S'est alors posée la question de l'approche à
adopter pour définir notre sujet à partir d'une revue de
littérature aussi ouverte.
Une approche bottom-up ou inductive aurait consistée
à l'aborder en commençant par une recherche empirique large
nécessitant de récolter une grande quantité de
données de terrain. Il aurait ensuite fallu en dégager des pistes
de réflexion nous conduisant à des cadres théoriques qui
seraient au moins partiellement remis en cause par l'observation du terrain.
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Cette démarche présentait l'inconvénient
d'être chronophage pour une récolte significative de
données qui sont par nature plus difficiles à trouver sur un
sujet émergent. A cela s'ajoute le risque que ces données ne
soient pas suffisamment cohérentes pour valider la mise à
l'épreuve de ces cadres théoriques.
Sur recommandation de notre tuteur, cette démarche a
été écartée au profit d'une approche top-down ou
déductive consistant à partir des articles académiques de
notre revue qui nous offrait un large spectre des réflexions en cours
sur la Blockchain.
Le but était de nous appuyer sur des propositions
théoriques pour ensuite passer à une vérification sur des
cas particuliers pour ensuite revenir sur ces représentations
théoriques et voir en quoi elles pourraient demander des
évolutions face à un nouvelle réalité (Huberman et
Miles82, 1991 ; Collerette83, 1995).
Nous avons choisi certains cadres conceptuels d'analyse des
réalités économiques des entreprises qui nous paraissaient
plus pertinents pour travailler dans un cadre bien délimité et
maîtrisable.
C'est ainsi que nous avons écarté les
réflexions sur le secteur bancaire et financier pourtant
fréquemment citées dans la littérature, mais dont le cadre
réglementaire s'avère particulièrement dense et de plus en
plus complexe et contraignant, en particulier depuis la crise financière
de 2007/2008.
D'autres objets de réflexion ressortaient
régulièrement telles que la réduction des coûts pour
les entreprises, la remise en cause de l'intermédiation, une nouvelle
gestion des contrats et enfin les innovations technologiques.
Nous avons alors décidé de nous
intéresser aux transformations et aux bénéfices que
pouvait apporter la Blockchain aux entreprises sans nous restreindre au
départ à un secteur particulier. Garder un champ initial
suffisamment large préservait nos chances de trouver un terrain pratique
ce qui restait une de nos préoccupations principales.
Plus précisément et en phase avec notre
formation, nous nous sommes focalisés sur les enjeux financiers qui
pouvaient être impactés par la Blockchain, en particulier ceux
liés aux contrats et aux intermédiaires (tiers de confiance) tels
que développés par la théorie de l'agence
82 Huberman A.M., Miles M.B. (1991), Analyse des
données qualitatives, Bruxelles, Editions du renouveau
pédagogique.
83 Collerette, P. (1995), Les enjeux communicationnels de la
gestion d`un changement dans une organisation, Thèse de doctorat,
Montpellier, Université Paul Valéry.
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(Michael C. Jensen et William H. Meckling84) et la
théorie des coûts de transaction et de la firme (R. Coase, O.E.
Williamson85).
Une fois ces hypothèses théoriques choisies, il
fallait les mettre à l'épreuve de manière empirique
c'est-à-dire en vérifiant par l'observation du
phénomène blockchain si nos cadres théoriques pourraient
se trouver concernés.
Une des techniques pouvant être utilisée pour cette
approche empirique est l'étude de cas. L'étude de cas au sens de
technique de recherche (et non d'outil pédagogique de formation) est
« une enquête empirique qui étudie un
phénomène contemporain dans son contexte de la vie réelle
» pour reprendre la définition de R. K. Yin86
(1984) l'un des auteurs les plus fréquemment cité à propos
de cette méthode.
Le cas sert entre autres à tester des théories,
à éprouver des hypothèses, explorer ou réfuter
(Joan le Goff, vertus problématiques de l'étude de cas, 2002).
L'étude de cas peut faire appel à
différentes méthodes telles que l'observation, l'entretien
semi-directif ou des techniques d'analyse du contenu (Hamel87,
1997).
Il s'agit ensuite d'analyser le cas pour découvrir
comment se manifestent et évoluent les phénomènes auxquels
nous nous intéressons et en extraire des conclusions pouvant enrichir ou
nuancer l'univers des connaissances et des théories
(Collerette88, 1997 ; Stake89, 1994).
Pour conclure sur l'étude de cas, elle présente
selon Isabelle Quentin90 (2012) l'avantage d'être flexible car
elle permet de commencer par de larges questions (l'utilisation de la
Blockchain en entreprise), puis de se focaliser sur des points particuliers
(les gains financiers, la réduction des coûts de transaction, le
rôle des tiers de confiance).
Elle présente cependant certaines limites, dont il
faut être conscient, telle que la subjectivité de
l'interprétation des données qui peut rendre difficile la
généralisation des résultats.
84 Jensen M.C., Meckling W.H. (1976), Theory of the Firm,
Managerial Behavior, Agency costs Ownership structure, Journal of Financial
Economics, Vol. 3, 345-360.
85 Williamson, O.E. (1975), Markets and Hierarchies :
Analysis and Antitrust Implications, New York, The Free Press
86 Yin, R.K. (1984), Case study research, design and
method, London. Sage publications.
87 Hamel, J. (1997), Etude de cas et sciences sociales,
Paris, L'Harmattan.
88 Collerette, P. (1997), L'étude de cas au service de la
recherche, Recherche en soins infirmiers, n° 50, septembre.
89 Stake, R.E. (1994), Case Study - Handbook of Qualitative
Research, London, Sage Publications. Chap. 14.
90 Quentin, I. (2012), Méthodologie et méthodes de
l'étude de cas, consulté le 6 novembre 2017.