance.
B. Le droit réel de jouissance des occupants et
exploitants des dépendances du domaine national au 4 août 1974
L'article 17 de l'ordonnance fixant le régime foncier
dispose ainsi : « Les dépendances du domaine national sont
attribuées par voie de concession, bail ou affectation dans des
conditions déterminées par décret.
Toutefois, les collectivités coutumières,
leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise qui,
à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance,
occupent ou exploitent paisiblement des dépendances de la
première catégorie prévue à l'article 15,
continueront à les occuper ou à les exploiter. Ils pourront sur
leur demande obtenir des titres de propriété conformément
aux dispositions du décret prévues à l'article 7.
»
L'article 15 évoqué dans cette disposition est
relatif à la catégorisation du domaine national en deux
dépendances, la première est celle occupée ou
exploitée alors que la seconde est libre de toute occupation. Les terres
concernées par le deuxième alinéa de l'article 17
sus-cité sont donc les terres exploitées ou occupées
à l'entrée en vigueur de l'ordonnance fixant le régime
foncier. Il est clair qu'au profit desdites collectivités et personnes,
un droit réel de jouissance est reconnu. Un droit de jouissance qui plus
est susceptible d'être transformé en droit de
propriété à la simple demande de l'occupant ou de
l'exploitant.
30
Jouissance des terres et garantie
Le droit dont sont titulaire les exploitants et occupants du
domaine national avant le 05 août 1974 est susceptible de garantie et
notamment d'hypothèque. Au moment de constituer cette hypothèque,
le Notaire doit requérir l'immatriculation des terres occupées et
exploitées au profit de la personne qui les occupent et exploitent et
entend donc les mettre en garantie. Ainsi, l'ordonnance fixant le régime
foncier a consacré un droit réel de jouissance prêt
à se transformer en droit de propriété lorsque l'occupant
ou l'exploitant demande l'immatriculation.
L'admission de ce droit de jouissance comme pouvant faire
l'objet de l'hypothèque est juste pour au moins deux raisons. La
première raison tient au fait que le droit de jouissance ainsi
consacré n'est en lui-même que temporaire, la difficulté
propre à une personne de procéder à cette conversion ne
doit donc pas occulter le fait que son occupation et son exploitation valent
d'importants investissements ou plutôt le fait que la
disponibilité du crédit permettrait lesdits investissements. Il
n'est pas faux que la reine des garanties étant l'hypothèque, un
immeuble ou des terres immatriculées lui seront demandés pour
l'octroi dudit crédit. Avec la possibilité d'utiliser un simple
droit de jouissance, les diligences nécessaires peuvent être
faites et le crédit octroyé.
Le domaine national regorge, au regard de ce qui
précède, l'essentiel des droits de jouissance des terres
susceptibles d'être mis en garantie de remboursement des crédits.
Les divers baux, la concession provisoire et les droits des exploitants ou
occupants du domaine national avant le 05 août 1974 sont les droits dont
bénéficient la grande majorité des camerounais.
En conclusion, quelques démembrements du droit de
propriété conférant jouissance des terres et
présentant préalablement des caractères
d'aliénabilité et de saisissabilité peuvent constituer
l'assiette d'une garantie de remboursement des crédits. Il en est de
même des droits réels que le législateur a bien voulu
conférer dans les terres des domaines à travers les
mécanismes sus évoqués. Le territoire camerounais est
largement constitué du domaine national, c'est la raison pour laquelle
les droits de jouissance conférés à ceux qui l'exploite
mènent majoritairement à l'acquisition de la
propriété. C'est le cas des droits des exploitants et occupants
du domaine national avant le 05 août 1974. Leur droit de jouissance doit
au préalable être transformé en droit de
propriété et les terres occupées ou exploitées
peuvent être hypothéquées. La nature de la garantie portant
sur ce droit est identifiée ; il s'agit de l'hypothèque. Portant
également sur les terres, la question se pose de savoir si les autres
droits réels de jouissance entrent-ils également dans l'assiette
de l'hypothèque.
31
Jouissance des terres et garantie
CHAPITRE 2 : LA NATURE JURIDIQUE DE LA GARANTIE PORTANT
SUR LA JOUISSANCE DES TERRES : L'HYPOTHEQUE
La nature juridique d'une institution renvoie à ce
« qui définit cette institution ; ce qui est de son essence et
de sa substance. C'est l'ensemble des critères distinctifs qui
constituent cette chose en une notion juridique108
». La nature juridique permet de déterminer le régime
juridique de la chose ou de la situation à appréhender.
S'agissant des garanties de remboursements des crédits, leur nature
juridique s'identifie dans la catégorie des droits réels dits
accessoires ou de second degré. Les droits réels accessoires sont
des droits attachés aux créances mais portant sur des biens
déterminés. Selon la distinction établit par GOUBEAUX, les
droits réels accessoires sont des accessoires non pas par production
mais simplement des accessoires par affectation109. Les
bénéfices de ces droits sont distincts des
bénéfices des droits réels principaux que sont l'usage, la
jouissance et la disposition. Selon le mécanisme du droit réel
accessoire, « le droit réel est vidé de sa substance
matérielle ; il n'en reste que les attributs juridiques - droits de
préférence et parfois de suite -, offerts au créancier
afin de garantir son droit110». L'unique raison de son
existence est la créance garantie avec laquelle elle disparait ou
plutôt qu'elle permet de réaliser111, ce qui participe
de ce qu'un auteur appelle le « droit de disposer du bien d'autrui
pour son propre compte112. »
La catégorie des droits réels accessoires,
offrant le droit de préférence et un droit de suite en plus pour
certains, compte plusieurs garanties. Il y a des garanties mobilières
qui portent sur des biens meubles et des garanties immobilières portant
sur les immeubles. Il y a une catégorie des garanties qui portent sur
tous les biens qu'ils soient meubles ou immeubles. Ainsi, tous les biens du
débiteur, meubles comme immeubles, sont considérés comme
affectés en garantie de certaines créances113. La
nature de droit réel accessoire est tout de même discutée
aux garanties de cette catégorie (privilèges
généraux), pour défaut de droit de suite notamment.
Certains auteurs s'accordent à lui reconnaître cette nature
seulement
108 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.679
109 G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit
privé, LGDJ, Bibl. de droit privé, t. 93, 1969, n°23.
Au sens de l'auteur, il semblerait que l'on ne puisse pas dire qu'une garantie
soit un accessoire par production, car dans l'accessoire par production, le
principal participe à la structure de l'accessoire, ce dont ne fait pas
un droit réel accessoire.
110 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°400
111 J. GATSI, droit des biens et des sûretés
dans l'espace OHADA, op. cit. p.28
112 B. LOTTI, Le droit de disposer du bien d'autrui pour
son propre compte, Thèse, Université de Paris Sud XI, 1999,
519p.
113 L'article 180 de l'AUS détermine ces privilèges
généraux et leur régime.
32
Jouissance des terres et garantie
lorsqu'il s'agit de certains privilèges accordant droit
de suite ; c'est le cas du privilège du bailleur.114 Les
privilèges généraux sont des traits d'union entre les
biens meubles et les immeubles. Les garanties portant spécialement sur
ces derniers sont limitées et strictement encadrées. D'ailleurs,
c'est en droit français qu'il est possible d'en recenser deux, exception
faite des propriétés garanties. Il y a notamment le gage
immobilier, sorte de gage sur immeuble avec dépossession du constituant.
Puis il y a l'hypothèque115.
Comme évoqué ci-haut, la question se pose de
savoir si les droits réels de jouissance des terres comme droits
réels immobiliers constituent l'assiette de l'hypothèque ? Ainsi
donc, il s'agit de savoir s'il faudrait considérer une hypothèque
des droits de jouissance des terres. La garantie portant sur la jouissance des
terres s'identifie comme hypothèque (Section 1). Pourtant, il est
possible d'identifier des caractéristiques propres à
l'hypothèque des droits de jouissance des terres (Section 2), ce qui
pourrait faire de cette dernière une hypothèque
particulière.
SECTION 1 : L'IDENTIFICATION DE LA GARANTIE AU MOYEN
DES
DROITS DE JOUISSANCE DES TERRES COMME HYPOTHEQUE
L'hypothèque est définie comme droit
réel sur un immeuble affecté à l'acquittement d'une
obligation.116 Plus largement, selon le Doyen CORNU,
l'hypothèque est une « sûreté réelle
immobilière constituée sans la dépossession du
débiteur, par une convention, la loi ou une décision de justice,
et en vertu de laquelle le créancier qui a procédé
à l'inscription hypothécaire a la faculté, en tant qu'il
est investi d'un droit réel accessoire garantissant sa créance,
de faire vendre l'immeuble grevé en quelques mains qu'il se trouve
(droit de suite) et d'être payé par préférence sur
le prix (droit de préférence)117. » Cette
définition est non seulement précise mais résume
clairement tout le mécanisme qu'est l'hypothèque. Identifier la
garantie des droits de jouissance des terres à l'hypothèque
amène à se rendre à l'évidence que l'objet commun
est la terre (Paragraphe 1). Le législateur en voulant opérer
cette identification envisage pour la garantie des droits de jouissance des
terres les caractéristiques de l'hypothèque (Paragraphe 2).
114 Ce dernier a un droit de suite en cas d'enlèvement
des biens du locataire sans son consentement. MINKOA SHE A., «
Privilèges », in Encyclopédie du droit OHADA, Porto
- Novo, Lamy, 2011, pp. 1413-1424
115 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°630
116 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.515
117 Idem
33
Jouissance des terres et garantie
Paragraphe 1 : L'identification comme hypothèque au
moyen de l'objet des deux garanties
Les textes qui fondent118 les divers droits
réels de jouissance des terres évoqués plus haut postulent
que l'hypothèque est la garantie dont lesdits droits peuvent être
l'assiette. L'assiette est la « base matérielle sur laquelle
porte un droit et qui concourt à délimiter concrètement
celui-ci.»119 C'est aussi la « base
économique, valeur de référence qui sert au calcul d'un
droit ou d'une obligation (dette, cotisation).»120 La
distinction de l'assiette et de l'objet ne tient pas à grande chose.
L'objet est en effet la « chose matérielle, tangible
». L'objet renvoie à la chose ou la matière et
l'assiette renvoie de sa part à la valeur.
Lorsque l'hypothèque porte sur l'immeuble ou sur le
droit de jouissance de l'immeuble ou des terres, l'objet est commun, c'est la
terre et donc l'immeuble. La propriété garantie porte sur les
terres et le gage immobilier porte sur le même objet. L'objet d'une
garantie est la chose matérielle sur laquelle il porte
directement.121 Cet objet peut ne pas être divisé en
valeur et dans ce cas, il se confond avec l'assiette.
En effet, la communauté d'objet pour de
l'hypothèque lorsqu'elle porte sur l'immeuble entier et lorsqu'elle
porte sur un droit de jouissance des terres ne signifie pas unité des
droits concernés ni des valeurs économiques à
prétendre. Il faudrait envisager l'hypothèque comme portant sur
l'immeuble et donc, pour ce cas, ce qui est visé c'est l'immeuble tout
entier (A) et toute sa valeur, les droits de jouir et de disposer de
l'immeuble. L'hypothèque portant sur les droits de jouissance des terres
a une assiette claire et distincte, c'est le droit de jouissance de l'immeuble
ou des terres (B).
A. L'immeuble comme assiette de l'hypothèque de
l'immeuble
L'hypothèque porte généralement sur tout
l'immeuble et ses accessoires par production.122 Ce n'est pas la
propriété de l'immeuble qui est mise en garantie sinon il
s'agirait d'une propriété garantie. C'est l'immeuble tout entier
comme un bien et non comme le droit sur le bien. Certainement la distinction de
la mise de la propriété de l'immeuble en garantie suivant les
techniques de propriété retenue ou cédée, de la
mise de l'immeuble en
118 Article 1er de la loi sur le bail
emphytéotique, décret fixant les modalités de gestion du
domaine national, décret fixant les modalités de gestion du
domaine privé de l'Etat, décret du 11 août 2015.
119 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.130
120 Idem
121 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.701
122 G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit
privé, op. cit. n°23.
34
Jouissance des terres et garantie
garantie démontre bien que l'immeuble est susceptible
de divisions. Cette division est-elle économique ou juridique ?
Assurément, une telle division est difficile à clairement situer
en droit des biens. La division est tout au moins triple : l'immeuble
qui est le bien est distingué de la
propriété de l'immeuble qui est un droit et la
propriété elle-même peut être distinguée
du droit de jouissance de l'immeuble qui peut être un de ses
démembrements. C'est la conséquence de la distinction des
choses et des biens ainsi que des biens et des
droits123.
Ainsi divisé, l'immeuble peut être
envisagé pour faire l'objet de trois garanties distinctes.
L'hypothèque de l'immeuble, la
propriété-garantie de l'immeuble et la
jouissance-garantie de l'immeuble. L'objet de l'hypothèque qui
est l'immeuble et principalement sa valeur se distingue des autres de
manière plus claire au moment de sa réalisation. En effet, au
moment de la réalisation de l'hypothèque, l'attribution de la
propriété de l'immeuble au créancier n'est qu'une option
et jamais un automatisme. Cette attribution est automatique lorsqu'il s'agit de
la propriété garantie124.
Egalement, en réalisant l'hypothèque par la voie
de la saisie immobilière une solution exceptionnelle est avancée,
celle énoncée à l'article 265 de l'AUPSRVE qui dispose
ainsi : « Si le débiteur justifie que le revenu net libre de
ses immeubles pendant deux années suffit pour le paiement de la dette en
capital, frais et intérêts, et s'il en offre la
délégation au créancier, la poursuite peut être
suspendue suivant la procédure prévue à l'article
précédent. » Par ce mécanisme, le
débiteur peut affecter ses loyers au paiement de sa dette, il peut en
être de même pour un agriculteur qui justifie que ses cultures sur
ses propriétés terriennes hypothéquées peuvent
suffire à payer la créance au bout de deux
années125.
Il se dégage que lorsque l'immeuble est mis en
hypothèque, toutes les prérogatives et valeurs économiques
de l'immeuble sont mises à contribution pour assurer la mission de
désintéressement du créancier. A contrario, lorsque
l'objet de garantie est la propriété, seule cette
propriété désintéressera le créancier.
Lorsqu'il s'agit du gage immobilier, c'est la dépossession de l'immeuble
qui est opérée et les fruits sont affectés au
désintéressement du créancier. L'assiette de
l'hypothèque portant sur la jouissance des terres est à cette
suite distincte de celle de l'hypothèque portant sur l'immeuble.
123 F. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens, op.
cit. p.2
124 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés,p. cit, n°750 et s. ; P. CROCQ,
Propriété et garantie, op. cit.
125 Cette solution peut être envisageable puisque
l'article 265 AUPSRVE citée ne vise pas directement les loyers mais
simplement le revenu de l'immeuble, il s'agirait donc de ses fruits, naturels,
civils ou industriels.
35
Jouissance des terres et garantie
B. Le droit de jouissance des terres comme assiette de
l'hypothèque du droit de jouissance des terres
L'assiette de la garantie portant sur la jouissance des terres
est l'un quelconque des droits réels de jouissance des terres retenu
ci-haut. Ces droits se recensent parmi les démembrements du droit de
propriété. Ils se recensent également en tant que droits
réels accordés sur certaines terres domaniales.
Dans l'ensemble, il s'agit du bail à construction et du
bail emphytéotique aussi bien sur les propriétés
terriennes privées que sur le domaine national et sur le domaine
privé de l'Etat. Il s'agit d'autres démembrements du droit de
propriété que sont le droit de superficie et les droits de
jouissance spéciale innomés c'est-à-dire
conventionnellement stipulés et concédant la cessibilité
desdits droits. Il s'agit aussi des droits du titulaire de l'autorisation
d'occupation ou d'exploitation du domaine public artificiel
déclassé et de ceux du concessionnaire provisoire et des preneurs
à bail des dépendances du domaine national.
Chacun des droits réels évoqués ci-avant
confère à son titulaire une utilité et une valeur
économique déterminable en argent. Cette utilité et cette
valeur économiques sont affectées à titre accessoire
(comme assiette) à la garantie de remboursement. Le
mécanisme par lequel les droits de jouissance des terres sont
affectés à la garantie de remboursement est appelée
hypothèque tout comme celui de l'affection des terres. Ainsi, il se
détermine que la garantie portant sur la jouissance des terres et
l'hypothèque n'ont pas qu'une communauté d'objet, bien que les
droits donnés en garantie soient différents dans les deux cas,
elles ont aussi une communauté de nature juridique. Il s'agit de
l'hypothèque, ses caractéristiques seront
déterminées. Tout de même, il convient de signaler qu'elle
a un régime juridique dont les déclinaisons peuvent être
difficilement conciliables avec les caractéristiques des droits de
jouissance des terres.
Paragraphe 2 : Les caractéristiques communes
à l'hypothèque de l'immeuble et à l'hypothèque des
droits de jouissance des terres
L'hypothèque est accessoire126
à la créance qu'elle garantit127, c'est une
caractéristique commune à toutes les garanties, à
l'exception de celles personnelles comme la garantie autonome et la contre
garantie. Il ne sera pas revenu sur cette caractéristique. D'autres
126 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°400
127 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », in
Encyclopédie du droit OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011,
n°2
36
Jouissance des terres et garantie
caractéristiques des garanties sont :
l'indivisibilité et la spécialité128 (B). Cette
dernière est très souvent avancée pour être un
élément distinctif de l'hypothèque129
puisqu'elle l'a originellement inspiré. En distinguant
l'hypothèque de l'autre garantie qu'est le gage immobilier retenu en
France, il se manifeste que la non dépossession (A) du constituant
constitue également sa caractéristique. La non
dépossession130 est souvent envisagée par certains
auteurs comme effet de l'hypothèque131 et cela n'est pas
faux. En effet, elle n'est pas exclue comme caractéristique de
l'hypothèque, elle participe donc de sa nature juridique.
A- L'hypothèque, une garantie sans
dépossession du constituant
Une garantie sans dépossession est une garantie
constituée sans que le débiteur ne soit privé de la
détention matérielle et de l'usage du bien qui en est
l'objet132. Cette définition n'envisage la
dépossession que pour le cas d'une garantie constituée par le
débiteur lui-même. Le « débiteur » doit
dans ce cas être entendu comme le constituant, ce dernier est très
souvent le véritable débiteur de l'obligation principale. Mais le
« débiteur » peut aussi être un tiers, une
caution réelle par exemple, cette dernière est la
débitrice de l'obligation du premier en cas de sa défaillance,
c'est donc le « débiteur par accessoire. »
La dépossession était la caractéristique
principale du gage dans le code civil. Dans l'espace OHADA, l'avènement
de l'AUS en 1997 a fait maintenir cette caractéristique du gage mais la
réforme de décembre 2010 l'abandonne. En France, cet abandon est
intervenu dans le cadre de la réforme du droit des sûretés
par l'ordonnance du 23 mars 2006. Le gage immobilier reste à nos jours
l'exemple topique de la sûreté avec
dépossession133. Son avantage est d'opérer,
directement au profit du créancier, possession d'un immeuble
déterminé sur lequel, en percevant les loyers ou en jouissant
d'une manière quelconque, il assure directement le remboursement du
crédit qu'il a consenti134.
En droit OHADA, cette option n'a pas été
retenue, il en est que seule l'hypothèque est admise sur les immeubles
et les autres droits réels immobiliers. Dans le cadre de
l'hypothèque, la dépossession est remplacée par la
publicité dont l'importance n'est plus à
128 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°7
129 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°6
130 La remise du titre foncier n'est en rien signe d'une
dépossession.
