ANNÉE ACADÉMIQUE 2018-2019
Ecole Normale Supérieure d'Abidjan
DÉPARTEMENT DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION
Université Alassane Ouattara
UFR : COMMUNICATION, MILIEU ET SOCIÉTÉ
THÈSE DE DOCTORAT
EN SCIENCES DE L'ÉDUCATION
SPÉCIALITÉ :
ÉVALUATION SUJET
DISPOSITIF DE RENFORCEMENT DU SYSTEME
SCOLAIRE CONVENTIONNEL EN CÔTE D'IVOIRE : INFLUENCE DES
CLASSES PASSERELLES EN ZONE CENTRE NORD ET OUEST (C.N.O.) DE 2006 A
2014
Présentée par : KONÉ Moussa
Sous la direction de : FADIGA Kanvaly, Professeur titulaire des
universités
Soutenue publiquement le 26 septembre 2019 devant le jury
composé de :
Université Alassane Ouattara
Ecole Normale Supérieure Abidjan
Université Félix Houphouët-Boigny
Université de Lomé
Président
Directeur de Thèse
Examinateur
Rapporteur
M. KOMENAN Aka Landry Professeur Titulaire de philosophie
politique et sociale
M. FADIGA Kanvaly Professeur Titulaire de sociologie et
politique de l'éducation
M. AKA Adou Professeur Titulaire des sciences de
l'éducation, psychopédagogue
M. PARI Paboussoum Maître de conférences en
psycholo-
gie du travail et des organisations
i
DISPOSITIF DE RENFORCEMENT DU SYSTEME SCOLAIRE
CONVENTIONNEL EN CÔTE D'IVOIRE : INFLUENCE DES CLASSES PASSERELLES EN
ZONE CENTRE NORD ET OUEST (C.N.O.) DE 2006 A 2014
ii
A mon défunt père Koné Bakary qui m'a
enseigné les vertus de l'éducation
iii
SOMMAIRE
SOMMAIRE iii
RÉSUMÉ iv
ABSTRACT v
REMERCIEMENTS vi
SIGLES ET ABRÉVIATIONS vii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
I.CADRE THÉORIQUE 9
II. CADRE MÉTHODOLOGIQUE 52
PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DU SYSTÈME
SCOLAIRE
PRIMAIRE CONVENTIONNEL ET DES CLASSES PASSERELLES 91 CHAPITRE
1 : PRÉSENTATION DU SYSTEME SCOLAIRE PRIMAIRE
CONVENTIONNEL 93
CHAPITRE 2 : PRÉSENTATION DES CLASSES PASSERELLES 128
DEUXIÈME PARTIE : RAISONS DE LA MISE EN OEUVRE DES
CLASSES
PASSERELLES 169 CHAPITRE 3 : LIMITES DU SYSTÈME
SCOLAIRE PRIMAIRE
CONVENTIONNEL 171
CHAPITRE 4 : MISE EN OEUVRE DES CLASSES PASSERELLES 204
TROISIÈME PARTIE : DIFFICULTÉS DE LA MISE EN OEUVRE
DES CLASSES PASSERELLES ET STRATÉGIES DE RENFORCEMENT DU
SYSTÈME SCOLAIRE 239 CHAPITRE 5 : DIFFICULTÉS DE
LA MISE EN OEUVRE DES CLASSES
PASSERELLES 241 CHAPITRE 6 : STRATÉGIES DE RENFORCEMENT
DU SYSTÈME
SCOLAIRE A TRAVERS LES CLASSES PASSERELLES 279
DISCUSSION 315
CONCLUSION GÉNÉRALE 352
BIBLIOGRAPHIE 363
ANNEXES i
TABLE D'ILLUSTRATION xxxi
INDEX DES MOTS CLÉS xxxv
TABLE DES MATIÈRES xxxvii
iv
RÉSUMÉ
Les classes passerelles initiées par les ONG Conseil
Norvégien pour les Réfugiés (CNR) et Ecole Pour Tous (EPT)
avec leurs partenaires en 2006-2007 sont une stratégie de scolarisation
accélérée pour les enfants de 9 à 14 ans. Elles
s'inscrivent dans le cadre des alternatives éducatives pour scolariser
ou rescolari-ser les enfants hors du système éducatif
ivoirien.
Considérant leurs différences, cette
étude présente d'abord le système scolaire primaire et les
classes passerelles en Côte d'Ivoire à travers leurs structures et
fonctions. Ensuite, l'étude montre les raisons de la mise en oeuvre des
classes passerelles à travers les limites du système scolaire
conventionnel. Enfin, face aux difficultés de mise en oeuvre des classes
passerelles, l'étude propose des stratégies de renforcement du
système scolaire à travers une série de mesures.
Conformément aux axes d'orientation du système scolaire national,
lesdites mesures sont relatives au pilotage de l'éducation,
l'accès à l'éducation, la qualité de
l'enseignement, la rétention scolaire, l'équité en
éducation et le contexte de mise en oeuvre.
Mots clés : Côte d'Ivoire -
système éducatif - gouvernance scolaire - classe
passerelle - performance - réussite scolaire.
v
ABSTRACT
Bridging classes in Côte d'Ivoire were initiated by NGO
Norwegian Refugee Council (NRC) and Ecole Pour Tous (EPT) with their partners
in 2006-2007. They are an Accelerated Education Programme for 9 to 14 years old
children. They are also educational alternative opportunities for out of school
children in Côte d'Ivoire.
Regarding their differences, this study first presents both
the primary school system and bridging classes through their structures and
their functions. Then, based on the limits of the conventional school system,
the study shows the reasons for the implementation of bridging classes.
Finally, regarding the difficulties of the implementation, the study suggests
some measures to reinforce the national school system of Côte d'Ivoire
through bridging classes. Those measures are based on the orientations of the
national school system policy that are relative to school management, access to
education, education quality, school retention, equity in education and the
context of implementation.
Keywords: Côte d'Ivoire - school system
- school governance - bridging class - performance - school achievement
vi
REMERCIEMENTS
Nous adressons d'abord, nos sincères remerciements
à notre directeur scientifique, Professeur FADIGA Kanvaly, pour sa
disponibilité, son soutien et l'attention particulière qu'il a
accordée à notre travail.
Ensuite, nous remercions Professeur KONE Issiaka, Directeur du
Laboratoire des Sciences Sociales et des Organisations (LASSO) pour avoir
accepté de s'associer à la réalisation de cette
étude à travers ses conseils avisés et sa
disponibilité hautement appréciée.
Enfin, nos remerciements vont à l'endroit de tous ceux
qui, de près ou de loin, ont apporté leur concours à la
réalisation de ce travail de recherche notamment aux promoteurs des
classes passerelles et les personnes ressources suivantes :
- Dr. SOGODOGO Allassane, sociologue, chercheur associé au
LASSO ; - M. Sékou TOURE, président de l'ONG EPT ;
- M. Tidiane BAH, chef de projet des classes passerelles à
EPT ;
- Mme TRAORE Karidia, chargée de la pédagogie
dans le projet passerelle de l'ONG EPT ;
- M. OUATTARA Seydou, Coordonnateur des classes passerelles de
l'ONG EPT à Odienné 2 ;
- Mme FEBRO Juliette, chef de projet des classes passerelles
à NRC antenne de Bouaké ;
- M. KEITA Adama, conseiller pédagogique, consultant
formateur dans le projet des classes passerelles NRC et Save the Children ;
- Dr. Brahima KONE, enseignant chercheur à
l'Université Félix Houphouët-Boigny ;
- Dr. KOUAKOU Koffi Innocent, Enseignant chercheur à
l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan ;
- NIAVA Dominique, personne ressource à NRC.
A tous, merci pour votre contribution à quel que niveau
que ce soit dans ce travail de recherche.
vii
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
AFD Agence Française de
Développement
ANOVA Analysis Of Variance
CAEJE Centre d'Animation pour l'Education du
Jeune Enfant
CAFOP Centres d'Animation et de Formation
Pédagogique
CENF Centre d'Education Non Formel
CEU Cours Elémentaires Uniques
CMU Cours Moyens Uniques
CNPRA Comité National pour le
Redéploiement de
l'Administration
CNR Conseil Norvégien de
Refugiés
COGES Comité de Gestion des
Etablissements Scolaires
COGESS Comité de Gestion et de
Surveillance
COM Children On Move
CONFEMEN Conférence des Ministres de
l'Education des pays ayant
le Français en partage
CPI Conseiller Principal d'inspection
CPPP Conseillers Pédagogiques du
Préscolaire et du Primaire
CPU Cours Préparatoires Uniques
CSE Comité de Sauvetage de
L'école
CV Coefficient de Variation
DELC Direction des Ecoles, Lycées et
Collèges
DIPES Direction de la Planification de
l'Evaluation et des Statis-
tiques
DPES Direction de la Planification, de
l'Evaluation et des Sta- tistiques
DIS Diplôme d'Instituteur Stagiaire
DPFC Direction de la Pédagogie et de la
Formation Continue
DREN Direction Régionale de l'Education
Nationale
DRENET Direction Régionale de l'Education
Nationale et de
viii
l'Enseignement Technique
ECRI European Commission against Racism and
Intolerance
ENSETE Enquête nationale sur la
situation de l'emploi et du tra-
vail des enfants
EFA Education For All
ENV Enquête sur le Niveau de Vie
EPT Education Pour Tous
EPT (ONG) Ecole Pour Tous
FASAF Réseau Famille et Scolarisation
en Afrique.
FPC Formation Par Compétence
GMR Global Monitoring Report
IBS Taux Brut de scolarisation
IEP Inspection de l'Enseignement Primaire
IIPE Institut International de Planification
de l'éducation
IMOA-EPT Initiative de mise en oeuvre
accélérée de l'éducation pour
tous (fasttrack initiative)
INEE Réseau Inter-agence d'Education
d'Urgence
INS Institut National de la Statistique
LASCOLAF Langues de Scolarisation dans
l'Enseignement Fonda-
mental en Afrique Subsaharienne Francophone
MICS Multiple Indicators Clusters Survey
MLA Monitoring Learning Achievement
MSEE Minimal Standards for Education in
Emergencies
NRC Norwegian Refugee Council
OCDE Organisation de Coopération et de
Développement
Economique
OCHA Bureau de la Coordination des Affaires
Humanitaires
OOSC Out Of School Children
ORSEC Organisation du plan de
Sécours
PASEC Programme d'Analyse des Systèmes
Educatifs des Pays
de la CONFEMEN
ix
PEI Projet Ecole Intégrée
PISA Programme pour le Suivi International
des Acquis des
Elèves
Pr Probabilité
PRSP Poverty Reduction Strategy Papers
PUAEB Projet d'Urgence d'Appui à
l'Education de Base
REM Ratio Elève Maître
RESEN Rapport d'Etat sur les Systèmes
Educatifs Nationaux
ROCARE Réseau Ouest et Centre Africain
de Recherche en Educa-
tion
SAA Service Autonome
d'Alphabétisation
SAA-ENF Service Autonome de
l'Alphabétisation et de l'Education
Non Formelle
SAARA Service d'Aide et d'Assistance aux
réfugiés et Apatrides
SACMEQ Consortium de l'Afrique Australe pour
le Pilotage de la
Qualité
SAS Statistical Analysis System
SNAPS-COGES Service National d'Animation, de
Promotion et de Suivi
des COGES
SPU Scolarisation Primaire Universelle
SSA/P Stratégie de Scolarisation
Accélérée Passerelle
TA Tranche d'âge
TBS Taux Brut de Scolarisation
TNS Taux net de scolarisation
UNESCO Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la
science et la culture
UNICEF Fonds des Nations Unies pour
l'enfance
UNFPA Fonds des Nations Unies pour la
population
UNHCR Haut-Commissariat des Nations Unies
pour les Réfugiés
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
La question de l'éducation a toujours été
au centre des projets de société. Selon la période et le
type de société, elle présente des
spécificités tout en ayant pour point d'ancrage l'être
humain. En effet, avec la question de l'éducation, c'est la
problématique du devenir de l'être humain et de son environnement
qui se pose. HUGO (1881) l'exprime si bien en ces termes :
chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.
Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne ne sont jamais allés
à l'école une fois, et ne savent pas lire, et signent d'une
croix. C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme. Où rampe la raison,
l'honnêteté périt.1
Cette citation fait apparaître le rôle capital de
l'éducation dans l'édification d'une société avec
des hommes valeureux ; à l'inverse, l'absence d'éducation
conduirait l'individu au crime. Un autre aspect non moins important de
l'éducation est mis en exergue par l'AFD quand elle énonce que
« l'éducation est à la fois un droit fondamental et l'une
des clés du progrès social et du développement
économique, essentiel à la lutte contre les
inégalités.2 » C'est ainsi que l'éducation
a des effets déterminants sur la démographie, la santé, la
compétitivité économique, l'environnement, la paix, la
cohésion sociale, la bonne gouvernance et le développement. Le
rôle charnière de l'éducation est sans équivoque
lors-qu'on considère ses effets bénéfiques pour la
société dans divers domaines.
Au niveau de l'impact de l'éducation sur la
démographique et le développement, PILON affirme : « les
relations entre démographie, éducation et développement
sont fortes, mais aussi très complexes. Elles méritent
d'être abordées et traitées hors de toute approche
idéologique, mais de manière réaliste,
contextuali-sée et critique. 3»
1 V. HUGO, 1881, « Les Quatre vents de l'esprit.
Livre I (le siècle), p. 24 » in
http://avecgildef.forumpro.fr/t1242-les-quatre-vents-de-l-esprit-victor-hugo,
consulté le 10 août 2012.
2 AFD, 2012, « projets éducation »
in
http://www.afd.fr/home/projets_afd/education#.UNMFF1
Ga73Y, consulté le 20 décembre 2012
3 M. PILON, 2018, « Démographie,
éducation et développement en Afrique », Marché
et organisations, 2018/2, n° 32), pp. 63 - 85.
2
L'influence de l'éducation sur la santé est mise
en évidence par SABATES et FEINSTEIN (2006). Pour eux, cette situation
s'explique par le fait que les individus instruits peuvent mieux comprendre les
bilans de santé réguliers, et « interagir correctement avec
les professionnels de la santé en vue d'une bonne prise de
décision. 4» Dans la même veine BRADLEY et CORWYN
(2002) soutiennent que « les compétences et connaissances acquises
par un individu grâce à l'éducation peuvent l'aider
à obtenir ou interpréter toute information relative à sa
santé ou à celle de son entourage et de faire face à toute
situation potentielle de maladie. 5»
Au niveau politique et social, l'éducation permet une
meilleure participation du citoyen. Il en est ainsi car un citoyen bien
instruit est conscient de ses droits et devoirs et veille à leur
conformité. De même, il développe un regard critique de
contrôle sur les politiques et le fonctionnement des institutions
nationales et locales. « L'éducation est un levier fondamental pour
l'épanouissement des valeurs de la démocratie, de liberté
et d'égalité. 6»
Le lien entre éducation et croissance économique
d'une part et entre l'éducation et le développement d'autre part,
est établi par le fait que « l'éducation est
créatrice de richesse au même titre que la stabilité
politique, et un contexte macroéconomique favorable. 7»
Pour l'OCDE cette vision se justifie, vu que :
l'aptitude à créer, à adopter et
à faire bon usage des progrès technologique et technique, est
intimement liée à l'évolution des capacités du
capital humain et de l'efficacité du système éducatif. Ce
dernier est censé être un in-vestissement productif et un moteur
pour la croissance, l'emploi et l'augmentation des revenus. Son rôle est
d'assurer entre [autre], la formation de la main d'oeuvre et des
compétences nécessaires pour l'attractivité, la
compétitivité et la réussite économique d'un pays
(...) l'investissement en l'éducation permet l'amélioration de la
compétitivité des entreprises établies, en raison
4 R. SABATES et L. FEINSTEIN, 2006, "The role of
education in the uptake of preventative health care: The case of cervical
screening in Britain", Social Science & Medicine, Volume 62, Issue
12, pp. 2998-3010.
5 R. H. BRADLEY and R.F. CORNWYN, 2002,
"Socioeconomic status and child development", Annual Review of
Psychology, 53, pp. 371-399.
6 R. HAJI, 2011, Education, croissance
économique et développement humain : le cas du Maroc,
mémoire, Montréal, Université du Québec, p.
46
7 OCDE, 1993, Défis à l'horizon
1995, Paris, Centre de développement de l'OCDE, p. 13
3
de ses avantages liés au développement
technique et technologique et à la recherche et développement.
8
Eu égard aux enjeux économiques de
l'éducation, les niveaux de scolarisation ne cessent d'augmenter partout
dans le monde depuis plusieurs décennies. Cet accroissement de la
scolarisation s'opère aussi bien dans les pays développés
que dans les pays les moins nantis. La situation se présente
différemment pour les deux parties. Ainsi, pour les premiers, le
défi n'est plus de généraliser et démocratiser
l'accès au système éducatif, mais plutôt d'en tirer
le meilleur pour leur croissance économique. Pour les seconds, le
défi demeure « la généralisation de la scolarisation
9», puisqu'une partie importante de la population scolarisable
reste hors du système scolaire. De ce fait, l'absence de scolarisation
et l'inachèvement de la scolarité dans les systèmes
scolaires inefficaces riment avec « l'illettrisme et la
pauvreté.10 »
La cohésion sociale a aussi un lien avec
l'éducation. C'est ce que révèle le RESEN 2006 en ces
termes :
(...) la relation entre les risques et l'éducation
est multiforme et complexe. En tant que vecteur de transmission de
connaissances, de valeurs et de pratiques, l'éducation a le potentiel de
contribuer à renforcer la cohésion sociale, ou au contraire
d'exacerber les tensions potentielles ou existantes, non seulement en milieu
scolaire mais au sein de la société au sens large. En effet, les
systèmes éducatifs peuvent revêtir un visage
négatif, reproduisant ou accentuant les iniquités, l'exclusion et
les tensions identitaires ou politiques, polarisant la société,
manipulant les contenus des programmes scolaires, ou politisant
l'éducation, par exemple. Mais l'éducation peut aussi jouer un
rôle fort positif, en fournissant aux élèves des
compétences de communication, de réflexion critique, de
créativité et de résolution des conflits, ou contribuant
activement à l'insertion professionnelle, à la
citoyenneté, à la consolidation de la paix et à la
cohésion sociale, entre autres.11
La pertinence de cette corrélation
éducation-cohésion sociale est mise en exergue par la
façon dont la notion de « l'Etat-nation en Europe au XVIIIe et
au
8 OCDE, 1993, op. cit., pp. 13 et
46
9 R. HAJI, 2011, op. cit., p. 1
10 ibidem
11 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016,
Rapport d'état du système éducatif national de
Côte d'Ivoire, Pour une politique éducative plus inclusive et plus
efficace. Dakar, IIPE-Pôle de Dakar. p. 213
4
XIXe siècle 12» a été
renforcée. Ce processus s'est appuyé sur « un système
d'éducation publique en vue d'unifier et construire une identité
nationale. 13» Bon nombre d'Etats naissants ou en construction
notamment en Afrique, se sont inspirés de cet exemple
européen.
Nonobstant le rôle prépondérant de
l'éducation dans la société, et face aux vicissitudes des
temps modernes, cette éducation prend des formes multiples et elle est
confrontée à de nouveaux défis au plan international et
national. Dans un contexte de mondialisation au troisième
millénaire, l'une des priorités de l'éducation demeure
« l'accès équitable de tous les enfants à une
éducation de base de qualité à l'horizon 2030 »
conformément à la déclaration d'Inchéon,
adopté en 2015. En d'autres termes, l'objectif des gouvernants est de
permettre à tous, l'accès à une éducation de
qualité acceptable selon les besoins. Pour l'OECD (2012),
l'équité en matière d'éducation consiste à
faire en sorte que les « circonstances personnelles ou sociales à
savoir le genre, l'origine ethnique ou le milieu familial ne soient pas des
obstacles à la réalisation du potentiel éducatif.
14» Une deuxième dimension de l'équité
consiste en l'inclusion de l'individu en faisant en sorte qu'il atteigne un
niveau de « compétences minimales de base. 15»
L'équité est une garantie de la performance du système
éducatif car elle offre la possibilité à la
majorité des élèves d'avoir des compétences
élevées; son absence conduirait inéluctablement à
l'échec scolaire.
FIELD et al (2012), quant à eux, présentent deux
dimensions de l'équité en matière d'éducation. La
première dimension porte sur « l'égalité des Chances.
16» Cela implique que ni la situation personnelle, ni la situation sociale
(telle que le genre, le statut socioéconomique ou l'origine ethnique) ne
devrait constituer un
12 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016,
op. cit., p. 42
13 ibidem
14 OECD, 2012, «Equity and Quality in Education.
Supporting Disadvantaged Students and Schools, OECD Publishing, p.3" in
http://dx.doi.org/10.1787/9789264130852-en,
consulté le 15 avril 2013.
15 ibidem
16 S. FIELD et al, 2012, « En finir avec
l'échec scolaire : Dix mesures pour une éducation
équitable, synthèse et recommandations aux pouvoir publics,
OCDE, pp.3 et 4 » in
http://www.
oecd.org/fr/education/scolaire/45179203.pdf, consulté le 10
septembre 2016.
5
« obstacle à la réalisation du potentiel
Educatif. 17» La seconde dimension est « l'inclusion, qui
implique un niveau minimal d'instruction pour tous. 18» Ces
deux dimensions sont étroitement imbriquées. Si cet exerce
réussit pour les pays développés grâce à un
environnement serein, il est assez difficile pour les pays moins nantis qui
sont confrontés à des risques susceptibles de freiner la bonne
marche de l'école.
C'est le cas en Afrique où il existe une multitude de
crises socioécono-miques et politiques. S'ajoutent à cette
première catégorie, les catastrophes naturelles. Ces crises
induisent un déficit de compétence qui limite les
capacités d'adaptation des systèmes éducatifs, privant
ainsi des générations entières des opportunités de
scolarisation que peut offrir l'école. Les situations de conflit
étant inhérentes à l'existence humaine, le système
éducation doit prévoir des mécanismes et stratégies
d'adaptation pour assurer son rôle en pourvoyant des opportunités
d'apprentissage et permettre l'épanouissement social, affectif, cognitif
et physique des populations victimes des situations de crise.
En effet, les crises et les conflits ne devraient pas entraver
la poursuite de l'éducation malgré les conditions inhabituelles.
Cela est un impératif non seulement par le rôle capital de
l'éducation, mais aussi par son statut de droit inaliénable
inscrit dans un grand nombre de textes internationaux sur le droit humanitaire
et les droits humains. Parmi ces dispositions juridiques, on distingue les
Conventions de Genève qui s'appliquent en temps de guerre, la Convention
sur les droits de l'enfant, la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, ainsi que de nombreux autres instruments juridiques régionaux
relatifs aux droits fondamentaux. Dans un tel contexte, comme le dit STORTI
(2006), « l'éducation doit assurer le bien-être, créer
des opportunités d'apprentissage et permettre l'épanouissement
général des victimes en situation de crise. 19»
17 S. FIELD et al, 2012, op. cit., pp. 3 et
4
18 ibidem
19 M. STORTI, 2006, « éducation en
urgence, urgence de l'éducation » in
http://www.
martine-storti.fr/education_en_situations_durgence/, consulté le
10 janvier 2010
6
L'éducation en situation d'urgence est donc une
nécessité qui peut à la fois permettre de survivre et de
ramener la paix, en apportant aux individus les moyens d'une protection
physique, psychosociale et cognitive. En tant que vecteur de paix, elle
contribue à la mise place d'une structure sociale, au retour de la
stabilité et de l'espoir en l'avenir, surtout pour les enfants et les
adolescents. Elle permet également de se remettre d'expériences
douloureuses grâce à l'acquisition de compétences. C'est
aussi un moyen de soutenir la résolution des conflits et le
rétablissement de la paix. En tant que moyen de la survie, elle permet
de protéger directement ses bénéficiaires, de
l'exploitation ou de la maltraitance en diffusant des messages de survie
importants comme le danger que représentent les mines anti-personnelles
ou la prévention du VIH/SIDA et bien d'autres sujets
d'intérêt pour la population.
Conscientes de cette nécessité, il est
fréquent que les populations en zone de crise armée prennent
l'initiative, en l'absence des structures académiques ordinaires,
d'assumer et continuer l'éducation des plus jeunes. Mais, l'absence de
moyens financiers, matériels et humains constitue un handicap à
une telle mission. En effet, il est nécessaire de mobiliser des fonds
pour le matériel didactique et la formation des ressources humaines
destinés à l'enseignement des déplacés de guerre.
Un autre défi de ce contexte est la stratégie de motivation des
apprenants et la validation des enseignements conformément aux standards
nationaux et internationaux.
Durant les crises socio-politico-militaires en Côte
d'Ivoire (2002 et 2010/ 2011), aucune exception n'a été faite
dans ce tableau. En effet, lorsque le conflit armé s'est
déclenché le 19 septembre 2002, l'école s'est
arrêtée en zone occupée (nommée plus tard Zone
Centre Nord et Ouest (CNO)) tenue par les forces armées dites rebelles.
En conséquence, la Banque Mondiale (2011) estime le nombre d'enfants non
scolarisés au niveau du cycle primaire en Côte d'Ivoire en 2007
à «
7
1,2 million, soit 42% des enfants scolarisables. Au sein de
cette population scola-risable, 800.000 n'ont pas du tout accès à
l'école 20».
C'est dans ce contexte que des Organisations Non
Gouvernementales telles qu'EPT et NRC vont entreprendre des actions de
scolarisation accélérée en situation d'urgence à
travers les classes passerelles à partir de 2006. Ce sont des classes
destinées à scolariser ou réscolariser des enfants de neuf
à quatorze ans. Ce type de classe à profil spécifique
mérite d'être étudié dans le cadre du renforcement
du système scolaire conventionnel ivoirien. C'est ce qui justifie notre
sujet de recherche : Dispositif de renforcement du système scolaire
conventionnel en Côte d'Ivoire : Influence des classes passerelles en
zone Centre Nord et Ouest (C.N.O.) de 2006 à 2014.
La présente étude vise à montrer qu'en
tant qu'offre alternative éducative, les classes passerelles constituent
une seconde chance de scolarisation qui propose des stratégies
organisationnelles et des pratiques pédagogiques susceptibles de
renforcer le rendement interne d'un système scolaire. En outre, une
analyse de l'expérience des classes passerelles pourrait donner des
éléments d'élaboration des stratégies
éducatives en situation de conflit et cela en rapport avec les
défis de l'Education Pour Tous (EPT). Cet intérêt pour les
classes passerelles se justifie au regard de la perception du MENET et NRC
(2015) qui indiquent que :
la question des offres alternatives
d'éducation/formation reste entière en Côte d'Ivoire en
raison des nouveaux et nombreux défis à relever : la
scolarisation de la jeune fille, les infrastructures scolaires à
réhabiliter ou à construire, le personnel enseignant à
recruter et à former eu égard à la popula-
tion croissante des enfants menacés par la limite
d'âge d'accès à l'enseignement primaire, etc.
21
Notre intérêt pour l'éducation de base
réside dans le fait que celle-ci figure en bonne place dans les
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et
20 Banque mondiale, 2011, Le système
scolaire éducatif de la Côte d'Ivoire : Comprendre les forces et
les faiblesses du système pour identifier les bases d'une politique
nouvelle et ambitieuse. Washington, D.C. p. xxxiii
21MENET et NRC, 2015, Guide pratique de mise en
oeuvre des classes passerelles en Côte d'Ivoire, Abidjan, p. 8
8
les Objectifs de Développement Durable (ODD). Ces
déclarations d'engagement posent ainsi les bases de la scolarisation de
base universelle. L'étude des classes passerelles s'inscrit dans ledit
contexte. Elle devra permettre une meilleure compréhension de leur
structuration, de leur organisation et de leur apport particulier dans le
renforcement du système scolaire national de Côte d'Ivoire.
9
I.CADRE THÉORIQUE
1. Justification du choix du sujet
Le sujet que nous traitons présente un
intérêt à quatre dimensions ; il s'agit de : la motivation
personnelle, la pertinence institutionnelle, la pertinence scientifique et la
pertinence sociale.
1.1. Motivation personnelle
La recherche sur les classes passerelles a un lien avec notre
expérience du vécu en zone CNO et notre profession d'enseignant.
L'idée de cette recherche a mûri à la suite d'une
étude sur l'éducation de manière globale en « zone de
guerre 22 » en 2007. A cette époque, nous étions non
seulement témoins de la dégradation des infrastructures et du
fonctionnement du système scolaire dans lesdites zones, mais aussi
acteurs de la reconstruction du système en tant que professionnel de
l'éducation. L'idée de faire connaître le mauvais
état de l'éducation dans lesdites « zones de guerre »
en vue d'un changement a été la réelle motivation pour
entreprendre la première démarche de recherche. La
présente étude fait suite aux deux premières en
maîtrise et en DEA. L'une sur les enseignants volontaires et l'autre sur
les établissements privés en zone de guerre.
C'est au cours de la recherche globale sur l'état du
système scolaire en situation d'urgence en « zone de guerre »
qu'a germé le cas spécifique des classes passerelles. Elles ont
particulièrement retenu notre attention après avoir
constaté les efforts consentis par leurs acteurs et la pertinence de
leur existence dans les zones en souffrance d'offre éducative. Ce sujet
a pour but d'apporter une contribution à l'approfondissement des
connaissances personnelles en éducation plus spécifiquement sur
la problématique des alternatives éducatives en situation
d'urgence. Pour nous, ce travail révère également, le
caractère d'un exercice intellectuel et pratique qui permettra
d'évaluer les écarts entre nos connaissances théoriques
sur la méthodologie de la recherche et la réalité de
recherche sur le terrain.
22 Zone de guerre : terme qui désigne les
zones occupées par les forces rebelles en début de guerre de
2002.
10
1.2. Pertinence institutionnelle
Un certain nombre de dispositions juridiques prévoient
la mise en oeuvre des classes passerelles en tant qu'offre alternative
d'éducation. Ces textes sont élaborés au niveau
international et national.
Au niveau international, il y a le cadre global de l'Education
Pour Tous (EPT) de 2000 qui garantit un accès équitable de tous
les enfants à une éducation de base. Ces mêmes principes
sont réaffirmés par la Déclaration d'Incheon ou
éducation-2030 adoptée en 2015.
Au niveau national, le premier texte est la loi n° 95-696
du 7 septembre 1995 relative à l'enseignement qui énonce en son
article premier que « le droit à l'éducation est garanti
à chaque citoyen (...) ». Le second texte est le Plan National de
Développement du Secteur Education/Formation (PNDEF) 1998-2010 qui
prévoit également dans ses principes fondamentaux, le
renforcement des actions pour réduire «les inégalités
dans l'accès à l'éducation/formation (...) ». Au
titre des reformes, il est prévu d'élargir « l'offre
d'éducation/formation aux zones défavorisées. » Le
troisième texte est le plan d'action du programme de coopération
Côte d'Ivoire-UNICEF 2009/2013 qui prévoit dans son volet
éducation de base non Formelle/Education Alternative, la promotion
« des modèles alternatifs d'éducation afin d'offrir la
possibilité à 250.000 enfants âgés de 6-15 ans,
filles et garçons, en dehors du système formel, de recevoir une
éducation de base (...) 23» Le même programme local de
l'UNICEF prévoit l'élaboration et la mise en oeuvre d'un «
document de politique nationale de prise en compte et d'intégration des
classes passerelles et des écoles communautaires dans le système
éducatif. 24»
Toutes ces dispositions facilitent la mise en oeuvre de la loi
sur la scolarisation obligatoire pour les enfants âgés de 6
à 16 ans votée le 20 septembre 2015. Selon le Gouvernement de
côte d'Ivoire et al (2016) : « la mesure d'instaurer ur-gemment la
scolarité obligatoire en Côte d'Ivoire intervient dans un
contexte
23 UNICEF, 2008, Programme de
coopération Côte d'Ivoire-UNICEF 2009/2013 : plan d'action du
programme pays, Abidjan, UNICEF, p.16
24 ibidem
11
marqué par de fortes inégalités dans
l'accès à l'école (...). L'instauration de la
scolarité obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans dès
la rentrée scolaire 2015/16 constitue une réponse. 25 »
Le quatrième texte est le Plan d'Action à Moyen
Terme du secteur Educa-tion/Formation (PAMT) de 2012/2014 qui inscrit la
question des classes passerelles au coeur de sa politique d'extension de
l'offre éducative en ces termes :
de nombreux enfants ivoiriens en âge d'être
scolarisés ne le sont pas. Pour ceux d'entre eux qui ont quitté
précocement le cycle primaire, ou qui n'y ont pas encore eu accès
malgré plusieurs années de retard sur l'âge
théorique d'entrée en CP1, il existe des expériences de
« classes passerelles » leur permettant de suivre le cursus qui leur
a fait défaut de façon accélérée, puis de
rejoindre les classes ordinaires. Ces classes passerelles sont aujourd'hui
mises en oeuvre à petite échelle par des ONG selon des
modalités qui leur sont propres et qui sont difficilement transposables
dans le secteur public. Ces expériences montrent toutefois
l'étendue des possibilités pédagogiques. La
stratégie du MEN à cet égard consiste à
étendre la couverture des classes passerelles, en s'appuyant encore sur
le concours des ONG dans une première phase, tout en demandant à
ces dernières de développer des formules susceptibles
d'être, à terme, employées dans le cadre des écoles
publiques.26
Les différents textes évoqués fixent le
cadre normatif des offres alternatives d'éducation et plus
spécifiquement celui des classes passerelles.
1.3. Pertinence scientifique
Les raisons scientifiques de notre étude se situent
à différents niveaux. Dans un premier temps, dans sa tentative de
compréhension du fonctionnement des classes passerelles, cette
étude voudrait contribuer à mettre à la disposition de la
communauté scientifique, des informations qui permettent de mieux cerner
la question des alternatives éducatives dont les classes passerelles
constituent une catégorie. Dans cette optique, cette étude
pourrait servir de documentation à d'autres chercheurs qui voudraient
bien s'intéresser aux études dans le domaine spécifique
des alternatives éducatives.
25 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016,
op. cit., p. 51
26 MEN, 2011, PAMT du secteur éducation
formation 2012/2014, Abidjan, MEN, p. 38
12
Dans un second temps, l'explication des bonnes performances
des élèves des classes passerelles met en évidence les
facteurs susceptibles d'influencer leurs résultats scolaires avec des
proportions par catégories. Cela présente un intérêt
dans le vaste champ de la recherche sur la réussite scolaire. En effet,
face aux différentes théories de la réussite portant sur
les aspects sociaux, pédagogiques, individuels et organisationnels,
l'étude voudrait relever les aspects spécifiques aux classes
passerelles ainsi que la nature des liens entre eux. Cela pourrait contribuer
à une meilleure compréhension de l'échec scolaire dans les
milieux spécifiques de l'étude.
Enfin, l'étude tente d'expliquer comment les classes
passerelles constituent des dispositifs performants et efficaces qui peuvent
être des palliatifs ou des instruments de renforcement de la
scolarisation et de l'alphabétisation en Côte d'Ivoire. Cet
objectif pourrait être réalisé à travers les atouts
que ces dispositifs présentent en terme curriculaire, pédagogique
et organisationnel.
1.4. Pertinence sociale
L'intérêt social de cette étude
procède du double statut des classes passerelles, à savoir
qu'elles constituent des dispositifs d'éducation d'urgence et des
alternatives éducatives.
En tant que dispositif d'éducation d'urgence, les
classes passerelles permettent de promouvoir le droit à
l'éducation en situation de crise et offrent aux populations
déplacées une prise en charge scolaire gratuite. Elles permettent
de rétablir, par ce fait, un ordre social troublé par la crise.
Cet acte de rescolarisation revalorise les populations
bénéficiaires du projet.
En tant qu'alternatives éducatives, les classes
passerelles contribuent à réduire les phénomènes de
déscolarisation, d'analphabétisme et les difficultés
d'accès à l'école. Ainsi, pour les
bénéficiaires, ce type de dispositif constitue une
13
seconde chance de scolarisation et une opportunité
d'insertion socioprofessionnelle. Dans la même veine, cette étude
apporte aux décideurs, à l'administration scolaire et aux
partenaires de l'éducation en Côte d'Ivoire, une réponse
à la problématique de la scolarisation universelle. En somme, les
résultats de cette étude seront bénéfiques pour
toutes les populations en Côte d'Ivoire car ils apportent des
réponses à l'épineuse question de la scolarisation de
masse dans un contexte socioéconomique difficile.
2. Constats
2.1. Constat 1 : la classe passerelle et l'école
primaire conventionnelle : deux systèmes scolaires différents
Le système scolaire conventionnel et les classes
passerelles en Côte d'Ivoire présentent des différences au
niveau structurel et fonctionnel. Au niveau structurel, par rapport aux
écoles conventionnelles, les classes passerelles présentent des
caractéristiques particulières au niveau de leurs statuts, de
leurs acteurs et de leurs organisations.
En effet, au niveau de leurs statuts, le fait qu'elles soient
suscitées par le contexte de guerre leur confère un
caractère de dispositif éducatif d'urgence, c'est-à-dire
qu'elles permettent de faire face aux besoins éducatifs ponctuels d'une
population victime de désastres naturels ou de conflits armés. A
ce titre, leur nature est éphémère. A ce caractère
d'urgence s'ajoute celui d'alternative éducative dans la mesure
où les classes passerelles se substituent aux écoles
conventionnelles dans les zones en situation de lacune d'offre
éducative.
Au niveau des acteurs, on distingue une collaboration entre
acteurs étatiques et acteurs non étatiques. Pour les premiers, il
s'agit de l'administration scolaire publique incarnée par les
inspecteurs ou conseillers d'inspection. On distingue au nombre de cette
catégorie, les autorités administratives et politiques qui
interviennent dans la mise en place du projet école. Les seconds (les
acteurs non étatiques) sont essentiellement constitués d'ONG
chargées du financement et de la mise en
14
oeuvre du projet école. Il y a également les
acteurs pédagogiques comme les superviseurs et les animateurs qui
interviennent sur le terrain.
Au niveau organisationnel, les classes passerelles reposent
sur deux organigrammes à savoir celui de l'ONG promotrice et celui du
projet école qui est circonscrit dans un espace en souffrance d'offre
éducative dans une période de neuf mois. Quant à
l'école conventionnelle, elle dispose plutôt d'un organigramme de
fonctionnement formel qui est directement rattaché au MENET.
Au niveau fonctionnel, la finalité de l'enseignement
primaire en Côte d'Ivoire a pour mission la « formation
intégrale de la personnalité de l'enfant27 » en
vue de le préparer à aborder l'enseignement secondaire. Les
classes passerelles visent plutôt l'intégration des
déscolarisés et des non scolarisés aux écoles
conventionnelles. De cette différence de mission, découlent les
modes de fonctionnement de ces deux systèmes éducatifs. Le
fonctionnement des classes passerelles dépend de la capacité
financière des promoteurs non étatiques à soutenir le
projet école alors que l'école conventionnelle dispose des moyens
étatiques. Au nombre des particularités fonctionnelles des
classes passerelles, on note également la pratique d'une politique
éducative de maintien, alors que celle qui prévaut au sein des
classes conventionnelles est la promotion-abandon. C'est un facteur qui
expliquerait les excellent taux de réussite scolaire (environ 99%)
enregistrés chez les premiers.
2.2. Constat 2 : la classe passerelle : une alternative
aux limites du système scolaire conventionnel
Les limites du système scolaire conventionnel ivoirien
subsistent à deux niveaux, à savoir des difficultés
internes au système éducatif et des difficultés relatives
aux contextes de conflits armés de 2002 et 2011.
Les difficultés internes au système scolaire
conventionnel se manifestent par l'explosion de la démographie scolaire,
l'amenuisement des ressources éduca-
27 MENET, 2014, Programmes éducatifs et
guides d'exécution CE2, Abidjan, MENET, pp. 5-7
15
tives, la dégradation des infrastructures scolaires
existantes, des taux de déperditions élevés et des
résultats scolaires insuffisants. Le contexte de conflit armé,
quant à lui, se caractérise par la destruction des
infrastructures éducatives, un climat scolaire instrumentalisé
par les belligérants, un déplacement massif des populations
scolaires, la réouverture des écoles, le retour des acteurs de
l'école, la réhabilitation ou reconstruction d'écoles et
des taux de scolarisation faibles. Le projet des classes passerelles intervient
pour soutenir les zones en situation de lacune d'offre éducative.
Malgré leur statut non conventionnel et les conditions
difficiles de fonctionnement, les classes passerelles présentent des
atouts dans leur mise en oeuvre. Ce sont :
- des taux de réussite élevés : environ
99% de taux de réussite aux évaluations finales. Ces
différences de taux de réussite selon les niveaux d'étude
peuvent être appréciées aussi bien au niveau
régional qu'au niveau national. Cette bonne performance apparaît
comme un atout pour les classes passerelles face aux résultats
insuffisants du système scolaire conventionnel.
- les effectifs des classes passerelles : de 2007 à
2014, ce sont 19.474 élèves qui ont
bénéficié des classes passerelles. Le Ratio
Elève/Maître (REM) varie entre 19:1 et 35:1. Ce qui est nettement
mieux que le REM des classes conventionnelles fixé à 42:1 ou
45:1.
- les sites d'implantation des classes passerelles : la
majorité des sites sont situés dans les zones CNO ou des zone en
souffrance d'offre éducative. Mieux, les procédures
d'implantation tiennent compte des distances entre le site et l'école la
plus proche. Cette distance minimale pour l'ONG EPT est fixée à 7
km.
- la mobilisation communautaire : en vue d'une implication
institutionnelle des communautés, une feuille de route communautaire est
élaborée et des normes de gestion communautaires sont
fixées dans le guide de mise en
16
oeuvre des classes passerelles qui est un document
élaboré par les acteurs-clés des classes passerelles.
- l'organisation pédagogique : elle prend en compte des
méthodes et techniques d'enseignement alliant la formation par
compétence, les méthodes d'alphabétisation, les cours de
soutien pédagogique, les programmes compressés, l'optimisation du
temps scolaire et la durée de la scolarité.
2.3. Constat 3 : la classe passerelle : un dispositif de
renforcement du système scolaire conventionnel.
En dépit du bon rendement interne des classes
passerelles, différents dysfonctionnements sont observés au
niveau de l'organisation, des curricula et de l'environnement de la mise en
oeuvre du projet classe passerelle.
Au plan de l'organisation, des insuffisances se
caractérisent soit par l'inexistence de certains volets importants de la
mise en oeuvre, soit par le retard dans l'exécution de certains aspects
du projet. Ce sont : le retard de paiement des primes et de livraison de
matériels, l'absence de financement de l'Etat, de cantines scolaires et
de perspective pour les ex-animateurs ; on note également l'insuffisance
d'archivage et des primes des animateurs.
Au plan curriculaire, les difficultés
rencontrées concernent entre autre, la divergence du concept «
classe passerelle », la présence des élèves de 7 et 8
ans, l'absence d'animateur suppléant, la disparité d'effectifs
entre filles et garçons, l'absence d'étude fiable sur
l'utilisation des langues maternelles comme outil d'enseignement, l'absence
d'un syllabaire de langue maternelle, les salles de classes inadaptées,
l'insuffisance du temps de formation initiale et l'insuffisance du temps
scolaire.
Au plan environnemental, des dysfonctionnements sont
observés dans les conditions d'intervention des acteurs du projet, les
conditions d'accès à l'éducation en situation d'urgence,
l'environnement d'apprentissage, la qualification des personnels enseignants et
la politique éducative en vigueur. Face à ces insuffi-
17
sances, les acteurs proposent des actions susceptibles de
capitaliser les acquis et d'améliorer la situation de départ.
Par ailleurs, à travers le RESEN 2016, le Gouvernement
de Côte d'Ivoire et al indiquent que, pour une résilience face aux
risques multiples, il a été élaboré par le MENET,
« des mécanismes de mitigation selon les besoins
spécifiques. 28 » C'est ainsi qu'il est prévu dans ce cadre
institutionnel, des zones d'accueil, des établissements relais, des
classes passerelles, des partenariats avec les écoles communautaires
privées et confessionnelles. Il est également prévu le
recrutement d'enseignants volontaires pour faire face au déplacement des
élèves et des enseignants ainsi qu'au phénomène de
déscolarisation. Les classes passerelles trouvent ainsi une place de
choix dans cette stratégie globale de mitigation.
3. Problématique
3.1. Problème de recherche
Selon le RESEN 2016, la guerre survenue en 2002 et le conflit
post-électoral de 2010/2011 ont rendu davantage vulnérable le
système éducatif ivoirien en dehors des facteurs de risque
classiques (catastrophes naturelles et les arrêts de cours etc.). Cette
vulnérabilité se traduit par la destruction des infrastructures
éducatives, la fermeture d'écoles, l'amenuisement des ressources
éducatives et un grand nombre d'enfants hors du système scolaire.
Face à cette situation, les populations se sont organisées
dès les premières heures pour faire fonctionner les écoles
des zones dites CNO. C'est dans ce contexte de besoin criard
d'éducation que deux ONG nommées EPT et NRC vont lancer le projet
des classes passerelles en zone CNO. EPT appuyé par UNICEF ouvre ses
premières classes en 2006 et NRC lui emboîte le pas en 2007.
L'objectif principal de ces classes passerelles est d'encadrer les enfants
déscolarisés ou non scolarisés de 9 à 14 ans
pendant 9 mois pour leur permettre d'intégrer l'école primaire
conventionnelle.
28 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016,
op. cit. pp. 3-4
18
Le dispositif des classes passerelles, s'il n'est pas nouveau
dans le monde, reste, dans le contexte de la crise ivoirienne, une innovation
en tant que dispositif d'éducation d'urgence et alternative
éducative. A ce titre, il mérite d'être analysé pour
une meilleure lisibilité de sa structuration, de son fonctionnement, de
ses acquis et de ses limites dans le but de renforcer le système
scolaire ivoirien.
3.2. Questions de recherche
En lien avec l'objectif général de cette
étude, la question de recherche est libellée comme suit : comment
les classes passerelles renforcent-elles le système scolaire
conventionnel ? Cette question principale se décline en trois axes :
Premièrement, la double caractéristique des
classes passerelles, à savoir qu'elles sont des dispositifs
d'éducation d'urgence et des alternatives éducatives suscite la
question suivante : quelles sont les traits caractéristiques du
système scolaire conventionnel et des classes passerelles ?
Deuxièmement, le constat relatif aux limites des
écoles conventionnelles et le contexte d'intervention des classes
passerelles suscite l'interrogation suivante : quelles sont les raisons de la
mise en oeuvre des classes passerelles ?
Troisièmement, relativement à la vocation des
classes passerelles à renforcer le système scolaire
conventionnel, l'on est en droit de poser la question suivante : quelles sont
les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des classes
passerelles et les stratégies proposées par les acteurs pour
améliorer leur fonctionnement dans une démarche de renforcement
du système scolaire ivoirien ?
4. Objectifs de l'étude
4.1. Objectif général
De manière générale, cette étude
se propose de comprendre l'influence des classes passerelles sur le
système scolaire national de Côte d'Ivoire.
19
4.2. Objectifs spécifiques
De manière spécifique, cette étude se
propose d'atteindre les objectifs suivants :
- montrer les traits caractéristiques particuliers des
classes passerelles par rapport aux écoles conventionnelles ;
- découvrir et analyser les raisons de la mise en
oeuvre des classes passerelles à travers leurs atouts et leurs
limites;
- montrer les difficultés de la mise en oeuvre des
classes passerelles tout en proposant des stratégies pour consolider
leurs acquis et améliorer leur fonctionnement dans une démarche
de renforcement du système scolaire ivoirien.
5. Thèse
Les classes passerelles en tant que dispositifs
d'éducation d'urgence et alternatives éducatives,
présentent dans leur mise en oeuvre, des acquis à consolider et
des insuffisances à réajuster pour mieux intégrer une
stratégie de renforcement du système scolaire national de
Côte d'Ivoire.
6. Hypothèses spécifiques
Hypothèse 1 : Au regard de leurs
contextes de mise en oeuvre, de leurs acteurs et de leurs curricula, les
écoles conventionnelles et les classes passerelles présentent des
différences structurelles et fonctionnelles.
Hypothèse 2 : Les limites du
système scolaire conventionnel, face à la demande croissante
d'éducation, justifient l'ouverture des classes passerelles qui
constituent des alternatives efficaces dont les facteurs pédagogiques
sont plus déterminants pour la réussite scolaire que les facteurs
organisationnels et individuels.
20
Hypothèse 3 : Les difficultés
rencontrées par les classes passerelles au niveau de leur gouvernance,
de leur pédagogie et de leur contexte de mise en oeuvre, exigent des
réajustements d'ordre contextuel, organisationnel et pédagogique
pour renforcer le système scolaire ivoirien.
7. Revue critique de la littérature
7.1. Classes passerelles et éducation
alternative
La littérature selon le MENET et NRC (2015), montre que
les classes passerelles sont inspirées des « écoles en
boîte 29» initiées par l'UNESCO pour la
première fois en Somalie en 1993 dans le cadre de son Programme
d'Education d'Urgence et de Reconstruction (PEER). Ce programme a permis en
situation d'urgence, d'offrir une opportunité de scolarisation aux
enfants issus des écoles laïques et coraniques. Depuis cette
expérience, le PEER a permis de remédier aux problèmes
d'éducation en urgence dans différentes crises dans le monde. Ce
fut le cas lors de la guerre civile au Rwanda en 1994. Ce programme a
contribué à la reconstruction du système scolaire rwandais
après la guerre.
C'est fort des leçons tirées des
expériences de la Somalie et du Rwanda qu'un nouveau programme
nommé classe passerelle a été développé par
le NRC. Ce programme est conçu pour les enfants hors du système
scolaire et ayant dépassé l'âge de la scolarisation pour
diverses raisons. L'objectif, selon le MENET et NRC (2015), est de «
ramener ces enfants dans le système scolaire conventionnel public.
30»
Les classes passerelles en Afrique de l'ouest sont
différentes par leurs mises en oeuvre selon les pays. Ainsi, selon
OUSSEINI (2009), au Niger, « la classe passerelle va prendre en charge les
enfants de 9 à 12 ans non scolarisés ou désco-
29 MENET et NRC, 2015, Guide pratique de mise en
oeuvre des classes passerelles en Côte d'Ivoire, Abidjan. p. 8
30 MENET et NRC, 2015, op. cit., p. 8
21
larisés de manière précoce
31», pour les conduire en classe de CE2 ou CE1, au bout de huit
mois de scolarisation. Elle utilise la langue maternelle et le français
comme medium d'enseignement.
En 2010, s'est tenue au Mali, la rencontre des comités
d'orientations inter-pays de la Stratégie de Scolarisation
Accélérée Passerelle (SSA/P). C'est un projet
financé par la fondation Stromme et l'ONG CARE en partenariat avec des
ONG locales et les Etats concernés. Il vise la scolarisation des enfants
hors du système scolaire dans trois pays, à savoir le Niger, le
Burkina et le Mali. Selon la fondation Stromme (2009), « les
résultats du projet donnent des taux de réussite
élevés variant entre 81 et 95%. 32» Ces taux sont
des indicateurs de la bonne performance des élèves et du bon
rendement des classes passerelles.
En Côte d'Ivoire, les classes passerelles interviennent
dans un contexte de crise sociopolitique. Il s'agit de la guerre de septembre
2002 et du conflit post-électoral de 2010. Comme tout conflit
armé, ceux-ci ont contribué à dégrader et
détruire les infrastructures scolaires. Ils ont également
provoqué le déplacement de populations. Selon le MENET et NRC
(2015), « c'est dans ce contexte que les Partenaires Techniques et
Financiers (PTF) du secteur éducation/formation interviennent à
travers les classes passerelles 33» pour faire prévaloir
le droit à l'éducation. Pour KOFFI et al (2008), l'initiative
voit le jour en « 2006 avec l'ONG EPT, puis en 2007 avec le
NRC.34» Bien que les promoteurs soient des acteurs non
étatiques, le MEN confia la supervision des classes passerelles au
Service Autonome d'Alphabétisation.
Les classes passerelles se présentent donc comme un
programme d'éducation d'urgence basé sur l'apprentissage
accéléré avec des classes à profil
31 I. OUSSEINI, 2009, « Des enfant de 12 ans
brûlent des étapes scolaires grâce à la passerelle
» IPS Afrique (Newsletter Hebdomadaire) in http//
ipsinternationa.org/fr/copyright.asp,
consulté le 15 Juillet 2012
32 Fondation Stromme , 2009, Rencontre du
comité technique sous-régional de SSA/passerelle, Bamako, du
13 au 17 Juillet 2009, rapport général. p. 4
33 MENET et NRC, 2015, op. cit., p. 8
34 I. K. KOFFI et al, 2008, Incidence des
curricula des classes passerelles sur le rendement des
élèves, Abidjan, ROCARE. p. 15
22
spécifique. Cette initiative entre dans le cadre des
offres alternatives d'éducation. Sous la supervision du MEN et du NRC,
les ateliers tenus avec les acteurs du projet de 2008 à 2015 aboutissent
à l'élaboration d'un document de formalisation de la mise en
oeuvre des classes passerelles en Côte d'Ivoire.
En 2013, l'implication du MENET dans le projet des classes
passerelles, qui était jusque-là pris en charge par les ONG, va
se faire dans le cadre formel du Programme d'Urgence d'Appui à
l'Education de Base (PUAEB). Cette intervention s'appuie néanmoins sur
l'expertise des ONG déjà opérationnelles en la
matière. Il s'agit de NRC, EPT et Soleil Levant. Dans le cadre du PUAEB
pour l'année scolaire 2013/2014, le MENET (2014) estime le nombre de
bénéficiaires à « 1512 élèves dont 710
filles 35».
Les classes passerelles interviennent dans un cadre
légal établi par le Plan National de Développement du
secteur Education/Formation (PNDEF). A travers cette disposition légale
le MEN (1997) recommande « le renforcement des actions pour réduire
les inégalités dans l'accès à
l'éducation/formation et l'élargissement de l'offre
d'éducation/formation aux zones défavorisées.36
» A partir de 2009, le MEN prévoit, à travers son Plan
d'Action à Moyen Terme (PAMT) 2012/2014, le développement de
l'offre des classes passerelles, la standardisation de leurs curricula, la mise
à disposition des écoles et enseignants publics et la formation
des enseignants afin de définir les conditions de leur prise en compte
sur la carte scolaire. En 2011, le MEN et ses partenaires envisagent une
extension du dispositif des classes passerelles pour prendre en compte les
enfants déscolarisés et non scolarisés.
Ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de la loi
n°95-696 du 7 septembre 1995 relative à l'enseignement en
Côte d'Ivoire qui énonce en son article premier, que le droit
à l'éducation est garanti à chaque citoyen. Elles sont
aussi en
35 MENET, 2014, « Les classes passerelles
financées par le PUAEB », in
www.Education-ci.org.,
consulté le 10 janvier 2016
36 MEN, 1997, Plan National de
Développement du secteur Education/Formation (PNDEF), Table ronde des
bailleurs de fonds : Yamoussoukro, Abidjan, MEN, p. 5
23
phase avec l'esprit de l'Education Pour Tous (EPT) de 2000 et
la déclaration d'Incheon de 2015 qui garantissent un accès
équitable de tous les enfants à une éducation de base. Cet
aspect sera développé plus loin dans le chapitre de
présentation des classes passerelles.
7.2. Classes passerelles et éducation d'urgence
Il est important de savoir que le dispositif des classes
passerelles, objet de notre étude, intervient dans le cadre de «
l'éducation d'urgence », suite à des conflits armés
en Côte d'Ivoire. Pour mieux comprendre ladite notion, nous nous referons
à la littérature disponible. Celle-ci explique les fondements de
l'éducation d'urgence, en fixe les étapes et le cadre
légal, puis, présente les théories qui en
découlent.
7.2.1. Genèse et fondement de l'éducation
d'urgence
Depuis le Forum Mondial sur l'Education Pour Tous à
Dakar en avril 2000, l'éducation d'urgence est devenue un sujet
d'attention particulière car elle a été recommandée
aux pays subissant le contrecoup des conflits et des catastrophes naturelles
à la prendre en compte dans leurs politiques d'éducation. Si le
Forum de Dakar fait de l'éducation d'urgence une priorité dans
son agenda de 2000, il est important de savoir que le terme est apparu une
décennie auparavant, c'est-à-dire dans les années 1990.
En effet, selon LANOUE (2006), « l'éducation en
situation d'urgence a pris forme en tant qu'action humanitaire de
réponse immédiate aux conflits, au début des années
1990. 37» Elle correspond à des programmes
éducatifs spécifiques initiés en Bosnie, au Rwanda, en
Somalie et au Soudan. Ces programmes d'assistance aux enfants dans les camps de
réfugiés, à Dadaab (Nord Kenya) par exemple, ou aux
enfants soldats au Congo, en Sierra Léone et au Liberia visent
à
37 E. LANOUE, 2006, Éducation, violences et conflits
armés en Afrique subsaharienne
Bilan critique de nos connaissances et perspectives de
recherches, Communication du colloque de Yaoundé du 06 au 10 Mars
2006, p. 8
24
la « rescolarisation 38» des victimes de
guerre, tantôt avec les moyens du bord, tantôt avec l'aide des pays
hôtes.
Par la suite, les principaux initiateurs de l'éducation
en situation d'urgence que sont le HCR, l'UNESCO, l'UNICEF et les organisations
non gouvernementales ont vite constaté l'ampleur des désastres
causés par les effets de ces guerres sur les systèmes
éducatifs des pays concernés, principalement pour les personnes
déplacées internes ou pour les réfugiés. Dès
lors, la notion « d'urgence éducative » a été
étendue à la prise en charge des conséquences des
conflits, sur un terme relativement long (plusieurs années, voire
plusieurs décennies). Pour les acteurs de ce secteur, l'urgence dure
à la mesure des enjeux et de la complexité des situations.
C'est un domaine qui engage des acteurs divers, chacun avec
ses enjeux, ses objectifs, ses moyens, ses intérêts. Cela rend la
nécessaire action de coordination quasi impossible. Au-delà des
particularités, et avec la conscience qu'aucune situation n'est
semblable à une autre, bon nombre de mesures sont nécessaires
dans le cadre de l'éducation d'urgence ; ce sont :
- le choix des sites permettant la reprise d'activités
d'enseignement ;
- la réhabilitation et la reconstruction
d'établissements scolaires ;
- les fournitures scolaires et les équipements
pédagogiques ;
- la reconstitution des équipes pédagogiques et
administratives ;
- l'appui financier aux enseignants et parfois aux familles ;
- la formation des enseignants et la formation des formateurs
;
- la reprise et le développement de l'enseignement
technique et de la formation professionnelle en particulier pour
répondre aux nécessités de la reconstruction ;
- et l'assistance au traitement des traumatismes liés
à la guerre, à la perte des proches, à l'exil et aux
violences subies, etc.
38 E. LANOUE, 2006, op. cit., p. 8
25
7.2.2. Phases de l'intervention d'urgence
Selon l'INEE (2006) « La réponse apportée
par l'éducation en situation d'urgence est axée sur la
satisfaction des besoins réels des populations affectées, ainsi
que sur l'enseignement formel. 39» Ces besoins changent en
fonction des phases et des situations. On distingue ainsi, trois phases qui
sont :
- la phase aigüe ;
- la phase chronique ou d'adaptation ;
- et la phase de retour, de réintégration et de
réhabilitation.
La phase aigüe est marquée par la fuite ou le
déplacement des populations. Les actions menées à ce
niveau sont : la diffusion d'informations et de messages cruciaux relatifs aux
risques que représentent les mines, aux risques sur la santé et
l'environnement et l'insistance sur les actions psychosociales et
récréatives.
La phase chronique ou d'adaptation est marquée par la
mise en place d'un apprentissage organisé, formel et non-formel. Cet
apprentissage porte sur des thèmes axés sur la préparation
des populations déplacées au retour, la gestion des
éléments de risque ainsi que l'éducation basée sur
le rétablissement de la paix et des droits de l'homme.
La phase de retour, de réintégration et de
réhabilitation prépare les déplacés au retour et
à la réinsertion dans leur milieu d'origine. Cette étape
est marquée par des actions qui donnent foi en l'avenir, favorisent la
reconstruction et l'amélioration de l'ensemble du système
éducatif. Sans minimiser l'importance des dégâts qu'a pu
subir le système éducatif, cette phase doit exploiter les
opportunités positives qui se présentent au lendemain d'une
situation d'urgence. Ces opportunités impliquent, entre autres, le
développement de stratégies et de pratiques plus
équitables en matière de genre ainsi que la révision de
programmes d'études et de méthodes pédagogiques. Il est
alors nécessaire de disposer d'un délai suffisamment long pour
concevoir les programmes d'enseignement, assurer
39 INEE, 2006, comprendre et utiliser les normes
minimales pour l'éducation en situation d'urgence, Paris, INEE,
pp.7-8
26
la formation des enseignants et atteindre progressivement les
nouveaux objectifs qui ont été définis.
7.2.3. Cadre règlementaire de l'intervention
d'urgence
Le cadre règlementaire est fixé par le projet
sphère qui a été lancé en 1997 par un groupe
d'agences humanitaires, ainsi que le mouvement de la Croix-Rouge et du
Croissant Rouge. Ce cadre règlementaire sera repris et renforcés
par le Réseau Inter-agence de l'Education d'Urgence (INEE) dans les
années 2000. En effet, c'est au bout de deux ans de collaboration
inter-agences que le projet sphère a développé un manuel
contenant une charte humanitaire et a identifié des normes minimales
dans cinq domaines essentiels de l'assistance humanitaire, à savoir :
l'approvisionnement en eau, l'assainissement, la nutrition et l'aide
alimentaire, l'aménagement des abris et des sites ainsi que les services
médicaux.
Sphère se fonde sur deux principes fondamentaux.
Premièrement, il énonce que toutes les mesures possibles doivent
être prises pour alléger la souffrance humaine résultant
des conflits et des catastrophes. Deuxièmement, il soutient que les
personnes touchées par les catastrophes ont le droit de vivre dans la
dignité, et donc le droit à l'assistance. Le Projet Sphère
s'appuie sur :
- le droit international humanitaire, les droits de l'homme et
le droit des réfugiés ;
- le code de conduite qui est un ensemble de principes de
comportement pour le mouvement international de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge et pour les ONG, dans l'exécution des programmes de
secours, en cas de catastrophe.
En adhérant à la Charte humanitaire et aux
normes minimales, les agences humanitaires s'engagent, dans leurs actions, en
faveur des personnes affectées par une calamité ou par un conflit
armé, à offrir des services correspondant à certains
niveaux de qualité définis et à promouvoir le respect des
principes humanitaires fondamentaux. A travers la charte humanitaire, les
agences expriment aussi, leur engagement vis-à-vis de ces principes et
marquent leur détermination à mettre en
27
oeuvre, les normes minimales d'intervention. Cet engagement
repose sur la manière dont chaque agence comprend ses propres
obligations éthiques. Il reflète, par ailleurs, les droits et les
devoirs, consacrés par le droit international, envers lesquels les Etats
et les autres parties ont des obligations établies.
Les normes minimales visent, quant à elles, à
quantifier ces exigences en termes de besoins qui sont ceux des personnes
affectées dans les domaines suivants: eau, assainissement, nutrition,
nourriture, abris et soins médicaux. Ainsi, la charte humanitaire et les
normes minimales contribuent à la mise en place d'un cadre
opérationnel au sein duquel peuvent exercer les agences humanitaires en
cas d'urgence.
7.2.4. Approches du secours éducatif
Selon LANOUE (2006), la recherche en éducation
d'urgence dégage deux approches du secours éducatif, à
savoir « l'approche urgentiste et l'approche ana-lytique.40
» La première se consacre uniquement, à la promotion de
l'aide humanitaire alors que la seconde fait de la prévention en
s'interrogeant en amont, sur le rôle potentiel ou avéré du
système éducatif dans la genèse des conflits. Ces deux
courants s'inscrivent dans le cadre du « triptyque éducation,
violence et conflit 41»
En effet, LANOUE considère que l'école peut
être à la fois « source de violence, victime de conflits et
vecteur de paix. 42» En tant que source de violence,
l'école exerce une série de violences symboliques sur les
apprenants à travers les châtiments corporels, les paroles
violentes et les frustrations de tout genre.
En tant que victime, l'établissement scolaire est en
temps de guerre, une cible des belligérants à l'instar des
ressources économiques comme les mines d'exploitation d'or et de
diamant. En tant que vecteur de paix, l'école participe à la
construction après la guerre, à travers des programmes
pédagogiques d'aide à la résolution des
40 E. LANOUE, 2006, op.cit.,, pp. 9-12
41 idem, pp. 9-12
42 ibidem
28
conflits et d'éducation à la paix. Les classes
passerelles interviennent dans la période post-crise et participent
à la reconstruction et au rétablissement de la paix.
7.3. Classes passerelles et réussite scolaire
Cette section présente des théories relatives
à la réussite scolaire qui permettent d'expliquer
l'efficacité interne des classes passerelles.
7. 3.1. Facteurs déterminants de la
réussite scolaire selon WANG Margaret et al
Le sujet de la réussite scolaire a toujours
suscité de l'intérêt pour les acteurs du système
éducatif car il permet d'aborder aussi la problématique de
l'échec scolaire et les questions fondamentales de l'éducation. A
ce propos, la nomenclature des facteurs d'influence sur l'apprentissage et la
réussite scolaire selon WANG et al permet d'identifier le facteur «
gestion de la classe » comme le plus important et les « traits
démographiques du district » comme la moins importante. Par
ailleurs, WANG et al regroupent ces 28 facteurs 6 catégories comme le
présente le tableau suivant :
29
Tableau I : catégories de facteurs d'influence de
l'apprentissage selon M. WANG et al.
N°
|
Catégories
|
Facteurs d'influences
|
01
|
L'aptitude de l'élève
|
processus métacognitif ;
processus cognitif ; attributions sociaux et comportementaux ;
motivation et attributions affectifs ; habiletés
psychomotrices ; démographie de la population scolaire
|
02
|
La façon d'enseigner et le climat scolaire
|
Gestion de classe ; interactions sociales entre
élèves et enseignants ; nombre d'heure d'enseignement ; climat en
classe ; façon d'enseigner en classe ; interactions pédagogiques
; contrôle de connaissances ; conduite de la classe et soutien
pédagogique
|
03
|
Le contexte
|
Milieu familial et soutien parental ; autres élèves
; influences du milieu ; activités extras-colaires.
|
04
|
La planification du programme
|
Conception du programme scolaire; contenu du programme scolaire
et façon de l'enseigner ; traits démographiques du programme.
|
05
|
L'organisation de l'école
|
Culture de l'école ; prise de décisions des
enseignants et des administrateurs; participation parentale.
|
06
|
Les caractéristiques de l'Etat et du district
|
Politique éducative de l'Etat ; traits
démogra-phiques du district.
|
Source : M. WANG et al, 1993, Rewiew of educational
research, n°63, 1993
Les facteurs d'influence sur la réussite scolaire se
regroupent en six catégories qui prennent en compte l'aptitude de
l'élève, la façon d'enseigner et le climat scolaire, le
contexte, la planification du programme, l'organisation de l'école et
les caractéristiques de l'Etat et du district. Ces six catégories
prennent en compte la personnalité de l'élève,
l'environnement interne et externe de l'école.
Dans le cadre de notre étude, en rapport avec cette
conclusion, nous examinerons deux catégories de variables, à
savoir celle relative à l'organisation du dispositif des classes
passerelles et celle relative à son aspect pédagogique afin de
les hiérarchiser. Dans cette hiérarchisation, la langue
maternelle en tant que composante du facteur pédagogique fait l'objet
d'analyse.
30
7.3.2. Facteurs déterminants de la
réussite scolaire selon le PASEC
A partir d'enquêtes réalisées sur les
systèmes scolaires africains, le PASEC donne la liste des facteurs
affectant les acquis scolaires en Côte d'Ivoire. Cette liste se
présente comme suit :
Tableau II : Récapitulatif des effets des facteurs
influençant le niveau des acquis
Catégories de facteurs
|
Variables
|
Effets
|
Caractéristiques de l'élèves et parcours
scolaires
|
Fréquentation du préscolaire
|
+2
|
++
|
Redoublement
|
-3
|
---
|
Caractéristiques de l'école et du directeur
|
Ecole publique (vs. privée)
|
-3
|
---
|
Equipements de base (eau, électricité, latrines)
|
+3
|
+++
|
Campagne de vaccination
|
+2
|
++
|
Caractéristiques de l'enseignant et de la classe
|
Femme
|
+1
|
+
|
Niveau BAC
|
-1ou+1
|
- / +
|
Formation continue
|
+2
|
++
|
Organisation pédagogique
|
Ratio élèves-maitre
|
-1
|
-
|
Matériels didactiques
|
+2
|
++
|
Manuel de lecture
|
+2
|
++
|
Rentrée scolaire à l'heure
|
+2
|
++
|
Présence des enseignants
|
+2
|
++
|
Source : résultats extraits de différents
modèles de régression des résultats des
élèves (CE1, CEPE, PASEC). Cité dans le RESEN 2016,
pp.120, 270, 271.
Faisant le commentaire de ces résultats, le RESEN 2016
note qu'à l'enseignement primaire :
les écoles privées ont de meilleurs
résultats [par rapport aux écoles publiques], (...). La
présence d'équipements de base dans l'école tels que
l'électricité, l'eau et les latrines, est également
associée à de meilleurs résultats. Le ratio
élèves-maitres ainsi que les redoublements influencent
négativement la performance des élèves. Bien que l'effet
des manuels scolaires et des matériels didactiques ne soit pas stable
(...) ils constituent un intrant essentiel de base. (...). L'absentéisme
des élèves pénalise leurs acquisitions, de même que
celui des enseignants. (...). La formation continue des enseignants ainsi que
le fait d'avoir une enseignante en classe favorisent le niveau des acquis.
43
43 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016,
op. cit., pp. 120 -121
31
On note que les équipements de base ont l'influence la
plus importante dans la consolidation des acquis scolaires. Toutefois, le
cumule des scores par catégorie de facteur place en tête de
classement, l'organisation pédagogique. Le PASEC relève pour le
cas de la Côte d'Ivoire que :
les facteurs d'organisation scolaire contribuent à
expliquer la variabilité des acquis des élèves, mais
seulement en partie. (...) L'effet classe (l'appartenance à une classe
particulière, et donc la manière dont elle est
gérée) apparait prépondérant, et
révèle l'importance de la gestion pédagogique. Les
différences régionales ne compteraient que pour
10%.44
7.3.3. Réussite scolaire et facteurs
organisationnels
L'organisation en tant que processus est, selon ANY-GBAYARE
(1998), « la meilleure combinaison des étapes nécessaires
à la réalisation d'une tâche. 45» Dans cette optique,
l'auteur privilégie le « modèle participatif » de la
gestion d'une organisation au détriment des modèles classiques
que sont la centralisation, la déconcentration et la
décentralisation. Le modèle participatif propose un organigramme
où la hiérarchie est atténuée au profit des
objectifs ; ce faisant, le gestionnaire fait participer tous les acteurs
à la définition des objectifs et à l'évaluation des
actions. Un tel modèle est supposé intégrer la
participation de la communauté éducative entière dans la
gestion.
Selon le MEN du Sénégal et AFD (2012), à
l'issue de la Conférence des Ministres de l'Education des Etats
Africains ayant en partage le Français (MINEDAF VI), les Etats ont
convenu de mettre l'accent sur « l'amélioration de la gestion
scolaire 46» vu que les échecs des systèmes
éducatifs sont principalement imputables à la gestion du projet
d'école. Pour ce faire, l'Agence de Coopération Culturelle et
Technique (ACCT) propose une nouvelle organisation scolaire basée sur
des unités de gestion issues des communautés locales.
44 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016,
op. cit., pp. 120 -121
45 S. ANY-GBAYERE, 1998, Management de
l'éducation : Aspects techniques, Abidjan, pp. 6970
46 MEN Sénégal et AFD, 2012,
Guide des bonnes pratiques en matière de projet d'école et
projet d'établissement, Sénégal, MEN, p.10
32
Le MEN du Sénégal et l'AFD (2012)
présentent le référentiel régional des
projets d'école élaboré en 2011 par des
experts du Sénégal, de la Guinée, du Niger
et du Mali en vue de « capitaliser les bonnes
pratiques.47» Ce référentiel recom-
mande de :
- mettre en place un cadre juridique et institutionnel des
projets d'école ;
- prendre des mesures visant à faciliter la participation
communautaire et
l'amélioration des apprentissages ;
- renforcer le curriculum scolaire tout en l'adaptant à la
culture locale des
apprenants ;
- élaborer des supports d'animation convenables aux
comités de gestion de
l'école ;
- renforcer les capacités des acteurs de l'école
par des formations ;
- accompagner les comités de gestion de l'école
;
- initier des activités de mobilisation des ressources
financières;
- proposer des plans d'actions conformes aux capacités
internes de la com-
munauté ;
- garantir la mise en oeuvre effective du projet école
;
- inciter les communautés à proposer des actions
qui n'exigent pas nécessai-
rement la mobilisation de ressources financières ;
- développer des modes de financement alternatifs de
l'école.
En définitive, ces mesures visent principalement, la
participation communautaire comme point clé d'intervention en vue
d'améliorer la gestion du projet d'école. La question
organisationnelle renvoie aussi à la problématique de l'effet
établissement. Pour mettre ce facteur en évidence, LEGER
(2002)48 relève les différences de réussite qui
peuvent exister entre des élèves « strictement identiques
» et appartenant à des établissements de même statut
(ZEP). Il précise que ces différences sont le fait de «
l'effet établissement » qui est « l'effet propre de
l'organisation interne de l'école sur la performance ou la
réussite de l'élève. Cet
47 MEN Sénégal et AFD, 2012, op.
cit., pp. 11-12
48 A. LEGER, 2002, Construire l'école de
la réussite pour les élèves des milieux populaires
notamment ceux inscrits en ZEP, intervention au congrès du syndicat
des enseignants SE-UNSA de Martinique, 14, 15 et 6 octobre , Fort de France,
pp. 9-10
33
auteur soutient également qu'il existe des
différences de réussite entre des élèves «
strictement identiques » selon le secteur d'éducation (secteur
public ou privé) ; il nomme ce phénomène « l'effet
secteur ».
Pour GAUTHIER (2006)49, les travaux pertinents
considérant le milieu so-cio-familial comme déterminant de la
réussite ne doivent pas occulter le rôle important des enseignants
et des écoles dont la dynamique reste encore à déterminer.
Cet « effet établissement » nous semble important dans le cas
des classes passerelles au regard des différences de performance
observées. Il prend en compte trois aspects de la gouvernance du projet
école à savoir la mise en place, la gestion du projet et la
participation communautaire.
La question organisationnelle a également
été abordée par la théorie des parties prenantes
(stakeholders). Selon CAZAL (2011), FREEMAN, le précurseur de
ladite théorie, la définie comme « tout groupe ou individu
qui peut affecter l'atteinte des objectifs de l'entreprise ou être
affectée par celle-ci. 50 » Une telle approche invite à
intégrer dans la gestion stratégique de l'entreprise les
variables sociopolitiques au lieu de se limiter aux seuls actionnaires dans une
approche classique. Elle s'inscrit dans le cadre de la responsabilité
sociale des entreprises alliant éthique et gestion dans une dynamique de
négociation dans un environnement d'ouverture. La question centrale de
cette théorie est selon EVAN et FREEMAN (1983) « au profit de qui
et aux dépends de qui doit-elle être gérée ?
51» Dans la vision de la théorie des parties prenantes,
l'école doit être perçue comme une organisation qui doit
satisfaire les besoins des usagers qui sont les différents acteurs de
l'éducation (élèves, parents, enseignants, administration
et financiers). Toute cette littérature pourrait permettre de comprendre
les scores réalisés par les facteurs liés à
l'organisation des classes passerelles.
49 C. GAUTHIER, 2006, « Réussite scolaire et
réformes éducatives. Pourquoi est-il si difficile de rendre nos
systèmes éducatifs plus performants pp. 10-11 ? » in
http://www.ccl-cca.ca/pdfs/
Mi-nerva/MinervaGauthierFrancaisFINAL.pdf, consulté le 01 juin 2015.
50 D. CAZAL, 2011, « RSE et théorie des
parties prenantes : les impasses du contrat », Revue de la
régulation, in :
http://regulation
.revues.org/9173., consulté le 31 janvier 2016
51 W. EVAN et E. FREEMAN, 1983, «Stakeholder
theory of the modern corporation : Kantian capitalism», Ethical theory
and business, Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall, p. 75-84
34
7.3.4. Réussite scolaire et facteurs
pédagogiques
7.3.4.1. Réussite scolaire et programme
scolaire
GIMENO (1984) relève que les programmes scolaires font
l'objet de vives critiques à travers leurs contenus pour les raisons
suivantes : « ils n'intéressent pas les élèves,
d'où l'indifférence de ceux-ci ou leurs réactions hostiles
; ils ont un caractère encyclopédique ; enfin certaines
connaissances exigées manquent de pertinence, d'utilité de valeur
formative. 52» En sus, GIMENO constate que les critiques
formulées à l'encontre des contenus montrent leur rigidité
qui ne laisse aucune possibilité à l'enseignant de les adapter
aux « aptitudes, centres d'intérêt et rythmes d'apprentissage
des élèves ainsi qu'aux caractéristiques des milieux local
et régional. 53» Ce faisant, cet auteur pose le
problème de l'inadaptabilité des programmes scolaires en Afrique.
Il abonde dans le même sens que KI-ZERBO (1972)54 et M'BOW
(1974)55 qui relevaient déjà cet aspect au cours des
années 1970.
D'HAINAUT (1979) montre que les contenus n'ont de sens que par
rapport aux objectifs du programme. Aussi suggère-t-il que les curricula
soient plutôt élaborés « en fonction des niveaux des
apprenants 56» qu'en fonction des disciplines
enseignées. Selon PERRENOUD (1989), « le choix des contenus
inappropriés et les programmes surchargés contribuent à
l'échec scolaire.57» Cela suppose que la réussite
scolaire exige des contenus et des programmes convenables au statut des
apprenants en termes de niveau et d'âge. Ainsi, voulant relever l'effet
des normes de l'évaluation sur la réussite scolaire, PERRENOUD
affirme que celle-ci parti-
52 J. B. GIMENO, 1984, L'échec scolaire
dans l'enseignement primaire : moyens de le combattre, Paris, UNESCO, p.
54
53 ibidem
54 J. KI-ZERBO, 1972, « Education et
Développement », Perspectives. Paris, Unesco, volume II,
4, p. 461, 466. Cité par J. B. GIMENO, 1984, pp. 54-55.
55 A-M. M'BOW, 1974, Discours de M. Amadou
-MahtarM'bow , Directeur Général de l'Unesco à la
deuxième réunion des ministres des Caraîbes chargés
des questions relevant des domaines de compétence de l'Unesco.
Paris, UNESCO, pp. 2-3. Cité par José Blat Gimeno, 1984, p. 54
56 L. D'HAINAUT, 1979, Programmes
d'études d'éducation permanente. Paris, UNESCO, p. 95,
cité par J. B. GIMENO, 1984, p.55
57 Ph. PERRENOUD, 1989, « La triple fabrication de
l'échec scolaire », Psychologie française, n°
34/4, 1989, pp. 237-245.
35
cipe à « la fabrication de l'échec scolaire
selon son contenu, sa structuration et son découpage 58»
Dans la même veine, GRISEY (1987) montre la pertinence
d'un contenu d'évaluation standardisé. Selon cet auteur, une
telle démarche permettrait aux instituteurs de « modifier
positivement la carrière scolaire de bon nombre d'élèves.
59» La variable « programme scolaire » des classes
passerelles reste un facteur d'influence qui mérite d'être
analysé au regard de sa spécificité.
7.3.4.2. Réussite scolaire et
méthode d'enseignement
Le terme « méthodes d'enseignement »
équivaut aux « pratiques d'enseignement » ou «
méthodes pédagogiques » selon les auteurs. Toutes ces
expressions désignent ce que l'enseignant fait en classe pendant le
processus d'enseignement-apprentissage. TALBOT (2012) explique que bon nombre
d'auteurs ont relevé « les pratiques d'enseignement comme
responsables des difficultés d'apprentissage 60»,
montrant ainsi les limites des théories fondées sur l'apprenant
et son milieu social. Désormais, c'est la consécration de «
l'effet-maître ». Il s'agit, pour les chercheurs, d'élaborer
des pratiques d'enseignement susceptibles de faire face aux difficultés
d'apprentissage tout en mettant l'accent sur la relation
maître-élève. En définitive, TALBOT soutient
qu'aucune méthode ne s'est avérée convenable à
toutes les situations puisqu'elles sont diverses et variées. Il
préconise donc des pratiques d'enseignement selon les situations
d'enseignement-apprentissage. Il résume son propos termes : « les
pratiques enseignantes sont ajustées, transformées,
transformatrices en fonction des contraintes situationnelles rencontrées
durant les différentes phases de l'enseignement proprement dit (...)
61»
58 P. PERRENOUD, 1989, op. cit., pp.
237-245.
59A. GRISAY, 1987, « La pédagogie de
maîtrise face aux rationalités inégalitaires des
systèmes d'enseignement », Maîtriser les processus
d'apprentissage. Fondements et perspectives de la pédagogie de
maîtrise, Paris, Delachaux et Niestlé, 1987, pp. 235-265.
60 L. TALBOT, 2012, Pratiques d'enseignement et
difficultés d'apprentissage, Toulouse, Edition Erès, pp.
9-11
61 idem, p. 15
36
Relativement à la méthode d'enseignement,
GAUTHIER et DEMBELE (2004) ont présenté la conclusion des
décennies de recherche en ces termes : « ce que les enseignants
font en classe est sans conteste le premier des déterminants scolaires
de l'apprentissage et de la réussite des élèves.
62» Ces derniers confirment donc la prééminence
du facteur « gestion de la classe » tout en mettant l'accent sur les
conditions optimales d'apprentissage qui incluent :
des enseignants compétents, un curriculum
pertinent, un environnement scolaire sûr et ayant des ressources
pédagogiques suffisantes, l'utilisation optimale du temps imparti, un
dispositif d'évaluation, des apprentissages bien conçus et bien
gérés, des ratios élèves/maître et
élèves/classe raisonnables et des apprenants bien nourris, en
bonne santé et n'ayant pas à
parcourir de trop longues distances à pied pour se
rendre à l'école et en retourner.63
Dans leur célèbre rapport de 1966, après
avoir démontré le niveau de corrélation
élevé entre les milieux défavorisés et les
difficultés scolaires, COLEMAN et al (1966) ont également
noté que, « peu importe le groupe ethnique de
l'élève, les bons enseignants ont une influence plus grande sur
la réussite d'élèves issus de milieux
socio-économiquement faibles. 64» Ces chercheurs
montrent encore une fois le rôle important de l'enseignant dans la
réussite scolaire avec un accent particulier sur le cas des
élèves issus des milieux défavorisés.
Sur la base de bon nombre de recherches qui convergent sur le
rôle capital de l'enseignant dans la réussite scolaire, GAUTHIER
et al (2004) concluent « qu'en améliorant les pratiques
pédagogiques, on peut améliorer le rendement scolaire des
élèves plus spécifiquement celui des élèves
issus des milieux socioé-conomiques faibles.65» Cette
conclusion débouche sur la problématique des approches
pédagogiques efficaces ayant le plus d'impact significatif sur la
performance scolaire. En d'autres termes, l'intervention efficace de
l'enseignant est aussi tributaire de l'approche pédagogique que celui-ci
utilise.
62 C. GAUTHIER et M. DEMBELE, 2004,
Qualité de l'enseignant et qualité de l'éducation : revue
des résultats de recherche. UNESCO, p. 1
63 ibidem
64 J. S. COLEMAN et al, 1966, Equality of
educational opportunity, Washington D.C., U.S. Government Printing Office,
cité par C. GAUTHIER et M. DEMBELE, 2004, op. cit., p. 2
65 idem, p. 9
37
Sur cette question, il n'existe pas une solution unique pour
tous car dans sa mise en oeuvre, la réussite d'une approche
pédagogique dépend d'une multitude de facteurs qui incluent le
contexte de sa mise en oeuvre et la formation des enseignants eux-mêmes.
C'est dans cette logique que BRESSOUX (1994) tout en reconnaissant la
prédominance de l'effet-maître, recommande « une prise en
compte des contraintes de toute sorte 66» à savoir
celles provenant:
- de l'école ;
- des collègues de l'école ;
- des parents d'élèves ;
- des élèves.
