2.1.2 Les monnaies complémentaires, monnaies
numériques anonymes
Dans le domaine des monnaies, des initiatives ont
été régulièrement lancées pour créer
des monnaies parallèles aux monnaies gérées par les Etats
et les Banques centrales. Elles peuvent être locales ou liées
à une région, nécessiter d'adhérer à une
association, être liées à des matières
premières agricoles. Ces monnaies complémentaires (terme
utilisé par l'ACPR - Autorité de contrôle prudentiel et de
résolution) n'ont pas de cours légal et sont adossées
généralement à des fonds déposés en monnaie
officielle auprès d'organismes financiers, mais également
à des biens négociables.
D'autres peuvent être liées à des
entreprises qui faisaient face à des problèmes de
liquidité et qui voulaient s'affranchir des conditions des banques et de
leurs frais de transaction. Beaucoup ont été interdites par les
autorités qui y voyaient une menace pour le monopole étatique et
bancaire de la monnaie et de l'émission de crédit. Mais certaines
ont survécu, telle que le WIR, monnaie créée par des
entreprises suisses suite à la crise de 1929. Elles ont ainsi
créé une sorte de crédit mutuel inter-entreprises
indépendant des banques. Aujourd'hui encore, 60.000 entreprises suisses
adhèrent à ce système qui connaît un accroissement
d'activité dès que l'économie entre en
récession22.
Progressivement, des innovations technologiques ont vu le
jour, ouvrant de nouvelles perspectives.
Ainsi, en 1993, le docteur David Chaum, un cryptographe,
c'est-à-dire un spécialiste des techniques de sécurisation
des communications, à qui l'on doit le concept de signature en
aveugle2324, a créé une monnaie numérique
anonyme cryptée « ecash ». Elle fut implémentée
pour des micropaiements par une banque de St-Louis (MO) pendant 3 ans. Les
clients de la banque qui stockaient leurs « ecash » sur leur
ordinateur personnel pouvaient l'utiliser auprès des commerçants
l'acceptant sans passer par un compte ou une carte de crédit. Les seuls
frais de transaction étaient à la charge du commerçant.
Les « ecash » étaient cryptés et certifiés par
la banque par un système de signature électronique à
clé publique ou clés asymétriques développé
à la fin des années 70 : ce système signifie que seul le
propriétaire (la banque) peut
22 Herlin, Ph. (2014), Les monnaies complémentaires et
le bitcoin, Association d'économie financière, Rapport moral sur
l'argent dans le monde.
23 Signature en aveugle : une entité va faire signer un
message par une autre entité en faisant en sorte que le signataire du
message n'apprenne rien sur son contenu. Delaune S., Kremer S. (2009),
Spécificités des protocoles de vote électronique.
24 Chaum, D. (1984), Advances in cryptology - Proc. of Crypto
'83, New York, P. Press, 153.
24
signer les « ecash », mais que tout le monde (les
commerçants par exemple) peut vérifier la validité de la
signature et du contenu signé, c'est-à-dire des « ecash
». Le rachat de cette banque par un groupe spécialisé dans
les cartes de crédit mit fin à l'expérience qui a
concerné 5.000 clients et 300 commerces25. Ce système,
s'il permettait de s'affranchir de certains frais et services bancaires,
restait néanmoins dépendant d'une banque, unique dans ce cas.
Mais certaines bases étaient posées, en particulier par
l'utilisation de la cryptographie qui assurait l'anonymat et la
sécurité des données échangées, un moyen de
paiement en l'occurrence.
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