131 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°414
132 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.344
133 Article 2387 du code civil français.
134 Article 2389 du code civil français.
37
Jouissance des terres et garantie
démontrer. Pour AYNES et CROCQ, l'hypothèque et
la publicité forment un « couple nécessaire
»135. La non dépossession du débiteur de ses
terres et des droits réels immobiliers lui permet d'épuiser son
crédit sur l'immeuble, il n'est pas faux que même étant mis
en gage (cas du gage immobilier notamment), le débiteur peut
également hypothéquer son immeuble. La différence entre
les deux garanties est que la dépossession dans le cadre du
gage136 permet directement le remboursement de la créance
alors que l'hypothèque ne peut être réalisée qu'en
cas de défaillance du débiteur et certainement à un moment
lointain de la constitution.
Ce que laisse observer le mécanisme de gage
immobilier137 est le fait que c'est la jouissance des terres qui est
affectée à la garantie de la créance138 et ce
dès sa constitution. Cette garantie n'épuise pas l'immeuble
puisque le créancier est tenu de le restituer en cas de complet paiement
de sa créance. L'hypothèque de la jouissance des terres adopte
les techniques de l'une et de l'autre garantie immobilière
prévues par le code civil français, mais elle n'a pas
été conçue dans le sens de constituer une
troisième. C'est pourquoi les autres caractéristiques de
l'hypothèque de droit commun lui demeurent acquises.
B- L'indivisibilité et la
spécialité de l'hypothèque
L'indivisibilité et la spécialité de
l'hypothèque sont admises pour protéger le créancier et le
débiteur, l'un contre l'autre, et les tiers à cette relation.
L'indivisibilité désigne l'état de ce qui ne
peut être divisé et doit être envisagé dans son
ensemble139. L'hypothèque est indivisible par nature
et subsiste totalement sur les immeubles affectés jusqu'à complet
paiement et malgré la survenance d'une succession140.
Sont concernés par l'indivisibilité, l'assiette de la
garantie c'est-à-dire l'immeuble ou les droits réels
immobiliers et aussi la créance garantie.
L'assiette est indivisible dans la mesure où tous les
immeubles ou les droits réels immobiliers affectés à la
garantie de la créance répondent de la totalité de cette
créance.
135 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°631
136 G. PIETTE, « La possession en droit des
sûretés », Dr. et patr. nov. 2013, p. 58 s.
137 M. MIGNOT, « La nature juridique du gage immobilier
», LPA, 4 déc. 2014, n° 242, p. 7.
138 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°499
139 S. GUINCHARD et Th. DEBARD (Sous la direction de),
Lexique des Termes Juridiques, op. cit. p. 1117
140 Article 193 de l'AUS
38
Jouissance des terres et garantie
Dans ce cas, l'un quelconque des immeubles ou des droits
immobiliers contenus dans l'assiette peut être réalisé sans
opposition141 du constituant ou même de ses ayants droit.
La créance garantie est indivisible à double
sens142, passivement et activement. De manière
passive, les héritiers du constituant sont tenus au
désintéressement du créancier. Et notamment, lorsque l'un
quelconque d'entre eux a bénéficié de l'immeuble
hypothéqué dans sa part successorale, l'hypothèque sera
réalisée sur cet immeuble. Ledit héritier pourra se
retourner contre ses cohéritiers pour le surplus payé sur la
dette, qu'il a lui-même héritée. De manière
active, les héritiers du créancier et l'un quelconque
d'entre eux a le droit de poursuivre la réalisation de
l'hypothèque constituée au profit du de cujus dont il
est l'ayant droit.
Comme l'indivisibilité, de même, la
spécialité de l'hypothèque tient
doublement143 c'est-à-dire quant à l'assiette de
la garantie et quant à la créance garantie.
L'assiette de la garantie est l'immeuble ou un droit réel immobilier.
Cette assiette doit être déterminée dans l'acte de
constitution de l'hypothèque ou tout au moins, cette assiette doit
être déterminable. La spécialité de la
créance garantie144 est perçue dans le sens où
elle doit également être déterminée ou tout au moins
déterminable145.
Il y a une forte tendance à la relativisation de la
spécialité de l'assiette de l'hypothèque146 et
certains annonçaient en France son déclin147 avant de
la voir être maintenue par la réforme. Cette relativisation est
aujourd'hui ce qui fait admettre l'hypothèque des biens immeubles
à venir148 prévue en trois cas à l'article 203
de l'AUS149. D'ailleurs pour un auteur, la
141 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°8
142 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°8
143 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°10
144 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°43
145 Il s'agit d'une énonciation de l'article 204 de
l'AUS. Un auteur admet que cette énonciation qui se rapproche de
l'hypothèque rechargeable serait à même de rendre attractif
l'hypothèque en droit OHADA. BRIZOU BI M, « L'attractivité
du nouveau droit OHADA des hypothèques », Droit et
patrimoine, n°197, novembre 2010, p.86
146 L'avènement de l'hypothèque rechargeable en
France participe de cette relativisation puisque l'hypothèque
rechargeable est constituée sans que la créance ne soit
véritablement déterminée.
147 P. CROCQ, « Le principe de spécialité
des sûretés réelles : chronique d'un déclin
annoncé », Droit et patrimoine, avril 2001, p. 63
148 S. TANAGHO, « L'hypothèque des biens à
venir », RTD Civ. 1970, p. 441, n°1.
149 Cet article énonce ce qui suit : «
...L'hypothèque peut être consentie sur des immeubles à
venir dans les cas et conditions ci-après :
39
Jouissance des terres et garantie
survivance du principe de spécialité n'a pas
été perçue comme d'un avantage certain au système
civiliste150. Pour l'auteur c'est la conséquence du fait que
le principe de spécialité a été mal exploité
depuis son adoption dans le code civil en 1804151. D'après
DAUCHEZ, la mauvaise exploitation dont s'agit tient au fait que la doctrine et
la jurisprudence associaient l'hypothèque au droit des biens et au droit
des obligations desquels il faut plutôt l'envisager comme
séparée et la rattacher au droit de gage général
qu'elle surabonde152.
L'objet sur lequel porte l'ensemble des garanties
immobilières est le même, c'est la terre, un bien immeuble. Mais
chaque garantie a une assiette qui lui est propre, c'est la valeur directement
affectée au bénéfice d'un créancier pour être
remboursé en cas de défaillance du débiteur. Pour
l'hypothèque connue généralement, son assiette est
constituée par l'immeuble ou les terres avec toutes ses valeurs. C'est
très peu connu que cette hypothèque peut aussi avoir pour
assiette des droits réels dits de jouissance des terres. Il a
été vu que c'est dans le sillage de la spécialité
que les droits réels immobiliers dont font partie également les
droits de jouissance des terres ont été prévus. C'est dire
en effet que ces droits et la garantie portant sur eux revêtent une
spécialité. Cette spécialité de la garantie ne peut
être révélée qu'à travers ses
caractéristiques.
SECTION 2 : LES CARACTERISTIQUES DE L'HYPOTHEQUE DE
LA
JOUISSANCE DES TERRES
Lorsque l'hypothèque porte sur des droits réels
immobiliers et ceux conférant particulièrement droit de
jouissance, la nue-propriété exclue, ses caractéristiques
peuvent
1°) Celui qui ne possède pas d'immeubles
présents et libres ou qui n'en possède pas en quantité
suffisante pour la sûreté de la créance peut consentir que
chacun de ceux qu'il acquerra par la suite sera affecté au paiement de
celle-ci au fur et à mesure de leur acquisition ;
2°) Celui dont l'immeuble présent assujetti
à l'hypothèque a péri ou subi des dégradations
telles qu'il est devenu insuffisant pour la sûreté de la
créance le peut pareillement, sans préjudice du droit pour le
créancier de poursuivre dès à présent son
remboursement ;
3°) Celui qui possède un droit réel lui
permettant de construire à son profit sur le fonds d'autrui, sur le
domaine public ou sur le domaine national peut hypothéquer les
bâtiments et ouvrages dont la construction est commencée ou
simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci,
l'hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles
constructions édifiées au même emplacement. »
150 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°6
151 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit.
Résumé.
152 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°13 et 14.
Quelques lignes après l'auteur écrit ceci : « Bien
qu'elle (l'hypothèque) ne participe pas à atteindre le même
but que l'obligation et qu'elle ne soit que l'accessoire du droit de gage
général, elle ne peut s'en détacher »
n°34
40
Jouissance des terres et garantie
être changées. Le cas échéant, en
plus des caractéristiques évoquées ci-haut, d'autres
caractéristiques peuvent s'ajouter.
Les droits réels de jouissance sur les terres
confèrent au profit de leurs titulaires un bénéfice
économique généré pendant un temps
déterminé. C'est sur ce bénéfice qu'est
placée la confiance du prêteur qui pourra assurer le remboursement
de sa créance au moyen de l'appropriation dudit bénéfice
économique. Très souvent, sa créance est née
à l'occasion de l'acquisition desdits droits réels de jouissance
des terres. Il semble être envisagé que la garantie au moyen de la
jouissance des terres participe de la reconnaissance au profit du
créancier d'une préférence attachée à sa
créance parce cette créance a permis l'exercice du droit de
jouissance par le débiteur qui constitue un enrichissement.
Ainsi, cet enrichissement doit pouvoir assurer le paiement de l'obligation dont
il est la conséquence directe153.
Les caractéristiques propres à
l'hypothèque de la jouissance des terres à envisager tiennent
d'une part à la nature de l'objet de la garantie (Paragraphe 1) qui est
donc nécessairement la jouissance des terres même. D'autre part,
les caractéristiques à relever tiennent à l'obligation
dont la garantie (Paragraphe 2) est l'accessoire.
Paragraphe 1 : Les caractères tenant à la
nature de l'objet donné en garantie
Excepté le droit de superficie qui peut être
perpétuel, les autres droits réels de jouissance des
terres ne revêtent pas ledit caractère. Ce sont des droits
temporaire et précaire. Ainsi, la garantie a un caractère
temporaire et précaire (A). Ce sont des défauts qui affectent la
garantie constituée par le moyen desdits droits pour donc la rendre
limitée (B).
A- Caractère temporaire et précaire
Un droit de jouissance est généralement temporaire
et précaire.
Le temporaire est ce qui n'a pas vocation à
l'éternité ou à la perpétuité. Le droit de
propriété est l'exemple de droit perpétuel, il ne se
prescrit pas par le non usage et survit à la mort de son titulaire,
c'est-dire qu'il est transmissible. Mais le droit de propriété
n'est pas le seul droit transmissible. D'ailleurs, sans la condition de
transmissibilité, aucun droit réel de jouissance des terres ne
peut constituer l'assiette d'une hypothèque. L'avantage avec
l'utilisation de l'immeuble comme bien ou de la propriété du bien
comme garantie est le fait qu'il n'est pas soumis à la condition de
temporalité que connaissent certains droits réels de jouissance
des terres.
153 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°601
41
Jouissance des terres et garantie
Le bail emphytéotique comme le bail à
construction sont des droits temporaires bien qu'étant souvent de
très longue durée. L'autorisation d'occupation ou d'exploitation
du domaine public artificiel déclassé154 comme la
concession provisoire sont également temporaires. Le droit des occupants
et exploitants du domaine national avant le 05 août 1974 n'est pas
temporaire, c'est certainement parce qu'il s'agit d'un droit de
quasi-propriété immobilière155 puisque
l'immatriculation conduit à transformer le droit de jouissance en droit
de propriété complet c'est-à-dire perpétuel et
absolu.
Le droit de superficie est très souvent un droit
perpétuel aussi, mais il est possible qu'il soit constitué
à travers un contrat de bail à construction ou à travers
un contrat de bail emphytéotique156. Clairement donc le droit
de superficie est un droit qui peut découler d'autres droits
réels157. Il peut même être la résultante
d'un contrat de jouissance innomé. Dans cette dernière
catégorie de droits, on trouve plusieurs droits réels hybrides et
mixtes empruntant aux caractères des uns et des autres droits
réels nommés. La condition pour que ces droits puissent
être admis comme objet de garantie est la libre cessibilité qui
doit être convenue ou déterminée implicitement. Il demeure
que les droits réels de jouissance des terres sont des droits
temporaires et de même en est donc la garantie dont ils peuvent
constituer l'assiette.
La précarité est le caractère de
ce qui est librement révocable au gré du maître d'une chose
(administration158, propriétaire)159. Cette
définition sied directement au droit de jouissance des terres.
D'ailleurs l'exemple que donne le Vocabulaire est la précarité
d'une occupation, il est entendu que la jouissance des terres est une
occupation. De ce fait donc, le caractère précaire de la garantie
tient à ce que le droit sur lequel elle porte étant une
concession, il est susceptible d'être restitué à son
véritable propriétaire à tout moment. Ceci est possible
lorsque le terme n'est pas certain160 ou lorsque les obligations du
titulaire du
154 Article 14 alinéa 5 du décret du 11 août
2015.
155 I. L. MIENDJIEM, La situation des occupants du domaine
national, Thèse, Université de Yaoundé 2, 2008,
Résumé.
156 F. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens, op.
cit. n°950
157 Idem
158 En vertu de l'article 10 de l'ordonnance fixant le
régime domanial, l'Administration des Domaines a notamment un droit de
reprise. L'article 8 du décret fixant les modalités de gestion du
domaine national évoque la fin de la concession provisoire en cas de
faillite du concessionnaire ou de mise de la société
concessionnaire sous procédure collective.
159 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.786
160 Cas des droits réels viagers.
42
Jouissance des terres et garantie
droit de jouissance ne sont pas remplies, entre autres le cas
des droits réels concédés sur les terres domaniales. La
précarité ne doit pas être exagérée car
lorsque la révocation du droit de jouissance est abusive,
l'indemnité compensatoire d'éviction devient de plein droit
l'assiette de la garantie161.
L'hypothèque de jouissance des terres est
considérablement entachée des caractères propres à
la jouissance des terres dont les plus remarquables sont le caractère
temporaire et le caractère précaire. La conséquence est
que l'hypothèque de la jouissance des terres, tout comme la jouissance
des terres elle-même, est limitée.
B- Caractère limité
Les droits du titulaire du droit réel de jouissance des
terres ne sont pas absolus. Le terme absolu ne s'entend pas ici dans le sens de
l'opposabilité puisque tout droit réel est opposable à
tous162. L'absolu désigne ce qui n'est pas
limité163. Relativement au droit réel de jouissance
des terres, il y a une limitation qui peut être matérielle mais
nécessairement juridique.
La limitation matérielle est relative au fait
qu'un droit de jouissance peut porter sur une partie physique
déterminée de l'immeuble et peut aussi porter sur une partie de
l'utilité économique que procure les terres sur lesquelles le
droit de jouissance est concédé. A titre illustratif, le
superficiaire est matériellement limité à la superficie
qui lui est concédée. Concernant les droits réels sur les
terres domaniales, les limitations matérielles sont souvent contenues
dans le cahier des charges. Lorsque les terres objet de jouissance
relèvent du domaine public artificiel, la limitation est même
souvent large. En outre, il n'est pas exclu que le droit de jouissance porte
sur toutes les terres du concédant. Dans ce cas, il y a tout au moins
une limitation juridique.
La limitation juridique est relative au fait que
lorsqu'un droit réel de jouissance des terres est reconnu à un
tiers, il y a une division juridique de l'immeuble ou simplement de sa
propriété. Très souvent, la division est
opérée entre le droit de disposer et le droit d'user et de jouir.
Le droit réel de jouissance consiste au bénéfice du droit
d'user et / ou de jouir alors qu'il y a une autre personne titulaire du droit
de disposer. Le droit de disposer recouvre l'abusus qui constitue le droit
absolu sur la chose. Ce droit est tout de même affaibli par le
caractère réel du droit dont bénéficie le titulaire
de la jouissance. En outre, pour le cas des
161 Article 13 alinéa 1 du décret du 11 août
2015.
162 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.5
163 Idem.
43
Jouissance des terres et garantie
droits innomés, la limitation juridique peut être
floue en l'absence de stipulations claires et précises. Souvent, «
la jouissance est restreinte, délimitée, spécifique.
»164
Le droit réel de jouissance des terres étant
toujours limité, de manière juridique au moins,
l'hypothèque de la jouissance des terres se trouve limitée. Elle
est limitée à la partie des terres concernée, à la
partie de l'utilité économique des terres concernée et
également au droit réel de jouissance déterminé. Le
fait que le droit réel de jouissance soit limité ne permet pas
forcément de mesurer l'étendue de l'assiette de la garantie. Bien
qu'elle soit déterminée, sa valeur peut être trompeuse. En
ce cas, le créancier peut arriver à mettre sa confiance en un
droit qui ne pourra véritablement pas participer à sa
satisfaction le moment venu.
La nature du droit réel de jouissance est peut
être limitée dans sa matière mais toujours limitée
sur le plan juridique. La précarité et la temporalité de
ce droit auxquelles il faut ajouter son caractère limité, sont
hérités par l'hypothèque de la jouissance des terres. Ces
caractéristiques font véritablement de ladite garantie une
particularité. Il existe quelques autres caractéristiques qu'il
est possible de recenser en rapport avec la créance garantie.
Paragraphe 2 : Les caractères tenant à
l'obligation garantie
L'hypothèque de la jouissance des terres est
constituée pour assurer le paiement d'une obligation principale. Il
s'agit d'une créance. Une créance est une obligation
considérée du côté actif, par opposition à
dette. C'est un droit personnel en vertu duquel une personne nommée
créancier peut exiger d'une autre nommée débiteur
l'accomplissement d'une prestation de donner, de faire ou de ne pas faire
quelque chose165. L'hypothèque est intimement
liée à l'obligation qu'elle garantit puisqu'il s'agit d'un droit
réel accessoire c'est-à-dire un droit qui suit le sort du
principal qui est la créance. Naturellement donc, la garantie est
accessoire à la créance garantie (A). Tout de même, la
question se pose de savoir si l'hypothèque de la jouissance des terres
est vraiment accessoire à l'obligation qu'elle garantit.
L'institution de cette hypothèque sur les droits réels de
jouissance des terres domaniales fait observer un mécanisme nouveau,
c'est celui d'une spécialité de la créance garantie par
l'hypothèque de la jouissance des terres (B).
A- Le caractère accessoire des garanties aux
créances garanties
164 L D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La liberté
de création des droits réels aujourd'hui. » Recueil Dalloz,
2013, n°16
165 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.285
44
Jouissance des terres et garantie
Que ce soit l'accessoire par production ou plutôt
l'accessoire par affectation166, le sort d'un accessoire est bien
rarement autonome à l'égard du principal. L'accessoire est
défini comme ce qui est lié à un élément
principal, mais distinct et placé sous la dépendance de celui-ci,
soit qu'il le complète, soit qu'il n'existe que par
lui167. La théorie de l'accessoire met donc en
lumière deux éléments, l'un principal et l'autre
accessoire. Le mécanisme de l'accessoire reconnu aux garanties des
créances par la jouissance des terres est le même.