C'est en tenant compte de toutes ces contraintes que
l'enseignant doit tenir la classe ; en d'autres termes, la performance de
l'enseignant est le résultat des contraintes environnementales et
institutionnelles. CRAHAY (1989) l'exprime si bien en ces termes à
travers le postulat de DOYLE et PONDER (1977) : « En classe, ce n'est pas
le maître qui contrôle la situation, mais c'est la situation qui
contrôle le maître. 67» Cette citation illustre
bien l'impact du contexte d'apprentissage sur les enseignements. C'est pour
cette raison que BRESSOUX (1994) affirme, contrairement aux courant
sociologique de COLEMAN et al (1966) que : « (...) tout ne se joue pas
dans le milieu familial (...) l'école joue un rôle autonome sur
les acquis des élèves. 68»
Au regard de cette littérature, la méthode
d'enseignement est retenue comme un facteur susceptible d'être
déterminant dans l'efficacité des classes passerelles.
66 P. BRESSOUX, 1994, « Recherches sur les
effets-écoles et les effets-maîtres » Révue
française de pédagogie. n°108 ?
Juillet-août-septembre 1994, p. 96.
67 W. DOYLE et G. A. PONDER, 1977, «The
praticality ethic in teacher decision making» interchange,
cité par P. BRESSOUX, 1994, op. cit., p. 96
68 idem, p. 127
38
7.3.4.3. Réussite scolaire et qualification des
enseignants
La qualification des enseignants contribue sans doute à
la réussite scolaire comme l'ont indiqué COLEMAN et al
(1966)69. Cette qualification s'acquiert à travers une
formation initiale et une formation continue. Cela implique une
adéquation entre celles-ci et le projet établissement. Pour
atteindre cet objectif, selon PERRENOUD (1996), il convient de prendre en
compte un certain nombre de questions relatives à la structure de la
formation initiale, l'articulation entre celle-ci et la formation continue et
la nature des compétences à acquérir en tant que
professionnel. Pour lui, une réforme de la formation des enseignants
passe par un changement de paradigme à savoir :
ne plus former les maîtres à appliquer une
méthode orthodoxe, mais à construire leur enseignement en
s'appuyant certes sur une connaissance des méthodes et dispositifs de
formation reconnus, mais surtout sur une analyse des besoins, des envies, des
attitudes, du niveau de leurs élèves aussi bien que des
conditions de travail, des contraintes et des ressources qu'offre un
établissement particulier dans un environnement particulier.
70
Ce changement de paradigme renvoie au « savoir-analyser
» d'ALTET (1994)71 et à la « pratique
réflexive » de SCHÖN (1983)72. Dans ce
schéma, l'enseignant n'a plus la possibilité de justifier ses
insuffisances en se retranchant derrière des pratiques reçues de
l'institution et il assume pleinement la responsabilité des choix
opérés.
SANDERS et RIVERS (1996) relèvent la « valeur
ajoutée » de l'enseignant dans l'enseignement en ces termes :
«the most important factor affecting student learning is the teacher (...)
If the teacher is ineffective, students under that teach-
69 J. S. COLEMAN et al, 1966, cité par C.
GAUTIER et M. DEMBELE, 2004, op.cit., p. 2
70 P. PERRENOUD, 1996, « Le rôle de la formation
des enseignants dans la construction d'une discipline scolaire : transposition
et alternance », Éducation physique et sportive. La formation
au métier d'enseignant, Paris, Editions de la Revue Education
physique et sport, Dossiers EPS n° 27, pp. 49-60.
71 M. ALTET, 1994, La formation professionnelle
des enseignants, Paris, PUF, pp. 145-146.
72 D. SCHÖN, 1983, The Reflective
Practitioner, New York, Basic Books, traduction française du
Laboratoire de recherché Innovation-formation-Education, 1993, « Le
praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans
l'agir professionnel, Montréal, Les Editions Logiques,
» in
http://www.unige.ch/fapse/life,
consulté le 15 mai 2014.
39
er's tutelage will achieve inadequate progress
academically. 73» Les recherches de ces auteurs
démontrent que «l'effet enseignant» est le facteur d'influence
le plus important sur la performance des apprenants. Ces auteurs montrent, par
ailleurs, que les élèves en difficultés sont les plus
grands bénéficiaires de cet «effet enseignant» lorsque
l'enseignant est performant. C'est à juste titre que les
élèves subissent également l'effet négatif d'un
enseignant moins performant. C'est l'avis de RIVKIN et al (2003) qui
l'expriment en ces termes :
our estimates (...) reveal the effects of teacher quality
to be substantial even ignoring any variations across schools. They indicate
that having a high quality teacher throughout elementary school can
substantially offset or even eliminate the disadvantage of low socio-economic
background. 74
RIVKIN et al montrent bien dans leur étude, l'apport
substantiel de la qualité pédagogique de l'enseignant dans la
réussite scolaire des élèves d'origine
so-cioéconomique défavorisée. Ils considèrent ainsi
le facteur qualité de l'enseignant comme capable d'éliminer les
inégalités d'apprentissage liées à l'origine
socioé-conomique des élèves de l'école primaire.
7.3.5. Réussite scolaire et facteurs sociaux et
individuels (aptitudes) 7.3.5.1. Théories classiques des facteurs
sociaux
Les théories classiques de la sociologie de
l'éducation établissent un lien entre l'origine
socioéconomique et la réussite scolaire. On distingue parmi ces
théories :
- le fonctionnalisme et le structuro-fonctionnalisme qui
attribuent à l'école une fonction sociale. Ces courants de
pensées sont fondés sur la conception de l'éducation selon
DURKHEIM. En effet, DURKHEIM, le but de l'éducation est de
répondre aux attentes du milieu de vie de l'enfant. Ce courant
prôné par PARSONS, BELLA et VAN ZANTEN. FADIGA (2002)
résume le concept du fonctionnalisme en ces termes : «
l'éducation
73 W. L. SANDERS et J. C. RIVERS, 1996,
Cumulative and residual effects of teachers on future student academic
achievement, Knoxville, Tennessee, University of Tennessee Value Added
research and assessment Center, Cités par C. GAUTHIER et M. DEMBELE,
2004, op. cit., p. 6
74 S. G. RIVKIN et al, 2003, «Teachers,
schools and academic achievement» in
http://www. smen-tic
scholar.org, cités par C.
Gauthier et M. Dembélé, 2004, op. cit, P. 8
40
est un instrument de reproduction des structures et des
hiérarchies sociales. 75» ;
- le conflictualisme impute à l'école, la
responsabilité de reproduire et de perpétuer le rapport
conflictuel de la classe dominante et la classe dominée dans la
société. La première exerce ainsi, une violence symbolique
sur la seconde en lui imposant son idéologie à travers
l'école. Ce courant est défendu par WEBER, BAUDELOT, ESTABLET,
BOURDIER et PASSERON ;
- et la théorie des acteurs voit en l'école un
espace pour les stratégies d'acteur, c'est-à-dire que les
individus décident, en fonction de leurs intérêts et des
enjeux. Dans ce paradigme, l'acteur est situé dans un milieu social qui
est un point de référence à partir duquel l'agent
s'efforce de faire ses calculs. En d'autres termes, les
inégalités sociales ont, une fois encore, une influence sur les
motivations et les choix des individus. Ce courant est valorisé par
BOUDON, TOURAINE et DUBET.
Dans un article relatif à la question de l'échec
scolaire, TOURE (2017) résume ses théories sociologiques en ces
termes :
L'échec scolaire ou la réussite scolaire
sont appréhendés par les sociologues de l'éducation
à travers la thématique des inégalités face
à l'école. Ces inégalités ne sont pas
forcément créées par l'institution scolaire. Elles sont
parfois inhérentes au milieu social d'où proviennent les
élèves. Leurs manifestations sur la scène scolaire sont,
toutefois, identifiables dans les accès, les parcours et les sorties du
système. Certains sociologues ont, ainsi, montré que les
inégalités de réussite scolaire sont liées à
l'origine sociale ou familiale (Bourdieu et Passeron, 1964, 1970). (...) Selon
cette théorie de la reproduction sociale par l'école, les faibles
chances de réussite scolaire des enfants issus de milieux
défavorisés se justifient par le manque ou la faiblesse du
capital culturel et du capital économique de leurs familles. D'autres
ont expliqué ces inégalités par le fonctionnement du
système scolaire lui-même (Baudelot et Establet, 1971). Pour eux,
c'est l'école elle-même qui crée les
inégalités de réussite à travers la mise en place
de deux réseaux dans les parcours scolaires. Il s'agit des
réseaux P-P (Primaire-professionnel) et S-S (Secondaire-Superieur).
(...) les enfants issus des milieux populaires sont plus nombreux à
emprunter le réseau P-P qui correspond, en fait, à des cycles
courts de formations professionnelles, aboutis-
75 K. FADIGA, 2002, De la sociologie de
l'éducation aux politiques nationales d'éducation. Dakar,
ENS, p. 21
41
sant, pour la plupart, à des emplois d'ouvriers. Le
S-S est, quant à lui, emprunté très largement par les
enfants des familles favorisées.76
Pour cet auteur, ce cas l'échec scolaire en France peut
aider à une meilleure compréhension du cas de la Côte
d'Ivoire.
7.3.5.2. Modèle de l'empathie et l'avantage
stratégique
Au-delà des théories classiques, les
études de MEURET et MORLAIX (2006) ont permis de dégager trois
catégories de variables relatives aux facteurs externes d'influence sur
la performance scolaire. Ils concluent ainsi :
on peut considérer que trois grands types de
variables externes sont mobilisées par les théories explicatives
des inégalités sociales devant l'école : -
l'ambition, la volonté, l'habitus (« C'est pour moi » ou
« Ce n'est pas pour moi »)
- la proximité de la culture de la maison et de celle
de l'école (capacité d'aide, communication culturelle,
etc.)
- les ressources financières, à travers les
conditions matérielles de travail à la maison (Goux et Maurin,
2005) ou (...) à travers la dis-
position à supporter le risque et le coût
d'opportunité d'une scolarité longue. 77
Dans ce passage, à l'instar des théories
classiques, la catégorie socioprofessionnelle, l'héritage
culturel et les caractéristiques individuelles sont pris en compte ainsi
que d'autres éléments additionnels comme «la communication
culturelle» et «le sentiment d'appartenance». MEURET et MORLAIX
présentent deux modèles des inégalités de
réussite scolaire selon les pays, à savoir : le modèle de
l'empathie et l'avantage stratégique
Dans le premier modèle où les classes
élevées ou dominantes parviennent à imposer leur culture
à l'école, les ressources culturelles, la communication
culturelle et le sentiment d'appartenance varient en fonction de la position
sociale et lesdits variables ont une forte influence sur la performance
scolaire. Le second cas s'inspire de la pensée de PARSONS qui
définit l'éducation à partir des besoins de
76 K. TOURE, 2017, « Lutte contre la
déscolarisation dans l'enseignement primaire : les cantines scolaires en
Côte d'Ivoire » European Scientific Journal, Vol. 13,
N°35, p. 235, in URL :
http://dx.doi.org/10.19044/esj.2017.v13n35p234,
consulté le 17 juillet 2019.
77 D. MEURLET et S. MORLAIX, 2006, «
L'influence de l'origine sociale sur les performances scolaires : par
où passe-t-elle ? », Revue française de sociologie,
2006/n°1, vol. 47, pp. 49-79
42
l'économie et du fonctionnement social. Ainsi, selon ce
modèle, « dans ces pays, l'avantage donné aux classes
favorisées par la congruence entre leur culture et l'école aurait
diminué d'importance, mais de façon non prévue par
PARSONS, pour conserver leur avantage dans la compétition
scolaires.78 »
7.3.5.3. Théorie de la résilience
scolaire
LAROSE et al (2001) expliquent que la résilience
scolaire est le fait que « face au risque d'inadaptation scolaire,
certains élèves exposés d'emblée à
l'échec scolaire s'en sortent finalement contre toute attente.
79» S'appuyant sur une publication d'ANTHONY (1974), ils
montrent que la résilience a d'abord été «
assimilée à l'invulnérabilité vis-à-vis des
stresseurs engendrés par l'environnement ; c'est la résilience
état. 80» Puis le concept a connu une dynamique avec
d'autres auteurs comme MASTEN et al (1990) qui la conçoivent comme
« la capacité d'atteindre une adaptation fonctionnelle
malgré des circonstances adverses ou menaçantes.
81» GARMERY et al (1984) distinguent trois modèles
théoriques de la résilience à savoir « les
modèles compensatoires, les modèles de protection et les
modèles de défi. 82». Selon lui, ces
modèles sont tous basés sur les interactions entre l'enfant et
son environnement,
A travers le modèle compensatoire, les
caractéristiques personnelles ou familiales de l'enfant lui permettent
de « compenser les situations adverses de son
environnement.83» En d'autres termes, le facteur de risque est
annihilé par le facteur de protection. Dans le modèle de
protection, c'est l'interaction entre « les
78 D. MEURLET et S. MORLAIX, 2006, op. cit.,
pp. 49-79
79 F. LAROSE et al, 2001, « La
résilience scolaire comme indice d'acculturation chez les autochtones :
bilan de recherche en milieu innus » Revue des sciences de
l'éducation, Volume 27, Numéro 1. pp. 151-180
80 E. J. ANTHONY, 1974, « The syndrome of the
psychologically invulnerable child » The child in his family.
Volume III, p. 3-10
81 A. S. MASTEN et al, 1990, «Resilience and
development. Contribution from the study of children who overcome
adversity» Development and Psychopathology, pp. 425-444. Traduit
par F. LAROSE et al, 2001.
82 N. GARMEZY et al, 1984, «The study in
children: A building block for development psychology», Child
développent. p. 55, 97-111, traduit par F. LAROSE et al, 2001.
83ibidem
43
facteurs de risque et de protection84 » qui a
un effet sur l'adaptation. Enfin, dans le modèle défi « le
facteur de risque engendre le stress dont les effets sont positifs sur
l'adaptation scolaire en ce sens que l'enfant utilise les compétences
acquises pour réagir positivement dans des situations
ultérieures. 85»
Ces différentes théories pourraient aider
à mieux comprendre le score enregistré par la variable origine
socio-économique dans la hiérarchisation des facteurs d'influence
de la performance des classes passerelles.
7.3.5.4. Réussite scolaire et
âge des apprenants
En prélude à la problématique de
l'âge et la performance scolaire de l'apprenant, se pose la question du
développement cognitif de l'enfant, un sujet développé par
PIAGET (1969) qui est cité par GBATI (2007). Celui-ci exprime sa
pensée comme suite : « On ne peut apprendre n'importe quoi à
n'importe quel âge et on doit tenir compte des aptitudes réels des
enfants à chaque période. 86» Il traduit en
substance la pensée de PIAGET par le fait que l'intelligence est en
construction et doit traverser des stades dont les contenus ne sont pas
définitivement acquis ou déterminés. L'âge constitue
un facteur déterminant de ces stades.
GBATI relève que la corrélation entre
l'âge et la réussite scolaire de l'apprenant se résume
à la question de savoir si les apprenants les plus âgés
d'une classe ont les meilleurs acquis scolaires ou les meilleurs
résultats. De manière générale, deux thèses
se dégagent à savoir :
- la différence d'âge comme facteur favorisant la
réussite scolaire ;
- l'âge comme facteur secondaire dans la réussite
scolaire.
Ces deux thèses permettent de cerner la relation entre
la performance scolaire et l'âge de l'apprenant.
84 N. GARMEZY et al, 1984, op. cit., p.
111
85 ibidem
86 K. Y. GBATI, 2007, « Scolarisation au CP1
et performances scolaires des élèves au cours primaire à
Lomé au Togo » Revue du CAMES. Nouvelle série B,
Vol. 008 N°1, p.338
44
8. La valeur ajoutée
Du point de vue scientifique, cette étude contribue
d'abord, à mettre à disposition des chercheurs des informations
sur les alternatives éducatives et les dispositifs d'éducation
d'urgence que constituent les classes passerelles. Ensuite, l'identification
des facteurs d'influence de la réussite scolaire et leur mise en
relation contribuent à une meilleure compréhension du
phénomène de l'échec scolaire dans les milieux de
l'étude. Enfin, l'étude explique dans quelle mesure les classes
passerelles constituent des palliatifs aux insuffisances du système
scolaire ou des instruments de renforcement de la scolarisation et de
l'alphabétisation en Côte d'Ivoire. Cet objectif pourrait
être réalisé à travers les atouts que ces
dispositifs présentent en terme curriculaire pédagogique et
organisationnel tout en remédiant aux dysfonctionnements
relevés.
Du point de vue social, l'étude confirme que les
classes passerelles, en tant que dispositif d'éducation d'urgence,
permettent de promouvoir le droit à l'éducation en situation de
crise et offrent aux populations déplacées une prise en charge
scolaire gratuite. L'étude démontre également que les
classes passerelles contribuent à réduire les
phénomènes de déscolarisation, d'analphabétisme et
les difficultés d'accès à l'école. Cela en droite
ligne de l'éducation pour tous.
9. Approche conceptuelle
Cette section définit les termes clés de
l'étude. Ce sont : l'éducation d'urgence, l'alternative
éducative, les classes passerelles, les stratégies de
scolarisation accélérées, la gouvernance scolaire, les
résultats scolaires et la réussite scolaire.
9.1. Education d'urgence
Pour Inter-agency Network for Education in Emergency (INEE)
(2004), le terme « situation d'urgence » est un
générique utilisé pour couvrir deux grandes
catégories de situation, à savoir « les catastrophes
naturelles et les cas d'urgence
45
complexes.87» Les catastrophes naturelles sont
causées par la nature elle-même. Ce sont entre autre, les
ouragans, les typhons, les séismes, les sécheresses et les
inondations. Les cas d'urgence complexes sont des situations
créées par l'homme et résultant souvent de conflits et de
troubles civils qui peuvent être aggravées par une catastrophe
naturelle.
Selon STORTI (2004) « les situations d'urgence, de crise
ou de post-crise échappent au fonctionnement ordinaire, qu'il s'agisse
de catastrophes naturelles ou de conflits. 88» Si les
situations peuvent être variables et si chacune a ses
spécificités, quelques caractéristiques, cependant, sont
récurrentes ; il s'agit de la cessation de fonctionnement des services
publics de base comme les hôpitaux et les écoles, des
difficultés d'approvisionnement, des déplacements des
populations, des destructions des biens privés et des infrastructures,
etc. Les actions d'assistance s'effectuent alors avec beaucoup de
difficulté.
9.2. Classes passerelles
Selon un article publié par l'ONG EPT (2008), la classe
passerelle est « une classe unique récupérant des
déperditions scolaires pour formation spéciale et
réinsertion dans le système formel ; les enseignants,
appelés animateurs sont à la charge de la communauté
appuyée par l'ONG et le bailleur de fonds. 89» Il est
à noter qu'en plus des élèves issus des
déperditions scolaires, la classe passerelle a également des
enfants non scolarisés.
Pour les promoteurs de la classe passerelle (l'ONG EPT et
UNICEF), c'est un dispositif qui s'inscrit dans un processus de scolarisation
accélérée. C'est une école créée
généralement par des communautés ou des organisations non
gouvernementales pour faire face au besoin éducative des enfants non
scolarisés ou dé-
87 INEE, 2004, Normes minimales
d'éducation en situation d'urgence, de crises et de reconstruction,
Londres, DS Print/Redesign, pp.7-8
88 M. STORTI, 2004, « Education en urgence,
Urgence de l'éducation », Droits Fondamentaux, N° 4,
janvier-décembre.
89 EPT, 2008, Projet de création de 50 classes
passerelles dans la DREN d'Odienné, Bouaké, EPT, p. 19
46
scolarisés. Le dispositif est conçu à
l'origine pour les enfants âgés de neuf à quatorze ans. Ce
type d'école ne figure pas sur la carte scolaire officielle du pays. La
classe passerelle a pour objectif, l'intégration des enfants
déscolarisés et non scolarisés dans le système
scolaire officiel.
Les classes passerelles se présentent donc comme un
programme d'éducation d'urgence basé sur l'apprentissage
accéléré. En Côte d'Ivoire, la classe passerelle
offre aux enfants âgés entre neuf et quatorze ans qui n'ont pas eu
accès à l'éducation ou les enfants descolarisés, la
possibilité de faire les deux classes d'un cycle (Cours
Préparatoire, Cours Elémentaire ou Cours Moyen) en une
année scolaire afin de combler un retard scolaire et poursuivre leur
scolarité dans le secteur public. Cette initiative entre dans le cadre
des offres alternatives d'éducative et ces écoles sont
considérées comme des classes à « profil
spéci-fique.90 »
9.3. Stratégies de scolarisation
accélérée (SSA)
Pour l'ONG nigérienne VIE KANDE NI BAYRA (2009) «
la Stratégie de Scolarisation Accélérée (SSA) est
un programme alternatif éducatif 91». Il a pour objectif
de faciliter aux enfants de neuf à douze ans l'accès à une
éducation de qualité. La force et la dynamique du programme dans
sa mise en oeuvre résident dans le fait que les acteurs mettent en
synergie leurs actions qui concourent à la réalisation des
objectifs du projet. Ce type de programme a été
exécuté pour la première fois en 2006 au Niger, au Mali et
au Burkina Faso grâce au financement d'une ONG norvégienne
dénommée la fondation STRÖMME. KOFFI et RAKOTONDRAZAFY
(2016) notent que :
la Stratégie de Scolarisation
Accélérée/Passerelles (SSA/P, promue par la
Fondation Str?mme) de deux niveaux a été
mise en oeuvre pour SSA/P1 d'un an au Mali et au Burkina Faso alors que le
SSA/P2 de deux ans a été mis en
90 Profil spécifique : selon le MENET et
NRC, 2015, le terme renvoie à toutes les formes d'écoles ayant
une cible spécifique ou utilisant des méthodes alternatives pour
enseigner.
91 VIE KANDE NI BAYRA, 2009, « les classes
passerelles » in
http://www.viebayra.org,
consulté le 29 Novembre 2012.
47
oeuvre au Niger. A l'issue du cursus,
l'élève passe le Certificat de Fin d'Etudes du Premier Cycle
(CFEPD). 92
9.4. Réussite scolaire
Le concept de résultat scolaire ramène à
la notion d'évaluation et de performance scolaire. Ainsi
considéré, le résultat scolaire est le résultat de
l'évaluation des apprenants à l'école sur les acquis d'un
programme scolaire ou de formation. La variable résultat s'exprime
généralement en deux modalités qui sont la réussite
et l'échec. Cette évaluation peut être formative ou
sommative. On distingue également les évaluations nationales et
les évaluations non nationales.
Selon ROBERT NE, cité par COUTURIER (2014), la
performance est « le résultat de l'action93 » qui
est généralement quantifiable. Il souligne la
variabilité de la performance et de la signification du résultat
pour aboutir à la conclusion que la performance devrait inclure d'autres
variables que « le résultat mesuré ou quantifié
94».
« Le résultat scolaire est l'expression de la
performance scolaire.95 » C'est l'avis des Partenaires
pour la Réussite Educative en Estrie (PRÉE) et celui des
Partenaires pour la Réussite Educative dans les Laurentides (PREL).
Ceux-ci affirment, au bout de leurs recherches, que le résultat
représente un indicateur de la réussite scolaire. C'est ainsi que
DE LANDSHEERE (1992) définit la réussite scolaires comme : «
une situation où un objectif éducatif a été atteint
96». Pour BOUCHARD et ST AMAN, (1996), la réussite
scolaire est « l'atteinte d'objectifs
92 A. KOFFI et J. RAKOTONDRAZAFY, 2016, «
Offre d'alternatives éducatives en Afrique de l'ouest : Enjeux et
pertinence pour les non scolarisés », l'éducation en
débat : analyse comparée. N°7, pp. 78-79
93 C. COUTURIER, 2014, « Qu'est-ce que la
performance scolaire ? » in http:/epset
socié-té.fr/qu'est-ce-qu-une-performance,
consulté le 30 août 2017.
94 ibidem.
95 PREE et PREL, « réussite scolaire
» in
http://reussitemonteregie.ca/problematique-societale/
consulté le 21 juin 2014.
96 G. DE LANDSHEERE, 1992, « Milieu familial et
réussite scolaire p. 91 » in
http://www.memoireonline.com/02/09/1981/m_Milieu-familial-et-reussite-scolaire5.html,
consulté le 21 juin 2014.
48
de scolarisation, liés à la maîtrise de
savoirs déterminés. C'est à dire au cheminement parcouru
par l'élève à l'intérieur du réseau
scolaire. 97»
Quant à PERRENOUD (2002), tout en admettant que la
performance scolaire est un indice de la réussite scolaire, il propose
deux définitions complémentaires ; l'une au niveau individuel et
l'autre au niveau collectif. Au niveau individuel, « réussissent
ceux qui satisfont aux normes d'excellence scolaire et progressent dans le
cursus. 98,» Au niveau collectif « réussiraient les
établissements ou les systèmes qui atteignent leurs objectifs ou
les atteignent mieux que les autres. 99»
PERRENOUD précise que la complémentarité
des deux définitions tient au fait que la réussite d'un
établissement ou d'un système scolaire est la somme des
réussites des individus qui composent celui-ci. La réussite
scolaire est déterminée par les notes obtenues par les
élèves du dispositif des classes passerelles lors de
l'évaluation de fin d'année. Ces résultats
d'évaluations font l'objet d'analyse eu égard aux taux de
réussite particulièrement élevés dudit
dispositif.
9.5. Education alternative ou alternative
éducative
Selon KOFFI et RAKOTONDRAZAFY (2016), la notion
d'éducation alternative désigne « toutes les approches
pédagogiques qui diffèrent de la pédagogie traditionnelle.
100» Evoquant les caractéristiques de ce type
d'éducation, KOFFI et RAKOTONDRAZAFY notent qu'il est «
centré sur l'apprenant 101» qui participe à la
construction des apprentissages, favorise son autonomie, développe la
créativité et la personnalité, s'adapte au rythme de
chaque apprenant tout en renonçant à l'esprit de
compétition. Ces auteurs soulignent, également, que l'alternative
éducative, par l'intégration de l'école à son
milieu, constitue une ré-
97 P. BOUCHARD et J. C. ST-AMANT, 1996, p 4 » in
http://www.memoireonline.
com/02/09/1981/m_Milieu-familial-et-reussite-scolaire5.html,
consulté le 21 juin 2014.
98 Ph. PERRENOUD, 2002, « Réussir à
l'école, tout le curriculum, rien que le curriculum université de
Genève, p.1, » Texte d'intervention dans le débat
d'ouverture du 10ème colloque de l'association des cadres
scolaires du Québec (ACSQ), Québec 27-29 Novembre 2002
99 idem, p.1
100 A. KOFFI et J. RAKOTONDRAZAFY, 2016, op. cit., pp.
75-77
101 ibidem
49
ponse aux problèmes sociaux comme le chômage, la
déscolarisation et les autres besoins immédiats des apprenants.
Dans cette démarche d'adaptation de l'éducation au milieu
socio-culturel et économique, « l'usage des langues maternelles des
apprenants dans le processus d'apprentissage 102» constitue,
selon AHÏDARA (2007), un moyen approprié. MBAYE (2010) quant
à lui, qualifie l'éducation alternative « d'inclusive et
évolutive 103» dans la mesure où elle «
satisfait des besoins sociaux et se fonde sur la réappropriation de la
fonction éducative par l'ensemble des acteurs concernés et
impliqués 104»
KOFFI et RAKOTONDRAZAFY (2006) distinguent deux types
d'alternatives éducatives à savoir celles qui ont une «
visée d'intégration professionnelle 105» et
celles qui ont pour objectif « l'intégration dans le
système éducatif formel106». Appartiennent au
premier type, les centres préprofessionnels, l'alphabétisation
des adolescents, les écoles communautaires qui sont constituées
de centres d'éducation au développement du Mali, d'écoles
d'initiatives locales du Togo et des écoles communautaires de base du
Sénégal.
Appartiennent au second type, les écoles satellites du
Burkina Faso, les écoles de la seconde chance du Niger et de la
Guinée, les écoles mobiles du Niger et du Mali et les
écoles passerelles du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Bénin
et de la Côte d'Ivoire. Les points communs à toutes ces
alternatives éducatives sont la spécificité de leurs
cibles, l'ancrage des apprentissages dans le milieu de vie et le
développement du savoir-faire et du savoir-être, tout en mettant
l'apprenant au centre du processus d'apprentissage.
102 Y. HAÏDARA, 2007, Education et langue nationales
au Mali. Bamako, Centre de Ressources de l'Education Non formelle,
cité par Adjimon KOFFI et Jocelyne RAKOTONDRAZAFY, 2016,
p. 77
103 M. MBAYE, 2010, Revue documentaire : vers un cadre
conceptuel harmonisé ?, Dakar, Collectif National de l'Education
Alternative Populaire. p. 9.
104 ibidem
105 A. KOFFI et J. RAKOTONDRAZAFY, 2016, op.cit., pp.
78-80
106 ibidem
50
9.6. Gouvernance scolaire
La gouvernance, selon LALANCETTE (2014), se caractérise
par son dynamisme social multidimensionnel. Elle renvoie ainsi, à des
notions comme : « l'accès à l'information, lutte contre la
corruption, ouverture et responsabilité, gestion efficace des
ressources, culture professionnelle, reconnaissance des
générations futures, protection de l'environnement et
développement durable. 107»
Dans le prolongement de ce concept, selon LALANCETTE (2014),
« la bonne gouvernance vise à rendre l'action publique plus
efficace et proche du bien public et de l'intérêt
général. 108» On distingue également la gouvernance
scolaire qui est, selon LALANCETTE (2014),
une gouvernance de proximité qui se réalise
à travers un système de gestion décentralisé
où la régulation conjointe prend place entre les structures de
différents paliers, incluant le niveau local. Elle permet ainsi un
équilibre entre les mouvements ascendants et descendants du
système de gestion. Elle mise sur la professionnalisation, l'autonomie
et la responsabilisation des acteurs locaux de l'éducation. Elle oriente
la mission de l'établissement autour de l'éthique, de la
participation de la communauté, de l'équité et de la
transparence, de l'innovation ainsi que du développement durable. Elle
permet à l'établissement de se donner sa propre couleur, partant
d'une mission commune (celle du système d'éducation) et d'une
vision génératrice d'action (celle de l'équipe
école), afin de répondre aux besoins des élèves, et
ce, en fonction des spécificités de chaque
milieu.109
La gouvernance met la direction d'établissement au
coeur de la mission éducative. De ce fait, elle crée les
conditions optimales et indispensables à la réalisation de cette
mission. On distingue ainsi, deux types de gouvernances
intégrées, à savoir la gouvernance stratégique et
la gouvernance opérationnelle.
Selon LALANCETTE (2014), « La gouvernance
stratégique est l'expression de décisions collectives. Elle se
préoccupe de l'état de réalisation de sa mission, puis des
enjeux et défis du milieu spécifique dans lequel elle se situe.
110» Elle prend en compte les axes comme la planification et
107 L. LALANCETTE, 2014, Gouvernance scolaire au
Québec : Représentations chez les directions
d'établissement d'enseignement et modélisation,
Québec, Bibliothèque et archives nationales du
Québec, p. 15
108 idem, p. 15
109 ibidem
110 idem, p. 17
51
suivi de la performance, la gestion axée sur les
résultats, la reddition des comptes, la gestion des relations externes
et communication, la gestion des partenaires internes et externes et le
développement d'une organisation apprenante.
Toujours selon LALANCETTE, « La gouvernance
opérationnelle concerne le processus d'opération avec comme
résultat visé la réussite de son projet éducatif et
comme finalité la réussite des élèves. Elle est
prise en charge par l'équipe de direction de l'organisation,
c'est-à-dire l'école.111 » Les axes
d'intervention de la gouvernance opérationnelle sont : la gestion des
ressources humaines, la gestion de l'environnement physique, la gestion des
ressources financières, matérielles et informationnelles, la
gestion de la vie étudiante, la gestion des technologies de
l'information et des communications et la gestion des innovations
pédagogiques. Selon le CONFEMEN (2007) :
la bonne gouvernance de l'école passe
nécessairement par l'application des
principes d'éthique dans l'éducation,
l'autonomisation et la responsabilisation des principaux acteurs, en
particulier des chefs d'établissement sco-
laire, la culture de la concertation et du dialogue ainsi
que la mise en valeur d'outils de pilotage. 112
La question de la gouvernance scolaire apparaît ainsi
comme un élément-clé du bon fonctionnement du
système éducatif. En conséquence, l'étude sur les
classes passerelles devrait en tenir compte.
111 L. LALANCETTE, 2014, op. cit., p. 17
112 CONFEMEN, 2007, « Pour une nouvelle dynamique de la
gestion scolaire » in
http://www. confemen.org,
consulté le 01 décembre 2017
52
II. CADRE MÉTHODOLOGIQUE
1. Délimitation du champ de l'étude
1.1. Champ géographique
Les enquêtes ont porté sur un échantillon
de six zones d'intervention des classes passerelles qui constituent des
Directions Régionales de l'Education Nationale (DREN) en Côte
d'Ivoire. Ces DREN sont Bouaké, Duékoué,
Ferkessé-dougou, Man, Odienné et Séguéla. Leurs
situations géographiques se présentent comme suit :
- DREN de Bouaké au centre dans la région de
Gbêkê, une partie de l'ex-région de la vallée du
Bandama, avec pour chef-lieu de la région de Bouaké ;
- DREN Duékoué à l'ouest dans la
région du Guemon, une partie de l'ex-région des Montagnes ;
- DREN de Ferkessédougou au nord dans la région
du Tchologo, une partie de l'ex-région des savanes, avec pour chef-lieu
de région de Ferkessédou-gou ;
- DREN de Man à l'ouest dans la région du
Tonkpi, ex-région des Montagnes, avec pour chef-lieu de la région
de Man ;
- DREN d'Odienné au nord-ouest, chef-lieu de la
région du Kabadougou, ex-région du Denguélé ;
- DREN de Séguéla au nord-ouest dans la
région du Woroba, ex-Worodougou, avec pour le chef-lieu de
Séguéla.
Le choix de ces DREN se justifie par le fait qu'elles ont
abrité des classes passerelles gérées par les deux
promoteurs EPT et NRC dans les zones CNO. Ces zones se composaient, jusqu'en
2011, de sept régions administratives sur les 19 que comptait la
Côte d'ivoire. Il s'agit de la région des Savanes, du
Denguélé, du Bafing, du Worodougou, du Zanzan, des Montagnes et
de la Vallée du Bandama. La carte ci-dessous donne un aperçu de
la zone géographique décrite.
53
Figure 1: la carte de la délimitation des zones Centre,
Nord et Ouest en 2003
Source : Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest, 2003
La zone CNO, appelée « zone de guerre » en
2002/2003 ou plus tard, « zone ex-assiégée » (ZEA),
compte sept régions administratives (les Savanes, la Vallée du
Bandama, les Montagnes, le Zanzan, le Worodougou, le Denguelé et le
Woro-dougou). En 2002, la zone CNO couvre une superficie de 174.673
km2 soit un peu plus de la moitié du territoire de la
Côte d'Ivoire estimé à 322.463 km2. Elle compte
5.370.000 habitants soit moins d'un tiers de la population totale
estimée à 18 millions en 2002. Les cartes suivantes nous donnent
un aperçu zonal des six DREN.
54
Figure 2 : la carte de la région du Gbêkê
Source : Bureau National d'Etudes et de Développement
(BNETD)/ Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT),
2012.
La région de Gbêkê est au centre de la
Côte d'Ivoire. Son chef-lieu de région est Bouaké. Elle
comprend trois chefs-lieux de département et quinze chefs-lieux de
préfecture. Cette région abrite la DREN de Bouaké.
55
Figure 3 : la carte de la région du Guemon
Source : Bureau National d'Etudes et de Développement
(BNETD)/ Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT),
2012.
La région du Guemon à l'ouest de la Côte
d'Ivoire. Son chef-lieu de région est Duekoué. Elle comprend
trois chefs-lieux de département et dix-huit chefs-lieux de
préfecture ; c'est elle qui abrite la DREN de Duekoué.
56
Figure 4 : la carte de la région du Kabadougou
Source : Bureau National d'Etudes et de Développement
(BNETD)/ Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT),
2012.
La région du Kabadougou est au Nord-ouest de la
Côte d'Ivoire. Son chef-lieu de région est Odienné. Elle
comprend quatre chefs-lieux de département et huit chefs-lieux de
préfecture. Cette région abrite la DREN d'Odienné.
57
Figure 5 : la carte de la région du Tchologo
Source : Bureau National d'Etudes et de Développement
(BNETD)/ Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT),
2012.
La région du Tchologo est au Nord de la Côte
d'ivoire. Son chef-lieu de région est Ferkessédougou. Elle
comprend deux chefs-lieux de département et huit chefs-lieux de
préfecture ; c'est elle qui abrite la DREN de Ferkessédougou.
58
Figure 6 : la carte de la région du Tonkpi
Source : Bureau National d'Etudes et de Développement
(BNETD)/ Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT),
2012.
La région du Tonkpi est à l'ouest de la
Côte d'Ivoire. Son chef-lieu de région est Man. Elle comprend
quatre chefs-lieux de département et vingt-huit chefs-lieux de
préfecture. Cette région abrite la DREN d'Odienné.
59
Figure 7 : la carte de la région du Woroba
(ex-worodougou)
Source : Bureau National d'Etudes et de Développement
(BNETD)/ Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT),
2012.
La région du Woroba est au Nord-ouest de la Côte
d'Ivoire. Son chef-lieu de région est Séguéla. Elle
comprend quatre chefs-lieux de département et dix chefs-lieux de
préfecture. La région du Woroba abrite la DREN
Séguéla.
60
1.2. Champ sociologique
Les six DREN ont la particularité d'être des
zones occupées par les forces rebelles lors du conflit armé de
2002. Elles ont donc subi les effets néfastes des conflits que sont la
fermeture d'écoles, le déplacement de population, la
paupérisation, la destruction d'infrastructure
sociaux-économiques de base (écoles, centres de santé,
administrations...). Elles pourraient être qualifiées de zones en
« situation difficile ».
Le milieu de l'étude est particulièrement
marqué par une hausse du taux de pauvreté consécutive aux
crises. Le rapport DSRP fait par FMI (2009) en témoigne en ces termes :
« Comparativement à 2002, la pauvreté s'est accrue au niveau
des pôles de développement, particulièrement dans les
pôles de développement occupés. 113» Ledit
rapport nomme ces régions et précise leurs taux de
pauvreté comme suit :
Tableau III: taux de pauvreté des différentes
régions des années 2002 et 2008
Pôle de développement
|
Chef-lieu
|
2002
|
2008
|
Ville d'Abidjan
|
Abidjan
|
14,90
|
12
|
Centre-Nord
|
Bouaké
|
32
|
57
|
Centre-Ouest
|
Daloa
|
50,30
|
62,90
|
Nord-Est
|
Bondoukou
|
56,5
|
54,70
|
Nord
|
Korhogo
|
40,30
|
77,30
|
Ouest
|
Man
|
64,40
|
63,20
|
Sud
|
Abidjan
|
30,30
|
44,60
|
Sud-Ouest
|
Sans Pedro
|
41,30
|
45,50
|
Centre
|
Yamoussoukro
|
41,40
|
56
|
Centre-Est
|
Abengourou
|
44,90
|
53,70
|
Nord-ouest
|
Odienné
|
51,90
|
57,90
|
Ensemble Côte d'Ivoire
|
|
38,40
|
48,9
|
Source : FMI, 2009, Côte d'Ivoire : Stratégie de
Réduction de la Pauvreté. Rapport d'Etape au titre de
l'année 2009, Washington, FMI services de publication. p. 7
113 FMI, 2009, Côte d'Ivoire : Stratégie de
Réduction de la Pauvreté. Rapport d'Etape au titre de
l'année 2009, Washington, FMI services de publication. p. 7
61
Commentant les chiffres susmentionnés, le FMI
relève ceci:
en 2008, huit pôles de développement sur dix
ont un taux supérieur à 50% contre quatre en 2002. Parmi ces
pôles, celui du nord est le plus touché par le
phénomène de pauvreté avec près de 4 pauvres sur 5
personnes en 2008. Ce pôle est suivi par ceux de l'ouest (63,20%) ; du
Centre-Ouest (62,90%) ; du Nord-Ouest (57,90%) ; du Centre- Nord (57%) et du
Nord-Est (54,70%).114
Le milieu de l'étude est économiquement faible.
Cette situation a une incidence sur la capacité des populations à
assumer la scolarisation des enfants en l'absence de structures
éducatives publiques. Cet effet néfaste sur l'éducation se
manifeste en termes de souffrance d'offre éducative. Pour la zone CNO,
cette insuffisance infrastructurelle se traduit, selon BI et al (2003), par le
fonctionnement de « 32,60% d'établissements scolaires
primaires.115 » Le rapport de l'UNICEF sur l'état des
lieux de l'éducation de base en 2007 confirme cette situation en ces
termes : « L'insuffisance de l'offre est plus prononcée dans la
zone CNO en raison de la dégradation des infrastructures scolaires et du
départ massif des enseignants qualifiés.116 »
De même, le RESEN 2016 décrit la situation des
écoles dans les zones CNO comme suit après les conflits de 2002
et 2010 :
en termes d'impact sur le système éducatif,
si une baisse nette des effectifs scolaires après la crise de 2002 a
été constatée, les niveaux de scolarisation ont
été très peu affectés par la crise de 2010. En
effet, durant la crise de 2002, outre les déplacements massifs des
populations, pour qui l'éducation des enfants devenait secondaire, les
fermetures des directions régionales de l'éducation de Bouake, de
Korhogo, d'Odienné, et Man et des directions départementales de
Bouna, Katiola et Séguéla, ont entrainé dans leur sillage
celles de 40 inspections primaires, 3 CAFOP (Centre d'Animation et de Formation
Pédagogique), 2.768 écoles primaires publiques, et 80
lycées et collèges.117
114 FMI, 2009, op.cit., p. 7
115 E. BIH et al, 2003, Etude sur l'égalité des
sexes dans le domaine de l'éducation en Côte d'Ivoire,
Abidjan, ROCARE, pp.39-40
116 UNICEF, 2008, op. cit., p.5
117 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p.3
62
Les illustrations qui suivent nous donnent un aperçu de
l'état de dégradation des infrastructures éducatives en
2009.
Figure 8 : baraque aménagée pour servir de salle de
classe à l'EPP Kamonoukro de Bouaké en 2009
Source : données de terrain, 2008-2014
63
L'existence de cette baraque traduit l'impuissance de
l'administration scolaire à faire face à l'accroissement des
effectifs des élèves et le manque d'infrastructures. A Bamoro, la
situation n'est guère reluisante.
Figure 9 : un bâtiment entier dégradé
à l'EPP Bamoro, DREN de Bouaké en 2009
Source : données de terrain, 2008-2014
64
Cette image montre l'état de dégradation
avancée des infrastructures dans les zones CNO en 2009. L'effet
néfaste des conflits s'exprime également en termes de retard de
scolarisation comme le révèle le rapport d'analyse 2008/2009 sur
l'état de l'école en Côte d'Ivoire : « le
phénomène de scolarisation tardive pourrait s'expliquer d'une
part, par la crise sociopolitique qu'a connue la Côte d'Ivoire depuis
2002, et d'autre part, par la création d'écoles communautaires
répondant au besoin de scolarisation des enfants en zones
défavorisées ...118»
On note que ces retards de scolarisation ont laissé
hors du système scolaire conventionnel un grand nombre d'enfant dans les
zones CNO. Depuis 2002, à ce phénomène est associée
la déscolarisation estimée, selon COEN (2005) à «
plus de 700.000 enfants. 119» Le RESEN 2016 montre qu'en 2014,
« environ 1,45 million de jeunes de 6 à 15 ans ne sont pas
scolarisés. (...) Ce sont des jeunes [garçons] et filles issues
de familles pauvres, vivant dans les régions rurales du Nord
120» pour la majorité. Un autre phénomène
accentué en zone CNO, est le déficit des enseignants du primaire
comme relevé par le MEN (2009) en ces termes : « Le déficit
d'enseignants au primaire public est estimé à près de
33,8%. Celui des zones CNO représente 48,4% du défit total.
121»
Toutes ces spécificités font de la CNO un milieu
d'attention pour la recherche dans le domaine de l'éducation. Par
ailleurs, Nous présentons les indicateurs de performance de
l'éducation de ces six DREN pour plus de précision.
DREN de Bouaké : selon la DREN, au
moment du lancement des classes passerelles en 2006, la DREN de Bouaké
se compose de 11 Inspections d'Ecole Primaire (IEP), 611 écoles
primaires publiques, 2.934 salles de classe, 101.953 élèves dont
42.376 filles, 1.466 instituteurs titulaires et 1.211 instituteurs
bénévoles. Le taux de réussite au CEPE en 2006 est
estimé à 43,33%. En outre, la
118 MEN, 2009, L'état de l'école en
Côte d'Ivoire : Rapport d'analyse 2008/2009, Abidjan, MEN. p. 23
119 B. COEN, 2005, « Après trois ans de conflit,
les enfants de Côte d'Ivoire retournent à l'école » in
http://www.unicef.org/french/infobycountry/cote
divoire_30572, consulté le 10 février 2012.
120 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 51
121 MEN et DIPES, 2009, op. cit., p. 31
65
DREN enregistre la présence de Partenaires Techniques
et Financiers (PTF) comme Save The Children Suède, la Force Licorne, UK,
PAM, GEED, CARITAS, UE, UNICEF, PNUD-ACM, la Coopération
Française, Suède-NRC, EPT et OCHA pour relancer
l'éducation. Selon le MENET (2013), en 2012/2013, le district de la
vallée du Bandama qui couvre la DREN de Bouaké compte « 944
écoles primaires, 5.011 classes, 196.217 écoliers dont 48.844
sans extrait de naissance, 80.000 filles et 5.575 instituteurs. 122»
DREN de Duékoué : elle forme
avec la DREN de Man, le district des Montagnes. Selon le MENET
(2013)123, en 2012/2013, ce district compte 1.272 écoles
primaires, 7.238 salles de classe, 26.7549 écoliers dont 144.330 sans
extrait de naissance, 120.000 filles et 7.213 instituteurs. La zone enregistre
la présence de Partenaires Financiers et Techniques comme NRC, GFM3,
ADPF, SPPD, GTZ, PAM, UE etc. pour relancer l'éducation et soutenir les
classes passerelles.
DREN de Ferkessédougou : selon le
MENET (2013), en 2012/2013, cette DREN compte, en association avec celle de
Korhogo qui composent le district des Savanes, « 786 écoles
primaires, 3.526 salles de classes, 153.489 écoliers dont 41.951 sans
extrait de naissance, 70.000 filles et 3.599 instituteurs. 124»
DREN de Man : en 2006, selon le Directeur
Régional de l'Education de Man, cette DREN se compose de 7 Inspections
d'Ecole Primaire, 370 écoles primaires publiques, 1.850 salles de
classe, 79.429 élèves dont 31.539 filles, 617 instituteurs
titulaires et 1.179 instituteurs bénévoles. Le taux de
réussite au CEPE pour 2008 est de 72%. Par ailleurs, les partenaires
techniques et financiers comme Save The Children, PAM, UNICEF et OCHA
interviennent dans les efforts de reprise de l'éducation. Cette DREN
appartient au district des Montagnes. Selon le MENET (2013), en 2012/2013, ce
district compte « 1.272 écoles primaires, 7.238
122 MENET, 2013, « Statistiques de poche, pp. 70-75. »
in
http://www.men-depes.org,
consulté le 01 octobre 2016
123 ibidem
124 ibidem
66
salles de classe, 26.7549 écoliers dont 144.330 sans
extrait de naissance, 120.000 filles et 7.213 instituteurs. 125»
DREN d'Odienné : En 2006, selon le
Directeur Régional de l'Education d'Odienné, cette DREN se
compose de : 2 Inspections d'école primaire, 210 écoles primaires
publiques, 780 salles de classe, 22.703 élèves, 709 instituteurs
titulaires. La DREN réalise en 2006, 68,19% de taux de réussite
au CEPE. En outre, la DREN enregistre la présence de Partenaires
Techniques et Financiers comme Save The Children, UK, PAM, GEED, CARITAS, UE,
UNICEF, Texaco, JRS et OCHA pour soutenir les efforts de reprise de
l'éducation. Selon le MENET (2013) en 2012/2013, le
Denguélé compte « 262 écoles primaires, 1.165
classes, 37.735 écoliers dont 17.535 sans extrait de naissance, 20.000
filles et 1.113 instituteurs. 126»
DREN de Séguéla : selon le
MENET (2013)127, en 2012/2013, le Woroba compte 616 écoles
primaires, 2.544 classes, 88.689 écoliers dont 37.846 sans extrait de
naissance, 47.000 filles et 2.564 instituteurs. C'est une zone qui a des
indicateurs performants en termes d'infrastructures et des ressources humaines
puisque le Ratio Elève/Maître (REM) et le Ratio
Elève/Classe (REC) sont de 35 : 1, un chiffre qui est nettement mieux
que la moyenne du REM nationale estimée à 42 :1. Ce qui retient
également l'attention est la proportion importante d'enfants sans
extrait de naissance soit 42,67%.
En somme, pour les six DREN, on constate une nette
augmentation des infrastructures scolaires et des effectifs des enseignants qui
accompagne l'accroissement des effectifs d'élèves. Toutefois, la
demande massive d'éducation entraine une insuffisance d'offre
éducative que le système scolaire tente de remédier en
vain.
125 MENET, 2013, op. cit., pp. 70-75
126 ibidem
127 ibidem
67
2. Ancrage théorique
En lien avec l'objectif général de
l'étude, il a été fait recours à une analyse
fonctionnelle et une analyse stratégique. La première a
consisté à comprendre la fonction des classes passerelles en tant
qu'alternative éducative et dispositif d'éducation d'urgence.
Cette analyse s'est effectuée par la définition des rôles
des acteurs, l'identification des interactions entre ces acteurs et la
clarification des missions assignées au dispositif des classes
passerelles. Ladite analyse permet de mieux appréhender les motivations
des acteurs, leurs relations réciproques pour atteindre la mission
d'intégration des apprenants dans le système scolaire
conventionnel.
La seconde a consisté à proposer des
stratégies en vue du renforcement du système scolaire par le
biais des classes passerelles. Elle est fondée sur l'analyse des
difficultés de mise en oeuvre des classes passerelles et les
propositions des acteurs qui en découlent. Ces propositions sont
relatives à des considérations cur-riculaires et
environnementales. Cela permet non seulement d'impliquer les acteurs à
la consolidation des dispositifs des classes passerelles, mais aussi
d'élaborer des stratégies pour intégrer les classes
passerelles dans le système scolaire conventionnel en vue de son
renforcement.
3. Méthodes et instruments de collecte de
données
La méthode retenue, dans le cadre de cette
étude, est l'échantillonnage aléatoire simple. C'est un
type d'échantillonnage probabiliste qui nous a permis de
sélectionner les classes passerelles de manière
indiscriminée, offrant ainsi à chaque classe de faire partie de
la population cible. Pour mener à bien cette étude, nous avons eu
recours à des techniques et des outils comme le montre le tableau
suivant :
68
Tableau IV : techniques et outils de collectes de
données
Techniques
|
Outils
|
Observation
|
Grille d'observation
|
Etude documentaire
|
Grille d'examen documentaire
|
Entretien
|
Guide d'entretien
|
Enquête par questionnaire
|
Questionnaire
|
Mesure des attitudes
|
Echelle d'attitudes
|
Source : données de terrain, 2008-2014
Pour collecter les données de cette étude, les
techniques suivantes ont été utilisées : l'entretien,
l'observation, l'analyse documentaire, l'enquête par questionnaire et la
mesure des attitudes. Pour chacune des techniques, un outil a été
utilisé. Il s'agit de : la grille d'observation, la grille d'examen
documentaire, le guide d'entretien, le questionnaire et l'échelle
d'attitudes.
3.1. Observation et grille d'observation
Bien qu'il ait une multitude de définitions, nous
retenons celle de MARTINEAU (2004) qui qualifie l'observation d'un « outil
de cueillette de données où le chercheur devient le témoin
des comportements des individus et des pratiques au sein des groupes en
séjournant sur les lieux mêmes où ils se déroulent.
128»
On distingue l'observation directe non participante où
le chercheur ne participe pas à la vie du groupe observé et
l'observation participante où le chercheur participe à la vie du
groupe observé. L'observation directe des classes passerelles nous a
permis de constater leur fonctionnement au plan pédagogique. C'est une
activité qui a porté sur plusieurs classes passerelles et dans
différentes zones.
128 S. MARTINEAU, 2004, « L'observation en situation :
enjeux, possibilités et limites.», Actes du colloque
l'instrumentation dans la collecte des données, UQTR, Recherches
qualitatives, hors série/2, p. 6
69
La grille d'observation est utilisée pour l'observation
directe. MARTINEAU (2004) distingue la grille d'approche et la grille
systématique. Selon lui, la grille d'approche sert à «
baliser l'espace physique [en indiquant] les caractéristiques d'un lieu
d'observation ou les moment clés dans une communauté.
129» La grille systématique est « un programme
d'observation à savoir qu'elle identifie les dimensions ou les
éléments du phénomène à observer.
130»
Dans le cas des classes passerelles, nous avons eu recours
à la grille systématique pour recueillir les données
relatives au fonctionnement des classes passerelles. Il s'agit notamment, de la
gestion de la classe, la disponibilité des intrants et l'attitude des
élèves. Cela a servi les axes thématiques que sont la
présentation du système scolaire conventionnel et celle des
classes passerelles, les raisons de la mise en oeuvre de celles-ci, ainsi que
les difficultés de mise en oeuvre et les stratégies des acteurs
(cf. annexe 7).
3.2. Etude documentaire et grille d'examen documentaire
Selon N'DA (2002), l'étude documentaire porte sur
« toute source de renseignement déjà existante à
laquelle le chercheur peut avoir accès. Ces documents peuvent donc
être sonores, visuels, audio-visuels, écrits ou des objets.
131»
Elle a consisté à sélectionner et
exploiter les documents qui présentent le fonctionnement interne des ONG
promotrices et le projet des classes passerelles ainsi que les travaux
précédents relatifs au thème de l'étude afin de
constituer une banque de données fiables. Pour ce faire, nous avons eu
recours à une grille d'examen documentaire. Par ailleurs, les sources
multimédia ont permis de diversifier les sources et d'enrichir la base
de données. Elles nous ont ainsi permis d'avoir accès aux
données statiques relatives au corpus.
129 S. MARTINEAU, 2004, op. cit., p. 8
130 ibidem
131 P. N'DA, 2002, Méthode de la recherche : de la
problématique à la discussion des résultats. Abidjan,
EDUCI, p. 75
70
La grille d'examen documentaire qui servi d'outil, permet au
documentaliste de recenser tous les documents parcourus, de les classer selon
les types d'information et de mettre la synthèse de ces informations
à la disposition de l'étude. Sur cette grille, apparaissent les
thèmes, les sources, les idées essentielles et les
commentaires.
La grille d'examen documentaire a permis de recenser la
documentation relative au thème de recherche. Elle a aussi permis de les
classer selon les sous-thèmes de la revue de littérature. Cette
grille a, enfin, servi dans les axes thématiques tels que : la
présentation des classes passerelles et du système scolaire
conventionnel, les raisons de la mise en oeuvre des classes passerelles, les
difficultés de mise en oeuvre et les stratégies des acteurs. (cf.
annexe 6)
3.3. Entretien et guide d'entretien
L'entretien semi-directif qui a été
utilisé dans cette étude est, selon N'DA (2002), une technique
d'entretien par laquelle « le chercheur dispose, habituellement, d'un
guide d'entretien (questions-guides) relativement ouvert qui permet de
recueillir les informations nécessaires. Mais il ne posera pas forcement
toutes les questions dans la formulation et l'ordre prévus (...)
132». En outre, N'DA souligne la souplesse de cette technique
qui consiste, d'une part, à permettre à l'interviewé de
s'exprimer librement dans le cadre du sujet et d'autre part, à donner la
possibilité au chercheur de poser des questions additionnelles à
partir des réponses de l'interviewé.
Différents entretiens semi-directifs ont
été réalisés avec trois cibles, à savoir les
promoteurs EPT/NRC, les élèves des classes passerelles et les
responsables de COGES. Ces entretiens se présentent comme suit :
- les promoteurs des classes passerelles : une série de
questions a été administrée aux deux promoteurs des
classes passerelles qui sont NRC et EPT. Ces entretiens ont permis de collecter
des données sur l'organisation des
132 P. N'DA, 2002, op. cit., pp. 87-88
71
classes passerelles, ainsi que leurs objectifs. Il s'agit
d'entretiens libres ou non directifs ;
- les élèves des classes passerelles :
soixante-douze focus groups ou entretiens dirigés de groupes
ont été réalisés avec les élèves pour
recueillir leurs impressions sur leurs conditions d'étude et leur
passé scolaire. Les focus groups sont constitués de six
à huit élèves afin de maximiser l'interaction entre les
participants.
- les responsables de COGES : des entretiens ont
été réalisés avec cinquante-huit comités de
gestion des classes passerelles. Cela a permis de recueillir des données
sur leur rôle dans le dispositif organisationnel des classes
passerelles.
Le guide d'entretien est l'outil utilisé pour
l'entretien afin de recueillir les données. Selon N'DA (2002), il est
conçu de manière « relativement ouvert. 133» Il permet
au chercheur d'orienter son interview. Différents guides d'entretien
semi-directifs ont été adressés aux promoteurs des classes
passerelles, aux inspecteurs d'école primaire, aux élèves
et aux responsables de COGES, en vue de re-
cueillir des données qualitatives ; lesquelles
données sont relatives à l'organisation et le fonctionnement
des classes passerelles ainsi qu'au contexte de leur mise en oeuvre. Le guide
d'entretien a servi dans les axes thématiques que sont la
présentation du système scolaire conventionnel et celle des
classes passerelles, les raisons de la mise en oeuvre des classes passerelles,
ainsi que les difficultés de mise en oeuvre et les stratégies des
acteurs. (cf. annexes 2, 3, 4 et 5)
3.4. Enquête par questionnaire et questionnaire
L'enquête, selon N'DA (2002), est « une quête
d'informations réalisée par interrogation systématique de
sujets d'une population déterminée. [Elle] favorise l'utilisation
du questionnaire, du sondage et de l'entretien.134» Dans le
cadre de notre étude, l'enquête par questionnaire a
été réalisée au niveau des animateurs
133 P. N'DA, 2002, op. cit., p. 87
134 idem, p. 62
72
des classes passerelles. Un questionnaire a, ainsi,
été adressé à soixante-huit animateurs pour
s'imprégner de leurs conditions de travail et du fonctionnement des
classes passerelles.
MUCCHIELLI (1979) définit le questionnaire comme «
une suite de propositions, ayant une certaine forme et un certain ordre, sur
lesquelles on sollicite l'avis, le jugement ou l'évaluation d'un sujet
interrogé. 135» On distingue le questionnaire à
réponses fermées qui donne le choix entre deux ou plusieurs
modalités et le questionnaire à réponses ouvertes qui
laisse le libre choix au répondant de formuler sa réponse. Nous
avons eu recours au questionnaire à réponses fermées qui a
permis la collecte de données de type quantitatif. Il a
été adressé aux animateurs des classes passerelles. Le
questionnaire a fourni des données dans les axes thématiques
relatifs aux raisons de la mise en oeuvre des classes passerelles ainsi qu'aux
difficultés de mise en oeuvre et aux stratégies des acteurs. (cf.
annexe 1)
3.5. Mesure des attitudes et échelle d'attitudes
Selon YAPO (2003), « La mesure des attitudes a trait
à quelques principes et à toute une série de techniques
qui permettent de mettre en rapport des réponses à un
questionnaire et de classer les sujets qui y répondent.
136» Dans le cadre de notre étude, elle a
consisté à soumettre, à l'appréciation des
encadreurs pédagogiques des classes passerelles, neuf variables
identifiées comme des facteurs susceptibles d'influencer les
performances des élèves. Une échelle d'attitudes a
été administrée aux encadreurs pédagogiques en vue
d'obtenir des données de type qualitatif. C'est la méthode des
classements additionnés ou échelle de LIKERT. N'DA (2002) la
définit comme suit :
les propositions sont soumises à l'approbation du
sujet. Celui-ci exprime son opinion par rapport à chaque proposition
grâce à l'une des cinq catégories suivantes : approuve
fortement, approuve, indécis, désapprouve, désapprouve
fortement. (...) Les propositions ne sont pas ordonnées en fonction de
leur charge d'attitude. Elles sont censées toutes explorer les attitudes
au
135 R. MUCCHIELLI, 1979, Le questionnaire dans
l'enquête psychosociale, Paris, Librairie Techniques et Editions
EST. p. 84
136 Y. YAPO, 2003, Manuel pratique pour l'étude des
repréentations sociales à l'usage des étudiants de
psychologie sociale des 2ème et 3ème
cycles, Abidjan, ENS, p. 324
73
même titre. On obtient le score de chaque sujet en
additionnant ses notes partielles, c'est-à-dire dans les
différentes propositions. 137
Dans cette étude, les propositions sont
constituées par des facteurs d'influence de la performance scolaire,
à savoir : l'aptitude, l'organisation et la pédagogie. Ceux-ci se
déclinent en neuf variables. Les catégories sont construites sur
une échelle variant d'un à cinq points pour exprimer leur
degré d'influence (cf. annexes). L'échelle d'attitudes a fourni
des données dans l'axe thématique relatif aux raisons de la mise
en oeuvre des classes passerelles. Les résultats de cette
appréciation des attitudes des acteurs par rapport au rendement interne
a débouché sur des propositions qui s'inscrivent dans l'axe
thématique des difficultés de mise en oeuvre et celui des
stratégies des acteurs. (cf. annexe 8)
4. Etapes de l'étude
4.1. Pré-enquête
L'enquête exploratoire a commencé le 06
février 2008 dans la zone de Bouaké. Elles ont pris fin le 30
février 2009. Le tableau suivant nous donne un aperçu du
chronogramme.
Tableau V : Chronogramme de l'enquête exploratoire
Localité
|
Activités
|
Périodes
|
Bouaké
|
Entretiens avec l'ONG EPT
|
06/02/2008 et 13/02/2008
|
Entretiens avec NRC
|
01/03/2008 et 20/03/2008
|
Entretiens avec UNICEF
|
03/04/2008
|
Questionnaires et entretiens dans les sites passerelles
EPT
|
Du 08/04/2008 au 29/07/2008
|
Questionnaires et entretiens dans les sites passerelles
NRC
|
Du 08/04/2008 au 29/07/2008
|
Ajustement des outils
|
Du 10 au 25/01/2009
|
Elaboration du budget de recherche
|
Du 05 au 30/02/2009
|
Source : données de terrain, 2008-2009
137 P. N'DA, 2002, op. cit. p. 97.
74
L'enquête exploratoire a consisté à
recueillir le maximum d'information au-
près des promoteurs des classes passerelles (NRC, EPT et
UNICEF) ainsi que des
acteurs sur les sites passerelles. Cette enquête
exploratoire a permis:
- l'utilisation les outils de collecte de données ;
- la vérification du niveau de maîtrise de ces
outils ;
- le réajustement et l'amélioration des questions
;
- et l'élaboration du budget de recherche.
En prélude aux enquêtes, nous avions
déjà demandé et obtenu du MEN, de notre directeur
scientifique, de la direction des promoteurs EPT et NRC, les autorisations
d'enquête. (cf. annexes 9, 10, 11 et 12)
4.2. Enquête
C'est le 14/03/ 2008 que les enquêtes ont
été lancées. Les différentes zones d'implantation
des classes passerelles ont été visitées selon le
calendrier ci-dessous :
75
Tableau VI : chronogramme des enquêtes dans les zones
d'implantation des classes passerelles
Localités
|
Activités
|
2008
|
2009
|
2012
|
2013
|
2014
|
Bouaké
|
Entretiens et questionnaires
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
Collecte des résultats scolaires
|
|
X
|
|
|
|
Séguéla
|
Entretiens et questionnaires
|
|
X
|
|
|
|
Collecte des résultats scolaires
|
|
X
|
|
|
|
Odienné
|
Entretiens et questionnaires
|
|
X
|
|
|
|
Collecte des résultats scolaires
|
|
X
|
|
|
|
Duékoué
|
Entretiens et questionnaires
|
|
X
|
|
|
X
|
Collecte des résultats scolaires
|
|
X
|
|
|
X
|
Ferkessédougou
|
Entretiens et questionnaires
|
|
|
|
|
X
|
Collecte des résultats scolaires
|
|
|
|
|
X
|
Man
|
Entretiens et questionnaires
|
|
|
|
X
|
|
Collecte des résultats scolaires
|
|
|
|
X
|
|
Source : données de terrain, 2008-2014
Les enquête ont démarré en 2008 et ont
continué jusqu'en 2014 dans les 6 localités cibles des classes
passerelles à savoir Bouaké, Séguéla,
Odienné, Dué-koué, Ferkessédougou et Man. Elles ont
permis de collecter des données sur les promoteurs des classes
passerelles, leurs résultats scolaires et leur fonctionnement.
Tableau VII : chronogramme des enquêtes dans les
organisations non gouvernementales
ONG
|
ACTIVITES
|
2008
|
2009
|
2012
|
2013
|
2014
|
EPT
|
Entretiens
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
NRC
|
Entretiens
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
UNICEF
|
Entretiens
|
|
X
|
|
|
|
Source : données de terrain, 2008-2014
76
Les enquêtes auprès des ONG ont ciblé les
organisations promotrices des classes passerelles à savoir l'ONG Ecole
Pour Tous (EPT), le Conseil Norvégien des Refugiés (CNR) et
l'UNICEF. Ces entretiens ont été réalisés de 2008
à 2014 afin de suivre l'évolution des classes passerelles et
comprendre les motivations des acteurs.
5. Echantillonnage
5.1. Choix des techniques d'échantillonnage
La technique d'échantillonnage retenue dans le cadre de
cette étude est l'échantillonnage aléatoire simple. Cette
technique nous a permis de sélectionner les classes passerelles de
manière indiscriminée, offrant à chacune d'elles de faire
partie du corpus.
5.2. Critères de choix et construction de
l'échantillon
L'échantillon a été constitué en
tenant compte des cibles principales et des cibles secondaires. Le choix des
cibles principales se traduit en termes d'acteurs internes au fonctionnement
des classes passerelles. Sont considérés comme cibles
secondaires, les acteurs externes qui contribuent à la
compréhension de l'environnement de la mise en oeuvre des classes
passerelles. Le tableau suivant présente les deux catégories de
cibles constitutives de l'échantillon.
77
Tableau VIII : récapitulatif de la taille des
échantillons
|
Cibles Principales
|
Cibles secondaires
|
Classes
Passerelles
|
Promoteurs classes
passerelles
|
Animateurs
|
Elèves
|
Encadreurs pédagogiques
|
Responsables COGES
|
Population mère
|
551
|
02
|
551
|
19 474
|
50
|
551
|
Echantillon initial
|
75
|
02
|
75
|
2250
|
35
|
60
|
Echantillon effectif
|
72
|
02
|
68
|
2113
|
30
|
58
|
Ecarts
|
3
|
0
|
7
|
137
|
5
|
2
|
Source : données de terrain 2008-2014
Le tableau fait apparaître cinq cibles principales et
une cible secondaire avec des écarts d'échantillonnage obtenus
à partir des différences entre les effectifs prévus et les
effectifs réels. Ces deux catégories sont
présentées par les sections suivantes.
5.2.1. Populations cibles principales
Cinq cibles principales sont retenues. Ce sont : les classes
passerelles EPT/NRC, les promoteurs EPT/NRC, les encadreurs
pédagogiques, les animateurs et les élèves des classes
passerelles. Les six zones d'intervention des classes passerelles sont :
Bouaké, Duékoué, Ferkessédougou, Man,
Odienné et Séguéla. Le tableau suivant nous donne un
aperçu desdites zones d'intervention.
78
Tableau IX : liste des classes passerelles échantillons
selon la zone d'intervention
DREN
|
Noms des classes passerelles
|
Effectifs classes
|
Effectifs élèves
|
BOUAKE
|
Tabako, Allakro, Dar-Es-Salam 3, Aboliba, Minankro, Koko 1,
Mamiénou, Kamonoukro, Tollakouadiokro, Liberté,
N'gattaSakassou, Dar-Es-Salam 2, Dougouba
|
13
|
388
|
ODIENNE
|
Gbelela, Samesso, Jérusalème, Kadiola,
Baradian, Bassekodougou, Yagbédougou, Bromakoté,
Mamoya, Gbaga, Iradougou
|
11
|
335
|
FERKESSEDOUGOU
|
SUCAF 1, SUCAF 2, Ferké gare,
Torlanoumousso, Djedougou 1, Djedougou 2, Bakaryvogo 1, Bakaryvo- go 2,
Bramavogo, Ouangolosso
|
10
|
287
|
DUEKOUE
|
Duekoue 2, Résidentiel marché, Guemon,
municipali- té, carrefour, Toguei, Perethete, YahFany, Petit
Due- koue, Baoubli, Dahoua, Guitronzon, Blodi,Pinhou, Niambli.
|
15
|
455
|
SEGUELA
|
Drissasso, Mamouroula, Linguékro, Battesti,
Kavena, Téguela, Messoromasso, Soba-Banandjé,
Gbaingoro, Diarabana, CPT Sirili
|
11
|
291
|
MAN
|
Petit Bapleu 1, Kpangoui 1, Bigouin, Fagnampleu, Glayogouin,
Glongouin, Kogouin, Blocosso, Koko 3, Gouétimba, Zagoué
|
12
|
357
|
TOTAL
|
72
|
2113
|
Source : données de terrain, 2008-2014
On note au total que 72 classes et 2113 élèves
constituent l'échantillon avec une répartition sur 6 zones.
L'analyse des populations cibles principales se présente comme suit :
l'échantillon des classes passerelles :
ce sont 72 sites qui constituent l'échantillon effectif sur 551
initialement prévus. L'écart de 3 points s'explique par les
difficultés d'accès à certains sites. En effet, certaines
classes passerelles sont situées dans des villages difficiles
d'accès du fait de la rareté des véhicules ou du mauvais
état des routes ;
l'échantillon des promoteurs des classes
passerelles : ce sont 2 promoteurs qui constituent
l'échantillon effectif sur 2. Aucun écart n'est constaté
du fait des faci-
79
lités d'accès aux promoteurs. Les promoteurs EPT
et NRC nous ont effectivement accordé des entretiens et ont permis la
visite des sites passerelles sous leur responsabilité ;
l'échantillon des animateurs des classes
passerelles : ce sont 68 animateurs qui constituent
l'échantillon effectif sur 551. L'écart de 7 points se justifie
par une absence de 7 animateurs au moment des enquêtes ;
l'échantillon des élèves
: l'effectif élève des 72 classes de
l'échantillon est estimé à 2113. L'écart est
estimé à 137 élèves du fait de
l'inaccessibilité de certaines classes passerelles ciblées au
départ. Des focus groups ont été
réalisés avec ces élèves pour comprendre leurs
motivations et leur condition d'étude ;
l'échantillon des encadreurs
pédagogiques : il s'agit des coordonnateurs, des superviseurs
et des formateurs des classes passerelles. 35 encadreurs ont constitué
l'échantillon initial et 30 ont effectivement participé à
l'enquête à travers une échelle d'attitudes. L'écart
de 5 points s'explique par l'indisponibilité des encadreurs
concernés au moment des enquêtes.
5.2.2. Population cible secondaire
L'échantillon des COGES des classes passerelles
: Ce sont 58 COGES qui constituent l'échantillon effectif.
L'écart de 2 points se justifie par une indisponibilité des
responsables des COGES concernés au moment des enquêtes.
80
6. Traitement des données
L'étude a été menée dans une
démarche hypothético-déductive qui comporte, selon
DEPELTEAU (2000), « la question de départ, la formulation des
déductions ou des inductions, la formulation des théories ou des
hypothèses, la vérification des hypothèses et la
confirmation ou l'infirmation des théories ou des hypothèses.
138»
C'est dans cette démarche que les données ont
été recueillies aux moyens d'outils déjà
cités. Le traitement de ces données s'est fait en cinq
étapes à savoir :
- la saisie des données : elle s'est faite au moyen des
outils informatiques à
savoir les logiciels Word et Excel qui ont
facilité ce travail ;
- le codage : il a servi dans l'analyse qualitative. Il s'est
fait en fonction des thèmes et des activités. Les termes ont
joué le rôle de catégories et les activités ont
servi de sous-catégories. Les codes ont été formés
par les deux premières lettres de chaque catégorie ou
sous-catégorie. Le codage a permis d'organiser et de classer nos
données afin de les interpréter.
- la classification : les données ont été
classifiées soit selon la région, soit selon le promoteur de
classe passerelle, soit selon les objectifs spécifiques de
l'étude ;
- la recherche de correspondances entre les variables : elle
s'est opérée à travers des tableaux croisés. Il
s'est agi de faire correspondre aux élèves et animateurs des
variables comme l'âge, le sexe, le résultat scolaire et le niveau
d'étude ;
- la mise en relation des données : cette étape
a consisté à créer des liens entre les différents
axes définis par nos objectifs spécifiques à savoir: la
comparaison des deux types d'école, les raisons de la mise en oeuvre des
classes passerelles, les difficultés de leur mise en oeuvre et les
stratégies de renforcement.
138 F. DEPELTEAU, 2010, « La démarche d'une recherche
en sciences sociales. Collection De Boeck (nouvelle édition) » in
http://www.alphasociologie.blogspot.com/2011/01/3-grandes-demarches-scientifiques-la.html,
consulté le 16 mars 2014.
81
Outre l'analyse de contenus qui a été
utilisé comme technique de traitement des données, nous avons eu
recours à des tests paramétriques à travers l'analyse de
variance (ANOVA), spécifiquement le test de comparaison de
Student-Newman-Keuls. L'analyse de variance (ANOVA) permet de comparer toutes
les valeurs moyennes des traitements dans un classement unique. Ces
différents tests ont été réalisés avec un
seuil de risque d'erreur á = 0,05 soit 5% d'erreur acceptable du
résultat. Soit CV le coefficient de variation ; CV doit être
inférieur à 30% pour une expérimentation fiable. A, B et C
indiquent les valeurs moyennes différentes de façon significative
au seuil de á = 0,05. Soit Pr la probabilité d'erreur sur le
résultat observé. Selon KONE (2012)139, le
résultat n'est pas significatif pour Pr > 0,05 ; il est significatif
pour Pr ° [0,01 - 0,05] ; il est hautement significatif pour Pr ° [0,001- 0,01]
et très hautement significatif pour Pr < 0,001.
GENDRON (2004)140, interprète le coefficient
de variation (CV) comme
suit :
CV = 16% : la variation est faible dans l'échantillon
et l'estimé de la moyenne est fiable ;
CV ° [16% - 33%] : la variation est importante et la moyenne
risque de comporter beaucoup d'erreurs ;
CV > 33% : la variation est très élevée
et la moyenne n'est plus fiable.
Ce sont les logiciels Excel et SAS (Statistical
Analysis System) qui ont facilité ces tests. Cela a permis :
- d'apprécier les différences de performance des
élèves des classes passerelles ;
- d'apprécier les différences de performance
entre les classes passerelles et les classes conventionnelles ;
- de comparer et de hiérarchiser les facteurs
explicatifs de l'efficacité des classes passerelles selon leur
degré d'influence sur les résultats scolaires.
139 B. KONE, 2012, Initiation à la recherche,
première version, Abidjan, Université Félix
Houphouët-Boigny, Laboratoire de pédologie et de géologie
appliquée, p. 29
140 M. GENDRON, 2004, « Interprétation du coefficient
de variation » in
www.uqtr.ca/cours/
srp-6018/s3/dispersion.htm. Consulté le 15 mars 2015.
82
7. Analyse des données
Pour mener à bien cette étude, nous avons eu
recours à la méthode compréhensive, l'analyse
systémique, la théorie des parties prenantes, la théorie
de la résilience et le management participatif.
7.1. Méthode compréhensive
La sociologie compréhensive de WEBER est une
démarche scientifique permettant la compréhension d'un fait
social. « Elle peut être comprise comme une démarche en trois
étapes : la compréhension, l'interprétation et
l'explication du fait social.141 »
Selon WEBER, le monde social est une agrégation
d'actions sociales, qui représentent des comportements humains auxquels
l'acteur attribue un sens subjectif. Ces actions sont guidées par les
intentions et attentes de l'acteur. La dimension sociale d'une action implique
qu'un comportement doit être orienté vers un ou plusieurs autres
individus. Par exemple, une discussion entre amis est une action sociale, en
revanche, une collision entre deux cyclistes ne l'est pas car les individus ne
se sont pas dirigés volontairement l'un vers l'autre.
7.1.1. Phase compréhensive
La première phase de la démarche
compréhensive sert à comprendre le sens visé par l'acteur
lors de ses actions sociales. Il s'agit alors d'adopter une vision empathique
afin de trouver ce sens subjectif immédiat : un motif accordé par
l'individu à son action. Lors de cette étape, on accorde à
l'individu une grande autonomie et on ne cherche pas encore à
interpréter ou déchiffrer son action. Ce travail est
effectué lors de la seconde phase, celle de la phase
interprétative.
7.1.2. Phase interprétative
Une fois le sens identifié, le chercheur passe à
la phase dite interprétative : il s'agit d'objectiver le sens
identifié dans la première phase. On adopte alors une
141 J-P DELAS et B. MILLY, 2005, Histoire des pensées
sociologiques, Paris, Armand colin, p. 169
83
posture extérieure dans le but de pouvoir créer
des concepts ou modèles utiles à l'analyse. Il s'agit là
d'une tâche difficile, à cause de l'implication du chercheur dans
le monde qu'il étudie. WEBER a donc élaboré des outils
théoriques permettant au chercheur de se distancier de son objet
d'étude et d'avoir un regard plus extérieur.
Le premier de ces outils est le rapport aux valeurs : il
consiste à faire prendre conscience au chercheur qu'il est
lui-même inséré dans le monde social. Après cette
prise de conscience, il s'agit pour lui d'analyser la subjectivité de
ses propres choix, de ses partis pris ainsi que de ses valeurs, pour tendre
vers plus d'objectivité. Une fois conscient de ses propres valeurs, le
chercheur fait appel à la « neutralité axiologique »
(second outil de distanciation), qui consiste à ne pas émettre de
jugement ni de hiérarchisation des valeurs.
Dès que l'extériorisation est effectuée
grâce à ces deux outils de distanciation, le chercheur va pouvoir
élaborer des concepts tirés de ses observations.
Néanmoins, ces observations étant issues du monde social,
lui-même composé d'une infinité de faits, elles sont par
conséquent, d'une complexité difficilement déchiffrable.
Aussi, WEBER recourt-il à un autre principe méthodologique,
« l'idéal-type », pour faciliter la lecture du réel. Il
s'agit de concevoir des catégories d'analyse isolant les traits les plus
fondamentaux, distinctifs et significatifs d'un phénomène social.
Cela aide le chercheur à démêler le monde social. Cette
phase a permis l'utilisation d'outils de recherches adaptés à la
question des classes passerelles. Cela a permis d'observer et d'interroger des
échantillons d'acteurs des classes passerelles tels que les animateurs,
les élèves, les COGES et les équipes projets.
7.1.3. Phase explicative
La troisième et dernière étape de la
démarche compréhensive est la phase explicative, qui vise
à « établir une compréhension causale de la
réalité so-
84
ciale 142», c'est-à-dire à
détecter les causalités entre les phénomènes. Cette
étape nécessite de l'imagination : il faut configurer diverses
causes et conséquences imaginaires entre elles pour déterminer la
réelle causalité entre deux phénomènes. WEBER
s'intéresse dans cette étape aux conséquences voulues et
non-voulues. Cette méthode nous permet de comprendre dans quelle mesure
les classes passerelles renforcent le système scolaire conventionnel en
Côte d'Ivoire.
7.2. Analyse systémique
Pour l'analyse systémique, N'DA (2002) propose la
définition suivante :
l'analyse systémique élabore une
représentation (ou un modèle) logique d'un objet concret total en
tant qu'il est organisé, qu'il est un tout, une entité avec des
composantes. Le fonctionnement de cette réalité repose pour
beaucoup sur les liaisons ou les relations entre les composantes ou les
éléments
qui la constituent, lui donnent son entité et lui
maintiennent son identité en dépit des changements qui peuvent
survenir.143
L'approche systémique est une démarche
basée sur trois principes fondamentaux : l'interaction, la
totalité et la rétroaction. L'idée
prépondérante de cette approche est l'interdépendance qui
existe entre les éléments du milieu d'étude
considéré comme un système de valeurs. Aussi le
dysfonctionnement de l'un des éléments modifie-t-il,
considérablement, l'attitude des autres éléments du
système. Notre choix a porté sur la méthode
systémique dans la mesure où l'analyse systémique
reconnaît la prédominance d'un objet concret, total et
organisé et qu'il est un tout pour les parties.
Le fonctionnement de cette réalité repose
essentiellement sur les relations entre les composantes ou les
éléments qui la constituent et ce processus ne peut être
compris que comme élément ou partie d'un système plus
large. De ce fait, l'approche systémique tend généralement
à rendre compte des réalités sociales
étudiées pour privilégier les aspects structurels.
L'ensemble des relations entre les choses passées, présentes et
futures permettent de prévoir les évènements futurs.
142 UNIL, 2018, « Max Weber et la sociologie
compréhensive » in https//
wp.inil.ch, consulté le 02
janvier 2018.
143 P. N'DA, 2002, op. cit., p. 59
85
Or, le but du système est de parvenir à un
équilibre sans exclure les changements qui peuvent intervenir au niveau
de son mécanisme de rétroaction.
Dans le cadre de notre étude, elle a permis d'analyser
le dispositif des classes passerelles comme un fait social total. Cette
démarche a ainsi contribué à cerner les interactions entre
les différents acteurs sociaux impliqués dans la mise en oeuvre
des classes passerelles. De même, elle a permis de comprendre les
rapports d'interdépendance des sous-systèmes, à savoir les
différents acteurs et les ressources mises à dispositions.
7.3. Théorie des parties prenantes
La théorie des parties prenantes est une
démarche qui permet d'examiner les principaux groupes participant au
fonctionnement d'une entreprise. Elle analyse leur intérêt et
l'enjeu de leur coopération. Le terme « partie prenante », en
anglais « stakeholder » est, selon FREEMAN (1984),
employé pour la première fois en 1963 lors d'une communication au
sein du Stanford Research Institute. Ce concept est alors
défini par cette institution comme « les groupes indispensables
à la survie de l'entreprise 144». Cette
acception est très voisine de celle de RHENMAN et STYMNE (1965), selon
laquelle, une partie prenante est : « un groupe qui dépend de
l'entreprise pour réaliser ses buts propres et dont cette
dernière [l'entreprise] dépend pour assurer son existence.
145»
Selon ASTRID (2007), la définition la plus large,
certainement la plus connue et la plus utilisée également, est
celle de FREEMAN (1984) selon laquelle « une partie prenante dans
l'organisation est tout groupe d'individus ou tout individu qui peut affecter
ou être affecté par la réalisation des objectifs
organisa-
144 E. R. FREEMAN, 1984, «Strategic Management : a
stakeholder approach» in
https://www.cambridge.org,
consulté le 02 janvier 2018
145 E. RHENMAN and B. STYMNE, 1965, « Management in a
changing world. Cité par Samuel MERCIER, 2001, La théorie des
parties prenantes : une synthèse de la littérature, pp.157-172.
» in
http://www.cairn.info.
Consulté le 02 janvier 2018
86
tionnels. 146» Dans ce contexte, les parties
prenantes sont des personnes ou des groupes qui ont des revendications, des
droits ou des intérêts dans une société. Cette
théorie est en réalité une approche stratégique des
organisations qui donne lieu au management des parties prenantes et
est basée, selon FREEMAN (1984) sur trois points qui sont : « (i)
l'identification des parties prenantes ; (ii) la mise en place des processus
organisationnels pour gérer les parties prenantes et (iii) la
négociation entre les différentes parties prenantes pour
réconcilier les intérêts divergents. 147 »
Dans le cadre de notre étude, la théorie des
parties prenantes nous a aidés à identifier les
acteurs-clés, qui ont directement ou indirectement, de par leur position
dans le groupe social, participé à la conception et la mise en
oeuvre des classes passerelles. D'une part, cette théorie nous a permis
de cerner les stratégies des organisations et des acteurs
impliqués dans la réussite scolaire des apprenants des classes
passerelles. D'autre part, elle a permis de comprendre les stratégies de
renforcement du système scolaire conventionnel à travers le
dispositif des classes passerelles. Ce faisant, les techniques adoptées
par les organisations et les acteurs aux intérêts divergents ont
été examinées.