En effet, il y a une créance mise au passif du
débiteur qui a bénéficié d'un crédit. Le
débiteur est tenu de payer. Le créancier titulaire de la
créance a contre le débiteur ce qui est appelé un
droit de gage général168. Ce droit lui permet
de saisir n'importe lequel des biens de son débiteur pour se faire
rembourser de la valeur exacte de sa créance169. La multitude
des créanciers à la solde du débiteur peut mettre le
créancier en mal, il peut réaliser un bien et ne rien recevoir du
produit de sa réalisation ou plutôt recevoir une part infirme de
ladite réalisation. C'est ainsi que les garanties viennent avec un
attribut particulier pour leurs bénéficiaires. Il s'agit du
droit de préférence. Tant qu'un bien sur lequel un
créancier a un droit de préférence est
réalisé, ledit créancier utilise son droit de
préférence pour être payé en priorité
à d'autres créanciers qui n'ont pas une préférence
mieux classée. C'est par ce droit de préférence
ajouté au droit de gage général qu'un auteur
préfère reconnaître la spécialité de
l'hypothèque170 et donc des garanties de manière
générale.
Le droit réel accessoire que constitue la garantie
n'existe que par la créance principale. Le caractère accessoire
de la garantie a notamment deux sens. Dans le premier sens, il signifie que
tous les effets de la créance sont reportés sur la garantie. Ces
effets sont ressentis à la transmission, à l'extinction et
à l'opposabilité des exceptions propres à la
créance garantie. Dans le second sens, il signifie que la valeur de la
garantie ne peut pas être supérieure à la créance en
principal, intérêts et frais. C'est la mise en oeuvre du
principe qui postule le non enrichissement du créancier et le non
appauvrissement du débiteur du fait des garanties. En clair, les
garanties sont en principe celles qui s'ajoutent au rapport d'obligation, elles
n'en sont jamais la conséquence171. C'est pour cette raison
qu'elles sont
166 G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit
privé, op. cit. n°23
167 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.11
168 Article 2093 du code civil applicable au Cameroun.
169 I. L. MENDJIEM, « Régime général
des sûretés », in Encyclopédie de l'OHADA,
Porto Novo, Lamy, 2011, n°8
170 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°94
171 I. L. MENDJIEM, « Régime général
des sûretés », op. cit. n°23
45
Jouissance des terres et garantie
des droits réels accessoires alors que le droit de gage
général a d'ailleurs une nature difficile à
déterminer. « Le droit de gage général n'est pas
un droit patrimonial ; il est inclassable : il n'est ni un bien, ni une
obligation. Il est le lien entre les biens et les obligations du
débiteur : la contrainte sociale.172 »
Par nature, l'hypothèque contribue à
réaliser cette contrainte sociale au moyen de son attachement à
une créance déterminée, avec des bénéfices
particuliers que sont le droit de préférence et le droit de
suite, créance dont l'hypothèque suivra les modalités et
mouvements éventuels. Est-il possible d'envisager une limitation des
créances pouvant être garanties par l'hypothèque ? Le droit
de gage général bénéficie à toute
créance sans distinction. La question ci-avant amène à
savoir si l'hypothèque est susceptible d'être constituée
pour n'importe quelle créance que ce soit. Il est constatable qu'il y a
une sorte d'exclusion de certaines créances de l'assiette de
l'hypothèque des droits de jouissance des terres
déterminés.
B- L'exclusion de certaines créances de
l'assiette de l'hypothèque de certains droits de jouissance des
terres
En principe, toute garantie peut être constituée
pour assurer le paiement de quelque créance que ce soit. Dans ce sens,
le droit positif peut prévoir des garanties légales,
c'est-à-dire découlant des dispositions législatives et
règlementaires, pour certaines créances particulières.
Les garanties légales sont constituées avec ou
sans l'accord des parties. Il s'agit généralement des
privilèges généraux173 et
spéciaux174. Il peut s'agir aussi des hypothèques
légales175. Peut être ajouté à celles-ci
des garanties qui résultent des décisions de
justice176. C'est le cas des hypothèques
judiciaires177. L'ensemble des garanties forcées
confèrent, sans convention des parties, un droit de
préférence au créancier. Il s'agit souvent pour ces
172 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°83
173 Articles 179 à 181 de l'AUS.
174 Articles 182 à 189 de l'AUS.
175 Parmi les hypothèques légales reconnues en
droit OHADA aux articles 210 à 212 on a :
- L'hypothèque légale du vendeur d'immeuble, du
copartageant ou de l'échangiste ;
- L'hypothèque légale des architectes et
entrepreneurs ;
- L'hypothèque légale de la masse des
créanciers en cas de mise sous procédure collective.
176S. S. KUATE TAMEGHE, « L'efficacité
des sûretés judiciaires dans le droit issu de l'OHADA »,
Revue de droit africain, n°42, avril-juin 2007.
177 Article 231 de l'AUS.
46
Jouissance des terres et garantie
garanties forcées d'attribuer une
préférence qui surpassent le rang des garanties
conventionnelles178.
Le cas des hypothèques forcées est
différent des privilèges puisque les premières ne prennent
rang qu'à leur inscription ordonnée d'ailleurs par
décision de justice. L'hypothèque de la jouissance des terres
domaniales, en vertu de la concession provisoire et d'une autorisation
d'occupation ou d'exploitation du domaine public artificiel de manière
spécifique, emprunte à ce mécanisme qui consiste à
constituer l'hypothèque sur la base d'un texte juridique.
L'hypothèque sur lesdites formes de jouissance n'est admise qu'au profit
des établissements de crédit ou aux emprunteurs dont la
créance est née en vue de la mise en oeuvre des investissements
relatifs179 auxdites jouissances. Concrètement, la
créance et la jouissance des terres doivent avoir un lien de
connexité.
Il s'établit qu'il s'agit d'hypothèques
légales dont la constitution peut impliquer
l'administration180 mais aussi la justice181 si les
parties n'ont pas convenue de telle garantie. En dehors de ces créances,
aucune garantie n'est possible au profit d'autres
créanciers182. La spécialité de la
créance à garantir par l'hypothèque de la jouissance des
terres serait en effet un prolongement du caractère limité de la
jouissance des terres, s'il n'en est vraiment pas une conséquence.
En bref, les caractéristiques de l'hypothèque de
la jouissance des terres sont empruntées aux caractéristiques de
la jouissance des terres elle-même. Cette dernière est temporaire,
précaire et limitée. Toutes les garanties sont instituées
pour renforcer le droit de gage général
178 Cas des privilèges généraux.
179 Article 21 du décret du 11 août 2015.
180 L'article 21 sus évoqué énonce ce qui
suit : « lorsqu'un crédit bancaire est sollicité en vue
de la mise en valeur d'une concession provisoire sur le domaine national, le
titre foncier peut être accordé immédiatement au
concessionnaire. Dans ce cas, l'organisme de crédit doit saisir à
cet effet le Ministre chargé des Domaines qui requiert le Conservateur
foncier territorialement compétent pour établir un tel titre avec
inscription à la même date et aux frais du
bénéficiaire, d'une hypothèque au profit de l'organisme de
crédit et de la clause résolutoire au profit de l'Etat.
»
181 L'article 14 alinéa 3 du décret du 11
août 2015 dispose ce qui suit : « les droits, ouvrages,
constructions et installations ne peuvent être hypothéqués
que pour garantir les emprunts contractés par le titulaire de
l'autorisation en vue de financer la réalisation, la modification ou
l'extension des ouvrages, constructions et installations de caractère
immobilier situés sur la dépendance domaniale occupée.
» L'hypothèque instituée ici est l'hypothèque
légale reconnue à ceux qui fournissent les deniers pour
l'acquisition des biens de caractère immobilier prévue à
l'article 211 alinéa 3 de l'AUS. La disposition du décret
camerounais institue une hypothèque à constituer par les
conventions des parties ou nécessairement par une décision de
justice en vertu de l'article de l'Acte Uniforme ci-avant mentionné.
182 Article 14 alinéa 4 du décret
sus-évoqué. Il y est ainsi disposé : « les
créanciers chirographaires autres que ceux dont la créance est
née de l'exécution des travaux ne peuvent pratiquer des mesures
conservatoires ou des mesures d'exécution forcée sur les droits
et biens mentionnés au présent article. »
Jouissance des terres et garantie
47
du créancier, c'est la marque de leur caractère
accessoire. Pour certaines hypothèques portant sur des droits
réels de jouissance particuliers, la créance à garantir
est spécifiquement désignée sous peine de nullité
de la garantie constituée.
En conclusion, le bail emphytéotique, le bail à
construction, le droit de superficie et les droits réels de jouissance
dit innomés constituent des démembrements du droit de
propriété qui peuvent valablement servir d'assiette à une
garantie. Dans les terres domaniales, divers droits de jouissance peuvent
être reconnus. Il s'agit des baux, des concessions provisoires, des
autorisations d'occupation ou d'exploitation du domaine public artificiel
déclassé et des droits des occupants ou exploitants du domaine
national avant le 05 août 1974. Ces droits sont aussi susceptibles de
garantie. En général, les garanties sont celles nommées
c'est-à-dire déterminées par les textes législatifs
et règlementaires, elles ne se créent pas par la volonté
des parties. Un auteur affirmait à juste titre, en justifiant cette
option, qu'« en matière de sureté, la liberté de
création des droits réels n'aurait pas la même
signification, puisque, à la limite, elle impliquerait que la convention
des parties confère au créancier bénéficiaire de la
sûreté un droit inédit de nuire aux créanciers
chirographaires. »183 D'ailleurs, le créancier
bénéficiaire est toujours en position dominante dans la
conclusion des conventions de garanties. Il n'est pas admis d'instituer une
garantie par convention des parties. Relativement aux droits de jouissance des
terres, leur garantie est identifiée comme hypothèque. C'est donc
l'hypothèque des droits réels de jouissance des terres ou plus
simplement l'hypothèque de jouissance des terres. Celle-ci emprunte
à l'hypothèque de l'immeuble ses caractéristiques et en
plus, elle a des caractéristiques qui lui sont spécifiques.
Celles qui lui sont spécifiques tiennent aux caractères
précaire, temporaire et limité des droits de jouissance
eux-mêmes, à la spécialité de la créance
à garantir par certains d'entre lesdits droits. L'hypothèque
portant sur ces droits emprunte de même à l'hypothèque de
l'immeuble son régime tant dans ses règles de constitution que
dans ses effets.
183 L. d'Avout et B. Mallet-Bricout, « La liberté
de création des droits réels aujourd'hui. » Recueil Dalloz,
2013, n°24. Facilité de consentir les propriétés
sûretés puisqu'elles découlent des conventions des
parties.
DEUXIEME PARTIE : UNE POSSIBILITE INCONSISTANTE QUANT
AUX MODALITES D'UTILISATION DE LADITE JOUISSANCE COMME GARANTIE
49
Jouissance des terres et garantie
Lorsque la nature juridique d'une garantie est
identifiée, par la suite, il est logique de s'intéresser à
son régime juridique. Il y a généralement deux cas : soit
il existe un régime juridique propre à ladite garantie, soit
ledit régime juridique s'identifie à celui d'autres garanties. En
théorie générale du droit, le régime désigne
un système de règles, considéré comme un tout,
soit en tant qu'il regroupe l'ensemble des règles relatives à une
matière, soit en raison de la finalité à laquelle sont
ordonnées les règles184. Le régime est un corps
cohérent de règles185. C'est l'ensemble des
règles applicable à une notion186.
Le régime juridique des garanties regroupe les diverses
règles qui concourent à sa constitution et donc permettent de lui
produire des effets et celles qui organisent lesdits effets. Celui de
l'hypothèque de la jouissance des terres emprunte beaucoup à
celui de l'hypothèque de l'immeuble d'où l'emprunt même de
la dénomination. Ainsi, il se pose la question de savoir si les
règles régissant l'hypothèque de l'immeuble peuvent
être textuellement reproduites et considérées comme
régissant effectivement l'hypothèque de la jouissance des terres
?
A observer les assiettes des deux garanties, ainsi que les
modalités d'exercice des droits respectifs, il se dessine que telle
question amène à une réponse nuancée. Bien que
l'objet immeuble soit au coeur des deux garanties, il serait convenable que le
régime juridique de l'hypothèque de l'immeuble constitue le
régime général dont pourrait se détacher
l'hypothèque de la jouissance des terres. Il a en effet
été vu plus haut que la nature juridique de la jouissance des
terres et ses caractéristiques se distinguent respectivement quelque peu
de celle de l'immeuble et de celles de l'hypothèque portant sur ce
dernier. Un recours tous azimuts aux règles du régime juridique
de l'hypothèque de l'immeuble peut ne pas être d'une
utilité pratique.
Envisagée indistinctement par l'Acte Uniforme OHADA
portant organisation des sûretés (de même en France dans le
code civil), l'hypothèque de la jouissance des terres aurait un
régime commun et presqu'uniforme avec l'hypothèque de l'immeuble.
Malgré les spécificités qu'on pourrait trouver à la
première. Pourtant, l'hypothèque de jouissance des terres
pourrait être une forme spéciale d'hypothèque qui, bien que
portant également sur les composantes juridiques et matérielles
des immeubles et devant connaître certaines des règles
184 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.879
185 Idem
186 S. GUINCHARD et Th. DEBARD, Lexique des Termes
Juridiques, op. cit. p.1739
50
Jouissance des terres et garantie
de l'hypothèque des immeubles, elle doit pouvoir s'en
distinguer sur des points déterminés, vu que l'immeuble avec tous
ses attributs n'est pas concerné. A la vérité, le
législateur a, en partie, compris une telle nécessité,
d'où l'édiction de quelques règles particulières et
spécifiques à l'hypothèque de la jouissance des terres. En
effet, les règles spécifiques relevées ne suffiraient pas
à lui organiser un régime intelligible et convenable à son
assiette et pouvant par-dessus tout la rendre visible et surtout pratiquement
utilisée sinon efficace.
D'une part, il convient de relever que la possibilité
d'utiliser des droits de jouissance des terres comme objet de
l'hypothèque est complétée par le recours aux
règles du régime de l'hypothèque de l'immeuble (Chapitre
1) dans ses modalités de constitution et ses effets. D'autre part, il y
a lieu d'observer que ladite possibilité est quelque peu biaisée
et peut en certains cas être compromise par le recours plus ou moins
réfléchi auxdites règles. D'où
l'intérêt de relever la nécessité d'un régime
spécifique à l'hypothèque lorsqu'elle porte sur lesdits
droits de jouissance des terres (Chapitre 2).
51
Jouissance des terres et garantie
CHAPITRE 1 : L'INCONSISTANCE PAR LE RECOURS DEMESURE
AUX REGLES DU REGIME DE L'HYPOTHEQUE DE L'IMMEUBLE
L'hypothèque de l'immeuble porte sur un bien qui
inspire suffisamment confiance. Elle a aussi un régime mieux
organisé que d'autres garanties. Tout ceci concourt à faire
d'elle la préférence des prêteurs. C'est donc la garantie
favorite parce que l'immeuble a une valeur économique facilement
déterminable et également, l'immeuble est fixe. Peu à peu
les préférences changent mais dans des pays comme le Cameroun, il
est difficile de solliciter du crédit sans brandir un titre foncier en
vue de constituer sur celui-ci une garantie de remboursement au profit du
fournisseur du crédit. Les biens meubles auraient moins de valeur sinon
ils seraient considérés comme volatiles et suffisamment pas
maîtrisables. La confiance est ce que recherche le prêteur. Il ne
peut la placer en ce qui ne lui est pas contrôlable. Même le droit
de suite conféré à toutes les garanties n'est pas
rassurant quant il s'agit d'un meuble. Les terres qui sont des immeubles
constituent en tout cas les meilleurs moyens de garantie à travers
l'hypothèque.
Quelles sont ainsi les règles de l'hypothèque de
l'immeuble ? Toute garantie a un instant de constitution, un temps de vie et
une fin. L'hypothèque, quel que soit le mode de constitution,
obéit à un régime presque uniforme. Le mode de
constitution est triple. L'hypothèque est constituée soit par un
acte des parties, généralement reçu par un Notaire, soit
par une disposition de la loi, reconnue par une décision de justice,
soit fondamentalement par une décision de justice elle-même.
Le temps de vie de l'hypothèque est
caractérisé par la non dépossession du constituant et la
mise à sa charge de l'obligation de non dépréciation de la
valeur de l'immeuble. Cette dépréciation est en principe
envisagée aussi bien matériellement187 que
juridiquement188. Le non- respect peut précipiter
l'exigibilité de la créance et ainsi provoquer la
réalisation de la garantie. Le temps de vie peut être
impacté par les modifications qui surviennent relativement à la
créance, il s'agirait de la diminution de sa valeur et d'autres effets
comme des mouvements de transmission. La fin de l'hypothèque est
marquée par la réalisation de l'hypothèque qui peut
être évitée lorsque des causes propres ou
extérieures à la créance
187 Le débiteur doit garder l'immeuble dans
l'état dans lequel l'immeuble est hypothéqué. Les
détériorations sont prohibées mais les
améliorations sont vivement encouragées. F. FRENETTE, « De
l'hypothèque : réalité du droit et métamorphose de
l'objet. » Les Cahiers de droit, 39(4), 1998, pp.803-822
188 La dépréciation juridique est le cas
où le constituant concède un droit réel à un tiers,
ce droit n'étant pas la propriété.
52
Jouissance des terres et garantie
permettent l'extinction de l'hypothèque. Toutes ces
modalités régissent-elles l'hypothèque de la jouissance
des terres ? Sur des éléments majeurs, les deux formes
d'hypothèque peuvent être régies par les mêmes
règles. En conséquence, il faut considérer que les
règles de constitution de l'hypothèque de l'immeuble s'appliquent
à l'hypothèque de la jouissance des terres (Section 1). Il en est
de même des règles relatives aux effets et aux modes de
transmission et d'extinction (Section 2).
SECTION 1 : LE RECOURS AUX REGLES DE CONSTITUTION
DE
L'HYPOTHEQUE D'IMMEUBLE
La constitution désigne principalement « soit
un corps de règles (la Constitution d'un État), soit le texte qui
les consacre, soit une opération ou un acte juridique établissant
une situation, soit le document écrit qui constate cet
acte189 ». Envisagée comme une
opération ou un acte juridique établissant une situation, la
constitution, de l'hypothèque, est le point marquant l'existence de la
garantie. Les modes de constitution de l'hypothèque de l'immeuble sont
les mêmes pour l'hypothèque de la jouissance des terres
(Paragraphe 1). Quel que soit le mode de constitution, l'hypothèque doit
être inscrite. Les règles de publicité (Paragraphe 2)
doivent donc être vues par la suite.
Paragraphe 1 : les modes de constitution de
l'hypothèque
L'hypothèque comme droit réel de second
degré tire sa source de quelques fondements (A). Lesdits fondements
prennent tous en compte certaines règles pour incontestablement valoir
constitution de l'hypothèque (B)
A. Les fondements de constitution
Un fondement représente le motif juridique, la base
légale, ou le moyen de justification190 d'une situation
ou d'un droit. L'hypothèque est un droit réel accessoire qui doit
trouver sa justification dans un acte juridique spécifique. La base
juridique peut être soit une convention, soit
une disposition légale, soit enfin une
décision de justice.
L'hypothèque par voie de convention est dite
hypothèque conventionnelle. Elle est le fruit d'un « contrat
conclu entre le créancier qui bénéficie de la garantie et
le constituant qui la concède sur un ou plusieurs de ses
immeubles191 ». La voie ordinaire de constitution
189 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.251
190 Idem p.469
191 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°12
53
Jouissance des terres et garantie
de l'hypothèque est le contrat. Les règles
régissant les exigences à respecter pour former cette
hypothèque est reprise pour d'autres types. En effet, «
à quelques nuances près, l'inscription et les effets de
l'hypothèque conventionnelle forment un droit commun à toutes les
sûretés immobilières. »192 C'est sans
doute la raison pour laquelle elle ne peut manquer d'être reprise comme
mode de constitution de l'hypothèque de la jouissance des terres.
L'hypothèque peut par ailleurs être
constituée de manière forcée c'est-à-dire en
dehors de toute convention des parties et donc soit en vertu d'une loi,
soit en vertu d'une décision de justice193. Pour le
premier cas, il s'agit de l'hypothèque dite légale.
L'hypothèque judiciaire constitue le second cas.
L'hypothèque peut être constituée avec
pour base la loi sur les garanties et par d'autres lois. Dans la zone OHADA, il
y a l'hypothèque légale de la masse des
créanciers194, l'hypothèque légale du vendeur,
de l'échangiste et du copartageant, elle bénéficie aussi
à celui qui fournit des deniers pour l'acquisition d'un immeuble vendu,
échangé ou copartagé195, l'hypothèque
légale des architectes, entrepreneurs et autres personnes
employées pour édifier, réparer ou reconstruire des
bâtiments ainsi que ceux fournissant des deniers pour payer ces
professionnels196. Dans les législations nationales, on
peut aussi trouver l'hypothèque légale du conjoint sur
l'immeuble de son époux et l'hypothèque légale du
mineur sur l'immeuble de son tuteur.
En effet, soit ces hypothèques sont conventionnellement
constituées par les parties, soit le créancier saisit la
juridiction compétente pour ordonner la prise d'inscription de
l'hypothèque indiquée. Sans doute, lorsque l'assiette de la
garantie est un droit réel de jouissance des terres, la loi n'exclut pas
que ces hypothèques légales soient constituées sur ledit
droit, pourvu que les mêmes conditions soient réunies.
En outre, l'hypothèque judiciaire est celle
constituée par une décision de justice hors des cas
d'hypothèques légales ci-avant énumérées,
pour garantir des créances diverses197. La juridiction
compétente du lieu de situation de l'immeuble apprécie
l'opportunité de constitution de l'hypothèque à la
requête du créancier. Il n'est pas interdit que la juridiction
192 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°660
193 Article 209 de l'AUS
194 Article 210 de l'AUS
195 Article 211 de l'AUS
196 Article 212 de l'AUS
197 Article 213 et suivants de l'AUS
54
Jouissance des terres et garantie
compétente ordonne la prise d'inscription
hypothécaire sur un droit réel de jouissance des terres.
Tous les modes de constitution de l'hypothèque de
l'immeuble sont admis pour constituer des hypothèques portant sur les
droits de jouissance des terres. Il y a ainsi l'hypothèque
conventionnelle, l'hypothèque légale et l'hypothèque
judiciaire de jouissance des terres. Il reste que l'hypothèque ne se
constitue pas sans observation préalable de certaines exigences.
B. Les règles de constitution
Les règles relatives à l'hypothèque
conventionnelle dominent les autres modes de constitution de
l'hypothèque. L'hypothèque conventionnelle reposant sur un
contrat, ce dernier doit en réalité obéir à des
conditions de fond et de forme sous peine de nullité ou parfois
d'inopposabilité.
Les règles de fond sont relatives aux
parties impliquées dans le contrat, en l'occurrence dans la convention
d'hypothèque, à l'objet ou plus précisément
à l'assiette de l'hypothèque et à la créance
garantie.
Relativement au constituant, il peut être le
débiteur lui-même ou un tiers qui s'est par ailleurs
porté caution et a de ce fait indiqué ou non un bien immeuble que
le créancier accepte pour garantir son remboursement. Peu importe la
qualité de débiteur constituant ou de tiers constituant (caution
hypothécaire), le constituant doit, en tout état de cause,
être propriétaire de l'immeuble donné en garantie. Pour le
cas d'un droit réel de jouissance des terres, le constituant doit
être titulaire du droit réel de jouissance sur lequel il entend
concéder un droit de second degré. Les terres ou les droits de
jouissance d'autrui ne peuvent pas être hypothéquées.
Certains tempéraments sont relatifs aux personnes
copropriétaires ou en indivision. Il y a également le cas des
droits soumis à conditions, résolutions et rescisions.
L'hypothèque portant sur ces divers droits suit les mouvements possibles
et aléas que connaitront ceux-ci.
En réalité, l'hypothèque comporte un
risque d'aliénation future. Constituée telle garantie est un acte
grave198, ce qui nécessite que la condition de
capacité à aliéner soit pleinement réunie. Il
s'agit de la majorité de 21 ans révolus au Cameroun et de non
existence de cause d'incapacité pour les majeurs. Pour certaines
personnes, il leur est exigé un pouvoir
198 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°669
55
Jouissance des terres et garantie
d'aliénation. Il en est ainsi pour les
dirigeants des sociétés, les époux en situation de
communauté de biens et les tuteurs et curateurs respectivement pour les
mineurs et majeurs protégés.
Relativement à l'assiette de
l'hypothèque, pour l'immeuble, l'assiette est notamment l'immeuble
envisagé comme un tout, il doit être déterminé ou
déterminable. L'AUS prévoit que les droits réels
immobiliers peuvent constituer l'assiette de l'hypothèque. Il s'agit
d'un point de distinction, une distinction rarement faite par ledit Acte.
Relativement à la créance garantie,
elle doit être présente ou future et déterminée ou
déterminable. Tout comme l'assiette de la garantie, le principe de
spécialité199 domine la créance garantie.
Particulièrement à l'hypothèque de la jouissance des
terres, la spécialité de la créance garantie est
renforcée200 comme évoquée dans la
première partie.
Les règles de forme en matière
hypothécaire se résument à la soumission de tous actes y
relatifs, participant à sa constitution, à l'instrumentation
par un Notaire201. Exception faite notamment des
décisions de justice reconnaissant les hypothèques légales
ou plutôt celles autorisant la prise d'inscription hypothécaire
à la requête du créancier. La condition est exigée
tant pour l'hypothèque de l'immeuble que pour l'hypothèque de la
jouissance des terres. Le recours à cet officiel ministériel peut
ne pas être forcément envisageable pour cette dernière
comme il sera développé plus bas. En tout cas,
l'hypothèque est un contrat solennel202.
De manière commune à l'hypothèque de
l'immeuble et à l'hypothèque de la jouissance des terres, il y a
lieu de relever les modes de constitution et un important nombre de
règles gouvernant leur formation. Cette communauté de
régime s'étend jusqu'aux règles organisant la
publicité.
199 Ce principe impose la désignation propre de
l'immeuble hypothéqué et de la créance garantie. Ph.
MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés, op. cit,
n°662.
Ne devrait pas dans ce cas être admise
l'hypothèque portant sur un bien futur et également sur une
créance future. Pourtant, les textes prévoient tout de même
ces hypothèses. C'est le vent de recadrage du principe de
spécialité de l'hypothèque que plaide DAUCHEZ dans sa
thèse précitée.
200 Il s'agirait même de l'exclusivité de certaines
créances pour la garantie au moyen de certains droits réels de
jouissance.
201 Article 8 de l'ordonnance fixant le régime foncier au
Cameroun.
202 Reprise de la condition d'instrumentation par voie
notariée à l'article 23 du décret du 11 août
2015.
56
Jouissance des terres et garantie
Paragraphe 2 : les règles de publicité des
deux formes d'hypothèques
Avec la publicité, l'hypothèque fait un «
couple nécessaire. »203 La publicité
renvoie au caractère de ce qui est public204.
L'hypothèque s'intègre dans le cadre global de la
publicité foncière. Cette dernière est l' «
ensemble des règles destinées à faire connaître
aux tiers intéressés la situation juridique des immeubles par le
moyen d'un fichier immobilier et la publicité des privilèges, des
hypothèques et des autres droits portant sur ces immeubles. »
Au regard de cette définition de la publicité foncière,
l'hypothèque de la jouissance des terres ne peut pas être
envisagée autrement. C'est la raison pour laquelle, tout comme
l'hypothèque de l'immeuble, le titre constatant le droit (A) est une
exigence pour l'hypothèque de la jouissance des terres. C'est à
la condition de l'existence du titre qu'il devient possible de constituer la
garantie et de la soumettre au régime de l'inscription
hypothécaire (B).
A. Le titre constatant le droit
Un titre est un écrit en vue de constater un acte
juridique ou un acte matériel pouvant produire des effets
juridiques.205 Cette définition est large et commun
à tous les droits. Relativement aux droits portant sur les immeubles, le
titre les constatant est le titre foncier, considéré comme la
certification officielle de la propriété
immobilière206. A la vérité, même
cette définition contenue dans une disposition règlementaire ne
renseigne pas suffisamment sur le titre foncier. En effet, au Cameroun, un
titre foncier peut être délivré même lorsque le
titulaire n'est pas propriétaire, mais seulement à celui qui
bénéficie d'une concession provisoire sur les dépendances
du domaine national207. Même pour cette concession et pour
d'autres droits réels sur les terres domaniales, un registre
spécial semblable au Livre foncier est prévu pour recevoir les
actes ou conventions y relatifs208.
La situation des démembrements du droit de
propriété immobilière conférant est traitée
simultanément avec la propriété puisque leur constitution
oblige à leur immatriculation209,
c'est-à-dire leur inscription au livre foncier copie duquel est le titre
foncier pour l'immeuble concerné. De manière claire, un droit
réel quelconque portant sur des terres ne peut pas faire
203 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°631
204 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.831
205 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.1027
206 Article 1er alinéa 1 du décret
fixant les conditions d'obtention du titre foncier.
207 Article 21 du Décret du 11 août 2015.
208 Article 3 du décret du 11 août 2015.
209 Article 1er alinéa 3 du décret
fixant les conditions d'obtention du titre foncier.
57
Jouissance des terres et garantie
l'objet d'hypothèque lorsqu'il n'est pas susceptible
d'être inscrit dans un registre de la conservation foncière. La
condition de publicité est une exigence pour rendre opposable le droit
accessoire dont il s'agit210. L'opposabilité est
l'aptitude d'un droit, d'un acte, d'une situation de droit ou de fait
à faire sentir ses effets à l'égard des tiers non en
soumettant ces tiers aux obligations directement nées de ces
éléments, mais en les forçant à reconnaître
l'existence des faits, droits et actes dits opposables, à les respecter
comme des éléments de l'ordre juridique et en subir les effets,
sous réserve de leur opposition lorsque la loi leur en ouvre
droit211.
Concernant les droits sur les immeubles, droit de
propriété et ses démembrements ou droits de jouissance
quelconque et l'ensemble des droits accessoires y établis,
l'opposabilité a pour objet de donner effet au droit de
préférence et au droit de suite. L'hypothèque en tant que
droit réel accessoire « dépend ainsi étroitement
de l'organisation de la publicité foncière ; pas seulement, la
publicité des hypothèques, mais celle de l'ensemble des droits
réels immobiliers. »212 La publicité
foncière réserve une place aux droits réels de jouissance
des terres. D'ailleurs le régime de l'inscription hypothécaire
s'en trouve très strictement encadré.
B. Le régime de l'inscription
hypothécaire
Le régime de l'inscription des hypothèques prend
en compte les conditions de publicité, ses effets puis la fin de la
publicité.
Les conditions de publicité se résument à
quelques formalités. Puisqu'il y va de l'intérêt
du créancier hypothécaire, l'initiative d'inscrire
l'hypothèque lui appartient. Dans la pratique, lorsque
l'hypothèque résulte d'une convention passée par devant
Notaire, ce dernier a très souvent la charge d'établir deux
bordereaux contenant un certain nombre de mentions utiles aux tiers. Il s'agit
de la désignation des parties, des immeubles ou des droits réels
de jouissance grevés, l'indication de la créance garantie avec
mention du capital et de l'intérêt ainsi que du montant garanti.
Le bordereau et la convention d'hypothèque transmis au Conservateur
foncier lui permettent de procéder à l'inscription. Par
l'accomplissement de cette formalité, l'hypothèque devient
opposable aux tiers (le droit de suite du créancier acquiert
force) qui peuvent s'informer à propos en demandant l'état
hypothécaire de l'immeuble au Conservateur. Aussi,
l'inscription est attributive de rang. Il s'agit de l'enjeu
210 Idem
211 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.713
212 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°631
58
Jouissance des terres et garantie
principal des garanties puisque le rang vaudra au moment du
partage des deniers (ce sera la mise en oeuvre du droit de
préférence). Les créanciers hypothécaires sont
désintéressés suivant l'ancienneté de leur
inscription hypothécaire.
L'inscription hypothécaire a une durée de
trente ans. Lorsqu'elle n'est pas renouvelée avant
l'écoulement de cette durée, l'inscription devient
caduque, c'est-à-dire l'hypothèque devient inopposable
aux tiers. L'inscription peut tout de même être
différée de 90 jours lorsque l'hypothèque garantit un
prêt à court terme. Par contre, l'inscription n'est pas
possible à partir de la publication de l'aliénation de
l'immeuble, de la publication du commandement valant saisie immobilière,
de l'ouverture d'une procédure collective et du décès du
débiteur dans le cas où la succession est vacante ou
acceptée seulement à concurrence de l'actif. Lorsque
l'hypothèque est judiciaire, l'inscription comporte deux
étapes. Une inscription provisoire est prise à la
requête du créancier et lorsque la juridiction compétente
fait droit à telle requête213. Lorsque la
créance est reconnue par la juridiction statuant sur le fond, le
créancier doit procéder à une inscription
définitive dans le délai de 6 mois suivant telle
reconnaissance.
Relativement aux droits réels de jouissance des terres,
l'inscription de l'hypothèque n'est pas possible lorsque le droit
réel de jouissance dont il s'agit n'a lui-même pas
été inscrit. C'est la mise en oeuvre de l'effet
relatif214 qui traduit l'idée selon laquelle il ne peut
être inscrit un droit réel accessoire sur un droit réel
principal inexistant ou tout au moins inopposable. Cette solution fait suite
à l'exigence du titre constatant le droit réel de jouissance.
Lorsque ce droit a été inscrit ou plutôt lorsque le titre
foncier est délivré au titulaire de la concession provisoire et
que l'hypothèque portant sur ces divers droits est inscrite,
l'inscription produit ses effets d'opposabilité aux tiers
acquéreurs, aux autres créanciers hypothécaires et
même aux créanciers chirographaires. Ces effets sont mis en oeuvre
au moment de la réalisation de l'hypothèque.
En outre, l'inscription permet de déterminer les
créances garanties. Très souvent, le principal de la
créance garantie a des accessoires tels que les intérêts et
les frais. Ceux échus avant l'inscription sont entièrement
garantis alors pour l'avenir, seuls ceux des trois dernières
années précédant la réalisation de
l'hypothèque sont garantis.
213 Article 213 et suivants de l'AUS.
214 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°638
59
Jouissance des terres et garantie
En dehors du cas de péremption de l'inscription
qui survient lorsque l'inscription n'est pas renouvelée avant le
délai de trente ans215, l'inscription peut également
être radiée volontairement lorsque la créance est
éteinte, lorsque le créancier renonce à
l'hypothèque et enfin en cas de purge. Si le
créancier refuse de procéder à la radiation malgré
des raisons pour ce faire, la juridiction compétente, saisie, peut
ordonner ladite radiation216.
Toutes ces règles de formation et de publicité
sont acquises à l'hypothèque de la jouissance des terres aussi
bien de manière implicite lorsque les textes particuliers, sans les
modifier ou prévoir des règles spécifiques, ne les
évoquent pas, que de manière expresse217 à
travers des dispositions de portée générale. Le
régime de constitution des deux formes d'hypothèque est presque
unique malgré la distinction de l'assiette. Cette unicité se
poursuit en ce qui concerne le régime des effets et les modes de
transmission et d'extinction.
SECTION 2 : LE RECOURS AUX REGLES RELATIVES AUX EFFETS
DE
L'HYPOTHEQUE DE L'IMMEUBLE
Les effets de l'hypothèque de l'immeuble comme de la
majorité des garanties réelles sont organisés à
travers les rapports entre le créancier, le débiteur et/ou le
constituant et d'autres personnes intéressées. Ces rapports sont
établis entre les créanciers hypothécaires, entre les
créanciers hypothécaires et les créanciers chirographaires
et enfin entre les créanciers hypothécaires et les tiers. Les
effets principaux de l'hypothèque avant l'exigibilité de la
créance sont la non dépossession du constituant et la non
dépréciation de la valeur de l'immeuble par lui. De ce fait, le
créancier a la possibilité non seulement d'exercer ses droits de
jouissance mais aussi en certains cas, il peut exercer son droit de disposer.
Toutefois, il existe des prohibitions légales, judiciaires ou
conventionnelles au pouvoir de jouissance ou de disposer. A titre illustratif,
le propriétaire d'un immeuble hypothéqué ne peut pas
conclure un bail de longue durée, il est donc difficile d'envisager la
constitution d'autres droits réels de jouissance.
En cas d'exigibilité de la créance suivant le
terme convenu ou d'exigibilité survenue de manière
anticipée en cas de détérioration ou de destruction de
l'immeuble218, l'hypothèque comme droit réel
accessoire a des effets drastiques pour le constituant. Ces effets sont-ils
les
215 Article 196 de l'AUS
216 Article 202 de l'AUS
217 Articles 24 et 25 du décret du 11 août 2015.
218 Article 222 de l'AUS.
60
Jouissance des terres et garantie
mêmes lorsqu'il s'agit de l'hypothèque de la
jouissance des terres ? C'est la question à se poser. En dehors de
quelques cas qui seront déterminés dans le prochain chapitre au
titre des spécificités de l'hypothèque de la jouissance
des terres, il convient de relever que les effets de l'hypothèque de
l'immeuble constituent vraisemblablement les effets généraux
(Paragraphe 1). Les deux formes d'hypothèques confèrent des
droits, ces droits ont le même sort que tous les autres c'est dire qu'ils
peuvent être transmis ou plutôt ils peuvent s'éteindre
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : les effets de l'hypothèque à
sa réalisation
Les effets sont communs aux deux hypothèques aussi bien
à la réalisation (A) c'est-à-dire dans la relation entre
le créancier et le constituant, qu'entre les diverses personnes
impliquées ou intéressées (B).
A- La réalisation de l'hypothèque
La réalisation est le moment qui marque la mise en
oeuvre d'une garantie. Assurément, elle survient lorsque le
débiteur ou le constituant est défaillant dans sa promesse de
rembourser. C'est donc l'effet principal entre le créancier et le
constituant à la défaillance de ce dernier. En effet, la
réalisation est un terme pratique désignant
l'opération financière consistant à vendre un bien pour
pouvoir disposer des fonds provenant de la vente219. Cette
définition envisage la réalisation dans l'une de ses
modalités. Plus explicitement, la réalisation est la satisfaction
du créancier c'est-à-dire le paiement de la créance
qui lui est due220 par le moyen de la garantie affectée,
à un certain moment dans le passé, à ladite satisfaction
en cas de défaillance du constituant dans sa promesse de rembourser le
crédit. Dans ce cas, peu importe la modalité qui mène
à telle satisfaction.
Avec la réforme du droit des sûretés OHADA
en 2010, la réalisation de l'hypothèque se fait à travers
plusieurs options offertes au créancier221. Il y a notamment
l'attribution de l'immeuble au créancier par voie de convention à
travers le pacte commissoire222 et par voie de
décision de justice223. L'attribution, qu'elle soit
conventionnelle ou judiciaire, elle est toujours précédée
par une expertise qui détermine la valeur de l'immeuble. Lorsque
ladite
219 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.854
220 M. DOLS-MAGNEVILLE, La réalisation des
sûretés réelles, op. cit. n°15
221 Idem, n°20
222 Article 199 de l'AUS
223 Article 198 de l'AUS
61
Jouissance des terres et garantie
valeur dépasse le montant de la créance
garantie, le surplus doit être reversé au constituant ou
plutôt aux autres créanciers. Lorsque l'immeuble constitue la
résidence principale du constituant, la voie de l'attribution n'est pas
admise. Dans le sens de cette prohibition, lorsque le droit de jouissance
qu'exerce le constituant lui a permis d'ériger des constructions
constituant sa résidence, l'attribution serait impossible.