7.4. Théorie de la résilience
Selon CYRULNIK et SERON (2004) « la théorie de la
résilience est une démarche psychologique qui consiste à
comprendre chez un individu ou un groupe d'individus affectés par un
traumatisme, sa capacité à prendre acte de
l'événement traumatique pour ne plus vivre dans la
dépression et se recons-truire.148 »
À l'origine, le concept de la résilience est
utilisé en physique pour désigner la résistance aux chocs
d'un métal ; il est particulièrement utile pour évaluer
les
146 A. MULLENBACH-SEVAYRE, 2007, « L'apport de la
théorie des parties prenantes à la modernisation de la
responsabilité sociale des entreprises » in
http:/www.cain.info/revue-des-sciences-de-gestion-2007-1-page-109.htm.
Consulté le 12 janvier 2018
147 E. R. FREEMAN, 1984, op. cit.
148 B. CYRULNIK et C. SERON, 2003, « Résilience ou
comment renaître de sa souffrance ? » in
http://www.fabert.com.edition-fabert,
consulté le 15 février 2018
87
ressorts. Par extension, ce terme a été
adopté pour désigner, dans divers domaines, l'aptitude à
rebondir ou à subir des chocs sans être détruit. En
psychologie, ce concept sert à désigner la capacité de se
refaire une vie et de s'épanouir en surmontant un choc traumatique
grave. Selon ERMENAULT et POULIQUEN (2010) « Il s'agit d'une
qualité personnelle permettant de survivre aux épreuves majeures
et d'en sortir grandi malgré l'importante destruction intérieure,
en partie irréversible, subie lors d'une crise.149 »
Pour CHAPITAL (2011) :
la résilience est la capacité qu'un individu
a de générer des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux
pour résister, s'adapter et se fortifier, face à une situation de
risque, générant une réussite individuelle, sociale et
morale. Huit processus majeurs contribuent à la résilience : (i)
la défense-protection ; (ii) l'équilibre face aux tensions ;
(iii) l'engagement-défi ; (iv) la
relance ; (v) l'évaluation ; (vi) la
signification-évaluation ; (vii) la positivité de soi et (viii)
la création.150
C'est une démarche qui nous a permis de montrer la
capacité du système scolaire à faire face aux crises qui
surviennent. Cette résilience est le but ultime de l'éducation
d'urgence. Elle a également montré que l'éducation
alternative que constitue la classe passerelle, est une forme de
résilience, c'est-à-dire un palliatif face aux crises
structurelles et fonctionnelles du système scolaire, même en
période normale.
7.5. Management participatif
A travers des études dans le cadre de la gestion des
ressources humaines, LIKERT (1974) va mettre en évidence l'importance de
la « satisfaction du besoin d'accomplissement et d'estime
151». En ce sens, le style de management est
essentiel. Il distinguera :
le style autoritaire (forte centralisation et mode de
fonctionnement par les
règles et le contrôle), « le style
consultatif » (qui facilite le travail en équipe, les relations
interpersonnelles, mais la participation à la prise de
décision
149 Ph. ERMENAULT et B. POULIQUEN, 2010, « Construire
l'excellence scolaire, l'exemple de la Bretagne » in
http://data.bnf.fr/ark:/12148/cb1,
consulté le 21 février 2018
150 O. C. COLCHADO, 2011, « Résilience » in
http://WWW.psychaanalyse.com,
consulté le 03 février 2018
151 R. LIKERT, 1974, « L'influence du climat
organisationnel sur l'anxiété des enseignants » in
http://www.erudit.org,
consulté le 03 février 2018
88
est limitée) et « le style participatif »
(où l'individu et le groupe participent à la prise de
décision, à la définition des
objectifs).152
Le management participatif est donc un mode de
gestion qui consiste à susciter l'engagement et la prise d'initiative
des équipes de travail, en les responsabilisant et en les
intégrant dans la vie quotidienne de l'entreprise, et surtout lors des
prises de décisions. Ce mode de management est essentiellement
fondé sur une culture qui prône la délégation du
pouvoir, la communauté et le respect mutuel. En effet, toutes les
décisions sont le fruit d'un consensus entre les différentes
parties prenantes. Cette approche est très bénéfique dans
la mesure où elle fait naître une ambiance agréable de
travail et évite les conflits liés à la
ségrégation hiérarchique. En outre, elle rend à
l'organisation un aspect humain et social, qui rapproche l'entreprise de ses
salariés. De plus, l'employé, quel que soit son grade, se sent
important, influent et acquiert l'autonomie et la liberté d'action. La
participation est aussi nécessaire d'un point de vue normatif afin de
rendre le processus décisionnel plus démocratique car l'approche
participative est un pilier tout aussi essentiel de la vie
démocratique.
Dans le cadre de notre étude, le management
participatif nous a permis d'associer les équipes
pédagogiques et les équipes des projets écoles à la
collecte des données. Cela s'est avéré nécessaire
pour mettre en confiance nos interlocuteurs. La gestion participative s'est
observée également dans la gouvernance scolaire des classes
passerelles à travers une démarche de consultation et
d'association des acteurs du projet. C'est ainsi que sont présents dans
l'implantation et la mise en oeuvre du projet, les acteurs étatiques et
non étatiques. Le sommet de cette gouvernance participative est la
présence de la communauté locale dans la mise en oeuvre du
projet. D'un point de vue pragmatique, elle permet d'accroître la
confiance de tous les acteurs impliqués dans la gestion de
l'école. Cette démarche a ainsi abouti à
l'élaboration d'un guide de mise en oeuvre des classes passerelles.
152 R. LIKERT, 1974, op. cit.
89
8. Limites des options méthodologiques
Les limites méthodologiques sont relatives à la
réalisation des entretiens et la collecte des questionnaires.
Réalisation des entretiens : la
contrainte de temps a constitué l'obstacle majeur. Les rendez-vous pris
avec les sujets à interroger ont quelques fois été
reportés. Collecte des questionnaires : compte tenu de
la distance entre les différents lieux d'enquête, nous avons
dû responsabiliser des personnes ressources en vue de recueillir les
questionnaires après qu'elles ont été remises aux
enquêtés. Il fallait aussi réaliser les enquêtes
seulement pendant l'année scolaire. En outre, certains sujets n'ont pas
retourné leurs questionnaires. C'est l'une des raisons qui expliquent
l'écart entre les échantillons initiaux et les
échantillons effectifs au niveau des animateurs.
9. Difficultés de l'étude
Des difficultés ont été rencontrées
à différents niveaux :
Au niveau de l'accès aux sites passerelles, certains
sites passerelles étaient situés dans des villages difficiles
d'accès à cause de l'état de dégradation
avancée des routes. Les moyens de locomotion n'ont pas toujours
été disponibles pour nous faciliter le déplacement sur
lesdits sites.
Au niveau de l'étendu spatio-temporel des
enquêtes, les enquêtes ont nécessité des
déplacements à plusieurs reprises sur les six DREN recouvrant les
échantillons des classes passerelles. Le temps a également
constitué une difficulté dans la mesure où il fallait
suivre pendant plusieurs années, l'évolution des classes
passerelles pour actualiser les données.
Au niveau de l'archivage, les documents sources des classes
passerelles ne sont pas tous parvenus à l'ONG EPT. Cela a obligé
les promoteurs à faire recours, soit aux coordonnateurs, soit aux
superviseurs en cas de besoin pour satisfaire une demande de document faite par
un chercheur ou une personne en quête d'information sur le projet. La
seconde question relative à la documentation est le
90
droit de propriété des ONG promotrices sur leurs
données. En effet certaines de ces ONG ne peuvent publier leurs
données que quelques années après l'exécution du
projet. Cette attitude découle des termes des conventions signées
avec le PTF. La mise à disponibilité des données est de ce
fait, un processus très sélectif.
10. Plan de restitution des résultats
Les résultats de l'étude sont
présentés à travers trois parties comme suit :
- Première partie : Présentation du système
scolaire primaire conventionnel
et des classes passerelles ;
- Deuxième partie : Raisons de la mise en oeuvre des
classes passerelles ;
- Troisième partie : Difficultés de la mise en
oeuvre des classes passerelles
et les stratégies de renforcement du système
scolaire.
La première partie se compose des chapitres 1 et 2 dont
l'un présente le système scolaire primaire conventionnel et
l'autre les classes passerelles. Cette caractérisation des deux
systèmes porte sur les contextes, les acteurs et les curricula.
La deuxième partie se compose des chapitres 3 et 4 qui
montrent les limites du système scolaire primaire conventionnel et les
réponses apportées par les classes passerelles dans leur mise en
oeuvre en tant que palliatif.
La troisième partie se compose des chapitres 5 et 6 qui
montrent les difficultés de la mise en oeuvre des classes passerelles et
proposent des stratégies pour améliorer leur fonctionnement et
renforcer le système scolaire conventionnel.
Enfin, les résultats de l'étude sont
discutés au regard de leur pertinence au regard du cadre de
référence et des limites de l'étude.
91
PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DU
SYSTÈME SCOLAIRE PRIMAIRE
CONVENTIONNEL ET DES CLASSES
PASSERELLES
92
La première partie aborde la question spécifique
de recherche relative aux traits caractéristiques du système
scolaire conventionnel et aux classes passerelles. Elle est constituée
de deux chapitres ; l'une présente l'école conventionnelle et
l'autre montre les traits caractéristiques des classes passerelles.
Cette démarche a pour but, de ressortir les différences
structurelles et fonctionnelles des deux types d'école. Pour ce faire,
dix indicateurs sont pris en compte ; ce sont : le cadre institutionnel, les
missions et les objectifs, la méthode et la langue d'enseignement,
le programme scolaire, l'organisation des cours, la
méthode d'intervention, la formation pédagogique, la masse
horaire, les indicateurs des flux internes et les intrants.
Le cadre institutionnel permet de prouver un fondement
légal à l'existence des deux types d'école ; en d'autres
termes quels sont les textes nationaux et internationaux qui justifient leur
existence ? Les missions et les objectifs situent les raisons de la
création desdites écoles. La méthode et la langue
d'enseignement posent la question des méthodes et des techniques
d'enseignement propres à chaque type d'école. Le programme
scolaire passe en revue les disciplines en vigueur et leur agencement au cours
de l'année scolaire. L'organisation des cours montre de manière
pratique, les stratégies des acteurs pédagogiques pour atteindre
leurs objectifs. La formation pédagogique concerne la formation de base
et la formation continue. La masse horaire exprime le volume d'heures
alloué aux activités pédagogiques au cours de
l'année scolaire. Les intrants sont les moyens mis à disposition
pour atteindre les objectifs pédagogiques ; ils se déclinent en
ressources humaines, financières et matérielles. Enfin, les
indicateurs des flux internes mettent en exergue les performances ou les
rendements internes de chaque type d'école. Cette première partie
va répondre à la question spécifique : quelles sont les
caractéristiques des écoles conventionnelles et des classes
passerelles ?
93
CHAPITRE 1 : PRÉSENTATION DU
SYSTEME SCOLAIRE PRIMAIRE
CONVENTIONNEL
Le chapitre 1 est consacré aux traits
caractéristiques des écoles conventionnelles. Ce sont des
écoles dites « formelles » ou « classiques » qui
sont reconnues comme le système scolaire officiel en vigueur en
Côte d'Ivoire. Il s'agit d'abord, de comprendre, sur le plan
institutionnel, quelles sont les dispositions légales qui fondent ces
écoles. Pour comprendre le fonctionnement de ce type d'école, il
est important de connaître ses missions et ses objectifs. Au plan
pédagogique, quelles sont les méthodes et les langues
d'apprentissage qui permettent le bon déroulement du processus
enseignement-apprentissage ? Il s'agira de montrer les concepts et les
techniques qui sous-tendent la démarche pédagogique en
vigueur.
Ensuite, le programme scolaire est décrit avec ses
spécificités. Il s'agit, notamment, d'identifier les disciplines
qu'il comprend et de montrer leur agencement. L'organisation des cours fait
l'objet d'attention pour cerner la durée de scolarisation. Le type de
formation pédagogique des enseignants qui prévaut sera
analysé sous deux angles, à savoir la formation de base et la
formation continue. En termes de temps d'exécution du programme
scolaire, quelle est la masse horaire normative et effective ? Cela permettra
une comparaison avec le standard international. Quant aux flux internes du
système scolaire, ils concernent les indicateurs tels que les taux de
réussite, les taux de redoublement et les taux d'abandon.
Enfin, La dernière section présente les intrants
mis à disposition pour réaliser les objectifs
pédagogiques. Cela prend en compte les ressources humaines,
matérielles et financières. Cette section se décline en
sous-sections qui présentent les élèves, le mode de
financement, les parents d'élève, les enseignants,
l'administration scolaire, les infrastructures et les équipements, le
matériel didactique et les manuels scolaires, les méthodes et les
instruments d'évaluation.
94
1. Cadre institutionnel de la scolarisation en
Côte d'Ivoire
Le cadre institutionnel de la scolarisation est établi
par deux types de dispositions :
- Les dispositions internationales à savoir, la
Déclaration de Jomtien, le Cadre d'Action de Dakar, les Objectifs du
Millénaire pour le Développement et l'Objectif de
Développement Durable 4, etc.
- Les dispositions nationales au nombre desquelles, la loi
n° 95-696 du 7 décembre 1995, le PNDEF 1998-2010 et le PAMT du
secteur de l'éducation formation 2012-2014, etc.
Au plan international, le Forum de Jomtien de 1990 proclame le
droit à l'éducation pour toute personne à l'instar de la
Déclaration universelle des droits de l'homme. Il prévoit
également un accès universel à l'éducation avec
plus d'équité et plus de qualité des enseignements tout en
améliorant les moyens de mise en oeuvre et en étendant les
partenariats. Le Cadre d'Action de Dakar de 2000 engage les états
à faire en sorte que jusqu'en 2015, tous les enfants sans exception
aient la possibilité d'accéder à un enseignement primaire
obligatoire et gratuit et de qualité et de la suivre jusqu'à son
terme. Les Objectifs du Millénaire pour le Développement 2000
(OMD) à travers une déclaration, engagent les Etats, en son
deuxième axe, à assurer l'éducation pour tous à
l'horizon 2015. Par la suite l'objectif de Développement Durable 4 prend
le relais en prévoyant un accès pour tous à
l'éducation de base en 2030.
Au plan national, la loi n° 95-696 du 7 décembre
1995 est l'aboutissement d'une concertation nationale sur l'école. Elle
permet une réforme globale et sectorielle de l'enseignement. Ses 74
articles énoncent les principes généraux, les droits et
obligations de la communauté éducative, les missions de
l'enseignement préscolaire, primaire, secondaire et supérieur.
Elle réaffirme ainsi le droit à l'éducation et
l'égalité de traitement de tous les citoyens, notamment dans
l'enseignement public. Elle fait de l'éducation une priorité de
l'Etat. Son adoption
95
permet, en 1997, l'élaboration du Plan National de
Développement du secteur Education/ Formation (PNDEF) 1998-2010.
Le PNDEF 1998-2010 traduit en objectifs opérationnels,
avec des plans d'activités annuelles et pluriannuelles, les grandes
orientations de la loi de 1995. Il a pour objectif l'adoption d'une approche
sectorielle du système, l'élargissement de l'éducation de
base, le renforcement de l'éducation des adultes, la réduction
des inégalités d'accès à l'éducation et le
renforcement de la recherche développement dans l'enseignement
technique. Le PNDEF a pour finalité d'offrir à chaque citoyen, la
possibilité de s'éduquer et de se former tout au long de sa vie.
Le MEN et al (2011) définissent, pour l'enseignement primaire, les
priorités du PAMT éducation/formation 2012-2014 comme suit :
le PAMT cherche, pour les trois prochaines années
à : (a) restaurer le système éducatif qui a souffert de la
crise en accordant une priorité à l'enseignement primaire et au
premier cycle du secondaire essentiellement dans les zones qui ont
été les plus affectées ; (b) assurer un progrès
substantiel vers l'universalisation d'un enseignement primaire de
qualité ; (c) corriger le déséquilibre constaté
depuis longtemps entre la partie basse et la partie haute de la pyramide du
système d'éducation ivoirien par : (i) l'expansion de la
couverture du premier cycle secondaire dans la perspective de progresser vers
un système offrant au plus grand nombre de jeunes,
particulièrement en milieu rural, dix années de scolarisation de
qualité. 153
Le PAMT secteur éducation/formation 2012-2014
prévoit aussi de concrétiser l'universalisation de l'enseignement
primaire à travers le recrutement d'instituteurs adjoints pour mieux
maitriser la croissance de la masse salariale, « la construction de 6260
salles de classe (...) la réhabilitation de 4000 salles de classe (...)
la diversification des maitres d'oeuvres 154» pour
réduire les coûts de construction et stimuler la demande
d'éducation. Cela inclut la scolarisation des plus vulnérables
notamment les filles. La réalisation de cette dernière
priorité passe par les mesures qui compensent les charges familiales. Ce
sont :
le renforcement des cantines scolaires, (ii) la
distribution gratuite de kits scolaires aux enfants orphelins du SIDA, (iii) la
distribution de rations alimentaires sèches aux jeunes filles, (iv) la
provision de micronutriments et de
153 Le MEN et al, 2011, op. cit., pp. 4-5
154 idem, pp. 4-5
96
médicaments essentiels; (v) la suppression des
obstacles liés à l'inscription à l'enseignement primaire.
155
Ces mesures devraient, à termes relever les
défis identifiés par le RESEN et les différents documents
faisant l'état des lieux de l'enseignement primaire en Côte
d'Ivoire.
2. Mission et objectifs
On observe une évolution des missions assignées
à l'école primaire selon les contextes socio-économiques
et politiques de la Côte d'Ivoire. Ainsi, en 2001 le MEN les
décline comme suit :
- assurer l'intégration de l'enfant dans son
environnement social, culturel et économique en vue de le
préparer à se prendre en charge et à être utile
à sa société ;
- assurer la formation morale, civique et culturelle du
jeune enfant et la formation pratique en vue de l'intéresser aux
métiers divers et au travail manuel ;
- assurer la préparation de l'enfant en vue
d'aborder le cycle de l'enseignement secondaire. 156
Dans un contexte différent de celui de 2001, le MENET
(2014) assigne à l'école primaire la mission de la «
formation intégrale de la personnalité de l'enfant.
157» Cette mission se décline en objectifs
spécifiques relatifs à cinq domaines disciplinaires. Il s'agit
notamment de développer des compétences :
- de lecture, d'écriture et d'expression en langue
française ;
- en mathématiques à travers des situations
relatives à la numérisation, aux opérations, à la
géométrie et aux mesures de grandeur ;
- relatives à la connaissance de l'univers social de
l'enfant par l'histoire et la géographie et l'Education aux Droits de
l'Homme et à la citoyenneté (EDHC) ;
- dans les Activités d'Expression et de Création
(AEC) ;
- en Education Physique et Sportive (EPS).
155 MEN et al, 2011, op. cit., pp. 4-5
156 MEN, 2001, Document cadre de la refondation du
système éducatif : Bilan du système éducatif et
orientations stratégiques à moyen terme 2001-2005, Abidjan,
MEN, p. 10
157 MENET, 2014, Programmes éducatifs et guides
d'exécution CE2, Abidjan, MENET, pp. 5-7
97
Ces différents objectifs ne sont pas cloisonnés
; ils concourent tous au développement de la personnalité de
l'enfant qui est prêt à commencer le cycle secondaire du
système scolaire.
3. Méthodes et langues d'enseignement
La méthode d'enseignement qui prévaut dans le
système scolaire ivoirien depuis le début des années 2000
est la Formation Par Compétence (FPC), remplacée plus tard par
l'Approche Par Compétence (APC) qui en est une version reca-drée.
Selon le MENET et KEHAUT (2014), l'APC est inspirée du «
constructivisme et du socio constructivisme. 158» Elle
se fonde sur l'idée que : « tout apprentissage est un processus de
construction de connaissances. Dans cette pédagogie, les objectifs ne
sont plus de l'ordre des contenus à transférer (enseignement),
mais une capacité d'action à atteindre par l'apprenant
(apprentissage). C'est une approche pédagogique de la réussite.
159»
Avec l'APC, la question fondamentale est « comment amener
l'enfant à apprendre ». Pour ce faire, on lui donnera des
outils et des mécanismes nécessaires à mettre en oeuvre
dans des familles de situations. Lorsque l'élève peut mobiliser
des ressources susceptibles de traiter des situations d'apprentissage, la
compétence est dite acquise. L'acquisition d'une compétence passe
par trois phases, à savoir : l'apprentissage, l'application et la
remédiation ou le renforcement. La seule langue d'enseignement à
l'école primaire est le français en tant que langue officielle de
la Côte d'Ivoire. Le français est non seulement une discipline
enseignée mais il sert aussi à véhiculer le savoir dans
les autres disciplines enseignées. En tant que tel, il a un rôle
instrumental et disciplinaire.
158 MENET et IEP KEHAUT, 2014, Animation
pédagogique 5. Thème : Planification des enseignements,
Apprentissages, Evaluations à l'école
élémentaire, Abidjan, MENET, p.2
159 ibidem
98
4. Programme
Les disciplines du programme portent sur cinq domaines
spécifiques, à sa-
voir :
- les langues ;
- les sciences qui regroupent les mathématiques et la
technologie ;
- l'univers social qui concerne l'histoire et la
géographie ;
- l'Education aux Droits de l'Homme et à la
Citoyenneté et les activités
coopératives ;
- les arts qui comportent les arts plastiques et
l'éducation musicale ;
- et le développement physique qui prend en compte
l'éducation physique et
sportive.
Tous ces domaines de connaissance concourent au
développement physique
et cognitif de l'apprenant conformément à la
mission du système éducatif.
5. Organisation des cours
Selon le RESEN 2016, « le cycle primaire conventionnel en
Côte d'Ivoire dure six ans. Il est organisé en trois sous-cycles
de deux ans chacun 160» : il s'agit des cours
préparatoires (CP1 et CP2), des cours élémentaires (CE1 et
CE2) et des cours moyens (CM1 et CM2). Ce cycle est sanctionné par le
Certificat d'Etudes Primaires Elémentaires (CEPE), donnant accès
au premier cycle du secondaire général ou professionnel.
Selon le MENET (2014), la situation de déficit de
l'offre d'éducation conduit les communautés à trouver des
alternatives par la création de structures informelles
d'éducation dites "Ecoles Communautaires". L'organisation
pédagogique de ces écoles, tenues par des bénévoles
non qualifiés, devient un défi à relever et un enjeu pour
obtenir des écoles susceptibles de combler les attentes du
Ministère de l'Education Nationale et de l'Enseignement Technique
(MENET).
160 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p.48
99
Par ailleurs, de nombreuses écoles conventionnelles
fonctionnent avec des classes à profil spécifique. La mise en
oeuvre de ces classes présente deux aspects, à savoir l'aspect
sous-effectif et l'aspect sureffectif. Chacun d'eux ayant ses formes, ses
intérêts et ses limites. En effet, selon le MENET et Save the
Children, « l'existence de plus de vingt mille classes de ce type pour
(...) l'année scolaire (2014-2015), renforce la nécessité
de la formation des enseignants à la prise en charge des classes
à profil spécifique. 161» Dans cette perspective,
le Ministère de l'Education Nationale et de l'Enseignement Technique
organise des formations en vue d'améliorer la performance des
Enseignants dans la gestion des classes à profil spécifique. Le
tableau suivant nous récapitule les différents types de classes
à profil spécifique expérimentés par les
écoles conventionnelles.
Tableau X : tableau descriptif du fonctionnement des classes
à sous-effectif
Aspect
|
Type de classe
|
Formes
|
Temps de travail
|
Emploi du temps
|
Encadrement
|
Salle de classe
|
Sous- effectif
|
Classe jumelée
|
Groupe pédagogique 1
|
Le maître travaille
toute la journée avec les groupes pédagogiques
|
Par groupe pédagogique (instructions officielles)
|
Un maître
|
Une salle à deux niveaux de cours identiques
|
Groupe pédago-gique 2
|
Classe multi- Grade
|
Type 1 : groupe pédagogique 1
|
Par groupe pédagogique (instructions officielles)
|
Un maître
|
Une salle à deux niveaux de cours différents
|
Groupe pédago- gique 2
|
Type 2 : groupe pédagogique 1
|
Une salle à trois niveaux de cours différents
|
Groupe pédago- gique 2
|
Type 3 : cours unique
|
Par groupe pédagogique (instructions officielles)
|
Tous les niveaux dans une seule salle
|
Source : MENET et Save the Children, 2014, La gestion
pédagogique des classes à profil spécifique, Abidjan,
Direction de la Pédagogie et de la Formation Continue, p. 28
Le MENET et Save the Children présentent la classe
jumelée comme « une classe qui comporte deux groupes
pédagogiques d'un cours dans une même
161 MENET et Save the Children, 2014, La gestion
pédagogique des classes à profil spécifique, Abidjan,
Direction de la Pédagogie et de la Formation Continue, p. 2
100
classe avec un seul maître. 162» exemple
: le CP1 et le CP2 dans la même salle avec le même maître.
L'organisation de la classe jumelée permet aux structures
décentralisées du MENET :
d'entreprendre une gestion judicieuse du personnel
enseignant en fournissant à toutes les écoles des maîtres
qualifiés. Ainsi certaines écoles à classes en
sous-effectif se verront retirer un ou plusieurs maître (s) au profit
d'autres. La pratique de la classe jumelée permet donc une utilisation
rationnelle du personnel enseignant ; ce qui pourrait éviter à
l'Etat les recrutements abusifs. La stratégie de gestion du personnel
ainsi menée fait gagner à l'Etat des ressources
financières additionnelles supplémentaires pour améliorer
la qualité de l'éducation en dotant les écoles en
matériels pédagogiques et en infrastructures. La politique de
l'école universelle devient enfin une
réalité.163
Quant à la classe multigrade, elle se définit comme
:
(...) 164
une classe dans laquelle un enseignant dispense le cours
à des élèves d'âges et de niveaux différents
en même temps. Dans les différentes littératures, elle est
désignée sous les vocables de «multi niveaux»,
«classes multiples», «classes composites», «classe
multi-âges», «classe multi-programmes», «classe
à degrés multiples
La classe multigrade peut contenir deux groupes
pédagogiques de cours différents dans une même salle comme
le CE2 et le CM1. Elle peut être constituée aussi de trois groupes
pédagogiques de cours différents dans une même salle Comme
le CP1, le CE2 et le CM1. Elle peut contenir tous les groupes
pédagogiques de cours différents dans une même salle comme
le CP1, le CP2, le CE1, le CE2, le CM1 et le CM2. Selon Le MEN et Save the
Children, l'intérêt de la classe multigrade s'observe dans :
- l'accroissement du taux de scolarisation au plan national
;
- la bonne gestion des ressources humaines ;
- la rentabilité des ressources humaines : les
résultats scolaires s'améliorent parce que toutes les classes
bénéficient d'enseignants qualifiés ;
- l'équité de la part de l'Etat, au niveau de la
scolarisation dans les différentes régions du pays :
présence d'école dans toutes les régions ;
162 MENET et Save the Children, 2014, p. 2
163 idem, p. 4
164 idem, p. 2
101
- l'utilisation efficace des ressources financières et
matérielles.
Pour les cas de sureffectif le système éducatif
à recours à d'autres types de classes à profil
spécifique comme le présente le tableau suivant.
Tableau XI: tableau descriptif du fonctionnement des classes
à sureffectif
Aspect
|
Type de classe
|
Formes
|
Temps de travail
|
Emploi du temps
|
Encadrement
|
Salle de classe
|
Sureffectif
|
Double flux
|
Groupe pédagogique 1
|
Une demi- journée pour chaque groupe pédagogique
(matin/soir ou vice versa)
|
Un emploi du temps unique aménagé (ins- tructions
offi- cielles)
|
Un maître pour les deux groupes péda- gogiques
|
Deux groupes pédagogiques de même niveau de cours de
la même école dans une même salle de classe
|
Groupe péda- gogique 2
|
Double vacation
|
Type 1 : groupe péda- gogique 1
|
Une demi- journée pour chaque groupe pédagogique
(matin/soir ou vice versa)
|
Un emploi du temps unique aménagé (ins- tructions
offi- cielles)
|
Un maître pour le groupe pédagogique 1
|
Deux groupes pédagogiques de même niveau de cours de
deux écoles dans une même salle de classe
|
Groupe péda- gogique 2
|
Un maître pour le groupe pédagogique 2
|
Type 2 : groupe péda- gogique 1
|
Une demi- journée pour chaque groupe pédagogique
(matin/soir ou vice versa)
|
Un emploi du temps pour chaque groupe pédagogique
(instructions officielles)
|
Maître 1
|
Deux groupes pédagogiques de différent niveaux ou
de différents cours de la même école dans la même
salle de classe
|
Groupe péda- gogique 2
|
Maître 2
|
NB : ce type de classe est envisageable lorsque
survient une intempérie qui endommage des
bâtiments.
|
Source : MENET et Save the Children, 2014, La gestion
pédagogique des classes à profil spécifique, Abidjan,
Direction de la pédagogie et de la formation continue p. 32
Selon le MEN et Save the Children, « La double vacation
est une organisation pédagogique où dans le même local,
deux groupes pédagogiques reçoivent des enseignements,
alternativement, le matin et le soir. Cette organisation change tous les deux
jours ou chaque semaine.165 » Sous une première forme,
il s'agit de faire alterner dans la même classe, un niveau de cours de
deux écoles différents. C'est l'exemple de CP1 A et CP1 B. Sous
une autre forme, des niveaux différents
165 MENET et Save the Children, 2014, op. cit., p. 7
102
d'une même école se partagent la même salle
alternativement de manière temporaire suite à une
intempérie. Exemple : CE1 et CE2.
L'intérêt de la classe à double vacation
réside dans le fait qu'elle pallie l'insuffisance des infrastructures
d'une part et elle résout la question des effectifs pléthoriques
d'autre part. Elle favorise ainsi la scolarisation des enfants dans les
agglomérations à forte densité humaine. L'enseignement
à double vacation permet une utilisation double des bâtiments, des
équipements et du matériel didactique. Cela réduit pour un
moment, les dépenses publiques. Elle est aussi une voie d'accès
à l'extension de la scolarisation.
Concernant la classe à double flux, c'est « une
classe où l'on fait travailler successivement dans un même local,
deux groupes pédagogiques avec le même instituteur, le premier
groupe recevant son enseignement le matin et le second l'après-midi,
avec une alternance hebdomadaire (sorte de double vacation avec un seul
maître).166 » Pour le MENET et Save the children, elle
permet aux structures décentralisées du MENET, d'entreprendre une
gestion judicieuse du personnel enseignant en fournissant à toutes les
écoles, des maîtres par le respect du principe du ratio
élèves/maître. Ainsi, certaines écoles pourront
bénéficier du surplus de maître obtenu grâce à
l'application du double flux. Cette pratique permet donc un contrôle
efficient des effectifs qui pourrait éviter à l'Etat les
recrutements abusifs.
La pratique du double flux octroie à l'Etat des moyens
financiers supplémentaires pour améliorer la qualité de
l'éducation par la dotation des écoles en matériels
pédagogiques et en infrastructures. En outre,
la politique de l'école universelle deviendrait
ainsi une réalité. L'Etat renforce sa collaboration avec ses
partenaires et gestionnaires de l'école. Ce partenariat permet le
règlement plus aisé des problèmes inhérents aux
variations d'effectifs. Chaque école aurait une augmentation de
combinaisons
de classes possible. Elle ferait une économie
budgétaire du point de vue de l'achat de matériels
scolaires.167
166 MENET et Save the Children, 2014, op. cit., p. 7
167 idem, p. 9
103
Le système scolaire conventionnel a recours aux
différents types de classes à profil spécifique selon les
besoins des écoles. Cela s'avère salutaire pour les situations de
sous-effectif et de sureffectif.
6. Méthode d'intervention
Le MENET est l'organe de pilotage du système scolaire.
Ce travail se fait à travers ses services déconcentrés que
sont les directions régionales et départementales.
D'emblée, la construction, la fourniture de l'équipement et du
personnel des écoles conventionnelles incombent au MENET. Cette mise en
place de l'école doit obéir à des exigences au niveau des
dimensions de salle, des équipements, des personnels d'éducation
et de l'administration. Concernant les normes des écoles maternelles et
primaires, un arrêté publié par le MENET le 29 janvier
2014, énonce que :
la dimension d'une salle de classe, de la grande section
de maternelle jusqu'au 1er cycle du secondaire général, sera
désormais de 61,16 m2. (...) les écoles primaires
publiques seront construites sur une base de modules, lesquels seront
déterminés en fonction des effectifs à y accueillir. Une
école type sera constituée d'un module de trois classes, ainsi
que d'un bureau de directeur, d'un magasin, et d'un bloc de latrines de trois
cabines, avec un système de lave-mains et un urinoir. Ces installations
comporteront une ga-
lerie couverte (terrasse) et des coins de lecture. Une
grande section de maternelle pourra venir s'y ajouter.168
Malheureusement, les moyens limités de l'état
conduisent à construire certaines classes en matériaux
provisoires. Cela s'illustre essentiellement dans le cas des écoles
communautaires. Le RESEN 2016 en dénombre « 13,2 % en 2013
»169 et précise que ce type d'infrastructure est
beaucoup plus répandu en milieu rural. Pour le personnel
éducatif, le ratio maître/élève est estimé
à 1 : 44. Ce personnel est formé et affecté dans les
écoles par la fonction publique.
168 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp. 242-243
169 idem, p. 237
7. Formation pédagogique des enseignants
Le RESEN 2016 explique que « la formation initiale des
enseignants du primaire en Côte d'Ivoire est assurée par les
Centres d'Animation et de Formation Pédagogique
(CAFOP).170» L'admission à ces centres se fait par voie
de concours pour les titulaires du baccalauréat. La formation dure deux
ans dont une année théorique et une année de stage
pratique dans les écoles primaires. La formation est sanctionnée
par le Diplôme d'Instituteur Stagiaire (DIS). Une formation continue,
à travers l'encadrement, est ensuite assurée par les conseillers
pédagogiques dans les écoles.
8. Masses horaires
Théoriquement, le programme du cycle primaire
s'étend sur 32 semaines. Cependant, des nuances apparaissent au niveau
du poids des domaines et des disciplines. Le tableau suivant nous en donne un
aperçu en cours préparatoire.
104
170 MENET et Save the Children, 2014, op. cit., p. 50
105
Tableau XII : masse horaire en cours préparatoire
Domaines
|
Disciplines
|
Volume horaire/semaine et par discipline
|
Volume horaire/semaine et domaine
|
Temps
|
Proportion
|
Temps
|
Proportion
|
Langues
|
Français
|
780 mn
|
50 %
|
780 mn
|
50%
|
Univers social
|
EDHC/AEC
|
30 mn
|
02 %
|
115 mn
|
7,5 %
|
Salut aux couleurs
|
30 mn
|
02 %
|
Histoire- Géographie
|
30 mn
|
02 %
|
Activités coopéra- tives
|
25 mn
|
1,5 %
|
Sciences
|
Mathématiques
|
505 mn
|
32 %
|
225 mn
|
40 %
|
Sciences et tech- nologie
|
120 mn
|
08 %
|
Développement physique
|
EPS
|
40 mn
|
2,5 %
|
40 mn
|
2,5 %
|
Arts
|
AEC/EDHC
|
30 mn
|
02 %
|
30 mn
|
02 %
|
|
1560 mn
|
100 %
|
1560 mn
|
100%
|
Source : MENET, 2014, Programmes éducatifs et guides
d'exécution CE2, Abidjan, MENET, p. 8
Les 1.560 mn correspondent à 26 semaines de cours
effectifs. En fonction du poids des domaines et des disciplines,
l'exécution du programme part de 19 à 32 semaines. Cette
variation apparaît aussi dans les progressions des différentes
disciplines. Les disciplines relatives aux langues et sciences sont fortement
cotées (ayant un coefficient élevé) alors que celles
relatives à l'univers social, au développement physique et aux
arts le sont moins.
9. Indicateurs des flux internes
Les indicateurs des flux internes permettent
d'apprécier les performances du système scolaire en termes de
scolarisation, d'admission, d'achèvement, de promotion, de redoublement
et d'abandon. Ces performances couvrent la période 2006-2014. Le tableau
suivant nous en donne un aperçu.
106
Tableau XIII : flux interne du système scolaire primaire
de Côte d'Ivoire de 2006 à 2014
Années
|
Taux %
|
Scolarisa- tion
|
admission
|
achèvement
|
transition
|
promotion
|
redouble- ment
|
abandon
|
2006-2007
|
74,30
|
70
|
46
|
|
82,10
|
19
|
|
2007-2008
|
77,90
|
79
|
51,10
|
68,45
|
|
19,05
|
39,40
|
2008-2009
|
76,20
|
75
|
48,50
|
|
|
20,30
|
|
2009-2010
|
80%
|
|
51
|
|
86,80
|
21,70
|
|
2010-2011
|
83,80
|
80
|
54,2
|
72,85
|
82,50
|
21,20
|
18,15
|
2011-2012
|
89,30
|
90
|
59,10
|
|
85,20
|
20,90
|
27,07
|
2012-2013
|
91,20
|
90
|
58,20
|
87,60
|
75,80
|
19,90
|
25,20
|
2013-2014
|
94,70
|
98
|
60,40
|
|
80,10
|
16,10
|
|
Source : MENET, 2014, Rapport bilan de mise en oeuvre de
l'EPT en Côte
d'Ivoire 2000/2014. Abidjan, MENET, pp. 13, 14, 18, 25,
28.
Les chiffres observés au niveau de la scolarisation
sont des taux bruts (TBS). Les chiffres relatifs au redoublement incluent ceux
du CM2. Dans l'ensemble, il y a une amélioration substantielle des
indicateurs de performance du système scolaire primaire à
l'exception des taux de déperdition. Ces progrès pourraient
s'expliquer par les mesures sociales et celles relatives à
l'assouplissement de l'inscription au CP1 (non obligation de l'extrait de
naissance) ainsi que le renforcement de la distribution gratuite des manuels et
fournitures scolaires. Malgré ces efforts, près de 40% d'enfants
n'arrivent pas à achever leur cycle en 2014.
10. Intrants mis à disposition
Les intrants sont d'ordre budgétaire, matériel et
humain.
10.1. Financement
Selon le RESEN 2016, jusqu'en 2012, « le financement de
l'enseignement primaire relevait du Ministère de l'Education Nationale
(MEN). 171» Depuis 2012, l'enseignement technique a rejoint le
MEN, pour former le Ministère de l'Education Nationale et de
l'Enseignement Technique (MENET). Depuis 2011,
171 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp. 77-78
l'éducation bénéficie également du
Programme présidentiel d'urgence (PPU) mis en place par le gouvernement
après la crise pour répondre aux besoins urgents des populations
et stabiliser les institutions scolaires. Des Partenaires Techniques et
Financiers (PTF) contribuent également au financement de
l'éducation primaire en Côte s'Ivoire.
Le PAMT du secteur éducation formation
2012/2014172 illustre bien la multiplicité des sources de
financement de l'éducation. Ainsi, la contribution de la Côte
d'Ivoire dans les dépenses d'investissement est estimée à
11,4 milliards FCFA (22,8 millions de dollars US) soit 9,2% du montant total du
PAMT et se fait à travers le Programme d'Urgence Gouvernemental. Celle
des PTF (IDA, BID, BADEA, Japon, etc.) qui se fait à travers des projets
en cours d'exécution est estimée à 10,5 milliards FCFA (21
millions US$) soit 8,4% du PAMT. Il est attendu un apport financier d'environ
17% (21,4 milliards FCFA ou 42,9 millions de dollars US) du Fonds Catalytique
de l'Initiative de Mise en oeuvre Accélérée de l'Education
Pour Tous (IMOA-EPT). Ainsi, le financement complémentaire à
rechercher auprès d'autres institutions bilatérales et
multilatérales de développement et de coopération
technique et financière serait de 82,3 milliards FCFA correspondant
à 164 millions de dollars US soit 65,5% du montant total du PAMT. On
peut lire sur la pancarte suivante les noms de partenaires Financiers et
techniques contribuant à la relance de l'école en 2009
107
172 MEN, 2011, op. cit., p. 13
108
Figure 10 : pancartes illustratives de partenaires financiers et
techniques construisant ou réhabilitant les écoles primaires en
2009 à Bouaké
Source : données de terrain, 2008-2014
109
Save The Children, Merlin et l'Union Européenne font
partie de ces partenaires actifs dans le domaine de la reconstruction
post-crise des écoles en Côte d'Ivoire. Ces organisations ont
à leur actif, une diversité de réalisations dans les zones
CNO. Leurs actions s'étendent de la protection de l'enfant à la
construction des infrastructures scolaires.
A travers une convention de financement signée en 2013
entre l'Etat de Côte d'Ivoire et l'Association Internationale de
Développement (AID) soutenue par le Partenariat Mondial Pour
l'Education, « le PUAEB devrait procéder, sur une période de
trois ans, à la construction et à la réhabilitation des
écoles primaires pour offrir des places à environ 60.000 enfants
173» en Côte d'Ivoire. Dans ce processus, les zones
affectées par les conflits sont prioritaires. Le projet est sensé
financer « la construction et l'équipement de 1.000 salles de
classes. Il est également prévu la construction de 200 latrines,
l'achat de 25.000 tables-bancs pour les écoles existantes et la
réhabilitation de 500 salles de classes.174 » Toutes ces
actions visent le renforcement du système scolaire conventionnel de
base.
10.2. Enseignants
Les enseignants du primaire sont recrutés par voie de
concours avec le niveau baccalauréat pour les instituteurs ordinaires et
avec le BEPC pour les Instituteurs adjoints. Leur formation pédagogique
initiale est ensuite assurée par les Centres d'Animation et de Formation
Pédagogique (CAFOP). Selon le MEN et la DIPES (2009), «
Estimé à 49.935 en 2008, l'effectif des enseignants du primaire
public atteint 61.955 en 2013. 175 » Cet effectif inclut les instituteurs
ordinaires, les instituteurs adjoints, les bénévoles et les
stagiaires. Le ratio enseignant/élève est alors
estimé à 40 : 1. Pour les perspectives, Le PAMT 2012-2014
prévoit :
i) que tous les recrutements se feraient au niveau
d'instituteur adjoint, ii)
que 20 % d'entre eux pourraient être promus dans le
corps des [instituteurs
173 EPT, 2013, « Réalisation de 20 classes
passerelles au bénéfice de 600 enfants dans la région du
centre (Bouaké, Mankono, Séguéla), du nord (Korhogo) et du
nord-ouest (Odienné) : Formation des animateurs et superviseurs du
projet de 20 classes passerelles dans les IEP de Tiéningboué,
Ferkessédougou et Ouangolodougou du 26 août au 04 septembre 2013
», Termes de référence, p. 1
174 ibidem
175 MEN et DIPES, 2009, op. cit., p. 31
110
ordinaires] I.O. après cinq années
d'expérience et iii) qu'un tiers du stock des instituteurs ordinaires
pourraient, par des formations adaptées, être promus dans le corps
des professeurs de collège et être transférés
à ce niveau d'études. Ceci aurait pour conséquence de
réduire significativement les
coûts salariaux sans effets néfastes sur la
qualité des services éducatifs of-ferts.176
L'objectif est, à terme, de combler le déficit
d'enseignants en 2020 en atteignant un effectif de « 94.000 enseignants du
primaire public pour des REM de 40 : 1. 177»
10.3. Elèves
L'âge officiel de fréquentation du primaire en
Côte d'Ivoire est de 6 à 11 ans. Cependant, on dénombre
dans les effectifs, les scolarisés précoces et les cas de retard
de scolarisation. Ces effectifs sont repartis entre le secteur public, le
secteur privé et l'offre communautaire qui s'est beaucoup
développée depuis 2008 du fait « d'une offre publique
insuffisante dans les zones enclavées 178» comme
indiqué par le RESEN 2016 qui précise également que dans
l'ensemble, les effectifs du primaire sont passés de « 1 661 901
élèves scolarisés en 2005 à 3 176 874 en 2014
.179» Cela représente un accroissement annuel moyen de
près de 7,5 % sur la période de 2005 à 2014. Cette
dynamique est d'abord, le fait du secteur public qui affiche un accroissement
annuel moyen de 10,1% de 2005 à 2009. Ensuite, de 2010 à 2014,
elle est le fait du secteur privé qui a de manière soutenue, un
accroissement annuel moyen de près de 12%. L'examen national 2015 de
l'Education Pour Tous nous donne une synthèse de l'évolution des
effectifs élèves comme suit :
176 MEN et DIPES, 2009, op. cit., p. 14
177 ibidem
178 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p.71
179 ibidem
111
Tableau XIV : évolution des effectifs élèves
de 2006 à 2014
Années scolaires
|
Effectifs élèves
|
2006/2007
|
Ensemble
|
2.179.801
|
Garçons
|
1.217.616
|
Filles
|
962.185
|
2007/2008
|
Ensemble
|
2.356.240
|
Garçons
|
1.317.104
|
Filles
|
1.039.136
|
2008/2009
|
Ensemble
|
2.383.359
|
Garçons
|
1.317.988
|
Filles
|
1.065.371
|
2010/2011
|
Ensemble
|
2.704.458
|
Garçons
|
1.478.174
|
Filles
|
1.226.284
|
2011/2012
|
Ensemble
|
2.953.461
|
Garçons
|
1.619.026
|
Filles
|
1.334.435
|
2012/2013
|
Ensemble
|
3.021.417
|
Garçons
|
1.627.519
|
Filles
|
1.393.898
|
2013/2014
|
Ensemble
|
3.176.799
|
Garçons
|
1.703.784
|
Filles
|
1.473.015
|
Source : MENET, 2014, Rapport Bilan de mise en oeuvre de
l'EPT, Abidjan, MENET, p. 24
Cette évolution des effectifs élèves
montre un fort accroissement de la population scolaire primaire dans l'ensemble
avec une forte disparité en faveur des garçons. En conjonction
avec le manque d'infrastructure et celui des ressources humaines, cela donne
lieu à des effectifs pléthoriques dans les classes comme le
montre l'image suivante :
112
Figure 11: effectif pléthorique à l'EPP Aboliba,
DREN de Bouaké 2009
Source : données de terrain, 2008-2014
113
A l'image de l'EPP Aboliba, les écoles du primaire font
face à un accroissement soutenu des effectifs élèves.
L'EPP Aboliba est située dans une zone urbaine (Bouaké) à
forte densité de population. Le manque d'infrastructure scolaire
publique constitue un facteur aggravant de la surpopulation dans cette
école.
Tableau XV: évolution des effectifs
classes/élèves des écoles conventionnelles
Années
|
Effectifs toutes catégories
|
Classes
|
Enseignants
|
Elèves
|
REM
|
2006-2007
|
|
53.161
|
2.179.801
|
41 : 1
|
2007-2008
|
|
56.248
|
2.356.240
|
42 : 1
|
2008-2009
|
53.745
|
56.575
|
2.383.359
|
42 : 1
|
2009-2010
|
57.077
|
|
|
|
2010-2011
|
58.526
|
56.455
|
2.704.458
|
49 : 1
|
2011-2012
|
59.989
|
70.016
|
2.953.461
|
42 : 1
|
2012-2013
|
61.468
|
73.691
|
3.021.417
|
41 : 1
|
2013-2014
|
62.962
|
74.703
|
3.176.799
|
43 : 1
|
Source : MENET, 2014, Rapport bilan de mise en oeuvre de
l'EPT en Côte d'Ivoire 2000/2014, pp. 13, 14, 18, 25, 28.
De manière générale, il y a une
augmentation des effectifs. Les estimations ci-haut restent en
deçà de la norme nationale de REM estimée 40 : 1 en 2014.
C'est une situation consécutive à la forte demande
d'éducation.
10.4. Administration
Le Ministère de l'Education Nationale a en charge
l'éducation de base qui comprend les cycles primaire et secondaire du
système scolaire en Côte d'Ivoire. Ce ministère se voit
attribuer l'enseignement technique en 2012 et se nomme désormais
Ministère de l'Education Nationale et de l'enseignement technique
(MENET). Cette administration se décline en structures
décentralisées que sont la Direction des Ecoles, Lycées et
Collèges (DELC), les Directions de l'Education
114
nationale et de l'enseignement technique (DRENET), les
Inspections de l'Enseignement Primaire (IEP) et la direction de
l'école.
Jusqu'en 2007/2008, le système éducatif de base
de Côte d'Ivoire se compose de 14 Directions Régionales de
l'Education Nationale (DREN). A partir de 2008/2009, ce chiffre atteint 22 avec
l'érection des Directions Départementales en Directions
Régionales. Dans la même dynamique, l'enseignement primaire en
2014/2015 compte, selon la Direction des Ecoles, Lycées et
Collèges (DELC)180, 35 Directions Régionales de
l'Education Nationale et de l'Enseignement Technique (DRENET) et 167
Inspections de l'Enseignement Primaire (IEP). Cette administration
décentralisée permet d'avoir une gestion de proximité des
écoles. L'organigramme de fonctionnement administratif scolaire se
présente comme suit :
180 DELC, 2015, « Le nombre actualisé de DRENET et
IEP en Côte d'Ivoire au titre de l'année scolaire 2014-2015 »
in
http://www.élèvesmaîtres-ci.com/archives/2014/09/27/30661092.html.,
consulté le 10 juillet 2017
115
Figure 12 : organigramme de fonctionnement de l'administration
scolaire primaire
Source : données de terrain, 2008-2014
Dans le processus de décentralisation, le
Ministère de l'éducation Nationale et de l'enseignement technique
(MENET) mandate les Directeurs régionaux (DRENET) qui ont un rôle
de coordination au niveau régional. Ils ont à leur charge
plusieurs inspections de l'enseignement primaire (IEP) qui à leur tour
supervisent les activités des écoles à travers les
conseillers pédagogiques d'inspection et de secteur. Ceux-ci ont
à leur charge, les directeurs d'école qui dirigent les
écoles au quotidien avec les maîtres. Le rôle du Directeur
est capital dans la gestion de l'école. Son rôle mérite
d'être expliqué.
116
Selon ANY-GBAYERE (1990), le directeur d'école primaire
a « un rôle pédagogique et administratif dans
l'établissement. 181» En ce qui concerne ce rôle
administratif, ANY-GBAYERE le décrit comme suit :
(i) le directeur informe le personnel et commente les
instructions et circulaires reçus en conseil des maîtres. (ii) Il
affiche chaque document afin que chacun en prenne personnellement connaissance,
de préférence, il fait émerger chacun après lui en
avoir fait prendre connaissance. (iii) Il classe les documents. (iv) Il
contrôle également tous les documents produits par les adjoints et
veille à l'exactitude des contenus. (v) Il a obligation de transmettre
toute correspondance adressée par ses collaborateurs, sous son couvert
aux instances hiérarchiques, en y joignant une note d'accompagnement.
(vi) Il doit procéder à l'inscription des nouveaux
élèves sur le registre des matricules.(vii) Il fait la mise
à jour des fiches scolaires en fin d'année. (viii) Il
établit les certificats de scolarité. (ix) Il classe et met
à jour les fiches scolaires. (x) Il tient la comptabilité de la
coopérative. (xi) Il tient les livres des inventaires. 182
L'administration scolaire est hiérarchisée avec
des responsabilisés confiées à chaque palier de
l'organisation. Cela permet plus de célérité dans
l'exécution des tâches.
10.5. Parents d'élèves
Les parents d'élèves sont organisés en
comité nommé Comité de Gestion des Etablissements
Scolaires (COGES). Ils sont créés par le décret n°
95-26 du 20 janvier 1995 portant création des comités de gestion
des établissements scolaires publics. Ces comités sont
régis par l'arrêté n° 0164 MEN/CAB du 22 novembre 2012
portant fonctionnement des Comités de Gestion des Etablissement
Scolaires publics. Cet arrêté se base sur le décret
présidentiel n° 2012-488 du 07 juin 2012 portant attributions,
organisation et fonctionnement des Comités de Gestion des Etablissements
Scolaires publics. Selon l'arrêté de 2012, le COGES a pour mission
« de contribuer à la promotion de l'établissement où
il siège et d'y créer les conditions d'un meilleur
fonctionnement. 183 » Cette mission se décline en plusieurs
objectifs spécifiques à savoirs :
181 S. ANY-GBAYERE, 1990, Gestion des écoles
publiques, aspects réglementaires, Abidjan, Edition Confors. p.
399
182 idem, p. 402
183 MEN, 2012, Arrêté n° 0164 MEN/CAB du 22
novembre 2012 portant fonctionnement des Comités de Gestion des
Etablissements Scolaires publics, chapitre II.
117
- aider à l'entretien courant des bâtiments et
des équipements ;
- sauvegarder le patrimoine et l'environnement ;
- contribuer à l'encadrement civique et moral des
élèves ;
- favoriser l'intégration de l'établissement
scolaire dans son milieu ;
- apporter un appui aux activités socioculturelles de
l'établissement ;
- suivre l'évolution des effectifs des
élèves et du personnel au sein de
l'établissement ;
- apporter un appui aux activités pédagogiques
;
- contribuer à la résolution du déficit
en enseignants ;
- contribuer à la scolarisation des enfants notamment
des filles, tant en mi-
lieu urbain qu'en milieu rural ;
- aider à la promotion de l'installation des cantines
scolaires et contribuer à
leur fonctionnement ;
- oeuvrer pour l'hygiène et la santé en milieu
scolaire ;
- assurer le suivi de la gestion des manuels scolaires
;
- recouvrer et gérer toutes les ressources
financières de l'établissement
autres que le budget de l'Etat ;
- gérer, pour le compte de l'établissement, les
fonds générés par les Activités
Génératrices de Revenus qu'il initie ;
- et aider à lutter contre la violence et la tricherie
à l'école, assister les
autorités de l'établissement dans la gestion
des crises. 184
Les COGES formalisent ainsi la volonté de l'Etat,
d'impliquer de manière systématique les associations de parents
d'élèves dans la gestion de l'école. Cependant, le RESEN
2016 estime qu'en 2014, « le fonctionnement réel des comités
de gestion des établissements n'est pas bien évalué et
suivi 185» car les questionnaires statistiques prévus
à cet effet ne sont pas systématiquement renseignés et les
données ne sont pas exploitées. Un meilleur suivi des COGES
permettrait d'affiner leurs missions futures. Le même rapport constate
par ailleurs, un bon déploiement des COGES estimé à 88% de
couverture des établissements primaires publics. Environ 42% seulement
de ces COGES bénéficient d'une subvention ; laquelle situation
limite leur autonomie financière.
10.6. Infrastructures et équipements
En 2008, la plupart des infrastructures scolaires sont en
état de dégradation par manque d'entretien dû à une
insuffisance d'investissement ou aux crises mili-
184 MEN, 2012, op. cit., chapitre 2
185 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit. p. 132
118
taro-politiques successives ayant affecté l'école.
L'image suivante nous donne un aperçu de l'état des écoles
avant leur réhabilitation.
Figure 13 : bâtiment en état de dégradation
avancée à l'EPP Bamoro en 2009, DREN de Bouaké
Source : données de terrain, 2008-2014
188»
119
Après cette période trouble, le retour des
Partenaires Techniques et Financiers (PTF) permet une amélioration des
infrastructures et équipements. Ainsi, au niveau de l'équipement,
on observe une amélioration dans la fourniture
d'électricité, à savoir que « 37 % d'écoles
sont électrifiées en 2014, contre 23 % en 2007 ; [par contre] le
pourcentage d'écoles équipées de points d'eau ou de
cantines est en baisse 186», faute de programmes
d'investissements spécifiques. L'accès à une
éducation de qualité pour tous ne peut être
réalisé sans que « des infrastructures adéquates
soient construites pour accueillir les élèves et les
activités éducatives. 187» Le rapport note
également que : « le rythme de construction au primaire a permis de
maintenir la stabilité du ratio élèves-classe, même
si un cinquième des salles sont en matériaux provisoires.
Concernant l'évolution du réseau
d'infrastructure scolaire primaire en terme quantitatif, elle peut être
fondée sur les écoles ou les salles de classe. Pour les
écoles, le nombre en 2014 est estimé à : « 13. 785
écoles primaires, 81 % sont publiques, les écoles communautaires
représentant 5 %. Le nombre d'écoles primaires a
substantiellement augmenté sur la période 2009-14. Leur nombre a
cru à un taux moyen annuel de 7,2 % sur la période, de 9 758 en
2009 à 13 785 en 2014. 189» Pour les salles de classe,
ledit rapport note que : « en 2014, l'enseignement primaire comptabilise
74 671 salles de classe, dont 85 % sont publiques. Entre 2009 et 2014, 20 926
nouvelles salles de classe ont été construites, ce qui correspond
à une hausse de 39 % et un accroissement moyen annuel de 6,8 % sur la
période.190 »
186 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit. p. 119
187 idem, p. 235
188 ibidem
189 idem, pp. 235-236
190 idem, p. 236
120
Figure 14 : un bâtiment entièrement
réhabilité à l'EPP Bamoro, DREN de Bouaké 2009
Source : données de terrain, 2008-2014
Cette réhabilitation est l'oeuvre des Partenaires
Techniques et Financiers (PTF) qui accompagnent le gouvernement dans la
période de reconstruction. Ces efforts sont fort appréciables,
mais face à l'explosion de la démographie scolaire, les
résultats restent en deçà des attentes du PAMT secteur
éducation formation 2012/2014 qui prévoyait « la
construction de 6.260 salles de classes [supplémentaires] et la
réhabilitation et la reconstruction de 4.000 salles de classe avec un
investissement en eau et assainissement dans les écoles.
191» On peut apprécier ces réhabilitations de
point d'eau et de toilette faites à Bouaké dans les images
suivantes :
121
191 MEN, 2011, op. cit., p. 9
122
Figure 15 : construction d'un point d'eau et de toilettes
à l'EPP Paris Bouaké, DREN Bouaké 2009
Source : données de terrain, 2008-2014
123
Ce point d'eau et les toilettes sont réhabilités
pour un groupe scolaire dont les besoins restent au-delà des
infrastructures disponibles. On dénombre bien établissements qui
expriment le même besoin mais leurs appels restent sans suite.
10.7. Matériel didactique et manuels scolaires
Le matériel didactique se compose de guides
d'exécutions, de fiches pédagogiques et de petits
matériels comme les craies et les matériels
géométriques. Les manuels scolaires sont constitués de
livres de la collection « Ecole et Nation » dans les disciplines
enseignées. Le guide d'exécution se présente comme suit
:
Tableau XVI : exemple de Guide d'exécution du programme de
l'enseignement primaire
Semaines
|
Mois
|
Compétences
|
Leçons
|
Nombre de séances
|
1
|
|
Compétence 1
|
|
|
|
|
|
|
2
|
|
Compétence 2
|
|
|
|
|
|
|
3
|
|
Compétence 3
|
|
|
|
|
|
|
4
|
|
Compétence 4
|
|
|
|
|
|
|
Source : MENET, 2014, Programmes éducatifs et
guides d'exécution CE2, Abidjan, MENET, p. 25
Ce guide constitue la progression que doit suivre l'enseignant
pour développer les compétences de base de l'enfant pendant les
32 semaines de cours. Ce guide est détaillé par la fiche
pédagogique qui se présente comme suit :
124
Tableau XVII: exemple de fiche pédagogique
Discipline : Niveau :
Thème : Date :
Leçon : Durée :
Matériel : Semaine : Documentation :
Tableau des habiletés et contenus
Habiletés
contenus
Déroulement
Plan du cours
|
Activités-maitre
|
Stratégies péda- gogiques
|
Activités élèves
|
Présentation
|
|
|
|
développement
|
|
|
|
Evaluation
|
|
|
|
Source : MENET, 2014, Programmes éducatifs et guides
d'exécution CE2. Abidjan, MENET, pp. 34-35
Cette fiche permet à l'instituteur de se fixer un
objectif et de définir les voies pour y parvenir. Elle permet
également de faire le suivi des cours.
10.8. Méthodes et instruments
d'évaluation
En général, il y a deux types
d'évaluation, à savoir l'évaluation formative et
l'évaluation sommative. Le premier type d'évaluation
appelée application, intervient communément en fin de
séance. Il consiste à faire des exercices contextuali-sés
qui prennent en compte toutes les habiletés de la leçon.
Le second type d'évaluation intervient en fin de
leçon. Il permet de fournir un bilan du niveau des acquisitions de
l'élève. Le cycle d'une leçon s'achève tou-
125
jours par une évaluation et une séance de
renforcement appelées remédiation. Celle-ci a pour but de
procéder à la correction des erreurs ou des insuffisances
relevées lors de l'évaluation sommative. Elle se traduit par des
exercices de renforcement ou de prise en compte de certains aspects de la
leçon qui n'ont pas été compris.
126
Conclusion du chapitre 1
Au terme du chapitre 1, on note que deux types de disposition
fondent le cadre institutionnel des écoles conventionnelles, à
savoir :
- les textes internationaux, tels que la Déclaration de
Jomtien, le Cadre d'Action de Dakar, les Objectifs du Millénaire pour le
Développement et l'Objectif de Développement Durable (ODD 4) ;
- les dispositions nationales telles que la loi n° 95-696
du 7 décembre 1995, le PNDEF 1998-2010 et le PAMT du secteur de
l'éducation/formation 2012-2014.
Les écoles conventionnelles ont pour mission, le
développement de la personnalité de l'enfant pour aborder le
cycle secondaire du système scolaire tout en l'imprégnant de son
milieu social. La réalisation de cette mission passe par sa formation
psychologique, morale et physique. La méthode d'enseignement qui est de
rigueur dans les écoles conventionnelles, est l'Approche Par
Compétence (APC) qui est une version recadrée de la Formation Par
Compétence (FPC). La seule langue d'enseignement est le français
qui est la langue officielle de la Côte d'Ivoire. Le programme scolaire
est axé sur les langues, les sciences, l'univers social, les arts, le
développement physique, les droits de l'homme et la
citoyenneté.
En ce qui concerne l'organisation des cours, le cycle primaire
de l'école conventionnelle dure six ans et il se compose de trois
sous-cycles de deux ans chacun : il s'agit des cours préparatoires (CP1
et CP2), des cours élémentaires (CE1 et CE2) et des cours moyens
(CM1 et CM2). Ce cycle est sanctionné par le Certificat d'Etudes
Primaires Elémentaires (CEPE), donnant accès au premier cycle du
secondaire général ou professionnel. En outre, l'on note
l'existence des classes à profil spécifique et les écoles
communautaires sur la carte scolaire pour faire face au déficit
d'infrastructure et de personnel. La formation initiale des enseignants du
primaire est assurée par les Centres d'Animation et de Formation
Pédagogique (CAFOP). Cette formation est sanctionnée par le
Diplôme
127
d'Instituteur Stagiaire (DIS). Une formation continue est
ensuite assurée par les conseillers pédagogiques dans les
écoles à travers l'encadrement pédagogique.
On note que la masse horaire varie de 19 à 32 semaines
de cours selon les domaines et les disciplines, avec une forte cotation des
sciences et des langues en termes de coefficient. Pour le flux interne du
système scolaire, l'étude a montré une amélioration
substantielle des indicateurs de performance à l'exception des taux de
déperdition qui montrent que près de 40% d'élèves
n'achèvent pas leur cycle primaire en 2014. Enfin, l'étude a
permis de distinguer trois types d'intrants à savoir les ressources
humaines, les ressources financières et les ressources
matérielles. A ce niveau, l'on constate une forte croissance de la
population scolaire disproportionnelle à la croissance des effectifs des
enseignants, à celle des infrastructures scolaires et aux budgets de
fonctionnement. Cela débouche sur des dysfonctionnements du
système scolaire.
128
CHAPITRE 2 : PRÉSENTATION DES
CLASSES PASSERELLES
Le chapitre 2 est consacré aux traits
caractéristiques des classes passerelles. Ce sont des écoles
conçues dans un contexte de conflits armés pour scolariser ou
rescolariser les enfants restés hors du système scolaire
conventionnel en Côte d'Ivoire. Cela leur confère le double statut
d'alternative éducative et de dispositif d'éducation d'urgence.
De prime à bord, pour comprendre leur fondement juridique, la
première section s'intéresse aux dispositions qui encadrent leur
création et leur gestion. Une autre identifie leurs missions et leurs
objectifs. Le processus enseignement-apprentissage est analysé à
travers les méthodes et les langues d'apprentissage. A ce niveau,
plusieurs techniques d'apprentissage utilisées par les équipes
pédagogiques sont décrites.
Ensuite, la spécificité du programme scolaire
des classes passerelles est mise en exergue. Cette section identifie les
disciplines enseignées et montre leur programmation en fonction des
objectifs d'apprentissage et du type d'apprenant. La description de la
méthode d'intervention permet de cerner les conditions et les
critères d'exécution des projets-écoles des classes
passerelles. Concernant les enseignants, quels sont les types de formation
pédagogique prévus ? En termes de temps d'exécution du
programme scolaire, quelle est la masse horaire journalière,
hebdomadaire et annuelle?
Par ailleurs, une section est consacrée aux flux
internes des classes passerelles. Elle présente les taux de
réussite selon les années. La dernière section
présente les intrants mis à disposition pour réaliser les
objectifs pédagogiques. Cela prend en compte les ressources humaines,
matérielles et financières. Cette section se décline en
sous-sections qui présentent les sources de financement, les
enseignants, les élèves, l'administration, les parents
d'élève, les infrastructures et les équipements, le
matériel didactique et les manuels scolaires, les méthodes et
les
129
instruments d'évaluation. Comment tous ces intrants
concourent-ils à l'exécution du projet-école des classes
passerelles ?
1. Cadre institutionnel des classes passerelles
Le MEN (2009) prévoit dans son plan d'action à
moyen terme : « le développement de l'offre des classes
passerelles, la standardisation de leurs curricula, la mise à
disposition des écoles d'enseignants publics et la formation des
enseignants 192» afin de définir les conditions de leur
prise en compte dans la carte scolaire. Le plan d'action à moyen terme
2012/2014 du MEN prévoit en son point 25 une « extension du
dispositif des classes passerelles 193» pour prendre en compte
les enfants déscolarisés et non scolarisés. Ces mesures
s'inscrivent dans le cadre de la loi n° 95-696 du 7 septembre 1995
relative à l'enseignement qui énonce en son article premier que
« le droit à l'éducation est garanti à chaque citoyen
(...) ».
Le PNDEF (Plan National de Développement du Secteur
Education Formation) 1998-2010 prévoit également dans ses
principes fondamentaux le renforcement des actions pour réduire «
les inégalités dans l'accès à
l'éducation/formation (...) » Au titre des réformes, il est
prévu d'élargir « l'offre d'éducation/formation aux
zones défavorisées. »
Toutes ces dispositions s'inscrivent dans le cadre global de
l'EPT (Education Pour Tous) de 2000 qui garantit un accès
équitable de tous les enfants à une éducation de base. Ces
mêmes principes sont réaffirmés par la Déclaration
d'Incheon ou Education 2030 adopté en 2015.
En 2015, conformément au principe de mise en oeuvre
d'un dispositif d'éducation d'urgence, des normes minimales ont
été élaborées par les promoteurs des classes
passerelles en partenariat avec l'administration scolaire nationale
192 MEN et al, 2011, op. cit., p. 17
193 idem, p. 9
130
en Côte d'Ivoire. Selon MENET et NRC
(2015)194 Elles sont élaborées selon six axes à
savoir :
- norme 1 : critères de choix des zones
d'implantation
Désormais, le choix des localités ou sites
d'implantation des classes passerelles en Côte d'Ivoire est fonction de
:
- l'existence de besoin en matière
d'éducation/formation;
- l'engagement des communautés et des autorités
éducatives pour la mise en oeuvre des classes passerelles dans la zone
pré-identifiée ;
- l'existence potentielle d'écoles formelles dans la zone
d'implantation ; - l'existence d'infrastructures d'accueil.
Pour la mise en oeuvre des classes passerelles, une
prospection des besoins d'offres réels en éducation est
effectuée dans la localité pour s'assurer de l'existence de
bénéficiaires potentiels. Elle consiste à
déterminer le nombre d'enfants hors du système scolaire et
susceptibles d'être atteints par la limite d'âge. Si les
écoles conventionnelles sont destinées à recevoir les
élèves issus des classes passerelles, l'ouverture de celles-ci
n'est pas conditionnée par l'existence des premières. Dans le
processus, une classe passerelle pourrait servir « d'embryon
195» à l'ouverture d'une école conventionnelle
reconnue par les autorités et inscrite sur la carte scolaire. S'il
n'existe pas d'école conventionnelle, le projet prévoit une phase
de sensibilisation des communautés, des autorités administratives
et éducatives à la création de celle-ci en fonction des
niveaux CP, CE et CM.
Pour une plus grande implication des parties prenantes dans la
mise en oeuvre des classes passerelles, l'organisation doit suffisamment
informer, communiquer et sensibiliser les communautés et les partenaires
du système éducatif sur les thématiques comme :
- le droit à l'éducation pour tous les enfants ;
- la protection contre les pires formes de travail des enfants
;
- l'importance de l'éducation comme moyen de protection
des enfants.
194 MENET et NRC, 2015, op.cit., pp. 9-24
195 idem., p. 9
131
La réussite de ce processus exige des rencontres avec
les communautés, les autorités administratives et
éducatives locales pour identifier les besoins liés à
l'opérationnalisation du projet et les impliquer à sa
réalisation.
- norme 2 : processus d'identification et de
sélection des enfants.
Ce processus se déroule en six étapes qui sont :
- l'évaluation des besoins en éducation ;
- l'élaboration des critères (effectif, âge
et niveau) ;
- le pré-enregistrement des bénéficiaires
;
- la récupération des fiches de
pré-enregistrement ;
- la validation des fiches au vu des critères
susmentionnés ;
- la remise des convocations aux enfants et aux parents pour
l'inscription à la rentrée.
L'évaluation des besoins en éducation porte
d'abord sur l'identification des sources d'information comme les IEP et les
communautés. Ensuite, les acteurs du projet vérifient l'existence
des bénéficiaires au sein des localités. Puis des
rencontres d'information et de sensibilisation sont organisées avec les
parties prenantes. Enfin, les infrastructures éducatives de la
localité sont évaluées. Concernant les effectifs des
élèves, le nombre requis est de trente à trente-cinq
personnes par classe. Ces effectifs tiennent compte de l'âge des enfants,
de leur passé scolaire et leur niveau d'étude. Ainsi, trois
niveaux sont prévus comme suit :
- le Cours Préparatoire Unique (CPU) reçoit les
enfants âgés de neuf à dix ans révolus jamais
scolarisés ou déscolarisés précocement ;
- le Cours Elémentaire Unique (CEU) accueille les
enfants âgés de onze à douze ans révolus ayant
déjà eu une première expérience scolaire de
l'école primaire ;
- le Cours Moyen Unique (CMU) dispose d'enfants
âgés de treize à quatorze ans révolus ayant une
première expérience scolaire de niveau du cours
élémentaire (C.E) ;
En outre, il est prévu le recrutement d'enfants
menacés par la limite d'âge d'accès à l'école
primaire. Le pré-enregistrement des bénéficiaires se fait
à partir
132
d'une fiche d'identification à renseigner par le
personnel de l'organisation ou par les points focaux que sont les
présidents de COGES, les directeurs d'école et les chefs de
village. Ensuite, la fiche est retournée au promoteur pour la suite du
processus. Elle aboutit à la validation des données
collectées qui tient compte des critères de sélection des
bénéficiaires, c'est-à-dire l'effectif, l'âge et le
niveau.
Le processus se termine par la remise des convocations aux
enfants et aux parents pour l'inscription à la rentrée scolaire.
C'est une inscription gratuite qui se fait sous la supervision d'un
comité composé du directeur de l'école, du COGES et du
promoteur des classes passerelles.
- norme 3 : recrutement et prise en charge des
enseignants volontaires. Elle porte sur :
- le recrutement des enseignants ;
- les conditions de prise en charge des enseignants
volontaires.
Les enseignants volontaires des classes passerelles sont
recrutés au sein des communautés locales. Cela permet de
faciliter la collaboration avec les parents et la prise en charge de ces
enseignants volontaires. Ce recrutement est fait de manière gratuite. La
norme comprend un critère d'âge compris entre dix-huit et quarante
ans pour les enseignants en plus du niveau d'étude qui est le Brevet
d'Etude du Premier Cycle (BEPC). Le recrutement des enseignants devra se faire
en quatre étapes, à savoir :
- l'appel à candidature : il est lancé par le
promoteur en collaboration avec l'Inspection d'Ecole Primaire (IEP) de la zone
d'intervention. Cette étape dure deux semaines ;
- la réception des dossiers : les dossiers sont
reçus directement par l'IEP ou par le responsable de la
communauté ou par le promoteur pour être transmis à l'IEP.
Les dossiers sont constitués d'une photocopie de la carte nationale
d'identité, de la photocopie du diplôme sur présentation de
l'original et d'une demande manuscrite adressée à l'IEP de la
circonscription ;
133
- la validation des dossiers : un comité de validation
composé d'au moins trois membres issus de l'IEP et de l'organisation
promotrice, statuent sur les dossiers ;
- le test de présélection : un test de
présélection est proposé par les conseillers
pédagogiques formateurs. Il est organisé par l'IEP en
collaboration avec l'organisation promotrice. Il porte sur des épreuves
telles que la dictée, la rédaction et les mathématiques. A
l'issue de cette première étape, les candidats admissibles auront
un entretien avec une commission mise en place par l'IEP et le promoteur. La
liste des admis sera publiée au plus tard deux semaines après le
test. Cette liste est affichée dans l'IEP et communiquée aux
communautés par l'organisation promotrice. Le processus est
entièrement gratuit et il encourage les candidatures
féminines.
Concernant les conditions de prise en charge des enseignants
volontaires, la communauté locale devra offrir une maison pour
l'hébergement et la nourriture. Le promoteur leur accorde une prime
minimum mensuelle de quarante mille francs et leur assure des frais de
déplacement dans le cadre de toute formation. Les autorités
administratives et éducatives leur apportent une protection et un appui
technique en termes de suivi-évaluation.
- norme 4 : formation de l'enseignant(e) et
d'autres acteurs.
Pour les enseignants, les quatre types de formation retenus
sont les suivants : la formation initiale, la formation continue, le suivi
pédagogique et le suivi administratif. La formation initiale devra se
faire par l'encadreur de l'antenne pédagogique ou le formateur de
l'organisation promotrice entre douze et trente jours. Elle porte sur la
pédagogie, la didactique et la déontologie de l'enseignement. On
procèdera aussi par regroupement des enseignants par zone
d'intervention.
La formation continue devra se faire par l'encadreur de
l'antenne pédagogique ou le chargé de l'éducation de
l'organisation promotrice. Elle se fera en
134
cinq jours chaque deux mois à partir de la
rentrée scolaire. Soit dix jours au total durant l'année
scolaire. Elle porte sur le renforcement des capacités en didactique. On
procèdera par regroupement des enseignants par zone d'intervention.
Le suivi pédagogique devra se faire par une
équipe pédagogique composée du personnel de l'antenne
pédagogique, du chargé de l'éducation de l'organisation
promotrice et du directeur de l'école. Elle a lieu une fois avant chaque
regroupement. Soit deux regroupement au total sur l'année scolaire. On
procèdera par des visites de classe d'une part et les mercredis seront
mis à profit d'autre part, lorsque la classe passerelle est logée
au sein d'une école conventionnelle. Le suivi administratif (respect des
textes et des instructions officielles) sera assuré par le personnel
d'éducation de l'organisation et par le directeur de l'école.
Elle a lieu à tout moment de l'année scolaire. On
procèdera par des visites de classe et des échanges avec les
enseignants.
Pour les autres acteurs (le directeur d'école, ses
adjoints, le COGES, les représentants des jeunes, les responsables des
femmes, les responsables des associations, le chef du village, l'IEP, le CPI,
les conseillers en éducation de l'organisation), la formation se passe
en un ou deux jours et porte sur les thématiques relatives à la
gouvernance au sein de l'école et le rôle des COGES. En outre, le
projet favorise l'intégration des enseignants volontaires des classes
passerelles à la vie scolaire de l'école et à celle de la
circonscription de l'enseignement préscolaire et primaire de la zone
d'intervention. Cela passe aussi par les journées pédagogiques et
les activités socioculturelles. Le projet fait de la formation des
acteurs, une obligation. Ce faisant, il vise une meilleure coordination de
l'action pédagogique et une meilleure compréhension du concept
« classe passerelle ».
- norme 5 : organisation des enseignements et
apprentissages. Elle porte sur :
135
- le principe des programmes éducatifs
d'enseignement/apprentissage accé-
lérés ;
- les stratégies pédagogiques d'enseignement/
apprentissage accéléré ;
- l'aménagement de l'espace-classe ;
- l'évaluation des enfants des classes passerelles.
Les enseignants volontaires des classes passerelles devront
dispenser des contenus identiques à ceux des écoles
conventionnelles. Les programmes éducatifs révisés devront
tenir compte de ceux du système conventionnel, de la didactique des
disciplines des classes passerelles, de la psychopédagogie et de
l'administration scolaire, telles qu'en vigueur dans l'enseignement primaire
conventionnelle. Les contenus d'enseignement/apprentissage des deux
années d'un cycle sont condensés pour être
étudiés en une année scolaire. Par la suite, les
élèves intègrent ou réintègrent le
système scolaire conventionnel selon leurs niveaux et leurs
résultats du test d'intégration.
Les stratégies d'enseignement/apprentissage des classes
passerelles mettent l'apprenant au centre de l'apprentissage. Les besoins et
les motivations de l'apprenant sont pris en compte. Il est actif et «
apprend à apprendre. 196» L'apprentissage est interactif,
participatif et focalisant, davantage, l'intérêt sur les
stratégies d'apprentissage que sur les contenus. Les classes passerelles
ont un effectif réduit. Le ratio enseignant par élève est
de 1 : 30, le maximum étant de 1 : 35. Ce ratio favorise l'application
des stratégies pédagogiques dynamiques. Vu l'effectif
réduit des classes passerelles, l'enseignant volontaire est
invité à mettre en oeuvre les méthodes actives. Il doit
aménager l'espace-classe afin de rendre la classe la plus fonctionnelle
possible. L'aménagement de l'espace-classe la plus recommandée
est la disposition des tables-bancs en forme de « U », face à
un tableau mobile fixe. Pour chaque niveau, un emploi du temps a
été conçu lors des séminaires nationaux d'Abidjan
et de Guiglo et validé par la DPFC. Il fixe le
196 MENET et NRC, 2015, op.cit., p. 18
136
temps de travail hebdomadaire à cinq ou six jours selon
le promoteur des classes passerelles.
Une classe des classes passerelles comprend deux niveaux.
L'enseignant volontaire dispense d'abord les contenus de niveau 1. Puis, il
procède à une évaluation avant de poursuivre avec le
niveau 2. En fin d'année, une évaluation de fin de cycle est
effectuée afin de juger du niveau global des enfants et de
procéder à leur intégration dans les niveaux du
système scolaire conventionnel en fonction de leurs résultats
individuels.
- norme 6 : rôles et
responsabilités des parties prenantes.
Elle définit le niveau d'implication des acteurs des
classes passerelles qui sont :
- les partenaires techniques et financiers ;
- les responsables de communautés ou COGES ;
- les enseignants volontaires des classes passerelles ;
- les enfants des classes passerelles ;
- l'administration scolaire ;
- le groupe sectoriel éducation/ formation ;
- le service de veille et de suivi des programmes ;
- le SNAPS-COGES ;
- les élus locaux et collectivités locales ;
- l'INS (Institut National de Statistique)
Les Partenaires Techniques et Financiers veillent au respect
du droit à l'éducation des enfants en apportant l'expertise
adéquate et en mobilisant les ressources humaines, matérielles et
financières. Les responsables des communautés ou les COGES
servent d'interface entre les PTF et les communautés. Ils veillent
à l'inscription des enfants dans les classes passerelles, à leur
maintien et au suivi des enfants intégrés dans les écoles
conventionnelles. Pour ce faire, ils participent à toutes les
étapes du processus à savoir de l'identification des enfants
à la sécurisation de la classe en passant par la mobilisation des
ressources humaines et matérielles. Ces actions sont renforcées
par le SNAP-COGES qui veille à la prise en
137
compte par les COGES des classes passerelles dans leurs plans
d'action. Cela est effectif en informant et en mobilisant les COGES sur
l'intérêt des classes passerelles.
Les enseignants volontaires veillent à l'application
des approches pédagogiques et des programmes éducatifs en
vigueur, au respect du code de conduite et à la protection des enfants.
Pour assurer ces responsabilités, ils dispensent les enseignements,
promeuvent l'éducation dans la communauté et assurent le suivi
des enfants. Les enfants des classes passerelles veillent à achever le
cursus scolaire en participant aux apprentissages avec assiduité. Les
élus locaux et les collectivités locales veillent à la
participation des communautés et à la mise à
disponibilité des moyens matériels et financiers pour la
création des classes passerelles. Pour ce faire, ils informent,
mobilisent les acteurs et initient des actions de plaidoyer en faveur des
classes passerelles.
Le groupe sectoriel éducation/formation est responsable
de la vulgarisation et du partage des informations relatives aux classes
passerelles. Ainsi, il initie des actions de plaidoyer pour l'accès des
enfants à une éducation de qualité et mobilise des
ressources à cet effet. Le service de veille et de suivi des programmes
agit au niveau national. Il se préoccupe de la qualité de
l'enseignement/apprentissage des classes passerelles en évaluant les
acquis scolaires des élèves. L'INS devra actualiser les
données statistiques relatives aux enfants hors du système
scolaire et les mettre à la disposition des acteurs. Le Service Autonome
de l'Alphabétisation et de l'Education Non Formelle (SAA-ENF) a une
couverture nationale. Il devra faire respecter les textes relatifs aux classes
passerelles à travers le suivi-évaluation du processus de la mise
en oeuvre des classes passerelles.
L'administration scolaire comprend une diversité
d'acteurs qui participent au bon fonctionnement des classes passerelles
notamment à différents niveaux. Il s'agit de la Direction de la
Pédagogie et de la Formation Continue (DPFC), de la Direction des Ecoles
Lycées et Collèges (DELC), de la Direction de la Planification,
de l'Evaluation et des Statistiques (DPES), de la Direction Régionale
de
138
l'Education Nationale et de l'Enseignement Technique (DRENET),
de l'Inspection de l'Enseignement Primaire (IEP), des Conseillers
Pédagogiques du Préscolaire et du Primaire (CPPP) et du directeur
d'école. Ainsi, au niveau national, la DPFC s'assure de la
qualité des programmes éducatifs et des plans de formation du
personnel des classes passerelles. La DELC est soucieuse du respect du droit
à l'éducation des enfants par l'effectivité de leur
intégration dans le système scolaire conventionnel. La DPES devra
mettre à disposition les données statistiques relatives aux
capacités des écoles d'accueil des enfants à
intégrer dans le système scolaire conventionnel.
Au niveau régional, la DRENET devra s'assurer du bon
fonctionnement des classes passerelles et de la prise en compte de leurs
besoins. Pour atteindre ces objectifs, Elle évalue les besoins des
classes passerelles et coordonne la mise en place des organes de pilotage. Elle
assure la supervision pédagogique des enseignants volontaires, valide
les évaluations des élèves et assure la supervision de la
mise en oeuvre des classes passerelles. L'IEP veille au bon fonctionnement des
classes passerelles au niveau local en évaluant leurs besoins et en
conduisant le processus de recrutement des enseignants volontaires. Elle assure
également la supervision pédagogique des enseignants volontaires
et valide les évaluations des élèves.
Le CPPP devra faire respecter les volumes horaires
d'enseignement/ apprentissage dans les classes au niveau local. Il assure alors
la formation et l'encadrement pédagogique des enseignants volontaires.
Quant au directeur d'école, il veille à la tenue correcte des
outils pédagogiques par les enseignants dans les classes. Cet objectif
se réalise à travers le suivi pédagogique des enseignants,
la vérification de l'assiduité des élèves au cours
et la participation du CPPP aux visites dans la communauté.
139
Les six normes devraient permettre aux acteurs des classes
passerelles d'opérer selon un standard qui intègre tous les
aspects du fonctionnement du dispositif.
2. Mission et objectifs
Selon les promoteurs, la mission des classes passerelles est
de dispenser des connaissances aux élèves
déscolarisés et non scolarisés afin de permettre leur
intégration dans l'école conventionnelle. A cette fin, trois
objectifs spécifiques se déclinent comme suit :
- développer chez les apprenants la compétence de
lecture par la reconnais- sance des lettres, des mots, des expressions, des
phrases et des textes ;
- développer chez les apprenants la compétence
d'écriture par la reconnaissance et la rédaction des lettres et
des textes à partir de leur vécu et le discours oral comme le
conte ou le récit ;
- développer chez les apprenants la compétence de
calcul par les opérations mathématiques à partir du
vécu.