L'autre voie qui est ancienne est celle de la saisie
immobilière224 dont l'issue probable est
l'adjudication (c'est-à-dire la vente) de l'immeuble. La saisie
immobilière est un mode forcé et assurément le plus
complexe en matière de réalisation des garanties. La clause
de voie parée qui permettrait au créancier de vendre
amiablement le bien hypothéquée est interdite. Qu'il s'agisse de
l'immeuble ou du droit réel de jouissance des terres, l'une ou l'autre
option est offerte au créancier qui peut s'en servir. Le droit de
réaliser vise un bien hypothéqué qui, au moment où
il est utilisé, peut se trouver dans le patrimoine du constituant ou
pas. D'ailleurs, d'autres personnes peuvent avoir des droits sur le même
bien. Il s'agit de certains effets envisagés entre le créancier
et des personnes autres que le constituant. Lesdits effets sont
également communs à l'hypothèque de l'immeuble et à
l'hypothèque de jouissance.
B- les effets entre les personnes impliquées
Les effets sont différents entre le créancier
poursuivant et les autres créanciers et les créanciers
hypothécaires et les tiers qui sont très souvent
acquéreurs.
Les effets entre le créancier hypothécaire et
d'autres créanciers permettent de mettre en oeuvre le droit de
préférence puisque tout l'objet de la garantie est
d'éviter des concurrences dans le paiement, sinon de primer son
bénéficiaire à d'autres créanciers,
considération faite des droits de préférence
antérieurs éventuels. Pratiquement, l'option d'attribution
conventionnelle ou juridictionnelle sera préférée par le
créancier qui veut éviter toute concurrence225. Mais
lorsqu'il y a saisie immobilière ou lorsqu'il y a un surplus à
reverser aux autres créanciers, les divers droits de
préférence sont mis en oeuvre. Ainsi, les créanciers
hypothécaires sont désintéressés par ordre
d'inscription de leur hypothèque. Cette règle de
224 C'est une procédure organisée aux articles 246
et suivants de l'AUPSRVE.
J. FOMETEU, « Théorie générale des
voies d'exécution », in Encyclopédie du droit
OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011, pp. 2056-2087 ; P. G. POUGOUE et F. TEPPI
KOLOKO, « Saisie immobilière », in Encyclopédie du
droit OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011, pp. 1642-1718.
225 D'ailleurs rares sont les conventions d'hypothèques
conclues avec les banques et qui manqueraient telle option d'attribution.
62
Jouissance des terres et garantie
préférence est reprise en matière
d'hypothèque portant sur les droits réels de jouissance des
terres domaniales226. Cette reprise est sans doute pour le cas de
l'hypothèque d'autres droits réels de jouissance des terres.
A l'égard des tiers, l'effet principal est le droit
de suite227 conféré aux créanciers
hypothécaires, ces derniers ne pourront être limités que
par les effets de la purge228, voie offerte aux tiers pour
les désintéresser. En pratique, les effets du droit de suite sont
anticipés par le tiers acquéreur. Aucun droit de suite ne peut
être dirigé contre lui lorsque l'hypothèque n'a pas
été inscrite avant l'acquisition par ledit tiers. Lorsque ce
dernier acquiert l'immeuble ou le droit réel de jouissance, en
connaissance de l'inscription hypothécaire, le recours à un
Notaire étant obligatoire au Cameroun pour telle
transaction229, ledit Notaire l'avisera du risque (de double
paiement) que comporte ladite acquisition sans purge des éventuels
droits hypothécaires et charges.
Les attributs de l'hypothèque se partagent et
concernent soit les rapports entre les créanciers (droit de
préférence), soit les rapports entre les créanciers et les
tiers (droit de suite). Il s'agit des règles de droit commun en
matière de garantie réelle, peu importe qu'il s'agisse d'une
hypothèque de l'immeuble ou d'une hypothèque d'un droit
réel de jouissance des terres ou des garanties portant sur les meubles.
Les règles relatives aux modes de transmission et d'extinction admises
pour l'hypothèque de l'immeuble peuvent pareillement être reprises
pour l'hypothèque d'un droit réel de jouissance des terres.
Paragraphe 2 : les modes de transmission et d'extinction
communs aux deux hypothèques
Etant des droits accessoires, les hypothèques sont
tenues par le principal qu'elles suivent. Le principal c'est la créance
ou simplement l'obligation du débiteur. Lorsque la cause de la garantie
est transmise, la garantie est également transmise, lorsque la cause est
éteinte, celle-là est tout aussi éteinte. Toutefois, il
n'est pas exclu que par elles-mêmes les hypothèques fassent
l'objet de transmission ou d'extinction. Il est possible d'envisager les modes
de
226 Article 24 alinéa 2 du décret du 11 août
2015.
227 Article 223 de l'AUS
Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°690 et s.
228 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°693 et s.
229 Article 8 de l'ordonnance n°74/1 du 06 juillet 1974
fixant le régime foncier.
63
Jouissance des terres et garantie
transmission des hypothèques (A) d'une part et d'autre
part, relever leurs modes d'extinction (B).
A- La transmission
L'opération de transmission de la garantie de toute
hypothèque est envisageable ainsi : « le créancier peut
transférer la garantie hypothécaire soit à un tiers en cas
de transmission de la créance hypothécaire, soit à un
créancier hypothécaire en cas de transmission de
l'hypothèque sans la créance. »230 Pour le
premier cas, il s'agit de la transmission à titre accessoire.
Les mouvements de transmission de l'obligation principale garantie sont
répercutés de manière automatique sur l'hypothèque.
Il s'agit des cas de décès du créancier
qui opère transmission de la créance à ses ayants
droit et donc les hypothèques avec. Il y a aussi la subrogation
à la créance qui survient lorsque le tiers
acquéreur désintéresse un créancier, au moment
où ce dernier exerce son droit de suite au moyen d'une sommation de
payer ou de délaisser. En effet, la subrogation peut être le fait
du créancier lorsqu'il reçoit le paiement d'une autre personne
que le débiteur ou du débiteur lorsqu'il emprunte une somme afin
de payer sa dette231. La cession de la
créance, à quelque titre que ce soit, emporte cession de
la garantie qui lui est affectée. Lorsqu'une saisie attribution
des créances est pratiquée, le saisissant
bénéficie également des garanties affectées aux
créances ainsi saisies.
Pour le second cas de transmission, elle est
opérée à titre principal. Il n'en est rien de
l'obligation principale, seule la garantie est transmise232. La
subrogation à l'hypothèque233 et la
cession d'antériorité234 sont les
mécanismes les plus envisageables. Il reste par ailleurs possible qu'une
hypothèque rechargeable soit transmise en cas de cession de
l'immeuble sur lequel elle a été constituée. Cette forme
d'hypothèque n'est pas retenue par l'AUS.
Ces règles de transmission s'appliquent tant à
l'hypothèque de l'immeuble qu'à l'hypothèque de la
jouissance des terres. Les mêmes paramètres guident leur
extinction.
B- L'extinction
230 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°695
231 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°696
232 B. MAUBRU, La transmissibilité de
l'hypothèque, thèse, Université de Toulouse, 1974 ;
H. WESTENDORF, « Le transfert de sûretés », préf.
P. CROCQ et A. PRÜM, Coll. de thèses, tome 54, Defrénois,
2015, n° 465 s.
233 Cas de cession de la garantie elle-même. Un
créancier hypothécaire cède par exemple sa garantie
à un créancier chirographaire. Ph. MALAURIE et L. AYNES,
Droit civil. Les sûretés, op. cit, n°698
234 Ici, le créancier hypothécaire cède
son rang à un autre créancier hypothécaire, le premier
étant initialement mieux classé.
64
Jouissance des terres et garantie
L'extinction des hypothèques s'opèrent à
titre accessoire en suivant le sort de la créance
garantie235 ou à titre principal. Pour ce dernier
mode, la cause d'extinction est propre aux hypothèques
elles-mêmes.
A titre accessoire, lorsqu'il y a paiement de la
créance236, l'hypothèque est éteinte pour
défaut d'objet. Lorsqu'il y a compensation entre les
créances détenues par les parties l'une au profit de l'autre, la
créance garantie s'éteint et les hypothèques s'en trouvent
tout aussi éteintes. De même, il y a extinction de
l'hypothèque lorsque la créance s'éteint par la voie de
confusion de la personne du créancier et du débiteur ou
du constituant hypothécaire. Et enfin, la prescription de la
créance éteint automatiquement la garantie y attachée.
A titre principal, les hypothèques peuvent
également s'éteindre. Lorsque le créancier renonce
à l'hypothèque, celle-ci s'éteint. La purge
de l'immeuble de ses hypothèques opère extinction de ces
dernières. Lorsque l'hypothèque est consentie pour des
créances futures, le constituant peut la résilier
unilatéralement. L'extinction peut être partielle
à travers le report sur l'indemnité
d'assurance237 en cas de destruction de l'immeuble, il s'agira
des constructions, des installations et des ouvrages de caractère
immobilier qui constituent l'objet de la jouissance des terres.
L'essentiel des règles régissant
l'hypothèque de l'immeuble, de sa constitution aux effets qu'elle
produit ainsi qu'aux modes de sa transmission et de son extinction, est repris
pour constituer le régime juridique de l'hypothèque de la
jouissance des terres. Il convient tout de même d'évaluer cette
reprise de l'ensemble desdites règles en prenant conscience de la nature
particulière des droits réels de jouissance des terres. Il se
dégage en réalité une nécessité d'instituer
un régime spécifique de l'hypothèque desdits droits, non
pas forcément en ignorant l'essentiel des règles de
l'hypothèque de l'immeuble mais en mettant l'accent sur ce qui
distinguent les deux assiettes concernées, et ainsi pouvoir focaliser
par la suite l'attention sur l'utilisabilité effective et efficace de
l'hypothèque au moyen du droit de jouissance des terres.
235 Ch. JUILLET, Les accessoires de la
créance, préf. Ch. LARROUMET, coll. de thèses, t. 37,
Defrénois, 2009
236 Il doit s'agir d'un paiement pur et simple sinon le
paiement avec subrogation mène à la transmission de
l'hypothèque. Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°699
237 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°700
65
Jouissance des terres et garantie
CHAPITRE 2 : L'INSTITUTION D'UN REGIME SPECIFIQUE A
L'HYPOTHEQUE DE LA JOUISSANCE DES TERRES COMME SOLUTION ENVISAGEABLE
En science juridique, il est important de concevoir ou
d'aborder chaque chose selon ses caractéristiques et
spécificités, et donc suivant sa révélation comme
phénomène juridique238. C'est ce que tente de faire le
législateur OHADA en évoquant quelques faisceaux de principes et
règles relatifs à l'hypothèque lorsqu'elle porte sur des
droits réels de jouissance des terres. Le décret du Premier
Ministre du 11 août 2015 relatif aux garanties et suretés sur les
baux et concessions domaniaux fait de même puisqu'il évoque
quelques dispositions relatives à la nature particulière des
terres domaniales et des droits susceptibles d'être reconnus sur lesdites
terres. Les dispositions dudit décret augurent en ses débuts une
volonté d'évocation de manière exhaustive des
règles s'appliquant à l'hypothèque de jouissance. Elles
finissent curieusement par faire un renvoi aux dispositions
générales de l'hypothèque.
Le renvoi à l'hypothèque portant sur l'immeuble
se révèle parfois inapproprié relativement à la
constitution de l'hypothèque de jouissance des terres et souvent
excessif quant aux effets que la dernière est susceptible de produire.
Lesdits renvois traduisent une assimilation, parfois excessive, entre
l'immeuble et les droits réels de jouissance susceptibles d'être
constitués sur ledit immeuble. Pratiquement, cette assimilation ne peut
être vraie, tant il provoque l'inutilisation de la jouissance des terres
comme objet de garantie. Cette inutilisation découle de l'organisation
du régime de ladite garantie, ce qui pourrait traduire son
inutilité.
A la vérité, les droits de jouissance des terres
sont en pleine expansion. Les terres se font rares, sinon les
propriétaires sont moins disposer à concéder
complètement leur propriété. Davantage, des droits
réels de jouissance seront constitués et l'acquisition de la
propriété sera de moins en moins envisagée. Tout ceci
pourra provoquer, de plus en plus, le besoin de recourir aux garanties au moyen
desdits droits réels de jouissance. Déjà, la
nécessité de constituer garantie au moyen de ces droits s'est
fait sentir et l'institution de la possibilité de reconnaissance des
droits réels de jouissance sur les terres domaniales a constitué
une réponse.
238 C. EISENMANN, « Quelques problèmes de
méthodologie des définitions et des classifications en science
juridique », Arch. Phil. Drt, 1966, pp. 11-26.
66
Jouissance des terres et garantie
Relativement à la garantie, lorsqu'elle porte sur la
jouissance des terres, il y a lieu de se demander si ses
spécificités sont réellement prises en compte. A l'analyse
des textes qui l'abordent, il en découle que les règles qui
régissent l'hypothèque portant sur les droits de jouissance des
terres ont quelque peu pris en compte la nécessité de
déterminer les spécificités propres aux droits
réels de jouissance des terres (Section 1). Cependant, une analyse
rigoureuse de l'appréhension par lesdits textes, aussi bien du concept
de jouissance des terres que de l'organisation du régime «
adapté » à l'hypothèque de jouissance des terres,
révèle que la prise en compte est insuffisante voire
inadaptée en certains cas (Section 2).
SECTION 1 : UNE NECESSITE PARTIELLEMENT PRISE EN COMPTE
PAR
LES TEXTES
La prise en compte de la nature particulière des droits
réels de jouissance des terres et de la garantie susceptible
d'être constituée est perceptible, dans le droit positif, à
travers quelques règles de constitution (Paragraphe 1) et aussi à
travers les effets et modes de transmission et d'extinction de ladite garantie
(Paragraphe 2) qu'il évoque.
Paragraphe 1 : les règles spécifiques de
constitution à l'hypothèque de la jouissance des terres
Un droit réel de jouissance des terres est un droit
particulier pour au moins deux raisons. La première raison est que ledit
droit est soit un démembrement du droit de propriété et
donc ne recouvre pas l'ensemble des prérogatives du propriétaire,
soit c'est une simple prérogative de jouissance reconnue par
l'Administration dans les domaines. Comme vu ci-haut, il y a
dédoublement de la nature des droits de jouissance des terres. Ce
dédoublement est susceptible d'amener à envisager leur
hypothèque en fonction de la nature réelle de la jouissance
considérée. Le résultat pourrait être, à la
suite de la distinction de l'hypothèque de l'immeuble de
l'hypothèque de jouissance comme développé dans le cadre
de ce travail, la distinction aussi de l'hypothèque de jouissance des
terres conférée en vertu d'un droit démembré de
l'hypothèque de jouissance des terres conférée en vertu
d'un droit réel reconnu sur les terres domaniales par une loi ou un
règlement. La dernière distinction, bien que pertinente et
fondamentale pour une parfaite appréhension de la jouissance des terres
comme garantie, ne serait pas vue dans ses détails.
La seconde raison est qu'un droit de jouissance est un droit
limité dans le temps comme il a été
développé plus haut. Cette nature particulière est prise
en compte par le législateur OHADA et l'autorité
règlementaire du 11 août 2015. C'est ainsi qu'ils ont prévu
des règles
67
Jouissance des terres et garantie
spécifiques à la formation de
l'hypothèque portant sur les droits réels de jouissance des
terres (A) et aussi des règles spécifiques à la
publicité de ladite hypothèque (B).
A. Les règles spécifiques relatives
à la formation
Les conditions de formation des hypothèques sont de forme
et de fond.
Sur le plan de la forme, le recours au Notaire pour
l'instrumentation de l'hypothèque conventionnelle demeure, il ne s'agit
donc pas d'une condition spécifique à l'hypothèque de la
jouissance des terres. En matière de forme, sa spécificité
tient au fait que dans sa formation, lorsqu'il s'agit d'une concession
provisoire sur le domaine national, en plus du recours au Notaire, le Ministre
des Domaines et la commission de crédit sont mises à contribution
pour l'établissement du titre foncier au profit du concessionnaire et
l'inscription de l'hypothèque par la suite239. Ainsi donc, il
ne sera pas constitué d'hypothèque sur la concession provisoire
lorsque le Ministre n'est pas saisi par le créancier qui doit avoir eu
l'avis favorable de la commission de crédit.
Sur le plan du fond, la qualité de
constituant, la nature de l'assiette de la garantie ainsi que la nature de la
créance garantie comportent quelques distinctions par rapport à
l'hypothèque des terres. Le constituant doit être le
titulaire du droit réel de jouissance des terres donné en
garantie. Lorsqu'il s'agit d'un droit réel démembrement de la
propriété, le titulaire dudit droit240 doit l'avoir
inscrit au Livre foncier. C'est dire que lorsque le droit réel de
démembrement n'est pas inscrit, il n'est pas susceptible de garantie
puisque le droit du titulaire n'est pas public. Ainsi, à la
propriété reconnue au Livre foncier et visée par
l'hypothèque de l'immeuble, la titularité du droit de jouissance
démembré inscrit au Livre foncier est exigée de celui qui
donne ce droit en garantie et non le propriétaire. S'agissant des droits
réels constitués sur les terres domaniales, c'est le
concessionnaire du domaine national241, le permissionnaire ou
l'occupant du domaine public artificiel déclassé242 et
le preneur à bail243 qui ne peuvent que mettre leurs
droits244 en garantie et jamais l'administration qui leur ont
concédé lesdits droits de jouissance. Les mêmes
dispositions qui évoquent la qualité de ceux pouvant mettre leurs
droits de jouissance en garantie
239 Article 21 du décret du 11 août 2015.
240 Article 195 de l'AUS.
241 Article 21 du décret du 11 août 2015.
242 Article 17 du décret du 11 août 2015.
243 Article 22 du décret du 11 août 2015.
244 O. DE DAVID BEAUREGARD-BERTHIER, « Domaine public et
droits réels », JCP G, 1995.I.3812
68
Jouissance des terres et garantie
évoquent notamment les droits susceptibles de telle
garantie. Il s'agit de ceux déterminés dans la première
partie.
Par rapport à la créance, il a
été développé ci-haut que deux règles sont
applicables. Pour l'hypothèque portant sur les droits réels de
jouissance résultats du démembrement du droit de
propriété, ils peuvent garantir toute créance. L'AUS ne
prévoit pas de conditions restrictives245. En revanche,
l'autorité règlementaire du 11 août 2015246
exige l'exclusivité de certaines créances pour être
garanties par les droits réels de jouissance des terres domaniales. Ces
restrictions peuvent même aller à déterminer la
qualité des créanciers247 ou nécessiter
l'agrément de l'Administration pour la partie au profit de laquelle la
garantie est consentie248. Exception faite des droits du preneur
à bail des terres du domaine national249 qui peut mettre son
droit en garantie de toute créance.
Au regard de ce qui précède, des
spécificités sont reconnues pour modifier le régime de
l'hypothèque de l'immeuble lorsqu'il s'agit de former une
hypothèque portant sur la jouissance des terres. Pour
l'hypothèque portant sur certains droits réels de jouissance des
terres domaniales, en raison de l'exclusivité des créances
à garantir, il s'agit plus exactement d'une hypothèque «
légale » qui peut être conclue par les parties pour
éviter le recours au juge et parfois à l'Administration. C'est
donc une hypothèque légale dont le rôle de l'Administration
sur certains points se substitue, curieusement250, à celui
joué habituellement par le juge. Il y a aussi des
spécificités tenant au régime de publicité
lorsqu'il s'agit de l'hypothèque de jouissance des terres.
B. Les règles spécifiques relatives au
régime de publicité
La condition d'obtention d'un titre foncier au profit du
concessionnaire du domaine national et la condition d'inscription des droits
réels de jouissance démembrements du droit de
propriété relèvent des conditions mêmes de formation
de l'hypothèque. Ces conditions
245 Y. GAUDEMET, « Hypothèque et domaine des
personnes publiques », D. Aff. 1996, 33. (1649)
246 Article 14 alinéa 3 du décret du 11 août
2015.
247 L'article 22 alinéa 1 exige la constitution de
l'hypothèque au profit des établissements de crédit
exclusivement.
248 Article 14 alinéa 1 du décret du 11
août 2015. Il s'agit des droits des concessionnaires et permissionnaires
occupant ou exploitant les dépendances du domaine public artificiel
déclassé.
249 Article 22 du décret du 11 août 2015.
250 Un auteur relève déjà que le
rôle de l'Administration en matière foncière et domaniale
est prépondérante. R. TCHAPMEGNI, Le contentieux de la
propriété foncière au Cameroun, Thèse,
Université de Nantes, 2008, 532p. Même pour des questions de droit
privé donc, lorsque les domaines sont concernés, l'Administration
n'exclut pas sa prépondérance quitte à prendre la place du
juge.
69
Jouissance des terres et garantie
sont exigées en vue de rendre possible l'inscription
hypothécaire. En effet, il n'est possible d'inscrire l'hypothèque
que lorsque le droit sur lequel elle porte est public.
De manière spécifique aux droits de jouissance
des terres domaniales, l'autorité règlementaire du 11 août
2015 a institué auprès du Conservateur foncier un registre
spécial « en vue de l'enregistrement des concessions ou des
baux domaniaux, ainsi que des divers droits, actes, titres ou transactions qui
leur sont attachés »251 pour rendre lesdits droits
opposables aux tiers. Il se dégage donc que lorsqu'il faudra inscrire
une hypothèque sur un droit de jouissance de cette nature, c'est dans ce
registre spécial et nécessairement à la marge de chaque
droit enregistré que l'inscription sera faite. L'impossibilité
d'établir un titre foncier au profit d'un preneur à bail des
terres domaniales est donc clairement supplée par la création
dudit registre dans lequel l'enregistrement mène à la
délivrance d'un certificat.
Après l'institution de ce registre spécial, il
reste curieux que l'autorité règlementaire du 11 août 2015
prévoit la possibilité d'établir un titre foncier au
profit du concessionnaire provisoire. Le droit de jouissance de ce dernier est
de durée très courte et bien plus, c'est un droit
nécessairement enregistré au registre institué.
L'inscription de l'hypothèque pourra être faite dans ledit
registre où la concession provisoire a déjà
été enregistrée tout comme d'autres droits réels de
jouissance susceptibles de garantie. Si par contre le titre provisoire est
délivré pour anticiper l'établissement du titre
définitif en cas de concession définitive, il reste vrai que la
concession provisoire ne mène pas toujours à la concession
définitive. Lorsque le bail emphytéotique est consenti par
l'administration au profit d'un particulier qui était concessionnaire,
le titre foncier provisoire préalablement délivré devra
être retiré, ce qui rend donc sans utilité la condition
d'établissement du titre foncier pour une concession provisoire. Cette
utilité pourra être reconnue si le passage de la concession
provisoire à la concession définitive opère
également et automatiquement passage de l'hypothèque de
jouissance des terres à l'hypothèque de l'immeuble, chose encore
non prévue en l'état.
En effet, le seul cas qui nécessite vraiment
l'établissement d'un titre foncier est la situation de l'occupant ou de
l'exploitant d'une dépendance du domaine national d'avant le 05
août 1974252. D'ailleurs, le titre à délivrer
dans ce cas est un titre foncier définitif, ce qui permet de passer d'un
droit de jouissance au moment de la préconisation de l'hypothèque
à un droit de propriété au moment de sa formation.
251 Article 3 du décret du 11 août 2015.
252 Article 9 et suivants du décret fixant les conditions
d'obtention du titre foncier.
70
Jouissance des terres et garantie
Le régime de publicité de l'hypothèque
portant sur les droits réels de jouissance des terres connait des
spécificités. Lorsqu'il s'agit d'un droit démembré,
l'inscription est faite au livre foncier sur le titre foncier dont la
propriété a été démembrée. Le
législateur OHADA253 exige que le propriétaire de
l'immeuble dont le droit de propriété a été
démembré reçoive notification de l'inscription de ladite
hypothèque, à peine d'inopposabilité au bailleur qui peut
d'ailleurs faire annuler la réalisation de ladite
hypothèque254. Lorsque par contre, il s'agit des droits sur
les terres domaniales, un registre spécial enregistrant ces droits est
institué. Dans ce registre spécial doit également
être inscrite l'hypothèque. L'inscription devient caduque avec
l'extinction de l'hypothèque qui peut survenir lorsque le terme du droit
de jouissance arrive.
Aussi bien les spécificités prévues pour
la formation de l'hypothèque de la jouissance des terres que pour sa
publicité, toutes participent de l'intention de faire produire à
ladite hypothèque les effets d'une véritable garantie.
Paragraphe 2 : les règles spécifiques
relatives aux effets de l'hypothèque spéciale
Tout comme l'hypothèque de l'immeuble,
l'hypothèque de jouissance des terres est une garantie qui n'emporte pas
dépossession de son constituant tant que la créance garantie
n'est pas échue. Ainsi, les titulaires des droits de jouissance des
terres ne sont pas dépossédés de leur jouissance. Cette
unicité du régime qui prévaut avant l'exigibilité
de la créance n'est pas envisageable lorsque la créance devient
exigible. Il s'observe quelques effets spécifiques à
l'hypothèque de la jouissance des terres lors de sa réalisation
(A) et de même en ses modes de transmission et d'extinction (B).
A- Les effets spécifiques à la
réalisation
La réalisation d'une hypothèque constitue sa
mise en oeuvre, elle fait suite à l'exigibilité de la
créance et à la défaillance du débiteur dans le
paiement de ladite créance. La réalisation de l'hypothèque
de droit commun passe par l'attribution conventionnelle, l'attribution
judiciaire et la saisie immobilière. Pour l'hypothèque de la
jouissance des terres, il est bien possible que l'un ou l'autre de ces modes de
réalisation soit adopté255 comme déjà
évoqué.
Comme spécificité de la réalisation de
l'hypothèque de la jouissance des terres envisagée par les
textes, il y a la réalisation par voie administrative
qui consiste en la possibilité
253 Article 195 de l'AUS.
254 CCJA. 2e, Arrêt n°097/2020 du 09 avril
2020.
255 Articles 254, 258 et 259 de l'AUPSRVE.
71
Jouissance des terres et garantie
donnée au créancier de faire substituer son
débiteur défaillant dans la réalisation des
investissements objet de son droit de jouissance256. Ceci rend
la réalisation de l'hypothèque de la jouissance des terres
complexe puisque l'Administration a un droit de regard sur la qualité du
bénéficiaire de ladite réalisation.
Par ailleurs, le droit de jouissance étant
précaire, la personne auteure de la rupture abusive de la jouissance des
terres se trouve très souvent condamner à indemniser le
bénéficiaire de la jouissance. Les droits du
créancier hypothécaire se reporteront automatiquement sur cette
indemnité. C'est le cas de la résiliation par
l'administration257 ou même par le
propriétaire pour le cas des droits de jouissance résultant
du démembrement de la propriété immobilière.
Le droit de jouissance consiste souvent en des constructions,
plantations, ouvrages et installations divers, les droits du créancier
hypothécaire peuvent également être reportés sur les
produits de ces matériaux lorsque le terme du droit de jouissance n'est
pas arrivé. En cas d'arrivée du terme avant la réalisation
de l'hypothèque, les droits du titulaire de la jouissance et
l'hypothèque s'éteignent. Les produits reviennent à
l'Administration pour les droits acquis sur le domaine public artificiel
déclassé258. Le cahier des charges y relatif peut
prévoir une autre solution, de même que le propriétaire et
le titulaire du droit de jouissance peuvent convenir des solutions allant
à concéder au dernier les produits des ouvrages, constructions et
installations qui ont servi à l'exercice du droit de jouissance.
Malgré ces évocations, il reste possible
d'observer des insuffisances et inadaptations dans la réalisation de
l'hypothèque de la jouissance des terres puisqu'elle parait ne pas
être efficacement envisagée, très peu de textes
législatifs et règlementaires l'envisagent vraiment. A contrario,
la transmission et l'extinction de l'hypothèque de la jouissance des
terres semblent quelque peu mieux abordées.
B- Les modes spécifiques de transmission et
d'extinction
Les spécificités de la transmission et de
l'extinction de l'hypothèque de la jouissance des terres sont
très rattachées aux caractéristiques des droits de
jouissance des terres eux-mêmes.
256 Article 15 alinéa 4 du décret de 2015. En ce
cas, il est admis que le débiteur est défaillant et les
créanciers sont d'office reconnus par l'administration comme
bénéficiant sans autre formalité des droits de jouissance
dont bénéficiaient leur débiteur. En proposant une
personne tierce qui va jouir à la place de leur débiteur, il s'en
suit que c'est à leur profit que ladite jouissance sera faite. Il s'agit
d'un mode de réalisation très particulier qui consiste à
substituer un débiteur à un autre bien qu'il s'agisse de la
réalisation d'un droit réel.
257 Article 22 alinéa 3 du décret du 11 août
2015.
258 Article 15 alinéa 2 et 18 alinéa 2 du
décret du 11 août 2015.
72
Jouissance des terres et garantie
Ce sont des droits soumis à condition, ce sont des
droits temporaires, précaires et limités. Ils ne peuvent
être facilement transférés mais ils s'éteignent plus
facilement.
La spécificité de la transmission du
droit hypothécaire constitué sur une jouissance des terres se
déduit de la possibilité donnée au créancier de
substituer un tiers au débiteur occupant ou exploitant, du domaine
public artificiel déclassé, défaillant. En effet, il
s'agit d'un transfert de droit et de l'hypothèque qui le grève.
Ce transfert pourrait constituer à la fois une modalité de
réalisation comme déjà vu mais également un mode
d'extinction de puisque le tiers peut être amené à
désintéresser directement les créanciers et donc purger
son droit de jouissance de toutes charges.
Lorsqu'il s'agit de l'hypothèque de certains droits de
jouissance des terres domaniales dont l'hypothèque n'est permise qu'en
considération du lien de la créance garantie avec la jouissance,
il reste difficile d'envisager sa transmission par voie de cession
d'hypothèque, sauf lorsque ladite créance remplit la
condition d'existence de lien de connexité avec la jouissance dont le
droit est l'assiette de la garantie.
Le caractère temporaire et même
précaire de la jouissance des terres conduit aussi à la
temporalité et à la précarité de
l'hypothèque259, c'est dire que l'hypothèque
s'éteint aussitôt que s'éteint le droit sur lequel elle
porte. En effet, ledit droit peut disparaître à tout moment
même avant l'expiration de la durée fixée.
L'hypothèque reste donc tributaire des mouvements d'extinction qui
guettent, à tout moment, les divers droits réels de jouissance
des terres. A contrario, pour l'hypothèque de l'immeuble, la
propriété étant perpétuelle, l'extinction par
caducité du droit ne peut pas être envisagée, sauf pour les
cas où l'immeuble est affecté de certaines conditions conduisant
à l'extinction sans produire ses effets260. Il ne doit pas
être perdu de vue qu'une extinction abusive du droit réel par le
propriétaire ou l'administration donne droit à indemnisation.
Cette indemnisation devient l'assiette de la garantie.
La destruction, la dégradation ou la perte des
investissements réalisés sur les terres objet de jouissance
peuvent également constituer des évènements qui
éteignent la garantie sauf lorsque des investissements sont à
nouveau réalisés et permettraient dans ce cas la
259 Article 22 alinéa 2 du décret du 11 août
2015.
260 C'est le cas de l'hypothèque d'un immeuble indivis.
Lorsqu'au moment du partage le constituant n'en est pas alloti,
l'hypothèque est considérée comme n'avoir jamais
été constituée.
73
Jouissance des terres et garantie
substitution desdits investissements à ceux
antérieurs. Il s'agirait ainsi des droits flottants. Comme
déjà signalé, l'hypothèque se reportera sur
l'indemnité d'assurance y relative261.
La jouissance des terres a des caractéristiques
déterminées qui ont rendu nécessaire leur prise en compte
dans l'organisation du régime de la garantie dont elle peut constituer
l'assiette. Au moment de sa formation, sont pris en compte la qualité de
titulaire du droit réel de jouissance et non pas celle de
propriétaire des terres. Pour la publicité, il y a l'institution
d'un registre spécial d'enregistrement des droits de jouissance des
terres et l'inscription hypothécaire devient à cet effet
possible. Des effets supplémentaires à ceux de
l'hypothèque de l'immeuble peuvent être envisagés pour
l'hypothèque de la jouissance des terres, tout comme ses modes de
transmission et d'extinction. La revue de toutes ces règles peut amener
à conclure que le régime de l'hypothèque de la jouissance
des terres est suffisamment organisé. Mais en réalité, il
n'en est pas grande chose, il y a d'insuffisances et inadaptations multiples
que le législateur gagnerait à aborder en vue de l'adaptation du
droit des biens aux réalités relatives à la
propriété, à la possession et aux formes de jouissance
d'une part. D'autre part, il faudrait aussi adapter le droit des garanties
à ses propres réalités et aux évolutions du droit
des biens déjà évoqué.
SECTION 2 : UNE PRISE EN COMPTE A PARFAIRE POUR
INSUFFISANCES
ET INADAPTIONS
Le droit positif présente une situation qui voudrait
convaincre du fait que la nature particulière de la jouissance des
terres par rapport à la propriété de l'immeuble a
été prise en compte, et ceci surtout en certaines des
règles organisant le régime de l'hypothèque portant sur
ladite jouissance. Cette prise en compte est-elle suffisante ou même
adaptée ? C'est la question qui se pose. En effet, une garantie doit
être effective puis être éventuellement efficace pour enfin
espérer être idéale. La condition d'effectivité
tient au texte262 qui organise la garantie c'est-à-dire
à sa vocation à être réellement appliqué en
société263. La condition d'efficacité
tient à l'aptitude d'un régime juridique à produire
le résultat pour lequel elle a été
conçue264. L'efficacité de la garantie vise à
donner au créancier la certitude d'être payée
261 G. DURRY, « Hypothèque et assurance »,
RJ com. 1982, pp. 27-36
262 P-E KENFACK, « L'effectivité
des dispositions des lois contraires au droit : réflexions à
partir des lois foncières et de travail au Cameroun », in
L'effectivité de la loi, L'Harmattan, Paris, 2021, p.88.
263 Y. LEROY, « La notion d'effectivité en droit
», Droit et société, n°79, 2011/3, pp.715 et s.
264 P-E KENFACK, « L'effectivité
des dispositions des lois contraires au droit : réflexions à
partir des lois foncières et de travail au Cameroun », op. cit,
p.88.
74
Jouissance des terres et garantie
à l'échéance si le débiteur ne
s'exécute pas. L'idéalisme en matière de garantie
recherche sa pleine efficacité, ce qui est très difficile
à atteindre265. Des auteurs suggèrent des
qualités266 pour évaluer l'efficacité des
garanties. Il convient ainsi d'évaluer l'hypothèque de la
jouissance des terres à l'aune de ces qualités, ce qui revient
à questionner sa fonctionnalité. Mais bien avant, il faut
évaluer la conceptualisation de l'assiette de la garantie et de la
garantie elle-même. Cette conceptualisation détermine
l'effectivité et mieux l'efficacité à espérer. Il
s'évince en réalité d'une part, qu'il y a un
problème de conceptualisation de l'hypothèque de la jouissance
des terres à résoudre (Paragraphe 1). D'autre part, après
une adéquate conceptualisation, la fonctionnalité de
l'hypothèque de jouissance des terres qui recèle aujourd'hui
certaines insuffisances et inadaptations (Paragraphe 2) ne devrait pas
être compromise.
Paragraphe 1 : Le problème de conceptualisation de
l'hypothèque de la jouissance des terres et sa résolution
La conceptualisation est « mise au service
d'un système d'interprétation général dont les
termes prennent leur signification les uns par les autres (chacun étant
plus ou moins compris comme une métaphore ou une approximation du
réel)267. » En science juridique, elle vise
à fixer dans l'absolu la signification de chaque fait dont on
reconnaît qu'il constitue un fait juridique268. La
jouissance des terres est très souvent le résultat d'un acte
juridique, dans sa matérialité, elle constitue donc un
phénomène juridique. Il y a dans ce sens la consécration
des droits réels de jouissance des terres, mais cette
appréhension est faite de manière superficielle par le droit
positif.
La communauté de l'objet sur lequel porte
l'hypothèque de l'immeuble et celle de la jouissance des terres conduit
peut-être à l'indistinction de leurs régimes, mais il a
été développé à la première partie
que l'assiette diffère. L'une porte sur des droits réels de
265 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°9
266 « Une sûreté
idéale devrait avoir quatre qualités ; elle devrait être
:
- d'une constitution simple et peu onéreuse, pour ne
pas augmenter le coût du crédit ;
- adaptée à la dette qu'elle garantit - ni
trop ni pas assez - afin d'éviter l'abus de sûreté qui
gaspille le crédit du débiteur ;
- efficace, c'est-à-dire donner au créancier
la certitude d'être payé à l'échéance, si le
débiteur ne s'exécute pas ;
- d'une réalisation simple, afin d'éviter
les lenteurs et les frais inutiles. » Ph. MALAURIE et L. AYNES,
Droit civil. Les sûretés, op. cit, n°8
267 P. NOREAU, « L'épistémologie de la
pensée juridique : de l'étrangeté... à la recherche
de soi. » Les Cahiers de droit, 52(3-4), 2011, 695.
268 Idem.
75
Jouissance des terres et garantie
jouissance alors que l'autre porte sur l'immeuble. Cette
distinction de l'assiette aurait dû conduire à distinguer leurs
régimes, chose qui n'en est pas ainsi en l'état. Ceci
démontre que la conceptualisation de l'assiette de l'hypothèque
de la jouissance des terres recèle des failles (A). Celles-ci ont
facilement permis l'organisation insuffisante du régime de ladite
hypothèque, non sans permettre la transposition des règles qui
lui sont inadaptées (B).
A- Les failles de la conceptualisation de l'assiette de
la garantie
Dans l'esprit du législateur OHADA et de
l'autorité règlementaire du 11 août 2015, un droit
conférant jouissance des terres, qui est en réalité une
simple prérogative de jouir des terres, est
considéré plutôt comme s'il s'agissait d'une
prérogative presqu'assimilable à la propriété
desdites terres. C'est une suite aux idées qui ont présidé
à l'adoption du code civil en 1804. A cette époque,
concéder un droit de jouissance des terres était
extrêmement encadré. Cela n'était possible que dans le
cadre des divers usufruits et droits d'usage et d'habitation reconnus à
certaines personnes uniquement en considération de leur statut ou de
leur rapport avec le propriétaire terrien. Etaient par ailleurs
envisagées les servitudes qui ne sont en réalité que des
droits accessoires aux terres parce que intimement liés à leur
utilisation. Bien qu'organisé à cette époque, le louage
n'épousait véritablement pas la philosophie des droits
réels. D'ailleurs ledit louage était envisagé dans le
sillage des contrats spéciaux. C'est près d'un siècle
après, en 1902 notamment, que le bail emphytéotique est connu et
tout le vingtième siècle a par la suite fait développer
d'autres droits réels de jouissance des terres qui sont de nos jours
admis pour constituer l'assiette de l'hypothèque.