Ces objectifs prennent en compte les trois compétences
de base nécessaires à l'alphabétisation tout en mettant
l'accent sur le savoir-être.
3. Méthodes et langues d'enseignement
NRC (2015) décrit les méthodes d'enseignement des
classes passerelles
comme « des méthodes d'apprentissage
accélérées qui mettent l'accent sur l'apprenant, ses
besoins et ses motivations. 197» Ces méthodes
s'appuient sur des stratégies d'apprentissage plutôt que sur des
contenus. Les enseignements dispensés en langue française
uniquement pour le modèle NRC alors que les classes EPT utilise la
langue maternelle avant d'y associer le français.
197 Centre Béthanie de Man, 2015, Présentation
de l'approche des classes passerelles NRC, Abidjan, NRC. p. 36
140
4. Programme
Le programme de l'apprentissage est élaboré par
l'équipe pédagogique de l'ONG EPT et NRC puis validé par
les conseillers pédagogiques qui représentent l'inspection de
l'enseignement primaire. Ce sont les programmes accélérés
de deux années, à savoir :
- pour les CPU, les contenus du CP1 et CP2 sont condensés
pour les élèves âgés de 9 ans au moins ;
- et pour les CEU, ce sont les contenus de CE1 et CE2 qui sont
condensés pour les élèves âgés de 11 ans au
moins.
Les disciplines enseignées sont : l'expression
écrite, l'expression orale, l'exploitation de texte 1 et 2, la lecture,
l'ECM (Education Civique et Morale), les mathématiques, l'histoire, la
géographie, les AEC (Activités d'Eveil Corporel), les Sciences et
Technologie et l'EPS (Education Physique et Sportive). En plus de ces
disciplines classiques, des activités coopératives sont
également organisées.
5. Organisation des cours
L'enseignement est organisé en un cycle unique
dénommé CPU (Cours Préparatoires Uniques). Dans cette
organisation, les élèves sont tous regroupés dans la
même salle et reçoivent les mêmes enseignements.
L'enseignement en CPU, pour les classe passerelles EPT se décline en
deux cycles à savoir, les CP (Cours Préparatoires) et les CE
(Cours Elémentaires). Ce sont les programmes compressés (une
réduction des contenus basée sur l'essentiel des deux cycles) qui
constituent les CPU pour les classes EPT. Un promoteur qualifie cela de «
classe multi-âge.198» Cela permet aux apprenants
d'effectuer, en neuf mois de cours, quatre années scolaires des
écoles conventionnelles. Dans ce schéma, les enseignements en CP
sont dispensés en deux mois. Ils se résument en
préapprentissage (la prélecture, la préécriture et
le précalcul), qui a pour vecteur, la langue maternelle et la langue
française. En générale, la langue maternelle retenue
est
198 Classe multi-âge : S. CONNAC, 2006, la définit
comme « une hétérogénéité de
l'âge des apprenants d'une classe »
141
celle qui est dominante (langue véhiculaire) dans une
zone donnée, car les apprenants sont supposés en avoir une
maîtrise même si cela n'est pas vérifié. La phase de
préapprentissage qui est destinée aux non scolarisés
constitue un renforcement pour les déscolarisés.
Ensuite, les enseignements en CE se dispensent en sept mois
à travers la langue française. Pour les CE1, les apprenants sont
à une étape d'initiation au français et leur niveau est
renforcé au niveau des CE2. Il est prévu pour les
élèves en situation de difficulté d'apprentissage, des
cours en dehors du temps scolaire normal. Cela constitue un soutien
pédagogique pour les bénéficiaires.
Pour les classes NRC, une méthode différente est
utilisée. Les enseignements sont organisés en cours uniques CPU,
CEU et CMU. A la différence du modèle EPT, une salle de classe
est mise à la disposition de chaque niveau. Le français seul est
la langue d'enseignement. A la fin d'un cycle, l'élève est
intégré à l'école conventionnelle ou dans le cycle
suivant du dispositif passerelle selon son profil, notamment l'âge. C'est
ainsi qu'un élève qui termine le CEU à 11 ans sera
intégré à l'école conventionnelle au CM1 alors que
celui qui a 14 ans dans les mêmes conditions sera promu au CMU de la
passerelle car celui-ci ne dispose pas d'une marge de temps suffisante avant la
limite d'âge du cycle primaire fixée à 15 ans jusqu'en
2015. Ce tri permet d'ajuster l'âge et le niveau d'étude, tout en
étant conforme aux exigences du système scolaire primaire
conventionnel.
6. Méthodes d'intervention
L'implantation des classes passerelles se fait selon quatre
critères retenus par les promoteurs. Ce sont :
- la situation géographique : de manière
générale, ce sont les zones rurales et les quartiers
défavorisés (n'ayant pas d'école) de la ville qui sont
ciblés par le projet des classes passerelles. Dans le cas
échéant, les classes sont situées uniquement dans les
zones CNO de Côte d'Ivoire. Pour le modèle NRC, la classe est
logée dans une école conventionnelle et bénéficie
de
142
l'encadrement du directeur de celle-ci. Le seul critère
de l'existence de la classe passerelle, selon NRC, est l'existence d'enfants
hors du système scolaire dans une localité ;
- la distance du site par rapport à l'école la
plus proche : le site bénéficiaire doit être situé
à une distance de plus de sept km de l'école la plus proche, pour
les classes EPT;
- la population scolarisable : le site
bénéficiaire doit enregistrer la présence d'au moins
trente enfants hors du système scolaire dans la localité;
- le critère genre : il s'agit de prendre en compte la
présence des filles au sein de la population scolarisable. C'est un
critère additionnel qui privilégie le site ayant le plus grand de
filles scolarisables.
Par ailleurs, la procédure d'implantation se
déroule en quatre étapes qui sont :
- l'information : les autorités administratives,
scolaires et coutumières sont informées du projet des classes
passerelles. Il leur est demandé de proposer des noms de villages ayant
un besoin d'école ;
- la prospection : deux séances de travail sont
réalisées avec l'administration préfectorale et scolaire
afin de les impliquer au projet école ;
- les recensements : les villages proposés par les
autorités recensent leurs enfants restés en marge du
système scolaire ;
- choix définitif des sites : au regard des
données disponibles sur chaque village et des critères
préétablis, la direction d'EPT fait le choix définitif des
sites.
Ces différentes étapes de la procédure
permettent d'impliquer, à la réalisation du projet, aussi bien
les bénéficiaires que les acteurs étatiques.
7. Formation pédagogique des enseignants
L'ONG EPT dispense la formation initiale aux animateurs
pendant deux semaines avec l'appui financier d'UNICEF. Le suivi est fait par
zone chaque deux mois à raison de deux jours par séance de
formation. C'est l'occasion de regrouper les animateurs d'une même zone.
Au total ce sont six regroupements qui sont
143
effectués pour le suivi. La sixième se passe
à l'occasion du test de transfert.
L'équipe de suivi pédagogique est composée
des entités suivantes :
- le COGES (Comité de Gestion des Etablissements
Scolaires) ;
- le coordinateur d'EPT (conseiller pédagogique ou
conseiller
d'inspection) ;
- l'inspecteur ;
- le directeur régional ;
- l'UNICEF ;
- la cellule pédagogique d'EPT.
Le modèle NRC propose une formation initiale de dix
jours et une formation continue de deux jours par mois dispensées par
des conseillers pédagogiques. La mise en oeuvre des classes passerelles
dans le cadre du PUAEB (avec les partenaires EPT et « soleil levant
») a mobilisé des ressources humaines qui ont été
recrutés à travers des tests. Il s'agit de quarante animateurs ou
enseignants volontaires et quatre superviseurs. Ces acteurs clés des
quarante classes passerelles sont supposés former, « insérer
ou réinsérer 600 enfants 199» dans le
système scolaire conventionnel. Le processus devrait être
encadré par les équipes pédagogiques des promoteurs et des
structures étatiques spécialisées comme : l'Antenne
Pédagogique de la Formation Continue nommée APFC et le Service
Autonome d'Alphabétisation (SAA).
Le projet a suscité un atelier de formation à
Bouaké du 26 août au 04 septembre 2013. Cet atelier visait
principalement, la formation de quarante animateurs et quatre superviseurs aux
compétences pédagogiques. Les objectifs spécifiques de la
formation sont :
- apprendre aux animateurs et aux superviseurs à tenir
les documents pédagogiques et administratifs ;
- apprendre aux participants, les méthodologies des
disciplines enseignées dans les classes passerelles en français
et en langue ;
199 EPT, 2013, op. cit., pp. 1-2
144
- apprendre aux participants à rédiger des
fiches pédagogiques et à les mettre en oeuvre à travers
les classes ouvertes ;
- amener les participants à utiliser de manière
efficiente les graphismes dont les symboles dans la phase
d'alphabétisation ;
- former les participants aux droits des enfants et aux
alternatives aux punitions physiques et humiliantes ;
- et former les superviseurs au suivi-évaluation des
classes passerelles.
Pour atteindre ces objectifs, les modules suivants sont
développés par les formateurs : la psychopédagogie, les
droits de l'enfant, l'alphabétisation, le préapprentissage en
langue, la préparation de leçon, les classes à profil
spécifique et le suivi-évaluation.
Conformément aux recommandations de l'atelier de Dahoua
et en collaboration avec le Ministère de l'Education Nationale et ses
partenaires du système Educatif, une formation initiale de vingt jours a
été organisée en 2014 pour deux cent treize enseignants
bénévoles des Inspections de l'Enseignement Primaire (IEP) de
Bangolo, Biankouma, Bin-Houyé, Bloléquin, Danané,
Duékoué, Fa-cobly, Guezon, Guiglo, Sangouiné, Taï,
Toulepleu et Zouan-Hounien. Cette formation des enseignants visait les
objectifs suivants :
- initier les enseignants bénévoles à la
nouvelle méthode pédagogique « Approche Par les
Compétences » (APC);
- les rendre plus efficaces dans l'exercice de leur fonction ;
- adapter les curricula à cette nouvelle approche.
- amener les formateurs à concevoir et soumettre leur
projet de formation au plus tard le 12 Septembre 2014 ;
- adapter les curricula et les mettre à la disposition de
NRC ;
- permettre aux enseignants de disposer de compétences
et de connaissances pour l'encadrement et la transmission du savoir aux enfants
;
- renforcer les acquis des bénévoles en pré
apprentissage ;
- former les enseignants sur l'utilisation du guide « bon
enseignant » ;
145
- donner les aptitudes aux enseignants bénévoles
pour remplir correctement les différents registres ;
Pour atteindre ces objectifs, les formateurs ont
utilisé une méthodologie dynamique et participative mettant
l'accent sur l'enseignant bénévole en identifiant ses limites
afin de les corriger. Des activités ont été
utilisées comme des exercices individuels, des travaux de groupe, des
micro-enseignements et l'identification des activités pratiques à
mener le premier mois de cours dans les différents niveaux.
8. Masses horaires
Les classes passerelles fonctionnent sur 34 à 36
semaines de cours annuels. Ces cours sont dispensés de manière
accélérée cinq jours par semaine (lundi, mardi, mercredi
matin, jeudi, vendredi et samedi matin). Pour la masse horaire
journalière, les classes sont ouvertes de 8 heures
à 12 heures le matin et de 14 heures 30 à 17 heures 30 minutes
l'après-midi.
Pour optimiser le temps scolaire, les congés sont
raccourcis et réaménagés selon les réalités
de chaque zone. Seuls les jours fériés sont maintenus. En
conséquence, chaque village à sa période de congé
excepté pour les vacances de fin d'année. Toutefois la masse
horaire annuelle est pareille pour toutes les classes passerelles
c'est-à-dire 36 semaines de cours. Cela est largement au-dessus de la
norme de l'UNESCO (25 semaines) pour valider une année scolaire. Le
tableau suivant nous donne un aperçu de la masse horaire chez le
promoteur EPT.
146
Tableau XVIII : répartition de la masse horaire chez le
promoteur EPT
Domaines
|
Durées
|
Périodes de visites de classes
|
Périodes de Re- groupement
|
Evaluation
|
Pré alpha et apprentissages en langue
|
6 semaines
|
Semaine 3
|
|
Interne
|
Semaine 6
|
Semaine 6
|
Collective
|
Apprentissages en Français
|
28 semaines
|
Semaine 10
|
|
Interne
|
Semaine 14
|
Semaine 14
|
Collective
|
Semaine 18
|
|
Interne
|
Semaine 22
|
Semaine 22
|
Collective
|
Semaine 26
|
|
Interne
|
Semaine 30
|
semaine 30
|
Collective
|
|
Semaine 34
|
Test de transfert
|
Séminaire
|
3 jours
|
bilan, amende- ment et produc- tion de docu- ments
|
Source : documents administratifs de l'ONG EPT
Le tableau présente la masse horaire globale (34
semaines/année) et selon la langue d'enseignement, soit six semaines
pour la langue maternelle et vingt-huit semaines pour le français. Ces
périodes d'apprentissage sont ponctuées de visites de classe et
d'évaluations.
9. Indicateurs des flux internes
Les taux de réussite des classes passerelles dans les
différentes localités bénéficiaires
s'étendent sur la période 2007-2014. Ces chiffres sont
présentés par le tableau suivant.
147
Tableau XIX: taux de réussite des classes passerelles EPT
et NRC par localité et par année
Localités
|
années
|
Niveaux
|
Taux de réussite
|
Bouaké
|
2007
|
CPU
|
73,87
|
CEU
|
73,87
|
2008
|
CPU
|
88,33
|
CEU
|
87,33
|
CMU
|
90,04
|
Odienne
|
2009
|
CPU
|
99,61
|
CEU
|
99,61
|
Séguéla
|
2009
|
CPU
|
99,82
|
CEU
|
99,82
|
Duékoué
|
2009
|
CPU
|
98,74
|
CEU
|
97,60
|
CMU
|
90,20
|
Man
|
2013
|
CPU
|
98,40
|
CEU
|
96,00
|
CMU
|
92,66
|
Ferkessedougou
|
2014
|
CPU
|
99,00
|
CEU
|
99,00
|
Duekoué
|
2014
|
CPU
|
97,03
|
CEU
|
96,00
|
CMU
|
92,01
|
Source : données de terrain, 2008-2014
On note que les taux de réussite de 2007 à 2014
oscillent entre 73,94% et 99,82%. Les taux de déperdition, en termes de
redoublement et d'abandon varient entre 0,18% et 26,06%.
10. Intrants mis à disposition
10.1. Financement
Jusqu'en 2012, les classes passerelles n'ont
bénéficié que de financements provenant des ONG et des
partenaires techniques et financiers comme l'UNICEF, l'Union Européenne,
Norad, EAC, Artistgalla et Dubai Cares. C'est alors que
148
l'Etat est intervenu à travers le Programme d'Urgence
d'Appui à l'Education de Base (PUAEB), soutenu par la Banque
Mondiale.
En effet, la Côte d'Ivoire a signé un accord de
financement en 2013, avec l'Association Internationale de Développement
(AID) dans le cadre du Projet d'Urgence d'Appui à l'Education de base
(PUAEB). Ce financement est soutenu par le fonds du Partenariat Mondial Pour
l'Education. L'objectif principal du projet est de restaurer et
d'accroître l'éducation de base en Côte d'Ivoire, avec un
accent particulier sur les zones affectées par les conflits de 2002 et
de 2010/2011. Cet objectif principal se décline en trois objectifs
spécifiques, à savoir :
- restaurer et accroître l'accès aux services
d'éducation de base ;
- réhabiliter et améliorer les conditions
d'enseignement et d'apprentissage ;
- et restaurer et renforcer les capacités du
système éducatif en matière de suivi administratif,
technique et pédagogique.
Conformément au dernier objectif, le PUAEB s'engage
dans le développement des alternatives éducatives à
travers les classes passerelles. La convention N°02/PAS/PUAEB/2013 sert de
cadre juridique à cet engagement. Ce volet du programme est sensé
« favoriser le retour ou la scolarisation de 3000 enfants.200
» Pour atteindre cet objectif, le PUAEB s'appuie sur les organisations
locales comme EPT et « Soleil Levant » qui ont une expertise dans ce
domaine. Ainsi, EPT a assuré l'aménagement et le fonctionnement
de vingt classes passerelles dans les IEP de Ferkessédougou,
Ouangolodougou et Tiéningboué. Quant à l'ONG « Soleil
Levant », elle a piloté la mise en oeuvre de vingt classes
passerelles dans les IEP de Bondoukou et d'Aboisso à travers le
financement du PUAEB.
200 EPT, 2013, op. cit., p. 1
149
10.2. Enseignants ou animateurs
Les animateurs ou les enseignants volontaires sont
recrutés selon le profil sui-
vant :
- être titulaire du diplôme du BEPC ;
- avoir la maîtrise de la langue locale ;
- et être intégré au milieu socioculturel
local.
Ces animateurs ont un statut de bénévole
bénéficiant d'une prime qui dé-
pend de l'effectif de la classe. Chaque animateur est responsable
d'une classe.
Conformément au « manuel du formateur », les
enseignants EPT reçoivent la
feuille de route suivante au titre des mesures
générales :
- préparer par écrite les fiches et le cahier
journal ;
- remplir le registre matricule et fiches scolaires ;
- tenir le cahier de visites pédagogiques ;
- tenir le cahier de visiteurs ;
- tenir le registre d'appel ;
- préparer le tableau noir compartimenté avec
tableau de présence en en-
cart ;
- préparer le tableau d'affichages;
- décorer la salle de classe ;
- embellir l'environnement ;
- créer et entretenir un Jardin scolaire.
Pour la semaine 1 de pré-alphabétisation, les
animateurs doivent :
- respecter le temps imparti au pré alpha ;
- respecter l'emploi du temps ;
- respecter la progression ;
- respecter les méthodologies ;
- confectionner et utiliser des outils de référence
(Etiquettes-prénom, jours,
mois, quantième, année, calendrier, symboles) ;
- et faire découvrir et écrire des lettres et
chiffres à partir des symboles (au
sol, au tableau, sur les ardoises).
150
Concernant l'apprentissage en langue maternelle de la semaine 2
à la semaine 9
les animateurs doivent :
- respecter le temps imparti aux apprentissages en langue ;
- respecter l'emploi du temps ;
- respecter la progression ;
- ajouter d'autres outils de référence
(Alphabet, tableau de numération et af-
fichages pédagogiques) ;
- respecter les méthodologies des différentes
disciplines (voir manuel et syl-
labaires en langue) ;
- organiser une évaluation à la fin des
apprentissages en langue.
Pour l'apprentissage en français de la semaine 10 à
la semaine 34 les animateurs
doivent :
- respecter le temps imparti aux apprentissages en
français
- respecter l'emploi du temps
- respecter les méthodologies des différentes
disciplines
- respecter les progressions
- faire utiliser les cahiers d'intégrations
- évaluer à la fin des apprentissages en
français
- organiser le test de transfert.
10.3. Elèves
De manière générale, les classes
passerelles recrutent les élèves restés hors du
système scolaire pour des raisons diverses. Plusieurs types d'enfants en
constituent la population scolaire. Ce sont :
- les non scolarisés qui sont des enfants n'ayant
jamais eu accès à l'école ; - les
déscolarisés qui ont abandonné l'école pour une
insuffisance de per-
formance, pour des difficultés socio-économiques
ou pour raison de conflit
armé ;
- les enfants en migration comme les « talibés
» ;
- les enfants exploités qui sont utilisés par
les adultes pour des activités lucratives ;
151
- les enfants des personnes déplacées lors du
conflit post-électoral de 20102011 ;
- et les enfants non accompagnés qui ont perdu leurs
parents pendant le déplacement survenu lors de la crise
post-électorale.
Les stratégies de recrutement diffèrent d'un
promoteur à l'autre et d'une région à l'autre. C'est ainsi
que l'ONG NRC a recruté au niveau du centre du pays (Bouaké), les
enfants exploités et ceux qui sont en migration, alors qu'à
l'ouest du pays (Duékoué, Danané, Guiglo, et Man), elle a
privilégié les enfants des personnes déplacées et
les enfants non accompagnés.
Les élèves des classes passerelles sont
âgés de neuf ans au moins et les effectifs sont de 30
élèves/classe. Selon l'ONG EPT, en 2005-2006, plus de 200.000
enfants qui ne sont pas retournés à l'école dans les zones
CNO. C'est ce qui a justifié la mise en place des classes passerelles.
Pour l'année scolaire 2006/2007, ce sont 111 élèves qui
ont été encadrés dans ses quatre sites pilotes que sont
Tabako, Minankro, Tollakouadiokro et Allakro (departement de Bouaké). Au
titre de l'année scolaire 2008/2009, ce sont 1500 élèves
des zones Odienné, Tieningboué, Séguéla et Touba
qui ont bénéficié de l'éducation à travers
les 50 classes passerelles d'EPT financés par l'UNICEF.
Déjà en 2008, l'UNICEF affirme qu'en Côte
d'Ivoire le nombre d'enfants pouvant bénéficier de ce type de
dispositif est estimé à 296.792. 201 Aussi,
le projet des 50 classes passerelles s'inscrit-il dans le programme (2009-2013)
de l'UNICEF visant à scolariser, à terme, plus de « 250.000
enfants de 6 à 15 ans 202» qui sont hors du
système scolaire conventionnel de Côte d'Ivoire. Selon MENET et
NRC (2015), « jusqu'en 2014, environ vingt mille (20.000) enfants non
scolarisés ou déscolarisés ont été
intégrés à l'école classique primaire
grâce
201 UNICEF, 2008, Côte d'Ivoire : Funding requirements
2009-2013, Abidjan, UNICEF, p. 8
202 ibidem
152
aux Classes Passerelles. 203» Le tableau suivant
nous donne l'évolution des effectifs selon les années :
Tableau XX : évolution des effectifs
classes/élèves des classes passerelles de NRC/EPT selon
l'année
Années
|
Effectifs passerelles NRC
|
Effectifs passerelles EPT
|
Classes
|
Elèves
|
Classes
|
Elèves
|
2006-2007
|
0
|
0
|
04
|
111
|
2007-2008
|
61
|
4.250
|
02
|
47
|
2008-2009
|
69
|
2.457
|
50
|
1.500
|
2009-2010
|
90
|
2.984
|
0
|
0
|
2010-2011
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2011-2012
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2012-2013
|
125
|
2.870
|
0
|
0
|
2013-2014
|
133
|
4.655
|
17
|
600
|
Total
|
478
|
17.216
|
73
|
2.258
|
effectif global classe
|
551
|
effectif global élève
|
19.474
|
Source : M. H. CHELPI-DEN, 2015, NRC Evaluation Report :
Accelerated Education Programme in Western Cote d'Ivoire (2012-2015). Abidjan,
NRC, pp. 10-11.
En 2014, les classes passerelles initiées par le MENET
dans le cadre du PUEAB (Projet d'Urgence d'Appui à l'éducation de
base) visent à l'intégration « d'au moins 3000 (trois mille)
élèves 204» dans le système conventionnel.
Selon le rapport du Ministère du plan et du développement (2014)
citant Save the Children, « 971.000 enfants en âge d'aller
à l'école primaire en 2013 n'y sont pas soit une proportion de 03
enfants sur 10 ; et 600.000 parmi eux sont en situation de
203 MENET et NRC, 2015, op. cit., p. 7
204 MENET, 2014, op. cit., p.2
153
risque d'abandon. 205» Ces chiffres indiquent
l'ampleur du phénomène de la déscolarisation et la
pertinence du dispositif passerelle.
10.4. Administration
L'administration scolaire locale intervient dans le projet
école en collaboration avec l'équipe d'EPT. L'organigramme
administratif au niveau du projet école se présente comme suit
:
- les promoteurs ;
- les coordonnateurs ;
- les superviseurs ;
- et les animateurs.
Chacune des entités a un rôle spécifique
dans la hiérarchisation des tâches. Les rôles des acteurs
précités se définissent comme suit :
- Promoteurs : il s'agit de la cellule
pédagogique d'EPT qui intervient à un niveau stratégique
à travers la définition de la politique globale, la prise de
décisions stratégiques, le contrôle, la mobilisation des
moyens humains, matériels et financiers.
- Coordonnateurs : ils sont au nombre de cinq soit un par
zone. Ils coordonnent l'exécution du projet dans leurs zones
respectives. Ils sont l'émanation de la structure
déconcentrée en ce sens qu'ils représentent l'ONG EPT dans
chaque zone. Chaque coordonnateur dirige une équipe selon le projet. Ils
sont soit des conseillers pédagogiques régionaux soit des
conseillers pédagogiques d'inspection.
- Superviseurs : Ils sont au nombre de cinq soit un par zone.
Ils sont en contact permanent avec les animateurs des classes et encadrent
ceux-ci dans la mise en oeuvre du programme scolaire. Ils dépendent de
la cellule pédagogique de l'organisation EPT. Ils sont recrutés
avec le niveau baccalauréat.
205 Ministère d'Etat, du plan et du
développement, 2014, « Analyse de la situation de l'enfant
en Côte d'ivoire 2014 » in
http://www.cotedivoire.savethechildren.net,
consulté le 13 novembre 2015
154
10.5. Parents d'élèves
Les parents d'élèves constituent la
communauté qui est représentée dans le COGESS
(Comité de gestion scolaire et de surveillance). La participation
communautaire se situe à trois niveaux : avant le projet, pendant le
projet et après le projet.
- Avant le projet : dans la procédure d'implantation
des classes passerelles, les communautés villageoises et les chefs de
communauté sont informés du projet des classes passerelles. Il
leur est demandé de proposer des noms de villages ayant un besoin
d'école. Ce sont eux qui, en partenariat avec les autorités
administratives, font des propositions de sites au promoteur ;
- Pendant le projet : les coopératives des villages
apportent également leur contribution au projet. Cet apport est
plutôt en nature. Ainsi, il s'agira d'apporter du matériau local
de construction, de trouver un maçon qui sera
rémunéré par l'ONG EPT, de fournir à l'animateur de
la classe passerelle un logement et de la nourriture pendant l'année
scolaire. La sécurité du bâtiment et du mobilier leur
incombe ainsi que la mobilisation des enfants pour la fréquentation
scolaire.
Par ailleurs, le COGES qui est le comité mis en place
pour le suivi du projet fait aussi partie de l'équipe en charge du suivi
pédagogique ; c'est une équipe qui prend en compte toutes les
parties prenantes du projet.
- Après le projet : dans le même temps, la
communauté villageoise, sous l'impulsion du Comité de Gestion et
de Surveillance crée un champ de vivrier d'au moins deux hectares. Les
revenus de ce champ devront permettre la pérennisation du projet en
prenant la relève d'EPT et transformer la classe passerelle en
école communautaire à la prochaine rentrée scolaire. Pour
la faisabilité du champ, un site est choisi par le COGES et toute la
communauté travaille pour sa mise en valeur.
A la suite du projet des 50 classes passerelles de 2009, un
plan d'action communautaire a été mis en place par le promoteur
EPT afin de rendre plus effi-
155
caces les actions de la communauté. Ce plan prend en
compte quatre axes qui sont :
- la mise en place des écoles : la communauté
fait le choix du site de la classe passerelle et la nettoie ; elle livre et
gère les matériaux de construction. Enfin, elle participe
à la construction de la classe et en assure le suivi ;
- la sécurité : la communauté assure
l'entretien du site de la classe ainsi que la surveillance et l'entretien du
mobilier.
- le fonctionnement : la communauté veille au bon
fonctionnement de la classe passerelle ; elle contrôle l'assiduité
et la ponctualité des apprenants et des animateurs ; elle contrôle
le fonctionnement de la bibliothèque ; elle veille à l'assistance
sanitaire des apprenants ainsi qu'à l'établissement des extraits
de naissance des enfants non déclarés à l'état
civil ; elle fait la promotion du maintien des enfants à l'école,
surtout de la jeune fille ; elle initie des activités de valorisation de
la jeune fille ; elle fait le recensement des postulants en vue du recrutement
des animateurs ; enfin, elle assure la prise en charge de l'animateur en termes
d'alimentation, d'hébergement et autres besoins.
et la pérennisation des écoles : elle assure
l'extension de l'école, collecte les matériaux de construction et
recense les enfants hors du système scolaire.
10.6. Infrastructures et équipements
Selon l'ONG EPT, en 2005/2006, environ 319.592 écoliers
ont été recensés dans les zones CNO avec au moins 800
écoles primaires fermées ; ce qui justifia la création du
projet pilote des classes passerelles de 2006/2007. Le rapport UNICEF 2008
suggère l'extension des classes passerelles en ces termes : « (...)
environ 100 écoles ou salles de classes provisoires seront construites
pour servir de classes passerelles. 206» C'est dans ce cadre
qu'interviennent les 50 classes passerelles des zones CNO. Cet aspect prend en
compte l'abri servant de salle de
206 UNICEF, 2008, op. cit.
156
classe et le mobilier qui se compose de tables et bancs aussi
bien pour les élèves que pour les animateurs.
La salle de classe est construite en banco et sa toiture est
recouverte de paille. Avec une superficie de 56 m2, soit 7
mètres de largeur et 8 mètres de longueur, elle est
destinée à accueillir 15 tables bancs pour 30 apprenants. Elle
est construite par le village bénéficiaire du projet de la classe
passerelle, avec l'appui financier l'UNICEF. Sa construction fait l'objet d'une
mobilisation communautaire ; chaque membre de la communauté villageoise
met ainsi à contribution son savoir-faire pour la réalisation de
l'abri. Pour NRC, les abris sont plutôt logés dans des
écoles formelles et ce patrimoine des classes passerelle est
cédé à celle-ci avec l'intégration de ses
élèves dans le système scolaire conventionnel.
157
Figure 16 : modèles de classes passerelles NRC et EPT
Modèle de classe passerelle NRC à l'EPP Kamonoukro,
DREN Bouaké 2009
Modèle de classe passerelle EPT à Tabako, DREN
Bouaké 2008
Source : données de terrain, 2008-2014
158
En ce qui concerne le mobilier, chaque salle
de classe reçoit 15 tables et bancs pour un effectif de 30
élèves. Il est mis à la disposition de l'animateur une
table et une chaise.
10.7. Matériel didactique et manuels scolaires
Le matériel didactique se compose du manuel du formateur,
des manuels de
l'école conventionnelle de niveau CP et CE, des sept
volumes de la collection
profession instituteur, à savoir :
- enseigner dans une classe multigrade ;
- enseigner à partir des enfants ;
- quelques méthodes d'enseignement pour l'éducation
de base ;
- apprendre et enseigner en éducation de base ;
- enseigner dans une classe à large effectif ;
- développer la créativité chez les enfants
;
- et intégrer des activités pratiques à son
enseignement.
Le matériel didactique se compose également d'un
tableau et des documents ac-
quis lors des formations et le petit matériel de bureau.
Le sac pédagogique con-
tient le petit matériel fait de craies et de
matériels géométrique etc.
Les manuels et les fiches pédagogiques sont
conçus par EPT. A la suite de la formation initiale, l'UNICEF fournit le
matériel didactique et les manuels scolaires. Les élèves
reçoivent quatre cahiers de l'apprenant en mathématique,
français, graphisme et écriture, éducation civique et
morale. Ils reçoivent également les livres
d'histoires-géographie et sciences pour l'étude du milieu ainsi
que des cahiers, des stylos, des règles, des gommes, des cartables, etc.
Le tableau suivant nous donne un aperçu de la fiche de contrôle du
matériel didactique chez le promoteur EPT.
159
Tableau XXI : fiche de contrôle du matériel
didactique EPT
Tenue des documents et affichages de classe
Zone : . Centre : Animateur :
|
Date
|
|
|
|
|
|
|
Observations trimestrielles
|
Registre Matricule
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Fiches scolaires
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Registre d'appel
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Cahier journal
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Cahiers de visites pédagogiques
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Cahiers de visi- teurs
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Tableau d'affichages
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Affichages péda- gogiques
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Outils de référence
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
Décoration
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
P
|
|
|
|
|
|
|
M
|
|
|
|
|
|
|
B : Bien P : Passable M : Mal
Observations générales / Trimestre
Le superviseur
|
Source : documents administratifs ONG EPT
160
10.8. Méthodes et instruments
d'évaluation
Les élèves des classes passerelles modèle
EPT sont soumis à trois types d'évaluation à savoir:
- l'évaluation en langue maternelle : elle est
proposée par les animateurs de chaque zone sous la supervision des
conseillers pédagogiques d'EPT. Elle varie selon les langues. Pour la
même période, il y a une évaluation langue maternelle par
zone d'intervention.
- l'évaluation continue : elle est faite une fois
chaque deux mois sur la base de la progression effective. Elle est
élaborée par chaque animateur et proposée à EPT qui
retient une version unique pour tous les centres. Pour les classes NRC, une
évaluation est faite en fin de programme de la première classe
d'un cycle (CP1, CE1 et CM1).
- et le test de transfert qui est l'évaluation finale:
elle est conçue par la direction pédagogique d'EPT. Il s'agit
d'un test unique pour toutes les classes passerelles. L'objectif, selon EPT,
est de voir le niveau « d'absorption du programme » par les
élèves. C'est ce test qui détermine le taux de transfert
des élèves de la passerelle vers l'école
conventionnelle.
Chacune de ces trois évaluations vise un objectif
précis. Celle portant sur la langue maternelle permet de mesurer le
niveau des acquis à la fin du préapprentissage.
L'évaluation continue permet de faire un contrôle du processus
d`apprentissage chaque deux mois. Le test de transfert quant à lui,
constitue une évaluation finale de tout le processus d`apprentissage et
sert de moyen d`accès à l`école conventionnelle. Le
tableau suivant récapitule les traits distinctifs des classes
passerelles EPT et NRC.
Tableau XXII : caractéristiques des classes passerelles
EPT/NRC
Rubrique
|
Classe passerelle EPT
|
Classe passerelle NRC
|
Partenaires financiers
|
Unicef, Banque mondiale
|
Banque mondiale, U.E, Norad, EAC, Artistgalla et Dubai
Cares.
|
Mission
|
l'intégration des élèves dans le
système scolaire conventionnel
|
l'intégration des élèves dans le
système scolaire convention-
nel
|
Objectif
|
Acquisition des compé- tences d'écriture, de
lec- ture et de calcul
|
Acquisition des compétences d'écriture, de
lecture et de
calcul
|
Profil élève
|
Agés de 9 à 13 ans
|
Agés de 9 à 14 ans
|
Profil enseignant
|
niveau du BEPC moins
|
niveau du BEPC au moins
|
Méthode d'évaluation
|
-Test de fin de cycle
-Test de transfert
-Test en langue maternelle.
|
-Test de fin de cycle -Test de transfert
|
Durée de la formation initiale
|
10 jours
|
2 semaines
|
Durée en formation continue
|
2 jours chaque 2 mois
|
2 jours par mois
|
Matériel didactique
|
-Manuel du formateur
-7 livres collections instituteur,
|
le livre « le bon enseignant »
|
Manuels des élèves
|
-4 cahiers de l'apprenant -livres du programme officiel
|
-livres du programme officiel
|
Organisation Communautaire
|
COGES
|
COGES
|
Langues d'enseignement
|
Langue maternelle et fran- çais
|
Français
|
Organisation des cours
|
CPU et CEU
|
CPU, CEU et CMU
|
Effectif classe 2006-2014
|
73
|
2258
|
Effectif élève 2006-2014
|
478
|
17216
|
Perspectives
|
Erection de la classe en école communautaire
|
Cession de la classe à l'école hôte
|
161
Source : données de terrain, 2008-2014
162
Il ressort des caractéristiques, des similitudes et des
différences. Ainsi, classes passerelles NRC et EPT, qui ont pour
objectif la scolarisation ou la resco-larisation des élèves hors
du système scolaire, présentent des différences
remarquables dans leurs approches de mise ne oeuvre. Celles-ci obéissent
à des choix opérés par les promoteurs et fondées
sur leurs expériences capitalisées ou les ressources mises
à leur disposition.
163
Conclusion du chapitre 2
Au terme du chapitre 2, l'étude montre qu'au niveau du
fondement institutionnel des classes passerelles, les dispositions suivantes
sont à retenir ; il s'agit de la loi n° 95-696 du 7 septembre 1995
relative à l'enseignement, le PNDEF 1998/2010, le cadre global de l'EPT,
le PAMT 2012/2014 et la déclaration d'Incheon 2030. Ces textes posent
les bases de l'éducation pour tous en garantissant le droit à
l'éducation à chaque citoyen et en encourageant l'extension de la
scolarisation à travers l'alternative éducative. Le PAMT 2014 est
plus précis car il prévoit la standardisation de leurs curricula,
la mise à disposition d'enseignants publics, la formation des
enseignants des classes passerelles et l'inscription des classes passerelles
sur la carte scolaire.
Les classes passerelles se sont assignées la mission de
dispenser des connaissances aux enfants restés hors du système
scolaire afin de permettre leur intégration dans l'école
conventionnelle. Cette mission se décline en trois compétences de
base nécessaires à l'alphabétisation, à savoir la
compétence en lecture, en écriture et en calcul, tout en mettant
l'accent sur le savoir-être. La méthode d'enseignement que les
classes passerelles utilisent est «l'apprentissage
accéléré» qui met l'accent sur l'apprenant, ses
besoins et ses motivations. Cette méthode s'appuie beaucoup plus sur des
stratégies d'apprentissage. L'enseignement est organisé en un
cycle unique et dure neuf mois. L'Approche Par Compétence (APC) est
aussi associée à la méthode précitée. La
langue d'enseignement est le français chez le promoteur NRC alors que la
langue maternelle lui est adjointe chez le promoteur EPT.
Les cours sont organisés en cours uniques de deux ou
trois cycles à savoir, les CPU (Cours Préparatoires Uniques), les
CEU (Cours Elémentaires Uniques) et les CMU (Cours moyens Uniques). Le
programme scolaire qui se déroule sur neuf mois est axé sur les
langues, les sciences, le développement physique et l'univers social. La
procédure d'implantation des classes passerelles se fait en quatre
étapes, à savoir l'information, la prospection, le recensement et
le choix des sites. Quatre
164
critères fondent le choix des sites, à savoir :
la situation géographique, la distance du site par rapport à
l'école la plus proche, l'effectif de la population scolarisable et le
critère genre.
L'ONG EPT dispense la formation initiale aux animateurs
pendant deux semaines avec l'appui financier d'UNICEF. Le suivi est fait par
zone chaque deux mois à raison de deux jours par séance de
formation. L'ONG NRC propose une formation initiale de dix jours et une
formation continue de deux jours par mois dispensées par des conseillers
pédagogiques. Dans le cadre du PUAEB la formation et l'encadrement ont
été assurés par les équipes pédagogiques des
promoteurs et des structures étatiques spécialisées comme
l'Antenne Pédagogique de la Formation Continue (APFC) et le Service
Autonome d'Alphabétisation (SAA). Au cours de ces séances, les
formateurs ont utilisé une méthodologie dynamique et
participative mettant l'accent sur l'enseignant bénévole et
identifiant ses limites afin de les corriger.
L'étude a montré que les classes passerelles
fonctionnent sur 34 à 36 semaines de cours par année scolaire.
Ces cours sont dispensés de manière
accélérée cinq jours par semaine. Pour la masse horaire
journalière, les classes sont ouvertes de 8 heures
à 12 heures le matin et de 14 heures 30 à 17 heures 30 minutes
l'après-midi. Chez le promoteur EPT, l'enseignement par la langue
maternelle dure six semaines alors que l'enseignement par le français
s'étend sur vingt-huit semaines. L'analyse des flux internes sur la
période 2007/2014 montre que la tendance des taux de réussite des
classes passerelles est à la hausse, oscillant entre 73,94% et 99,82%.
Les taux de déperdition, en termes de redoublement et d'abandon varient
entre 0,18% et 26,06%. Ces résultats sont des indicateurs de la bonne
performance des classes passerelles.
Enfin, en termes d'intrants, des ressources humaines,
matérielles et financières sont disponibles. Le financement des
classes passerelles est assuré en général par les ONG
promotrices, exception faite au PUAEB. Pour les intrants humains, les
enseignants sont des volontaires qui perçoivent une indemnité.
Les
165
élèves sont des enfants hors du système
scolaire et âgés de 9 à 14 ans. L'encadrement
pédagogique est assuré par le personnel de l'administration
scolaire conventionnelle et de l'équipe pédagogique de l'ONG
promotrice. Les infrastructures et les matériels sont fournis par l'ONG
EPT en collaboration avec la communauté bénéficiaire.
Quant au modèle NRC, les promoteurs ont parfois recours aux salles des
écoles conventionnelles même si des salles sont
généralement construites. Les matériels didactiques
restent à la charge des promoteurs. La méthode
d'évaluation retenue est l'évaluation continue qui est
finalisée par un test d'intégration donnant accès à
l'école conventionnelle.
166
Conclusion de la première partie
En somme, la première partie de cette étude
montre que le système scolaire conventionnel et les classes passerelles
en Côte d'Ivoire présentent des différences structurelles
et fonctionnelles. Au niveau structurel, ces différences s'expriment par
la particularité de leurs statuts, de leurs acteurs et de leurs
organisations.
En effet, au niveau de leurs statuts, le fait qu'elles soient
suscitées par le contexte de guerre leur confère un
caractère de dispositif éducatif d'urgence, c'est-à-dire
qu'elles permettent de faire face aux besoins éducatifs ponctuels d'une
population victime de conflits armés. A ce titre, leur nature est
éphémère. A ce caractère d'urgence s'ajoute celui
d'alternative éducative dans la mesure où les classes passerelles
se substituent aux écoles conventionnelles dans les zones en situation
de lacune d'offre éducative.
Au niveau des acteurs, si le fonctionnement de l'école
conventionnelle repose entièrement sur des fonctionnaires et agent de
l'Etat, on distingue pour les classes passerelles, une collaboration entre
acteurs étatiques et acteurs non étatiques. Pour les premiers, il
s'agit de l'administration scolaire publique incarnée par les
inspecteurs ou conseillers d'inspection. On distingue au nombre de cette
catégorie, les autorités administratives et politiques qui
interviennent dans la mise en place du projet école. Les seconds (les
acteurs non étatiques) sont essentiellement constitués d'ONG
chargées du financement et de la mise en oeuvre du projet école.
Il y a également les acteurs pédagogiques comme les superviseurs
et les animateurs qui interviennent à un niveau opérationnel.
Au niveau organisationnel, les classes passerelles reposent
sur deux organigrammes à savoir celui de l'ONG promotrice et celui du
projet école. Ainsi, l'ONG apparaît comme l'organe
stratégique qui fixe les orientations du projet école, met le
financement à disposition, recrute le personnel et autorise
l'équipe pédagogique à intervenir. Celle-ci agit à
un niveau opérationnel par la mise oeuvre du projet école.
L'équipe pédagogique assure la formation des enseignants, leur
encadrement, les évaluations, l'organisation des cours et le choix des
contenus. Le
167
projet est exécuté dans un espace en souffrance
d'offre éducative dans une période de neuf mois.
Quant à l'école conventionnelle, elle dispose
plutôt d'un organigramme de fonctionnement formel qui est directement
rattaché au MENET. Celui-ci reste l'organe stratégique qui pilote
le système éducatif à travers ses structures
déconcentrées que sont les Directions Régionales et les
Directions Départementales. Par le principe de la hiérarchisation
dans l'administration, les inspections de l'enseignement primaire transmettent
les instructions aux directeurs d'école qui sont chargés de leur
exécution dans les écoles, à travers les enseignants et
les autres personnels d'éducation.
Nonobstant ces différences organisationnelles, les
classes passerelles restent tributaires des exigences du MENET exprimés
dans le PAMT 2012/2014. Il s'agit des normes de scolarisation qui
répondent aux standards internationaux tout en alliant les exigences
d'éducation quantitative et qualitative. C'est pour cette raison que les
acteurs étatiques ont toujours un droit de regard sur les
projets-écoles des classes passerelles en termes de supervision, de
formation et d'encadrement pédagogique. Les deux organigrammes de
fonctionnement se rejoignent à ce niveau pour répondre aux
exigences normatives pédagogiques.
Au niveau fonctionnel, la finalité de l'enseignement
primaire en Côte d'Ivoire a pour mission la « formation
intégrale de la personnalité de l'enfant207 » en
vue de le préparer à aborder l'enseignement secondaire. Les
classes passerelles visent plutôt l'intégration des
déscolarisés et des non-scolarisés aux écoles
conventionnelles. De cette différence de mission, découlent les
modes de fonctionnement de ces deux systèmes éducatifs. Le
fonctionnement des classes passerelles dépend de la capacité
financière des promoteurs non étatiques à soutenir le
projet école alors que l'école conventionnelle dispose des moyens
étatiques plus importants.
207 MENET, 2014, Programmes éducatifs et guides
d'exécution CE2, Abidjan, MENET, pp. 5-7
168
Au nombre des particularités fonctionnelles des classes
passerelles, on note également la pratique d'une politique
éducative de maintien alors que celle qui prévaut au sein des
écoles conventionnelles est la promotion-abandon. Cette dernière,
par son processus sélectif très concurrentiel, constitue un
goulot d'étranglement pour les apprenants, empêchant ainsi
près de 40% d'élève en 2014, d'achever le cycle primaire,
selon les statistiques du MENET. Dans le même temps, la politique de
maintien des classes passerelles priorise le maintien des apprenants dans le
système scolaire. Toutes les stratégies sont donc
élaborées pour atteindre cet objectif. Cette démarche,
dans le cas de classes passerelle, s'illustre par les cours de mise à
niveau, la pédagogie différentiée et les taux de
réussite excellent enregistrés.
169
DEUXIÈME PARTIE : RAISONS DE LA
MISE EN OEUVRE DES CLASSES
PASSERELLES
170
La deuxième partie permet de découvrir et
d'analyser les raisons de la mise en oeuvre des classes passerelles. Elle se
compose des chapitres 3 et 4. L'une présente les limites du
système scolaire conventionnel et l'autre aborde les questions
liées à la mise en oeuvre des classes passerelles. Le chapitre 3
analyse les raisons endogènes et exogènes au système
scolaire conventionnel. Cette analyse met en relief douze indicateurs pour les
raisons endogènes et quatorze autres pour les raisons exogènes.
Le chapitre 4 présente le contexte de la mise en oeuvre des classes
passerelles, leurs acquis, les raisons de leur efficacité et les acquis
après 2014.
Il convient de d'analyser le contexte de double crise qui est
à la base de la création des classes passerelles. La
première crise, interne au système scolaire et ayant
préexisté à l'avènement du conflit armé de
2002 est avant tout structurelle. Elle se caractérise par une population
scolaire en pleine croissance et des ressources budgétaires qui
s'amenuisent à l'instar de la plupart des pays
sous-développés. De manière générale, en
Afrique, la crise de l'éducation est une conséquence de la crise
économique. Celle de la Côte d'Ivoire remonte aux années
1980, mais elle est exacerbée par la massification de l'éducation
des années 1990 et 2000. Cette crise éducative intervient dans un
contexte international qui prône l'éducation pour tous et qui
requiert encore plus de ressources financières aux Etat pour la prise en
compte des populations scolarisables.
La seconde crise est le contexte de conflit armé et son
corolaire de vulnérabilité accentuée des populations. Cela
s'exprime, en substance, par moins d'accès aux infrastructures de base
et un taux de pauvreté élevé. En guise d'illustration, le
RESEN 2016 estime que le taux de pauvreté qui était de « 10%
en 1985 est passé à 48,9% en 2008 208», une
hausse qui va perdurer jusqu'en 2012. Dans le cas échéant, deux
types de conflits armés ont préexisté à la mise en
oeuvre des classes passerelles. Il s'agit de la guerre de 2002 et le conflit
post-électoral de 2010/2011. Face à ces deux types de crise, dans
quelle mesure, les classes passerelles apportent-elles des réponses
à la problématique de l'éducation en Côte d'Ivoire
?
208 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 33
171
CHAPITRE 3 : LIMITES DU SYSTÈME
SCOLAIRE PRIMAIRE CONVENTIONNEL
Le chapitre 3 analyse les limites du système
éducatif primaire de Côte d'Ivoire. Cette étude est
fondée sur le principe que l'existence des classes passerelles
suggère un manque ou un dysfonctionnement dans le système
scolaire existant. Il est, alors, nécessaire d'analyse ledit
système pour comprendre les difficultés qui pourraient justifier
la mise en oeuvre d'un dispositif aussi particulier que sont les classes
passerelles. Ces limites s'analysent à un niveau interne au
système et à un niveau environnemental. Le premier niveau est
relatif aux difficultés de fonctionnement du système scolaire
alors que le second concerne l'effet des crises sociopolitiques et
économiques sur l'école.
Concernant les difficultés de fonctionnement, douze
indicateurs seront analysés ; il s'agit, notamment, des ressources
éducatives et du taux d'investissement, du taux de couverture scolaire,
des infrastructures, de l'accès à l'école et de la
fréquentation, de la répartition scolarisation, de la gestion des
risques, des ressources humaines, des effectifs d'élèves, des
taux de déperdition, des taux de réussite et des acquis
scolaires, du temps scolaire et des dotations éducatives. Comment ses
dysfonctionnements ont-ils suscité la mise en oeuvre des classes
passerelles ?
Le contexte de conflit armé qui a impacté
l'environnement scolaire est caractérisé par quatorze
indicateurs, à savoir : le discours politisé, la présence
de la violence, la manipulation des populations, la fermeture et la destruction
des écoles, la baisse de la scolarisation, le déplacement des
acteurs d'éducation, la réticence des communautés, la
démotivation des élèves, la réouverture des
écoles, le déficit des personnels d'éducation, la
réhabilitation des écoles et l'insuffisance des mesures de
mitigation. Comment ces facteurs ont-ils contribué à la mise en
oeuvre des classes passerelles ?
172
1. Un système éducatif en crise
Selon les diagnostics du système éducatif ivoirien
faits par le RESEN (2011),
le RESEN (2016) et les différents rapports du MEN faisant
l'état des lieux, les
difficultés du système scolaire pour les
dernières décennies se résument comme
suit :
- une diminution sensible des ressources allouées au
secteur éducation et un
faible niveau d'investissement ;
- un faible taux de couverture scolaire ;
- une dégradation de la qualité des services
éducatifs offerts ;
- un accès limité et discontinuité
éducative ;
- des disparités de scolarisation selon le sexe, la
région et la zone ;
- un temps scolaire non optimisé ;
- et un ratio élève/maître (REM)
élevé.
1.1. Diminution sensible des ressources allouées et
un faible niveau d'investissement
Selon les données de la Banque Mondiale sur
l'éducation en 2011, « (...) la part de l'éducation dans les
dépenses courantes de l'Etat a baissé de façon
substantielle passant à 25 % en 2007 alors qu'elle était de 36 %
en 1990.209 » Toutefois, de manière
générale, les dépenses totales d'éducation ont
augmenté entre 2006 et 2013 passant de 502 milliards de FCFA à
733 milliards de FCFA. Cela contraste avec les résultats de l'analyse
sectorielle qui relève « une sous-dotation des sous-secteurs de
l'enseignement primaire et de l'EFTP, notamment au regard des nombreux
défis auxquels ils doivent faire face. 210»
En 2013, l'enseignement primaire ne bénéficie
que de 37% de l'ensemble des dépenses (cela inclut le fonctionnement et
les investissements). Cette baisse du budget de l'éducation est
confirmée par le RESEN 2016 qui montre qu'entre 2007 et 2013,
l'enseignement primaire connaît une diminution des ressources publiques
allouées à l'éducation qui passent de « 42,7%
à 39,1% du budget de l'Etat.
209 Banque mondiale, 2011, op. cit., p. xxix
210 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp.105-106
173
Dans le même temps, on observe une diminution des
dépenses courantes du primaire de -9 %. En 2013, la masse salariale
représente 89 % du budget alloué à l'enseignement
primaire. 211» Cela montre un faible niveau
d'investissement.
1.2. Faible taux de couverture scolaire
Le système scolaire primaire est marqué par des
taux de scolarisation fluctuant comme indiqué par les chiffres de la
Banque mondiale (2011) :
Tableau XXIII : taux brut de scolarisation primaire en Côte
d'Ivoire par année scolaire de 2002 à 2007
ANNEES SCOLAIRES
|
TBS en %
|
2000
|
- 2001
|
74,20%
|
2001
|
- 2002
|
76%
|
2002
|
- 2003
|
47,30%
|
2003
|
- 2004
|
59,50%
|
2004
|
- 2005
|
59,60%
|
2005
|
- 2006
|
74%
|
2006
|
- 2007
|
74,30%
|
Source : Banque mondiale, 2011, RESEN, p. 24
Selon le rapport 2011 de la Banque mondiale, on constate une
augmentation du taux brut de scolarisation (TBS) qui passe de 74,20% en 2001
à 76% en 2002. Puis la période de crise est marquée par
une baisse de ce taux qui oscille entre 47,3% et 74,3% ; bien qu'en
augmentation, ce taux reste en dessous des attentes du système
éducatifs (90%). Cela est imputable en partie à « une
demande scolaire lacunaire.212» Un autre facteur
influençant le taux d'accès est l'effet distance qui est la
distance entre le domicile et l'école. Selon le RESEN 2011, cet effet
est significatif lorsque l'enfant doit « marcher entre 30 et 60 mn
[minutes] pour accéder à l'école primaire et l'effet
distance s'intensifie davantage au-delà d'une heure de marche du
domicile familial.213»
211 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp. 17 et 18
212 Banque mondiale, 2011, op. cit., p. xxxiv
213 idem, p. xxxiii
174
Le RESEN 2016 montre une amélioration du taux brut de
scolarisation pour l'enseignement primaire de 2005 à 2014. Ainsi,
estimé à 54,8% en 2005, ce taux atteint 91% en 2014. Le rapport
précise cependant que « malgré ce progrès, beaucoup
d'enfants âgés de 6 à 11 ans restent en 2014 hors du
système scolaire. 214» En outre ce rapport relève que pour
l'enseignement primaire, « l'offre communautaire se développe
rapidement, à raison de 49 % par an depuis 2010.215» Ce
développement rapide de l'offre communautaire semble avoir
contribué à l'amélioration du faible taux de couverture
constaté en 2005 et 2007 juste avant la mise en oeuvre des classes
passerelle.
1.3. Insuffisances des infrastructures et des services
éducatifs offerts
La demande éducative grandissant, la diminution des
ressources allouées à l'enseignement primaire ne permet pas de
faire des investissements importants pour accroître le nombre
d'écoles et améliorer la qualité des services
éducatifs. Cela entraîne un déficit d'infrastructures et
une dégradation des services offerts. Ainsi, le RESEN 2016 indique que :
« la majorité des écoles primaires publiques sont
dépourvues d'infrastructures d'accompagnement de base telles que
l'électricité, les points d'eau, les latrines et les cantines,
avec une situation qui se dégrade dans le temps.216 »
En ce qui concerne l'état des infrastructures
d'accompagnement en 2013, la situation n'est pas reluisante. Ce sont,
seulement, « 45 % des écoles (qui sont) dotées de points
d'eau, 46 % de latrines (qui sont) fonctionnelles et 55 % d'écoles qui
bénéficient d'une cantine. 217»
214 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 58
215 idem, p. 6
216 idem, p. 12
217 Banque mondiale, 2011, op. cit., p. 12
175
Figure 17 : baraque servant de salle de classe à l'EPP
Kamonoukro, DREN Bouaké 2009.
Source : données de terrain 2008-2014
176
Cette baraque se situe en milieu urbain où la
démographie galopante a son effet sur les infrastructures scolaires.
Cette situation est à l'image de bon nombre d'écoles en
période de crise.
1.4. Accès limité et discontinuité
éducative
Le document cadrage du MEN 2001 montre que jusqu'en 2001 le
système éducatif ivoirien, au niveau de l'enseignement primaire,
est caractérisé par un accès limité. Ainsi, en
2007, « 30 % des enfants218 » de la
classe d'âge de six ans n'ont pas accès à l'école.
Autrement dit, 70% des enfants de la même classe d'âge sont
inscrits au CP1. Dans la même veine, le RESEN 2016 reprend les chiffres
l'ENSETE 2013-2014 en ces termes :
environ un quart des enfants âgés de 6
à 15 ans sont hors du système scolaire, et même si cette
proportion est en baisse (de 39 % en 2011, contre 43 % en 2006), elle est
encore élevée. Cette diminution étant essentiellement due
à [la prise en compte] du nombre d'enfants n'ayant jamais
été scolarisés (...) A 6 ans (âge officiel
d'entrée au primaire), seuls 71 % des enfants sont scolarisés et
le pourcentage maximum d'enfants ayant fréquenté l'école
concerne les enfants âgés de 9 ans (...) 219
Même si les chiffres indiquent un progrès
incontestable, une frange non négligeable d'enfants n'ont toujours pas
accès à l'école en 2014. La situation n'est guère
reluisante en ce qui concerne la rétention. Le RESEN 2016 la chiffre
à « 75 % en 2014 contre près de 80 % en 2007. Les abandons
en cours de cycle représentent alors une proportion d'un enfant sur
quatre, contre un enfant sur cinq en 2007. 220 » Le même rapport
indique que :
seulement 58 % d'une classe d'âge achève le
primaire en 2014, contre 45 % en 2007. Ce sont plus de 40 % des enfants qui
n'atteignent donc pas la fin du cycle, et ont donc très peu de chances
d'acquérir les compétences nécessaires à une
alphabétisation durable au cours de leur vie adulte. 221
218 Banque Mondial et al, 2011, op. cit., p. xxx
219 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p.7
220 idem, p. 61
221 idem, p.7
177
Comme causes de la non-inscription des enfants à
l'école ou de l'abandon précoce de la scolarité en 2013,
le RESEN 2016 222, à partir des résultats de l'ENSETE
2013-2014, évoque :
- les problèmes financiers (première cause) ;
- les problèmes d'échec scolaire (deuxième
cause) ;
- le redoublement qui augmente le risque d'abandon ;
- la distance de l'école ou son absence (dans 2% des cas
d'enfants hors du système scolaire d'âge primaire).
C'est ainsi qu'en 2013 « 4 enfants sur 10 ne terminent
pas le cycle. 223» Par ailleurs, le même rapport montre
une évolution du taux d'enfants (âgés de 6 à 15 ans)
en dehors de l'école de 2006 à 2014. Ainsi, de 42% en 2006, il
passe ensuite à 3% en 2012 et enfin à 26% en 2014. Cela montre
bien qu'au moment du lancement des classes passerelles (2006), la situation
était critique.
1.5. Disparités de scolarisation selon le sexe, la
région, le milieu d'habitation et le statut socio-économique
C'est ainsi qu'en 2007, au niveau du genre, il est
estimé que « le genre et la zone d'habitat constituent des facteurs
discriminants, 224» et les 30% d'une classe d'âge n'ayant
pas accès au CP1 sont constitués « plutôt des ruraux,
des pauvres et plus souvent des filles.225 » En ce qui concerne
le rapport des filles aux garçons, le RESEN 2011 relève que ce
sont :
76,6% de garçons contre 67,1% de filles d'une classe
d'âge qui ont accès à
l'école primaire. [Au niveau des régions],
en 2007, il est estimé que : « le taux d'accès à
l'école est supérieur à 80 % à Abidjan et dans la
région
Centre Ouest, alors qu'il n'est que de 35 % dans la
région Nord et 41 % dans la région Nord-Ouest. 226
Au niveau de la zone, en 2007, il est estimé que
seulement « 66 % de la classe d'âge de 6 ans en milieu rural ont
accès à l'école » contre « 83 % en milieu
222 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp. 11-12
223 idem, p.18
224 Banque Mondiale et al, 2011, op. cit., p. xxxii
225 idem, p. xxxi
226 idem, p. 40
178
urbain.227 » Le RESEN 2016 confirme
l'existence des disparités diverses en 2012 comme suit : « au
niveau du primaire, en considérant le milieu de résidence et le
niveau de vie des ménages, les analyses montrent que les
disparités dans les scolarisations sont générées
dès l'accès, et se creusent au cours de la
scolarité.228 » Pour le RESEN 2016 les disparités
se présentent à différents niveaux :
- au niveau des ressources allouées à
l'éducation du fait de leur parcours scolaire plus long, certains
groupes de la population s'approprient plus de ressources publiques ;
- au niveau du genre, les garçons consomment 20 % de
ressources de plus que les filles ;
- au niveau du milieu géographique, les enfants issus
de milieux urbains consomment près de 2 fois plus de ressources que les
ruraux, et un jeune scolarise à Abidjan, 3,5 fois plus qu'un jeune
vivant dans la région Nord-Ouest ;
- au niveau du milieu socioéconomique, les enfants
issues de milieu familial favorisé consomment 3,7 fois plus de
ressources que les enfants issus de milieux défavorisés ;
- et au niveau de la répartition des infrastructures
scolaires une différence
fondamentale existe entre le Nord et l'ouest et les autres
régions du pays. C'est ainsi « qu'au niveau national, il existe une
école primaire tous les 2,8 km en moyenne, [alors que dans] les
régions du Nord et de l'Ouest du pays, près de la
frontière avec le Liberia, les écoles primaires sont
séparées par une distance moyenne de 4 km. 229 »
Dans une esquisse d'explication de ces
inégalités, le RESEN 2016 précise que « La situation
défavorable des filles résulte de la combinaison de deux
phénomènes : d'un accès au cycle primaire moindre, et
d'une plus forte déperdition, notée pour l'ensemble des cycles.
Il serait intéressant de mieux comprendre ce qui bloque ainsi
l'accès des filles au primaire et leur progression au sein des
227 Banque Mondiale et al, 2011, op. cit., p. xxxiii
228 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op. cit.
p. 9
229 idem, pp.10-11
179
cycles. 230» Dans la même
démarche d'explication, se fondant sur des données de l'ENSETE de
2013, le RESEN 2016 affirme que :
(...) outre les problèmes financiers, qui entravent
de manière similaire la scolarisation des filles que celle des
garçons (42 % des cas), les tâches ménagères sont
particulièrement pénalisantes pour les filles, étant mises
en avant dans 6 % des cas (...). De manière surprenante, le jeune
âge des enfants est un problème plus couramment invoqué
pour les garçons (21 % des cas) que pour les filles (18 % des
cas)231
En ce qui concerne les disparités de lieu de
résidence en matière de scolarisation, le RESEN 2016 les justifie
comme suit :
Les centres urbains, mieux pourvus en infrastructure de
base, offrent en général davantage d'opportunités de
scolarisation (forte concentration de la population, moindre distance pour se
rendre à l'école [réduite]), contrairement aux zones
rurales qui sont moins bien dotées en infrastructure scolaire et ont une
population dispersée, ce qui induit de grandes distances à
parcourir pour les enfants. Cependant, en milieu urbain, la forte
densité de population peut contraindre les possibilités de
construction d'écoles, conduisant à de grandes tailles de classe
et/ou à exclure des élèves des opportunités
édu-catives.232
L'inégale répartition des infrastructures
d'accompagnement est également évoquée par le RESEN 2016.
Ainsi, en 2013, 35 % d'écoles sont dotées de points d'eau en
milieu rural, contre 68 % en milieu urbain ; 36 % d'écoles sont
dotées de latrines fonctionnelles en milieu rural contre 69 % en milieu
urbain et 56 % d'écoles sont dotées de cantines en milieu rural,
contre 52 % en milieu urbain.
Au niveau des manuels scolaires, les écoles sont peu
dotées et leur distribution entre écoles est inéquitable.
« Les manuels scolaires, en plus d'être insuffisants, sont
également mal repartis entre établissements. 233»
Cette absence d'équité se manifeste également entre les
différentes régions. Au niveau de la scolarisation, de
manière générale, « le phénomène de
non-scolarisation et d'abandons précoces affectent le plus les couches
les plus pauvres de la popula-
230 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit, p. 164
231 ibidem
232 idem, p.167
233 idem, p. 17
180
tion, les jeunes en milieu rural et de façon
prépondérante les jeunes des régions du Nord et du
Sud-Ouest. 234»
Au regard de ce qui précède le défi pour
l'enseignement primaire consiste à « toucher davantage les enfants
des milieux ruraux, de certaines zones administratives comme le Nord, le
Nord-Ouest et le Centre-Ouest, et les familles pauvres. 235»
l'Etat de Côte d'Ivoire inscrit la question des inégalités
de scolarisation dans le cadre de l'équité en éducation.
C'est une problématique qui, au-delà de l'enjeu éducatif,
a des enjeux économiques et de développement. Relativement
à la question de l'accès, les classes passerelles proposent une
approche de proximité en s'implantant dans des zones rurales
réduisant ainsi les distances à parcourir par les
élèves pour être à l'école. L'implantation de
ces classes permet également de former et d'employer davantage
d'enseignants eu égard à leur procédé de
recrutement qui s'adresse au diplômés sans emploi et titulaire du
Brevet d'Etude du Premier cycle (BEPC). Cela est d'autant plus pertinent que le
système éducatif ivoirien manque d'enseignants.
La question de la disparité selon le sexe est prise en
compte par le projet passerelle par « le volet genre » qui donne la
priorité aux jeunes filles dans les critères de recrutement.
Quant à la disparité selon la région et la zone, ces
classes s'implantent dans les zones C.N.O qui ont subi les effets
néfastes de la guerre sur les infrastructures éducatives. Ce sont
des zones qui ont connu très peu d'investissement dans le domaine
éducatif depuis la guerre de 2002 du fait de l'absence de l'Etat. Le
projet des passerelles de 2007 et 2009 viennent en appui à la dotation
des zones rurales et urbaines souffrant d'une lacune d'offre
éducative.
234 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p.7
235 idem, pp. 10-11
181
1.6. Gestion des risques
Il s'agit de la résilience du système scolaire face
aux facteurs susceptibles
d'entraver la bonne marche de l'éducation. Le RESEN 2016
identifie au nombre
de ces facteurs risques :
- les grèves des enseignants ;
- les inondations ;
- les conflits pré et post-électoraux ;
- les tensions intercommunautaires ;
- les attaques transfrontalières ;
- les déplacements de populations ;
- et la sévérité de la malnutrition.
Les grèves des enseignants sont
considérées par le rapport comme le seul risque structurel qui
semble affecter le fonctionnement normal des établissements scolaires.
Le rapport montre également que sur la période 2011- 2015 :
moins de 5 % des secteurs pédagogiques des DRENET
enquêtées peuvent être considérées très
vulnérables, en moyenne. (Cependant), à l'échelle
nationale, la proportion des écoles ayant été gravement
affectées par au moins un des risques cités entre 2011 et 2015,
est estimée à 14,1 % en moyenne. Cette proportion est cependant
variable selon les régions. 236
Pour une résilience face aux risques multiples, il a
été élaboré par le MENET, des mécanismes de
mitigation selon les besoins spécifiques même si ce sont des
mécanismes ponctuels qui restent limités par le fait que : «
la thématique de la réduction des risques n'a pas
été intégrée dans les curricula de formation des
enseignants, et des procédures de réponse aux catastrophes n'ont
pas été diffu-sées.237 » C'est ainsi qu'il
est prévu des zones d'accueil, des établissements relais, des
classes passerelles, des partenariats avec les écoles communautaires,
privées et confessionnelles et le recrutement d'enseignants volontaires
pour faire face au
déplacement ou la déscolarisation des
élèves ainsi qu'au déplacement d'enseignants. Les
classes passerelles trouvent ainsi une place dans cette stratégie
globale de mitigation.
236 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 2
237 idem, pp. 3 - 4
182
1.7. Ressources humaines limitées ou
sous-utilisées
En 2008, selon le MEN et DIPES (2009), les effectifs
d'enseignants du primaire public sont estimés à : « 49.935
dont 64,7% d'instituteurs ordinaires (IO). Le déficit d'enseignants au
primaire public est estimé à près de 33,8%. Celui des
zones CNO représente 48,4% du déficit total. 238»
En 2013, les effectifs d'enseignants du primaire public pour
l'ensemble des écoles sont estimés par le RESEN 2016
239 à 61 955. C'est un chiffre qui inclut les instituteurs
ordinaires, les instituteurs adjoints, les bénévoles et les
stagiaires. La variable « encadrement des élèves
» est centrale pour la politique éducative car elle a un impact sur
le volume des ressources à mobiliser et les conditions d'enseignement
comme l'indique le RESEN 2016240. Le système éducatif
s'attelle donc à obtenir des ratios d'encadrement qui soient pas trop
élevés pour assurer la qualité des apprentissages. On
constate que le Ration Elève Maître (REM) a connu une augmentation
de 2007 à 2013 passant ainsi de 39 : 1 à 42 : 1 avec des
variabilités selon le niveau et les régions ; il est de 53 : 1 au
CP1 et 36 : 1 au CM2 ; 34 : 1 pour Touba et 56 : 1 pour Abidjan (RESEN 2016).
La légère augmentation du REM ne signifie pas que les conditions
d'encadrement se sont améliorées puisque les chiffres restent
au-delà de la norme nationale fixée à 40 : 1. Le REM
serait de 45 : 1 sans l'apport des enseignants bénévoles. Par
ailleurs, le recrutement des bénévoles pris en charge par les
communautés villageoise montre non seulement, l'insuffisance des
ressources humaines et financières de l'Etat, mais permet aussi
d'accélérer l'extension de la scolarisation dans les zones
défavorisées.
Le RESEN 2016 évoque la sous-utilisation des
enseignants des CAFOP dans l'encadrement des élèves. Le rapport
estime qu'une bonne utilisation de ces enseignants pourrait contribuer
autrement à améliorer le REM. En 2014, même si
238 MEN et DIPES, 2009, op. cit., p. 31
239 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016,
op.cit., p. 266
240 idem, pp. 97-98
183
l'allocation des enseignants publics aux écoles
s'améliore, d'autres critères non réglementaires
prévalent sur les besoins réels des établissements
notamment les effectifs d'élèves. 43% des affectations en 2014
sont concernés par cette situation.
1.8. Effectifs d'élèves
pléthoriques
Le RESEN 2016 estime l'accroissement annuel moyen des
effectifs du primaire dans la période 2005 à 2014 à
près de 7,5%. Les effectifs sont ainsi passés de « 1 661 901
élèves scolarisés en 2005 à 3176 874 en 2014.
241» Cette situation s'explique par l'explosion de la
démographie scolaire consécutive à l'accroissement de la
demande d'éducation, au développement de l'offre éducative
privée et communautaire, en plus de l'existant du public. Cette
explosion de la démographie scolaire primaire, à l'image des
autres cycles du système éducatif n'est pas sans
inconvénient. Il s'agit de la dégradation du REM qui se traduit
en effectif pléthorique, c'est-à-dire supérieur à
la norme fixée 40 : 1.
Tableau XXIV : évolution des ratios au primaire de
2008/2009 à 2012/2013
|
2008-2009
|
2009-2010
|
2010-2011
|
2011-2012
|
2012-2013
|
Ratio élèves/maitre
|
42
|
-
|
41
|
42
|
41
|
Ratio élèves/groupes pédagogique
|
44
|
-
|
41
|
42
|
42
|
Ratio élèves/salle de classe
|
44
|
-
|
42
|
43
|
43
|
Source : DRENET, 2013, « Statistiques de poche. p. 62 »
in
http://www.men-depes.org consulté le
01 octobre 2016
Faisant le commentaire de ce tableau, le MENET écrit:
la moyenne nationale de 43 élèves/salle de
classe cache d'énormes disparités à l'intérieur des
régions. En effet, plus de la moitié des DREN-ET (21 sur 36) ont
un ratio au-dessus de la norme (40 élèves/salle de classe) ;
parmi elles, 15 DREN-ET présentent un ratio largement au-dessus de la
moyenne nationale atteignant la moyenne de 52 élèves/salle de
classe (ex : DREN-ET Daloa). Malgré l'augmentation du nombre de salle de
classe entre 2009 et 2013 (soit 6,8%), celles-ci restent
insuffisantes.242
241 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 66
242 DRENET, 2013, « Statistiques de poche, p. 62. » in
http://www.men-depes.org,
consulté le 01 octobre 2016
184
Comme le montrent les rapports des chiffres, le système
scolaire primaire peine à faire face à la forte croissance de la
démographie scolaire en termes d'infrastructures et de ressources
humaines. Cette insuffisance se traduit alors en effectifs pléthoriques
dans les classes.
1.9. Taux de déperdition élevés
A partir du constat établi par le diagnostic du
système éducatif relevant un taux de redoublement
élevé (22%) pour l'ensemble du primaire en 2007, le PAMT du
secteur Education/formation 2012-2014 s'engage à « réduire
de façon significative la fréquence des redoublements, notamment
dans le sous-secteur du primaire. 243» Cependant, les actions
menées n'ont permis de réduire le redoublement que de
manière insuffisante. Il est passé de « 22 % en 2007
à 19 % en 2014 au primaire.244» Il s'agit de la moyenne
de tous les trois sous cycles du primaire. Toutefois, la fréquence de
redoublement reste variable selon les niveaux (CP, CE ou CM) comme le tableau
suivant le montre.
Tableau XXV : évolution du taux de redoublement au
primaire selon les niveaux de 2006-2009
Niveaux
|
Redoublement par année %
|
2006/2007
|
2007/2008
|
2008/2009
|
CP1
|
19,40%
|
15,50%
|
14,50%
|
CP2
|
17,40%
|
14,50%
|
15,40%
|
CE1
|
20,80%
|
17,20%
|
16,30%
|
CE2
|
19,90%
|
17,10%
|
17,80%
|
CM1
|
22,50%
|
18,30%
|
20,40%
|
CM2
|
31,80%
|
28,40
|
31,70%
|
Source : MEN et DIPES, 2009, L'état de
l'école en Côte d'Ivoire. Rapport d'analyse 2008-2009,
p.18
Le progrès de 22% à 19% entre 2007 et 2014 reste
largement en deçà du seuil fixé (moins de 10% de
redoublement) par la politique éducative de 2009.
243 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.cit.,
p. 66
244 ibidem
185
1.10. Taux de réussite en hausse mais des acquis
scolaires faibles
Malgré les crises des dernières années,
« les taux de réussite aux examens du Certificat d'Etudes Primaires
Elémentaires (CEPE) ont progressé passant de 70,4% en 2005
à 79,1 % en 2014.245 » Ce niveau reste tout de
même en deçà des attentes. La décision
ministérielle de 2013 modifiant la note d'admission en 6ème de
125 à 85 points semble avoir contribué pour une part à
cette amélioration. Toutefois, des variations subsistent selon les
niveaux, les cycles et le type d'école. Ainsi : « En 2014 par
exemple, le taux de réussite au CEPE est en moyenne de 85 % dans les
écoles privées confessionnelles, contre 67 % en moyenne dans les
écoles publiques. 246»
En contraste avec les taux de réussite en
progrès, il y a la question des acquis scolaires qui restent faibles. En
effet, le RESEN 2016 montre que :
les acquis scolaires au primaire restent globalement
faibles, avec une forte majorité d'élèves dont le niveau
de maîtrise est faible (...) les évaluations standardisées
nationales et internationales du niveau des acquis au primaire indiquent que la
majorité des élèves n'acquiert pas les connaissances
fondamentales : 87 % et 73 % des élèves de CE1 maitrisent moins
de la moitié
de ce qu'ils devraient avoir acquis en français et
en mathématiques, respec-tivement.247
1.11. Temps scolaire non optimisé
Le temps scolaire qui est si important pour l'exécution
du programme scolaire n'est pas suffisamment exploité. On constate que
le volume d'enseignement effectif des élèves du primaire varie
fortement selon les écoles. Le RESEN 2016 note que : « environ deux
mois de cours sont perdus en moyenne par année scolaire du fait de
l'absentéisme (des enseignants et des élèves) et du fait
de retards de la rentrée scolaire par rapport à la date
officielle. 248»
245 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp. 13, 112 et 229
246 idem, p. 112
247 idem, p.13
248 idem, p.17
186
1.12. Dotations inéquitables des manuels
scolaires
Vu l'importance des manuels scolaires pour l'apprentissage,
leur présence en nombre suffisant s'impose pour l'activité
pédagogique. Dans ce domaine, la situation des écoles primaire
est peu reluisante. En effet, le ratio moyen de la dotation de manuels
scolaires en 2014 est estimé à « 6 livres pour 10
élèves 249 » malgré la politique de gratuité.
Le niveau de couverture reste donc partiel. Ce ratio moyen « n'a pas
évolué favorablement depuis 2007. 250» Des
disparités subsistent également selon les disciplines et les
types d'écoles. Ainsi, on enregistre pour les livres de
mathématiques, un ratio moyen de 0,65 et 0,60 pour le français.
Pour les écoles, « des écoles publiques, 13 % n'ont aucun
manuel scolaire. Seules 15 % des écoles publiques ont un manuel par
élève. 251» On note que seulement 17,9% des
établissements primaires répondent au ratio moyen d'un livre par
élève en mathématiques et 13,9% en Français. Ces
résultats restent, tout de même, insuffisants face aux efforts
entrepris par l'Etat depuis 2002, dans le cadre de la politique de distribution
gratuite des manuels scolaires.
Paradoxalement à cette situation d'insuffisance, on
observe que : « 12 % des écoles publiques ont plus de manuels de
français que d'élèves, et 16 % qui ont plus de manuels de
mathématiques que d'élèves.252 » Cela
traduit l'absence d'équité dans la distribution des manuels
scolaires. Les surplus pourraient occasionner également des reventes de
livres. Les insuffisances de manuels de mathématiques et de
français (langue officielle d'enseignement) qui sont des disciplines
centrales pourraient impacter négativement le niveau des acquis.
2. Un contexte de conflit armé
Les classes passerelles interviennent à la suite de
deux conflits armés. Celui de 2002 et la crise post-électorale de
2010/2011. Ces contextes de conflit armé se caractérisent par des
effets néfastes sur le système scolaire, notamment sur ses
249 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit, p. 119
250 ibidem
251 ibidem
252 idem, p. 132
187
infrastructures, ses acteurs et le climat scolaire. Cette
section montre les différentes étapes de l'évolution du
système scolaire ivoirien face aux deux crises, en l'absence de «
mécanisme formel de mitigation. »
2.1. Un environnement scolaire politisé par les
belligérants
Evaluant les effets néfastes des conflits successifs
sur le système scolaire, le gouvernement de Côte d'Ivoire et al
(2016) affirment que :
suite à la crise de 2002, le système
éducatif ivoirien a été la scène de confrontations
étendues, impliquant les forces belligérantes, les enseignants et
les élèves, (...). Les résultats des élections
présidentielles de 2000, tenues sur une toile de fonds de coup
d'état, ont été fortement contestés par une frange
de la population, donnant lieu en 2002 à un conflit militarisé
qui a coupé de fait le pays en deux. L'ensemble du tissu social a
été affecté par cette crise, et les écoles sont
alors devenues un forum d'expression des tensions politiques qui pouvaient
s'observer au niveau local (Chelpi den Hamer, 2013). Les problématiques
concernées incluent la politique éducative, le statut et la
coordination des enseignants, l'accès à l'école,
l'organisation et l'administration du secteur. En effet, l'éducation est
devenue un symbole clé de l'identité ivoirienne et de statut, que
les principaux protagonistes du
conflit ont cherché à manipuler pour
l'atteinte de leurs objectifs politiques (Sany, 2010).253
Ces auteurs constatent que les protagonistes de la guerre de
2002 se sont servis de l'école pour se rapprocher de leurs objectifs
politiques. Dans cette démarche, l'école a fait l'objet de
convoitise par les belligérants non pas pour éduquer les enfants,
mais plutôt pour obtenir d'éventuels adhérents à
leurs combats politiques. L'école a assumé pleinement ce
rôle de distillateur d'idées politiques, de par la
diversité de ses acteurs et de par sa vocation de transmetteur de
savoir. En ciblant l'école, les acteurs du conflit étaient
conscients de cette fonction charnière.
Une manifestation de l'emprise des protagonistes sur
l'école est le refus de l'Etat de Côte d'Ivoire d'organiser les
examens nationaux dans les zones dites « occupées » en 2003.
Ce sujet a fait l'objet d'âpres négociations arbitrées par
la communauté internationale avant de trouver une solution. Pour
convaincre les partenaires engagés dans les financements de ce projet,
la partie adverse (les
253 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 226
188
forces occupantes) a dû faire usage de la pression
populaire des zones sous son contrôle. Ces populations, à travers
des marches de protestation et avec la bénédiction des forces
nouvelles, ont clamé haut que l'Etat de côte d'Ivoire, par son
refus d'organiser les examens, violait le droit à l'éducation de
leurs enfants. Cette pression populaire a aussi bien servi la cause des
populations et que celle des forces nouvelles.
2.2. Un environnement scolaire sous l'emprise de la
violence
Dans la perspective de faire triompher les idées
politiques des protagonistes, la violence observée dans la
société s'est déportée à l'école
comme en témoigne ce passage :
en 2002 l'école aurait davantage joué un
rôle dans la diffusion de la violence que dans la consolidation de la
paix, à divers niveaux. Les élèves, répliquant des
schémas de méfiance accrue entre adultes, se sont même
engagés dans des formes violentes de syndicalisme étudiant. Au
niveau des collèges, lycées et universités, la
Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire
(FESCI) a joué un rôle direct dans la propagation de la violence,
de la haine, de la moquerie et des stigmatisations en milieu scolaire (Chelpi
den Hamer, 2013). Au vu de ce contexte, il n'est finalement pas étonnant
que les universités publiques d'Abidjan aient été
fermées pendant 18 mois. La crise de 2002 a donc été plus
violente et plus longue que celle de 2010, et
son impact général sur le système
éducatif en a été d'autant plus
impor-tant.254
Parmi les moyens utilisés par les protagonistes pour
répliquer la violence sociétale à l'école, il y a
la manipulation des acteurs syndicaux des collèges, des lycées et
des universités. La violence perpétrée sous diverses
formes a pu exacerber les tensions en créant un sentiment de haine, de
suspicion et de stigmatisation de l'autre qui est d'un bord politique
différent.
2.3. Un environnement social manipulé par les
belligérants
Lorsqu'un conflit armé éclate, la population
civile est la première victime des souffrances engendrées
à travers le dysfonctionnement des services sociaux de base. Sous
l'emprise des armes, les personnes vivant dans ces zones occupées
sont
254 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 227
189
obligées de faire allégeance aux forces
dominatrices. Dans le cas de la guerre de 2002 en Côte d'Ivoire on
constate que :
les services publics ont été les plus
affectés au Nord, ce qui a conduit la communauté internationale
et les ONG à focaliser leurs interventions dans cette zone. Les forces
occupantes ont, par la suite, cherché à s'attribuer les
résultats positifs des programmes déployés pour consolider
leurs appuis parmi la population, tandis que le gouvernement a exploité
les défis rencontrés par celles-ci dans la provision
d'éducation pour les discréditer et légitimer leurs
positions officielles.
Face à la population en situation de détresse,
un troisième groupe d'acteurs, à savoir la communauté
internationale et les ONG, s'interpose pour l'assistance sociale. Cette
assistance concerne, essentiellement, le domaine de la nutrition, la
santé, l'assainissement et l'éducation. Les efforts de ces
acteurs sont exploités encore une fois par les protagonistes à
des buts politiques.
2.4. Fermeture des écoles
En 2002, l'on a constaté l'arrêt total du
fonctionnement de l'école dans les zones dites « occupées
» dès le déclenchement des hostilités. Les raisons
sont liées à l'insécurité physique,
matérielle, alimentaire et sanitaire. Cette fermeture va être
formalisée par l'appel du ministère de l'éducation
nationale aux personnels de l'éducation à rejoindre les zones
sous le contrôle de l'Etat. Au niveau de l'enseignement primaire, on
estime à :
2.768 le nombre d'établissements scolaires
situés en zones assiégées, soit 32,6% des effectifs des
établissements primaires nationaux. La capacité d'accueil de ces
établissements en terme d'effectif des élèves est 588.936
; ce qui représente une proportion de 28% des effectifs nationaux des
élèves du
primaire. Le personnel enseignant en service dans les
zones assiégées est estimé à 11.333, soit 27,6% des
effectifs nationaux des enseignants. 255
ODOUNFA (2003), tout en décrivant le contexte de 2002
comme une situation de « déplacements massifs des populations pour
qui l'éducation des enfants
255 E. BIH et al, 2003, Etude sur l'égalité
des sexes dans le domaine de l'éducation en Côte d'Ivoire,
Abidjan, ROCARE, p. 29.
190
devenait secondaire 256» constate
effectivement : la fermeture des Directions Régionales de
l'Éducation Nationale de Bouaké, de Korhogo, d'Odienné et
de Man. Les Directions Départementales de l'Éducation Nationale
de Bouna, Katiola et Séguéla sont aussi concernées. Ce
sont au total, 40 inspections de l'enseignement primaire, 2 768 écoles
primaires publiques, 3 CAFOP, et 80 lycées et collèges qui ont
arrêté de fonctionner. Cette fermeture d'écoles a
créé un véritable déséquilibre dans le
fonctionnement du système scolaire national. Cela s'est traduit en de
multiples mutations des personnels et en l'accentuation des effectifs
pléthoriques dans les écoles sous le contrôle
gouvernemental.