Un droit réel de jouissance des terres est, soit un
démembrement du droit de propriété des terres, soit une
prérogative accordée et reconnue dans les domaines par
l'Administration. A cause de l'assimilation de la propriété et
des droits de jouissance pouvant être concédés, les
derniers ne sont que très rarement évoqués dans l'AUS et
très peu utilisés dans la pratique. Ils ne sont en effet
évoqués qu'au moment de la constitution de la garantie. Ils sont
évoqués comme des droits sur lesquels l'hypothèque est
susceptible de porter et très rarement évoqués à
d'autres étapes de l'organisation du régime de
l'hypothèque269.
En effet, l'assimilation excessive de l'immeuble et
de la propriété de l'immeuble aux droits réels de
jouissance pouvant être constitués sur le même immeuble
occulte véritablement ces derniers. Ceci est vrai pour la simple raison
que ses caractéristiques ne
269 Articles 195 et 204 de l'AUS.
76
Jouissance des terres et garantie
sont pas suffisamment perceptibles encore moins
étudiées270. D'ailleurs, ils semblent être
quelque peu négligés par le droit positif271. En
effet, de nos jours et beaucoup plus pour l'avenir, des baux de longue
durée272 ou des droits réels de jouissance des terres
innomés seront davantage consentis, et moins la cession entière
de l'immeuble sera faite. Puisque ces droits constituent des
éléments du patrimoine de leurs titulaires, ils doivent
également pouvoir facilement leur ouvrir droit à garantir le
remboursement des crédits auxquels ils prétendent pour les mettre
en valeur ou pour d'autres investissements.
Il se précise donc que l'assimilation
complète de l'immeuble aux droits réels immobiliers divers
et spécifiquement à ceux conférant jouissance rend
difficile l'utilisation de ces derniers comme assiette de l'hypothèque.
Il est vrai que pour un seul droit de propriété, plusieurs droits
réels de jouissance pourront être constitués et quels
qu'ils soient, le seul droit de propriété leur tiendra
prééminence. Relativement à la garantie, pour changer la
tendance, il est souhaitable de considérer les droits réels de
jouissance des immeubles tels qu'ils sont. L'idée est de s'inscrire
dans la philosophie de ceux qui préconisent une réforme du droit
des biens273. Cette réforme serait grande si elle
viendrait à consacrer un titre entièrement
dédié aux droits de jouissance des terres à
côté du droit de propriété immobilière.
Cette
270 P-E KENFACK, « Doctrine et création du droit
privé au Cameroun », in Revue de la Recherche Juridique. Droit
prospectif, PUAM, 2005-4. L'auteur y développe que la doctrine
camerounaise peine à prendre ses marques sur des questions de
création du droit. Ainsi elle n'intervient que rarement avant le
législateur et le juge, ce qui constitue un abandon de certains aspects
de son activité d'interprétation déclinée en la
critique du droit et en sa prospection.
271 Heureusement, la doctrine en a pris conscience. Lesdits
droits font la part belle des questions relatives à la réforme du
droit des biens en France, le même droit des biens est en vigueur au
Cameroun. W. DROSS, Droit des biens, 2ème éd.,
Montchrestien, 2014 ; H. PERINET-MARQUET (dir.), Propositions de
l'Association Henri Capitant pour une réforme du droit des biens,
LexisNexis, 2009, Carré droit. Ch. ALBIGES et Ch. HUGON (Sous la
direction scientifique de), Immeuble et droit privé.
Approches transversales, Lamy, Coll. Axe Droit, 2012.
La question foncière est l'objet de tous les
commentaires au Cameroun pour l'ineffectivité du régime foncier
et domanial pour certaines dispositions et l'inefficacité pour d'autres.
P-E KENFACK, « L'effectivité des dispositions des lois contraires
au droit : réflexions à partir des lois foncières et de
travail au Cameroun », in L'effectivité de la loi,
L'Harmattan, Paris, 2021, pp.87-97 ; TCHAPMEGNI R. (Sous la direction de),
la problématique de la propriété foncière au
Cameroun, Actes de la Conférence sur le foncier, Mbalmayo, 2005,
143p. Disponible sur le site web
www.environnement-propriete.org./francais/documentation/doc/la-problematique-de-la-propriete-fonciere-au-cameroun.pdf
272 CCJA. 1ère, Arrêt n° 052/2020 du
27 février 2020.
273 P-E KENFACK, « L'effectivité des dispositions
des lois contraires au droit : réflexions à partir des lois
foncières et de travail au Cameroun », op. cit. pp.87-97 ; W.
DROSS, Droit des biens, 2ème éd., op. cit. ; H.
PERINET-MARQUET (dir.), Propositions de l'Association Henri Capitant pour
une réforme du droit des biens, op. cit.. Ch. ALBIGES et Ch. HUGON
(Sous la direction scientifique de), Immeuble et droit privé.
Approches transversales, op. cit.
77
Jouissance des terres et garantie
conceptualisation déclinée en une
appréhension singulière des droits de jouissance par le
législateur permettra de mieux conceptualiser leur garantie.
B- La conceptualisation de l'hypothèque de la
jouissance des terres
La garantie portant sur la jouissance des terres étant
envisagée non pas séparément mais plutôt
indistinctement de l'hypothèque de droit commun, il en découle
qu'un simple copiage est fait des rigidités ainsi que des
éventuelles faiblesses de la dernière. L'assiette est
pourtant distincte. La jouissance des terres, caractérisée
souvent en « peines et soins » ou « impenses »
pour désigner les cultures, constructions et améliorations
apportées aux terres, est distincte de l'immeuble ou des terres et des
droits de propriété sur elles. Les impenses constituaient
autrefois l'assiette du nantissement. La nature de la garantie portant sur la
jouissance des terres a été appréhendée
différemment par le premier AUS de 1997, avec un léger changement
lors de la révision de 2010. Il y a à espérer un plus
grand changement lors de la prochaine révision.
Il y a nécessité d'envisager de
manière formelle c'est-à-dire prévoir dans
l'Acte uniforme OHADA organisant les sûretés un titre ou chapitre
ou même une section relative à la garantie ou l'hypothèque
de jouissance des terres avec des modes de constitution et de
réalisation plus souple. Il s'agira d'adopter des modes visant
clairement l'objectif d'efficacité, c'est-à-dire amener le
créancier à accepter telle hypothèque pour garantir le
remboursement de son crédit. Ceci permettrait de parvenir à une
situation où les crédits seront offerts aux titulaires des droits
de jouissance parce qu'il sera reconnu auxdits droits leurs réelles
valeurs économiques capitalisables.
Il est perceptible du décret du 11 août 2015
qu'il y a un renvoi, excessif, aux dispositions sur
l'hypothèque générale c'est-à-dire de l'immeuble.
Cette technique de renvoi n'est pas du tout admissible pour
l'intelligibilité et l'efficacité d'un régime
juridique274, d'une garantie de surcroit. L'autorité
décrétale qui avait bien la possibilité de déroger
auxdites règles et de créer celles adaptées à
l'hypothèque de la jouissance des terres dans les domaines a
plutôt fait autre chose. De même, le législateur OHADA qui a
choisi de n'évoquer que la possibilité de constitution d'une
hypothèque portant sur les droits réels de jouissance des terres
peut décider de séparer cette hypothèque de celle de
l'immeuble et lui organiser un régime propre. L'OHADA a fait pareil
avec les différentes sous-catégories de gages ou de
274 N. MOLFESSIS, « le renvoi d'un texte à un
autre », in Les mots de la loi, Collection « Etudes
juridiques, Economica, p.55
78
Jouissance des terres et garantie
nantissements275. D'ailleurs, cela participe de la
vie et l'évolution des garanties en général276.
En tout si la réorganisation de cette hypothèque arrivait
vraiment, elle éviterait des écueils et distorsions
observés dans la pratique et que la CCJA est aujourd'hui obligée
de corriger277.
La réformation conceptuelle de la jouissance
des terres qui constitue l'assiette de l'hypothèque spéciale et
la réformation conceptuelle de l'hypothèque spéciale
elle-même doivent s'accompagner d'une réformation fonctionnelle
c'est-à-dire d'une réorganisation et d'une optimisation de son
régime en envisageant une mise en oeuvre fonctionnellement
adéquate.
Paragraphe 2 : Les insuffisances et inadaptations
fonctionnelles de l'hypothèque de jouissance des terres
Des difficultés de constitution et de mise en oeuvre de
la garantie des droits de jouissance démembrements du droit de
propriété et sur les terres domaniales se révèlent
en pratique. Au regard d'une part de la simple transposition ou du recours
presqu'automatique au régime de l'hypothèque de l'immeuble et
d'autre part des caractéristiques propres à la jouissance des
terres, des insuffisances et inadaptations se ressentent tant dans la
constitution (A) que dans les effets (B) de leur hypothèque. Ce qui
appelle en quelque sorte à une véritable réforme.
A- La réforme des règles de constitution
de l'hypothèque spéciale
L'approche fonctionnelle d'une garantie est de
s'intéresser à son fonctionnement pour l'atteinte de l'objectif
pour lequel elle est constituée. C'est celui de déterminer un
créancier
275 I. L. MENDJIEM, « Régime général
des sûretés », in Encyclopédie de l'OHADA,
Porto Novo, Lamy, 2011, pp.1480-1509
276 Pour MALAURIE et CROCQ, Droit civil. Les
sûretés, op. cit., n°13 « les
sûretés sont aujourd'hui nombreuses et variées. Leur
évolution n'est pas achevée, car elles sont tributaires de la vie
économique, en constante mutation. Comme dans le droit des contrats
spéciaux, on assiste à une floraison de garanties nouvelles,
d'abord variété d'une sûreté nommée, puis
prenant à l'égard du modèle de plus en plus de
liberté pour acquérir un régime spécifique.
»
277 CCJA, 2e ch., Arrêt n°052/2013 du 12
juin 2013. Dans cette affaire opposant l'ex Banque Sénégalo
Tunisienne (BST) devenue Groupe ATTIJARIWAFA Bank à OUMOU SALAMATA et
autres, ces parties avaient désigné de nantissement une
hypothèque portant sur un droit de bail dont la réalisation a
justement été faite selon les règles de la saisie
immobilière. La difficulté était grande de nommer
clairement une telle garantie en l'absence de précisions claires dans
l'Acte Uniforme. Le terme d'hypothèque semblait inadapté puisque
l'assiette n'était pas constituée de l'immeuble mais d'un droit
de jouissance communément désigné impense et qui a fait
l'objet de nantissement autrefois. Sans doute, la non organisation
spécifique par le législateur OHADA d'une garantie ayant
spécialement ce droit de jouissance pour assiette a mené à
cette difficulté. La CCJA avait eu l'occasion de décider ce qui
suit : « le terme de nantissement a toujours été
utilisé dans l'ancien code de procédure civile pour
désigner une sûreté réalisée sur des impenses
ou des peines et soins ; qu'aujourd'hui il désigne une garantie inscrite
sur le droit au bail ; que le fait de mentionner sur l'acte qu'il s'agit d'un
nantissement, ne le rendait pas nul, puisque le juge a la possibilité de
restituer à l'acte sa véritable qualification. » Le
premier juge a été notamment perdu dans les insuffisances de
l'AUS relativement à cette garantie qu'il devait particulariser.
79
Jouissance des terres et garantie
à offrir du crédit. Par la confiance qu'il a en
son débiteur et la garantie que ce dernier propose. Ledit
créancier sait qu'en cas de défaillance de son débiteur,
l'objet donné en garantie, réalisé, permettra de le
désintéresser. Pour cela donc, de manière pratique, le
créancier se posera tant de questions sur les différentes
garanties qu'offrent le prétendant au crédit.
La constitution de l'hypothèque de la jouissance des
terres est couteuse comme l'hypothèque des terres. La première en
est devenu dépourvue de visibilité, encore moins
d'effectivité278. Les qualités à prendre en
compte en vue d'une adéquate constitution des garanties279 en
général et de l'hypothèque de jouissance des terres
peuvent être organisées de la manière suivante :
- Constitution simple et sans dépossession. La
loi doit permettre la constitution rapide, simple et peu onéreuse d'une
sûreté sans priver le débiteur de l'usage des biens
grevés. Il n'en est pas ainsi par exemple de l'adoption des
règles de constitution de l'hypothèque de jouissance des terres.
Ses règles de constitution sont rigides. Un sous-seing privé
régulièrement enregistré et publié suffirait
à la constituer et la constater. La chose étant qu'en en cas de
réalisation, ce qui serait aliéné, ce ne serait pas
l'immeuble mais simplement une prérogative sur celui-ci,
cédée par le propriétaire ou l'Administration.
- Faiblesse du coût. Le coût de la
constitution de la sûreté doit être faible. La constitution
par voie de Notaire n'est pas de nature à rendre aisée cette
constitution. Les Notaires ont des barèmes d'honoraires et frais d'acte
hors de portée pour la grande majorité, pourtant cette
majorité doit être encouragée à obtenir du
crédit et à offrir leur droit de jouissance en garantie.
- Une garantie doit pouvoir porter sur toutes
catégories de biens, garantir toutes catégories de dettes et
être constituées entre toutes personnes. Pour
l'hypothèque de la jouissance des terres, s'il est vrai qu'il en est
ainsi pour certains droits réels de jouissance des terres, pour d'autres
ce n'est pas le cas280.
- Relativement à la publicité, il a
été vu qu'elle a bien été prise en compte à
travers l'inscription des droits réels démembrements de
propriété et l'inscription de l'hypothèque à leur
suite ainsi que la création du registre spécial aux baux et
concessions sur les terres
278 P-E KENFACK, « L'effectivité des dispositions
des lois contraires au droit : réflexions à partir des lois
foncières et de travail au Cameroun », op. cit, pp.87-97.
279 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°8
280 Il s'agit des hypothèques portant sur les droits
réels de jouissance en vertu de la concession provisoire et de
l'autorisation d'occupation ou d'exploitation du domaine public artificiel
déclassé.
80
Jouissance des terres et garantie
domaniales. L'exigence y relative est qu'il doit être un
système efficace qui contient des renseignements toujours mis
à jour et facilement accessible aux usagers.
- L'autonomie de la volonté doit aussi ne pas
être négligée en matière de garantie. Les
parties doivent autant que possible être laissées libres d'adapter
la sûreté aux besoins particuliers de leur transaction. Doit
simplement être évité l'abus aux dépens de la partie
qui serait faible. Les textes sur la consommation doivent prendre en compte la
situation des consommateurs de crédit en s'attardant de plus en plus sur
les mesures de protection appropriées.
Les insuffisances et inadaptations fonctionnelles tenant
à la constitution de l'hypothèque de la jouissance des terres
étant relevées, des suggestions étant également
faites, celles tenant aux effets de ladite hypothèque doivent
également être évoquées.
B- Repenser les effets de l'hypothèque de
jouissance des terres à partir de quelques principes
Relativement aux effets des garanties de manière
générale, les principes suivants peuvent être
observés :
- Le recouvrement de la créance doit être
opéré sur les biens donnés en garantie. En cas de
non-paiement de la dette garantie, le titulaire du droit garanti doit
être à mesure de réaliser les biens donnés en
garantie et d'affecter le produit de la vente au recouvrement de sa
créance en priorité par rapport aux autres créanciers. Il
y a lieu de relever, relativement à ce point que concernant les droits
réels de jouissance des terres, la réalisation peut être
quelque peu hypothétique. Mais l'assurance qu'il y a à recourir
auxdits droits est que leur résiliation abusive peut mener à
l'indemnisation de leur titulaire et par ricochet du bénéficiaire
de la garantie.
- L'exécution de la mesure à laquelle
mène la garantie doit porter sur son assiette. Les
procédures d'exécution de la garantie doivent permettre une
réalisation rapide des biens grevés à la valeur du
marché. Sur ce point, il y a lieu d'évoquer trois idées
intéressantes à ne pas négliger pour une éventuelle
organisation d'un régime spécifique de l'hypothèque de
jouissance.
La première idée est en rapport avec la
saisie immobilière281 qui est une procédure
longue imaginée pour adjuger l'immeuble. Cette voie d'exécution
est couteuse et difficile à
281 Article 200 et suivants de l'AUPSRVE.
81
Jouissance des terres et garantie
l'utilisation pour l'hypothèque de la jouissance des
terres282. Pour la rendre utilisable comme voie de
réalisation de cette dernière, elle doit être
réorganisée en empruntant quelques règles de la saisie
vente283. Certes, la saisie vente concerne les meubles mais
l'application des règles concernant les meubles aux immeubles n'est pas
nouveau puisque c'est le cas en matière de saisie des récoltes
sur pieds.
La deuxième idée est en rapport avec la
saisie des récoltes sur pieds284 qui est une mesure
d'exécution forcée qui n'est véritablement pas
précédée de possibilité de conclusion de garantie.
En effet, il pourrait être donné aux parties et
nécessairement au titulaire du droit de jouissance d'avoir un
crédit de court terme ou même de long terme285 et de
proposer comme garantie ses droits et fruits générés sur
les terres objet de sa jouissance. A la réalisation de telle garantie,
le créancier hypothécaire recourra à la procédure
de saisie des récoltes sur pied, ou mieux, il exercera simplement son
droit de préférence si la procédure est engagée par
un autre créancier. Son droit de suite pourra également
être mis à contribution en cas de vente frauduleuse desdites
récoltes, la publicité instituée devra beaucoup servira
à la sécurisation des droits du bénéficiaire de la
garantie.
La troisième idée est relative à la
mesure évoquée à l'article 265 de l'AUPSRVE qui
prévoit clairement, lorsqu'il y a saisie immobilière, la
possibilité pour le débiteur d'offrir les fruits de son immeuble
pendant deux années à son créancier pour
éviter la vente dudit immeuble. A travers cette mesure, il peut
être imaginé un mode spécifique de réalisation de
l'hypothèque de la jouissance des terres. Il consistera pour le
créancier à se faire attribuer conventionnellement ou
judiciairement le droit aux fruits de l'immeuble pendant une durée
pouvant couvrir sa créance. Mieux il pourra réorganiser le
système de génération des fruits, en investissant, pour
accélérer son remboursement.
282 CCJA, 2e Ch. Arrêt n°052/2013 du 12
juin 2013.
283 J.P TCHOU BAYO, « Saisie-Vente », in
Encyclopédie du droit OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011,
p.1770-1804.
284 Articles 147 et suivants de l'AUPSRVE.
J.P TCHOU BAYO, « Saisie-Vente », op. cit.,
n°188-197. L'auteur donne l'explication suivante sur le bien-fondé
de l'institution de telle saisie : « En principe ces récoltes
devraient être saisies par voie de la saisie immobilière car aux
termes de l'article 520 du code civil (en vigueur au Cameroun), elles sont les
immeubles par nature en raison de leur adhésion à la terre. Mais
le législateur d'aujourd'hui comme celui d'hier (qui avait
institué la saisie-brandon que la saisie des récoltes sur pied
remplace) a voulu les soustraire de cette procédure couteuse et lente de
la saisie immobilière en faisant d'elles des meubles par anticipation
» n°188.