En 2010/2011, le système éducatif a une fois
encore subi des fermetures d'établissement du fait de la crise
post-électorale. Cela s'explique par le faite que beaucoup de personnes
ont été contraintes de quitter leur lieu de résidence face
à la violence et en présence de « la volatilité de la
situation sécuritaire. 257» Selon la zone ou la
région du pays, la situation s'apprécie différemment.
Ainsi, l'on constate que :
dans le Sud du pays, les écoles ont ouvert de
nouveau le 3 janvier 2011, après les vacances de Noël. Dans la zone
Centre-Nord-Ouest (CNO) par contre, elles sont restées fermées
pendant plusieurs mois, suite à l'appel à la
désobéissance civile lancée par la coalition pro-Ouattara.
En mars et avril 2011, les écoles de la zone CNO ont commencé
à ouvrir, mais en parallèle la crise militaire s'est
intensifiée dans le Sud et certaines écoles, notamment à
Abidjan, ont dû refermer dans cette partie du pays. La reprise des cours
à
l'échelle nationale a été
annoncée pour le 26 avril 2011 par un communiqué du
Ministère de l'Éducation Nationale.258
Les deux crises de la Côte d'ivoire ont toutes
entraîné une fermeture des infrastructures éducatives et
ont privé les enfants des bénéfices de l'éducation
de manière temporaire ou permanente.
256 A. K. ODOUNFA, 2003. « Évaluation de la
scolarisation universelle en Côte d'Ivoire », Contribution au
rapport de suivi 2003/2004 sur l'EPT. UNESCO., 2003, Cité par
Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op. cit., p. 226
257 ibidem
258 idem, p. 227
191
2.5. Destruction physique des infrastructures
éducatives
Aux premières heures de la guerre de 2002, la
majorité des écoles ont été occupées et
utilisées par les soldats comme des camps militaires empêchant, du
coup, toute activité éducative. Sous la pression de leur
hiérarchie, quand les soldats devaient quitter ces écoles
à l'occasion de la réouverture de celles-ci, les meubles, les
documents, les plafonds, les toitures, les portes, les fenêtres, (etc.)
ont été apportés. Ils ont ainsi pillé la
majorité des écoles occupées tandis qu'une deuxième
catégorie d'écoles (non occupées) restaient intactes pour
la plupart.
Quant à la crise de 2010/2011, relativement à la
destruction des infrastructures éducatives, les rapports des directions
régionales à travers le Cluster Education, mentionnent que :
224 écoles de 15 DRENET ont rapporté des
incidents. Ceux-ci sont très localisés, 50 % ayant eu lieu
à Abidjan et les autres ayant eu lieu majoritaire-ment à Daloa et
à Guiglo. Au rang des incidents rapportés, 38 % sont relatifs au
pillage d'écoles, 36 % relatifs aux endommagements d'écoles et 5
% relatifs à l'occupation d'écoles par des populations
déplacées. Les pillages, destructions et occupations des
écoles ont prolongé la fermeture de celles-ci. Par ailleurs, 6 %
des incidents rapportés sont relatifs au pillage des
établissements administratifs, affaiblissant ainsi les autorités
administratives dans ces zones, dans la mesure où ces incidents ont
conduit certains fonctionnaires à ne pas retourner sur leur lieu de
travail, soit par crainte de l'insécurité, soit du fait de
manquer de moyens de travail.259
La destruction physique des infrastructures scolaires a
participé aux dysfonctionnements observés dans le système
scolaire national suite aux deux crises survenues en Côte d'Ivoire.
2.6. Baisse de la scolarisation
En termes de scolarisation, « une baisse importante des
effectifs est constatée suite à la crise de 2002. [Elle] a
conduit à un fléchissement général de la
progression des scolarisations. Au niveau de l'enseignement primaire en
particulier, un véritable effondrement des effectifs est
constaté. 260» Au total, le nombre d'enfants
scolarisés a « chuté de 2,1 à 1,5 millions,
représentant une baisse de 30
259 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 228
260 idem, p. 227
192
% d'une année sur l'autre.261 » Ces
statistiques montrent l'effet durable de la crise en question sur le
système scolaire. Le constat sur le moyen terme révèle que
le nombre d'élèves scolarisés a « stagné
jusqu'en 2004/05, et ce n'est qu'en 2005/06, soit quatre années plus
tard, que les effectifs ont retrouvé leur niveau de
2001/02.262 »
Toutefois, la situation est différente lors de la crise
de 2010/2011. Les déplacements de populations ont certes provoqué
des ruptures de scolarités mais ils n'ont pas affecté durablement
le système scolaire en termes de taux de scolarisation. Selon nos
observations, cela se justifie par le fait que la situation a
bénéficié d'une meilleure prise en charge par rapport
à celle de 2002. Cela s'entend par la promptitude des interventions des
acteurs d'urgence comme les ONG qui étaient déjà
présents et les structures étatiques qui avaient
déjà bénéficié de l'expérience de
2002.
2.7. Déplacement des acteurs de
l'éducation
Relativement à la crise post-électorale de
2010/2011, les déplacés internes recensés par le HCR sont
estimés à « 126.000 personnes.263 » En
prenant en compte les déplacés externes, le HCR estime le total
à environ « un million 264» de personne. Dans le
même temps, la Côte d'Ivoire accueillait « 24.000
réfugiés,265 » essentiellement, en provenance du
Libéria. Selon Dieket Minata SANGANOKO, coordinatrice adjointe du SAARA
« Aucun pays n'est à l'abri d'un tel
phénomène. A l'issue des crises de 2002 et 2011, la
Côte d'Ivoire comptait 700.000 déplacés
internes.266» Aussi, invite-t-elle tous les acteurs
à l'adoption d'une loi
261 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 227
262 ibidem
263 HCR, 2011, « Rapport global 2011 HCR » in
https://www.unhcr.org/fr/500e9f85b.pdf.,
consulté le 15 novembre 2014.
264 ibidem
265 ibidem
266 J. K. KOUASSI, 2017, « Atelier de formation
organisé par le Haut-commissariat des réfu-giés(HCR), en
collaboration avec le Service d'aide et d'assistance aux réfugiés
et apa-tride(Saara), le jeudi 28 décembre 2017 » in
http://www.linfodrome.com/societe-culture/35659-situation-des-deplaces-internes-les-journalistes-et-les-membres-de-la-societe-civile-invites-a-oeuvrer-pour-l-application-de-la-convention-de-kampala-en-cote-d-ivoire,
consulté le 18 février 2018
193
conformément aux recommandations de la Convention de
l'Union Africaine sur la protection aux personnes déplacées en
Afrique (Convention de Kampala).
Vu l'ampleur du phénomène de
déplacés de guerre, et son impact sur le système scolaire,
il a fait l'objet d'analyse par le RESEN 2016 qui donne la conclusion suivante
:
les problématiques éducatives liées
aux personnes déplacées et réfugiés sont plus
aigües, et s'inscrivent davantage sur la durée. Il est important de
noter qu'il transparait une concentration des problématiques
liées aux personnes déplacées internes (PDI) et
réfugiés dans les DRENET présentant la plus forte
vulnérabilité aux conflits pré et postélectoraux.
Ceci permet de supposer qu'une forte matérialisation du risque de
conflit engendre des situations de faiblesse qui rendent le système
éducatif vulnérable à plusieurs autres niveaux. La prise
en charge éducative des personnes déplacées internes et
des réfugiés peut soulever plusieurs problématiques, dont
la capacité d'accueil, aussi bien en matière d'infrastructure que
de personnel, la prise en compte de besoins spécifiques, les effets de
la précarité sociale sur l'assiduité et les
résultats scolaires, ou encore des considérations linguistiques
et cultu-relles.267
268»
Le fait que le déplacement des populations en
période de crise engendre des besoins connexes, rend complexe cette
problématique. Son impact au niveau de l'école reste incalculable
dans la mesure où, il faut créer des infrastructures et des
programmes adaptés à la situation de ces personnes. Selon le
document de cadrage (2003) de la direction des enseignements et la direction
des ressources humaines du MEN, en Octobre 2003, le nombre d'enseignants du
primaire déplacés de guerre est estimé à «
10.880 sur 11.083 attendus soit 98,97% et le nombre des élèves du
primaire déplacés de guerre est 74.470 élèves sur
584.058 attendus soit 12,75%.
Cette situation est consécutive à l'appel du MEN
faisant injonction aux enseignants des zones occupées à rejoindre
la zone gouvernementale, injonction ayant contribué d'une façon
indirecte à entraver la reprise des actions éducatives en zones
occupées. Comment l'école pouvait-elle fonctionner normalement
avec 98,97% d'enseignants absents ? 1,03% d'enseignants restés
pouvaient-ils prendre
267 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 224
268 MEN, 2003, Séminaire de reconstruction
post-conflit du système éducatif de la Côte d'Ivoire du 27
au 31 octobre 2003, Abidjan, MEN, p. 2.
194
en charge 87% d'élèves restés ? En
conséquence, des enseignants volontaires se sont organisés en
zones occupées pour dispenser des enseignements aux 87%
d'élèves restés sur place.
Le départ des enseignants titulaires
déplacés des « zones de conflit » vers les « zones
gouvernementales» en 2002/2003, a entraîné dans la DREN de
Daloa « un sureffectif de personnel de telle sorte qu'au sein des
écoles, on compte plus d'enseignants que de classes disponibles.
269» Ce déplacement de la population scolaire a
occasionné la mise en place des écoles relais et le
redéploiement des enseignants déplacés de guerre. Selon le
DREN de Daloa en 2004, « certains enseignants victimes de guerre n'ont pas
accepté d'être redéployés, cela fait qu'il y'a un
chômage qui ne dit pas son nom. On compte un effectif de 42 enseignants
inactifs dans la DREN. 270»
2.8. Réticence des communautés locales
Les classes passerelles sont mises en oeuvre dans un contexte
où les communautés locales « ont développé des
sentiments de réticence vis-à-vis de l'école ». Pour
AZOH et al (2009), les raisons de cette méfiance ou cette
réticence sont les suivantes :
- la baisse de confiance en l'institution scolaire en
raison du retrait de l'Etat, de la non reconnaissance par le MEN des examens
réalisés dans les zones CNO au début du conflit et de
l'insuffisance de qualification des enseignants bénévoles ;
« le manque de confiance des parents en l'école du fait que l'Etat
n'avait pas un droit de regard sur l'école et à cause des
enseignants bénévoles sans niveau pendant la guerre. Ils (les
parents) empêchaient leurs enfants de venir à l'école.
Certains venaient retirer les enfants des classes pour les accompagner au champ
ou suivre le bétail ». (Directeur à Odienné)
;
- l'insécurité des élèves : la
situation sécuritaire en zone rurale comme urbaine, demeure
précaire. Psychologiquement, cela ne motive pas les parents à
envoyer leurs enfants à l'école, surtout que certains doivent
parcourir 3 à 5 km : « on assiste à des enlèvements
d'enfants entre deux villages sur le chemin de l'école »
(Communauté de Guiglo) ;
269 F-J. AZOH et al, 2009, Impact du conflit armé
sur l'éducation primaire: le cas ivoirien. Quels financement pour les
écoles? Quels freins à la scolarisation? Quelles réponses
locales? Amsterdam, Universiteit van Amsterdam - AMIDSt., pp. 30-34
270 idem, pp. 30-34
195
- la pauvreté des parents d'élèves
qui a augmenté avec la crise de telle sorte qu'ils ne parviennent plus
à assurer la prise en charge des frais liés à la
scolarisation de leurs enfants. D'après le maire d'Odienné,
« l'anacarde constituait un espoir mais il n'est pas bien acheté.
Cela entraîne la pauvreté des parents, qui ne peuvent pas assurer
la scolarité de leurs enfants ». Dans ces conditions, les
dépenses relatives à l'école sont perçues comme une
charge supplémentaire et les parents préfèrent que leurs
enfants les aident dans les tâches agricoles et
ménagères.271
Ainsi, bien que les parents soient conscients de l'importance
de l'éducation, ils sont obligés de retirer leurs enfants de
l'école du fait d'un manque de confiance en l'institution scolaire, de
l'insécurité et de la pauvreté.
2.9. Démotivation des élèves
La fuite des enseignants, le pillage et la fermeture des
écoles, sont des fa-teurs associés qui ont progressivement
contribué à émousser l'ardeur des apprenants des zones
dites occupées. Certains apprenants ont ainsi été
démotivés face aux obstacles à leur scolarisation. Cette
démotivation elle-même est devenue un obstacle
supplémentaire. Cette situation est décrite par AZOH et al (2009)
en ces termes :
l'obstacle principal rencontré chez les
élèves se traduit par la démotivation du fait de la
rupture momentanée dans la scolarisation, de la mauvaise planification
des examens dans les zones CNO et de la non reconnaissance des résultats
(des examen) par le MEN. Cette démotivation se constate par les
comportements suivants :
- engagement (des enfants) dès un très jeune
âge dans des activités génératrices de revenus
(petits métiers, etc.) ;
- enrôlement volontaire de certains
élèves dans les factions armées.272
La démotivation des apprenants est consécutive
à celle des parents. Cela est d'autant plus logique que ceux-ci sont les
responsables des premiers. Le contexte d'une éducation d'urgence
à dévalorisé l'acte de scolarisation pour ces acteurs
principaux que sont les élèves et leurs parents.
2.10. Réouverture de l'école en situation
d'urgence
Environ quatre mois après le début du conflit
armé de 2002, les premières écoles ont ouvert leurs portes
avec pour objectifs de maintenir le niveau des
271 F-J AZOH et al, 2009, op. cit., pp. 30-34
272 ibidem
196
élèves restés en zones occupées
d'une part, et récupérer les enfants soldats ou empêcher
d'autres enfants de prendre les armes d'autre part.
Selon l'ONG EPT, à la rentrée de septembre 2002,
étaient attendus dans la zone CNO, 533.339 écoliers. La plupart
des écoliers (87% de cet effectif) sont restés sans école
du fait de la guerre. En l'absence de l'Etat, l'objectif initial de
l'école a changé allant du simple maintien de niveau à une
école normale préparant les élèves aux examens
nationaux. Pour atteindre cet objectif, tous les acteurs de l'éducation
se sont donnés la main. Il s'agit notamment, des autorités des
Forces Nouvelles, des parents d'élèves, des ONG et des
enseignants titulaires et volontaires. C'est une école qui a
fonctionné avec le soutien moral et financier des parents
d'élève à travers les COGES. Elle a aussi
bénéficié du dévouement des enseignants titulaires
et volontaires, de la bonne volonté des autorités des Forces
Nouvelles et les dons des ONG constitués de vivres, de kits et de
mobiliers. A cela, s'ajoute la réhabilitation des bâtiments
pillés. Au nombre des ONG actrices du secteur éducatif, on
distingue EPT qui a relancé l'école, plaidé et obtenu
auprès du MEN, l'organisation des examens 2003 en « zones
occupées ».
A partir de 2004, avec l'accalmie, le MEN installe une
administration minimale scolaire dans la plupart des DREN pour marquer le
retour de l'Etat dans les zones CNO. Dès lors, l'école a
évolué en dents de scie. Les cours sont dispensés en 2004,
mais les examens ne seront organisés qu'en 2005, conséquence des
jeux politiques entre les belligérants. C'est la preuve que
l'éducation est quelques fois utilisée dans les conflits comme un
moyen de pression ou, pire, comme une arme de guerre. Selon l'ONG EPT, en
2005-2006, 319.592 écoliers ont été recensés en
zone CNO, avec au moins 800 écoles primaires fermées et plus de
200.000 enfants qui ne sont pas retournés à l'école. C'est
ce constat qui justifie la mise en oeuvre des classes passerelles en 2006.
Lors de la crise post-électorale de 2010/1011,
certaines écoles dans le sud, notamment à Abidjan et dans le
centre et le nord du pays ont dû refermer. La reprise des cours à
l'échelle nationale a été annoncée pour le 26 avril
2011 par un
197
communiqué du MEN. Une évaluation de la
réouverture des écoles réalisée par le Cluster
Education en juin 2011, a, en effet, montré que « trois mois
après l'annonce officielle de la reprise des cours en avril 2011, 97 %
des écoles primaires publiques avaient effectivement rouvert leurs
portes, 90 % d'entre elles y avaient rétabli les enseignements, et 86,3
% des élèves inscrits à la rentrée de 2010/11
étaient de retour à l'école. 273» Cette
reprise a redonné de l'espoir aux acteurs de l'école, notamment
les élèves et leurs parents dans un contexte où
l'école constitue un rempart contre les vices auxquels les enfants sont
exposés.
2.11. Déficit des personnels éducatifs
La réouverture des écoles en situation d'urgence
a rencontré des difficultés au nombre desquelles, la sous
qualification des enseignants bénévoles et celle des personnels
d'encadrement. Cette situation est ainsi décrite par AZOH et al (2009)
en ces termes:
avec la crise, le recours aux enseignants non
professionnels s'est amplifié pour pallier (...) l'insuffisance
d'enseignants titulaires partis précipitamment des zones de conflit.
Cela a conduit au recrutement d'enseignants bénévoles faiblement
qualifiés, majoritairement des hommes. L'insuffisance d'enseignants
qualifiés a eu certaines conséquences sur le fonctionnement des
établissements scolaires : « en 2006 dans ma circonscription, nous
avions un besoin de 200 instituteurs « craie en main » car 25
écoles étaient sans enseignants titulaires. A l'EPP
Ziévasso par exemple, on comptait deux
enseignants pour trois niveaux, ce qui contraignait
à un jumelage des classes » (IEP
Odienné)274
Ce manque de qualification de certains enseignants volontaires
est confirmé par des enseignants titulaires restés sur place
à Odienné en ces termes : « Nous avons recruté des
bénévoles qui nous ont aidé à tenir l'école.
Ces enseignants étaient pour la plupart des volontaires qui n'avaient
pas toujours un bon niveau académique (CM, 6ème et
5ème). 275» Cette situation est amplifiée par un
absentéisme manifeste, un manque de matériels didactiques criard
et une démotivation des enseignants. Ces facteurs combinés n'ont
pas toujours permis de couvrir les
273 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 227
274 F-J. AZOH et al, 2009, op. cit., pp. 30-34
275 ibidem
198
programmes et d'obtenir des acquis scolaires conformes aux
exigences du système scolaire ivoirien.
2.12. Retour des acteurs de l'éducation en zones
CNO
Avec le retour de l'administration scolaire en 2004 et
l'opération de redéploiement de l'administration par le
Comité National de Pilotage du Redéploiement de l'Administration
(CNPRA), on a assisté à la mise en place progressive du personnel
du secteur de l'éducation depuis 2005. Cela a donné lieu à
d'autres types de difficultés. En effet, comme le montre AZOH et al
(2009) :
malgré l'existence d'un Comité National de
Pilotage du Redéploiement de l'Administration (CNPRA), le retour des
enseignants dans les zones CNO rencontre des obstacles psychologiques. Bien que
formellement réalisé sur les plans administratifs et financiers,
il demeure non effectif en pratique,
puisque de nombreux enseignants "traumatisés"
refusent de rejoindre leur poste par crainte d'une reprise de la
belligérance. 276
Une seconde difficulté est survenue au niveau du
traitement pécuniaire. En effet, le personnel redéployé
devrait bénéficier d'une prime d'installation et d'une prime
d'incitation à l'initiative du gouvernement ivoirien. Celui-ci ayant
éprouvé des difficultés de trésorerie, les
promesses ne se sont pas tenues dans le temps prévu à cet effet.
Cela a donné lieu à des revendications des enseignants à
travers des grèves répétées. Ces grèves ont
constitué un facteur de risque pour le système éducatif de
sorte à rendre celui-ci plus vulnérable. L'école a repris
donc avec beaucoup de perturbations au niveau du climat scolaire.
Peuvent être cités au nombre des
difficultés, l'insuffisance du personnel et le traitement du cas des
enseignants volontaires. Ce sont des questions qui seront résolues avec
l'évolution du contexte sociopolitique. C'est ainsi que les classes
passerelles se sont inscrites dans la logique de la recherche d'une solution
viable à la question de l'insuffisance des ressources
éducatives.
276 F-J. AZOH et al, 2009, op. cit., pp. 30-34
199
2.13. Réhabilitation des écoles ou
période de reconstruction
La réhabilitation concerne aussi bien les écoles
pillées que les écoles dégradées avant la guerre.
Elle part de la simple réfection d'une partie du bâtiment à
la construction totale d'école. Ainsi, on distingue différents
types d'opérations :
- la réfection de la toiture ;
- la peinture du bâtiment ;
- la construction des toilettes ;
- la construction de réfectoire et de cuisine ;
- et la construction de clôture.
Ces opérations sont négociées avec les
ONG de manière diverse selon les régions. Si certaines
écoles font directement la demande d'appui à ces organisations,
d'autres assistances sont proposées par l'IEP. Dans certaines
régions, c'est la zone rurale qui est prioritaire. Il est difficile
d'avancer un chiffre concernant la réhabilitation des écoles car
c'est un processus en pleine évolution. Les ONG comme UNICEF, Save the
children et Merlin sont les plus actives dans ce secteur. Les classes
passerelles, en tant que dispositifs d'éducation d'urgence, viennent en
appoint à ces actions de soutien au secteur de l'éducation.
2.14. Insuffisance des mécanismes de mitigation du
système scolaire
Le terme « mitigation » désigne « la
mise en oeuvre de mesures destinées à réduire les dommages
associés à des risques naturels ou générés
par des activités humaines.277 » Dans le cadre de notre
étude le risque identifié est le conflit armé. Le RESEN
2016 ressort que « la résilience du système (scolaire
ivoirien) repose davantage sur des mécanismes de mitigation ponctuels
que sur le cadre stratégique et institutionnel de gestion des risques,
qui est incomplet et peu opérationnel. 278» En effet,
lors des deux crises, ce sont des actions ponctuelles qui ont été
initiées par différents acteurs en réponse à des
situations concrètes. On peut citer les campagnes «Back to
School», le PPU/PUAEB, les établissements relais, les sessions
extraordinaires d'examen, l'introduction de la matière éducation
au droit
277 GEORISQUES, 2014, « Comment réduire les risques :
le concept de mitigation » in
http://www.georisque.gouv.fr,
consulté le 20 juin 2018.
278 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 230
200
de l'homme et du citoyen, ou encore la création de
clubs Messagers de la paix. Les classes passerelles s'inscrivent dans ce
registre.
L'absence d'un plan de contingence ou de réduction des
risques du MEN se manifestait au niveau central, local ou au niveau de
l'école. Pour le RESEN 2016, « la thématique de la
réduction des risques n'a pas été intégrée
dans les curricula de formation des enseignants, et des procédures de
réponse aux catastrophes n'ont pas été diffusées.
279» Depuis lors, ayant pris conscience de cette insuffisance,
« l'État de Côte d'Ivoire a adopté les textes
fondamentaux internationaux qui font obligation aux nations d'assister et de
protéger leurs populations en situation de vulnérabilité,
du fait des conflits et (des) catastrophes. 280» Ce sont :
- la Convention relative aux droits des enfants, dont le
deuxième objectif consiste à assurer l'éducation primaire
pour tous ;
- le Cadre d'action de Hyogo 2005-15, pour renforcer la
résilience des nations et des collectivités face aux catastrophes
;
- le Cadre de Sendai 2015-30, pour la réduction des
risques de catastrophes, en harmonie avec les systèmes mondiaux
d'adaptation au changement climatique ;
- et le document de politique et mécanismes sur la
réduction des risques de catastrophe de la CEDEAO.
Au niveau national également, des dispositions
légales ont été adoptées, à savoir : -
l'organisation du plan de secours (ORSEC) en cas de catastrophe à
l'échelle nationale, selon le décret n°79-643 du 8
août 1979 ;
- la définition de plans sectoriels d'urgence en cas
d'accidents, de sinistres
ou de catastrophes, selon le décret n°98-505 du 6
septembre 1998 ; - l'installation en 2007, d'un comité
interministériel sur la réduction des
risques de catastrophe (RRC), composé de 50 points
focaux ;
- l'élaboration d'une stratégie nationale de
gestion des risques de catastrophe, assortie d'un plan d'action en 2011 ;
279 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 230
280 ibidem
201
- la création de la Commission Dialogue,
Vérité et Réconciliation (CDVR) par l'ordonnance
n°2011-167 du 13 juillet 2011 ;
- la mise en place en 2012, d'une plateforme nationale pour la
réduction des risques de conflit, rattachée à la primature
;
- la mise en place, du Programme national de cohésion
sociale en février 2012 ;
- la promotion de la cohésion sociale à travers
l'inclusion dans le curriculum scolaire d'une matière sur
l'éducation aux droits de l'homme et à la citoyenneté,
selon le décret n°2012-884 du 12 septembre 2012 ;
- l'institution d'un Groupe de travail sur la protection de
l'enfant et d'un code de conduite du personnel en milieu scolaire en 2014 ;
- la création d'un cadre de coordination de gestion
intégrée des crises, par décret n°2015-102 du 10
février 2015 ;
- l'élaboration d'un plan d'intervention d'urgence au
niveau de chaque ministère.
- et l'instauration des clubs Messagers de la paix, et la
réactivation du conseil consultatif de l'éducation nationale.
Ces dispositions récentes ont, certes, doté le
pays de cadres et mécanismes nationaux pour faire face aux situations
humanitaires, mais elles ne sont pas encore très opérationnelles
car elles manquent d'outils et de ressources pour leur mise en oeuvre, selon le
RESEN 2016. En outre, ces dispositions n'intègrent pas un plan de
contingence ou de réduction des risques propre au MENET.
202
Conclusion du chapitre 3
En guise de conclusion, le chapitre 3 a permis d'analyser les
limites du système éducatif primaire de Côte d'Ivoire. Ces
limites sont traduites en dysfonctionnements à un niveau interne au
système et à un niveau environnemental. Au niveau interne, le
système scolaire subit une diminution drastique du budget de
fonctionnement et d'investissement qui résulte en un faible taux de
couverture scolaire. De même, l'état des infrastructures et les
services éducatifs sont affectés. Par un effet de domino,
l'accès à l'école est réduit et ceux qui y ont
accès ont peu de chance d'achever le cycle primaire. C'est un
système caractérisé par des disparités de
scolarité selon le milieu de vie le sexe des apprenants et le statut
socio-économique des parents des apprenants. Il est aussi affecté
par sept types de facteur de risque dont le plus important est la grève
des enseignants, comme indiqué par le RESEN 2016.
La réduction du budget limite la taille du personnel de
l'éducation et celui-ci est sous-utilisé dans certaines
écoles. Face à L'insuffisance d'infrastructures, la massification
de l'éducation a entraîné des effectifs pléthoriques
dans les salles de classe. C'est un système qui est confronté
à un taux de déperdition estimé à 19% pour tout le
cycle primaire 2014. Les acquis scolaires sont faibles, contrastant ainsi avec
les taux net de promotion en hausse, passant de « 75,80% en 2013 à
80,10% en 2014 281», selon les statistiques du MENETFT
2017-2018. Cela est la conséquence d'un temps scolaire insuffisamment
exploité du fait des facteurs de risque. Une autre question relative aux
ressources allouées est la répartition inéquitable des
manuels scolaires. Ce phénomène se manifeste par une
disparité entre les écoles, d'une part et entre les disciplines,
d'autre part. En effet pendant que certaines écoles ont un
excédent de livres, d'autres sont en situation de déficit.
L'indisponibilité des manuels essentiels affecte, ainsi, le niveau des
acquis scolaires.
281 MENETFT/DSP/SDSP, « Statistiques scolaires de poche
2017-2018, p.39 », in https//
men-dpes.org.poche, consulté le
05 Mai 2019
203
Le contexte de conflit se décline essentiellement en
trois temps qui sont : la phase de belligérance, la phase de post-crise
et celle de la reconstruction. La première phase est marquée par
un système scolaire au discours violent et politisé, des acteurs
d'éducation manipulés, la fermeture ou la destruction des
infrastructures scolaires et le déplacement massif des acteurs de
l'éducation. A ce stade, les mécanismes de mitigation ont
montrés leurs insuffisances. La deuxième phase est
caractérisée par la réouverture des écoles qui
s'accompagnes de difficultés de reprise telles que la baisse de la
scolarisation, la démotivation des apprenants, la réticence des
communautés et le déficit des personnels d'éducation. La
dernière phase est faite de réhabilitation et de reconstruction
des écoles. Les classes passerelles qui sont mises en oeuvre depuis
2006, ont coexisté avec les écoles conventionnelles pendant les
trois phases précitées dans une perspective d'alternative
éducative pour des milliers d'enfants restés en marge du
système scolaire national.
204
CHAPITRE 4 : MISE EN OEUVRE DES
CLASSES PASSERELLES
Le chapitre 4 analyse les facteurs de la mise en oeuvre des
classes passerelles en Côte d'Ivoire. Il comporte quatre sections,
à savoir : le contexte et les acquis de la mise en oeuvre, les facteurs
explicatifs de l'efficacité des classes passerelles et leur renforcement
après 2014. Ces différentes sections visent à
présenter et à analyser les résultats obtenus par les
classes passerelles tout en tenant compte de leur contexte de mise en
oeuvre.
La première section relative au contexte relève
trois aspects environnementaux indissociables ; il s'agit du conflit
armé de 2002, de la crise post-électorale de 2010/2011 et du
contexte socioéconomique défavorable. L'analyse de ces trois
éléments devra permettre une compréhension des facteurs
exogènes de la mise en oeuvre. La seconde section présente neuf
sous-sections relatives aux acquis des classes passerelles, à savoir :
l'accès et la réouverture de l'école, l'accroissement de
l'offre éducative, la gratuité de l'école,
l'intégration des élèves à l'école
conventionnelles, l'implication de l'Etat au projet des classes passerelles,
l'inscription des classes passerelles sur la carte scolaire, les performances
post-passerelles satisfaisantes et l'adéquation du profil des
enseignants des classes passerelles.
La troisième section analyse les facteurs susceptibles
d'expliquer la bonne performance des classes passerelles. Il s'agit, notamment,
des facteurs organisationnels, des facteurs pédagogiques, des facteurs
individuels. Une analyse de variance permet de dégager les facteurs les
plus influentes et de les hiérarchiser. Dans cette veine, les variables
les plus influentes sont mises en exergue. Ce sont les variables
«participation communautaire», «gestion du projet» et
«mise en place du projet». Enfin, la dernière section
présente des actions de renforcement des classes passerelles
après 2014, à travers des actions diverses de formation. Dans
205
quelle mesure ces différentes sections
participent-elles à une meilleure compréhension de la mise en
oeuvre des classes passerelles ?
1. Contexte de la mise en oeuvre
Le projet pilote des classes passerelles est initié et
conduit par l'organisation non gouvernementale Ecole Pour Tous (EPT), avec son
partenaire technique et financier UNICEF. Créée en 2003,
c'est-à-dire en pleine crise militaro-politique en Côte d'Ivoire,
l'ONG EPT oeuvre exclusivement dans le domaine de l'éducation. Elle a
été suscitée par l'état de détresse des
écoles dans les zones dites « zones de guerre »
(appelées plus tard zones Centre Nord et Ouest).
Au plan stratégique, l'ONG EPT dispose d'un bureau
exécutif en charge des questions administratives. Au plan
opérationnel, elle a mis en place une équipe en charge de la
gestion des projets écoles. Pour réussir sa mission, EPT
collabore avec les partenaires de l'éducation. Dans le cadre des classes
passerelles, il s'est agi pour elle, de prendre le relais de l'école
officielle qui était absente, du fait de la crise. Le contexte de la
mise en oeuvre des classes passerelles se caractérise par une phase de
reconstruction post-crise et un environnement de scolarisation difficile. Cet
environnement est celui des zones CNO, lieu d'implantation des classes
passerelles. C'est un environnement où les infrastructures scolaires
sont encore dans un état de dégradation avancée et il est
caractérisé par une faible couverture de scolarisation à
l'image de la situation nationale. Le contexte socioéconomique est
décrit comme suit :
la pauvreté s'est fortement accrue en Côte
d'Ivoire entre 1985 et 2012, sous l'effet des différentes crises qui ont
secoué le pays sur la période. Avec le retour à la
normalité, qui a favorisé la reprise économique et la mise
en place de certaines politiques de soutien aux ménages (hausse des prix
des produits agricoles, gratuité de certains services sociaux), la
pauvreté a connu un recul en 2015 (ENV, 2015). En effet, de 10,0 % en
1985, le taux de pauvreté a atteint 48,9 % en 2008, avant de diminuer
à 46,3 % en 2015 (...). Comme pour les années antérieures,
la pauvreté est plus accentuée en milieu rural (56,8 %) qu'en
milieu urbain (35,9 %). Par ailleurs, de fortes disparités se-
206
lon les régions sont observées, le niveau de
pauvreté variant de 22,7 % dans la ville d'Abidjan à 71,7 % dans
la région du Kabadougou.282
Ces taux de pauvreté, à savoir 48,9% en 2008 et
46,3 en 2015 émanent de l'enquête sur le niveau de vie (ENV 2015).
Le rapport du PNUD 2014 estime que « d'autres mesures de la
pauvreté laissent présager une dégradation de la situation
entre 2008 et 2012. La population en situation de pauvreté
multidimensionnelle est estimée être passée de 50 % en 2005
à 59 % en 2012 283». Ces taux sont plus
élevés dans les zones CNO du fait des conflits. Les classes
passerelles interviennent ainsi dans une situation de
vulnérabilité des populations des zones CNO.
2. Acquis de la mise en oeuvre
Le projet des classes passerelles suscité par un double
contexte de crise connaît des réussites lors de son
exécution en phase pilote. Ces acquis sont des réponses aux
dysfonctionnements constatés au niveau du système scolaire
conventionnel. Ainsi, les acquis se présentent comme suit :
2.1. L'accès à l'école et la
couverture scolaire
Les classes passerelles de 2007 réalisées dans
la région de la vallée du Ban-dama ont permis d'ouvrir une
école dans les localités d'Allakro, de Tabako et de Minankro pour
les zones rurales. C'est Tollakouadiokro, un quartier
périphérique de la ville de Bouaké, qui a
été doté d'une classe. Au total, ce sont 4
localités qui ont bénéficié d'une ouverture de
classe avec un effectif de 120 élèves. Il convient de relever que
pour les zones rurales, ce sont 10 villages qui ont eu accès à
l'école grâce à l'ouverture de trois classes soit une
moyenne d'une classe pour 3 villages. Au titre de l'année scolaire
2007/2008 l'UNICEF, partenaire financier du projet annonce la scolarisation de
« 500 enfants.284 »
282 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 33
283 PNUD, 2014, Rapport sur le développement humain
2014. Pérenniser le progrès humain : Réduire les
vulnérabilités et renforcer la résilience,
cité par le gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016,
op. cit., p. 33
284 UNICEF, 2008, « WCARO Côte d'Ivoire :
résumé de la situation d'urgence » in
http:// www.unicef.org.,
consulté le 09 décembre 2009.
207
2.2. Accroissement de l'offre éducative
Les classes passerelles de 2007, dans la région de la
vallée du Bandama, ont permis aux localités et aux enfants
concernés de disposer d'une classe dans un premier temps. Puis, celle-ci
s'est reconvertie en école communautaire les années qui ont
suivi. Avec la mobilisation communautaire, cette école fonctionne et
figure sur la carte scolaire nationale. Vu le succès du projet, l'UNICEF
qui est le partenaire financier du projet annonce pour l'année scolaire
2007/2008 la construction « d'environ 100 salles de classes
passerelles.285 »
2.3. Gratuité de l'école
L'expérience des classes passerelles offre un cadre
propice à la mise en oeuvre de la gratuité de l'école tant
prônée par les politiques nationales et internationales
d'éducation dans le cadre de la scolarisation primaire universelle. Le
projet a recruté les enfants gratuitement et il a également
fourni les manuels scolaires et didactiques nécessaires à un bon
apprentissage.
2.4. Intégration des élèves à
l'école conventionnelle
Le véritable défi à relever, pour le
projet des classes passerelles consiste à permettre aux
élèves, de bénéficier d'une scolarisation
conventionnelle. Pour ce faire, il intègre un ensemble de
stratégies impliquant la participation des acteurs étatiques du
système éducatif. Cela permet de mener le projet selon les normes
nationales et internationales de scolarisation. Cette démarche a permis
d'obtenir la reconnaissance du Ministère de l'éducation par la
signature de la décision n°758 du 13 septembre 2007 portant
intégration des élèves en classe de CE2. Cela a permis de
scolariser une centaine d'élèves dans l'école primaire
conventionnelle.
2.5. Inscription des classes passerelles sur la carte
scolaire et accroissement des effectifs des classes
En 2006/2007, avec le financement d'UNICEF, l'ONG EPT a
implanté quatre sites de classes passerelles à Bouaké
ville et sous-préfecture. Ce sont : Mi-
285 UNICEF, 2008, op. cit.
208
nankro, Tabako, Tollakouadiokro et Allakro. Les classes
passerelles concernées sont devenues des écoles communautaires et
figurent sur la carte scolaire nationale après l'intégration des
élèves à l'école conventionnelle.
Après 2009, les classes passerelles ouvertes par NRC
dans les écoles conventionnelles sont mises à la disposition de
celles-ci, alors qu'EPT poursuit son expérience des classes passerelles,
soit en assurant le suivi de celles-ci en tant qu'école communautaire,
soit en ouvrant d'autres classes passerelles dans des nouvelles
localités.
2.6. Implication de l'Etat au projet classe passerelle
En 2013, l'implication du MENET dans le projet des classes
passerelles, qui était jusque-là une affaire des ONG, va se faire
dans le cadre formel du PUAEB (Programme d'Urgence d'Appui à l'Education
de base). Cette intervention s'appuie néanmoins sur l'expertise des ONG
déjà opérationnelles en la matière. Il s'agit de
NRC, EPT et Soleil Levant. Le projet couvre les zones suivantes de la
Côte d'Ivoire :
- l'Est (Bondoukou et Bouna) ;
- l'Ouest (Danané) ;
- le Sud-Est (Aboisso) ;
- le Nord (Mankono, Ferkessédougou).
Ce projet du PUAEB pour l'année scolaire 2013/2014
prend en compte « 1512 élèves dont 710 filles.
286». NRC intervient à l'ouest et au sud-est quand EPT
le fait au nord. L'ONG « Soleil Levant » est plutôt
basée à l'est.
2.7. Des performances post passerelles satisfaisantes
Une étude menée par l'ONG EPT en 2007/2008 a
révélé que les élèves des classes
passerelles intégrés dans les écoles primaires publiques
Walèbo, Gonfre-ville 1, Dar-es-salam 2, Minankro, Tabako, Allakro,
Gbagbakro, Touro et Assèkro
286 MENET, 2014, « Les classes passerelles financées
par le PUAEB » in
http://WWW.education-ci.org.,
consulté le 10 janvier 2016.
209
ont obtenu, dans l'ensemble, un taux de réussite
satisfaisant de 72,72% en classe de CM1 en 2009. Dans la même
année, les travaux de KOFFI (2009) relatives à la performance des
ex-élèves des classes passerelles en CE2, confirmaient cette
conclusion.
Ces cinq aspects positifs des classes passerelles permettent
de montrer leur pertinence dans un environnement d'éducation en crise.
Cependant, des insuffisances du projet de 2006/2007 méritent
d'être relevées car celles-ci font partie du diagnostic
situationnel préalable à toute étude.
2.8. Profil adéquat des enseignants
Le premier aspect du profil est relatif au sexe des
animateurs, comme le montre le tableau suivant :
Tableau XXVI : proportion d'animateurs selon la zone
Zones
|
Sexes des animateurs
|
M
|
F
|
Nbr
|
%
|
Nbr
|
%
|
Odienné
|
6
|
8,82
|
5
|
7,35
|
Bouaké
|
8
|
11,76
|
4
|
5,88
|
Séguéla
|
6
|
8,82
|
4
|
5,88
|
Ferkessédougou
|
6
|
8,82
|
3
|
4,43
|
Duékoué
|
8
|
11,76
|
6
|
8,82
|
Man
|
7
|
10,31
|
5
|
7,35
|
Total
|
41
|
60,29%
|
27
|
39,71%
|
Source : données de terrain, 2008-2014
Dans l'ensemble, on note qu'il y a plus d'hommes (60,29%) que
de femmes (39,71%). Cette logique est également respectée dans
chaque zone d'intervention. Cela pose la question de la parité entre
femme et homme au niveau des effectifs enseignants. Relativement à la
qualification des animateurs, le tableau suivant nous présente leurs
niveaux d'étude.
Tableau XXVII : niveau d'étude des animateurs selon la
zone
Zones
|
Niveaux d'étude
|
3ème
|
2nde
|
1ère
|
Tle
|
BT
|
Odienné
|
7
|
1
|
|
2
|
1
|
Bouaké
|
10
|
1
|
|
2
|
|
Séguéla
|
8
|
|
2
|
|
|
Ferkessédougou
|
8
|
1
|
1
|
|
|
Duékoué
|
11
|
|
|
1
|
|
Man
|
8
|
|
2
|
2
|
|
Total
|
52
|
3
|
5
|
7
|
1
|
Source : données de terrain, 2008-2014
Les niveaux des animateurs varient de la
3ème au BT. Ces données confirment le souci des
promoteurs des classes passerelles de respecter la norme minimale de
recrutement d'enseignants du primaire qui est le niveau de la
3ème sanctionné par le BEPC ; cela correspond au
profil de l'instituteur adjoint en Côte d'Ivoire. Le niveau
d'étude des animateurs est satisfaisant au regard de ce qui
précède. Leur âge a également fait l'objet d'analyse
comme suit :
Tableau XXVIIII : âge des animateurs selon la zone
Zones
|
Tranche d'âge (ans)
|
20-35
|
+35
|
Nombre
|
Pourcentage %
|
Nombre
|
Pourcentage %
|
Odienné 1
|
10
|
14,70
|
1
|
1,47
|
Bouaké
|
11
|
16,17
|
2
|
2,95
|
Séguéla
|
9
|
13,25
|
1
|
1,47
|
Ferkessédougou
|
10
|
14,70
|
0
|
0
|
Duékoué
|
13
|
19,12
|
0
|
0
|
Man
|
11
|
16,17
|
0
|
0
|
Total
|
64
|
94,11
|
4
|
5,89
|
210
Source : données de terrain, 2008-2014
211
On note que l'âge des animateurs varie entre 20 et 43
ans avec une prédominance pour la tranche d'âge de 20 à 35
ans qui compose les effectifs à 94,11%. Cela signifie que les animateurs
sont majoritairement jeunes et sont pour la plupart à leur premier
emploi. Cet aspect semble être une des raisons de la motivation et du
dynamisme qu'ils manifestent.
2.9. Efficacité interne des classes passerelles EPT
et NRC
L'efficacité interne des classes passerelles s'exprime
à travers la distribution des notes et la comparaison de leurs taux de
réussite et ceux des classes conventionnelles selon le type des classes
passerelles, la zone, l'âge, le sexe et le niveau d'étude.
2.9.1. Distribution des notes et des taux de
réussite
Le tableau suivant compare les performances par niveau des
classes passerelles.
Tableau XXIX : distribution des notes des classes passerelles EPT
selon la zone
Zones
|
Niveaux
|
Moyennes Générales/10
|
Ferkessédougou
|
CPU
|
7,50
|
CEU
|
7,50
|
Séguéla
|
CPU
|
7,47
|
CEU
|
7,47
|
Odienné
|
CPU
|
7,35
|
CEU
|
7,35
|
Bouaké
|
CPU
|
5,59
|
CEU
|
5,59
|
Total
|
|
6,97
|
Source : données de terrain, 2008-2014
On note dans l'ensemble que toutes les zones ont une moyenne
supérieure à 5/10 qui constitue la barre d'admission. Mieux
encore, elles affichent une moyenne générale
pondérée de 6,97/10. Avec une valeur de probabilité Pr
> 0,05, les différences observées sont jugées non
significatives selon le test de variance Student-Newman-Keuls. Le coefficient
de variation CV = 16% montre une quasi homogénéité des
notes au niveau des zones d'intervention EPT.
Tableau XXX : distribution des notes des classes passerelles NRC
selon la zone
Zones
|
Niveaux
|
Moyennes Générales
|
Bouaké
|
CPU
|
7,52
|
CEU
|
7,50
|
CMU
|
5,62
|
Duekoue
|
CPU
|
6,50
|
CEU
|
6,35
|
CMU
|
5,60
|
Man
|
CPU
|
6,55
|
CEU
|
6,45
|
CMU
|
5,63
|
Total
|
|
6,41
|
Source : données de terrain, 2008-2014
On note que toutes les zones ont une moyenne supérieure
à 5/10. La moyenne la plus forte (7,52) est observée à
Bouaké au niveau du CPU alors que Duekoué affiche la moyenne la
plus faible (5,60) au niveau du CMU. Avec une valeur de probabilité Pr
> 0,05, les différences observées sont jugées non
significatives selon le test de variance Student-Newman-Keuls. Le coefficient
de variation CV = 16% montre une quasi homogénéité des
notes au niveau des zones d'intervention NRC.
Tableau XXXI : distribution des notes des classes passerelles
selon le sexe et le niveau
Classes passerelles
|
Niveaux
|
Moyennes générales selon le
sexe (note/10)
|
F
|
M
|
EPT
|
CPU
|
6,59
|
6,40
|
CEU
|
6,59
|
6,40
|
NRC
|
CPU
|
6,80
|
6,85
|
CEU
|
6,66
|
6,75
|
CMU
|
5,45
|
5,42
|
Total
|
|
6,41
|
6,36
|
212
Source : données de terrain, 2008-2014
213
On note dans l'ensemble, une moyenne générale de
6,41/10 pour les filles et 6,36/10 pour les garçons. Même si ces
notes montrent une légère avance pour les filles par rapport aux
garçons, elles ne présentent pas une différence
significative selon le test de variance Student-Newman-Keuls avec une valeur de
probabilité Pr > 0,05. La comparaison par niveau ne dégage
aucune tendance, c'est à dire que les garçons et les filles
à chaque niveau ont des notes très proches. Cela est
confirmé par le coefficient de variation CV = 16% à l'issu du
test de variance Student-Newman-Keuls.
Tableau XXXII : distribution des notes des classes passerelles
selon le type de classe passerelles, le niveau et la tranche d'âge
Classes passerelles
|
Niveaux
|
Moyenne générale selon la tranche
d'âge (note/10)
|
TA1
|
TA2
|
TA3
|
EPT
|
CPU
|
7,10
|
7,25
|
7,72
|
CEU
|
5,29
|
5,64
|
6,09
|
NRC
|
CPU
|
7,17
|
7,72
|
-
|
CEU
|
7,12
|
7,51
|
8,05
|
CMU
|
-
|
5,16
|
5,91
|
Total
|
|
6,17
|
6,89
|
6,94
|
Source : données de terrain, 2008-2014
- TA1 : Tranche d'âge 1 désigne par les
élèves âgés de 7 à 8 ans ; - TA2 : Tranche
d'âge 2 désigne les élèves âgés de 9
à 11 ans ; - TA3 : Tranche d'âge 3 désigne les
élèves âgés de 12 à 13 ans.
On note, pour les deux promoteurs, que les trois tranches
d'âge enregistrent des notes supérieures à la moyenne 5/10.
Bien que les notes augmentent proportionnellement à l'âge, le test
de variance Student-Newman-Keuls montre que ces différences ne sont pas
significatives car la valeur de probabilité Pr > 0,05. Cette quasi
homogénéité est confirmée par le coefficient de
variation CV = 16%. La comparaison par niveau montre également une
augmentation de la note avec l'âge pour tous les niveaux.
214
Tableau XXXIII : distribution des notes des classes passerelles
selon l'âge et le niveau.
Ages (année)
|
Moyenne générale selon le sexe
(note/10)
|
CPU
|
CEU
|
CMU
|
TOTAL
|
7
|
6,28
|
5,71
|
-
|
5,99
|
8
|
6,77
|
5,90
|
-
|
6,33
|
9
|
6,87
|
6,39
|
-
|
6,63
|
10
|
7,19
|
7,17
|
-
|
7,18
|
11
|
6,45
|
7,08
|
5,50
|
6,34
|
12
|
6,67
|
7,13
|
5,75
|
6,51
|
13
|
7,12
|
6,74
|
6,10
|
6,65
|
Source : données de terrain, 2008-2014
Dans l'ensemble, on note une augmentation de la note avec
l'âge de 7 à 10 ans. La même logique est respectée
pour les élèves de 11 à 13 ans. On observe la même
tendance pour tous les niveaux, à l'exception des CEU qui montrent une
tendance à la baisse pour les élèves de 13 ans.
2.9.2. Comparaison des taux de réussite des
classes passerelles et des classes conventionnelles au niveau national
Le graphique suivant nous donne un aperçu des taux de
réussite nationaux des classes passerelles et des classes
conventionnelles de même niveau.
215
Figure 18 : évolution des taux de réussite des
classes passerelles EPT/ écoles conventionnelles au niveau national
selon l'année
Source : données de terrain, 2008-2014
On note que, dans l'ensemble, les taux de réussite des
classes passerelles augmentent alors que ceux des écoles
conventionnelles baissent.
216
Figure 19 : évolution des taux de réussite des
classes passerelles NRC et des écoles conventionnelles au niveau
national selon l'année
Source : données de terrain, 2008-2014
Dans l'ensemble, on observe que de 2007 à 2014, la
courbe de tendance affiche une constante de taux de réussite des classes
passerelles qui est nettement supérieure à celle des
écoles conventionnelles. Cette constante est d'environ 95% alors qu'elle
est d'environ 80% pour les écoles conventionnelles.
2.9.3. Comparaison des taux de réussite
scolaires au niveau régional
Le graphique suivant présente l'évolution des
taux de réussite des classes passerelles et des écoles
conventionnelles au niveau régional. Le graphique suivant permet de
mieux apprécier les tendances.
217
Figure 20 : évolution des taux de réussite des
classes passerelles EPT/ écoles conventionnelles selon la zone et
l'année
Source : données de terrain, 2008-2014
Deux temps sont observés dans l'évolution de la
courbe des classes passerelles. De 2006 à 2008, les résultats ne
dépassent pas les 80% ; puis de 2008 à 2014, ils oscillent
constamment autour de 98%. Pour les écoles conventionnelles, les
résultats oscillent constamment autour de 80%. La tendance
générale qui se dégage est une hausse des taux de
réussite pour les classes passerelles et une quasi constante dans les
écoles conventionnelles. Le graphique suivant présente
l'évolution des taux de réussite des classes passerelles NRC/
écoles conventionnelles selon la zone et l'année.
218
Figure 20 : évolution des taux de réussite des
classes passerelles NRC/ écoles conventionnelles selon la zone et
l'année
Source : données de terrain, 2008-2014
Dans l'ensemble, on observe que de 2007 à 2014, la
courbe de tendance affiche une supériorité constante des taux de
réussite des classes passerelles. Cette constante est d'environ 95%
alors qu'elle est d'environ 80% pour les écoles conventionnelles. Le
graphique suivant présente les tendances basées sur la
comparaison des taux de réussite des classes passerelles EPT et NRC avec
ceux des écoles conventionnelles.
219
Figure 21 : évolution des taux de réussite des
classes passerelles EPT/NRC et des écoles conventionnelles selon la zone
et l'année
Source : données de terrain, 2008-2014
Dans l'ensemble, la tendance des taux de réussite des
classes passerelles est
à la hausse de 75% à 99%, alors que celle des
écoles conventionnelles est quasi-
ment constante et oscille autour de 80%.
-Niveau général
Seuil critique Alpha = 0,05
Coefficient de variation = 7,56
Probabilité Pr > F = < .0001
Tableau XXXIV : comparaison des moyennes générales
des taux de réussite selon le type d'école
comparaison SNK Moyennes Générales des taux
de réussite Ecoles
A 92,93 Classes passerelles
B 82,34 Ecoles conventionnelles
Source : données de terrain, 2008-2014
220
Le test de variance montre un niveau de probabilité
très hautement significatif Pr <.0001. Le coefficient de variation
(7,56) montre une faible variabilité des taux de réussite et une
fiabilité de l'estimé de la moyenne. La comparaison des deux
types d'écoles montre une supériorité des classes
passerelles (92,93) sur les écoles conventionnelles (82,34) avec un
écart significatif de 10,59 points. Une analyse de variance
détaillée selon le niveau se présente comme suit :
-Niveau CP
Seuil critique alpha = 0,05 Coefficient de variation = 7,86
Probabilité Pr > F = 0,0100
Tableau XXXV : comparaison des moyennes de taux de
réussite des CP selon le type d'école
Comparaison SNK Moyennes des taux de
réus-
site en CP
|
Ecoles
|
A 93,68 Classes passerelles
B 84,05 Ecoles conventionnelles Source :
données de terrain, 2008-2014
Le test de variance au niveau des CP montre un niveau de
probabilité très hautement significatif Pr = 0,0100. Le
coefficient de variation (7,86) montre une faible variabilité des taux
de réussite et une fiabilité de l'estimé de la moyenne. La
comparaison des deux types d'écoles montre une supériorité
des classes passerelles (93,68) sur les écoles conventionnelles (84,05)
avec un écart significatif de 9,63 points.
-Niveau CE
Seuil critique alpha = 0,05 Coefficient de variation = 7,87
Probabilité Pr > F = 0,0096
221
Tableau XXXVI : comparaison des moyennes de taux de
réussite des CE selon le type d'école
Comparaison SNK Moyennes des taux de réussite en
CE Ecoles
A 92,95 Classes passerelles
B 83,32 Ecoles conventionnelles
Source : données de terrain, 2008-2014
Le test de variance au niveau des CE montre un niveau de
probabilité très hautement significatif Pr = 0,0096. Le
coefficient de variation (7,87) montre une faible variabilité des taux
de réussite et une fiabilité de l'estimé de la moyenne. La
comparaison des deux types d'écoles montre une supériorité
des classes passerelles (92,95) sur les écoles conventionnelles (83,32)
avec un écart significatif de 9,63 points.
-Niveau CM
Seuil critique alpha = 0,05 Coefficient de variation = 4,73
Probabilité Pr > F = 0,0018
Tableau XXXVII : comparaison des moyennes de taux de
réussite des CM selon le type d'école
Comparaison SNK Moyennes des taux de réussite en
CM Ecoles
A 91,22 Classes passerelles
B 76,29 Ecoles
conventionnelles Source : données de terrain, 2008-2014
Le test de variance au niveau des CM montre un niveau de
probabilité très hautement significatif Pr = 0,0018. Le
coefficient de variation (4,73) montre une faible variabilité des taux
de réussite et une fiabilité de l'estimé de la moyenne. La
comparaison des deux types d'écoles montre une supériorité
des classes passe-
222
relles (91,22) sur les écoles conventionnelles (76,29)
avec un écart significatif de 9,63 points.
3. Facteurs explicatifs de l'efficacité des
classes passerelles
Les acteurs pédagogiques des classes passerelles ont
été soumis à une échelle d'attitudes afin de
recueillir leurs appréciations des variables susceptibles d'influencer
leurs résultats scolaires. Cela permet de déterminer les facteurs
à prendre en compte dans les stratégies de renforcement. Les
résultats se présentent dans le tableau suivant :
Tableau XXXVIII : hiérarchisation des déterminants
de la réussite scolaire des élèves des classes
passerelles
Facteurs
|
Variables
|
Scores
|
Proportions %
|
Rangs
|
Organisationnels
|
Participation communautaire
|
189
|
14,02
|
1er
|
Organisationnels
|
Gestion du projet
|
174
|
12,89
|
2ème
|
Organisationnels
|
Mise en place du projet
|
159
|
11,78
|
3ème
|
Pédagogiques
|
Méthode d'enseignement
|
155
|
11,41
|
4ème
|
Individuels
|
Motivation des élèves
|
140
|
10,38
|
5ème
|
Individuels
|
Age des élèves
|
135
|
10,02
|
6ème
|
Pédagogiques
|
Programme scolaire
|
134
|
9,93
|
7ème
|
Pédagogiques
|
Qualification des enseignants
|
109
|
8,09
|
8ème
|
Individuels
|
Passé scolaire des élèves
|
85
|
6,3
|
9ème
|
Autres
|
Contexte de scolarisation
|
29
|
2,15
|
10ème
|
Politique éducative
|
27
|
2
|
11ème
|
Origine socio-économique des élèves
|
14
|
1,03
|
12ème
|
Source : données de terrain, 2008-2014
223
Il se dégage ainsi, trois catégories de facteurs
déterminants présentées comme suit :
- les facteurs individuels (aptitudes) : l'âge des
élèves, la motivation des élèves et le passé
scolaire des élèves ;
- les facteurs organisationnels : la mise en place du projet,
la gestion du projet et la participation communautaire ;
- les facteurs pédagogiques : le programme scolaire, la
qualification des enseignants et la méthode d'enseignement.
La tendance montre que les facteurs organisationnels sont les
plus dominantes avec 522/1350 points soit 38,66% de l'ensemble des scores.
Ensuite, les facteurs pédagogiques viennent en seconde position avec un
score de 398/1350 soit 29,50%. Les facteurs individuels occupent le
troisième rang avec un score de 360/1350 26,66%. Enfin, les autres
facteurs (l'origine socio-économique, le contexte et la politique
éducative) enregistrent 70/1350 points comme score soit 05,18%.
Au niveau des variables on note en tête du classement,
avec un score de 189/1350, la variable « participation communautaire
». Le score le plus bas de 70/1350 est enregistré par « autres
variables » (contexte, origine socio-économique et politique
éducative). Les trois premières variables (participation
communautaire, gestion du projet et mise en place du projet) appartiennent au
facteur organisationnel. Un écart significatif de 114 points
sépare le score le plus important du score le plus bas. Ce
résultat est confirmé par une analyse de variance par le test de
Student-Newman-Keuls comme suit :
224
Tableau XXXIX : comparaison des moyennes de score selon le
facteur
comparaison SNK Moyennes Facteurs
A 4,33 Organisationnels
B 3,94 Pédagogiques
B
B 3,83 Individuels
C 1 Autres facteurs
Source : données de terrain, 2008-2014
La probabilité Pr <.0001 montre qu'il y a des
différences très significatives entre les facteurs. Le
coefficient de variation 27,98 indique une forte variabilité des scores
obtenus par les facteurs. Dans la comparaison des moyennes des scores, ce sont
les facteurs organisationnels qui occupent le premier rang et leur moyenne
(4,33/5) diffère de celles des facteurs pédagogiques et
individuels qui sont très proches (3,94/5 et 3,83/5). Il existe
également une différence significative entre les premières
citées et les autres facteurs (1,00/5).
Tableau XL : comparaison des moyennes de score selon la
variable
Comparaison SNK
|
Moyennes
|
Variables
|
B B B
|
A
|
4,83
|
Participation communautaire
|
A
|
|
|
A
|
4,66
|
Gestion du projet
|
A
|
|
|
A
|
4,66
|
Mise en place du projet
|
B
|
|
|
|
B
|
C
|
4,50
|
Méthode d'enseignement
|
C
|
|
|
|
C
|
|
4,33
|
Motivation des élèves
|
|
|
|
|
|
D
|
4
|
Age des élèves
|
D
|
|
|
D
|
3,83
|
Programme scolaire
|
|
|
|
|
|
E
|
3,16
|
Qualification des enseignants
|
|
|
|
|
|
F
|
2,33
|
Passé scolaire des élèves
|
|
|
|
|
|
G
|
1
|
Autres Variables
|
Source : données de terrain, 2008-2014
225
La probabilité Pr <.0001 montre qu'il y a des
différences très significatives entre les variables. Le
coefficient de variation 18,59 indique une forte variabilité des scores
obtenus par les variables. Ces tests confirment la prééminence
des facteurs organisationnels avec pour variable dominante la participation
communautaire.
Au regard de ce qui précède, l'efficacité
des classes passerelles s'explique par une conjonction de bonnes pratiques
organisationnelles et pédagogiques associées aux variables
environnementales et personnelles des apprenants. En outre, l'obtention des
taux de réussite élevés est favorisée par une
politique éducative de maintien adoptée par les promoteurs des
classes passerelles. Dès lors, tout est mis en oeuvre pour atteindre les
meilleurs taux de réussite.
4. Renforcement des classes passerelles après
2014
4.1. Extension des classes passerelles Save The
Children
Selon l'ONG Save The Children (2016), « dans les
régions du centre, du nord et du sud-Ouest de la Côte d'Ivoire,
1.171 enfants dont 625 filles, précédemment en rupture scolaire,
ont intégré le système scolaire formel et
bénéficient de leur droit à l'éducation grâce
à l'approche des classes passerelles mise en oeuvre.287
» Quand les familles ne pouvaient pas satisfaire à la scolarisation
de leurs enfants, Save the Children leur est venu en appui à travers 33
projets écoles. Cela a permis le maintien dans le système
scolaire, de 1.000 Orphelins et autres enfants vulnérables du fait du
VIH (OAEV) venant des régions d'Agboville, Tias-salé,
Bouaké 1 et 2, Dimbokro, M'bahikro, Daoukro, Bongouanou, Bocanda,
Abengourou, Abidjan 1,2 et 4, Yamoussoukro, Adzopé -Akoupé.
De 2013 à 2016, l'innovante approche Literacy
Boost, expérimentée dans l'IEP d'Akoupé, a permis de
booster les performances des groupes scolaires Ahéoua et Yadio. Les
filles et les garçons à Ahéoua et Yadio ont un
accès égal à l'école primaire. Plus de la
moitié des enfants sont en moyenne inscrits au CP1
287 Save The Children, 2016, Rapport annuel 2016, p.
16
226
dans chacune des 2 écoles de Yadio. La parité
filles /garçons est de 0,98 à Ahéoua et 1,19 à
Yadio. Ces chiffres sont au-dessus de la moyenne nationale de cette
période (0,9) et montrent une bonne proportion de la scolarisation des
enfants et surtout des filles dans les écoles primaires soutenues par le
projet. En ce qui concerne le niveau de lecture, les évaluations
montrent une progression nette des enfants dans l'école
expérimentale.
En effet, dans chacune des 5 compétences (la
connaissance des lettres, la conscience phonologique, la fluidité de la
langue, le vocabulaire et la compréhension), on constate que les enfants
des écoles cibles connaissent une amélioration des acquis. Le
taux de réussite en lecture au CE1 et au CE2 connait un accroissement
remarquable dans les deux groupes scolaires Yadio et Ahéoua. Il est
passé de 6% à 86% pour la lecture des lettres, de 0% à 79%
pour la lecture des mots et de 13 % à 52% pour la lecture des phrases.
On constate que les classes passerelles contribuent à établir la
parité entre fille et garçons à l'école, à
améliorer les taux de réussite tout en donnant de l'espoir aux
couches sociales les plus vulnérables.
4.2. Atelier de revue et d'harmonisation de l'approche
« classes passerelles » en Côte d'Ivoire en 2017
Selon le rapport de la Direction de l'Alphabétisation
et de l'Éducation Non Formelle (2017),288 un atelier de revue
et d'harmonisation de l'approche « classes passerelles » en
Côte d'Ivoire a été organisé du 8 au 9 juin 2017
à Abidjan. Cet atelier a bénéficié de l'appui
financier du programme Transformer l'Education dans les communautés de
cacao (TRECC) de la Fondation Jacobs. Cette approche constitue un programme
d'éducation basé sur l'apprentissage
accéléré, permettant aux enfants hors du système
scolaire de s'insérer dans l'école formelle. Cet atelier a
réuni des participants issus de divers horizons, à savoir :
- les directions du MEN ayant un rôle dans le pilotage et
la supervision des classes passerelles sur les plans pédagogique et
organisationnel ;
288 DAENF, 2017, Atelier de revue et d'harmonisation de
l'approche classes passerelles, Rapport final, Abidjan, DAENF, pp. 1-7
227
- les ONG nationales et internationales impliquées dans
la mise en oeuvre des classes passerelles en Côte d'Ivoire ;
- les partenaires techniques et financiers qui soutiennent la
politique du gouvernement dans le développement d'offres
éducatives alternatives ;
- la Fondation Stromme, une organisation qui met en oeuvre la
stratégie de scolarisation accélérée au Niger, au
Mali et au Burkina Faso ;
- et River Tide, une organisation qui a
développé dans les zones rurales et défavorisées
d'Inde, un programme unique pour l'enseignement élémentaire
composé d'un programme à base communautaire.
Cette panoplie de participants a permis d'enrichir le
débat sur la base des expériences vécues. Faisant un
diagnostic de la situation, le MENET affirme qu'en 2016, 432.268 enfants sur
3.569.000 enfants âgés de six à onze ans n'étaient
pas inscrits à l'école primaire. Pour la même année,
seuls 811.844 enfants étaient effectivement inscrits au collège,
tandis que 1.186.838 enfants âgés de douze à quinze ans n'y
étaient pas. Pour relever le défi de la scolarisation de ces
enfants hors du système scolaire, le Plan Sectoriel Education/Formation
pour la période 2016-2025 préconise le recours aux classes
passerelles. Ledit plan vise l'intégration à l'école
primaire, des enfants âgés de dix à treize ans
déscolarisés ou n'ayant jamais été
scolarisés.
Faisant le bilan de la mise en oeuvre des classes passerelles,
la DAENF affirme que celles-ci ont permis la réinsertion dans
l'enseignement formel de plus de vingt mille enfants non scolarisés ou
déscolarisés. Puis, la DAENF indique que depuis leur introduction
en Côte d'Ivoire, plusieurs ateliers de réflexion se sont tenus
avec l'ensemble des parties prenantes afin de formaliser cette offre
d'éducation alternative, et d'harmoniser les pratiques. Ledit atelier
s'inscrit dans le contexte de la scolarisation obligatoire tout en visant le
renforcement des mécanismes existants des classes passerelles, afin de
garantir le respect des normes de qualité requises et d'assurer une
transition réussie vers l'enseignement formel. Il s'agit notamment :
228
- de passer en revue les différentes approches de
classes passerelles mises en oeuvre en Côte d'Ivoire ;
- d'informer et former les participants sur la
Stratégie de Scolarisation Accé-lérée/Passerelle
(SSA/P) initiée par la Fondation Stromme au Mali, Burkina Faso et
Niger;
- de définir les rôles et les
responsabilités des acteurs et partenaires intervenant dans la mise en
oeuvre des classes passerelles ;
- et d'adopter un dispositif pertinent de suivi et
d'évaluation de la mise en oeuvre des classes passerelles.
La Fondation Jacobs a réaffirmé son engagement
ainsi que celui de ses partenaires de l'industrie du cacao et du chocolat en
faveur du financement des projets de classes passerelles à travers le
programme TRECC. Cela devrait permettre, à terme, de renforcer ce
dispositif en vue d'atteindre les objectifs du plan sectoriel. Pour contribuer
à la réflexion, la Fondation Stromme a été
invitée pour illustrer la Stratégie de Scolarisation
Accélérée/Passerelle (SSA/P), dont le dispositif se
caractérise par une forte implication des gouvernements concernés
(Mali, Burkina Faso, Niger) dans le pilotage et la supervision de la mise en
oeuvre. La Fondation Stromme a donné un aperçu des termes du
partenariat autour de la SSA/P, de l'implication des gouvernements des pays
précurseurs dans sa mise en oeuvre, et des accords qui balisent ce
partenariat au niveau sous régional, national et local. Dans ce
contexte, la création du Secrétariat sous-régional de la
SSA/P est un instrument de concrétisation du partenariat avec,
notamment, son Conseil d'Orientation regroupant les Ministres en charge de
l'Éducation des pays, le Secrétaire Général de la
Fondation Stromme et les O.N.G. partenaires des trois pays.
Procédant à la présentation de son
programme, la Fondation Stromme a indiqué que la SSA/P est une formule
accélérée d'éducation bilingue visant à
offrir une seconde chance à des enfants qui n'ont jamais
été à l'école, ou à des
déscolarisés précoces dont l'âge ne permet plus une
scolarisation dans le système classique. Ces derniers peuvent
intégrer ou réintégrer le système scolaire
classique à
229
partir de la quatrième année (CE2) du primaire.
La stratégie ne prévoyant pas de redoublement, tous les enfants,
selon leur niveau, sont insérés dans les classes du formel (CP,
CE1 ou CE2). Pour le respect du continuum «
élémentaire-moyen », même les enfants
âgés peuvent être orientés en classe de
sixième. En principe, l'année scolaire dans les centres SSA/P
dure 8 mois (Novembre - Juillet). La taille des classes ne doit pas
excéder trente élèves.
Les acteurs de la société civile
impliqués dans la mise en oeuvre de classes passerelles en Côte
d'Ivoire que sont les ONG Ecole pour Tous (EPT), la Mission Evangélique
Luthérienne de Côte d'Ivoire (MELCI) et le Bureau National de la
Fondation International Cocoa Initiative (ICI) ont mis en exergue les points
forts et les points faibles du dispositif actuel des classes passerelles.
Concernant les points forts, elles indiquent que :
- les classes passerelles ont répondu à une
demande d'éducation durant la crise et jusqu'à présent, en
offrant des opportunités de réussite a des enfants qui, pour des
raisons diverses étaient en dehors du système éducatif
;
- le pilotage par les ONG internationales et nationales a
permis la mise en place d'un dispositif opérationnel efficace et plus
proche des bénéficiaires ;
- les contenus des formations et les formations ont
été élaborés en partenariat avec les services
techniques du MEN ;
- les évaluations des enfants et leurs orientations
dans les écoles formelles ont été réalisées
par les inspecteurs d'école primaire.
En outre, l'atelier a permis de montrer que les points faibles
concernent :
- le « Guide de mise en oeuvre des classes passerelles en
Côte d'Ivoire », fruit de la collaboration entre les services du MEN
et les partenaires techniques et financiers, est très peu utilisé
par les promoteurs des classes passerelles et peu connu des services
déconcentrés du MEN ;
- la transition des enfants issus des classes passerelles vers
les écoles formelles présente souvent des difficultés
liées, notamment à la mauvaise perception des classes passerelles
par les enseignants, à l'insertion tardive
230
des élèves des classes passerelles ou encore au
manque d'extraits de naissances ;
- l'inexistence de données statistiques sur les classes
passerelles en termes d'offre, d'infrastructure, d'effectifs et de performance
empêche un pilotage effectif de cette offre d'éducation
alternative par le MEN ;
- la faible implication des collectivités locales et
l'insuffisance de l'internalisation des expériences par le MEN
n'oeuvrent pas en faveur de la pérennisation de la stratégie et
de l'appropriation du modèle par l'État ;
- l'on constate l'absence de ressources gouvernementales dans
le financement des classes passerelles ;
- la modicité des indemnités, le retard dans
leur paiement et l'absence de plan de carrière incitent à la
mobilité des animateurs des classes passerelles ;
- le taux d'abandon est élevé pour les enfants
de niveau CMU car ils sont plutôt intéressés par la
formation professionnelle ;
- le taux de fréquentation baisse là où
il n'y a pas de cantine scolaire ou d'appui alimentaire.
- les classes passerelles ne sont pas inscrites dans un cadre
institutionnel et réglementaire suffisamment structuré.
- le Guide énumère toutes les parties prenantes
en attribuant à chacune des rôles et responsabilités, mais
ne désigne pas clairement quelle structure est la principale
responsable. Ce flou engendre des dysfonctionnements, notamment au plan de la
supervision pédagogique avec un chevauchement des fonctions entre
conseiller à l'alphabétisation et conseiller pédagogique
secteur.
- l'inexistence de données statistiques sur la
situation de référence des enfants déscolarisés et
l'absence d'une cartographie des initiatives locales rendent difficile toute
planification et programmation d'actions ciblées par les acteurs non
étatiques.
- et au niveau du suivi et l'évaluation, il y a un vide
juridique dans le Guide.
231
Au regard des acquis et des faiblesses, l'atelier a fait des
propositions en vue d'améliorer le dispositif des classes passerelles.
Au titre des animateurs, Il s'agit de :
- renforcer le dispositif de formation initiale et continue
des animateurs, notamment en impliquant le MEN et en consacrant trente jours
à la formation initiale, pour qu'ils puissent maîtriser les
contenus et la méthodologie d'enseignement ;
- renforcer le suivi pédagogique par les services
compétents du MEN, ainsi que la collaboration entre les animateurs des
classes passerelles et les enseignants des écoles conventionnelles ;
- développer des outils pédagogiques
harmonisés pour les classes passerelles, tels qu'un guide des
animateurs, un manuel des élèves, etc ;
- motiver les animateurs en offrant des perspectives
d'engagement au-delà des huit mois d'exercice, notamment en mettant
à contribution les animateurs pour des cours de remédiation ou
pour d'autres projets. A cet effet, une base de données a
été constituée, de concert avec tous les animateurs
formés depuis 2007.
Au titre des sites d'implantation des classes passerelles, il
s'agit de :
- s'assurer que le choix du site devant abriter la classe
passerelle, est principalement basé sur l'existence de besoin en
matière d'éducation et la planification de la carte scolaire;
- s'assurer que le choix du site découle d'un processus
inclusif et participatif qui implique la communauté et les
autorités éducatives.
Concernant les rôles, les responsabilités des
parties prenantes et les indicateurs de performance, il faut :
- pour toutes les parties prenantes, se doter d'indicateurs de
performance pour assurer le contrôle de qualité des classes
passerelles ;
- mettre en place un comité de pilotage de l'initiative
classe passerelle sous la présidence du MEN comme cadre de concertation
et organe officiel d'orientation, de supervision et de décision
concernant la mise en oeuvre des classes passerelles ;
232
- designer au sein du MEN la structure de coordination
opérationnelle de la mise en oeuvre des classes passerelles ;
- élaborer, valider et vulgariser auprès des
promoteurs des classes passerelles et des autorités éducatives
décentralisées, un cahier de charges (signature du
Ministre/officialisation par un arrêté ministériel) pour la
création, la mise en oeuvre, le suivi et évaluation des classes
passerelles en précisant toutes les modalités. Ce cahier de
charges s'imposerait à tous les promoteurs de la classe passerelle et
aux autorités éducatives au plan local ;
- créer au sein du ministère, des
compétences sur le curriculum des classes passerelles qui puissent
constituer une référence pour le suivi et l'assurance
qualité des initiatives ;
- investir des ressources gouvernementales dans le financement
des classes passerelles pour marquer l'intérêt du gouvernement
pour l'initiative et encourager les partenaires qui y interviennent
déjà ainsi que ceux qui pourraient y être
intéressés.
Au titre de la rétention des apprenants dans les
classes passerelles, il a été proposé de :
- renforcer la sensibilisation des communautés à
travers l'implication du gouvernement, des élus et des autorités
éducatives, pour que les parents adhèrent à la politique
d'école obligatoire et à la stratégie des classes
passerelles ;
- prendre en compte des élèves des classes
passerelles dans la dotation des cantines scolaires ou solliciter la
contribution de la communauté pour un appui alimentaire ;
- renforcer la formation des animateurs pour qu'ils puissent
assurer le suivi des élèves ;
- prévoir le transfert vers des structures de formation
professionnelle, pour les enfants les plus âgés.
En somme, pour la DENF, l'atelier de revue et d'harmonisation
de l'approche des classes passerelles en Côte d'Ivoire a permis aux
participants de
faire un bilan du dispositif actuel, à la
lumière des directives du Guide et de la pratique. Des lacunes et des
dysfonctionnements ont été identifiés tant au niveau
stratégique qu'opérationnel, et les participants ont fait des
propositions pour y remédier. Au-delà des recommandations
spécifiques, les participants étaient unanimes pour souligner la
nécessité de voir l'Etat, à travers le MEN, assumer un
rôle plus actif, que ce soit au niveau des orientations, de la
supervision, de la coordination ou au niveau du financement des classes
passerelles. Dans le présent contexte de la scolarisation obligatoire en
Côte d'Ivoire, les classes passerelles se présentent comme un
atout dont la consolidation exige davantage d'engagement de la part de
l'Etat.
4.3. Classes passerelles EPT en zone cacaoyère
L'Agence Ivoirienne de Presse (AIP) rapporte que l'ONG Ecole
Pour Tous (EPT) a procédé, à Agboville, au lancement de
son projet «Classes passerelles», en vue d'intégrer les
enfants déscolarisés et non scolarisés ou menacés
par la limite d'âge au système éducatif formel.
289» L'objectif du projet lancé en présence des
partenaires de l'éducation est d'intégrer dans l'école
conventionnelle, 120 enfants hors du système scolaire et
âgés de neuf à quatorze ans dans les localités
concernées d'Agboville. Il s'agit principalement des zones de production
de cacao d'Anno, d'Awahin, Batra, Ouéllezué, Oress-krobou, Grand
Morié, Laoguié.
233
289AIP, 2018, « Côte d'Ivoire : des classes
passerelles pour ramener les enfants déscolarisés d'Agboville
à l'école » in
https://aip.ci/cote-divoire-des-classes-passerelles-pour-ramener-les-enfants-descolarises-dagboville-a-lecole/,
consulté le 12 novembre 2018
234
Figure 22: projet de classes passerelles EPT en 2018 F
Source : AIP, 2018, « Côte d'Ivoire : des classes
passerelles pour ramener les enfants déscolarisés d'Agboville
à l'école » in
https://aip.ci/cote-divoire-des-classes-passerelles-pour-ramener-les-enfants-descolarises-dagboville
-a-lecole/, consulté le 12 novembre 2018.
Ce projet est spécifiquement adressé aux enfants
des zones cacaoyères d'Agboville qui présente une
réalité différente des zones CNO. La méthode
spécifique de literacy boost est utilisée pour atteindre
les objectifs. C'est un programme novateur initié par Word Vision
en partenariat avec Save the Children :
pour développer un apprentissage de la lecture
mettant à contribution tous les membres de la communauté. Son
objectif est que la lecture soit une activité sociale et culturelle non
seulement pratiquée à l'école avec les enseignants, mais
également en famille et au sein du village avec des
bénévoles. Il
235
a été mis en oeuvre en Afrique subsaharienne
et en Asie où les taux d'alphabétisation sont les plus faibles.
Cette approche comprend la formation des instituteurs à de nouvelles
méthodes d'enseignement de la lecture, l'évaluation du niveau des
enfants et la mise en place d'activités extra-scolaires (clubs de
lecture, bibliothèques itinérantes, ateliers de sensibilisation
des familles) animées par des membres de la
communauté.290
C'est une méthode pragmatique d'éducation qui
doit permettre l'amélioration des performances scolaires par la
maîtrise de la lecture. Elle sert de passerelle entre l'école et
les communautés et elle a été mise à profit dans le
cadre des classes passerelles qui s'appuient sur la participation communautaire
pour atteindre leurs objectifs de scolarisation.
290 World Vision International, 2016, « Literacy Boost : une
méthode innovante d'apprentissage de la lecture » in
https://www.wvi.org/fr/senegal/article/literacy-boost-une-m%C3%A9thode
- innovante-d% E2%80%99apprentissage-de-la-lecture, consulté le 05 juin
2017.
236
Conclusion du chapitre 4
En guise de conclusion, le chapitre 4 a analysé les
facteurs de la mise en oeuvre des classes passerelles en Côte d'Ivoire
à travers le contexte de mise en oeuvre, les acquis de la mise en
oeuvre, les facteurs explicatifs de l'efficacité des classes passerelles
et leur renforcement après 2014.
Premièrement, l'étude a présenté
trois aspects constitutifs du contexte que sont le conflit armé de 2002,
la crise post-électorale de 2010/2011 et le contexte
socioéconomique défavorable. L'analyse de ces trois
paramètres a permis de cerner les facteurs exogènes de la mise en
oeuvre. Deuxièmement, l'étude a examiné neuf indicateurs
relatifs aux acquis des classes passerelles, à savoir : l'accès
et la réouverture de l'école, l'accroissement de l'offre
éducative, la gratuité de l'école, l'intégration
des élèves à l'école conventionnelles,
l'implication de l'Etat au projet de classes passerelles, l'inscription des
classes passerelles sur la carte scolaire, les performances post-passerelles
satisfaisantes et l'adéquation du profil des enseignants des classes
passerelles. Ces acquis pallient en partie les dysfonctionnements
constatés dans les écoles conventionnelles.
Troisièmement, l'étude a analysé les
facteurs susceptibles d'expliquer la bonne performance des classes passerelles.
Il s'agit, notamment, des facteurs organisationnels, des facteurs
pédagogiques et des facteurs individuels. Une analyse de variance a
permis de dégager les facteurs et les variables les plus influentes tout
en les hiérarchisant. Pour les facteurs d'influence, le facteur
organisationnel est le plus significatif ; ensuite viennent respectivement, les
facteurs pédagogiques et individuels. En outre, la variable
«participation communautaire» est la plus significative ; ensuite,
viennent respectivement les variables «gestions du projet» et
«mise en place du projet». Enfin, des actions de renforcement des
classes passerelles après 2014 ont été analysées.
Il s'agit des ateliers de formation et des séminaires visant à
renforcer les capacités des acteurs du secteur et à harmoniser
les procédures de mise en oeuvre des classes passerelles.
237
Conclusion de la deuxième partie
En somme, la troisième partie de l'étude montre
que les limites du système scolaire conventionnel ivoirien subsistent
à deux niveaux, à savoir : d'une part, des difficultés
internes au système éducatif qui sont essentiellement
structurelles et fonctionnelles et d'autre part, des difficultés
liées aux contextes des conflits armés de 2002 et 2010/2011 et
celles relatives au contexte socioéconomique.
Les difficultés internes au système scolaire
conventionnel se manifestent par l'explosion de la démographie scolaire,
l'amenuisement des ressources éducatives, la dégradation des
infrastructures scolaires existantes, des taux de déperditions
élevés et des résultats scolaires insuffisants. Le
contexte de conflit armé, quant à lui, se caractérise par
la destruction des infrastructures éducatives, un climat scolaire
instrumentalisé par les belligérants, un déplacement
massif des populations scolaires, la réouverture des écoles, le
retour des acteurs de l'école, la réhabilitation ou la
reconstruction d'écoles et des taux de scolarisation faibles. Tout cela
s'accompagne d'un taux de pauvreté estimé à 48,9% en 2008
et 46,3% en 2015. Le projet des classes passerelles intervient ainsi pour
soutenir les zones en situation de lacune d'offre éducative.
Dans un tel contexte, les classes passerelles ont
apporté des réponses concrètes à certains
dysfonctionnements observés. Ce sont : l'amélioration des taux de
réussite améliorés qui oscillent entre 73% et 99% et la
baisse des taux de déperdition à travers une politique
éducative de maintien; l'effectivité de la mesure de
l'école gratuite ; la mise à disposition des enseignants
volontaires qualifiés ; l'amélioration du Ratio
Elève/Maître qui varie entre 19:1 et 35:1 alors que la moyenne
nationale est estimée à 42:1 en 2014 ; la rescolarisation de
19.474 enfants de 2007 à 2014 ; l'extension de la couverture scolaire
dans les zone défavorisées notamment les zones rurales ; la
réduction de la distance parcourue par les élèves pour
atteindre l'école ; la mobilisation communautaire accentuée ;
l'organisation pédagogique efficace qui est basée sur une
politique éducative de maintien ; l'approche par compétence ;
l'enseignement des compétences de vie ;
238
les bonnes pratiques en matière
d'alphabétisation ; la pédagogie différenciée
à travers les cours de soutien pédagogique ; la mise en route des
programmes accélérés ; l'optimisation du temps scolaire et
les mesures de mitigation en vue de la résilience post-crises.
Nonobstant ces acquis qui démontrent la pertinence des classes
passerelles, Il n'en demeure pas moins que des difficultés existent dans
leur mise en oeuvre.
239
TROISIÈME PARTIE : DIFFICULTÉS DE
LA MISE EN OEUVRE DES CLASSES
PASSERELLES ET STRATÉGIES DE
RENFORCEMENT DU SYSTÈME
SCOLAIRE
240
La troisième partie se compose du chapitre 5 qui
présente les difficultés de la mise en oeuvre et du chapitre 6
qui propose des stratégies de renforcement du système scolaire
conventionnel à travers les classes passerelles.
Les difficultés de mise en oeuvre seront
exprimées à trois niveaux, à savoir le niveau de la
gouvernance, le niveau pédagogique et le niveau contextuel. Ces
différentes sections permettront de mettre en évidence les
dysfonctionnements essentiels. Le premier niveau abordera les insuffisances du
pilotage des classes passerelles de 2006 à 2014. C'est un processus qui
part de la conception du projet à sa finalisation. Le second niveau
concernera les questions liées à l'organisation des cours. Cela
part de la conception des curricula aux évaluations finales. Le
troisième niveau analysera les conditions environnementales de la mise
en oeuvre des classes passerelles. Cette sous-section évoquera aussi
bien l'environnement socioéconomique que les conditions de
fréquentation des classes passerelles.