285 Cas des plantations dont les récoltes sont cycliques :
bananeraies, palmeraies,...
82
Jouissance des terres et garantie
- L'efficacité de la garantie en cas
d'insolvabilité dépend généralement des
dispositions sur les procédures collectives. La garantie doit
rester efficace et susceptible d'exécution en cas de faillite ou
d'insolvabilité du débiteur sur les biens duquel la
sûreté a été constituée. Le décret du
11 août 2015 prévoit la substitution, après proposition du
créancier, du débiteur occupant ou exploitant du domaine public
artificiel déclassé. Cette préconisation vise visiblement
à assurer l'efficacité de la garantie en cas
d'insolvabilité du débiteur. Mais pour l'hypothèque
portant sur d'autres droits de jouissance, les créanciers connaissent
les restrictions et blocages prévus par les procédures
collectives.
De manière fonctionnelle, il peut également
être envisagé le passage de l'hypothèque de jouissance des
terres à l'hypothèque de l'immeuble ou même à une
autre hypothèque de jouissance. Ceci est envisageable pour une
hypothèque portant sur une concession provisoire. Lorsque la concession
provisoire devient une concession définitive, l'hypothèque de
jouissance s'éteint alors qu'il peut être envisagé que
l'hypothèque de jouissance se transforme automatiquement en
hypothèque de l'immeuble. Certes le créancier
intéressé pourra bénéficier de l'hypothèque
légale du fournisseur de denier mais la constitution de cette
dernière oblige à une procédure judiciaire qui peut
être évitée. Par ailleurs, le titulaire d'un droit de
superficie ou des baux peut devenir propriétaire des terres et donc il y
a confusion du droit de propriété et du droit de jouissance,
pareille confusion éteint les droits réels de jouissance et leurs
garanties avec. Pourtant, ces évènements doivent être pris
en compte dans l'organisation du régime de l'hypothèque de
jouissance des terres.
L'utilisation de la jouissance des terres comme garantie passe
par une organisation cohérente et adéquate de l'ensemble des
droits qui confèrent ladite jouissance et aussi de ladite garantie. La
possibilité de réelle mise en oeuvre de cette garantie doit
être analysée ; c'est la question de sa fonctionnalité tant
dans la formation que dans les effets. Ceci nécessite au
préalable une révision des règles relatives à
l'assiette concernée. Il s'agit d'une révision qui
considère la jouissance des terres telle quelle et qui lui
conçoit une garantie adaptée à ses conditions d'obtention
et d'exercice. Ces nécessités considérées, elles
s'uniront à celles déjà prévues par le droit
positif et qui s'avèrent fort utiles à l'effectivité et
l'efficacité de l'hypothèque de jouissance comme
déjà développé ci-haut. Bref, il peut être
organisé un régime juridique spécifique à
l'hypothèque de jouissance et ce régime peut, avec beaucoup
d'intérêts et de manière mesurée, s'inspirer de
quelques-unes de celles de l'hypothèque de l'immeuble et au besoin de
certaines règles éparses qui organisent les mesures
d'exécution forcée.
83
Jouissance des terres et garantie
CONCLUSION GENERALE
A la question de savoir si la jouissance des terres de droit
peut-elle servir de garantie de remboursements des crédits, la
réponse après analyse est que certains droits de jouissance des
terres sont insusceptibles de servir de garantie alors que d'autres sont
susceptibles suivant des conditions précises. Les modalités de
leur utilisation sont celles prévues pour l'immeuble à travers le
régime de l'hypothèque. C'est un régime insuffisamment
adapté à leur utilisation, d'où la conclusion qu'il s'agit
d'une possibilité inconsistante c'est-à-dire à repenser et
à recadrer en l'état.
Les droits pouvant constituer l'assiette des garanties sont
généralement des droits réels aliénables et
saisissables, pourtant certains droits de jouissance sont accordés
en considération de la personne du bénéficiaire (usufruit
du conjoint survivant ou usufruit des père et mère sur les biens
des enfants par exemple) ou de ses nécessités (droit d'usage et
d'habitation ou les servitudes par exemple). Ceux-ci sont inutilisables comme
assiette de garantie pour leurs caractères inaliénable
et insaisissable.
Pour ceux des droits de jouissance des terres admis pour
servir d'assiette de garantie, ils sont de deux groupes. D'un
côté, il y a les démembrements du droit de
propriété. Hormis ceux qui sont affectés de condition
d'inaliénabilité et de saisissabilité, les
démembrements du droit de propriété pouvant être
utilisés comme garantie sont : le bail emphytéotique, le bail
à construction, le droit de superficie et les droits réels de
jouissance innomés. Le bail emphytéotique comme le bail à
construction sont des baux de très longue durée. Le droit de
superficie leur est semblable avec ceci de particulier qu'il s'agit d'un
droit de jouissance perpétuel. Ces droits confèrent à
leurs titulaires de tirer des terres qui leur sont données en jouissance
des utilités économiques énormes à travers les
constructions, installations, ouvrages et cultures. Ces « peines et soins
» ou « impenses » produisent des revenus qui peuvent
déterminer un prêteur à s'en prévaloir comme
garantie. Il y a divers droits réels de jouissance innomés. Un
propriétaire peut les accorder à des tiers sur sa
propriété en vertu de la liberté contractuelle. Les droits
innomés ne s'identifient à aucun droit réel nommé,
ils empruntent aux caractéristiques des uns et des autres
démembrements du droit de propriété.
De l'autre côté, il y a des droits réels
reconnus sur les terres domaniales. Dans sa mission de gestion des vastes
terres constituées par le domaine national majoritairement et par le
domaine privé de l'Etat ainsi que le domaine public, l'Administration
peut reconnaitre des droits, parfois réels aux particuliers. Elle peut
concéder des baux emphytéotiques sur le
84
Jouissance des terres et garantie
domaine national et sur le domaine privé de l'Etat.
Dans ce dernier domaine, le bail ordinaire peut être conclu au profit des
particuliers par l'Administration propriétaire. La concession provisoire
peut être autorisée dans le domaine national. Les droits reconnus
dans ces cadres peuvent être mis en garantie. Sur les dépendances
du domaine national, aux exploitants et occupants d'avant 5 août 1974 ont
été reconnus de véritables droits de jouissance qui
peuvent servir de base à la constitution d'une garantie. Mais
pratiquement, ces derniers droits de jouissance doivent être
transformés en droit de propriété. Dans le domaine public,
des droits susceptibles de garantie peuvent être reconnus aux
concessionnaires et titulaires d'autorisations d'occupation ou d'exploitation
après la procédure de déclassement.
Les droits réels de jouissance des terres sont
envisagés par les textes pour constituer l'assiette de
l'hypothèque, garantie généralement connue pour
grever les terres. La garantie de jouissance des terres adopte donc les
caractéristiques de l'hypothèque des terres que sont
l'accessoire, l'indivisibilité, la spécialité et la
non-dépossession du constituant avant l'échéance de la
créance garantie. Mais l'hypothèque d'un droit de jouissance a
ses caractéristiques propres car ledit droit est lui-même
temporaire, précaire et limité souvent
matériellement mais toujours juridiquement, par les droits du
propriétaire et les prérogatives de l'Administration. Il y a en
outre des caractères tenant à la créance garantie car
certains droits de jouissance des terres ne sont pas susceptibles de garantir
toutes créances, les droits conférés par l'autorisation
d'occupation ou d'exploitation du domaine public déclassé ainsi
que les droits des concessionnaires provisoires ne peuvent garantir que des
créances nées exclusivement à l'occasion de la
jouissance.
Les modalités d'utilisation des droits réels de
jouissance des terres comme garantie s'adossent sur celles de
l'hypothèque concernant les terres. Les fondements de constitution que
sont la convention, la loi et la décision de justice sont retenus et les
règles de constitution, allant des conditions de fond et de forme aux
règles de publicité, sont donc les mêmes. Ainsi, le recours
au Notaire est exigé pour la validité de la constitution. Le
constituant doit être capable et titulaire du droit de disposer des
droits mis en garantie, le pouvoir de disposer est exigé en certains
cas. Les droits mis en garantie ainsi que les créances garanties doivent
être déterminés ou tout au moins déterminables
suivant le principe de spécialité. La publicité de la
garantie qui se caractérise par l'inscription est exigée et de
même cette formalité est précédée de la
publicité préalable des droits constituant l'assiette de la
garantie.
Les effets de l'hypothèque de l'immeuble avant et
après l'échéance de la créance garantie sont
également transposés à l'hypothèque de la
jouissance des terres. La voie de l'attribution
85
Jouissance des terres et garantie
conventionnelle ou judiciaire peut être envisageable et
la saisie immobilière n'est pas exclue pour la réalisation. Entre
les créanciers, les droits de préférence des uns et des
autres sont exercés et le tiers acquéreur ne peut échapper
au droit de suite des créanciers hypothécaires.
L'hypothèque d'un droit de jouissance se transmet et s'éteint
suivant les mêmes modes que l'hypothèque de l'immeuble
c'est-à-dire à titre accessoire avec les différents
mouvements de la créance et à titre principal suivant les
aléas propres à la garantie.
La transposition des règles de l'hypothèque de
l'immeuble à l'hypothèque de jouissance des terres semble ne pas
déterminer les créanciers à y recourir pour garantir le
remboursement de leurs crédits. L'hypothèque de jouissance n'est
pas visible et intelligible bien que la jouissance des terres représente
une valeur importante utilisable comme garantie. Il y a une difficulté
de conceptualisation des droits de jouissance des terres. Il est
inadapté de considérer indistinctement l'immeuble et les
utilités dont il est possible de tirer de l'immeuble en vertu d'un droit
de jouissance. Le législateur en a peut-être conscience puisqu'il
organise quelques règles spécifiques à l'hypothèque
lorsqu'elle porte sur les droits de jouissance des terres. Il en est ainsi de
l'évocation des titulaires des droits de jouissance pour constituer la
garantie et non de la qualité de propriétaire des terres dont
jouissance. Ce dernier doit en tout cas être notifié de
l'inscription de l'hypothèque du droit de jouissance de ses terres. Pour
les droits dans les domaines, le rôle de l'Administration dans la
constitution de leur garantie est renforcé. Un registre spécial
est prévu pour la publicité des droits de jouissance des terres
domaniales et pour recevoir les inscriptions des garanties dont ils peuvent
être l'assiette. L'Administration intervient quelques fois lorsqu'il
s'agit de réaliser les droits de jouissance des terres domaniales.
Au demeurant, il se trouve nécessaire d'organiser un
régime juridique propre à l'hypothèque de
jouissance des terres. Ledit régime peut bien emprunter à
certaines règles précises et déterminées de
l'hypothèque de l'immeuble. La distinction de l'assiette, l'immeuble
pour l'une et la jouissance pour l'autre, amène à penser d'autres
règles déjà préconisées dans le cadre du
gage immobilier et d'autres en matière de voies d'exécution qui
sont les voies de réalisation de certaines garanties. C'est le cas de la
saisie des récoltes sur pieds qui n'est précédée
d'aucune garantie et de la mesure de cession des revenus de l'immeuble
préconisée pour suspendre voire mettre un terme à la
procédure de saisie immobilière. Il est envisageable de partir
d'une conceptualisation des droits de jouissance des terres ainsi que de
l'hypothèque lorsqu'elle porte sur ces droits pour qu'elle soit
utilisable, fonctionnelle et véritablement utilisée.
86
Jouissance des terres et garantie
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89
Jouissance des terres et garantie
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Port - Louis et modifié le 17 octobre 2008 à Québec ;
Acte Uniforme portant droit commercial général
adopté le 15 décembre 2010 ;
Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution
adopté le 10 avril 1998 ;
Acte Uniforme OHADA portant organisation des sûretés
adopté le 15 décembre 2010 ; Code civil applicable au Cameroun
;
Code civil applicable en France ;
Loi du 25 juin 1902 relative au bail emphytéotique ;
La loi n°2009/010 du 10 juillet 2009 régissant la
location accession à la propriété immobilière ;
La loi n°2010/020 du 21 décembre 2010 portant
organisation du crédit-bail au Cameroun ;
Loi n°2019/019 du 24 décembre 2019 fixant certaines
règles relatives à l'activité de crédit dans les
secteurs bancaire et de la micro finance au Cameroun ;
Ordonnance n°74-1 du 06 juillet 1974 fixant le régime
foncier modifié par la loi n°80-21 du 14 juillet 1980 et par la loi
n°83/19 du 26 novembre 1983 ;
Ordonnance n°74-2 du 06 juillet 1974 fixant le régime
domanial ;
Décret n°76/165 du 27 avril 1976 fixant les
conditions d'obtention du titre foncier modifié et
complété par le décret n°90/1482 du 09 novembre 1990
et par le décret n°2005/481 du 16 décembre 2015 ;
Décret n°76/166 du 27 avril 1976 fixant les
modalités de gestion du domaine national ;
Décret n°76/167 du 27 avril 1976 fixant les
modalités de gestion du domaine privé de l'Etat modifié
par le décret n°77-339 du 03 octobre 1977 et par le décret
n°90/1980 du 9 novembre 1990 ;
Décret n°2015/3580/PM du 11 août 2015 fixant
les modalités d'enregistrement et le régime des garanties et
sûretés applicables aux concessions et aux baux domaniaux.
90
Jouissance des terres et garantie
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT i
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
RESUME iv
ABSTRACT v
LISTE DES ABBREVIATIONS vi
SOMMAIRE viii
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : LA POSSIBILITE DECLAREE DE RECOURIR A LA
JOUISSANCE
DES TERRES COMME GARANTIE 11
CHAPITRE 1 : L'IDENTIFICATION DES DROITS REELS DE JOUISSANCE
DES
TERRES SUSCEPTIBLES DE GARANTIE 14
SECTION 1 : LES DEMEMBREMENTS DE LA PROPRIETE IMMOBILIERE
CONFERANT JOUISSANCE ADMIS COMME OBJET DE GARANTIE 15
Paragraphe 1 : Les baux, droits réels susceptibles de
garantie 16
A. Le bail emphytéotique 17
B. Le bail à construction 18
Paragraphe 2 : Les autres
démembrements du droit de propriété susceptibles de
garantie19
A. Le droit de superficie comme objet de garantie 19
B. Les droits réels de jouissance innomés objet de
garantie 21
SECTION 2 : LES DROITS REELS DE JOUISSANCE DES
TERRES
DOMANIALES SUSCEPTIBLES DE GARANTIE 23
Paragraphe 1 : Les droits réels de jouissance dans les
domaines public et privé de l'Etat
susceptibles de garantie 23
A. L'autorisation d'occupation temporaire du domaine public
artificiel : droit réel de
jouissance susceptible de garantie 24
B. Les baux sur les terres domaniales susceptibles de garantie
25
Paragraphe 2 : Les droits réels de jouissance sur le
domaine national susceptibles de garantie
27
A. La concession provisoire : droit susceptible de garantie
28
B. Le droit réel de jouissance des occupants et
exploitants des dépendances du
domaine national au 4 août 1974 29
CHAPITRE 2 : LA NATURE JURIDIQUE DE LA GARANTIE PORTANT
SUR LA
JOUISSANCE DES TERRES : L'HYPOTHEQUE 31
91
Jouissance des terres et garantie
SECTION 1 : L'IDENTIFICATION DE LA GARANTIE AU MOYEN
DES DROITS DE
JOUISSANCE DES TERRES COMME HYPOTHEQUE 32
Paragraphe 1 : L'identification comme hypothèque au moyen
de l'objet des deux garanties
33
A. L'immeuble comme assiette de l'hypothèque de
l'immeuble 33
B. Le droit de jouissance des terres comme assiette de
l'hypothèque du droit de
jouissance des terres 35
Paragraphe 2 : Les caractéristiques communes à
l'hypothèque de l'immeuble et à
l'hypothèque des droits de jouissance des terres 35
A- L'hypothèque, une garantie sans dépossession du
constituant 36
B- L'indivisibilité et la spécialité de
l'hypothèque 37
SECTION 2 : LES CARACTERISTIQUES DE L'HYPOTHEQUE DE LA
JOUISSANCE
DES TERRES 39
Paragraphe 1 : Les caractères tenant à la nature de
l'objet donné en garantie 40
A- Caractère temporaire et précaire 40
B- Caractère limité 42
Paragraphe 2 : Les caractères tenant à l'obligation
garantie 43
A- Le caractère accessoire des garanties aux
créances garanties 43
B- L'exclusion de certaines créances de l'assiette de
l'hypothèque de certains droits
de jouissance des terres 45
DEUXIEME PARTIE : UNE POSSIBILITE INCONSISTANTE QUANT AUX
MODALITES D'UTILISATION DE LADITE JOUISSANCE COMME GARANTIE
48
CHAPITRE 1 : L'INCONSISTANCE PAR LE RECOURS DEMESURE AUX REGLES
DU
REGIME DE L'HYPOTHEQUE DE L'IMMEUBLE 51
SECTION 1 : LE RECOURS AUX REGLES DE CONSTITUTION DE
L'HYPOTHEQUE
D'IMMEUBLE 52
Paragraphe 1 : les modes de constitution de l'hypothèque
52
A. Les fondements de constitution 52
B. Les règles de constitution 54
Paragraphe 2 : les règles de publicité des deux
formes d'hypothèques 56
A. Le titre constatant le droit 56
B. Le régime de l'inscription hypothécaire 57
SECTION 2 : LE RECOURS AUX REGLES RELATIVES AUX EFFETS
DE
L'HYPOTHEQUE DE L'IMMEUBLE 59
Paragraphe 1 : les effets de l'hypothèque à sa
réalisation 60
A- La réalisation de l'hypothèque 60
B- les effets entre les personnes impliquées 61
92
Jouissance des terres et garantie
Paragraphe 2 : les modes de transmission et d'extinction communs
aux deux hypothèques
62
A- La transmission 63
B- L'extinction 63
CHAPITRE 2 : L'INSTITUTION D'UN REGIME SPECIFIQUE A
L'HYPOTHEQUE DE
LA JOUISSANCE DES TERRES COMME SOLUTION ENVISAGEABLE 65
SECTION 1 : UNE NECESSITE PARTIELLEMENT PRISE EN COMPTE
PAR LES
TEXTES 66
Paragraphe 1 : les règles spécifiques de
constitution à l'hypothèque de la jouissance des terres
66
A. Les règles spécifiques relatives à la
formation 67
B. Les règles spécifiques relatives au
régime de publicité 68
Paragraphe 2 : les règles spécifiques relatives aux
effets de l'hypothèque spéciale 70
A- Les effets spécifiques à la réalisation
70
B- Les modes spécifiques de transmission et d'extinction
71
SECTION 2 : UNE PRISE EN COMPTE A PARFAIRE POUR
INSUFFISANCES ET
INADAPTIONS 73
Paragraphe 1 : Le problème de conceptualisation de
l'hypothèque de la jouissance des terres
et sa résolution 74
A- Les failles de la conceptualisation de l'assiette de la
garantie 75
B- La conceptualisation de l'hypothèque de la jouissance
des terres 77
Paragraphe 2 : Les insuffisances et inadaptations fonctionnelles
de l'hypothèque de
jouissance des terres 78
A- La réforme des règles de constitution de
l'hypothèque spéciale 78
B- Repenser les effets de l'hypothèque de jouissance des
terres à partir de quelques
principes 80
CONCLUSION GENERALE 83
BIBLIOGRAPHIE 86
I. OUVRAGES ET MANUELS 86
II. THESES ET MEMOIRES 86
III. ARTICLES ET RAPPORTS 87
IV. LES TEXTES ET AUTRES SOURCES 89
TABLE DES MATIERES 90