Le chapitre 6 relatif aux stratégies de renforcement du
système scolaire conventionnel se déclinera en quatre
sous-sections suivant les axes d'orientation du PAMT 2012/2014, à savoir
: la gestion administrative ou le pilotage du système, l'accès,
la rétention et l'équité, la qualité de
l'éducation et les conditions d'exercice. Le pilotage du système
concerne les aspects organisationnels de la mise en place et le processus de la
mise en route du projet école. L'accès concerne la
possibilité pour la population scolarisable de fréquenter une
école. La rétention est la durée de fréquentation
des apprenants. L'équité et la qualité en éducation
exigent que toutes les populations aient accès à
l'éducation de bon niveau selon leurs besoins. Ce sont des exigences de
l'Education 2030 ou déclaration d'Incheon. Enfin, Les conditions
d'exercice s'étendent sur les moments de mise en place du projet, de sa
mise en route et de sa finalisation.
Les stratégies des acteurs sont proposées selon
ces axes d'orientation afin d'établir le lien entre les classes
passerelles et le système scolaire conventionnel dans la perspective de
renforcement de celui-ci.
241
CHAPITRE 5 : DIFFICULTÉS DE LA MISE
EN OEUVRE DES CLASSES PASSERELLES
Le chapitre 5 analyse les dysfonctionnements des classes
passerelles. Ce chapitre comporte trois sections, à savoir les
difficultés de gouvernance, les difficultés pédagogiques
et les difficultés contextuelles. La première section analyse
onze dysfonctionnements de la gouvernance, à savoir : le retard
observé au niveau de la livraison des matériels et du paiement
des indemnité des volontaires ; l'absence de perspective pour les
enseignants volontaires et celle du financement de l'Etat ; les limites du
processus d'intégration ; le manque de suivi des apprenants ; la gestion
des effectifs croissants ; les insuffisances observées au niveau des
indemnités des volontaires, du financement, du guide de mise en oeuvre
et de la stratégie de pérennisation des classes passerelles.
Cette section devra cerner les éléments clés relatifs au
pilotage des classes passerelles.
La deuxième section aborde quatorze aspects des
difficultés pédagogiques ; il s'agit des dysfonctionnements
relatifs à la conception des curricula, la perception du «concept
classe passerelle», l'âge des apprenants, la présence des
enseignants, l'approche genre, l'usage de la langue maternelle, la formation
des enseignants, le temps scolaire, la pratique pédagogique, la
performance scolaire, la déperdition scolaire et
l'hétérogénéité des apprenants. Cette
section vise à montrer comment les dysfonctionnements au niveau
pédagogique, affectent les classes passerelles.
La troisième section analyse les difficultés
liées à l'environnement scolaire et social du projet
école. Elles se déclinent en onze sous-sections qui sont:
l'environnement de post-crise ; l'environnement socioéconomique
défavorable ; la mise en place difficile ; les ressources
limitées, les salles de classes inadaptées, l'absence d'extrait
de naissance ; l'insuffisance de cantine scolaire ; insuffisance de
communication et l'absence de document d'archive. Cette section devra
contri-
242
buer à montrer l'impact des conditions d'exercice
scolaire et de l'environnement socioéconomique sur le fonctionnement de
l'école.
1. Difficultés de gouvernance
La présente section relève les insuffisances
dans la gestion des classes passerelles. Ces insuffisances se
caractérisent soit par l'inexistence, soit par la mauvaise
exécution de certains aspects des projets écoles.
1.1. Retard de livraison du matériel
Le retard accusé dans la livraison des mobiliers
destinés aux classes passerelles EPT a constitué une entrave
à l'activité pédagogique. Ce retard est lié aux
lenteurs des procédures de décaissement du partenaire financier
et aux difficultés d'acheminement des matériels en provenance
d'Abidjan. C'est ainsi que les animateurs et leurs élèves ont
dû travailler avec des moyens rudimentaires ; les visites des classes ont
permis de voir des élèves transportant des tabourets de la maison
à la classe pour être utilisés comme tables et bancs.
243
Figure 24 : classe passerelle EPT à Lenguédougou
2009, DREN de Séguéla
Source : données de terrain, 2008-2014
On peut constater la détermination des enfants à
assumer leur droit à l'éducation en transportant des tabourets de
leurs domiciles à la classe pour pallier le manque
d'équipements.
1.2. Retard de paiement des primes
Les animateurs, les superviseurs et les coordonnateurs du
projet ont traversé des moments difficiles du fait du retard de
trésorerie. Les moyens utilisés pour payer lesdits acteurs ne
permettaient pas toujours d'être dans les délais indiqués.
Les visites des sites ont permis de constater des conditions difficiles de
travail pour les superviseurs ; ce fait est consécutif au retard
accusé dans la livraison des motos prévues pour la supervision
des sites passerelles sous leur responsabilité. C'est donc avec les
moyens du bord que les supervisions ont été effectuées.
Cela ne garantit pas la fiabilité des résultats des supervisions
et rend difficile la fréquence des supervisions prévues.
1.3. Insuffisance des primes des animateurs
Les animateurs des classes ne reçoivent pas un salaire
mais plutôt une prime alimentaire mensuelle de 40.000 F CFA. Les
animateurs ont souhait son augmentation car son niveau actuel pourrait
créer de la démotivation à leur niveau.
1.4. Absence de perspective pour les ex-animateurs
Les promoteurs des classes passerelles ont tous reconnu
qu'après une année d'exercice, les animateurs sont pour la
plupart sans emploi à l'exception de ceux que la communauté
accepte de garder pour l'école communautaire dans le cas des classes
EPT. Pour les classes NRC, cette option est exclue car les classes sont mises
à la disposition de l'école hôte ; l'animateur se retrouve
par conséquent, en situation de sans emploi.
244
1.5. Insuffisance des financements
245
Les enquêtes ont relevé une insuffisance de fonds
pour exécuter certains volets du projet. C'est cette insuffisance que
vient pallier la participation communautaire. Celle-ci s'exprime en termes de
construction d'abris servant de classes et de projet communautaire qui
accompagne la mise en oeuvre des classes passerelles. Lequel projet vise le
financement futur de l'école communautaire. Ainsi, les critères
austères appliqués aux nombreuses zones demandeuses de classes
passerelles obéissent plus à un objectif éliminatoire
qu'à un souci de rigueur.
L'insuffisance de fonds alloués au projet de 2008/2009
a contraint les promoteurs d'EPT à réduire le nombre de sites
passerelles à 50 alors que les bénéficiaires en
demandaient davantage. C'est ce qui justifie le fait que la distance moyenne
entre un site passerelle et l'école primaire la plus proche est
estimée à 22 km. Cela signifie que tous les villages dans un
rayon de 21 km ne bénéficient d'aucune école ou site
passerelle.
246
Figure 23 : classe passerelle sous-équipée à
Lenguédougou, DREN de Séguéla 2009
Source : données de terrain, 2008-2014
247
En 2009, la classe passerelle EPT de Lenguédougou, DREN
de Séguéla a subi l'insuffisance d'équipement dû
à l'insuffisance de financement.
1.6. Absence de financement de l'Etat
Le projet des classes passerelles est, avant tout, une
initiative des organisations de la société civile,
c'est-à-dire NRC, UNICEF et EPT. A ce titre, sa mise en oeuvre est
entièrement financée et conduite par celles-ci, les acteurs
étatiques n'intervenant que dans l'aspect pédagogique et
administratif. Une telle démarche présente des risques
d'interruption du projet en l'absence de financement du partenaire financier.
L'Etat a certes, affirmé sa volonté politique pour l'existence
des offres alternatives d'éducation à travers le Plan à
Moyen Terme 2012/2014, mais il n'a pas encore investi directement dans le
projet des classes passerelles. Sa seule initiative à travers le PUAEB a
plutôt été financée par la Banque mondiale ;
celle-ci a mis fin à son financement pour cause de mauvaise gouvernance
de la part des acteurs du projet.
1.7. Insuffisance des mesures de pérennisation
Le fait que les classes passerelles soient financées
par les ONG ne garantit pas leur pérennité car ces organisations
pourraient se retirer du projet de manière inattendue. Dans ce processus
de retrait, le transfert des responsabilités aux structures nationales
exige la prise en compte de l'aspect financier, autrement, les efforts de
promotion de l'éducation accélérée peuvent
être de courte durée. En effet, la prise en charge des enseignants
et les frais de scolarité des enfants recrutés dans les classes
passerelles après le retrait des ONG promotrices demeurent des questions
irrésolues. La problématique de la pérennisation des
classes passerelles nous ramène à la question des sources de
financement, d'où l'intérêt de l'adresser au MENET.
Au niveau du promoteur EPT, des activités
génératrices de revenus communautaires ont été
initiées pour faire face à cette préoccupation. Elles ont
permis de soutenir le projet à court terme dans la majorité des
cas. Un exemple de réussite
248
est celui de Tabako, localité située dans le
département de Bouaké ou le soutien communautaire en 2008/2009 a
permis l'érection de la classe passerelles en école
communautaire. Le village est ainsi passé d'une classe à deux
classes. Toutefois, ce soutien communautaire ne couvre pas totalement les
besoins des classes passerelles. Des ressources additionnelles devront
être mobilisées par d'autres canaux.
1.8. Insuffisance du guide de mise en oeuvre
Le guide de mise en oeuvre des classes passerelles a
été élaboré par les acteurs en 2015. Ce guide
constitue une avancée dans l'harmonisation des normes des classes
passerelles. Toutefois, il présente des insuffisances. En effet, il
n'aborde pas l'aspect pédagogique qui est capital pour le succès
du processus. Celui-ci doit faire l'objet d'ateliers pour une vision commune
des pratiques pédagogiques à défaut d'une
harmonisation.
1.9. Limites du processus d'intégration
L'étude montre une méfiance de certains acteurs
face aux classes passerelles. Cela se manifeste aussi bien au niveau des
parents qu'au niveau des personnels de l'école conventionnelle, à
savoir les enseignants et les directeurs des écoles hôtes. En
effet, au départ du projet, certains parents n'y croyaient pas. C'est
avec l'implication des autorités administratives et éducatives
ainsi qu'une opération de sensibilisation qu'ils ont inscrit les
enfants.
Quant aux personnels des écoles hôtes, leur
méfiance vient du fait qu'ils restent sceptiques sur le fait que ces
enfants puissent intégrer les connaissances de deux cycles en une
année scolaire. C'est la qualité des enseignements des classes
passerelles qui est remise en cause. Cette attitude résulte du fait que
ses acteurs n'ont pas été associés aux enseignements et
évaluations des classes passerelles. En somme, ils ne sont pas
formés sur la conduite des classes passerelles. En 2009, un enseignant
de l'EPP Aboliba de Bouake exprimait ainsi sa désaffectation
vis-à-vis du projet en ses termes : « comment peut-on
prétendre bien enseigner ses enfants en neuf mois pour un programme de
18 mois ? Cela me paraît difficile »
249
En outre, certains directeurs d'école exigent un
nouveau test d'entrée à l'école conventionnelle à
la suite du test de transfert des classes passerelles. Cette difficulté
semble être liée à la méthode spécifique
d'évaluation des classes passerelles. En effet, les directeurs
d'école émettent des réserves quant à la
fiabilité des méthodes pédagogiques des classes
passerelles qui leur sont méconnues. A l'origine, il y a une divergence
de curricula entre les classes passerelles et les écoles
conventionnelles.
Enfin, une imperfection des classes passerelles NRC est le
fait que le directeur de l'école hôte est le seul à
décider de l'intégration des élèves ayant
réussi au test final. Il a ainsi été observé dans
certaines écoles hôtes que lesdits élèves
n'étaient intégrés qu'après l'inscription des
élèves des écoles conventionnelles.
1.10. Manque de suivi des élèves
Au niveau des structures déconcentrées de
l'éducation, une mauvaise perception des classes passerelles subsiste ;
laquelle perception se justifie par le fait que les classes passerelles sont
exclusivement mises en oeuvre par des ONG. Cela affaiblit leur niveau
d'engagement dans le processus. Le suivi des élèves est par
conséquent, affecté par ce désengagement. Le manque de
suivi pour la traçabilité a des inconvénients pour
l'évaluation des acquis scolaire et l'intégration des
élèves dans le système scolaire conventionnel. Cette
situation est aggravée par le fait que le point focal du promoteur NRC
n'est pas suffisamment outillé en termes d'information, d'engagement et
de pouvoir de décision pour faire face aux questions relevées.
1.11. Accroissement des effectifs
Face à l'accroissement inattendu de l'effectif des
élèves des classes passerelles NRC logées dans les
écoles conventionnelles, les écoles d'accueil se retrouvent
surpeuplées. Ces écoles font également face à des
difficultés en termes d'équipements puisque l'investissement dans
ce domaine reste insuffisant par rapport aux effectifs. Cela crée un
besoin de salles de classe et d'équipements. Un
250
directeur d'école à EPP liberté affirmait
en 2009 à cet effet : « lorsque nous avons accepté la classe
passerelle, nous pensions avoir l'occasion de décongestionner nos
classes. Malheureusement, nous sommes encore à la recherche de deux
salles pour faire face à la situation. »
Conscients de cette situation, les promoteurs NRC apportent
aux écoles hôtes, leur assistance en termes de fournitures
scolaires et de mobiliers. Cependant, ces efforts restent limités face
au manque d'espace pour la construction de salles. Cette situation est due au
fait que les promoteurs NRC n'ont pas fait de la construction de salles une
priorité du projet classe passerelle. C'est donc un passif dont
hérite l'administration scolaire après le retrait des ONG.
2. Difficultés pédagogiques
Le volet pédagogique ressort les difficultés
liées à l'organisation des enseignements des classes passerelles.
Ces difficultés sont relatives aux acteurs et au contexte
d'apprentissage.
2.1. Conception difficile des curricula
La conception de curriculum par les promoteurs a d'abord
constitué un défi vu la particularité du dispositif. Si
les promoteurs ont pu bénéficier des expériences des pays
sahéliens (Mali, Burkina et Niger) en la matière, l'adaptation au
milieu ivoirien a exigé beaucoup d'esprit critique et un diagnostic
environnemental plus profond. En outre, le curriculum a subi des ajustements
entre le projet pilote de 2006/2007 et les projets qui ont suivi plus tard. Ce
changement s'est opéré au niveau des disciplines
enseignées, de la méthode d'évaluation et de l'encadrement
des animateurs.
2.2. Divergence de perception du concept « classe
passerelle »
L'étude a permis de comprendre qu'il existe des
divergences de perception du concept « classe passerelle » à
plusieurs niveaux. Ces différences de compréhension du concept
« classe passerelle » se manifestent au niveau des acteurs
251
comme les ONG EPT et NRC, les parents, les directeurs
d'école les enseignants, les structures déconcentrées du
MENET et le MENET.
Au niveau des ONG promotrices (EPT et NRC), la distinction ne
semble pas suffisamment établie entre la classe multigrade et la classe
passerelle. Cela a juste titre, car une classe multigrade regorge aussi des
apprenants hétérogènes en termes de niveau d'apprentissage
tout comme la classe passerelle. C'est le critère de l'âge
avancé des apprenants et le statut non-formel de la classe passerelle
qui semble être la particularité de celle-ci.
Au niveau des promoteurs, certains acteurs qualifient le
modèle EPT de classe multi-âge, car les enfants de neuf à
treize ans sont dans la même salle et reçoivent les mêmes
enseignements. Selon ces acteurs, ledit modèle ne rentre pas dans le
cadre des classes passerelles. Cependant, les promoteurs EPT soutiennent qu'il
s'agit là de « la classe passerelle authentique. » Le guide de
la mise en oeuvre des classes passerelles devrait aider à
résorber cette incompréhension.
Au niveau des parents d'élève, la classe
passerelle est perçue comme une seconde chance de scolariser leurs
enfants. Ils espèrent au bout du processus, des retombées
économiques dans le long terme comme pour la plupart des parents en
Afrique. Cette idée transparaît dans les propos de ce parent
d'élève rencontré en 2008 à Tabako dans le
département de Bouaké : « Nos enfants vont enfin à
l'école. Nous avions perdu tout espoir de scolariser nos enfants. EPT
nous a sortis du désespoir à travers les classes passerelles.
J'espère que nos enfants seront de grands types dans ce pays, un jour.
Merci à EPT et ses partenaires. »
Au niveau des directeurs d'école et des enseignants, la
classe passerelle est d'abord perçue par certains comme une
opportunité de décongestionner les classes conventionnelles ayant
des effectifs pléthoriques. Ensuite, elle est considérée
comme un réceptacle des élèves en situation de
décrochage. Enfin une troisième catégorie qui en a une
bonne perception utilise la classe passerelle pour recruter les enfants ayant
l'âge avancé ou ayant décroché ou n'ayant jamais
fréquenté.
252
Le MENET perçoit la classe passerelle comme un levier
de la mise en oeuvre de la politique d'Education Pour Tous (EPT). Dans cette
perspective, la classe passerelle intègre une stratégie globale
d'extension de l'accès à l'éducation. Le MENET la traduit
dans le PAMT 2012/2014 en ces termes :
de nombreux enfants ivoiriens en âge d'être
scolarisés ne le sont pas. Pour ceux d'entre eux qui ont quitté
précocement le cycle primaire, ou qui n'y ont pas encore eu accès
malgré plusieurs années de retard sur l'âge
théorique d'entrée en CP1, il existe des expériences de
« classes passerelles » leur permettant de suivre le cursus qui leur
a fait défaut de façon accélérée, puis de
rejoindre les classes ordinaires. Ces classes passerelles sont aujourd'hui
mises en oeuvre à petite échelle par des ONG selon des
modalités qui leur sont propres et qui sont difficilement transposables
dans le secteur public. Ces expériences montrent toutefois
l'étendue des possibilités pédagogiques. La
stratégie du MEN à cet égard consiste à
étendre la couverture des classes passerelles, en s'appuyant encore sur
le concours des ONG dans une première phase, tout en demandant à
ces dernières de développer des formules
susceptibles d'être, à terme,
employées dans le cadre des écoles
pu-bliques.291
Certaines structures déconcentrées du MENET
considèrent les classes passerelles comme un domaine
réservé aux ONG. Par conséquence, elles ne s'approprient
pas le sujet à 100%. Cela entraîne un manque de suivi des classes
passerelles, un manque de traçabilité après
l'intégration des élèves dans l'école
conventionnelle et une indisponibilité de données sur les projets
classes passerelles.
2.3. Difficultés liées à l'âge
des élèves
Les classes passerelles sont initialement destinées aux
enfants âgés de neuf à treize ans ou quatorze ans et le
curriculum est conçu à cet effet. Nous avons toutefois,
constaté sur les listes des classes passerelles EPT, la présence
d'un nombre important d'élèves âgés de sept à
huit ans (environ 28% des effectifs). Relativement à cette question, les
promoteurs expliquent que lorsqu'il y a de la place en classe après le
recrutement des enfants ayant le profil requis, les plus jeunes enfants
bénéficient alors d'un recrutement selon la
disponibilité.
291 MEN, 2011, op. cit., p. 38
253
La présence de ces jeunes élèves se
justifie aussi par les fausses déclarations faites par certaines
communautés dans le souci de bénéficier du projet classe
passerelle. En d'autres termes, les communautés présentent des
listes d'élèves répondant au profil requis en phase
préparatoire alors qu'en réalité, ce sont les plus jeunes
élèves qui suivront les enseignements. Cette manoeuvre a eu un
effet négatif sur les résultats des évaluations faites en
phase d'enseignement en langue maternelle. On a pu constater que ces jeunes
élèves enregistraient les pires des résultats. Cette
contre-performance a dû être corrigée par un encadrement de
proximité des élèves concernés.
Pour le promoteur NRC, l'application du critère
âge a aussi renconté des difficultés. L'étude a
montré une insuffisance de la méthode d'estimation de
l'âge. En effet, face à l'absence d'extrait de naissance des
apprenants, les promoteurs ont fait des estimations à partir d'une
méthode pratique classique. Elle consiste à faire passer le bras
de l'enfant par-dessus la tête pour toucher l'oreille opposée.
Cette pratique s'est avérée imprécise en l'absence de
renseignements sur la taille et le poids des parents. Son inexactitude s'est
aussi confirmée au moment de l'apprentissage. En effet, pour bon nombre
de ces apprenants, le niveau d'étude auquel ils étaient
affectés, était inférieur à leurs aptitudes
réelles.
Au regard de cette insuffisance, des critères
additionnelles et des méthodes de détermination du niveau
d'étude méritent d'être élaborés.
Interrogé au sujet de l'âge de ses apprenants, l'animateur d'une
classe passerelle à Kadiola (département d'Odienné) en
2009, répondait : « la majorité de ces enfants n'ont pas
d'extrait de naissance. Nous nous débrouillons avec des estimations sur
la base de leur apparence physique et les renseignements obtenus auprès
de la communauté. Mais, les choses ne sont pas faciles car on n'a pas la
réponse à toutes les questions les concernant. » La question
des déclarations des naissances est au centre de cette question de
l'âge des apprenants. En résolvant la première, la seconde
trouvera une solution durable.
254
2.4. Absence d'animateur suppléant
L'étude révèle l'inexistence
d'enseignants suppléants qui sont sensés remplacer les animateurs
en cas d'absence. Cela crée un dysfonctionnement lorsque ceux-ci sont
absents. La responsabilité revient aux superviseurs de jouer ce
rôle, alors qu'ils ne sont pas formés à cet effet,
même s'ils sont supposés avoir des acquis pédagogiques.
2.5. Disparité d'effectifs entre filles et
garçons
L'étude montre que les filles ne représentent
que 40% des effectifs totaux des élèves pour les classes EPT et
46% pour les classes NRC. Bien que le critère genre soit pris en compte
dans la procédure de recrutement, la présence des filles reste
nettement inférieure à celle des garçons. Cette
infériorité numérique est liée à la
spécificité du milieu rural où la scolarisation de la
jeune fille rencontre encore des obstacles socioculturels. Cette
préoccupation transparaît dans le rapport d'évaluation de
NRC comme suit :
15,581 children got a second-chance education opportunity
through NRC AEP over the three-year period under study (of which 46% were
girls) (...) in line with what is observed in the formal classes, the ratio of
enrolled girls tends to decrease at the higher levels. In terms of numbers
though, more and more girls reach these levels.292
A l'image des écoles conventionnelles, les classes
passerelles doivent faire face au défi de parité entre filles et
garçons en éducation. Les inégalités de genre qui
se situent au niveau des effectifs, s'accroissent avec le niveau
d'étude. Cependant, un espoir d'amélioration de la situation est
envisageable dans la mesure où, on constate que, dans certaines classes
passerelles, les effectifs des filles sont supérieurs à ceux des
garçons.
2.6. Difficultés liées à la langue
maternelle
Partant des expériences vécues dans certains
pays africains comme la Tanzanie et la Guinée, FADIGA
(1988)293 ainsi que MAURER et al (2010)294
relè-
292 M. H. CHELPI-DEN, 2015, op. cit., p. 47
293 K. FADIGA, 1988, op. cit., pp. 285-289
255
vent les difficultés rencontrées dans la mise en
oeuvre de l'enseignement en
langues africaines, à savoir :
- la standardisation des transcriptions et des orthographes ;
- la production des équipements pédagogiques ;
- l'élaboration de pédagogie appropriée ;
- l'édition des manuels ;
- le financement ;
- l'étude technique plus systématique des langues
retenues ;
- le manque de pratique pédagogique adéquate ;
- et le manque d'optimisation des bénéfices de
l'enseignement bilingue.
Ainsi, pour FADIGA (1988), la non résolution de ces
questions techniques et financières a une incidence certaine sur la
qualité de l'enseignement en langues africaines. Pour résorber
ces difficultés, le rapport LASCOLAF (2010) préconise une
formation adéquate des enseignants en didactique de l'enseignement
bilingue. Les classes passerelles EPT font effectivement face à des
difficultés similaires. Deux d'entre elles retiennent notre
attention.
2.7. Absence d'étude fiable sur l'utilisation des
langues maternelles comme outil d'enseignement
Les langues maternelles à savoir le malinké, le
baoulé, le koyaka et le koro n'ont fait l'objet d'aucune étude en
tant que langue d'enseignement. La plupart de ces langues sont à leur
première expérience dans le domaine de l'enseignement. Les
animateurs qui les utilisent dans le contexte de la classe en sont des
utilisateurs ordinaires et ne dispose d'aucun savoir-faire pédagogique
formalisé en la matière. Ils ont juste
bénéficié de conseils avisés des équipes
d'encadrement pédagogique. Cette insuffisance est
matérialisée par l'inexistence d'un syllabaire de langue
maternelle approprié.
294 B. MAURER et al, 2010, Les langues de scolarisation en
Afrique francophone : enjeux et repères pour l'action, Paris, AUF,
pp. 54-66
256
2.8. Absence d'un syllabaire de langue maternelle
Le contexte d'enseignement, vu sa spécificité,
requiert un langage approprié qui permet au maître de transmettre
le savoir à l'élève. Ce langage doit être bien
élaboré et être commune à tous les utilisateurs de
la langue dans le contexte pédagogique. Dans le cas des classes
passerelles, il y a eu un début de réalisation de syllabaires qui
n'a pu être achevé avant la fin du projet. Toutefois, les
animateurs ont eu le mérite de travailler ensemble lors des
regroupements périodiques pour proposer des activités
pédagogiques (leçons et exercices) aux encadreurs pour
validation. Cela a sans doute contribué à réduire les
écarts dans la méthode de transmission du savoir.
2.9. Insuffisance du temps de formation initiale
Dans le cadre de la formation pédagogique des
animateurs, il est prévu dix jours ou deux semaines de formation
initiale ; une formation continue de deux jours chaque deux mois vient en
appoint. Ce temps nous semble insuffisant pour consolider les aptitudes
pédagogiques. Le type d'élève et l'environnement imposent
à l'enseignant un effort d'adaptation parce que la formation initiale
accélérée dont il a bénéficié n'est
pas toujours suffisante pour bien gérer les spécificités
des apprenants.
2.10. Insuffisance du temps scolaire
Pour les classes EPT, les contenus de deux cycles (CP et CE)
sont dispensés en neuf mois. De l'avis de certains pédagogues,
cette pratique est techniquement intenable même si les promoteurs EPT
sont rassurants sur sa faisabilité. Les résultats scolaires
satisfaisants semblent conforter ceux-ci dans leur démarche.
2.11. Disparités de performance
Dans l'ensemble, l'analyse comparative des taux de
réussite des classes passerelles et selon les niveaux (CP, CE et CM)
permet de faire les observations suivantes :
257
- les classes passerelles autant que les écoles
conventionnelles enregistrent des cas de déperditions ;
- il existe des disparités de performance entre classes
passerelles EPT et NRC selon l'année et la zone d'implantation ;
- il existe des disparités de performance entre les
classes selon le niveau d'étude des classes passerelles ;
A l'inverse des écoles conventionnelles qui
fonctionnent selon une politique éducative de promotion/abandon, les
classes passerelles privilégient le maintien. Elles enregistrent
néanmoins un taux de déperdition moyen (abandon et redoublement)
de 07,07% pour les classes NRC et 08,10% pour les classes EPT, quand les
écoles conventionnelles sont à 17,66% en 2014. Les classes
passerelles affichent ainsi une supériorité de performance
avérée.
A la différence de l'abandon, la question du
redoublement revêt un aspect particulier qui se traduit par une admission
à la dernière classe du cycle unique. C'est pour cette raison que
notre intérêt porte plutôt sur les cas d'abandon. Bien que
dans l'ensemble des résultats, le taux de déperdition soit
insignifiant par rapport au taux de réussite, les abandons demeurent une
réalité dans le dispositif des classes passerelles (03% pour les
classes NRC). Il convient d'en évoquer les raisons.
Notre étude montre que les enfants abandonnent les
classes passerelles pour des raisons aussi bien classiques (raisons similaires
aux écoles conventionnelles) que spécifiques auxdites classes.
Les raisons classiques sont d'ordre socioculturel, économique et
sanitaire (le besoin de travailler pour les parents, la longue maladie, les
cérémonies d'initiation, le mariage précoce). Quant aux
raisons spécifiques, elles sont endogènes à la classe
passerelle. Le statut de déplacé rend les élèves
instables. Ils pourraient, en fonction de la situation des parents, se rendre
dans une autre contrée. En outre, le fonctionnement en classe unique
fait que les élèves les plus âgés sont sujets
à moquerie de la part de leurs pairs.
258
Ces facteurs de la déperdition sont également
confirmés par une évaluation faite par CHELPI-DEN
(2015)295. Autant de raisons qui méritent d'être
analysées davantage pour estimer leur niveau d'impact sur la
scolarité. Cela permettra de mieux cerner la question de la
déperdition des classes passerelles. Pour ce faire, un monitoring
des abandons est nécessaire. Une autre question connexe à la
déperdition est le devenir des enfants qui abandonnent les classes
passerelles supposées être leur seconde chance de
scolarisation.
Les résultats montrent une amélioration de la
réussite chez les élèves des classes passerelles EPT au
fil des années. Des taux variant de 73,87% à 99,82%. C'est
l'expression d'une forte disparité entre élèves de
différentes zones au fil des années. L'on note que les plus bas
chiffres sont enregistrés pour les deux premières années
de la mise en oeuvre des classes passerelles dans la zone de Bouaké.
Cette situation traduit les difficultés liées au lancement du
projet. Il est important de dire qu'à cette période, les classes
passerelles sont mal connues et ne disposent pas d'un curriculum validé
par les acteurs. C'est l'atelier de Grand Bassam tenu en 2007 qui lança
les bases de la réflexion sur le concept « classe passerelle
». L'atelier réunit tous les acteurs concernés, notamment
les ONG et le MEN. Il déboucha en mai 2008 sur la validation des
curricula CPU et CEU à Abidjan. C'est à la suite de l'atelier de
Grand Bassam que NRC a ouvert ses classes.
La faible disparité des taux de réussite (de 90
à 98%) observée dans les résultats des
élèves des classes passerelles NRC par la suite pourrait
s'expliquer par le fait que cette organisation disposait déjà
d'un curriculum validé dès le départ. Les classes
passerelles NRC ont enregistré les plus faibles taux de réussite
pour les CMU qui se situent entre 92,04% et 92,66%. Cela s'explique par
l'inexistence d'un curriculum CMU validé jusqu'en 2011 à Guiglo.
Toutefois, l'adoption d'un guide de la mise en oeuvre des classes passerelles
en Côte d'Ivoire en 2013 par les acteurs dudit projet, devrait en
principe aider à mieux maîtriser les curricula et
295 M. H. CHELPI-DEN, 2015, op. cit., p. 28
259
améliorer les résultats. Il est vivement
souhaitable que le MEN, auprès duquel ledit guide attend d'être
certifié, fasse preuve de diligence.
En ce qui concerne les taux de réussite dans les
niveaux d'étude, on note que la tendance de réussite pour les CPU
et les CEU est à la hausse alors que celle des CMU est à la
baisse. Cela montre que le taux de réussite au niveau des CMU est plus
faible qu'au niveau des CPU et CEU d'une part, et que ce taux s'améliore
pour les CPU et CEU au fil des ans alors qu'il baisse pour les CMU d'autre
part. Cependant, cette disparité doit être minimisée quand
on considère les moyenne de taux de réussite par niveau (CPU=
93,68 ; CEU=92,95 ; CMU= 91,23). Même si l'on note de meilleurs taux de
réussite dans les CPU et CEU, les écarts sont insignifiants. On
pourrait dire que les classes passerelles tout comme les écoles
conventionnelles présentent des taux de réussites qui vont
decrescendo au fur et à mesure que le niveau d'étude augmente.
Le faible taux de réussite au niveau des CMU pourrait
être lié à l'âge déjà avancé des
élèves qui abandonnent souvent la classe à cause des
moqueries de leurs condisciples. En outre, on observe que ce niveau
d'étude reçoit moins d'effectifs que les deux premiers (CPU et
CEU). Nous en avons tout de même recensé au compte d'EPT lors de
nos enquêtes même si le cas est presqu'inexistant. La rareté
des élèves de ce niveau pourrait s'expliquer, d'après nos
enquêtes, par le fait que la plupart des élèves des classes
passerelles sont des déscolarisés précoces (n'ayant pas
dépassé les CE) ou des non scolarisés. Enfin, les parents
préfèrent occuper leurs enfants ayant l'âge avancé
à des travaux lucratifs puisqu'ils sont généralement issus
de milieux défavorisés.
2.12. Déperdition liée à
l'hétérogénéité des niveaux
d'étude
L'hétérogénéité des
apprenants des classes passerelles constituent une source de difficulté
pour certains apprenants. C'est un facteur qui a été
identifié par les acteurs comme une raison de l'échec scolaire
des classes passerelles. Le fait que les élèves d'une même
classe aient des passés scolaires divers leur confère des niveaux
d'étude différents et des habiletés cognitives multiples.
Cette hétéro-
260
généité de niveau ne facilite pas une
pédagogie d'ensemble. En conséquence, certains apprenants font
face, à nouveau, à l'échec scolaire. Cela se manifeste
concrètement par des redoublements, des relocalisations et des abandons.
Un animateur du site de petit Bapleu 1 faisait cette observation en 2013:
« On a l'impression que certains élèves ne suivent pas
l'évolution du cours. Ils sont peut-être distraits par la
présence des élèves les plus âgés. Je pense
qu'ils suivraient mieux s'il y avait un seul niveau et des élèves
de même âge. »
Selon les estimations du promoteur NRC, sur la base d'un
échantillon de 547 élèves de huit localités, cinq
élèves sur dix sont concernés par la situation d'abandon,
de relocalisation ou de redoublement. L'existence des déperditions
montre l'inadaptation de certains apprenants au programme scolaire
accéléré. Le délai d'exécution de huit ou
neuf mois pour deux cycles de l'école primaire semble intenable pour une
catégorie d'apprenants. NRC estime que, pour 53% des
élèves, le programme accéléré ne peut
être effectif en une année pour des raisons cognitives, ou pour
des raisons liées aux charges familiales ou au stress, etc.
261
Figure 24 : hétérogénéité des
effectifs des élèves de la classe passerelle EPT de Mondougou,
DREN de Séguéla 2009
Source : données de terrain, 2008-2014
On peut apprécier la différence de corpulence
entre les élèves d'une même classe. Cela traduit
l'hétérogénéité de l'âge dans les
classes passerelles.
262
2.13. Divergence des pratiques pédagogiques
L'étude montre que les promoteurs EPT ont des pratiques
pédagogiques différentes de celles des promoteurs NRC. Ces
différences fondamentales se fondent sur les manuels scolaires, les
langues d'enseignement, les évaluations et la composition de la
classe.
En ce qui concerne les manuels scolaires, les promoteurs EPT
utilisent un livre confectionné par leur équipe
pédagogique, alors que NRC base ses enseignements sur les manuels des
écoles conventionnelles. Ensuite, les langues d'enseignement chez les
promoteurs EPT sont la langue maternelle véhiculaire de la
localité et le français. Les promoteurs NRC font plutôt
usage du français seul comme vecteur d'enseignement. Au niveau des
évaluations, en plus de celles organisées en fin de cycle et le
test de transfert que fait NRC, les promoteurs EPT font un test de fin de
préapprentissage en langue maternelle. Enfin, pour ce qui est de la
composition de la classe, pendant que les promoteurs EPT regroupent les
apprenants de deux cycles dans la même salle, les promoteurs NRC se
contentent d'un seul cycle. Ces différences traduisent des divergences
du concept de classe passerelle que le guide de mise en oeuvre pourrait
contribuer à harmoniser.
2.14. Mauvaise pratique pédagogique
Au chapitre des mauvaises pratiques pédagogiques, il a
été relevé le fait que, dans certaines classes
passerelles, les animateurs faisaient moins attention aux élèves
les moins réceptifs alors qu'ils avançaient avec les meilleures
élèves. CHELPI-DEN (2015) évoque cette situation comme
suit : « in the majority of the observed classrooms, AE teachers usually
made efforts to explain to the most receptive children but were generally less
open with the children experiencing comprehension difficulties. 296»
Cette attitude tient du jugement scolaire que l'enseignement
porte sur son élève à partir des premières
performances. Ce faisant, ceux-ci sont catégorisés en
296 M. H. CHELPI-DEN, 2015, op. cit., p. 29
263
bon élèves et en moins bons
élèves. La plupart des apprenants font l'expérience du
jugement scolaire. Cela se traduit quelques fois, par des propos vexants comme
: « toi, tu ne feras jamais rien de bon ! Tu n'es qu'un bon à rien
» ou des propos encourageants comme « champion, très bien,
continue comme ça ! Je savais que tu allais y arriver. » La vie
scolaire d'un élève est ainsi ponctuée d'une série
de jugements dont on calcule mal, et souvent après coup, l'impact. C'est
un jugement qui pourrait impacter les performances futures de l'apprenant et
au-delà définir sa personnalité s'il est admis que le
jugement scolaire est aussi un jugement social.
3. Difficultés contextuelles ou conditions
d'exercice
Cette section prend en compte l'environnement interne et externe
de l'école dans un contexte de reconstruction de post-crise comme celui
des classes passerelles.
3.1. Environnement de post-crise
Le conflit armé de 2002 et la crise
post-électorale de 2010-2011 ont fragilisé davantage le
système scolaire ivoirien. Ces crises ont donné lieu à des
destructions ou des dégradations d'infrastructures scolaires et
d'énormes déplacements de populations. Les retards de
scolarisation qui ont résulté de ces crises
répétées ont laissé hors du système scolaire
conventionnel un grand nombre d'enfants dans les zones CNO. COEN (2005) estime
le nombre des enfants hors du système scolaires à « plus de
700.000 depuis 2002 297». En 2008, UNICEF (2008) les
évalue « 296.792. 298» Global Education Cluster
(2011) estime ainsi, au plus fort de la crise de 2010/2011, dans les
régions les plus affectées, à « plus d'un million, le
nombre d'enfants déplacés et hors de l'école pendant au
moins un
297 B. COEN, 2005, op.cit.
298 UNICEF, 2008, «Côte d'Ivoire: Funding requirements
2009-2013» in http://www.unicef.org/
cotedivoire/support_4163.html, page consultée le 12/10/2015.
264
an. 299» Ce grand nombre d'enfants
hérités des crises successives doit être géré
par les acteurs dans la mise en oeuvre des classes passerelles aussi bien
quantitativement que qualitativement. La résolution de cette question
reste intimement liée à la question des ressources
financières pour la prise en charge des enfants. La classe passerelle
EPT illustrée ci-dessous montre l'ampleur difficultés en termes
de matériels et d'équipements.
299 Global Education Cluster, 2011, Côte d'Ivoire
2011, Final report for school reopening assessment in the CNO area,
cité par NRC, 2015, Evaluation of NRC Côte d'Ivoire Education
Programme: «Bridging Classes» 2012-2015, p. 1.
265
Figure 25 : classe passerelle EPT à Bêrêko,
DREN de Séguéla 2009
Source : données de terrain, 2008-2014
On peut apprécier le dénuement total dans lequel
ces élèves et leur maître assurent le droit à
l'éducation bien loin des réalités plus ou moins
confortables des agglomérations.
266
3.2. Environnement de crise économique
Concernant l'environnement socio-économique, CHELPI-DEN
(2015) explique que : «The successive crises which have afflicted
Côte d'Ivoire since 2002 have exacerbated the already deplorable
education situation and markedly increased poverty and high unemployment rates
among the youth population.300» Elle relève ainsi une
situation déplorable de l'école qui est exacerbée par les
crises sociopolitiques qui ont pour répercussion la hausse de la
pauvreté et un taux de chômage élevé pour les
jeunes. Cette situation est également décrite par le rapport DSRP
fait par FMI (2009) en ces termes : « Comparativement à 2002, la
pauvreté s'est accrue au niveau des pôles de développement,
particulièrement dans les pôles de développement
occupés. 301» Commentant les chiffres
susmentionnés, le FMI relève ceci :
en 2008, huit pôles de développement sur dix
ont un taux supérieur à 50% contre quatre en 2002. Parmi ces
pôles, celui du nord est le plus touché par le
phénomène de pauvreté avec près de 4 pauvres sur 5
personnes en 2008. Ce pôle est suivi par ceux de l'ouest (63,20%) ; du
Centre-Ouest (62,90%) ;
du Nord-Ouest (57,90%) ; du Centre- Nord (57%) et du
Nord-Est (54,70%).302
Le milieu de l'étude est économiquement faible.
Cette donne a une incidence sur la capacité des populations à
assumer la scolarisation des enfants en l'absence de structures
éducatives publiques. Cet effet néfaste sur l'éducation se
manifeste en termes de souffrance d'offre éducative. Pour la zone CNO,
cette insuffisance infrastructurelle se traduit, selon BIH et al (2003), par
« le fonctionnement de 32,60% d'établissements scolaires primaires.
303» Le rapport de l'UNICEF sur l'état des lieux de
l'éducation de base en 2007 confirme cette situation en ces termes :
« L'insuffisance de l'offre est plus prononcée dans la zone CNO en
raison de la dégradation des infrastructures scolaires et du
départ massif des enseignants qualifiés.304 »
Ainsi se présente l'environnement dans lequel les classes passerelles
ont été mises en oeuvre.
300 M. H. CHELPI-DEN, 2015, op. cit., p. 9
301 FMI, 2009, op. cit., p. 7
302 ibidem
303 E. BIH et al, 2003, op. cit., pp. 39-40
304 UNICEF, 2008, op. cit., p. 5
267
3.3. Mise en place difficile
La mise en place de l'équipe du projet s'est faite
progressivement, mais difficilement. Le choix des sites d'implantation s'est
fait avec moins de critère objectif car le promoteur EPT était
à son premier essai lors du projet pilote 2006. L'ONG NRC a aussi fait
face à ces difficultés au sein des écoles
conventionnelles. L'implication des acteurs étatiques s'est faite avec
beaucoup de réticence au regard de la nouveauté du projet. La
mobilisation des communautés-cibles s'est faite timidement car celles-ci
n'attachaient pas du crédit à ce dispositif nouveau.
La méconnaissance du projet des classes passerelles a
exigé un volet de sensibilisation auprès des populations cibles
et des autorités administratives. Dans le milieu rural, un tel message
de scolarisation n'est pas toujours bien compris face aux
réalités existentielles, à savoir les travaux
champêtres et domestiques dont les enfants ont la charge. Dans la
procédure de recrutement des élèves, les critères
préétablis n'ont pas souvent été respectés
de manière systématique. En effet, l'étude montre un
non-respect des critères de recrutement concernant l'âge des
enfants déscolarisés et non scolarisés. Ce promoteur de
classe passerelle EPT à Bouaké nous confiait ceci en 2012 :
« les parents, quelques fois, ne jouent pas franc jeu avec nous. Ils nous
présentent de grands enfants venant d'une autre localité en lieu
et place de leurs enfants plus petits qui sont les réels futurs
bénéficiaires de la classe passerelle. Cela est fait pour que le
village puisse bénéficier du projet classe passerelle. »
Par ailleurs, dans la phase de prospection, l'implication
d'acteurs intermédiaires ne permet pas de dire que tous les
ménages ont été visités. Cette pratique montre les
limites des promoteurs à mobiliser les ressources humaines
nécessaires à la mise en oeuvre du projet pilote des classes
passerelles.
3.4. Ressources limitées des écoles
hôtes
Au plan financier, il a été constaté un
déséquilibre entre la charge des écoles hôtes et les
budgets des COGES. En effet, pendant que les charges des écoles
hôtes augmentaient en termes de salles, d'équipements et de
service, aucune aug-
268
mentation n'était constatée au niveau du budget
de leurs COGES. La capacité financière des COGES ne s'est pas
améliorée ; pour certains d'entre eux, elle s'est même
détériorée en raison de la faiblesse ou de l'absence des
subventions de l'Etat.
Cela engendre des dysfonctionnements qui donnent l'impression
que les COGES ne travaillent pas. Cette réflexion est partagée en
2009, par un parent d'élève de l'EPP Kamonoukro de Bouaké
qui s'exprimait ainsi : « le COGES nous fait cotiser chaque année
alors qu'on ne sait même pas ce qu'il fait avec cet argent. Il n'y a pas
assez de table-bancs dans nos classes et les enfants sont assis à trois
par table-bancs. Il faut que l'Etat améliore cette situation. » Le
manque de ressource se manifeste à différents niveaux, à
savoir :
- le manque de salles de classes ;
- l'absence de toilettes ;
- le manque des points d'eau ;
- le manque d'électricité ;
- et le manque de la cantine scolaire.
A la question de savoir où les élèves
font leurs besoins, un élève de l'EPP Aboliba de Bouake, inscrit
en 2009 répondait : « nous allons en brousse pour satisfaire nos
besoins. Les toilettes sont tellement sales. » Cette affirmation
relève le manque d'entretien des toilettes même si elles
existent.
3.5. Salles de classe inadaptées
Les abris conçus pour servir de salles de classe ont
l'avantage d'être moins coûteux et rapides à mettre en
place. Toutefois, ils présentent la faiblesse d'être
perméables ou exposés aux intempéries. Aussi, avons-nous
pu constater l'interruption des cours pour raison de pluie. Les images
suivantes nous donnent un aperçu de l'état des salles de classes
passerelles.
269
Figure 26 : abris servant de salles de classes passerelles EPT
à Allakro et Tabako, 2008
Classe passerelle à Allakro 2008, DREN Bouaké
Classe passerelle Tabako 2008, DREN Bouaké
Source : données de terrain, 2008-2014
270
Tabako et Allakro présentent le véritable profil
des abris-classes EPT des années 2006 à 2009. Les apprenants et
les enseignants travaillaient dans le dénuement total. La
détermination et l'engagement seuls de ces acteurs permettaient de faire
de l'école une réalité dans leurs zones. Ironie du sort,
ces écoles de fortunes étaient aussi convoitées par
d'autres villages des environs dont les enfants étaient obligés
de parcourir deux à cinq kilomètres pour s'y rendre.
3.6. Absence d'extraits de naissance des enfants
Bon nombre d'élèves des classes passerelles ne
disposent pas d'extrait de naissance. L'étude révèle que
seulement 17% des enfants recrutés en zone rurale par le promoteur EPT
disposent d'un extrait de naissance ; 83% des enfants sont ainsi
recrutés en absence d'extrait de naissance. Leur âge est
estimé de manière approximative par des méthodes
classiques comme le passage du bras par-dessus la tête. Cela biaise les
résultats au niveau pédagogique puisque certains enfants
pourraient subir une surestimation ou une sous-estimation de leur âge et
se voir affectés à un niveau d'étude inadéquat.
L'étude montre que la majorité des
élèves des classes passerelles ne possèdent pas d'extrait
de naissance parce que les parents ne les déclarent pas à la
naissance pour quatre principales raisons :
- l'ignorance : les parents ne savent pas qu'ils peuvent
déclarer la naissance de leurs enfant ;
- la négligence : les parents ne perçoivent pas
l'utilité de la déclaration des naissances;
- le manque de ressources financières : ils sont
extrêmement pauvres de sorte qu'ils ne sont pas disposés à
consacrer des ressources à la déclaration des naissances ;
- l'éloignement de l'Etat civil : ils doivent payer le
transport pour se rendre dans une sous-préfecture où se fait la
déclaration.
Des mesures incitatives devraient être prises par les
décideurs pour que la déclaration des naissances se fasse de
manière systématique. Cela pourrait améliorer la
gouvernance scolaire.
3.7. Insuffisance de cantines scolaires
Le RESEN 2016 montre qu'en 2007, « 68,4 % des
écoles primaires étaient équipées d'une cantine
scolaire contre 45,5 % en 2014. 305» On constate donc une
régression. Ainsi, dans le cadre du projet des cinquante classes
passerelles de 2008/2009, bien que les promoteurs d'EPT aient sollicité
la participation du PAM au projet, ils n'ont pu l'obtenir pour une raison
restée inconnue. Toutefois, une enquête avancée
auprès du PAM nous permet de déduire que cette absence est
liée au non-respect de certaines conditions d'intervention de cette
organisation, notamment la politique de ciblage des écoles qui prend en
compte l'effectif global de l'école qui doit atteindre la centaine au
moins. Il y a aussi le fait que l'école doit disposer d'un
réfectoire, d'une cuisine et d'un magasin de stockage. En effet, le
faible effectif des classes passerelles (trente élèves par
classe) constitue un handicap à leur admission au nombre des
écoles bénéficiaires des cantines scolaires. Toutefois,
les classes passerelles de NRC logées au sein des écoles
formelles ont pu en bénéficier de même que ceux d'EPT dans
le cadre du PUEB en 2013/2014.
271
305 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit. p. 268
272
Figure 27 : cantine ouverte à l'EPP Bamoro en 2009, DREN
Bouaké
Source : données de terrain, 2008-2014
273
L'on peut saluer l'existence de cette cantine en
considérant la grande majorité des écoles qui n'en
bénéficient pas. Cependant, l'état dégradé
de la cantine est assez illustratif des difficultés qui accompagnent son
ouverture et sa pérennisation.
3.8. Insuffisance de communication
L'insuffisance de communication a été
constatée entre les ONG et le MENET d'une part et entre les ONG et les
structures déconcentrées (les IEP notamment) d'autre part. De
même, les COGES ont moins de contact avec les ONG locales. Cela rompt la
chaîne de communication. Ce déficit de communication pourrait
s'expliquer par l'autonomie financière des ONG locales qui peuvent
entreprendre des actions dès que les ressources sont disponibles. Cette
question a surtout été rencontrée avec le promoteur NRC.
CHELPI-DEN le souligne dans son rapport d'évaluation de 2015 en ces
termes : « All three NGOs still lacked an in-depth understanding of how
the chain of communication worked between the school and the IEPs. They have no
direct contact with the ministry at the central level and tended to lack
information on COGES and on financial functioning of a school. 306»
Ce déficit, selon CHELPI-DEN, se manifeste ainsi par
une méconnaissance par les ONG, du fonctionnement des écoles
hôtes au plan financier. Cette rupture influence la qualité des
rapports rédigés sur les classes passerelles ainsi que celles des
évaluations des acquis scolaires. L'une des conséquences est
l'inaptitude des acteurs à prendre les bonnes décisions sur le
déroulement du processus.
3.9. Discrimination contre les élèves
à intégrer
La discrimination contre les apprenants des classes
passerelles est une réalité. Le constat malheureux est que les
élèves des classes passerelles qui doivent intégrer
l'école conventionnelle sont victimes d'une négligence. En effet,
certains directeurs d'école qui ont en charge l'inscription des
élèves à intégrer à l'école
306 Magali Hamer CHELPI-DEN, 2015, op. cit., p. 48
274
conventionnelle, donnent la priorité aux
élèves de l'école conventionnelle au détriment de
ceux issus des classes passerelles. Cela entraîne parfois chez ceux-ci,
un retard sur le début des cours.
Cette attitude se justifierait par le fait que les
écoles hôtes sont surpeuplées. Les directeurs
perçoivent donc l'intégration des nouveaux élèves
comme une tâche supplémentaire. C'est cette situation de pression
que tente d'expliquer ce directeur de l'EPP Kamonoukro de Bouaké en 2009
: « nous sommes débordés, les classes sont pleines à
craquer. Les enfants sont assis par trois sur les mêmes table-bancs. On
espère voir la situation s'améliorer. »
3.10. Insuffisance de coordination
Malgré l'existence du groupe cluster sur
l'éducation, chaque ONG mène son projet classe passerelle de
manière indépendante, car chaque promoteur a un PTF
spécifique qui dicte ses exigences propres. CHELPI-DEN exprime cette
préoccupation dans son évaluation de 2015 comme suit : «No
joint inter-programme monitoring database exists where NRC staff can easily
view and share informa-tion.307»
La coordination des projets est un élément
clé de la mise en oeuvre des classes passerelles. L'élaboration
des principes de cette coordination exige une démarche inclusive. Tous
les acteurs du secteur de l'éducation, notamment les PTF, devraient y
prendre une part active. La synergie d'action pourrait harmoniser les pratiques
des promoteurs.
3.11. Absence de documentation
Le manque d'archive physique et électronique sur les
classes passerelles ne permet pas de constituer une base de données
fiables qui puisse orienter les acteurs dans ce domaine. Nous en avons pris
conscience lors de nos recherches documentaires. Les documents, s'ils existent,
ne sont pas toujours centralisés ; ils
307 M. H. CHELPI-DEN, 2015, op. cit., p. 49
275
restent plutôt au niveau des acteurs locaux. Un fait qui
ne garantit pas leur conservation et leur intégrité.
Une autre question connexe à la documentation est le
droit de propriété des ONG promotrices sur leurs données.
En effet, certaines de ces ONG ne peuvent publier leurs données que
quelques années après l'exécution du projet. Cette
attitude découle des termes des conventions signées avec le PTF.
Face à nos sollicitations en 2012, une personne ressource à NRC
nous rappela ce principe en ces termes : « Les données dont je
dispose ne m'appartiennent pas. Elles sont au compte de NRC qui ne m'autorise
pas à les publier. NRC se réserve le droit de leur publication
trois ou cinq ans après l'exécution du projet. » Ce sont des
propos qui illustrent bien les difficultés de collecte d'information au
niveau des promoteurs des classes passerelles.
276
Conclusion du chapitre 5
Le chapitre 5 a analysé les dysfonctionnements
observés lors de la mise en oeuvre des classes passerelles.
L'étude en a abordé trois aspects, à savoir les
difficultés de gouvernance, les difficultés pédagogiques
et les difficultés contextuelles.
Au niveau des dysfonctionnements de la gouvernance, il ressort
que les promoteurs accusent un retard dans la fourniture et l'acheminement des
intrants nécessaires à la mise en oeuvre du projet école.
Ce retard est également observé au niveau du payement des
indemnités des personnels volontaires. Quand ces indemnités sont
perçues, elles sont jugées insuffisantes. Cet aspect financier
est lié au volume de financement global du projet des classes
passerelles qui reste assez limité par rapport aux besoins
d'éducation. Cette situation financière difficile s'explique, non
seulement, par une absence de l'engagement total des moyens de l'Etat, mais,
également, par l'accroissement, sans cesse, des populations
scolari-sables. La gestion de ces effectifs constituant une tâche
supplémentaire pour les écoles hôtes des classes
passerelles.
Au niveau des enseignants volontaires, l'on observe une
absence de perspective car il n'y a pas de plan de carrière prévu
pour eux après les classes passerelles. La plupart est jetée en
pâture au monde infernal de la recherche d'emplois. En ce qui concerne la
mise en oeuvre, le guide ne couvre pas tous les aspects du processus, d'une
part et les aspects qui y figurent rencontrent des obstacles dans la mise en
route, d'autre part. C'est ainsi que l'intégration des apprenants fait
face à la résistance de certains acteurs des écoles
conventionnelles. De même, ces apprenants ne bénéficient
pas de suivi régulier de la part de l'administration scolaire
étatique, contrairement à ce qui est prévu dans le guide.
La stratégie de pérennisation des classes passerelles,
après le retrait des ONG internationales demeure une question
irrésolue.
La section relative aux difficultés pédagogiques
a permis de montrer que les pratiques pédagogiques des classes
passerelles ne sont pas harmonisées. Cela est dû au fait que les
promoteurs ont des perceptions différentes dudit-concept ; un
277
fait qui entraîne parfois, des pratiques
pédagogiques non conformes aux standards de l'enseignement. Dans la
même veine, la conception des curricula s'est heurtée à la
dynamique observée au niveau des disciplines enseignées, de la
méthode d'évaluation et de l'encadrement des animateurs. Sont
également mises en évidence, les difficultés relatives
à l'utilisation de la langue maternelle comme langue d'enseignement, la
formation des enseignants et leur présence en classe ainsi que la
gestion du temps scolaire. La question clé des curricula est relative
à la manière dont le dispositif organise les
éléments précités pour assurer des enseignements de
qualité.
En outre, sur l'axe pédagogique, malgré les taux
de réussite excellents affichés, des déperditions, en
termes de redoublement et d'abandon, existent, soit 07,07% pour les classes NRC
et 08,10% pour les classes EPT. Une contre-performance attribuée au
non-respect de l'âge de recrutement des apprenants, d'une part et
à l'hétérogénéité de niveau des
apprenants d'une même classe, d'autre part. Toutefois, le lien entre
performance scolaire et hétérogénéité des
apprenants est apprécié diversement par les acteurs. Pour
certains, l'hétérogénéité est
bénéfique pour les apprenants, alors que les autres la
considèrent comme un facteur de contre-performance. Enfin, des
disparités d'effectifs entre filles et garçons subsistent dans
les classes, la proportion des filles étant estimée à 40%
pour les classes EPT et 46% pour les classes NRC. Une situation que les
promoteurs expliquent par l'existence de pesanteurs socio-culturelles dans les
localités bénéficiaires des classes passerelles qui sont
majoritairement rurales.
Quant à l'analyse des difficultés liées
au contexte, elle a permis de comprendre comment l'environnement scolaire et
social affecte la mise en route du projet école. C'est un contexte
marqué essentiellement de post-crise accompagné d'un
environnement socioéconomique défavorable. Cette conjoncture est
exprimée par la mise en place difficile du projet, des ressources
matérielles et financières limitées et des salles de
classes inadaptées. Une mise en place qui a rencontré des
obstacles tels que la méfiance des populations et les critères de
choix des sites, en partie, subjectifs. Quant aux salles de classes, leur
construction en maté-
278
riaux provisoires, justifiée par les ressources
limitées, ne permet pas les meilleures conditions d'apprentissage. Au
nombre des dysfonctionnements relatifs à l'environnement interne des
classes passerelles, il y a l'insuffisance de cantine scolaire et de
communication ainsi que l'absence de document d'archive. L'absence de l'Etat
dans ces zones a entraîné beaucoup de cas de naissance non
déclarée à l'Etat civil, d'où l'absence d'extrait
de naissance lors de l'inscription dans les classes passerelles. En somme, le
chapitre 5 a permis de relever les dysfonctionnements susceptibles d'être
corrigés dans une perspective de renforcement du système scolaire
conventionnel.
279
CHAPITRE 6 : STRATÉGIES DE
RENFORCEMENT DU SYSTÈME
SCOLAIRE A TRAVERS LES CLASSES
PASSERELLES
Le chapitre 6 fait des propositions pour faciliter la mise en
oeuvre des classes passerelles et pour renforcer le système scolaire. Au
regard des faiblesses observées dans le dispositif des classes
passerelles et considérant les axes d'orientation sectorielle du PAMT
secteur éducation formation 2012/2014 et ceux du RESEN 2016, il se
dégage quatre sections de proposition relatives au renforcement du
système éducatif à travers les classes passerelles,
à savoir :
- la gestion administrative du système éducatif
;
- l'accès, rétention et équité en
éducation ;
- la qualité de l'éducation ;
- et le contexte et les conditions de l'enseignement.
Selon le premier axe relatif à la gestion
administrative du système scolaire, neuf aspects du pilotage devront
faire l'objet d'intervention ; ce sont : la procédure de mise en place
des classes passerelles ; le guide de mise en oeuvre ; l'organigramme de
fonctionnement du projet ; la prise en compte des facteurs organisationnels ;
la variable «participation communautaire» ; la mobilisation des
ressources matérielles et financières ; la
rémunération des personnels volontaires ; le plan de
carrière pour les enseignants et la stratégie de
pérennisation des classes passerelles. Cette section devra faire des
propositions pour renforcer le pilotage du système scolaire à
travers les classes passerelles.
Concernant le second axe relatif à l'accès, la
rétention et l'équité en éducation, l'étude
fait six propositions qui concernent: la politique éducative ; les
conditions d'accès à l'école ; le profil des apprenants ;
la cantine scolaire ; la déperdi-
280
tion scolaire et des procédures d'évaluation.
Ces propositions visant à rendre le système scolaire plus
accessible et équitable à la fois.
Au niveau du troisième axe qui traite de la
qualité de l'éducation, l'étude propose une
stratégie en neuf points, à savoir : l'encadrement
pédagogique ; les techniques d'encadrement ;
l'hétérogénéité de l'âge des
apprenants ; le programme scolaire accéléré ; l'usage de
la langue maternelle ; la motivation des apprenants ; l'optimisation du temps
scolaire ; le profil des enseignants et les curricula. Ces propositions devront
contribuer à renforcer la qualité des enseignements du
système scolaire.
Le dernier axe relatif au contexte et aux conditions
d'exercice, devra permettre de proposer une stratégie basée sur
huit aspects de l'éducation en situation d'urgence ; ce sont : les
conditions d'intervention des acteurs ; les conditions d'accès à
l'éducation d'urgence ; l'environnement d'apprentissage ; le profil ou
la qualification des enseignants ; la politique éducative ; la
construction des salles de classe ; l'équipement des écoles
hôtes et le processus enseignement apprentissage. Ces propositions visent
à renforcer le système scolaire conventionnel dans un contexte
d'éducation d'urgence tout mettant l'accent sur les mécanismes de
mitigations prévus par les acteurs de ce domaine.
1. De la gestion administrative
Cette section est relative aux dispositions
règlementaires et aux aspects de la gestion des classes passerelles en
tant que projets.
1.1. De la procédure de mise en place
Les procédures de sélection des sites d'accueil
des classes passerelles doivent être révisées et
simplifiées de sorte à prendre en compte les contraintes
structurelles du système éducatif national et s'assurer que les
directions décentralisées de l'éducation ont la
capacité de la mise en oeuvre et du suivi du programme
accéléré des classes passerelles. Cela aura pour effet
d'éviter les biais relatifs à la per-
281
ception diversifiée du concept et l'insuffisance
d'équipement, de matériel et de ressources humaines. Une piste de
résolution est déjà proposée par le guide de mise
en oeuvre qui prévoit des critères de choix des zones
d'implantation (norme 1) et un processus d'identification et de
sélection des enfants (norme 2). Ces normes établissent des
critères pour l'environnement, les acteurs du projet et les actions
chronologiques à mener.
1.2. De l'application du guide de mise en oeuvre des
classes passerelles en Côte d'Ivoire
Le guide de la mise en oeuvre des classes passerelles a
été adopté en 2015 par les acteurs du secteur (NRC, EPT et
autres) sous l'égide du MENET. Il a mis en place des normes relatives au
bon fonctionnement de ces dispositifs. Ces normes prennent en compte les
aspects relatifs aux responsabilités des acteurs, aux curricula,
à l'environnement et aux procédures de mise en oeuvre des classes
passerelles.
1.3. De l'organigramme de fonctionnement du projet
L'organigramme de fonctionnement du projet a permis de
hiérarchiser les tâches. Cela a permis aux acteurs de disposer
d'une description desdites tâches. Malgré cette bonne
organisation, l'étendu de la zone sous leur responsabilité, a
engendré beaucoup de difficultés en l'absence de moyens de
déplacement. Pour prévenir une telle situation, il faudrait
éviter de disperser les sites passerelles sur des distances
supérieures à 5 km. Cela faciliterait le travail des superviseurs
en l'absence de moyen de déplacement.
1.4. De la prééminence des facteurs
organisationnels
L'étude montre que les facteurs relevant de la
gouvernance (mise en place du projet, participation communautaire et gestion du
projet) sont les plus déterminants dans l'efficacité interne du
dispositif des classes passerelles pour des raisons diverses. Ce
résultat montre que ces trois facteurs méritent une attention
particulière dans la réussite scolaire des
élèves.
282
En effet, la mise en place du projet obéit à une
procédure qui allie la participation communautaire, celle des acteurs
étatiques et celle des ONG. C'est ainsi une démarche
participative qui met à contribution toutes les expertises locales
disponibles et suscite le consensus autour du projet école. Une telle
démarche s'avère être une nécessité absolue
dans le cas du dispositif des classes passerelles quand on considère les
conditions de sa mise en oeuvre. Ce dispositif est effectivement issu d'une
situation difficile de scolarisation et d'une crise socio-économique
héritée de la guerre de 2002 en Côte d'Ivoire.
Dans un tel contexte, les promoteurs devaient d'abord
convaincre les communautés de la nécessité de scolariser
leurs enfants. Dans cette lancée, ils devaient aussi avoir l'appui des
autorités étatiques pour crédibiliser leur action
vis-à-vis des communautés villageoises et de quartiers
bénéficiaires du projet. Dans la mise en place par l'ONG EPT, on
constate que la communauté est au début, au milieu et en fin du
processus. La gestion du projet école par les promoteurs obéit
à un organigramme de fonctionnement. Cela dénote d'une rigueur de
gestion qui permet à chaque acteur de savoir la tâche à lui
dévolue. On constate dans le cycle d'exécution du projet, un
volet de supervision qui permet de corriger les imperfections. Cette
supervision est assurée par l'équipe pédagogique mise en
place par les promoteurs.
1.5. De la participation communautaire
L'étude révèle que 92 % des
répondants à l'échelle d'attitudes estiment que la
variable « participation communautaire » est la plus influente. Elle
se situe à trois niveaux : avant le projet, pendant le projet et
après le projet. A tous les niveaux, une touche particulière est
exécutée par la communauté. Au début, elle
participe à la mise en place. En cours de projet, elle assure la gestion
du cadre scolaire et après le projet elle crée les conditions de
la pérennisation de l'école. Cette démarche permet aux
parents d'élèves d'être des acteurs du projet école
à tous les niveaux. Pour formaliser la participation communautaire, un
plan d'action communautaire a été adopté par les
promoteurs après les projets pilotes. Ce plan
283
permet aux communautés d'avoir un cahier de charge
précis qui oriente leurs différentes actions dans le cadre
scolaire.
1.6. Des ressources matérielles et
financières
La conception et la mise en oeuvre des classes passerelle ont
requis des moyens matériels et financiers. C'est ainsi que des abris de
paille ont été construits avec l'apport financier du partenaire
(UNICEF). Cela s'est accompagné par l'expertise de l'ONG EPT d'une part
et de la mobilisation communautaire d'autre part. Cette dernière
contribution s'est traduite par l'octroi du site et de main d'oeuvre.
L'état de ces abris mériterait d'être
amélioré dans les projets futurs dans la perspective de leur
érection en école communautaire. Cette exigence demande un
accroissement du financement accordé à cette ligne
budgétaire. L'Etat pourrait apporter ces ressources additionnelles en
sollicitant le concours des partenaires financiers intervenant dans ce
domaine.
1.7. De la rémunération des animateurs
Dans leur statut d'enseignants volontaires, les animateurs des
classes passerelles ne perçoivent qu'une prime alimentaire de 40.000 F
CFA. Une source de motivation pour ceux-ci pourrait être la
révision de leur traitement pécuniaire. On pourrait même
envisager qu'ils perçoivent un salaire en changeant leur statut de
volontaire à travailleur permanent. Il appartient aux promoteurs
d'affecter davantage de fonds à la ligne budgétaire des
salaires.
1.8. Des perspectives pour les animateurs
Un autre aspect est le devenir des ex-animateurs. Si certains
sont recrutés pour l'école communautaire à la suite de la
passerelle EPT, la grande majorité des animateurs restent sans emploi
alors qu'ils ont une expertise en matière de gestion d'une classe
unique. Les promoteurs des classes passerelles préconisent que cette
expérience soit capitalisée et mise au profit du système
scolaire national. Ils proposent que le MEN puisse utiliser ces ex-animateurs
dans les écoles formelles. Pendant la classe passerelle, il serait
judicieux que l'Etat prenne en compte les
284
primes versées aux animateurs car le projet passerelle
l'appuie dans ses efforts d'amélioration de la scolarisation. Ce
plaidoyer a fait l'objet d'un atelier à Bouaké au cours de
l'année scolaire 2015/2016. Les acteurs étatiques et non
étatiques ont réfléchi sur la question sans toutefois
obtenir des garantis pour la validation de cette mesure par l'Etat.
Par ailleurs, face à la question du devenir des
ex-animateurs, d'autres promoteurs préconisent une solution plus
tranchée et calquée sur l'expérience malienne. Il s'agira
pour l'Etat, d'affecter les instituteurs des écoles conventionnelles
dans les classes passerelles, avec ou sans prime, selon la formule retenue. Si
l'enseignant utilise des jours fériés pour la passerelle en plus
de sa classe formelle, il percevra une prime. S'il n'a que la classe passerelle
à plein temps, il devra se contenter de son salaire d'instituteur.
1.9. De la pérennisation des classes
passerelles
L'absence de financement de l'Etat fragilise le processus de
pérennisation. Chez le promoteur EPT, la pertinence du projet et une
bonne approche de communication ont facilité la mobilisation des
communautés villageoises, de sorte que celles-ci se sont volontairement
engagées dans la mise en oeuvre du projet et la mobilisation de
ressources nécessaires à sa pérennisation. Cela s'est
traduit par la conception et la réalisation d'une activité
génératrice de revenus au profit de la communauté. Elle se
présente dans la majorité des cas sous forme de projet agro
pastoral. La réussite d'une telle activité accompagnant le projet
des classes passerelles, exige un suivi et une évaluation rigoureuse. Il
est donc impérieux que cette activité de suivi et
d'évaluation se poursuivent même après le projet. Cela
demande des ressources additionnelles imprévues dans le financement. Il
revient, donc, aux communautés, de s'organiser pour proposer des
solutions appropriées à ce souci commun.
Cette démarche constitue une piste de
résolution, mais elle présente également des limites. En
effet, considérant la situation socio-économique
défavorable des parents, un financement communautaire s'avère
difficile. Les enquêtes nous
285
ont, tout de même, permis de recueillir des suggestions
des acteurs qui se résument en trois points à savoir : mettre
à contribution les enseignants retraités, régionaliser le
recrutement des enseignants afin de réduire leur prise en charge et
demander une participation financière aux parents.
2. De l'accès, de la rétention et de
l'équité en éducation
2.1. De la politique éducative de maintien des
classes passerelles
Selon l'étude, la variable « politique
éducative » représente 2% des déterminants de la
performance des élèves des classes passerelles. La politique
éducative qui prévaut dans la mise en oeuvre des classes
passerelles est celle du maintien. Peu de place est faite à la
déperdition scolaire (redoublement et à l'abandon). Cependant,
sont promus seulement les élèves qui se présentent
à l'évaluation finale. Les absents sont considérés
comme des cas d'abandon. La mise en oeuvre de cette politique éducative
de maintien implique des stratégies comme la participation des cantines
scolaires, les cours de soutiens pédagogiques pour la mise à
niveau des élèves et une prise en compte des habitudes
socioculturelles des zones d'intervention.
Malgré ces efforts, certains apprenants abandonnent
pour des raisons liées à leurs réalités
socio-culturelles (déplacement de famille, charge familiale, mariage
précoce, etc.). Pour faire face à cette déperdition, le
dispositif a prévu de recruter à nouveau ces enfants pour une
nouvelle classe passerelle. C'est ainsi que le profil des élèves
des classes NRC présenté par l'évaluation de MAGALI
(2015)308 montre que 11% des enfants inscrits ont
déjà effectué une classe passerelle. Cependant, ceux-ci ne
peuvent être récupérés que s'ils n'ont pas atteint
la limite d'âge de fréquentation de l'école primaire
estimée à 15 ans jusqu'en 2015 puis prolongée à 16
ans.
308 M. H. CHELPI-DEN, 2015, op.cit., p. 30
286
2.2. De la pertinence des conditions d'accès
La procédure d'accès aux classes passerelles est
libre et gratuite. Les exigences classiques, qui constituent des obstacles
à la scolarisation, telles que les frais d'inscription, les extraits de
naissance ou les manuels sont inexistants. Les listes des élèves
des classes passerelles nous permettent de constater qu'environ 45% des enfants
n'ont pas d'extrait de naissance. Ce chiffre augmente davantage dans le milieu
rural à environ 60%. Le processus d'identification et de
sélection en ce qui concerne les enfants est fondé sur des
critères d'effectif, d'âge et de niveau. Pour montrer la
contribution importante des classes passerelles dans l'extension de
l'accès, les promoteurs NRC affirment ceci :
durant ces trois dernières années, 15581
enfants dont 46% de fille ont eu une seconde chance de scolarisation à
travers le programme éducatif accéléré de NRC.
Après une année scolaire dans le programme éducatif
accéléré, 6550 enfants ont été
intégrés à l'école formelle en octobre 2013 et
2014. Ce programme s'avère donc pertinent en termes d'accès
à l'éducation.309
Pour l'ensemble des classes passerelles NRC et EPT, cette
démarche souple a facilité l'accès à l'école
d'environ 20.000 enfants entre 2006 et 2014.
2.3. De l'influence du passé scolaire des
élèves
Notre étude montre que la variable « passé
scolaire » représente 6,30% des déterminants de la
performance des élèves des classes passerelles. Ce passé
scolaire s'exprime en terme d'enfants déscolarisés (ceux qui ont
une interruption précoce de la scolarité) ou non
scolarisés (ceux qui ne sont jamais allés à
l'école). En effet, l'étude montre que la proportion d'enfants
déscolarisés au sein des classes passerelles
s'élève à environ 30%. Une déscolarisation
liée, en partie, à la fermeture des écoles dans les zones
de conflit ou à un déplacement des populations lors de la crise
post-électorale de 2010-2011. L'influence de la variable «
passé scolaire » se manifeste dans les classes passerelles,
à travers la constitution des classes multigrades. Les
déscolarisés et les non scolarisés se retrouvant dans la
même salle, selon le promoteur EPT, « cela a pour effet
d'améliorer les résultats
309 M. H. CHELPI-DEN, 2015, op.cit.,, p. 47
287
scolaires.» Sa stratégie de classe unique se fonde
sur la conviction que « l'hétérogénéité
de la classe permet d'effacer le complexe entre les élèves de
différents niveaux »
Quant au promoteur NRC, il considère que le
passé scolaire est plutôt un critère déterminant du
niveau de l'élève lors du recrutement. Ainsi, les non
scolarisés sont admis en CPU alors que les déscolarisés
sont plutôt affectés en CEU et CMU. Pour ce promoteur, cette
séparation selon le passé scolaire, milite en faveur d'une
facilitation de l'apprentissage des élèves en
générale et de la promotion des plus grands en particulier.
2.4. Du renforcement des cantines scolaires
L'étude révèle que 60% des classes
passerelles ont bénéficié d'une cantine scolaire. Faisant
l'état des lieux des cantines scolaires en Côte d'Ivoire, TOURE
(2017) mentionne que :
c'est en 1989 que le gouvernement de Côte d'Ivoire
s'est engagé, avec l'assistance du Programme Alimentaire Mondial (PAM),
dans un programme de développement des cantines scolaires avec pour
objectif, à terme : «une école, une cantine, un
groupement.» Jusqu'en 1999, le PAM a assuré l'essentiel de
l'approvisionnement du programme en denrées et équipements. Le
gouvernement ivoirien s'est chargé du volet logistique et gestion. Mais
le PAM décide un retrait progressif dès 1996. Conscient qu'un tel
retrait, sans dispositif de substitution, ferait courir le risque de fermeture
d'un grand nombre de cantines, avec pour conséquence, une baisse de la
fréquentation scolaire, le gouvernement a adopté dès 1998,
la politique dite de «Programme Intégré de
Pérennisation des Cantines Scolaires» (PIP/CS). L'objectif de cette
politique est d'inscrire, de manière durable, la pérennisation
des cantines scolaires comme maillon essentiel du droit à
l'éducation pour tous. En 2000, appuyé par le PAM et le PNUD, le
gouvernement lance la phase pilote du projet PIP/CS.310
310 K. TOURE, 2017, « Lutte contre la
déscolarisation dans l'enseignement primaire : les cantines scolaires en
Côte d'Ivoire », European Scientific Journal, Vol. 13,
N°35, p. 234, in URL :
http://dx.doi.org/10.19044/esj.2017.v13n35p234,
consulté le 17 juillet 2019.
288
Quand on admet que l'objectif des cantines scolaires est de
maintenir les enfants à l'école et favoriser la réussite
scolaire, leur contribution dans la motivation des apprenants demeure une
réalité selon le témoignage des acteurs du terrain.
2.5. De la question des déperditions
Considérant les cas d'abandon à 3 % pour EPT, et
les cas de discontinuité (migration scolaire, redoublement et abandon)
chez NRC à 53% dans les effectifs des classes passerelles, il serait
judicieux de prévoir des orientations en dehors des classes
conventionnelles. Relativement à cette perspective, l'enseignement
technique et l'enseignement professionnel semblent être des options
appropriées. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire
d'associer au suivi des classes passerelles, les structures
spécialisées de l'enseignement technique et professionnel. La
meilleure formule serait de prévoir l'orientation des
élèves les plus âgés des classes passerelles dans
l'enseignement technique et professionnel pour apprendre un métier,
comme le suggère l'étude de KOFFI (2009). Cela aurait pour effet
de diminuer les déperditions et de créer plus de motivation cher
les acteurs. On pourrait aussi introduire dans les curricula des classes
passerelles, un programme d'apprentissage de métier au choix.
2.6. De la nécessité de la synergie en
évaluation
Face aux difficultés liées à
l'intégration des élèves des classes passerelles dans les
écoles conventionnelles, il conviendrait d'établir une passerelle
entre les deux types d'école afin de faciliter ladite phase
d'intégration. Cette synergie d'action peut être
réalisée à travers les évaluations inclusives.
Concrètement, il s'agira de permettre la participation des
élèves des classes passerelles aux évaluations finales des
écoles conventionnelles. Les niveaux susvisés sont le CP2, le CE2
et le CM2. Cela aura pour effet d'instaurer un climat de confiance entre les
différents acteurs d'autant plus qu'à l'origine des
difficultés d'intégration, il y a le manque de crédit des
directeurs d'école envers les élèves en provenance des
classes passerelles. Dans une telle situation, le test d'intégration
sera réalisé de
289
préférence, au sein de l'école
conventionnelle et celui réalisé au sein des classes passerelle
sera considéré comme une évaluation formative.
3. De la qualité de l'éducation
Sous cet axe sont faites des recommandations sur les aspects
affectant le bon fonctionnement de la situation d'enseignement-apprentissage.
Il s'agit de celles relatives aux composantes du curriculum et à la
salle de classe.
3.1. De l'encadrement pédagogique
Assuré par des animateurs ayant le niveau du Brevet
d'étude du premier cycle (BEPC), l'enseignement dispensé aux
élèves des classes passerelles est certes, d'un bon niveau. Les
résultats des évaluations et les rapports de supervision
l'attestent. Cependant, le manque d'enseignant suppléant fragilise la
bonne marche du processus d'apprentissage. Il convient donc de prévoir
dans un tel projet deux enseignants par poste en vue de prévenir
l'interruption intempestive des cours pour absence de l'animateur.
Les animateurs eux-mêmes ayant été
affectés par l'indisponibilité des motos prévues pour la
supervision, il serait salutaire de lancer la phase de supervision seulement,
après que les moyens de locomotion soient disponibles. Il est aussi
possible de concentrer les sites passerelles sur une zone de 5 km à la
ronde pour faciliter la tâche du superviseur en termes de
déplacement. Cette dernière proposition demande l'augmentation du
nombre de superviseurs et par ricochet, une mobilisation de ressources
additionnelles.
Un autre aspect digne d'intérêt, est le temps de
formation des animateurs. La période de formation initiale qui dure dix
à quinze jours mérite d'être revue à la hausse. Si
la mise en oeuvre du projet prend en compte la phase avant-projet, il serait
souhaitable de prévoir une période de formation de deux à
trois mois pour permettre aux futurs animateurs d'intégrer les notions
apprises. Les écoles conventionnelles pourraient contribuer à la
formation des animateurs à travers un
290
programme de volontariat qui leur permet d'intervenir comme
des stagiaires dans ces écoles. La formation continue pourrait venir en
appoint ; pour ce faire, on pourrait initier des stages de perfectionnement ou
des séminaires de renforcement de capacité à travers un
plan de formation qui intègre la formation initiale, les rencontres
bimensuelles existantes et d'autres formations au plan national et
international.
3.2. Des techniques d'encadrement
Les techniques d'encadrement des élèves
utilisées par les animateurs méritent d'être
capitalisées et renforcées davantage dans les projets futurs. Il
s'agit notamment des cours de mise à niveau ou « soutien
pédagogique » pour les élèves accusant un retard, les
jeux pédagogiques, « le tutorat 311» et
l'utilisation de « la langue maternelle ». Pour cette
dernière, une étude approfondie mérite d'être faite
sur les langues concernées afin d'élaborer un syllabaire propre
à l'enseignement primaire et réduire ainsi ? Les risques de
déviation des animateurs.
L'étude montre que la variable « méthode
d'enseignement » représente 11,41% des déterminants de la
performance des élèves des classes passerelles. Les techniques et
les approches mises à profit sont la formation par compétence,
l'usage de la langue maternelle, les cours préparatoires uniques, le
réaménagement du temps scolaire et l'encadrement de
proximité.
L'approche pédagogique appliquée dans les
classes passerelles est la l'approche par compétence (APC),
conformément à la norme en vigueur dans l'éducation
nationale en Côte d'Ivoire. Selon le MENET/DPFC (2014),
l'approche par compétence ou APC est une conception
des pratiques
d'enseignement/apprentissage/évaluation
fondée sur le développement de
311 Le tutorat ou l'enseignement par les pairs consiste à
choisir des élèves qui pourraient aider d'autres qui
éprouvent des difficultés à comprendre ou à
réaliser une tâche donnée. Il est utilisé comme
complément à l'enseignement régulier et non comme
substitut. Il permet aux apprenants de recevoir une aide individuelle et
particulière pour plus de possibilité d'atteindre les objectifs
visés. Selon C. PAMPHILE, 2005, « le tutorat est une fonction
d'enseignement plus personnalisée, c'est-à-dire en
face-à-face ou en petits groupes. » pp. 5-6. Pour D. GUICHARD,
2009, le tutorat « présente une alternative pédagogique dans
le souci d'apporter des remédiations plus personnalisées en
direction de certains élèves. » pp. 19-35
291
connaissances, d'aptitudes et d'attitudes
opérationnelles en situation. Cette mise en relation de plusieurs
ressources pour trouver des solutions ou réus-
sir en situation est appelée intégration,
d'où l'expression consacrée de pédagogie de
l'intégration.312
Pour BAH et al (2008), l'approche par compétence est
« une approche pédagogique qui vise à développer chez
l'apprenant, des savoirs-agir appelés
com-pétences.313» Elle est centrée sur
l'apprenant et privilégie la réussite du plus grand nombre
d'élèves. L'usage de cette approche met ainsi, les classes
passerelles en phase avec les classes conventionnelles sensées recevoir
leurs élèves.
3.3. De la pertinence de
l'hétérogénéité de l'âge des
apprenants en
classe unique
L'étude révèle que l'âge des
élèves des classes passerelles varie entre 7 et 14 ans. Tous ces
enfants issus de différents stades de développement psychologique
partagent la même classe et reçoivent les mêmes
enseignements. De l'avis des promoteurs de l'ONG EPT, une telle pratique
favoriserait la réussite des élèves les plus jeunes dans
la mesure où ils sont décomplexés face aux plus
âgés, en l'absence de toute discrimination dans la situation
d'apprentissage. Si le promoteur EPT a réussi à gérer ces
différences d'âge en une classe unique, le promoteur NRC les a
plutôt constituées en trois niveau (CPU, CEU et CMU). Notre
étude montre que la classe multi-âge des classes passerelles
répond plus à un besoin d'infrastructure qu'à une exigence
pédagogique dans la mesure où les communautés ne disposent
pas de ressources suffisantes pour construire des classes.
Les élèves ont obtenus des moyennes de notes
selon leur tranche d'âge comme suit : 7-8 ans : 6,17/10 ; 9-11 : 6,89/10
; 12-14 ans : 6,94/10. Une analyse comparative, au moyen du test de variance,
de ses moyennes selon l'âge n'a pas permis d'établir une
différence significative entre les plus jeunes apprenants et les plus
âgés.
312 MENET/DPFC, 2014, Manuel de référence
relatif à la mise en oeuvre des pratiques de vie saine (life skills) par
les programmes scolaires en Côte d'Ivoire. Abidjan, DPFC, p. 24
313 T. BAH et al, 2008, Le Manuel du formateur des classes
passerelles, Bouaké, EPT, p. 2
292
3.4. De la pertinence du programme
accéléré
Notre étude montre que la variable programme scolaire
représente 9,93% des déterminants de la performance des
élèves des classes passerelles. Deux types de programme scolaire
sont proposés par les promoteurs des classes passerelles :
- le model NRC qui s'appuie intégralement sur les contenus
des manuels utilisés dans le système scolaire conventionnel ;
- le modèle EPT qui combine un enseignement en langue
maternel avec le programme national.
Selon les promoteurs des classe passerelles EPT et NRC :
« les équipes pédagogiques ont la charge de
sélectionner les chapitres indispensables à chaque cycle du
primaire en évitant les répétitions de thèmes
étudiés. Le temps scolaire optimisé permet de couvrir
complètement le programme. »
3.5. De la pertinence de la langue maternelle
L'analyse des performances en « langue 1 » (langue
maternelle) et en «langue 2 » (français) a permis de mettre en
évidence que dans l'ensemble, 40% des élèves des classes
passerelles ont les mêmes performances en L1 en L2. Cela montre le
degré de corrélation entre L1 et L2. La prise en compte de
facteurs additionnels (le milieu, le sexe et l'âge) permet de nuancer ces
résultats. C'est ainsi que le facteur « milieu » influence la
corrélation entre L1 et L2 pour 40% des apprenants. Ensuite, le facteur
« sexe » montre une accommodation plus grande des garçons aux
programmes en L1 et L2 par rapport aux filles avec un écart de 19
points. Enfin, le facteur « âge » montre l'existence d'une
forte influence de L1 sur L2 pour 70% des élèves de 12 à
13 ans uniquement.
3.6. De la contribution de la motivation des
élèves
Selon notre étude, la variable motivation des
élèves représente 10,38% des déterminants de la
performance des élèves des classes passerelles. 75% des
répondants à notre échelle d'attitude admettent que les
élèves des classes passerelles sont motivés. Cette
motivation se manifeste par leur présence et leur assiduité en
293
classe. Pour la majorité (78% des acteurs), elle
s'explique aussi par la volonté des parents d'envoyer les enfants
à l'école.
3.7. De l'optimisation du temps scolaire
Avec un volume horaire hebdomadaire de 36 heures, les cours
sont dispensés de manière accélérée 4 jours
et demi sur sept (lundi, mardi, jeudi, vendredi et samedi matin) et les
congés sont raccourcis et aménagés selon les
réalités de chaque zone. En conséquence, chaque village a
sa période de congé excepté pour les vacances de fin
d'année. En dépit de ces différences, le volume horaire
annuel est pareil pour tous.
En ce qui concerne le volume horaire journalier, les classes
sont ouvertes de 8 heures à 12 heures, puis de 14 heures 30 à 17
heures 30 minutes. Toutefois, ces horaires sont adaptés aux
réalités de chaque localité. C'est ainsi que dans le
village de Mamoya (Odienné), les enfants rentraient en classe à 9
heures pour ressortir à 13 heures. Cela était dû au fait
que les enfants de ce village devaient faire paître le bétail
tôt le matin avant d'aller à l'école. Mais, par le biais de
la sensibilisation, les parents se sont accommodés aux horaires normaux
des classes quelques semaines plus tard.
Le fait que la matinée du samedi soit utilisée,
en plus des 4 jours conventionnels ouvrables, permet un gain de 4
heures/semaine. En outre, l'utilisation du temps des congés optimise
davantage le temps scolaire, mais il est pratiquement impossible d'en estimer
le gain puisque son utilisation diffère selon les sites. Le volume
horaire journalier qui est estimé à six heures et demie
correspond au volume horaire conventionnel dans l'école formelle.
En somme, le réaménagement vise à
répondre aux besoins spécifiques des bénéficiaires
et à optimiser l'utilisation effective du temps scolaire, une condition
essentielle pour un programme accéléré.
294
3.8. De l'adéquation du profil du personnel
Le niveau de qualification des hommes et des femmes qui ont
exécuté le projet des classes passerelles reste
théoriquement bon. Ce sont des professionnels de l'éducation qui
sont chargés de l'encadrement pédagogique. En effet,
l'étude montre que la variable « qualification des enseignants
» représente 8,09% des déterminants de la performance des
élèves des classes passerelles. La question de l'influence de la
formation pédagogique sur la performance scolaire fait appel aux
théories sur le rôle ou la compétence de l'enseignant en
classe. Toute la problématique se résume à la question de
savoir si les enseignants ont intégré, dans leur savoir-faire,
les connaissances et pratiques nécessaires à la bonne conduite
d'une situation d'enseignement/apprentissage.
3.9. De la réforme des curricula
Les classes passerelles ont pour mission l'intégration
des enfants dans le système scolaire conventionnel. Cette mission leur
impose de prendre en compte les programmes et pratiques pédagogiques
conventionnelles. Il y a la nécessité d'une mise à jour
des curricula pour être en phase avec les écoles conventionnelles
qui reçoivent les élèves par la suite. Cette action
requiert chez les acteurs, des séquences de rencontre permanentes afin
de créer une synergie entre acteurs des classes passerelles et ceux des
écoles conventionnelles. Cette initiative devrait être
pilotée par le MENET à travers la Direction de la
Pédagogie et de la Formation continue. Cela aura pour effet
d'éviter les difficultés liées à
l'intégration des élèves de la passerelle et à la
reconnaissance de leurs programmes.
4. Du contexte et des conditions d'exercice
Depuis le Forum mondial sur l'éducation pour tous,
organisé à Dakar en Avril 2000, l'éducation d'urgence est
devenue un sujet d'attention particulière car une recommandation a
été faite aux pays pour répondre aux besoins des
systèmes éducatifs subissant le contrecoup des conflits, des
catastrophes naturelles ou des situations d'instabilité.
295
Ainsi ce qui était, depuis les années
quatre-vingt-dix, un simple programme d'action humanitaire pour répondre
aux besoins spécifiques des populations en situation de crise, va
être formalisé en 2003 par l'INEE à travers
l'élaboration de normes d'intervention qui prennent en compte :
- les conditions d'intervention des équipes
humanitaires dans les situations d'éducation d'urgence ;
- les conditions d'accès à l'éducation en
situation d'urgence ;
- l'environnement d'apprentissage ;
- la qualification des personnels enseignants ;
- la politique éducative.
Les promoteurs des classes passerelles ont admis
connaître l'existence de ces normes. Toutefois, le respect de celles-ci
n'est pas un acquis. Nos stratégies de renforcement prennent en compte
les exigences de ces normes dans la mise en oeuvre du dispositif des classes
passerelles.
4.1. Des conditions d'intervention
Dans le cas des classes passerelles, l'intervention se passe
dans la troisième phase qualifiée par l'INEE de « phase de
retour, de réintégration et de réhabilitation.» Selon
l'INEE (2006), cette phase doit « exploiter les opportunités
positives qui se présentent au lendemain d'une situation d'urgence. 314
» Ces opportunités impliquent, entre autres, le
développement de stratégies et de pratiques plus
équitables en matière de genre ainsi que la révision de
programmes d'étude et de méthodes pédagogiques. C'est une
intervention qui tient compte des besoins spécifiques des populations et
des apprenants victimes d'une situation de crise.
A l'évidence, le projet des classes passerelles
répond à un besoin spécifique de scolarisation puisqu'elle
part du constat que les enfants n'ont pas accès à l'école
dans les zones concernées. Une mission de prospection est même
réalisée à cet effet. Toutefois, l'aspect nutritionnel des
apprenants n'est pas toujours pris en
314 INEE, 2006, op. cit, pp.7-8
296
compte dans ce type de projet alors qu'en situation d'urgence,
comme le constate l'INEE (2006): « l'accent est mis sur les partenaires
susceptibles de faciliter l'accès aux opportunités offertes en
matière d'apprentissage et le rapprochement avec des secteurs tels que
la santé, l'eau et l'assainissement, l'aide alimentaire et
l'hébergement (...)315 » Si l'on tient compte du
rôle important que joue la cantine scolaire dans le maintien et la
fréquentation scolaire des enfants, il est impératif
d'intégrer ce volet au projet classes passerelles surtout que ces
classes constituent le noyau de la future école communautaire.
4.2. Des conditions d'accès à
l'éducation en situation d'urgence
L'accès à l'éducation, bien que vital en
tant que droit humain, reste limité en situation d'urgence. Le cas des
classes passerelles en est une belle illustration. En effet, la moyenne
d'effectif de 30 élèves par classe qui a été
fixée obéit plus à des contraintes budgétaires
qu'à un souci de qualité. Cela est dû au fait que les
moyens sont définis avant d'avoir fait un inventaire des besoins
réels. Ce fait nous ramène encore une fois aux conditions
d'intervention qui doivent se faire sur la base d'un diagnostic clair de la
situation réelle. L'idéal serait de partir d'une estimation des
besoins réels pour définir les moyens ; dans une telle approche,
l'apport étatique est indispensable aux côtés des ONG.
4.3. De l'environnement d'apprentissage
Cet environnement garantit, avant tout, la
sécurité des apprenants, des personnels du projet et des
populations. Un accent particulier est mis sur le cas des groupes
vulnérables parmi lesquels on peut citer les jeunes filles. En effet, en
implantant les classes passerelles sur la base de critères
intégrant l'aspect distance, cette démarche permet de
résoudre la question sécuritaire notamment pour les jeunes
filles. Mais la distance moyenne de l'école la plus proche qui est
estimée à 22 km montre la nécessité d'expansion du
projet dans les mêmes zones d'intervention. Les futurs projets devront,
en principe, prendre cette orientation.
315 INEE, 2006, op. cit, pp.7-8
297
4.4. De la qualification des enseignants
La question de la qualification du personnel en situation
d'urgence suscite
les axes de réflexions suivantes :
- sur quels points axer le contenu de l'enseignement ?
- quel type de service éducatif offrir (formel/non formel)
?
- quels curricula choisir ?
- et quelles priorités d'apprentissage fixer ?
A ces questions les « urgentistes » de l'INEE (2006)
répondent que : « l'accent est mis sur les éléments
susceptibles de contribuer à un enseignement et un apprentissage
efficaces. 316 » Pour atteindre ce niveau d'efficacité, les
curricula devront porter sur des éléments en accord avec les
besoins des apprenants. Si les curricula des classes passerelles
répondent effectivement à un besoin de scolarisation en urgence,
la formation accélérée des animateurs en 10 ou15 jours ne
permet pas de consolider les aptitudes pédagogiques. Il serait donc
opportun de mettre l'accent sur la durée de la formation des animateurs.
Un autre aspect à prendre en compte est le nombre d'enseignants qui doit
être proportionnel à la demande éducative. Dans le cas des
classes passerelles, les animateurs n'ont pas de suppléants et sont
plutôt aidés par les superviseurs en cas d'empêchement. En
principe, le projet devrait intégrer la question d'animateurs
suppléants pour éviter l'arrêt intempestif des cours.
4.5. De la politique éducative
Dans le cadre d'une intervention d'urgence, les
autorités éducatives et les parties prenantes élaborent et
mettent en oeuvre un plan d'éducation en phase avec des politiques
éducatives nationales et internationales, assurent le respect du droit
à l'éducation et répondent aux besoins d'apprentissage des
populations sinistrées. L'objectif d'une telle politique est, selon
l'INEE (2006) : « d'améliorer la qualité
316 INEE, 2006, op cit., pp. 7-8
298
de l'éducation, de faciliter l'accès à
l'école et de matérialiser la transition entre l'intervention
d'urgence et le développement. 317 »
Même en situation d'urgence, la qualité de
l'enseignement semble être un objectif primordial. Ce qui au
départ, constitue une action de sauvetage de l'école pour
permettre aux enfants sinistrés d'avoir accès à
l'éducation, intègre progressivement la question de la
qualité. Cela est fait à juste titre si l'on admet que la
qualité, dans la relation entreprise-client est la satisfaction des
besoins du client. Cette notion fait ici référence à
l'adéquation entre les curricula et les besoins spécifiques des
apprenants sinistrés. Quant à la notion de développement
évoquée par l'INEE, il s'agit du progrès ou de l'impact
sociétal de l'éducation d'urgence. De ce point de vue, peut-on
dire que les classes passerelles intègrent les notions de
qualités et développement ?
Pour donner une réponse adéquate à cette
question, il y a lieu de mettre en relation, les curricula et les
réalités socioculturelles de chaque zone d'intervention.
Même si les promoteurs affirment avoir pris en compte cet aspect, nos
enquêtes n'ont pas permis de le vérifier. Toutefois,
l'intégration du programme scolaire officiel et le critère genre
laissent croire à une convergence au niveau national et international.
C'est un impératif pour la transformation des classes passerelles en
école communautaire standard.
4.6. De la construction des salles de classe
Les abris couverts de pailles chez l'ONG EPT ont suffisamment
montré leurs limites face aux intempéries. Il serait louable de
construire des abris en brique couverts de tôles pour permettre le
déroulement normal des cours en période pluvieuse.
Quant au promoteur NRC, il ne fait pas de l'investissement
dans le bâtiment une priorité en ce sens que, dans certaines
situations, il obtient une salle de l'école hôte. Toutefois, cette
méthode s'est avérée néfaste pour les écoles
hôtes qui ont
317 INEE, 2006, op cit., pp. 7-8
299
vu leurs charges augmentées en termes
d'élèves à accueillir. Les infrastructures s'en trouvent
affectées également. Le promoteur NRC devrait inscrire dans ces
priorités, la construction de salles de classes. Cette initiative aurait
pour avantage d'accroître la capacité d'accueil des écoles
hôtes.
4.7. De la nécessité d'équiper les
écoles hôtes
Face à l'insuffisance d'équipements des
écoles hôtes des classes passerelles consécutive à
l'accroissement des effectifs des élèves, le promoteur NRC doit
inscrire au nombre des mesures d'accompagnement du programme, un plan
d'équipements. Cela pourrait se faire à travers des
investissements directs en bâtiments et équipements ou des
investissements indirects sous forme de legs des équipements issus des
projets passerelles. Cette deuxième option, qui est déjà
mise en oeuvre, présente des limites, en ce sens que l'investissement en
bâtiments et équipements ne constitue pas une priorité pour
le programme éducation accélérée. La solution
durable serait de formaliser un seuil d'investissement proportionnel au nombre
d'élèves engagés dans le programme et aux besoins
exprimés par les écoles hôtes.
4.8. Du processus enseignement/apprentissage
L'enseignement en situation d'urgence ou de crise
présente des spécificités, en ce sens que les acteurs
eux-mêmes sont dans une situation inhabituelle. Ces
spécificités exigent des réajustements au niveau des
objectifs d'apprentissage, des programmes d'enseignement, des contenus, des
matériels didactiques, des langues d'enseignement, des méthodes
d'enseignement, l'évaluation des acquis et de la qualification des
enseignants.
300
4.8.1. Des objectifs d'apprentissage
Dans un contexte d'urgence, l'objectif d'apprentissage est de
« fournir une éducation de bonne qualité,
pertinente et appropriée 318». Pour l'INEE les objectifs
d'apprentissage sont « les connaissances, les compétences, les
valeurs et les attitudes qui seront développées par le biais des
activités éducatives. 319» Sur la base de ces
objectifs d'apprentissage, les connaissances, les aptitudes et les
compétences sont identifiées. Ces aspects sont renforcés
par les activités éducatives pour promouvoir le
développement cognitif, social, émotionnel et physique des
apprenants.
4.8.2. Des programmes scolaires
Selon l'INEE (2004), dans une situation d'urgence, « un
programme scolaire est un plan d'action destiné à aider les
apprenants à améliorer leurs connaissances et leurs
compétences. Il s'applique à la fois aux programmes
d'éducation formelle et à l'éducation non formelle et doit
être pertinent et adaptable à tous les apprenants.
320» Il comprend des objectifs et des contenus d'apprentissage,
des évaluations, des méthodes pédagogiques et des
matériels didactiques.
Les programmes scolaires doivent être appropriés
à l'âge et compatibles avec le niveau de développement des
apprenants, comme leur développement sensoriel, mental, psychosocial et
physique. L'âge et le niveau de développement peuvent varier
énormément dans les programmes formels et non formels
d'éducation en situation d'urgence jusqu'à la phase de
relèvement. Il faut donc adapter les programmes scolaires et les
méthodes. Les enseignants doivent être aidés à
adapter leurs enseignements aux besoins et aux niveaux des apprenants avec
lesquels ils travaillent
318 L. HENINGER, 2013, « New York : un réseau pour
l'éducation dans les situations d'urgence » in
https://fr.euronews.com/2013/02/01/l-education-en-situation-d-urgence,
consulté le 10 juin 2014.
319 INEE, 2004, op. cit., p. 60
320 ibidem
301
La revue et l'élaboration de programmes scolaires est
un processus complexe et long qui doit être conduit et
sécurisé par des autorités compétentes
chargées de l'éducation. Si l'on rétablit des programmes
d'éducation formelle durant ou après les situations d'urgence, on
devra utiliser des programmes scolaires nationaux reconnus pour l'enseignement
primaire et secondaire. Dans des situations où il n'existe pas de
programme scolaire, il faudra rapidement élaborer ou adapter des
programmes scolaires. Cette adaptation pourrait se faire à partir des
programmes scolaires adaptés d'autres situations d'urgence similaires.
Cela exige une bonne coordination des programme avec en soutien, la prise en
compte des compétences linguistiques des apprenants et la reconnaissance
des résultats d'examen. Ces aspects pratiques doivent
bénéficier d'un appui institutionnel, à savoir les lois
internationales qui servent d'orientation aux décisions. Dans les
situations d'urgence, jusqu'à la phase de relèvement, des
programmes d'éducation formelle et non formelle doivent être
enrichis de connaissances et de compétences spécifiques au
contexte d'urgence. Selon l'INEE pour plus d'inclusion, on adressera des
programmes scolaires spéciaux à certains groupes, comme :
- les enfants et les jeunes travailleurs subvenant à leurs
propres besoins ; - ceux qui ont été associés aux forces
armées et aux groupes armés ;
- les apprenants trop âgés pour leur classe ou
qui retournent à l'école après de longues périodes
d'interruption de scolarité ;
- les apprenants adultes.
La conception des programmes et celle des contenus de la
formation formelle sont du ressort des autorités chargées de
l'éducation. Leur application en classe relève des animateurs ou
des enseignants volontaires. Ceux-ci bénéficient de
l'accompagnement de la communauté locale qui est un maillon essentiel du
projet école.
302
4.8.3. Des matériels didactiques et des
matériels d'apprentissage
Le matériel didactique comprend les livres, les cartes,
le matériel d'étude supplémentaire, les guides de
l'enseignant, etc. Les enseignants doivent recevoir une formation afin
d'identifier les supports pédagogiques adéquats au programme
scolaire. Ils doivent apprendre à créer des supports
pédagogiques efficaces et appropriés en utilisant des
matériels locaux disponibles.
L'élaboration des programmes scolaires, la conception
des manuels scolaires et la revue périodique des programmes
d'éducation doivent être dirigées par les autorités
compétentes de l'éducation. Les apprenants, les enseignants, les
syndicats d'enseignants et les communautés affectées doivent
être des acteurs engagés dans ce processus. Ainsi, « des
commissions de revue de manuels scolaires, comprenant des représentants
des différents groupes ethniques et d'autres groupes vulnérables,
peuvent aider à éviter de perpétuer les
préjugés. 321 » L'implication de tous permet
également de développer la cohésion entre les
communautés. Celles-ci doivent faire attention à ne pas
créer de tensions lors du processus d'élimination des messages
qui créent la discorde dans les manuels scolaires.
4.8.4. Des contenus de l'apprentissage
Le contenu de l'apprentissage fait référence aux
matières d'enseignement, comme la lecture, le calcul et les
compétences de la vie courante. « Les compétences
fondamentales doivent être identifiées avant de commencer à
élaborer ou à adapter le contenu de l'apprentissage et les
matériels de formation des ensei-gnants.322 » Les
compétences fondamentales de l'éducation de base sont :
- l'alphabétisation fonctionnelle et le calcul ;
- et les connaissances et compétences de la vie
courante.
Il faut également aux apprenants, des attitudes et les
pratiques essentielles pour vivre dans la dignité et participer
activement à la vie de leurs communautés. Les compétences
fondamentales doivent être renforcées par une application
pratique.
321 INEE, 2004, op. cit., p. 62
322 ibidem
303
Il doit y avoir des interventions de développement de
la petite enfance pour les enfants très jeunes. Les bonnes pratiques
acquises lors de l'enfance sont la base de l'acquisition et de la
maîtrise des compétences fondamentales. « Le contenu et les
concepts clés de l'apprentissage des compétences de la vie
courante doivent être appropriés à l'âge, aux
différents styles d'apprentissage et à l'environnement des
apprenants.323 »
Les contenus et les concepts doivent être
spécifiques au contexte et peuvent permettre :
- la promotion de l'hygiène et de la santé, y
compris la santé sexuelle et reproductive, le VIH/Sida ;
- la protection de l'enfant et appui psychosocial ;
- l'éducation aux droits de l'homme, à la
citoyenneté, à l'édification de la paix et au droit
humanitaire ;
- la réduction des risques de catastrophes et
compétences de survie, comme des cours sur les mines et les munitions
non explosées ;
- la culture, la récréation, le sport et les
arts, comme la musique, la danse, le théâtre et les arts
plastiques ;
- les compétences de subsistance, et la formation
professionnelle et technique;
- les connaissances de l'environnement local et indigène
;
- les compétences de protection en lien avec les
risques et menaces particuliers auxquels sont confrontés les filles et
les garçons.
En outre, soulignant le rôle transversal des contenus du
contenu de l'apprentissage, l'INEE estime que :
le contenu de l'apprentissage est la base des moyens
d'existence des apprenants. (...). Dans les communautés affectées
par un conflit, les contenus et les méthodologies pour la
résolution des conflits et l'éducation à la paix peuvent
améliorer la compréhension entre les groupes. Ils peuvent donner
des compétences en communication qui faciliteront la
réconciliation et l'édification de la paix. Il faut être
prudent lors de la mise en oeuvre
323 INEE, 2004, op. cit., p. 60
304
d'initiatives d'éducation à la paix et
s'assurer que les communautés sont prêtes à aborder des
questions conflictuelles ou douloureuses. 324
L'importance du contenu de l'apprentissage exige qu'il soit
élaboré en tenant compte des acteurs et du contexte avec une
réelle implication à chaque niveau.
4.8.5. Des besoins psychosociaux
Les apprenants et les personnels de l'éducation en
situation d'urgence ont droit à des enseignements et des formations qui
garantissent leurs droits. Ce processus a lieu jusqu'à la phase de
relèvement. Ainsi, à travers ce processus :
le personnel de l'éducation est invité
à être formé pour pouvoir reconnaître les signes de
détresse chez les apprenants. Il doit être capable de prendre des
mesures pour répondre à la détresse, comme des
mécanismes d'orientation vers des services spécialisés
pour que les apprenants puissent recevoir plus d'appui. Il doit y avoir des
directives claires pour les enseignants, le personnel administratif de
l'éducation et les membres de la communauté sur la manière
de fournir un appui psychosocial aux enfants en classe et à
l'extérieur. (...). Les enseignants et autres personnels de
l'éducation, souvent recrutés à l'intérieur de la
population affectée, peuvent être confrontés à la
même détresse que les apprenants. Il faudra y répondre par
l'intermédiaire de formation, de surveillance et de soutien. Il ne faut
pas attendre des enseignants qu'ils prennent des responsabilités qui
seraient néfastes pour leur propre état psychosocial ou pour
celui des apprenants.325
En ce qui concerne les apprenants qui ont souffert de
détresse, dans l'esprit de la prise en charge psycho-sociale, ils ont
besoin d'un « enseignement qui ait une structure prévisible, de
méthodes de discipline positives et de périodes d'apprentissage
plus courtes pour développer leur attention. Tous les apprenants peuvent
être impliqués dans des activités coopératives de
récréation et d'apprentissage. 326»
4.8.6. Des méthodes d'enseignement
Les méthodes d'apprentissage sont « l'approche
choisie et utilisée pour la présentation du contenu de
l'apprentissage afin d'encourager chez tous les appre-
324 INEE, 2004, op. cit., p. 62
325 idem, p. 61
326 ibidem
305
nants l'acquisition de connaissances et de compétences.
En association avec les contenus, les méthodes d'enseignement
développent la confiance en soi des apprenants et leur espoir pour
l'avenir. (...).327 » Dans une situation d'urgence
éducative, les méthodes doivent être appropriées au
programme scolaire et apporter les compétences fondamentales de
l'éducation de base, comme l'alphabétisation, le calcul et les
compétences de la vie courante correspondant au contexte d'urgence.
La pédagogie et la méthode d'enseignement
doivent être enseignées au personnel comme des disciplines. Cela
permet une gestion positive de classe, facilite l'effectivité des
approches participatives et une éducation inclusive. En outre,
L'engagement actif des apprenants est important à tous les niveaux de
développement et à tous les âges. INEE précise que
:
l'enseignement doit être interactif et participatif
et garantir que tous les apprenants sont impliqués dans le cours. Il
fait usage de méthodes d'enseignement et d'apprentissage adaptées
au niveau de développement. Il peut s'agir de travail en groupes, de
projets, d'éducation par les pairs, de jeux de rôles, de raconter
des histoires ou de décrire des évènements, de jeux
vidéo ou d'histoires. Ces méthodes devront être
incorporées dans la formation des enseignants, les manuels scolaires et
les programmes de formation. Les programmes scolaires existants devront
peut-être être adaptés à un apprentissage actif.
Cependant, l'introduction de ces méthodes d'enseignement
plus participatives et adaptées aux apprenants
devra se faire avec tact et dé-licatesse.328
Vu que la mise en oeuvre de nouvelles méthodologies
peut être stressante même pour certains enseignants et la
majorité des apprenants, les changements doivent être introduits
avec l'accord, la coordination et l'appui des autorités chargées
de l'éducation et avec délicatesse. La communauté et
l'école auront besoin d'un temps d'adaptation pour comprendre et
accepter ces changements. Les acteurs doivent s'assurer que les
préoccupations des communautés sont prises en compte.
327 INEE, 2004, op. cit., p. 61
328 ibidem
306
4.8.7. De la langue d'enseignement
La langue d'enseignement peut être une question qui
divise dans les pays ou les communautés sont multilingues. Pour limiter
la marginalisation :
il faudra impliquer la communauté, les
autorités chargées de l'éducation et d'autres parties
prenantes concernées pour prendre les décisions sur la ou les
langue(s) d'enseignement de manière consensuelle. Les enseignants
doivent pouvoir enseigner dans la ou les langue(s) comprise(s) par les
apprenants et communiquer avec les parents et la communauté dans son
ensemble. On enseignera aux enfants sourds ou aveugles en utilisant les
langages et méthodes les plus appropriées pour permettre leur
inclusion totale. Les cours et activités supplémentaires, en
particulier l'apprentissage de la
petite enfance, doivent être disponibles dans la ou
les langue(s) des appre-nants.329
Il est important de connaître les droits des apprenants
déplacés. Cela implique la prise en compte des perspectives
d'insertion dans la communauté hôte ou la localité
d'accueil. La langue qui est un outil de communication est centrale dans ce
processus d'insertion sociale et professionnelle. Elle leur offre des
opportunités de se refaire une vie normale après l'urgence. Dans
cette optique, lorsque le déplacement est prolongé, les
apprenants doivent apprendre la langue de la communauté hôte. Cela
leur permet de continuer à avoir accès à
l'éducation et à des possibilités d'apprentissage sur
place.
4.8.8. De la diversité des apprenants
La diversité est matérialisée par les
apprenants venant d'horizons culturels différents et avec des
spécificités qui vont jusqu'au handicap. Elle s'exprime aussi par
la multiplicité d'acteurs dans l'encadrement. Elle doit être prise
en compte dans la conception et la mise en oeuvre d'activités
éducatives à toutes les étapes d'une situation d'urgence
jusqu'à la phase de relèvement. Cela signifie l'inclusion
d'apprenants, d'enseignants et d'autres personnels de l'éducation
d'origine différentes et de groupes vulnérables. Cela induit
aussi la promotion de la tolérance et du respect. Les aspects
particuliers de la diversité sont par exemple :
- le genre ;
- le handicap mental ou physique ;
329 INEE, 2004, op. cit., p. 62
307
- les capacités d'apprentissage ;
- les apprenants venant de différentes tranches de revenu
;
- les classes comprenant des enfants d'âge différent
;
- la culture et la nationalité ;
- et l'origine ethnique et la religion.
La prise en compte des paramètres cités ci-haut
exige des acteurs engagés que les programmes scolaires, les
matériels et les méthodes d'enseignement contribuent à
éliminer les préjugés et renforcer l'équité.
De même :
il faut appuyer l'éducation aux droits humains dans
l'éducation formelle et non formelle pour promouvoir la diversité
de manière appropriée à l'âge et à la
culture. Le contenu des cours peut être en lien avec les droits de
l'homme et le droit humanitaire international et avec les compétences de
la vie courante. Les enseignants pourraient avoir besoin d'aide pour modifier
les matériels didactiques et les méthodes d'enseignement
existantes si les manuels scolaires et d'autres matériels doivent
être révisés (...). Les matériels d'apprentissage
disponibles localement pour les apprenants devront être
évalués au début d'une situation d'urgence. Ils devront
comprendre des formats utilisables par des apprenants handicapés. Les
autorités responsables de l'éducation devront être
appuyées pour pouvoir surveiller le stockage, la distribution et
l'utilisation des matériels.330
La diversité va de pair avec la culture de la
tolérance et de l'acceptation de l'autre qui est différent de
soi. Dans la situation d'urgence elle aide à assoir les bases d'une
collaboration et d'un vivre ensemble nécessaire à la
cohésion de la communauté locale à court terme ou celles
de la cohésion sociale à long terme.
4.8.9. De l'aptitude des enseignants et personnels de
l'éducation
L'enseignant est un « instructeur, un facilitateur ou un
animateur dans un programme d'éducation d'urgence. Les enseignants
peuvent avoir des expériences ou des formations différentes. Ils
peuvent être des apprenants plus âgés ou des membres de la
communauté (...).331 » Les programmes scolaires et les
contenus doivent correspondre aux besoins des personnels de l'éducation
et à ceux des apprenants. Ce processus est cependant, limité par
les contraintes temporaires et
330 INEE, 2004, op. cit., p. 62
331 idem, pp. 63-67
308
budgétaires. Pour atteindre ses objectifs les
enseignants et les personnels de l'éducation obéissent à
un code de conduite qui est axé sur :
- la condamnation de la violence liée au genre contre les
apprenants ;
- des mécanismes appropriés pour les signalements
et l'orientation vers des services spécialisés ;
- les principes de réduction des risques de catastrophes
et de prévention des conflits ;
- le développement psychosocial et l'appui psychosocial,
abordant les besoins des apprenants comme ceux des enseignants et l'existence
de services locaux et de systèmes d'orientation vers des services
spécialisés ;
- et les principes et perspectives des droits de l'homme et le
droit humanitaire afin de comprendre leur signification et leur objectif et
comment ils sont connectés, directement et indirectement, aux besoins
des apprenants et aux responsabilités des apprenants, des enseignants,
des communautés et des autorités chargées de
l'éducation.
Dans les actions de formation, l'INEE suggère que soient
abordées :
les questions de diversité et de discrimination.
Cela inclut des stratégies d'enseignement sensibles à la question
de genre qui consiste à encourager les enseignants des deux sexes
à comprendre l'équité des genres et à s'engager
pour cette cause en classe. La formation des personnels féminins de
l'éducation et des femmes de la communauté peut renforcer les
changements positifs dans la classe et dans la communauté dans son
ensemble. (...). Les plans de formation doivent comprendre une formation
continue, puis en cas de nécessité, la revitalisation des
institutions de formation des enseignants et des programmes
d'éducation.332
Dans le cadre de cette revitalisation des institutions de
formation pour les enseignants, Il est prévu :
- la revue des programmes et manuels de formation des enseignants
;
- la mise à jour des contenus par rapport à la
situation d'urgence ;
- et des stages pratiques d'enseignement ou d'encadrement en tant
qu'aide éducateur.
332 INEE, 2004, op. cit., p. 62,
309
Concernant les obstacles à l'éducation, les
enseignants devront développer des stratégies de communication
avec les apprenants, les parents, les membres de la communauté et les
autorités. Cette démarche permettra d'identifier les
difficultés rencontrées par les apprenants au cours de leur
scolarité.
4.8.10. Des méthodes d'évaluation
L'évaluation est « la mesure de ce qui a
été appris sous forme de connaissances, attitudes et
compétences pour le contenu d'apprentissage couvert.
333» En situation d'urgence, selon l'INEE, des méthodes
et des mesures efficaces d'évaluation doivent être
élaborées, en prenant en compte les critères suivants :
- la pertinence : les tests et examens sont
appropriés au contexte d'apprentissage et à l'âge des
apprenants;
- la cohérence : les méthodes
d'évaluation sont connues et appliquées de la même
façon partout et par tous les enseignants ;
- les chances : les apprenants absents ont une autre chance
de passer l'évaluation ; - le calendrier : il y a des
évaluations pendant et à la fin de l'enseignement ; - la
fréquence : celle-ci peut être affectée par la situation
d'urgence ;
- un cadre sûr et approprié : les
évaluations formelles sont faites par du personnel d'éducation
dans un lieu sûr;
- la transparence : les résultats
d'évaluation sont transmis aux apprenants et discutés avec eux
et, quand il s'agit d'enfants, avec leurs parents. 334
Dans ce processus d'évaluation, chaque acteur joue un
rôle spécifique. Pour mener à bien leur tâche, les
enseignants et les autres personnels de l'éducation doivent apprendre
à évaluer avec des outils et des méthodes adéquats
et faciles à utiliser. Ils reçoivent des formations à cet
effet. Les membres de la communauté contribuent aussi à leur
niveau, à l'évaluation des processus d'apprentissage et de
l'efficacité de l'enseignement. Cette contribution s'avère
capitale en situation d'effectifs pléthoriques ou de classes multigrades
comme celle des classes passerelles où les apprenants ont besoin d'une
attention plus importante. Il y va de l'efficacité de
l'évaluation.
L'évaluation doit être inclusive en ce sens
qu'elle doit tenir compte des personnes souffrant d'un handicap. Pour ce faire,
des outils spécifiques d'évaluation
333 INEE, 2004, op. cit., p. 63
334 idem, pp. 62-63.
doivent être élaborés et des ressources
humaines adéquates doivent être mobilisées. Ainsi, ces
apprenants vivant avec un handicap :
devront bénéficier de plus de temps pour
montrer leurs compétences et leur compréhension par d'autres
moyens appropriés. Les acteurs veilleront à la validation des
acquis scolaires et des résultats d'évaluation par les
autorités chargées de l'éducation. Cette certification
passe par le respect des critères d'évaluation et d'enseignement
internationaux et nationaux. 335
Cela signifie que les évaluations, dans une situation
d'urgence, en plus
des critères classiques, doivent tenir compte du
contexte et des besoins spécifiques des apprenants. Cette approche
rentre dans le cadre de l'équité en éducation, un principe
clé de l'éducation pour tous.
310
335 INEE, 2004, op. cit., pp. 62-63
311
Conclusion du chapitre 6
En guise de conclusion, le chapitre 6 a permis de faire des
propositions pour renforcer le système scolaire national à
travers l'amélioration du dispositif des classes passerelles. Ces
propositions ont été fondées sur les faiblesses
observées dans le dispositif des classes passerelles d'une part, et en
tenant compte des axes d'orientation sectorielle du PAMT secteur
éducation/formation 2012/2014 et ceux du RESEN 2016.
Ainsi, au niveau de l'axe relatif à la gestion
administrative du système éducatif, l'étude a
proposé une harmonisation des procédures de mise oeuvre des
classes passerelles ; cela pourrait se réaliser à travers la
révision du guide de mise en oeuvre qui est une nécessité
pour couvrir tous les aspects du dispositif des classes passerelles. Pour mieux
organiser le processus de mise en oeuvre, il convient de mettre l'accent sur
les facteurs organisationnels tels que la participation communautaire, la
gestion du projet et la mise en place. Cette approche devrait servir d'exemple
aux écoles conventionnelles dans leur quête d'une gestion
efficiente. Des efforts doivent être faits au plan financier pour
améliorer la qualité du matériel d'enseignement et la
rémunération des personnels volontaires. Dans une perspective de
pérennisation des classes passerelles après le retrait des ONG
internationales, l'étude a proposé l'élaboration d'un plan
de carrière pour les enseignants et d'une stratégie de
financement à long terme.
Concernant le second axe relatif à l'accès, la
rétention et l'équité en éducation, l'étude
a proposé que la politique éducative de maintien des classes
passerelles soit étendue au système scolaire conventionnel. Les
conditions d'accès à l'école des classes passerelles,
alliant gratuité et motivation, pourraient aider à l'extension
rapide de la couverture scolaire nationale. Cet objectif reste un voeu pieux de
l'administration scolaire. Le profil des apprenants âgés de 9
à 14 ans permettant de meilleurs résultats avec un programme
accéléré, l'étude estime que cela pourrait
raccourcir la durée de scolarité du système scolaire
conventionnel, le rendant ainsi plus efficace. Au plan des performances des
apprenants, les mé-
312
thodes organisationnelles et le temps scolaire maximisé
davantage, associés aux évaluations continues, permettent
d'amoindrir la déperdition scolaire et de renforcer les acquis
scolaires. Toutes ces mesures pourraient rendre le système scolaire plus
accessible et plus équitable.
Au niveau du troisième axe qui traite de la
qualité de l'éducation, l'étude a proposé la
vulgarisation, au niveau des écoles conventionnelles, des techniques
d'encadrement de proximité des classes passerelles, à savoir
« le soutien pédagogique » pour les élèves
accusant un retard, les jeux pédagogiques, « le tutorat » et
l'utilisation de « la langue maternelle » . Cela, dans le but de
faciliter l'apprentissage. Les programmes accélérés sont
également pris en compte dans cette optique. En définitive,
l'amélioration de la qualité des enseignements s'obtient par
« des enseignants compétents, des outils de qualité et un
environnement d'apprentissage de qualité 336». En
d'autres termes, Il faut améliorer la formation des enseignants,
utiliser le matériel d'enseignement adéquat et apaiser le climat
interne et externe de l'école. Tout cela devra contribuer à
renforcer la qualité des enseignements du système scolaire.
Le dernier axe relatif au contexte et aux conditions
d'exercice, a permis de développer une stratégie basée sur
l'éducation en situation d'urgence. Cette approche est fondée sur
le fait que les mécanismes de mitigation enclenchés
jusqu'à la dernière crise de 2010/2011 en Côte d'Ivoire,
ont suffisamment montré leurs limites. De prime à bord, ce sont
les conditions d'intervention des acteurs qui sont décrites
conformément aux normes de l'INEE. Ensuite viennent les conditions
d'accès à l'éducation d'urgence, puis, l'environnement
d'apprentissage et enfin, le processus enseignement/apprentissage. Ainsi,
considérant que les acteurs interviennent dans un contexte de crise, ils
reçoivent une formation psycho-sociale en rapport avec
l'éducation et les besoins spécifiques des apprenants en
situation d'urgence. De même, les processus d'apprentissage et les
dispositifs éducatifs sont conçus dans ce registre, pour garantir
une meilleure prise en charge.
336 D. WOLOSCHUK, 2014, « qu'est-ce qu'une éducation
de qualité ?», Perspectives, n° 13, 2014, in https//
perspectives.ctf-fce.ca,
consulté les 20 juin 2018
313
Conclusion de la troisième partie
En somme, en dépit du bon rendement interne des classes
passerelles, différents dysfonctionnements ont été
constatés au niveau de la gouvernance, de la pédagogie et de
l'environnement de la mise en oeuvre du projet école.
Les insuffisances de gouvernance se manifestent soit par
l'inexistence de certains volets importants de la mise en oeuvre, soit par le
retard dans l'exécution d'autres aspects du projet. Ainsi,
l'étude a constaté : le retard de paiement des primes et de
livraison du matériel, l'absence de financement de l'Etat, de cantines
scolaires et de perspective pour les ex-animateurs. On note, également,
l'insuffisance d'archivage et des primes des animateurs. Ces insuffisances ont
démontré les limites organisationnelles du dispositif des classes
passerelles.
Au plan pédagogique, les difficultés
rencontrées concernent, entre autre, la divergence du concept «
classe passerelle » qui a impacté l'organisation des enseignements.
La présence des élèves de 7 et 8 ans parmi leurs
semblables de 9 à 14 ans a perturbé le processus d'apprentissage
accéléré. L'absence d'animateur suppléant a
réduit le temps scolaire. Des disparités d'effectifs entre filles
et garçons en faveurs des garçons ont été
constatées. L'utilisation de la langue maternelle comme outil
d'enseignement, s'est heurtée à l'absence d'étude fiable
dans ce domaine ainsi qu'à l'absence d'un syllabaire de langue
maternelle. La présence de salles de classes inadaptées ont pu
affecter le processus d'apprentissage dans la mesure où elles sont
inutilisables en période d'intempérie. Enfin, l'étude a
relevé, l'insuffisance du temps de formation initiale des
enseignants.
Au plan environnemental, des dysfonctionnements ont
été constatés au niveau des conditions d'intervention des
acteurs du projet, des conditions d'accès à l'éducation en
situation d'urgence, du processus d'apprentissage, de la qualification des
personnels enseignants et la politique éducative en vigueur. Face
à ces insuffisances, les acteurs ont proposé des mesures
palliatives, d'une part, et des actions susceptibles de capitaliser les acquis,
d'autre part, en vue de renforcer le
314
système scolaire conventionnel national, tout en
prenant en compte des axes d'orientation sectorielle du PAMT secteur
éducation/formation 2012/2014.
Ainsi, au niveau de l'axe de la gestion administrative du
système éducatif, l'étude a proposé une
harmonisation des procédures de mise oeuvre des classes passerelles,
davantage de moyens financiers pour les acteurs, un plan de carrière
pour les enseignants et le relèvement du niveau de leurs primes.
Concernant l'axe relatif à l'accès, la rétention et
l'équité en éducation, l'étude a proposé la
généralisation de la politique éducative de maintien des
classes passerelles au système scolaire national. Elle a ensuite
proposé un raccourcissement de la durée du cycle primaire qui de
six à trois ans avec des programmes accélérés
à l'instar des classes passerelles ; toute chose qui nécessite la
révision de l'âge d'accès en cours préparatoires.
Sur le plan administratif, l'étude a, également, proposé
que tout le processus de mise en oeuvre du système éducatif soit
conforme à la politique éducative de maintien. Cela suppose une
révision des méthodes d'enseignement et d'évaluation.
Au niveau de l'axe de la qualité de l'éducation,
l'étude a proposé la vulgarisation des techniques d'encadrement
de proximité des classes passerelles, pour la mise à niveau des
élèves en retard d'apprentissage, dans un souci
d'équité et de relèvement du niveau des acquis scolaires.
Les programmes accélérés sont également pris en
compte dans cette optique. Conformément aux indicateurs de la
qualité, l'étude propose de mettre l'accent sur la
compétence des enseignants, la qualité des outils d'enseignement
et l'environnement scolaire.
Enfin, l'axe relatif au contexte et aux conditions d'exercice,
a permis de développer une stratégie basée sur
l'éducation en situation d'urgence. Cette stratégie s'appuie sur
les normes de l'INEE concernant les personnels d'éducation en situation
d'urgence, le processus d'enseignement, l'environnement d'apprentissage et les
conditions d'interventions. Ces propositions devront permettre le renforcement
de la résilience du système scolaire conventionnel dans un
contexte d'éducation d'urgence.
315
DISCUSSION
316
La section de la discussion fait d'abord le rappel et la
synthèse des résultats. Ensuite, elle montre leur pertinence tout
en les comparant au cadre de référence. Ensuite, elle
apprécie les écarts de cette comparaison ainsi que les limites de
l'étude. Relativement au cadre théorique, la discussion sera
orientée selon quatre axes qui sont :
- la question de l'éducation alternative ;
- la question de l'éducation d'urgence ;
- la question de la réussite scolaire ;
- et la question du renforcement du système
scolaire.
1. Rappel et synthèse des résultats
Les résultats de cette étude sont des
réponses aux trois principales questions de recherche formulées
au départ de nos investigations. Ils correspondent également aux
trois objectifs spécifiques à savoir :
- présenter les différences structurelles et
fonctionnelles entre les classes passerelles et les écoles
conventionnelles ;
- découvrir et analyser les raisons de la mise en
oeuvre des classes passerelles ;
- et montrer les difficultés de fonctionnement des classes
passerelles et proposer des stratégies de renforcement du système
scolaire conventionnel. Le rappel des résultats se fera selon cet ordre
des objectifs spécifiques.
1.1. A propos des différences structurelles et
fonctionnelles des classes passerelles et des écoles
conventionnelles.
La première partie relative aux différences
structurelles et fonctionnelles des classes passerelles et des écoles
conventionnelles a permis d'obtenir les résultats suivants :
- des différences au niveau du contexte de mise en oeuvre
;
- des différences au niveau les acteurs ;
- et des différences au niveau des curricula.
317
Ces résultats révèlent des similitudes et
des différences entre écoles conventionnelles et les classes
passerelles. Cependant, les différences sont plus prononcées et
résident au niveau des contextes de mise en oeuvre, des acteurs et les
curricula. Cela induit des différences structurelles et fonctionnelles,
c'est-à-dire que chaque système est conçu selon une
structure ou une forme qui fonctionne selon un mode défini pour remplir
une mission spécifique.
1.2. A propos des raisons de la mise en oeuvre des classes
passerelles
Les résultats de la deuxième partie relative aux
raisons de la mise en oeuvre
des classes passerelles se présentent en deux sections,
à savoir les limites du sys-
tème scolaire conventionnel et les difficultés
contextuelles ou environnementales.
Les limites du système scolaire conventionnel sont :
- une diminution des budgets de fonctionnement ;
- un faible taux de couverture scolaire national;
- une dégradation de la qualité des services
éducatifs offerts ;
- des disparités de scolarisation ;
- des ressources humaines limitées ou
sous-utilisées ;
- des taux de déperdition élevés ;
- et des acquis scolaires faibles.
Les raisons contextuelles que constituent les deux conflits de
2002 et
2010/2011, se caractérisent par :
- la destruction et la fermeture des infrastructures scolaires
;
- le déplacement des acteurs de l'éducation ;
- le grand nombre d'enfants hors du système scolaire ;
- et l'insuffisance des mécanismes de mitigation.
Nonobstant ce contexte difficile, les classes passerelles ont
enregistré des acquis
qui sont :
- la facilitation de l'accès à l'école ;
- l'extension de la couverture scolaire ;
- l'intégration des élèves à
l'école conventionnelle ;
- la participation communautaire dans le projet école ;
318
- l'enseignement en langue maternelle ; - et des taux de
réussite satisfaisants.
L'étude montre que d'une part, les limites du
système scolaire conventionnel, en conjonction avec des facteurs
contextuels, ont suscité la mise en place des classes passerelles ;
puis, elle présente d'autre part, les résultats obtenus par ces
dernières dans leur mise en oeuvre, comme des solutions aux limites du
système scolaire conventionnel. Ces résultats sont, cependant,
nuancés par le fait que les classes passerelles n'apportent pas de
solution à toutes les difficultés du système
conventionnel.
1.3. A propos des stratégies de renforcement du
système scolaire con-
ventionnel à travers les classes passerelles
Les résultats de la troisième partie relative aux
stratégies de renforcement du
système scolaire ivoirien à travers les classes
passerelles se présentent en deux
volets, à savoir : les difficultés de mise en
oeuvre des classes passerelles et les stra-
tégies les propositions des acteurs.
La mise en oeuvre des classes passerelles a rencontré
trois types de difficul-
tés qui sont:
- les difficultés de gouvernance ;
- les difficultés d'ordre pédagogique ;
- et les difficultés contextuelles.
Ces difficultés constituent les limites des classes
passerelles et amènent les
acteurs du secteur du projet classe passerelle à faire des
propositions de stratégies
de renforcement du système scolaire ivoirien. Ces
stratégies sont reparties en
quatre catégories qui sont :
- le renforcement de la gestion administrative ;
- le renforcement de l'accès, la rétention et
l'équité en éducation ;
- le renforcement de la qualité de l'éducation ;
- et le renforcement contextuel et les conditions d'exercice.
319
Ces résultats constituent des stratégies
susceptibles d'améliorer le fonctionnement des classes passerelles et
celui du système scolaire primaire conventionnel en période
d'accalmie ou d'urgence éducative.
2. Les classes passerelles en tant qu'alternative
éducative et dispositif d'éducation d'urgence en Côte
d'Ivoire
2.1. Les classes passerelles en tant qu'alternatives
éducatives
C'est dans un double contexte de crise
caractérisé par un besoin accru d'éducation, que deux ONG
nommées EPT et NRC, ont lancé le projet des classes passerelles
en zone CNO à partir de 2006. L'objectif principal de ces classes
passerelles est d'encadrer les enfants de 9 à 14 ans, restés hors
du système scolaire afin de les intégrer à l'école
primaire conventionnelle. Ainsi, les classes passerelles se présentent,
dans le cas de la Côte d'Ivoire, comme une alternative éducative
et un dispositif d'éducation d'urgence par leur fonction palliative des
déficits du système scolaire conventionnel et par les contextes
de conflit qui les ont suscitées. Les différences structurelles
et fonctionnelles entre les classes passerelles et les écoles
conventionnelles découlent de ce fait. Ces différences se
traduisent à trois niveaux, à savoir : le contexte de mise en
oeuvre, les acteurs et les curricula.
Cette différence est confirmée par KOFFI et
RAKOTONDRAZAFY (2016) qui définissent la notion d'éducation
alternative comme « toutes les approches pédagogiques qui
diffèrent de la pédagogie traditionnelle. 337»
Selon ces auteurs, ce type d'approche est centré sur l'apprenant afin de
favoriser son autonomie au cours de l'apprentissage. Les classes passerelles
appliquent ce principe à travers l'approche par compétence ou
encore l'hétérogénéité des classes uniques.
Elles tiennent compte, également, de l'intégration de l'apprenant
à son milieu à travers l'enseignement des compétences de
vie ou «life skills»338. Cela inclut l'usage de
la
337 A. KOFFI et J. RAKOTONDRAZAFY, 2016, op. cit., pp.
75-77
338 Life skills : selon le MENET/DPFC, 2014,
l'expression se traduit en français par compétences de vie ou
compétences pour la vie enseigne les techniques de développement
personnel comme la prise de décision ou l'affirmation de soi. Son
ancrage sur des connaissances fiables ainsi que le développement
d'aptitudes spécifiques pour traiter les situations de menaces en vue de
mener une vie saine, s'appuie sur des attitudes responsables. p. 24
320
langue maternelle dans le processus d'apprentissage comme
l'étude le montre pour les classes passerelles EPT. Une approche
pédagogique qu'AHÏDARA (2007) juge « appropriée
339» pour l'éducation alternative. Cette démarche
est aussi qualifiée « d'inclusive et évolutive
340» par MBAYE (2010) car elle intègre tous les besoins
des apprenants et de manière dynamique. Elle a pour avantage, de
constituer, selon KOFFI et RAKOTONDRAZAFY (2016) une réponse aux
problèmes sociaux comme le chômage, la déscolarisation et
les autres besoins immédiats des apprenants.
Relativement à spécificité des acteurs de
l'alternative éducative, les classes passerelles proposent une
combinaison d'acteurs étatiques et non-étatiques travaillant de
concert et permettant « une réappropriation de la fonction
éducative par l'ensemble des acteurs concernés et
impliqués 341», comme le suggère MBAYE (2010).
Cet engagement facilite la prise en compte de besoins socioéconomiques
des apprenants. La spécificité des apprenants constituent aussi
un point d'intérêt pour notre étude. Leur âge
avancé (9 à 14 ans) crée une
hétérogénéité dans la classe unique qui
devient un avantage pour ce type de dispositif comme l'indique STIPEK
(2002)342, les élèves les plus âgés
réussissent mieux par rapport aux plus jeunes même si ces
conclusions méritent d'être nuancées. Selon lui, ces
différences de performances disparaissent progressivement durant le
cursus scolaire. CONNAC (2006) confirme cette thèse en ces termes :
« l'hétérogénéité est un atout pour la
classe et pour les apprentissages de chacun.343 » Ainsi, au
regard des bonnes performances des classes passerelles, l'âge
avancé des apprenants demeure un avantage même si les plus jeunes
élèves (7 ans) sont majoritairement victimes de
l'hétérogénéité des classes comme le montre
notre étude ainsi que les travaux de KOFFI (2009).
339 Y. HAÏDARA, 2007, Education et langue nationales
au Mali. Bamako, Centre de Ressources de l'Education Non formelle,
cité par A. KOFFI et J. RAKOTONDRAZAFY, 2016, op. cit., p.
77
340 M. MBAYE, 2010, op. cit., p. 9.
341 ibidem
342 NIH Public Access, 2007, op. cit., pp. 337-368.
343 ibidem
321
La particularité des curricula des classes passerelles
en tant qu'alternative éducative tient compte de leur finalité
qui est : l'intégration de l'apprenant dans le système
éducatif conventionnel. Ainsi, dans le projet école, l'ONG
recrute le personnel et autorise l'équipe pédagogique à
intervenir. Celle-ci agit à un niveau opérationnel, par la mise
oeuvre du projet école. L'équipe pédagogique assure la
formation des enseignants, leur encadrement, les évaluations,
l'organisation des cours et le choix des contenus. Le projet est
exécuté dans un espace en souffrance d'offre éducative
dans une période de neuf mois. Comparativement au deuxième type
d'alternative éducative à « visée
d'intégration professionnelle 344» évoquée
par KOFFI et RAKOTONDRAZAFY (2006), les classes passerelles présentent
des différences que notre étude n'a pas permis de mettre en
évidence. Toutefois, vu l'âge avancé (14 ans) de certains
apprenants, notre étude suggère, à l'instar des des
travaux de KOFFI (2009), la prise en compte de ce volet professionnel dans la
finalité des classes passerelles en ayant recours aux « centres de
formation professionnelle et de métier 345». Pour ce
faire, une étude impliquant tous les acteurs du secteur est
nécessaire. L'on pourrait déjà s'inspirer des exemples
comme « l'alphabétisation des adolescents, les écoles
communautaires qui sont constituées de centres d'éducation au
développement du Mali, d'écoles d'initiatives locales du Togo et
des écoles communautaires de base du Sénégal », des
modèles cités par KOFFI et RAKOTONDRAZAFY (2006) dans leurs
travaux.
Les points communs à toutes ces alternatives
éducatives sont la spécificité de leurs cibles, l'ancrage
des apprentissages dans le milieu de vie, le développement du
savoir-faire et du savoir-être en mettant l'apprenant au centre du
processus d'apprentissage.
2.2. Les classes passerelles en tant que dispositifs
d'éducation d'urgence
344 A. KOFFI et J. RAKOTONDRAZAFY, 2016, op.cit., pp.
78-80
345 K. I. KOFFI, 2009, « Analyse du résultat scolaire
des élèves de CE2 du primaire public : cas des classes
passerelles de la zone centre de la Côte d'Ivoire »,
EDUCI/ROCARE, Afr educ dev issues, n°2, 2010, Special JRECI
2006 and 2009, pp.279-294
322
Les situations de conflits qui ont suscité la mise en
oeuvre des classes passerelles, en l'occurrence la guerre de 2002 et la crise
post-électorale de 2010/2011, font d'elles un dispositif
d'éducation d'urgence. Cela est conforme à la perception de INEE
(2004) selon laquelle, les cas d'urgence complexes sont des situations
créées par l'homme et résultant souvent « de conflits
et de troubles civils 346» qui peuvent être
aggravées par une catastrophe naturelle. Selon STORTI (2004), la
particularité de ces situations est due au fait qu'elles «
échappent au fonctionnement ordinaire, qu'il s'agisse de catastrophes
naturelles ou de conflits. 347» Ce sont des situations
variables qui ont, néanmoins, pour point commun, la destruction ou la
fermeture des infrastructures éducatives ainsi que le déplacement
des acteurs de l'école.
La variabilité de ces situations constitue un obstacle
à l'intervention des acteurs de l'éducation dans la mesure
où chaque situation représente un cas particulier, comme
l'indique STORTI (2004). En outre, ces difficultés interrogent sur la
résilience du système éducatif national. Cette
résilience s'apprécie, à travers les mécanismes de
mitigation, qui régissent le système scolaire. Dans le cas
échéant, Le RESEN 2016 ressort que « la résilience du
système scolaire ivoirien repose davantage sur des mécanismes de
mitigation ponctuels que sur le cadre stratégique et institutionnel de
gestion des risques, qui est incomplet et peu opérationnel.
348» En effet, lors des deux crises, ce sont des actions
ponctuelles qui ont été initiées par différents
acteurs en réponse au déplacement de la population scolaire et
à la fermeture des écoles. Le dispositif des classes passerelles
s'inscrit dans le cadre de ces initiatives ponctuelles. Les difficultés
rencontrées par ce dispositif découlent, ainsi, des circonstances
de sa mise en oeuvre.
Relativement à la mitigation, on note qu'une
série de mesures ont été prises de 1979 à 2011. Il
s'agit notamment de :
346INEE, 2004, op. cit., pp.7-8
347 M. STORTI, 2004, op. cit. p. 10
348 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 230
323
- l'organisation du plan de secours (ORSEC) en cas de
catastrophe à l'échelle nationale, selon le décret
n°79-643 du 8 août 1979 ;
- la définition de plans sectoriels d'urgence en cas
d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, selon le décret
n°98-505 du 6 septembre 1998 ;
- l'installation en 2007 d'un Comité
interministériel sur la réduction des risques de catastrophe
(RRC), composé de 50 points focaux ;
- l'élaboration d'une stratégie nationale de
gestion des risques de catastrophe, assortie d'un plan d'action en 2011 ;
- la création de la Commission Dialogue,
Vérité et Réconciliation (CDVR) par l'ordonnance
n°2011-167 du 13 juillet 2011.
Toutefois, lesdites mesures sont globales et focalisées
sur la gestion des catastrophes naturelles. En outre, leur application
rencontre des difficultés. A cet égard, le RESEN 2016 les jugent
insuffisantes. Ce n'est qu'en 2012, c'est-à-dire après les
conflits, qu'une plateforme nationale pour la réduction des risques de
conflit, a été mise en place. Elle est directement
rattachée à la primature pour plus d'efficacité.
Malgré ces efforts, ces dispositions n'intègrent pas un plan de
contingence ou de réduction des risques propre au MENET. Des efforts
restent à faire pour l'adoption d'une véritable stratégie
d'éducation d'urgence. Dans cette démarche, l'on pourrait
s'inspirer des approches suggérées par LANOUE (2006) à
savoir « l'approche urgentiste et l'approche analytique.349
» Le cadre règlemen-taire du projet sphère peut
également servir de modèle, en association avec les normes
d'intervention de l'INEE.
En effet l'approche analytique de LANOUE, dans sa logique de
prévention pourrait aider à empêcher la survenue des
conflits. Si elle ne parvenait pas à éviter les conflits en
amont, son approche urgentiste, qui se consacre uniquement, à la
promotion de l'aide humanitaire, pourrait prendre le relais. L'apport du projet
sphère peut, également, être appréciable dans cette
approche dans la mesure où celui-ci fixe les normes d'intervention selon
les besoins des personnes affectées
349 E. LANOUE, 2006, op. cit., pp. 9-12
324
en eau, assainissement, nutrition, nourriture, abris et soins
médicaux. Ces cinq domaines constituent les besoins primaires et
pourrait être renforcés par les normes d'éducation
d'urgence élaborées par l'INEE. En effet, c'est à partir
de 2003 l'INEE formalise l'éducation d'urgence, jadis
considérée comme une simple action humanitaire, en fixant les
normes relatives aux domaines suivants :
- les conditions d'intervention des équipes humanitaires
;
- les conditions d'accès à l'éducation en
situation d'urgence ;
- l'environnement d'apprentissage ;
- la qualification des personnels enseignants ;
- la politique éducative ;
- et le processus d'apprentissage.
La prise en compte de ces normes dans l'élaboration
d'une stratégie globale de résilience scolaire devrait assurer un
meilleur fonctionnement du système scolaire en situation d'urgence.
3. Les classes passerelles en tant que catalyseurs de
la réussite scolaire
L'analyse des raisons de la mise en oeuvre des classes
passerelles a permis de comprendre que celles-ci apportent des réponses
aux dysfonctionnements du système scolaire conventionnel. Parmi ces
réponses, on note la question de la réussite scolaire qui
dépend de facteurs multiples. Partant de l'hypothèse de
départ selon laquelle les facteurs pédagogiques seraient les plus
déterminants dans l'efficacité des classes passerelles. L'analyse
des facteurs explicatifs de cette réussite a, plutôt, permis de
retenir les facteurs organisationnels comme les plus influents. Ils sont
associés aux facteurs pédagogiques et individuels ainsi
qu'à une catégorie de facteurs secondaires comme le contexte de
scolarisation, la politique éducative et l'origine
socioéconomique des apprenants. Cette section discute de la pertinence
de ces facteurs pour les classes passerelles et le système
éducatif convention.
325
3.1. De l'influence des facteurs organisationnels
Les facteurs organisationnels sont constitués des
variables : «participation communautaire», « gestion du
projet» et « mise en oeuvre du projet». En effet, la mise en
place du projet obéit à une procédure qui allie la
participation communautaire, celle des acteurs étatiques et celle des
ONG. C'est une démarche participative qui met à contribution
toutes les expertises locales disponibles et suscite le consensus autour du
projet école. Une telle démarche, selon les promoteurs, «
s'avère être une nécessité absolue pour la
réussite du projet quand on considère le contexte de sa mise en
oeuvre ».
Le dispositif des classes passerelles est issu d'une situation
difficile de scolarisation et d'une crise socioéconomique
héritée de la guerre de 2002 et de la crise
post-électorale de 2010/2011 en Côte d'Ivoire. Dans un tel
contexte, les promoteurs devaient d'abord convaincre les communautés de
la nécessité de scolariser leurs enfants. Dans cette
lancée, ils devaient aussi avoir l'appui des autorités
étatiques pour crédibiliser leur action vis-à-vis des
communautés villageoises et celles des quartiers
bénéficiaires du projet. Dans l'organisation mise en place par
l'ONG EPT, on constate que la communauté est au début, au milieu
et à la fin du processus. C'est la mobilisation totale des
communautés bénéficiaires.
La gestion du projet école par les promoteurs
obéit à un organigramme de fonctionnement. Cela dénote
d'une rigueur de gestion qui permet à chaque acteur de savoir la
tâche qui lui est dévolue. On constate dans le cycle
d'exécution du projet, un volet de supervision qui permet de corriger
les imperfections. Cette supervision est assurée par l'équipe
pédagogique mise en place par les promoteurs. Les promoteurs EPT
expliquent que « les supervisions sont assurées par le superviseur
de zone et de manière périodique avec l'appui d'une équipe
pédagogique pilotée par un coordinateur de zone. »
Par ailleurs, comparativement aux travaux antérieurs,
la prééminence des facteurs organisationnels se justifie au
regard de la thèse d'ANY-GBAYERE
326
(1998) qui privilégie le « modèle
participatif 350» dans la gestion d'une organisation. En
plaçant la communauté au centre de la gestion, le projet des
classes passerelles s'inscrit dans la logique de l'Agence de Coopération
Culturelle et Technique (ACCT) et de la Banque Mondiale qui recommandent «
la participation communautaire locale comme solution à la mauvaise
gestion d'une organisation. 351»
La prééminence des facteurs organisationnels
montre également qu'il existe un « effet établissement qui
relève de l'organisation interne des établissements scolaires
352» et susceptible d'influencer la réussite des
apprenants. Dans le cas échéant, cet « effet
établissement » s'avère être bénéfique
pour la majorité des élèves des classes passerelles.
Toutefois, l'existence de déperdition (1% à 27%) signifie que cet
« effet établissement » impacte négativement une
proportion minoritaire des apprenants. Cela représente un atout pour les
classes passerelles et le système scolaire conventionnel pourrait s'en
inspirer.
3.1.1. De l'influence de la participation
communautaire
La variable «participation communautaire», selon la
mesure des attitudes effectué dans le cadre de notre étude,
représente 14,02 % des déterminants de la performance des
élèves des classes passerelles Elle se situe à trois
niveaux : avant le projet, pendant le projet et après le projet. A tous
les niveaux, une tâche particulière est exécutée par
la communauté. Au début, elle participe à la mise en
place. Au cours du projet, elle assure la gestion du cadre scolaire et
après le projet, elle crée les conditions de la
pérennisation de l'école. Cette démarche permet aux
parents d'élèves d'être des acteurs du projet école
à tous les niveaux.
Pour formaliser la participation communautaire, un plan
d'action communautaire a été adopté par les promoteurs
à la suite des projets pilotes. Ce plan responsabilise la
communauté dans les questions de sécurité et de
pérennisation des
350 S. ANY-GBAYARE, 1998, op. cit., pp. 69 -70
351 MEN Sénégal et AFD, 2012, op. cit., p.
10
352 A. LEGER, 2002, op. cit. pp., 9 -10
327
classes passerelles et la mobilisation des ressources. Il
permet, également, aux communautés d'avoir un cahier de charge
précis qui les rend plus efficaces. Cette approche de gouvernance est
conforme au référentiel régional des projets
d'école élaboré en 2011 par l'AFD et les experts
africains. Ce référentiel recommande « la prise de mesures
visant à faciliter la participation communautaire, l'élaboration
de plans d'actions conformes aux capacités internes de la
communauté et l'incitation des communautés à proposer des
actions qui n'exigent pas nécessairement, la mobilisation de ressources
financières.353»
En somme, à travers la mobilisation communautaire, les
enfants trouvent des raisons d'être à l'école et les
enseignants sont dans des conditions acceptables d'exercice qui leur facilitent
la pratique pédagogique. Toutefois, la limite de cette démarche
communautaire est l'inorganisation, le manque de ressource et les conflits au
saint de la communauté. Notre étude ne nous a pas permis de
déceler ces cas particuliers.
3.1.2. De l'influence de la gestion du projet
école
La variable «gestion du projet», selon notre
étude, représente 12,89 % des déterminants de la
performance des élèves des classes passerelles. Ce dispositif
repose sur le mode de gestion participative. Cette approche implique aussi bien
des acteurs étatiques que les acteurs non étatiques.
Pour les acteurs non étatiques, les classes passerelles
sont conçues et mises en oeuvre par les organisations non
gouvernementales EPT et NRC avec l'appui financier d'autres partenaires
internationaux. Ces organisations proposent une offre alternative
d'éducation face aux limites de l'Etat à faire face à la
forte demande de scolarisation. La gestion du projet se fait par une
équipe de pilotage du projet qui est autonome vis-à-vis du
fonctionnement de l'ONG promotrice. Les actions des différents
gestionnaires du projet sont coordonnées au sein du bureau du projet.
353 MEN du Sénégal et AFD, 2002, op. cit.,
pp. 11-12
328
L'étude révèle l'existence de plusieurs
postes de responsabilité dans la chaîne de commandement aussi bien
au niveau de l'organisation promotrice des classes passerelles qu'au niveau du
projet lui-même. C'est ainsi que dans l'exécution du projet des
classes passerelles, interviennent les promoteurs, les coordonnateurs, les
superviseurs, les animateurs, la communauté villageoise ou celles issues
des quartiers bénéficiaires. Chacune des entités a un
rôle spécifique dans la hiérarchisation des tâches.
Les animateurs sont un élément-clé du fonctionnement car
ils interviennent à un niveau opérationnel en exécutant le
programme scolaire.
Par ailleurs, notre étude documentaire
et des entretiens révèlent l'existence d'un plan d'action avec un
chronogramme précis. Il permet aux promoteurs de prévoir les
activités et de mobiliser les ressources selon un calendrier
préétabli. Cette démarche contribue ainsi, à
l'efficacité des classes passerelles. Les acteurs étatiques sont
associés à la mise en oeuvre du projet à travers les
directions régionales du MEN, plus précisément les IEP. En
somme, le mode de gestion participative a permis de mobiliser les
compétences nécessaires à la réalisation du projet
école.
La prééminence de la variable «gestion du
projet» conforte la théorie des parties prenantes d'EVAN et FREEMAN
(1983). Dans leur vision, l'école doit être perçue comme
« une organisation qui doit satisfaire les besoins des usagers
354» à savoir : les élèves, les parents,
les enseignants, l'administration et les partenaires techniques et financiers.
La théorie des parties prenantes s'inscrit dans le cadre de la
responsabilité sociale des entreprises alliant l'éthique et la
gestion dans une dynamique de négociation dans un esprit d'ouverture. La
gestion et « l'atteinte des objectifs 355» de
l'école se trouvent, ainsi « affectés 356»
par ses acteurs, conformément à la perception des parties
prenantes selon FREEMAN.
354 W. EVAN et E. FREEMAN, 1983, op. cit., p. 75-84
355 D. CAZAL, 2011, op. cit.
356 ibidem
329
Cet effet est qualifié « d'effet
établissement » par LEGER (2002). Il s'agit de « l'effet
propre de l'organisation interne de l'école sur la performance ou la
réussite de l'élève (...) 357». Cet avis
est partagé par GAUTHIER (2006)358. Cet « effet
établissement » nous est apparu significatif dans le cas des
classes passerelles au regard de leur performances supérieures à
celles de écoles conventionnelles.
3.1.3. De l'influence de la mise en place du
projet
Selon notre étude, la variable «mise en place du
projet» représente 11,78 % des déterminants de la
performance des élèves des classes passerelles. La
procédure de mise en place obéit à des normes relatives
à la situation géographique, la distance, le nombre de population
scolarisable et le critère genre.
En effet, au niveau de la situation géographique, le
ciblage des localités en manque d'infrastructures éducatives et
celles regorgeant une grande quantité d'enfants en marge du
système scolaire permet aux classes passerelles, de rendre
l'éducation accessible au maximum d'enfants. Par ce fait, elles
contribuent à l'extension de la couverture scolaire nationale.
Le critère distance s'applique dans le cas des classes
passerelles EPT. Ainsi, peuvent bénéficier de la classe
passerelle, les localités distantes d'une école conventionnelle
de plus de 7 km. L'étude montre que ce critère a
été respecté dans 70% des cas. La distance moyenne entre
les sites passerelles et l'école conventionnelle la plus proche est
estimée à 22,22 km. Les promoteurs expliquent que : «
l'objectif du critère distance, en général, est de
prioriser une localité par rapport à l'autre, étant
donnée l'insuffisance des ressources pour faire face à toutes les
demandes. »
Les effectifs des classes sont modulés par le nombre de
population scolari-sable. Le projet prend en compte au moins 30 hors du
système scolaire dans la
357 A. LEGER, 2002, op. cit., pp. 9-10
358 C. GAUTHIER, 2006, op. cit., pp. 10-11
330
localité. L'âge de ces enfants doit être
compris entre 9 et 13 ans ; cela, pour permettre aux enfants d'avoir
accès au CM2, au plus tard, à 15 ans. Le respect des
critères de recrutement des élèves est capital pour le bon
fonctionnement des classes. Cela s'est avéré juste dans le cas du
village de Mamoya (Oddienne) qui a proposé des élèves plus
jeunes que l'âge requis. Les résultats scolaires ont
été les plus bas dans cette localité. Le respect des
critères a pour avantage de mobiliser tous les acteurs autour du projet
école pour sa réussite.
Mis en rapport avec le fonctionnement du système
scolaire conventionnel, le sujet des critères de mise en place rappelle
certains dysfonctionnements relevés par le RESEN 2016. Il s'agit
notamment, des disparités de scolarisation régionales et de sexe,
ainsi que l'éloignement des écoles des lieux de résidence
des apprenants. En effet, selon le RESEN (2016), au niveau de la
répartition des infrastructures scolaires une différence
fondamentale existe entre le Nord et l'ouest et les autres régions du
pays. C'est ainsi « qu'au niveau national, il existe une école
primaire tous les 2,8 km en moyenne, [alors que dans] les régions du
Nord et de l'Ouest du pays, près de la frontière avec le Liberia,
les écoles primaires sont séparées par une distance
moyenne de 4 km. 359 » Les 22 km de moyenne de distance inter-école
des classes passerelles confirment, d'une part, l'existence des
disparités de scolarisation entre les zones rurales et urbaines, d'autre
part, Cela montre que la situation s'est améliorée entre 2009 et
2014. Le critère genre trouve sa pertinence dans le constat fait par
l'ENSETE de 2013, selon lequel : « outre les problèmes financiers,
qui entravent de manière similaire la scolarisation des filles que celle
des garçons (42 % des cas), les tâches ménagères
sont particulièrement pénalisantes pour les filles, étant
mises en avant dans 6 % des cas (...)360. » Dès lors, il
devient impératif pour le système éducatif de faire une
discrimination de scolarisation positive en faveur des filles. Malgré
cette approche genre de recrutement, notre étude révèle
que les filles représentent 42% des effectifs des classes passerelles.
Cela signifie que des obstacles existent toujours dans l'application de
359 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp.10-11
360 ibidem
331
cette disposition. En conséquence, Il est souhaitable
d'approfondir les recherches sur les raisons de cette disparité comme
suggéré par le RESEN 2016.
3.2. De l'influence des facteurs pédagogiques et
individuels
Les facteurs pédagogiques (méthode
d'enseignement, programme scolaire et qualification des enseignants) ont le
même niveau d'influence que les facteurs individuels (passé
scolaire des élèves, âge des élèves et
motivation). Cela signifie qu'il existe un lien étroit entre la
réussite des activités pédagogiques de l'enseignant et la
personnalité des apprenants.
Le lien étroit entre les facteurs pédagogiques
et individuels suggère la nécessité de l'adaptation des
programmes scolaires et des pratiques pédagogiques à la
personnalité et l'environnement des apprenants comme indiqué par
Ki-ZERBO en 1972 et réaffirmé par GIMENO dans ces travaux de
1984. Selon les promoteurs, « cette nécessité d'adaptation
est une réalité dans la mise en oeuvre des classes passerelles
». Cette logique sous-tend la prise en compte dans le programme scolaire,
des mesures adoptées par les classes passerelles comme : les
activités socioculturelles, l'enseignement des compétences de vie
(life skills), le réajustement des contenus au niveau de la
classe, l'affectation des enfants dans des niveaux de classe selon leur
passé scolaire et leur âge, ainsi que la tenue des cours de
soutien pédagogique pour les élèves en difficulté
d'apprentissage.
3.2.1. De l'influence de
l'hétérogénéité de l'âge des
apprenants
Une analyse comparative des moyennes selon l'âge, au
moyen du test de variance n'a pas permis d'établir une différence
significative entre les plus jeunes élèves et les plus
âgés. Ce résultat signifie que tous les
élèves, indépendamment de leur âge, ont des niveaux
de réussite assez proches. Cette bonne performance de l'ensemble des
élèves pourrait s'expliquer par la thèse de CONNAC (2006)
qui affirme que l'autonomie que développe chaque apprenant en situation
de « classe unique multi-âge est un facteur d'amélioration
des résultats scolaires. 361» Selon
361 S. CONNAC, 2006, op. cit.
332
cet auteur, c'est une autonomie générée
par le refus de catégoriser les apprenants selon leur âge. Selon
lui, l'amélioration des performances scolaire est liée à
« l'hétérogénéité et l'amplitude
élevé 362» de l'âge des apprenants. En
d'autres termes, plus la différence inter-âge est grande, plus les
performances sont s'améliorent.
Il convient de relever qu'effectivement, les
élèves des classes passerelles ont l'âge qui varie de 7
à 14 ans, soit une amplitude d'âge de 1 à 7 ans qui varie
de 1 à 7 points. Si nos résultats confirment que nous sommes
effectivement dans une situation «
d'hétérogénéité d'âge » comme
suggéré par CONNAC (2006), toutefois, ils ne permettent,
cependant pas, de confirmer que les performances des élèves sont
liées à ce seul facteur. La vérification d'une telle
thèse nécessiterait l'analyse comparée des classes
passerelles à effectifs hétérogènes et des classes
ayant des effectifs plus homogènes. Au regard de l'approche de la
pédagogie différenciée qui admet qu'une classe n'est
jamais totalement homogène du fait que les apprenants ont des
personnalités différentes, on peut admettre que
l'hétérogénéité est inhérente
à la structure de la classe. Son effet positif ou négatif sur les
performances dépend des facteurs comme la gestion de la classe, la
qualification de l'enseignant, la méthode d'enseignement et des facteurs
multiples, de manière hiérarchisée, comme relevé
par le cadre théorique.
Une analyse approfondie de nos résultats permet de
s'interroger sur le seuil de différenciation significative dans la
corrélation entre l'âge et la performance scolaire des
élèves des classes passerelles. Plusieurs chercheurs ont
fixé ce seuil à 2 ans de différence inter-âge (entre
les élèves de 5 et 7 ans) lorsque les enfants sont issus des
milieux favorisés uniquement. A la différence de cette
thèse, nos résultats portent sur des élèves issus
exclusivement des milieux défavorisés dont l'âge est
compris entre 7 et 14 ans. Cela nous permet d'affirmer que
l'hétérogénéité de l'âge dans classes
passerelles, avec des élèves scolarisés tardivement et
issus de milieu socioéconomique défavorisé, permet
d'obtenir aussi des
362 S. CONNAC, 2006, op. cit.
333
performances améliorées, à l'instar du
cas des apprenants issus de milieu favorisé. Ce constat, s'il ne
s'oppose pas à la thèse sociologique classique selon laquelle
l'origine socioéconomique serait le facteur déterminant de la
réussite scolaire, il permet, néanmoins, de minimiser l'influence
dudit facteur, conformément au modèle de « l'avantage
stratégique 363» suggéré par MEURET et
MORLAIX (2006).
Par ailleurs, comparativement à la thèse de
GBATI (2007) selon laquelle les scolarisés tardifs et précoces
réalisaient les plus faibles performances face à leurs
compères en âge normal officiel, nos résultats prouvent
plutôt une quasi homogénéité de performance pour
tous les élèves, indépendamment de leur âge. En
effet, le programme des classes passerelles est fait exclusivement pour les
scolarisés tardifs. Il serait inadapté à des
élèves scolarisés selon l'âge officiel de 6 ans. Les
performances les plus faibles enregistrés en évaluation en langue
maternelle par les élèves de 7 ans en est une parfaite
illustration. Toutefois, le fait que certains élèves plus
âgés enregistrent aussi, des performances faibles, à
l'instar des plus jeunes, permet de conclure que le facteur âge, bien que
contribuant à la réussite scolaire, ne suffit pas à
justifier l'échec des apprenants. D'autres facteurs pourraient
intervenir comme déjà mentionné ci-haut.
3.2.2. De l'influence du programme scolaire
accéléré des classes passerelles
La mise en oeuvre efficace des programmes scolaires des
classes passerelles montre leur capacité d'adaptation aux apprenants et
au contexte d'apprentissage, conformément à la thèse de
PERRENOUD (1989), selon laquelle la réussite scolaire exige « des
contenus et des programmes convenables au statut des apprenants en termes de
niveau et d'âge. 364» Ce programme scolaire adapté
qui intègre les compétences de vie (life skills,
participe au maintien des enfants dans les classes puisqu'il les motive en les
imprégnant dans leur environnement socioculturel. Cependant, il convient
de relever l'existence de déperditions qui pourrait
363 D. MEURET et S. MORLAIX, 2006, op. cit., pp.
49-79
364 Ph. PERRENOUD, 1989, « La triple fabrication de
l'échec scolaire », Psychologie française, n°
34/4, pp. 237-245.
334
traduire l'inadaptation des programmes
accélérés à certains apprenants. La pertinence et
la réussite du programme accéléré prouvent d'une
part, qu'il est possible de réduire le cursus scolaire primaire
conventionnel de six à trois ans et d'autre part, elles montrent la
nécessité de réviser les programmes scolaires de
l'école conventionnelle en les circonscrivant au strict
nécessaire pour l'apprenant. C'est à juste titre qu'un parent
d'élève faisait la remarque suivante : « nos enfants
apprennent beaucoup, mais ils retienne peu. Pourquoi ne pas leur enseigner peu
de chose ? »
Abordant la question des programmes scolaires en Afrique, la
littérature relève « l'inadéquation et le manque de
pertinence des contenus enseignés.365 » Il y a aussi
leur « caractère encyclopédique 366» qui
empêche l'autonomie de l'enseignant. Ces insuffisances seraient à
l'origine de la démotivation des apprenants. Dans la même veine,
PERRENOUD (1989) rend « le choix des contenus inappropriés et les
programmes surchargés 367 » responsables de l'échec
scolaire. Notre étude montre bien que les classes passerelles ont
réussi à motiver leurs apprenants à travers l'approche par
compétence et les compétences de vie qui permettent l'ancrage de
l'apprenant dans son milieu de vie. Il est même fait recours à
leur langue maternelle pour rendre les contenus plus accessibles et pertinents.
En termes de programme, il convient de prendre en compte la standardisation des
contenus et des évaluations comme suggéré par GRISEY
(1987). C'est une démarche qui peut « modifier positivement la
carrière scolaire de bon nombre d'élèves.
368» Compte tenu de son importance, c'est à juste titre
et WANG et al (1994) désigne la planification du programme scolaire
comme un déterminant de la réussite scolaire. Dans le cas des
classes passerelles, elle constitue également un facteur d'influence sur
les résultats scolaires et la consolidation des acquis scolaires.
Nonobstant ces effets positifs observés des programmes
accélérés des classes passerelles, leur prise en compte
dans le système scolaire conventionnel
365 J. B. GIMENO, 1984, op. cit., p. 54
366 ibidem
367 Ph. PERRENOUD, 1989, op. cit., pp. 237-245.
368A. GRISAY, 1987, op. cit., pp. 235-265.
335
nécessite leur application à des cohortes de
d'élèves pour vérifier leur impact à grande
échelle.
3.2.3. De l'influence de la langue maternelle
L'étude a permis de montrer l'influence de
l'enseignement en langue maternelle (langue 1) sur le français (langue
2) dans les classes passerelles. Ces résultats justifient le choix du
bilinguisme opéré par le promoteur EPT au plan
pédagogique. Un choix motivé par bon nombre de travaux de
chercheurs dans le domaine de la psychopédagogie et de la
linguistique.
En effet, dans le contexte des pays du Tiers Monde, notamment
des pays africains, qui ont hérité de la colonisation, « une
langue officielle », la question de l'utilisation des langues
maternelles, comme médium d'enseignement, devient pertinente. Cela est
dû au fait que ces langues représentent « un enjeu
stratégique pour la mobilisation internationale en faveur de la
scolarisation primaire universelle dans le double contexte des OMD et de l'EPT
369», comme le relèvent OUANE et GLANTZ (2010). Dans un
contexte d'éducation alternative ou d'urgence qui exige une
réadaptation de l'éducation au milieu socio-culturel et
économique, AHÏDARA (2007) estime que « l'usage des langues
maternelles des apprenants dans le processus d'apprentissage constitue un moyen
approprié. 370» Compte tenu de son importance dans le processus
d'apprentissage, le PISA 2006 montre que la mauvaise maîtrise de la
langue officielle, par les enseignants et les élèves, constitue
une cause de l'échec scolaire dans les systèmes éducatifs
restés longtemps axés sur la langue étrangère.
Ainsi, « les acteurs de l'éducation tentent de corriger cette
insuffisance avec une politique d'enseignement favorisant le bilinguisme.
371»
Concernant les avantages d'une éducation bilingue ou
multilingue, l'association SOROSORO (2011) indique que les apprenants ont des
facilités dans
369 A. OUANE et C. GLANTZ, 2010, Pourquoi et comment
l'Afrique doit investir dans les langues africaines et l'enseignement
multilingue, Hambourg, Institut de l'Unesco pour l'apprentissage tout au
long de la vie, p. 11
370 Y. HAÏDARA, 2007, op. cit., p. 77
371 PISA, 2006, Langues de scolarisation : vers un cadre pour
l'Europe, Strasbourg, PISA, p. 10
336
l'acquisition du savoir lorsqu'ils ont reçu « un
premier enseignement dans leur langue maternelle 372». De
même, ces apprenants montrent plus d'aptitude à apprendre une
deuxième langue par rapport à ceux qui sont directement
confrontés à « une langue qui ne leur était pas
familière. 373» La question du lien entre l'enseignement
des langues maternelles et le français permet de vérifier s'il
existe une possibilité de transfert des compétences linguistiques
construites d'une langue à l'autre. C'est l'avis de LASCOLAF qui,
à travers son rapport de 2010, relève que « les
expériences des pays subsahariens montrent, de manière
générale, que ce transfert existe même s'il est quelques
fois fait de manière implicite sans que les enseignants ne soient
capables de le mettre en évidence. 374» C'est
également, ce lien qui permet, aux Centres « Banma Nura »
(CBN) du Burkina Faso, de raccourcir la scolarité d'un an en
faisant une comparaison de langue pour dénouer les situations difficiles
pour les élèves. Pour MAURER et al (2010) la mise en
évidence de ce lien et son utilisation visant à « optimiser
la présence des deux langues 375» méritent une
étude approfondie dans un système bilingue. Notre étude
est en phase avec cette conclusion car beaucoup de questions comme le
syllabaire de langue maternelle et le niveau de maitrise de la langue par les
enseignants ne sont pas élucidés.
Pour un système d'enseignement basé sur une
langue étrangère comme celui de la Côte d'Ivoire, trois
axes de réflexion découlent de ce qui précède,
à savoir : l'intégration des langues maternelles dans
l'enseignement, le choix de sa mise en oeuvre et la prise en compte des
difficultés de sa mise en oeuvre. Il est opportun pour les acteurs des
systèmes scolaires basés sur une langue étrangère,
d'adhérer à cette pratique pédagogique susceptible de
faciliter et d'améliorer l'enseignement. De manière
spécifique, ladite pratique doit inspirer positivement le système
scolaire ivoirien. Sa prise en compte exige son intégration dans un
processus pédago-
372 Sorosoro, 2011, « Pourquoi sauver les langues »
in http//
www.sorosoro.org/les
langues-en-danger/pourquoi-sauver-les-langues, Consulté le 10
décembre 2011.
373 ibidem
374 LASCOLAF, 2010, « Langues de scolarisation en Afrique
francophone : état des lieux et perspectives » in
https://www.francophonie.org/Langues-de-scolarisation-en.html,
consulté le
375 B. MAURER et al, 2010, op. cit., p. 15
337
gique global qui aurait pour objectif, d'apporter des
solutions durables à la question de l'efficacité du
système scolaire ivoirien. Cette démarche nécessite une
série d'études afin d'en déterminer les conditions de mise
en oeuvre, dans un contexte où les langues maternelles des apprenants
sont diverses. A ce niveau, le projet pilote « école
intégrée » initié par le MEN depuis quelques
années mérite d'être développé davantage.
3.2.4. De l'influence de la qualification du personnel
d'éducation
L'étude montre l'apport de la qualification du
personnel des classes passerelles sur la réussite des apprenants. Cet
aspect est relevé par GAUTHIER et DEMBELE (2004) en ces termes : «
il faut mettre l'accent sur les conditions optimales d'apprentissage, parmi
lesquelles, la compétence de l'enseignant car le rôle de celui-ci
est capital dans la réussite scolaire. 376» L'enseignant
compétent est encore qualifié de « bon enseignant
377» par COLEMAN et al (1966). Pour ceux-ci, le bon enseignant
a indéniablement une influence sur la réussite scolaire.
En termes de niveau de qualification pédagogique, les
animateurs des classes passerelles sont moins nantis que les enseignants des
écoles conventionnelles. Leurs animateurs sont recrutés avec un
niveau adéquat, c'est-à-dire avec le Brevet d'étude du
premier cycle (BEPC), mais ils ne bénéficient que d'une formation
pédagogique accélérée de 10 à 15 jours.
Quant aux instituteurs adjoints des écoles conventionnelles qui ont le
même diplôme, ils font une formation de deux ans. Pourtant, en
considérant la mission assignée aux classes passerelles, à
savoir l'encadrement des classes multi-âges avec une compression de
programme, les animateurs devraient disposer davantage de savoir-faire,
notamment en matière de gestion des classes à profil
spécifique. En instituant le suivi pédagogique en termes de
formation continue, les promoteurs espèrent pallier les insuffisances
liées à la durée de la formation et consolider les acquis
pédagogiques.
376 C. GAUTHIER et M. DEMBELE, 2004, op. cit, p. 1
377 J. S. COLEMAN et al, 1966, cité par C. GAUTHIER et M.
DEMBELE, 2004, op. cit., p. 2
338
3.3. De la résilience scolaire
La réussite des apprenants des classes passerelles peut
être analysée dans une perspective psycho-sociale. Il s'agit de
s'interroger sur la capacité de résilience des apprenants dans
une situation d'urgence. La résilience scolaire peut être
considérée comme « la capacité d'atteindre une
adaptation fonctionnelle malgré des circonstances adverses ou
menaçantes. 378» Elle se définit aussi comme le
fait que « face au risque d'inadaptation scolaire, certains
élèves exposés, d'emblée, à l'échec
scolaire, s'en sortent finalement contre toute attente 379»,
les travaux de LAROSE et al (2001) permettent d'en avoir une meilleure
compréhension à travers les trois types de résilience
qu'ils proposent, à savoir : « les modèles compensatoires,
les modèles de protection et les modèles de défi.
380».
A travers le «modèle compensatoire», les
caractéristiques personnelles ou familiales de l'enfant lui permettent
de « compenser les situations adverses de son
environnement.381» En d'autres termes, le facteur de risque est
annihilé par le facteur de protection. Dans le «modèle de
protection», c'est l'interaction entre « les facteurs de risque et de
protection382 » qui a un effet sur l'adaptation. Enfin, dans le
«modèle défi» « le facteur de risque engendre le
stress dont les effets sont positifs sur l'adaptation scolaire, en ce sens que
l'enfant utilise les compétences acquises pour réagir
positivement dans des situations ultérieures. 383»
Au regard de la réussite scolaire des apprenant des
classes passerelles, face à la crise scolaire et environnementale,
l'étude nous permet d'affirmer que nous sommes en présence d'un
cas de résilience scolaire qui s'explique par la procédure de
mise en oeuvre du dispositif des classes passerelles, la motivation des
apprenants et des acteurs. Au niveau de la procédure de mise en oeuvre,
toutes les mesures utiles sont prises pour affronter les obstacles à la
scolarisation des enfants. Cela se traduit par des missions de prospection, des
concertations avec les
378 A. S. MASTEN et al, 1990, op. cit., pp. 425-444.
Traduit par F. LAROSE et al, 2001.
379 F. LAROSE et al, 2001, op. cit., pp. 151-180
380 N. GARMEZY et al, 1984, op. cit., p. 55, 97-111, traduit par
F. LAROSE et al, 2001.
381 ibidem
382 N. GARMEZY et al, 1984, op. cit., p. 55, 97-111, traduit par
F. LAROSE et al, 2001, p. 111
383 ibidem
339
populations locales et la prise en compte des
compétences de vie dans l'exécution du programme scolaire. En
impliquant, ainsi, la communauté locale, les facteurs de risques qui
sont le contexte de conflit et le manque de ressources, sont minimisés
de sorte à permettre aux enfants de réaliser de bonnes
performances. Cela pourrait correspondre au modèle compensatoire
évoqué par GARMERY (1984) ainsi LAROSE et al (2001).
L'étude a montré que l'accompagnement des
parents et leur implication dans la gestion quotidienne des classes
passerelles, constituent une source de motivation pour les enfants et les
animateurs. VIANIN (2007) qualifie cela de « motivation extrinsèque
384» qui fait référence à tout ce qui, de
l'extérieur, peut renforcer le comportement de l'enfant à
l'école. Cette perception est renforcée par la thèse de
GALAND (2006), qui l'inscrit dans une perspective sociocognitive selon
laquelle, « la motivation résulte d'une interaction entre
l'individu et son milieu.385» Ainsi, la motivation serait,
selon lui, la réaction du sujet « face à son environnement
en fonction de son but ».
Une seconde source de motivation évoquée par 45%
des répondants est « l'envie d'aller à l'école comme
les autres enfants ». Cela correspond à la « motivation
intrinsèque 386» évoquée par VIANIN
(2007). Ce type de motivation est dû à l'intérêt ou
le plaisir personnel du sujet face à l'activité. Ainsi,
l'école devient un engagement personnel pour l'enfant qui se l'approprie
et manifeste de l'intérêt pour les activités qui s'y
déroulent. Toutefois, compte tenu de la « complexité de la
dynamique motivationnelle 387» évoquée par GALAND
(2006) cette question mérite d'être approfondie pour cerner les
facteurs participant à ladite dynamique. Pour les classes passerelles,
l'élément le plus probant est l'existence
384 P. VIANIN, 2007, op. cit., p. 22
385 B. GALAND, 2006, op. cit., pp. 5-8
386 P. VIANIN, 2007, op.cit. p. 22
387 B. GALAND, 2006, op. cit., pp. 5-8
340
d'une « motivation positive 388» de tous
les acteurs qui s'investissent au maximum pour maintenir les enfants à
l'école.
Dans une perspective de résilience scolaire de GARMERY
(1984) et de LAROSE et al (2001), l'étude permet de conclure que la
motivation des acteurs et des apprenants a constitué un facteur de
protection en face des facteurs de risque que sont le contexte de conflit et le
manque de ressources. Nous admettons que, relativement au «modèle
de protection», les facteurs de risque sont annihilés par les
facteurs de protection en vue d'impacter positivement l'adaptation des
apprenants. Ainsi, l'envie d'aller à l'école peut constituer pour
l'apprenant, une motivation suffisante pour qu'il transcende les obstacles
à la réalisation de son éducation. Toutefois, vu que notre
étude n'a pas approfondi cette question, il convient de relativiser
cette conclusion et de s'en remettre aux travaux futurs dans ce domaine.
Dans le cadre de cette résilience scolaire,
interviennent aussi des stratégies d'enseignement comme les cours de
soutien pédagogique que reçoivent les élèves en
difficulté d'apprentissage. Cela permet, dans une démarche de
« pédagogie différentiée 389»
évoquée par PERRENOUD, de les mettre au même
niveau de connaissance. « Les compétences de vie » ou life
skills participent également à la résilience scolaire
par l'apport des activités qui favorisent le développement
personnel de l'apprenant pour affronter les menaces de son milieu de vie comme
indiqué par le MENET/DPFC (2014). Dans la mesure où la
personnalité de l'apprenant est déterminante dans le processus de
la résilience, l'étude révèle que le passé
scolaire est un facteur de protection face aux facteurs de risque. Il s'agit
notamment du passé scolaire des déscolarisé
précoces qui constitue un atout majeur face aux scolarisés
tardifs. C'est l'avis de KOFFI et al (2009) qui affirment dans leurs travaux
que :
388 P. VIANIN, 2007, op.cit., p.22
389 Selon A. WEBER et A. DE PERETTI, 1983, la pédagogie
différenciée caractérise un ensemble d'attitudes
d'ouverture aux jeunes personnalités des élèves, de
démarches pédagogiques, de méthodologies et de la
formation, de techniques et d'instruments didactiques ; qui prennent en compte,
la diversité, l'hétérogénéité des
apprenants ; qui visent à faire atteindre tous les objectifs cognitifs
de valeur égale ou équivalente. p. 279
341
Tous ces élèves sont issus de la même
classe passerelle en 2006 -2007. Aussi, appartiennent-ils à la
même couche socioéconomique et bénéficiant du
même environnement pédagogique et didactique. En
conséquence, la différence du résultat scolaire peut
s'expliquer par une variation trop importante des compétences initiales
liées à leur passé scolaire.390
On peut conclure que la résilience qui participe
à réussite des classes est le fait d'une conjugaison de
facteurs.
4. Les classes passerelles en tant que dispositif de
renforcement du système scolaire
Le renforcement du système scolaire conventionnel
s'apprécie à quatre niveaux qui sont : (i) le renforcement de la
gestion administrative ; (ii) le renforcement de l'accès, la
rétention et l'équité en éducation ; (iii) le
renforcement de la qualité de l'éducation ; (iv) et le
renforcement contextuel et les conditions d'exercice.
4.1. Du renforcement de la gestion administrative
Au niveau de l'axe relatif à la gestion administrative
du système scolaire, l'étude a proposé l'harmonisation des
procédures de mise en oeuvre, la prise en compte des facteurs
organisationnels comme la participation communautaire, la gestion du projet et
la mise en place du projet, l'élaboration d'un plan de carrière
pour les enseignants et d'une stratégie de financement des classes
passerelles.
L'étude a montré une gestion participative,
comme le suggère LIKERT (1974) dans son modèle de «
management participatif.391 » La gouvernance scolaire des
classes passerelles s'est opérée, alors, à travers une
démarche de consultation et d'association des acteurs du projet. C'est
ainsi que sont présents, dans l'implantation et la mise en oeuvre du
projet, les acteurs étatiques et non étatiques. Le sommet de
cette gouvernance participative est la présence de la communauté
locale dans la mise en oeuvre du projet. Cette participation communautaire
est
390 K. I. KOFFI, 2009, « Analyse du résultat scolaire
des élèves de CE2 du primaire public : cas des classes
passerelles de la zone centre de la Côte d'Ivoire »,
EDUCI/ROCARE, Afr educ dev issues, n°2, 2010, special JRECI
2006 & 2009, pp.279-294
391 R. LIKERT, 1974, op. cit.
342
matérialisée par le COGES qui
bénéficie d'une feuille de route qui prend en compte, la mise en
place des écoles, la sécurité, le fonctionnement et la
pérennisation des écoles. D'un point de vue pragmatique, elle
permet d'accroître la confiance de tous les acteurs impliqués dans
la gestion de l'école. Cette démarche a, ainsi, abouti à
l'élaboration d'un guide de mise en oeuvre des classes passerelles dont
l'harmonisation requiert, une fois encore, la gestion participative des
acteurs.
Administrer une organisation, selon FAYOL, « c'est
prévoir, organiser commander, coordonner et contrôler. 392 »
Il s'agit de constituer l'organisation, de permettre au personnel, de remplir
ses fonctions et d'harmoniser les travaux tout en veillant au respect des
règles établies. FAYOL exprime, par cette définition, la
vision du management participatif. Dans le cadre de notre étude, les
dysfonctionnements qui sont observés, à savoir : les modes de
gestion variés des classes passerelles, le manque de perspectives pour
les personnels et le manque de ressource sont dus à une insuffisance de
planification. Conformément aux
travaux de ANY-GBAYERE (1998), « la planification
consiste à concevoir un futur désiré ainsi que les moyens
réels d'y parvenir. C'est aussi une prise de décision
possédant des caractéristiques. 393» Ainsi, Il
distingue deux types de planifications nécessaires et
complémentaires : la planification stratégique destinée au
long terme et la planification tactique destinée au court terme. Cette
conception de la planification induit que le MENET dispose d'un plan
stratégique et tactique pour le fonctionnement des classes passerelles.
Ces plans doivent intégrer le plan stratégique global du
système éducatif. Au niveau tactique ou opérationnel, des
spécificités peuvent être prises en compte pour prioriser
un type d'action par rapport à un autre. Une meilleure planification
exige une intégration de tous les éléments du plan
après en avoir défini les objectifs, les moyens, les conditions
et les tâches, comme le suggère ANY-GBAYERE (1998).
Au niveau interne du système scolaire, les objectifs et
les moyens sont identifiés, mais les facteurs de risque comme les
arrêts de cours, les catastrophes natu-
392 R. DAVAL, 2018, op. cit.
393 S. ANY-GBAYERE, 1998, op. cit., p. 44
343
relles ou artificielles et les crises économiques sont
imprévisibles et difficilement maîtrisables. Leur gestion exige du
système scolaire, des mesures de mitigation appropriées. Dans le
cas de la Côte d'Ivoire, l'administration scolaire fait face à une
situation en perpétuel changement, d'où l'intérêt
à accorder à « l'attitude d'adaptation active
394» pour rendre ce système plus efficace. Dans cette
optique, la gestion des ressources humaines et matérielles pourrait
être optimisée pour obtenir les meilleures performances. C'est une
démarche qui exige un équilibre entre les ressources disponibles
et les opérations. Cela nécessite la consolidation des
mécanismes de mise en oeuvre. Ceux-ci doivent être revus,
reévalués et corrigés.
4.2. Du renforcement de l'accès, la
rétention et l'équité en éducation
Concernant le renforcement de l'accès, la
rétention et l'équité en éducation, l'étude
a proposé l'adoption une politique d'éducative de maintien,
l'application du programme accéléré aux
élèves en fonction de leur profil, la maximisation du temps
scolaire pour renforcer les acquis scolaires et la levée des
restrictions d'accès liées l'état civil.
Les problématiques de l'accès et de la
rétention trouvent leur pertinence dans les statistiques du MENET (2011)
selon lesquelles, « les différents indicateurs de l'Education
Nationale révèlent un système éducatif peu
performant en raison notamment, de la faiblesse des taux d'accès, de
scolarisation et de rétention (...) ainsi que de l'importance du taux de
redoublement (21%). De façon générale, le cycle de
l'éducation de base rejette 10% de ses effectifs par an. 395»
Les problématiques de l'accès et de la
rétention sont également fondées par l'analyse du RESEN
2016 qui estime que :
près de 13 % d'une génération
d'enfants n'ont pas accès à l'école, et que près de
40 % n'achèvent pas le primaire. Ces deux populations, qui
n'accèdent pas l'école ou qui l'abandonnent de façon
précoce, constituent une cible importante pour les politiques
éducatives. En effet, la politique éducative poursuit deux
objectifs centraux qui sont : i) d'une part, scolariser les enfants en
âge de l'être et qui ne le sont pas ; et ii) d'autre part, faire
en
394 Selon S. ANY-GBAYERE, 1998, l'attitude d'adaptation active
consiste à adapter l'environnement au fonctionnement du système
pour plus d'éfficacité.
395 MENET, 2011, op. cit., p. 91
344
sorte que les élèves inscrits puissent
parvenir au bout des cycles entamés, avec les savoirs de base contenus
dans les programmes d'enseignement. Ainsi, en s'intéressant à la
population des enfants d'âge scolaire qui sont hors du système
scolaire (EHSS), trois types de question se posent :
- la première est de déterminer leur nombre
actuel, en faisant la distinction entre ceux qui n'ont pas (ou pas eu)
accès à l'école et ceux qui y ont eu accès un jour
mais l'ont quittée de façon précoce ;
- la seconde est de déterminer leurs
caractéristiques sociales, c'est-à-dire dans quelle mesure le
phénomène touche plutôt les filles ou les garçons,
davantage les ménages pauvres, ou s'il s'agit davantage d'urbains ou de
ruraux, de jeunes résidant certaines régions ; et
- la troisième consiste à déterminer
les raisons ou les facteurs qui peuvent expliquer leur non scolarisation ou
leur abandon précoce. Il peut s'agir de raisons du côté de
l'offre scolaire (école trop lointaine, ou ayant des
caractéristiques qui ne conviennent pas à certaines familles), ou
du côté de la demande au niveau des
familles.396
Les classes passerelles proposent une solution à cette
problématique en facilitant les critères d'accès. Ainsi,
il existe un critère d'âge et un critère
socioéco-nomique. Au niveau du critère d'âge, le dispositif
prend en compte les enfants âgés de 9 à 14 ans. Concernant
le critère socioéconomique, il prend en compte d'une part, la
gratuité des cours et d'autre part, les enfants hors du système
scolaire et issus de milieux défavorisés. Ce sont notamment, les
non scolarisés qui sont des enfants n'ayant jamais eu accès
à l'école ; les déscolarisés précoces qui
ont abandonné l'école pour une insuffisance de performance, pour
des difficultés socio-économiques ou pour des raisons de conflit
armé ; les enfants en migration comme les « talibés » ;
les enfants exploités qui sont utilisés par les adultes pour des
activités lucratives ; les enfants des personnes déplacés
lors du conflit post-électoral de 2010-2011 ; les enfants non
accompagnés qui ont perdu leurs parents pendant le déplacement
survenu lors de la crise post- électorale.
Le maintien dans le système scolaire s'exprime par la
politique éducative de maintien basée sur l'approche par
compétence, les compétences de vie, la pédagogie
différenciée et la présence de la cantine scolaire. Selon
le MENET/DPFC (2014),
l'approche par compétence ou APC est une conception
des pratique d'enseignement/apprentissage/évaluation fondée sur
le développement de
396 Gouvernement de Côte d'Ivoire, 2016, op. cit.,
pp. 68-69
345
connaissances, d'aptitudes et d'attitudes
opérationnelles en situation. Cette mise en relation de plusieurs
ressources pour trouver des solutions ou réus-
sir en situation est appelée intégration,
d'où l'expression consacrée de pédagogie de
l'intégration. 397
L'APC est une approche qui capitalise les acquis du «
constructivisme, du cognitivisme et du «
socioconstructivisme.398 » Cette option pédagogique
s'accompagne de la prise en compte, dans le programme scolaire, des
compétences de vie qui consistent à développer les
pratiques d'une vie saine et visent le changement intégral de
comportement, comme l'indique le MENET/DPFC (2014). Pour l'ONG EPT (2008),
c'est une approche pédagogique qui vise à développer chez
l'apprenant, des savoirs agir appelés compétences. Elle
privilégie la réussite d'un plus grand nombre
d'élèves. L'usage de cette approche met les classes passerelles
en phase avec les classes conventionnelles sensées accueillir leurs
élèves. Toutefois, si notre étude atteste de la mise en
oeuvre de cette approche pédagogique au sein des classes passerelles,
elle ne permet pas d'apprécier de manière quantitative, son
impact sur la rétention ou le maintien des apprenants
Concernant la cantine scolaire, son effet sur la
rétention scolaire a été suffisamment
démontré par des travaux de recherche dans le domaine de
l'éducation. Ainsi, l'étude de TOURE (2017) montre que les
acteurs du système scolaire primaire que sont les instituteurs et les
conseillers en cantine, sont unanimes sur les effets positifs de la cantine sur
« la rétention et la réussite des élèves dans
le cycle primaire.399 ». Cet auteur montre que les cantines
scolaires ont une double fonction, à savoir : contribuer à
l'application de la loi sur l'obligation scolaire et contribuer à
l'atteinte de l'ODD 4 qui vise à offrir à chaque citoyen,
l'accès à une
397 MENET/DPFC, 2014, Manuel de référence
relatif à la mise en oeuvre des pratiques de vie saine (life skills) par
les programmes scolaires en Côte d'Ivoire. Abidjan, DPFC, p. 24
398 Selon le MENET/DPFC, 2014, le constructivisme conçoit
l'apprentissage comme un processus actif et chaque apprenant conduit ses
propres savoirs en les rattachant à ce qu'il connait déjà.
Le cognitivisme met l'accent sur le fait qu'on retient mieux ce qu'on a appris
et le fait qu'une information peut être aisément retrouvée
si elle a été correctement encodée. Le
socioconstructivisme est basé sur le principe que l'apprenant
développe ses compétences en comparant ses perceptions à
celles de ses pairs et des adultes qui l'entourent. p. 24
399 K. TOURE, 2017, op. cit., p. 235.
346
éducation de qualité. Toutefois, « la
politique de ciblage 400 », le taux de couverture insuffisant
des cantines et les insuffisances de gestion constatés par TOURE nous
amènent à nous interroger sur les chances d'atteindre les
objectifs assignés à ces cantines scolaires. En effet,
l'étude des classes passerelles nous a permis de constater l'absence de
cantine dans certains sites passerelles. Il s'agit notamment des sites qui ne
sont pas logés dans une école conventionnelle. Nous n'avons pu
rechercher les causes réelles de ces insuffisances. Toutefois, nous
notre étude constate que les classes passerelles ne satisfont pas
à tous les critères d'éligibilité à la
cantine. Cela pourrait en être la cause.
4.3. Du renforcement de la qualité de
l'éducation
Au niveau de la qualité de l'éducation,
l'étude a montré que des efforts sont faits par les classes
passerelles sur certains indicateurs de performance comme le programme et le
temps scolaire, la méthode d'enseignements et d'évaluation.
Toutefois, des insuffisances existent au niveau d'autres indicateurs comme la
formation des enseignants, les outils de formation et l'environnement
d'apprentissage. C'est une proposition qui est en phase avec les travaux de
WOLOSCHUK (2017) qui estime que, pour obtenir une éducation de
qualité, l'accent doit être mis sur l'amélioration des
facteurs comme « des enseignants compétents, des outils de
qualité et un environnement d'apprentissage de qualité
401». En d'autres termes, Il faut améliorer la formation
des enseignants, utiliser le matériel d'enseignement adéquat et
apaiser le climat interne et externe de l'école. La compétence ou
la qualité des enseignants est liée à leur formation de
base et leur formation continue, comme suggéré COLEMAN et al
(1966)402. Ces chercheurs établissent une corrélation
directe entre la réussite scolaire et «l'effet
400 Selon T. KROUELE, 2017, la politique de ciblage consiste
à accorder les cantines scolaires aux écoles selon les
critères qui sont : l'insécurité alimentaire, le taux brut
de scolarisation dans la région, le brut d'achèvement du cycle
primaire et de la prévalence en malnutrition chronique. Ces
critères permettent de classer les écoles par catégorie de
première, deuxième et troisième nécssité.
pp. 239-240
401 D. WOLOSCHUK, 2014, « qu'est-ce qu'une
éducation de qualité ?», Perspectives, n° 13,
2014, in https//
perspectives.ctf-fce.ca,
consulté les 20 juin 2018
402 J. S. COLEMAN et al, 1966, cité par C. GAUTIER et M.
DEMBELE, 2004, op.cit., p. 2
347
enseignant. 403» Si l'existence de cet effet
est avéré à travers la littérature, nous n'avons
pas pu le démontrer dans le cas des classes passerelles. Bien au
contraire, l'étude a démontré que la bonne performance des
classes passerelles était dispro-portionnelle au temps insuffisant de
formation initiale des enseignants estimée entre dix et quinze jours,
avec en appoint, une formation continue sur le terrain. Cela suggère
l'existence de facteurs additionnels de la réussite de ces
apprenants.
Pour PERRENOUD (1996) cette formation doit intégrer les
paramètres comme les besoins des élèves, leurs envies,
leurs attitudes, leur niveau, les conditions de travail, les contraintes et les
ressources « qu'offre un établissement particulier dans un
environnement particulier. 404 » SANDERS et RIVERS (1996) relèvent
que «l'effet enseignant» a une « valeur ajoutée » en
général. Il est encore plus bénéfique pour les
élèves en difficulté lorsque « l'enseignant est
performant. » C'est aussi l'avis de RIVKIN et al (2003) qui montrent, dans
leur étude, l'apport substantiel de « la qualité
pédagogique de l'enseignant dans la réussite scolaire des
élèves d'origine socio-économique
défavorisée. 405» Ils considèrent ainsi le
facteur «qualité de l'enseignant» comme capable
d'éliminer la différence d'apprentissage liée à
l'origine socioéconomique de l'élève de l'école
primaire. Cette conception de «l'effet enseignant» se présente
comme une réponse à la problématique des
inégalités sociales à l'école et relevée par
les classiques de la sociologie de l'éducation. Ainsi, l'enseignant, par
son savoir-faire peut contribuer la réussite des apprenants ayant un
héritage ou un capital culturel insuffisant. C'est à juste titre
que WANG et al (1994) considèrent le facteur «gestion de la
classe»406 comme le plus déterminant de la
réussite scolaire. Cette gestion est, effectivement, assurée par
l'enseignant qui s'appuie sur sa qualification.
403 J. S. COLEMAN et al, 1966, cité par C. GAUTIER et M.
DEMBELE, 2004, op.cit., p. 2
404 Ph. PERRENOUD, 1996, « Le rôle de la formation
des enseignants dans la construction d'une discipline scolaire : transposition
et alternance », Éducation physique et sportive. La formation
au métier d'enseignant, Paris, Editions de la Revue Education
physique et sport, Dossiers EPS n° 27, pp. 49-60.
405 S. G. RIVKIN et al, 2003, «Teachers, schools and
academic achievement» in
http://www.semen
ticscholar.org, cités par C.
Gauthier et M. Dembélé, 2004, op. cit, P. 8
406 B. STEVE et al, 2005, op. cit., p.140
348
L'optimisation du temps scolaire peut, également,
renforcer les acquis scolaires. Il est prouvé, à travers
l'analyse du système éducatif national de 2016, que malgré
l'amélioration des résultats scolaires, les acquis scolaires
demeurent globalement faibles. Selon cette analyse, ces résultats «
questionnent l'usage du temps effectif d'enseignement en classe et [celui] du
temps scolaire dans son ensemble, (...) La sortie de crise et la paix sociale
impliquent une réduction des disparités et une augmentation
générale du niveau des acquis dans l'optique du décollage
économique appelé par l'émergence. 407» Au
regard de ce constat et cette recommandation du RESEN 2016, l'optimisation du
temps scolaire devient une exigence de la qualité dans le contexte
actuel. Pour atteindre cet objectif, les effets des facteurs de risque tel que
les grèves, les absences des personnels de l'éducation et les
catastrophes naturelles doivent être jugulés à travers une
stratégie globale de mitigation du système éducatif.
En termes de qualité de l'éducation,
l'enseignement en langue maternelle développé par l'ONG EPT peut
être un atout car il « facilite l'apprentissage
408», comme l'atteste l'UNICEF (2013)409 et
l'association SOROSSORO (2011). De l'avis de OUANE et GLANTZ (2010), l'usage de
la langue maternelle est également sous-tendu par la thèse que
celle-ci améliore les résultats scolaires, facilite la
compréhension des concepts scientifiques, réduit les
déperditions scolaires, donne une pertinence socio-culturelle aux
programmes de formation et « garantit un enseignement de qualité.
410» Par ailleurs, il consolide les acquis pédagogiques
puisque le savoir et les compétences des enfants « sont
transférés de leur langue maternelle à la langue
utilisée à l'école411 »,
conformément aux résultats des travaux de CUMMINS (2001).
407 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp. 116-117.
408 SOROSSORO, 2011, op. cit.
409 UNICEF, 2013, « Côte d'Ivoire: Funding
Requirements 2009-2013 », in
http://www.unicef.
org/cotedivoire/support_4163.html., consulté le 12
janvier 2014
410 A. OUANE et C. GLANTZ, 2010, op. cit., pp. 27-30
411 J. CUMMINS, 2001, « Langue maternelle des enfants
bilingues, qu'est ce qui est important dans leurs études ? »,
Sprogforum n°19, pp. 17-19
349
Dans la recherche de la qualité de l'éducation,
évoquant l'importance de la langue maternelle dans l'élaboration
des programmes scolaires pertinents, du point de vue socio-culturel, certains
chercheurs comme OUANE et GLANTZ (2010), évoquent les expériences
des écoles bilingues du Burkina Faso, celles des « écoles de
la pédagogie convergente 412» du Mali et du programme de
lecture à l'école primaire en Zambie. Ici, les auteurs font le
lien entre qualité de l'éducation et l'aspect socioculturel de
l'éducation ainsi que l'autonomie de l'apprenant. Les classes
passerelles ont développé cet aspect à travers
l'enseignement des compétences de vie et l'Approche Par
Compétence (APC).
Pour établir les fondations d'une éducation de
qualité, les auteurs OUANE et GLANTZ (2010) concluent que, dans le
contexte africain, l'utilisation de la langue maternelle comme support
d'instruction est l'un des facteurs déterminants. Toutefois, la
réussite d'un tel processus est conditionnée par sa pratique
pendant « une période d'au moins six ans.413 »
Ainsi, le facteur temps d'apprentissage est crucial pour la consolidation de la
pratique de la langue maternelle pour qu'elle donne les résultats
cités ci-haut. Dans le cas spécifique des classes passerelles,
nous sommes en face d'une pratique de deux mois seulement, d'où
l'interrogation sur l'impact réel de la langue maternelle sur la
qualité de leurs enseignements. Une étude future est
nécessaire pour mesurer cet impact.
4.4. Du renforcement contextuel et des conditions
d'exercice.
Le dernier axe relatif au contexte et aux conditions
d'exercice, a permis de développer une stratégie basée sur
l'éducation en situation d'urgence. Cette approche est fondée sur
le fait que les mécanismes de mitigation enclenchés
jusqu'à la dernière crise de 2010/2011 en Côte d'Ivoire ont
suffisamment montré leurs limites. De prime à bord, ce sont les
conditions d'intervention des acteurs qui sont
412 Pédagogie convergente: approche novatrice
d'apprentissage des langues ayant pour objectif de développer un
bilinguisme fonctionnel chez l'apprenant. Elle est introduite au Mali en 1987
pour faciliter la passage de la langue maternelle au français (Samba
Traoré, 2001) cité par Apollinaire SEZELIO, 2014, Didactique
intégrée, pédagogie convergente et bilinguisme comme
élément de réponse à la crise de l'école
centrafricaine. p.165
413 A. OUANE et C. GLANTZ, 2010, op. cit., pp. 27-30
350
décrites, conformément aux normes de l'INEE.
Ensuite viennent les conditions d'accès à l'éducation
d'urgence, puis, l'environnement d'apprentissage et enfin, le processus
enseignement/apprentissage. Ainsi, considérant que les acteurs
interviennent dans un contexte de crise, ils reçoivent une formation
psychosociale en rapport avec l'éducation et les besoins
spécifiques des apprenants en situation d'urgence. De même, les
processus d'apprentissage et les dispositifs éducatifs sont
conçus dans ce registre pour garantir une meilleure prise en charge des
apprenants. Ces propositions devront permettre de renforcer le système
scolaire conventionnel dans un contexte d'éducation d'urgence.
Considérant les facteurs de risque que les acteurs des
classes passerelles ont dû annihiler pour réaliser le projet
école d'une part, vu la bonne performance des apprenants des classes
passerelles d'autre part, l'existence des classes passerelles apparaît,
selon notre étude comme la manifestation de la résilience du
système scolaire national. Cette résilience s'est
réalisée, non pas de manière systématique, mais
plutôt par la spontanéité d'acteurs sociaux ayant
différentes motivations. Dans une perspective sociologique, cette action
des acteurs revalorise la théorie de DUBET (1989) qui dit, en substance,
que c'est à partir des motivations diverses qu'élèves,
collégiens, lycéens et étudiants construisent leurs propre
expérience et le sens qu'ils donnent à leur scolarité.
Dans cette logique, en prenant en compte la motivation et la
détermination dont ont fait preuve les acteurs des classes passerelles,
notre étude permet d'affirmer que ceux-ci ont manifesté de
l'intérêt pour l'éducation. Même si des nuances
peuvent apparaître entre les différents acteurs, tous avaient un
même objectif, à savoir scolariser les enfants malgré les
facteurs de risque.
Toutefois, le cas des classes passerelles contredit, en
partie, de la thèse de DUBET sur la différence qu'il fait entre
les élèves « bien placés » (favorisés) et
les élèves « mal placés »
(défavorisés). En effet, DUBET juge que seuls les
élèves issus des couches socioéconomiques
favorisées sont capables de se construire des motivations alors que dans
le cas des classes passerelles, les élèves proviennent tous d'un
milieu socioéconomique défavorable comme le montre l'étude
de
KOFFI (2009). Malgré le facteur risque que constitue ce
statut socioéconomique, les apprenants ont pu construire le sens de
leurs études et réaliser des performances satisfaisantes.
Toujours dans une perspective sociologique, Ce résultat, contrairement
aux travaux de MEURLET et MORLAIX (2006), qui désignent trois facteurs
externes déterminants des inégalités sociales devant
l'école, à savoir : « (i) l'ambition, la volonté,
l'habitus ;(ii) la proximité de la culture de la maison et de celle de
l'école ; (iii) et les ressources financières 414
», démontre que la réussite scolaire peut être une
réalité au sein des catégories socioéconomiques
défavorisées. Les «modèles de l'empathie» et
«l'avantage stratégique» que ces auteurs présentent ne
suffisent pas à expliquer la réussite des apprenants des classes
passerelles dans la mesure où nous sommes en présence d'une
catégorie socioéconomique homogène comme l'indique KOFFI
(2009).
Au regard des thèses sociologiques
susmentionnées, les conclusions de nos travaux relatives au type de
résilience manifesté par les classes passerelles, questionnent le
lien entre réussite scolaire et l'homogénéité du
statut socioéconomique des apprenants. Notre étude marque des
insuffisances à ce niveau. C'est une question qui mériterait
d'être traitée dans le cadre d'une stratégie globale de
mitigation du système éducatif. Dans une perspective
d'évaluation, la mise en place de cette stratégie globale
commande qu'il y ait un mécanisme de suivi qui permettrait
d'évaluer les aspects essentiels à intégrer dans le
processus de résilience.
351
414 D. MEURLET et S. MORLAIX, 2006, op. cit., pp.
49-79
352
CONCLUSION GÉNÉRALE
Au terme de cette étude, il ressort que les classes
passerelles en Côte d'Ivoire sont intervenues dans un double contexte de
crise. La crise est d'abord structurelle et interne au système
éducatif. En effet, l'existence d'enfants déscolarisés et
non scolarisés est liée à la structuration du
système éducatif ivoirien bien avant la guerre de septembre 2002.
Cette crise structurelle se manifeste par un déficit, aussi bien en
ressources humaines, matérielles que financières. C'est
également un système à faible rendement interne qui a un
taux de déperdition élevé et un taux de scolarisation
primaire de 74% en 2007. La crise est ensuite environnementale (contexte
militaro-politique). En conséquence, à l'instar de la plupart des
pays d'Afrique en proie à l'instabilité socio-politique, elle
constitue un facteur aggravant du dysfonctionnement du système
éducatif qui a des défis énormes à relever.
La vérification de la première hypothèse
relative aux différences structurelles et fonctionnelles des classes
passerelles et des écoles conventionnelles porte sur le contexte de mise
en oeuvre, les acteurs, et les curricula. D'abord, au niveau du contexte de
mise en oeuvre, les écoles conventionnelles existent en permanence dans
un contexte normal et en situation de crise. A l'inverse, les classes
passerelles EPT et NRC interviennent uniquement dans un contexte
d'éducation d'urgence en tant qu'alternative éducative. Elles
sont ainsi suscitées par des situations de crise interne au
système éducatif et de conflits ayant engendré des
déplacements de populations. La crise interne se manifeste par
l'incapacité du système éducatif à scolariser tous
les enfants en âge de scolarisation pour manque d'infrastructures
éducatives. Quant aux conflits visés ici, il s'agit de la guerre
de 2002 et la crise post-électorale de 2010-2011.
Ensuite, au niveau des acteurs, les écoles
conventionnelles ont le personnel administratif scolaire, le personnel
enseignant, les COGES et les élèves. Leur cible est
constituée d'enfants âgés de six à onze ans. Le
personnel enseignant est composé d'instituteurs ordinaires,
d'instituteurs adjoints, de stagiaires et de volon-
353
taires. L'administration se compose de personnel du MENET et
de structures déconcentrées comme la DRENET, l'IEP et de la
direction de l'école.
Quant aux classes passerelles, elles font intervenir des
acteurs étatiques et non étatiques. Les acteurs non
étatiques sont constitués des ONG promotrices comme EPT, UNICEF
et NRC. On distingue également les communautés villageoises ou
urbaines et les animateurs des classes. Les communautés organisent
l'école et les animateurs s'occupent des enseignements en classes.
Ceux-ci bénéficient de l'encadrement pédagogique des
superviseurs et les coordonnateurs de projet. Les acteurs étatiques se
composent des autorités préfectorales et du personnel de
l'administration scolaire (IEP, direction de l'école). Les
autorités préfectorales interviennent pour crédibiliser le
projet et faciliter sa mise en place. L'administration scolaire s'assure quant
à elle, du bon encadrement pédagogique des enfants et de leurs
enseignants.
Enfin, concernant les curricula des classes passerelles, ils
diffèrent de ceux des classes passerelles au niveau des missions, des
objectifs, des programmes, des contenus, des méthodes, des techniques
d'enseignement, des matériels didactiques et des modalités
d'évaluation des acquis des élèves. Premièrement,
pour les missions et les objectifs, l'école conventionnelle
prépare la personnalité de l'élève à aborder
le cycle secondaire alors que la classe passerelle prépare l'enfant
à intégrer les écoles conventionnelles. En outre,
l'école conventionnelle développe chez l'enfant, des
compétences en lecture, en écriture, en expression orale, en
mathématique, en créativité, en connaissance de son
univers social et en activité physique. A l'inverse, la classe
passerelle développe chez l'apprenant, des compétences en
lecture, en écriture et en calcul ; ce sont des aptitudes ou des
compétences de base de l'alphabétisation. En outre, la classe
passerelle développe des compétences de la vie à travers
les AEC qui incluent les activités coopératives.
Deuxièmement, pour les programmes,
l'accélération du rythme scolaire des classes passerelles
constitue la différence fondamentale pour toutes les classes
passerelles. En sus, l'usage de la langue maternelle est la
particularité des classes
354
passerelles EPT. Pour les méthodes pédagogiques,
en plus de la FPC ou de l'APC, c'est une stratégie de scolarisation
accélérée qui est adoptée par la classe passerelle
comme technique. Ces programmes condensent ceux des écoles
conventionnelles et y intègrent la langue maternelle comme vecteur
d'enseignement (uniquement pour les classes EPT). Les contenus de ces
programmes sont un condensé de ceux des écoles conventionnelles
enseignés en langue maternelle pour les classes EPT.
Par ailleurs, les matériels didactiques des classes
passerelles prennent en compte les programmes accélérés
basés sur le principe de contenus condensés. Il s'agit de la
fiche de leçon et du guide maître qui sont spécifiques aux
classes passerelles. Enfin, pour les évaluations, les écoles
conventionnelles utilisent les types d'évaluations sommatives et
formatives. L'on retrouve ces mêmes principes dans les classes
passerelles sous d'autres formes. Ainsi, l'évaluation formative est
traduite en évaluation continue à la fin de chaque niveau
à l'intérieur d'un cycle. L'évaluation en langue
maternelle dans la classe passerelle EPT s'inscrit dans ce registre. Le test de
transfert qui se fait en fin d'année représente
l'évaluation sommative.
Ces résultats révèlent des similitudes et
des différences entre écoles conventionnelles et les classes
passerelles. Cependant, les différences sont plus prononcées et
résident au niveau des contextes de mise en oeuvre, des acteurs et les
curricula. Cela induit des différences structurelles et fonctionnelles,
c'est-à-dire que chaque système est conçu selon une
structure ou une forme qui fonctionne selon un mode défini pour remplir
une mission spécifique. Au regard de ce résultat, la
première hypothèse est confirmée.
Concernant la deuxième hypothèse relative aux
raisons de la mise en oeuvre des classes passerelles, les résultats
présentent les limites du système scolaire conventionnel et la
mise en oeuvre des classes passerelles. Les limites du système scolaire
conventionnel ayant occasionné la mise en oeuvre des classes passerelles
peuvent se résumer en deux points essentiels, à savoir la crise
interne au système
355
scolaire et les conflits armés de 2002 et de 2010. La
crise du système scolaire se
manifeste par :
- une diminution sensible des ressources allouées au
secteur éduca-
tion/formation et un faible niveau d'investissement ;
- un faible taux de couverture scolaire ;
- une dégradation de la qualité des services
éducatifs offerts ;
- un accès limité et une discontinuité
éducative ;
- des disparités de scolarisation selon le sexe, la
région et la zone ;
- un ratio élève/maître (REM)
élevé ;
- des risques à gérer ;
- des ressources humaines limitées ou
sous-utilisées ;
- des taux de déperdition élevés ;
- des acquis scolaires faibles ;
- un temps scolaire non optimisé ;
- des dotations inéquitables des manuels scolaires.
La raison contextuelle que constituent les deux conflits de
2002 et 2010, se fonde sur la destruction des infrastructures scolaires, le
déplacement des acteurs de l'éducation et le grand nombre
d'enfants hors du système scolaire. En effet, les classes passerelles
interviennent dans un contexte de crise scolaire et de crise environnementale.
Cela leur confère le statut d'alternative éducative et de
dispositif d'éducatif d'urgence. Leur intervention se fait dans une
phase de relèvement ou de reconstruction post-crise. Ainsi, suite
à leur mise en oeuvre, des résultats ont été
obtenus ; il s'agit en substance, de :
- la facilitation de l'accès à l'école
;
- l'extension de la couverture scolaire ;
- l'extension de l'offre éducative ;
- la facilitation de la politique de gratuité de
l'école ;
- l'intégration des élèves à
l'école conventionnelle ;
- l'inscription des classes passerelles sur la carte scolaire
;
- la mise à disposition d'un profil d'enseignants
volontaires qualifiés ;
356
- l'établissement de liens entre le profil des
élèves et la performance sco-
laire ;
- l'amélioration du ratio élève/maître
;
- la pertinence de la mobilisation communautaire dans le projet
école ;
- le renforcement de la coopération acteurs
étatiques et non étatiques ;
- des taux de réussite satisfaisants.
- et les raisons de la bonne performance des apprenants.
Tous ces aspects constituent des atouts en faveur du
système scolaire primaire. L'étude montre que d'une part, les
limites du système scolaire conventionnel, en conjonction avec des
facteurs contextuels, ont suscité la mise en place des classes
passerelles ; puis, elle présente d'autre part, les résultats
obtenus par ces dernières dans leur mise en oeuvre, comme des solutions
aux limites du système scolaire conventionnel. Ces résultats sont
cependant, nuancés par le fait que les classes passerelles n'apportent
pas de solution à toutes les difficultés du système
conventionnel.
En effet, dans leur rôle d'alternative éducative
et de dispositif d'éducation d'urgence, les classes passerelles ont pu
améliorer les indicateurs comme le taux de réussite, la
couverture scolaire, le ratio élève/maître (REM), la
gestion des ressources humaines, l'utilisation des matérielles
d'enseignement, et la gestion du temps scolaire. Cependant, elles n'apportent
toujours pas de réponses aux questions relatives à la diminution
des ressources éducatives, au faible niveau des acquis scolaires, au
financement de l'éducation et aux disparités de résultats
scolaires entre les zones.
L'efficacité interne d'un système
s'apprécie par rapport à l'atteinte des objectifs qui sont pour
les classes passerelles, savoir lire, écrire et compter avec pour
finalité, l'intégration de l'enfant dans le système
scolaire conventionnel. Cette finalité est traduite en chiffre d'environ
99% de réussite. Considérant ce qui précède et au
regard de la capacité des classes passerelles à assurer
l'éducation en l'absence de l'école conventionnelle, il serait
plus judicieux de dire qu'elles cons-
357
tituent des alternatives efficaces et pertinentes dont la
réussite scolaire est plutôt basée sur des facteurs
organisationnels que sur les facteurs pédagogiques et individuels. De ce
fait, l'on peut conclure que l'hypothèse 2 n'est pas
confirmée.
La troisième hypothèse relative aux
stratégies de renforcement du système scolaire ivoirien à
travers les classes passerelles, a été testée à
travers les sections sur les difficultés de mise en oeuvre des classes
passerelles et les propositions faites par les acteurs. Si les classes
passerelles présentent des atouts, leur mise en oeuvre rencontre
également des difficultés qui sont d'ordre contextuel,
organisationnel et pédagogique.
Les difficultés contextuelles sont relatives au statut
de dispositif d'éducation
d'urgence des classes passerelles. A ce titre, elles sont
relatives à l'inadéquation qui peut exister entre le contexte de
reconstruction et le projet école. Ces inadéquations portent sur
la politique éducative, les matériels d'enseignement, le profil
des enseignants volontaires et celui des personnels d'éducation,
l'environnement d'apprentissage, les conditions d'accès à
l'éducation d'urgence et les conditions d'intervention des acteurs. Les
difficultés organisationnelles se caractérisent par :
- une mise en place difficile des classes passerelles ;
- un retard de livraison du matériel ;
- un retard de paiement des primes des animateurs ;
- un retard de livraison du matériel ;
- une insuffisance des financements existants ;
- une absence de financement de l'Etat ;
- une insuffisance de cantines scolaires ;
- une insuffisance d'archivage ;
- une absence de perspective pour les ex-animateurs ;
- une insuffisance de coordination d'action ;
- et une insuffisance de communication.
Les difficultés pédagogiques se manifestent par -
une conception difficile des curricula ;
358
- une divergence de perception du concept « classe
passerelle » ;
- une présence des élèves de sept à
huit ans ;
- une absence d'animateur suppléant ;
- une disparité d'effectifs entre filles et garçons
;
- une absence d'étude fiable sur l'utilisation des langues
maternelles comme
outil d'enseignement ;
- une absence d'un syllabaire de langue maternelle ;
- des salles de classe inadaptées ;
- une insuffisance du temps de formation initiale ;
- et une insuffisance du temps scolaire.
Ces difficultés constituent des failles des classes
passerelles et amènent les acteurs du secteur, à faire des
propositions de stratégies relatives au renforcement du système
scolaire ivoirien. Concernant cette section, en conformité avec les axes
d'orientation du PAMT 2012/2014, et considérant le contexte
d'éducation d'urgence, l'étude propose des stratégies de
renforcement à quatre niveaux, à savoir :
- le niveau de la gestion administrative ;
- le niveau de l'accès, la rétention et
l'équité en éducation ;
- le niveau de la qualité de l'éducation ;
- et le niveau contextuel et les conditions d'exercice.
Le renforcement de la gestion administrative propose des
mesures relatives à une meilleure gestion des ressources humaines, des
ressources matérielles et financières et une amélioration
de l'organigramme de fonctionnement du projet école.
Concernant le renforcement de l'accès, la
rétention et l'équité en éducation, l'étude
a proposé que la politique éducative de maintien des classes
passerelles soit étendue au système scolaire conventionnel. Les
conditions d'accès à l'école des classes passerelles,
alliant gratuité et motivation pourraient aider à l'extension
rapide de la couverture scolaire nationale. Le profil des apprenants
âgés de 9 à 14 ans permettant de meilleurs résultats
scolaires avec un programme accéléré,
359
l'étude estime que cela pourrait raccourcir la
durée de scolarité du système scolaire conventionnel. Au
plan des performances des apprenants, les méthodes organisationnelles et
le temps scolaire maximisé davantage, associés aux
évaluations continues, permettent d'amoindrir la déperdition
scolaire et de renforcer les acquis scolaires. Toutes ces mesures pourraient
rendre le système scolaire plus accessible et plus équitable.
Le renforcement de la qualité des classes passerelles
concerne les mesures
relatives à l'amélioration :
- de l'encadrement pédagogique des enseignants ;
- des méthodes d'enseignement ;
- de la gestion des salles de classe ;
- et des résultats scolaires.
Le renforcement contextuel et celui des conditions d'exercice
est fondé sur
les mesures relatives à l'éducation en situation
d'urgence. Il s'agit :
- des conditions d'intervention des promoteurs du projet classes
passerelles
dans les situations d'éducation d'urgence ;
- des conditions d'accès à l'éducation en
situation d'urgence ;
- de l'environnement d'apprentissage ;
- de la qualification des personnels enseignants ;
- de la politique éducative ;
- et des conditions d'enseignement/apprentissage en situation
d'urgence.
Ces mesures définissent des normes qui devraient
permettre d'opérer dans un climat scolaire apaisé et
sécurisant pour tous les acteurs de l'école. Au regard de ce qui
précède, la troisième hypothèse est
confirmée. En somme, l'efficacité et la pertinence des classes
passerelles s'expliquent par une conjonction de bonnes pratiques
organisationnelles et pédagogiques associées à des
variables environnementaux et personnelles des apprenants. Dès lors,
toutes les stratégies éducatives sont mises en oeuvre pour
atteindre le maximum de taux de réussite.
360
Pour les différents acteurs, les classes passerelles
présentent des avantages. Ainsi, pour l'Etat, elles contribuent à
l'amélioration du taux d'admission et de scolarisation. A ce titre, les
pratiques de ce dispositif de scolarisation accélérée
pourraient aider les écoles conventionnelles à résorber
les questions d'insuffisance d'infrastructures et d'enseignants. Il s'agira de
faire les trois cycles de l'école primaire en trois ans au lieu de six
ans. Pour ce faire, les programmes réduits doivent être bien
étudiés et formalisés. Les classes passerelles sont
également une opportunité pour les parents, de scolariser leurs
enfants. Elles permettent aux enfants d'avoir une seconde chance de
savoir-lire, savoir-écrire et savoir-calculer tout en échappant
aux vices liés à l'analphabétisme.
Par ailleurs, au regard de la nature de ce dispositif
d'urgence non formel, et considérant le fait qu'il soit
financièrement dépendant de la subvention d'une organisation non
gouvernementale, il ne peut répondre entièrement au défi
de la scolarisation de qualité sans un engagement total de l'Etat de
Côte d'Ivoire. Celui-ci doit intégrer ce projet à la
politique globale de la scolarisation primaire universelle en tant qu'offre
alternative d'éducation. Une telle démarche pourrait être
salutaire pour la problématique de la sous-scolarisation en milieu
urbain qui n'a pas encore connu de réponse adéquate. Des efforts
ont été faits dans ce sens à travers l'affirmation de la
volonté politique dans le Plan d'Action à Moyen Terme du Secteur
Education/Formation 2012-2014 (PAMT 2012-204). En outre, dans sa tentative
d'engagement pour l'éducation alternative en 2013/2014, le MENET a mis
en place le Projet d'Urgence d'Appui à l'Education de Base (PUAEB) qui a
bénéficié de l'appui financier de la Banque mondiale. Il a
été piloté par le MENET, avec pour partenaires
opérationnels, NRC, Soleil Levant et EPT. Ce sont au total 1512 enfants
hors du système scolaire qui en ont bénéficié.
Cette contribution, bien qu'appréciable, mérite d'être
améliorée au regard des besoins croissants.
La pertinence des classes passerelles dans le contexte de la
Côte d'Ivoire est évidente au regard de leur efficacité.
Toutefois, pour que ce dispositif ait un impact significatif sur le taux de
scolarisation, beaucoup reste à faire. Il s'agira pour
361
l'Etat, de mettre en oeuvre cette expérience à
une échelle plus grande avec des moyens adéquats. Dans cette
démarche, les normes élaborées, de concert avec les
parties prenantes, doivent être formalisées et appliquées
en améliorant la gouver-nance, les aspects pédagogiques et
environnementaux.
Nonobstant la pertinence des classes passerelles
analysée dans la discussion, notre étude présente des
limites relatives à :
- la question d'une stratégie globale de
l'éducation alternative en Côte d'Ivoire ;
- la question de la résilience scolaire en situation
d'urgence ;
- et la question de la réussite scolaire des apprenants
issus de la même classe socioéconomique en situation d'urgence.
Au regard de ces limites, nos perspectives postdoctorales
s'inscrivent dans le cadre de l'alternative éducative et de l'urgence
éducative en rapport avec la réussite et la résilience
scolaire. Ainsi, ayant démontré la pertinence du dispositif des
classes passerelles dans l'extension de la couverture scolaire nationale et en
présence d'un cadre institutionnel et normatif régissant ledit
dispositif, l'enjeu, pour le système scolaire, demeure la mise en place
d'une stratégie globale de développement de l'alternative
éducative en Côte d'Ivoire sur la base des expériences des
classes passerelles. Cette stratégie doit intégrer les questions
subsidiaires comme les facteurs de la réussite scolaire et de la
résilience des enfants réintégrés dans le
système scolaire en situation d'urgence. En d'autres termes, comment le
système scolaire de Côte d'Ivoire peut-il offrir aux Enfants Hors
du Système Scolaire (EHSS) une éducation de qualité
assurant la réussite scolaire dans une situation de crise en s'appuyant
sur ses propres mécanismes de résilience ?
Ces perspectives se justifient au regard de l'analyse du RESEN
2016 selon laquelle : « près de 13 % d'une génération
d'enfants n'ont pas accès à l'école, et (...) près
de 40 % n'achèvent pas le primaire. Ces deux populations, qui
n'accèdent pas l'école ou qui l'abandonnent de façon
précoce, constituent une cible importante pour les politiques
éducatives.415 » Ces questions devrons être
415 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp. 68-69
362
abordées en tenant compte du contexte national et
international des Objectifs de Développement Durable 4 (ODD 4). Dans
cette démarche, les acteurs étatiques et non-étatiques
doivent assumer pleinement leurs rôles. Le défi ultime de
l'école ivoirienne demeure l'atteinte de la scolarisation universelle,
malgré les obstacles de tout genre. Sur cette lancée, rien ne
doit être négligé.
363
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i
ANNEXES
ii
ANNEXE 1
QUESTIONNAIRE D'ENQUETE N°...
A L'ANIMATEUR DE LA CLASSE PASSERELLE DE
SUJET : Dispositif de renforcement du
système scolaire conventionnel en Côte d'Ivoire : Influence des
classes passerelles en zone Centre Nord et Ouest (C.N.O.) de 2006 A
2014
I. Identité
1.Nom : 2.Age : 3.Fonction : 4.Niveau
d'instruction :
II. Présentation des classes
passerelles
1.Quand avez-vous ouvert la classe ?
2.Quandpartez vous en vacance ?
3.Avez-vous subit un test de recrutement ? oui non
5.Combien d'élèves avez-vous dans la classe ?
6.Quel est l'intervalle d'âge de vos élèves ?
7.Combien de filles avez-vous dans la classe ?
8.Y a-t-il des élèves déscolarisés ?
oui non
9.Si oui, combien ?
10.Quelle langue d'enseignement utilisez vous ? Français
langue maternelle 11.Si vous utilisez la langue maternelle, à quel
niveau cela se fait-il ? Préappren-
tissage apprentissage à tous les deux niveaux 12.Avez
vous eu une formation pédagogique après votre recrutement ?
Oui non
13.Combien a duré cette formation ?
14.Etes vous encadré actuellement ? Oui non
15.Si oui, par qui ? .
16.Les visites de classe se font elles ? Oui non 17.Utilisez
vous la formation par compétence ? oui non
18.Combien de classes y a-t-il sur le site ? .
19.Avez-vous un animateur suppléant ? Oui non
20.Si non, qui vous remplace en cas d'absence ?
21.Disposez-vous du matériel didactique nécessaire
? Oui non
22.Les élèves disposent-ils de tout le manuel
scolaire ? Oui non
23.Quels sont les manuels que vous utilisez ? (le niveau de
classe)
24.Quels matériels didactiques utiliser vous ?
25.Quelles sont les disciplines enseignées ?
26.Le mobilier est-il disponible ? Oui non
27.Si non, pourquoi ?
iii
28.Recevez-vous un salaire ou des perdiems ?
salaireperdiems
29.par qui êtes vous payé ? par l'ONG Par le
village
III. Difficultés de la mise en oeuvre des
classes passerelles
1.Quelles sont vos difficultés au plan
pédagogique ? ... ... ... ... ... ... ... ...
2.Quelles sont vos difficultés au niveau social ? ... ...
... ... ... ... ...
3.Quelles sont vos difficultés au niveau organisationnel
? ... ... ... ... ... ... ... ...
3.Quelles sont les difficultés dans vos rapports avec la
communauté ? ... ... ... ...
4.Quelles sont les difficultés dans vos rapports avec les
promoteurs ? ... ... ... ...
IV. Stratégies de renforcement du système
scolaire
1.Quelles sont vos propositions au niveau pédagogique ?
... ... ... ... ... ... ... ...
2. Quelles sont vos propositions au niveau organisationnel ?...
... ... ... ... ... ...
... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
... ... ... ... ... ... ...
3. Quelles sont vos propositions au niveau environnemental ?...
... ... ... ... ...
iv
ANNEXE 2
GUIDE D'ENTRETIEN
A MONSIEUR / MADAME LE RESPONSABLE DE NRC / EPT
SUJET : Dispositif de renforcement du
système scolaire conventionnel en Côte d'Ivoire : Influence des
classes passerelles en zone Centre Nord et Ouest (C.N.O.) de 2006 A
2014
I. Identité
1.Organisation : 2.Nom : 2.Age :
3.Fonction : 4.Niveau d'instruction :
II. Présentation des classes
passerelles
1. Quels sont les missions et objectifs des classes passerelles
?
2. Depuis quand avez-vous ouvert les classes passerelles ?
3. Où sont localisés les sites des classes
passerelles ?
4. Quelle est la gestion administrative des classes passerelles
?
5. Avez-vous des partenaires ? et qui sont-ils ?
6. Quelle est l'organisation pédagogique des classes
passerelles ?
7. Quelle est l'organisation administrative des classes
passerelles ?
8. Pourquoi utilisez-vous la langue maternelle ?
9. Quelle est le profil des animateurs ?
10. Quel est le profil des élèves ?
III. Raisons de la mise en oeuvre des classes
passerelles
1. Quelle est la situation de l'éducation dans les zones
où vous intervenez ?
2. Quels sont les acquis de la mise en oeuvre des classes
passerelles ?
3. Quels sont vos rapports avec les acteurs du système
éducatif conventionnel ? 4.Quel est le rendement des classes passerelles
?
IV. Difficultés de la mise en oeuvre des classes
passerelles
1.Quelles sont vos difficultés au plan pédagogique
?
2.Quelles sont vos difficultés au niveau social ?
3.Quelles sont vos difficultés au niveau organisationnel
?
3.Quelles sont les difficultés dans vos rapports avec la
communauté ? 4.Quelles sont les difficultés dans vos rapports
avec les promoteurs ?
V. Stratégies de renforcement du système
scolaire 1.Quelles sont vos propositions au niveau pédagogique
?
2. Quelles sont vos propositions au niveau organisationnel ?
3. Quelles sont vos propositions au niveau environnemental ?
v
ANNEXE 3
ENTRETIEN EN FOCUS GROUP
AUX ELEVES DES CLASSES PASSERELLES
SUJET : Dispositif de renforcement du
système scolaire conventionnel en Côte d'Ivoire : Influence des
classes passerelles en zone Centre Nord et Ouest (C.N.O.) de 2006 A
2014
I. Présentation des classes
passerelles
1. Quelle est le nom de votre école ?
2. Depuis quel mois allez-vous à l'école ?
3. Avez-vous déjà fait l'école avant
d'arrêter ?
4. Qu'est ce qu'on vous enseigne ici ?
5. Combien d'élèves avez-vous dans votre classe
?
6. Où habitez-vous
II. Difficultés de la mise en oeuvre des classes
passerelles
1. Les tables et les bancs sont-ils disponibles?
2. Le tableau est-il en bonne état ?
3. Avez-vous les manuels scolaires ?
4. Avez-vous reçu les manuels en début
d'année ?
5. Etes-vous contents d'aller à l'école ?
6. le maitre s'occupe-t-il bien de vous ?
7. avez-vous une cantine scolaire ?
III. Stratégies de renforcement du système
scolaire
1. Qu'est ce qui vous manque dans votre école ?
2. Qu'est ce que vous souhaiteriez voir dans votre école
?
vi
ANNEXE 4
GUIDE D'ENTRETIEN
A MONSIEUR / MADAME L' INSPECTEUR D'ECOLE PRIMAIRE.
SUJET : Dispositif de renforcement du
système scolaire conventionnel en Côte d'Ivoire : Influence des
classes passerelles en zone Centre Nord et Ouest (C.N.O.) de 2006 A
2014
I. Identité
1.Nom : 2.Age : 3.Fonction : 4.Niveau
d'instruction :
II. Présentation des écoles
conventionnelles
1. Quels sont les missions et objectifs de l'enseignement
primaire ?
2. Combien d'école y a-t-il dans votre inspection ?
3. Quelle est la gestion administrative de l'enseignement
primaire?
4. Avez-vous des partenaires ? et qui sont-ils ?
5. Quelle est l'organisation pédagogique d'une
école primaire?
6. Quelle est le profil des enseignants?
7. Comment sont-ils suivis et évalué ?
8. Quel est le profil des élèves ?
9. Quelles sont les ressources disponibles ?
III. Raisons de la mise en oeuvre des classes
passerelles
1. Quelle est la situation de l'éducation dans votre
inspection ?
2. Quels sont vos rapports avec les acteurs des classes
passerelles?
3. Quel est le rendement des classes passerelles ?
4. Quels sont les acquis de la mise en oeuvre des classes
passerelles ?
IV. Difficultés de la mise en oeuvre des classes
passerelles
1. Combien de classes passerelles avez-vous dans votre
inspection ?
2. Quelles sont vos relations avec les promoteurs des classes
passerelles ?
3. Quelle est votre contribution dans la mise en place des
classes passerelles ?
4. Intervenez-vous dans l'encadrement pédagogique des
animateurs ?
5. Si oui, quel est votre rôle ?
6. Quelles est votre apport dans la conception des programmes et
contenus ?
7. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez
dans la collaboration avec les promoteurs ?
V. Stratégies de renforcement du système
scolaire 1.Quelles sont vos propositions au niveau pédagogique
?
2. Quelles sont vos propositions au niveau organisationnel ?
3. Quelles sont vos propositions au niveau environnemental ?
vii
ANNEXE 5
GUIDE D'ENTRETIEN
AU PRESIDENT DU COGES DE LA CLASSE PASSERELLE DE
SUJET : Dispositif de renforcement du
système scolaire conventionnel en Côte d'Ivoire : Influence des
classes passerelles en zone Centre Nord et Ouest (C.N.O.) de 2006 A
2014
I. Identité
1.Nom : 2.Age : 3.Fonction : 4.Niveau
d'instruction :
II. Présentation des classes
passerelles
1. Combien de membre compte le COGES ?
2. Comment sont désignés ses membres ?
3. Quels sont les objectifs du COGES ?
4. Quelle est votre contribution dans la mise en place des
classes passerelles ?
5. Quelles sont vos relations avec les promoteurs des classes
passerelles?
III. Raisons de la mise en oeuvre des classes
passerelles
1. Quelle est la situation de l'éducation dans votre
village ?
2. Quels sont vos difficultés avec les écoles
conventionnelles ?
3. Combien d'enfant ne vont -ils pas à l'école
dans votre village ?
4. Y a-t-il des écoles dans les villages environnants
?
5. Quel problème les classes passerelles règlent
dans votre village ou zone ?
IV. Difficultés de la mise en oeuvre des classes
passerelles
1. Etes-vous contents de recevoir les classes passerelles sur
votre site?
2. Les parents permettent-ils aux enfants d'aller à
l'école tous les jours ?
3. Quelles sont vos difficultés ?
V. Stratégies de renforcement du système
scolaire
1. Que peut-on faire pour améliorer les classes
passerelles ?
2. Que peut-on faire pour améliorer les écoles
conventionnelles ?
3. Quel doit être le rôle des communautés que
vous êtes ?
viii
ANNEXE 6
GRILLE D'EXAMEN DOCUMENTAIRE
THEMES
|
SOURCES
|
IDEES ESSENTIELLES
|
OBSERVATIONS
|
Education
|
|
|
|
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|
Enseignement primaire en Côte d'Ivoire
|
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|
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|
|
|
|
Education alternative
|
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Réussite scolaire
|
|
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|
|
|
|
ix
ANNEXE 7
GRILLE D'OBSERVATION
N°
|
CLASSE PASSERELLE
|
VARIABLE OBSERVEE
|
APPRECIATION
|
01
|
|
Confort scolaire
|
|
Gestion de la classe
|
|
Manuels
|
|
Programme
|
|
Masse horaire
|
|
Effectif élève
|
|
02
|
|
Confort scolaire
|
|
Gestion de la classe
|
|
Manuels
|
|
Programme
|
|
Masse horaire
|
|
Effectif élève
|
|
03
|
|
Confort scolaire
|
|
Gestion de la classe
|
|
Manuels
|
|
Programme
|
|
Masse horaire
|
|
Effectif élève
|
|
04
|
|
Confort scolaire
|
|
Gestion de la classe
|
|
Manuels
|
|
Programme
|
|
Masse horaire
|
|
Effectif élève
|
|
x
ANNEXE 8
Appréciation des variables à travers une
échelle d'attitudes
Echelle
Variables
|
Pas du tout influent
|
Insuffisamment influent
|
Moyennement influent
|
Suffisamment influent
|
Très Influent
|
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
1. individuelles (aptitudes)
|
|
|
|
|
|
1.1. Motivation des élèves
|
|
|
|
|
|
1.2. Passé scolaire des élèves
|
|
|
|
|
|
1.3. Age des élèves
|
|
|
|
|
|
2. Organisationnelles
|
|
|
|
|
|
2.1. Mise en place
|
|
|
|
|
|
2.2. Gestion du projet
|
|
|
|
|
|
2.3. Participation communautaire
|
|
|
|
|
|
3. Pédagogiques
|
|
|
|
|
|
|
3.1. programme scolaire
|
|
|
|
|
|
3.2. qualification des enseignants
|
|
|
|
|
|
3.3. Méthode d'enseignement
|
|
|
|
|
|
xi
ANNEXE 9
xii
ANNEXE 10
xiii
ANNEXE 11
xiv
ANNEXE 12
xv
PUBLICATION
xvi
xvii
xviii
xix
xx
xxi
xxii
xxiii
xxiv
xxv
xxvi
xxvii
xxviii
xxix
xxx
xxxi
TABLE D'ILLUSTRATION
Tableau I : catégories de facteurs d'influence de
l'apprentissage selon M. WANG
et al. 29 Tableau II : Récapitulatif des effets des
facteurs influençant le niveau des acquis
30
Tableau III: taux de pauvreté des différentes
régions des années 2002 et 2008 60
Tableau IV : techniques et outils de collectes de données
68
Tableau V : Chronogramme de l'enquête exploratoire 73
Tableau VI : chronogramme des enquêtes dans les zones
d'implantation des
classes passerelles 75 Tableau VII : chronogramme des
enquêtes dans les organisations non
gouvernementales 75
Tableau VIII : récapitulatif de la taille des
échantillons 77
Tableau IX : liste des classes passerelles échantillons
selon la zone d'intervention
78
Tableau X : tableau descriptif du fonctionnement des classes
à sous-effectif 99
Tableau XI: tableau descriptif du fonctionnement des classes
à sureffectif 101
Tableau XII : masse horaire en cours préparatoire 105
Tableau XIII : flux interne du système scolaire primaire
de Côte d'Ivoire de 2006
à 2014 106
Tableau XIV : évolution des effectifs élèves
de 2006 à 2014 111
Tableau XV: évolution des effectifs
classes/élèves des écoles conventionnelles 113 Tableau XVI
: exemple de Guide d'exécution du programme de l'enseignement
primaire 123
Tableau XVII: exemple de fiche pédagogique 124
Tableau XVIII : répartition de la masse horaire chez le
promoteur EPT 146
Tableau XIX: taux de réussite des classes passerelles EPT
et NRC par localité et
par année 147
xxxii
Tableau XX : évolution des effectifs
classes/élèves des classes passerelles de
NRC/EPT selon l'année 152
Tableau XXI : fiche de contrôle du matériel
didactique EPT 159
Tableau XXII : caractéristiques des classes passerelles
EPT/NRC 161
Tableau XXIII : taux brut de scolarisation primaire en
Côte d'Ivoire par année
scolaire de 2002 à 2007 173
Tableau XXIV : évolution des ratios au primaire de
2008/2009 à 2012/2013 183
Tableau XXV : évolution du taux de redoublement au
primaire selon les niveaux
de 2006-2009 184
Tableau XXVI : proportion d'animateurs selon la zone 209
Tableau XXVII : niveau d'étude des animateurs selon la
zone 210
Tableau XXVIIII : âge des animateurs selon la zone
210
Tableau XXIX : distribution des notes des classes passerelles
EPT selon la zone
211 Tableau XXX : distribution des notes des classes
passerelles NRC selon la zone
212 Tableau XXXI : distribution des notes des classes
passerelles selon le sexe et le
niveau 212 Tableau XXXII : distribution des notes des
classes passerelles selon le type de
classe passerelles, le niveau et la tranche d'âge
213 Tableau XXXIII : distribution des notes des classes passerelles selon
l'âge et le
niveau. 214 Tableau XXXIV : comparaison des moyennes
générales des taux de réussite selon
le type d'école 219 Tableau XXXV : comparaison des
moyennes de taux de réussite des CP selon le
type d'école 220 Tableau XXXVI : comparaison des
moyennes de taux de réussite des CE selon le
type d'école 221 Tableau XXXVII : comparaison des
moyennes de taux de réussite des CM selon
le type d'école 221
xxxiii
Tableau XXXVIII : hiérarchisation des déterminants
de la réussite scolaire des
élèves des classes passerelles 222
Tableau XXXIX : comparaison des moyennes de score selon le
facteur 224
Tableau XL : comparaison des moyennes de score selon la variable
224
Figure 1: la carte de la délimitation des zones Centre,
Nord et Ouest en 2003 53
Figure 2 : la carte de la région du Gbêkê
54
Figure 3 : la carte de la région du Guemon 55
Figure 4 : la carte de la région du Kabadougou 56
Figure 5 : la carte de la région du Tchologo 57
Figure 6 : la carte de la région du Tonkpi 58
Figure 7 : la carte de la région du Woroba (ex-worodougou)
59
Figure 8 : baraque aménagée pour servir de salle de
classe à l'EPP Kamonoukro
de Bouaké en 2009 62 Figure 9 : un bâtiment
entier dégradé à l'EPP Bamoro, DREN de Bouaké en
2009
63 Figure 10 : pancartes illustratives de partenaires
financiers et techniques
construisant ou réhabilitant les écoles primaires
en 2009 à Bouaké 108
Figure 11: effectif pléthorique à l'EPP Aboliba,
DREN de Bouaké 2009 112
Figure 12 : organigramme de fonctionnement de l'administration
scolaire primaire
115 Figure 13 : bâtiment en état de
dégradation avancée à l'EPP Bamoro en 2009,
DREN de Bouaké 118 Figure 14 : un bâtiment
entièrement réhabilité à l'EPP Bamoro, DREN de
Bouaké
2009 120 Figure 15 : construction d'un point d'eau et de
toilettes à l'EPP Paris Bouaké,
DREN Bouaké 2009 122
Figure 16 : modèles de classes passerelles NRC et EPT
157
Figure 17 : baraque servant de salle de classe à l'EPP
Kamonoukro, DREN
Bouaké 2009. 175
xxxiv
Figure 18 : évolution des taux de réussite des
classes passerelles EPT/ écoles
conventionnelles au niveau national selon l'année
215 Figure 19 : évolution des taux de réussite des classes
passerelles NRC et des
écoles conventionnelles au niveau national selon
l'année 216 Figure 20 : évolution des taux de réussite
des classes passerelles NRC/ écoles
conventionnelles selon la zone et l'année 218 Figure 21
: évolution des taux de réussite des classes passerelles EPT/NRC
et des
écoles conventionnelles selon la zone et l'année
219
Figure 22: projet de classes passerelles EPT en 2018 234
Figure 23 : classe passerelle sous-équipée à
Lenguédougou, DREN de Séguéla
2009 246 Figure 24 :
hétérogénéité des effectifs des
élèves de la classe passerelle EPT de
Mondougou, DREN de Séguéla 2009 261
Figure 25 : classe passerelle EPT à Bêrêko,
DREN de Séguéla 2009 265
Figure 26 : abris servant de salles de classes passerelles EPT
à Allakro et Tabako,
2008 269
Figure 27 : cantine ouverte à l'EPP Bamoro en 2009, DREN
Bouaké 272
A
Age des élèves, 222, 224
|
|
|
alternative éducative, 7, 18,
|
44, 48, 67, 319,
|
352,
|
355, 356
|
|
|
|
|
|
|
|
|
C
|
|
|
classe passerelle, iv, 13, 14,
|
15, 16, 20, 45,
|
46,
|
140, 142,
|
154,
|
155,
|
156,
|
157, 166, 208,
|
237,
|
245, 247,
|
250,
|
251,
|
257,
|
262, 268, 283,
|
284,
|
285, 292,
|
313,
|
329,
|
353,
|
354, 358
|
|
classes passerelles, iv, vi, 7, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 28, 29, 33, 35, 37, 43, 44, 45, 46, 48, 52, 64, 65, 67,
68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 81, 89,
|
90, 91,
|
92,
|
94,
|
128,
|
129,
|
130,
|
134,
|
135,
|
136,
|
139,
|
141,
|
142,
|
145,
|
147,
|
150,
|
151,
|
153,
|
154,
|
155,
|
160,
|
162,
|
163,
|
164,
|
167,
|
169,
|
170,
|
177,
|
180,
|
181,
|
186,
|
196,
|
198,
|
199,
|
204,
|
205,
|
206,
|
207,
|
208,
|
209,
|
210,
|
211,
|
214,
|
215,
|
216,
|
217,
|
218,
|
219,
|
220,
|
221,
|
222,
|
223,
|
225,
|
237,
|
239,
|
241,
|
242,
|
244,
|
247,
|
248,
|
249,
|
250,
|
251,
|
252,
|
254,
|
255,
|
256,
|
257,
|
258,
|
259,
|
264,
|
266,
|
267,
|
270,
|
271,
|
279,
|
280,
|
281,
|
282,
|
283,
|
284,
|
285,
|
286,
|
287,
|
288,
|
289,
|
290,
|
291,
|
292,
|
294,
|
295,
|
296,
|
297,
|
298,
|
299,
|
311,
|
313,
|
316,
|
317,
|
318,
|
319,
|
321,
|
326,
|
327,
|
328,
|
329,
|
330,
|
332,
|
333,
|
334,
|
335,
|
336,
|
337,
|
339,
|
341,
|
352,
|
353,
|
354,
|
355,
|
356,
|
357,
|
358,
|
359,
|
360,
|
364,
|
368,
|
373,
|
379,
|
385,
|
396, ii, iii, iv, v, vi, vii
|
|
|
|
Classes passerelles, 45, 212, 213
contenu, 29, 140, 297
contenus, 43, 69, 140
Contexte de scolarisation, 222
curricula, 16, 19, 22, 34, 90, 129, 163, 181, 247,
249, 250, 258, 281, 294, 297, 298, 313, 316,
317, 352, 353, 354, 357, 379
curriculum, 36, 48, 225, 250, 252, 289, 359, 390
Curriculum, 389
curriculum,, 48, 390
D
différenciation, 332
dispositif, 18, 23, 29, 36, 44, 45, 48, 71, 242, 250,
267, 279, 295, 311, 333
E
école conventionnelle, 139, 141, 160, 163, 207,
208, 249, 289, 317, 329, 353, 355, 356 Ecoles conventionnelles,
219, 220, 221 écoles conventionnelles, 14, 18, 19, 167, 215,
216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 249, 254,
257, 259, 262, 267, 288, 289, 294, 337, 352, 353, 354, 360,
vi, vii
éducation, ii, iv, viii, ix, 1, 4, 5, 6, 7, 9, 12, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 33, 34, 36, 39, 40, 42, 43, 44, 45, 46, 49, 61,
64, 65, 66, 67, 94, 95, 98, 107,
|
316, 317,
10, 11,
28, 31,
47, 48,
110,
|
113,
|
115,
|
119,
|
121,
|
126,
|
129,
|
130,
|
131,
|
134,
|
136,
|
151,
|
152,
|
158,
|
163,
|
172,
|
178,
|
181,
|
183,
|
189,
|
192,
|
196,
|
198,
|
199,
|
205,
|
207,
|
209,
|
244,
|
247,
|
249,
|
252,
|
254,
|
265,
|
266,
|
279,
|
280,
|
285,
|
286,
|
289,
|
290,
|
294,
|
295,
|
296,
|
297,
|
298,
|
299,
|
311,
|
313,
|
314,
|
317,
|
319,
|
321,
|
324,
|
327,
|
329,
|
335,
|
349,
|
352,
|
355,
|
356,
|
357,
|
359,
|
360,
|
363,
|
364,
|
365,
|
366,
|
367,
|
368,
|
369,
|
370,
|
371,
|
372,
|
373,
|
374,
|
375,
|
376,
|
378,
|
379,
|
381,
|
384,
|
386,
|
388,
|
389,
|
391,
|
392,
|
393,
|
394,
|
395, iv, vi, vii
|
éducation alternative, 10, 20, 48, 49, 319
éducation d'urgence, 12, 16, 18, 19, 21, 23, 24,
44, 46, 67, 129, 199, 294, 295, 313, 319, 352,
356, 357, 359
efficacité, 28, 37, 81, 211, 222, 225, 281, 297,
328, 337, 356, 359, 360, 363, 392
égalité, 4, 189, 366
équité, 4, 392
F
facteurs individuels, 223, 331
facteurs organisationnels, 19, 31, 223, 224, 281, 325, 326,
357
facteurs pédagogiques, 19, 34, 223, 224, 331, 357
fonctionnement, 18, 45, 68, 69, 72, 281, 289, 322, 327, 369
formation pédagogique, 256, 294, ii
G
Gestion du projet, 222, 224 gestion participative, 327, 328
I
implantation, 74, 154, 180, 205, 267
inégalité, 367
inter-âge, 332
L
langue maternelle, 29, 140, 160, 253, 255, 256, 290, 312, 349,
367, 370, 378, ii, iv
M
Méthode d'enseignement, 222, 224
xxxv
INDEX DES MOTS CLÉS
Mise en place du projet, 222, 224 Motivation des
élèves, 222
O
Origine socio-économique des élèves, 222
P
Participation communautaire, 222, 224
Passé scolaire des élèves, 222, 224
performance, 36, 37, 39, 43, 47, 48, 253, 294
Performance, 364, 372
performance scolaire, 36, 43, 47, 48, 73, 294, 356
Politique éducative, 29, 222
Programme scolaire, 222, 224
Q
R
renforcement, iv, 10, 12, 16, 18, 19, 22, 44, 67, 90, 95, 97,
106, 125, 129, 141, 222, 239, 279, 287, 290, 295, 311, 318, 356, 357, 358, 359,
373, iii, iv, v, vi, vii
résultat scolaire, 47, 80, 321, 341, 379
résultats scolaires, 12, 15, 73, 75, 81, 222, 237,
256, 287, 291, 330, 331, 356, 359
réussite scolaire, iv, 12, 19, 28, 29, 30, 34, 36, 38,
39, 43, 44, 47, 48, 216, 281, 333, 337, 347,
357, 366, 369, 371, 391, 396
S
scolarisation, viii, ix, 7, 8, 43, 45, 46, 255, 295,
297, 352, 360, 362, 375, 383, 392
stratégies de scolarisation
accélérées, 44
système éducatif, iv, 3, 10, 14, 17, 28, 44, 49,
61,
xxxvi
Qualification des enseignants, 222, 224 95, 96, 114, 171, 172,
173, 176, 180, 182,
|
183,
|
184,
|
193,
|
202, 204,
|
207,
|
236,
|
237,
|
279,
|
280,
|
311,
|
314,
|
321, 341,
|
352,
|
363,
|
373,
|
376,
|
383,
|
384,
|
385,
|
389, iv
|
|
|
|
|
xxxvii
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE iii
RÉSUMÉ iv
ABSTRACT v
REMERCIEMENTS vi
SIGLES ET ABRÉVIATIONS vii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
I.CADRE THÉORIQUE 9
1. Justification du choix du sujet 9
1.1. Motivation personnelle 9
1.2. Pertinence institutionnelle 10
1.3. Pertinence scientifique 11
1.4. Pertinence sociale 12
2. Constats 13
2.1. Constat 1 : la classe passerelle et l'école primaire
conventionnelle : 13
deux systèmes scolaires différents 13
2.2. Constat 2 : la classe passerelle : une alternative aux
limites du 14
système scolaire conventionnel 14
2.3. Constat 3 : la classe passerelle : un dispositif de
renforcement du 16
système scolaire conventionnel. 16
3. Problématique 17
3.1. Problème de recherche 17
3.2. Questions de recherche 18
4. Objectifs de l'étude 18
4.1. Objectif général 18
4.2. Objectifs spécifiques 19
5. Thèse 19
6. Hypothèses spécifiques 19
7. Revue critique de la littérature 20
7.1. Classes passerelles et éducation alternative 20
7.2. Classes passerelles et éducation d'urgence 23
7.2.1. Genèse et fondement de l'éducation d'urgence
23
7.2.2. Phases de l'intervention d'urgence 25
7.2.3. Cadre règlementaire de l'intervention d'urgence
26
7.2.4. Approches du secours éducatif 27
xxxviii
7.3. Classes passerelles et réussite scolaire 28
7. 3.1. Facteurs déterminants de la réussite
scolaire selon WANG Margaret et
al 28
7.3.2. Facteurs déterminants de la réussite
scolaire selon le PASEC 30
7.3.3. Réussite scolaire et facteurs organisationnels
31
7.3.4. Réussite scolaire et facteurs
pédagogiques 34
7.3.4.1. Réussite scolaire et programme scolaire 34
7.3.4.2. Réussite scolaire et méthode
d'enseignement 35
7.3.4.3. Réussite scolaire et qualification des
enseignants 38
7.3.5. Réussite scolaire et facteurs sociaux et
individuels (aptitudes) 39
7.3.5.1. Théories classiques des facteurs sociaux
39
7.3.5.2. Modèle de l'empathie et l'avantage
stratégique 41
7.3.5.3. Théorie de la résilience scolaire
42
7.3.5.4. Réussite scolaire et âge des
apprenants 43
8. La valeur ajoutée 44
9. Approche conceptuelle 44
9.1. Education d'urgence 44
9.2. Classes passerelles 45
9.3. Stratégies de scolarisation
accélérée (SSA) 46
9.4. Réussite scolaire 47
9.5. Education alternative ou alternative éducative
48
9.6. Gouvernance scolaire 50
II. CADRE MÉTHODOLOGIQUE 52
1. Délimitation du champ de l'étude 52
1.1. Champ géographique 52
1.2. Champ sociologique 60
2. Ancrage théorique 67
3. Méthodes et instruments de collecte de
données 67
3.1. Observation et grille d'observation 68
3.2. Etude documentaire et grille d'examen documentaire 69
3.3. Entretien et guide d'entretien 70
3.4. Enquête par questionnaire et questionnaire 71
3.5. Mesure des attitudes et échelle d'attitudes 72
4. Etapes de l'étude 73
4.1. Pré-enquête 73
xxxix
4.2. Enquête 74
5. Echantillonnage 76
5.1. Choix des techniques d'échantillonnage 76
5.2. Critères de choix et construction de
l'échantillon 76
5.2.1. Populations cibles principales 77
5.2.2. Population cible secondaire 79
6. Traitement des données 80
7. Analyse des données 82
7.1. Méthode compréhensive 82
7.1.1. Phase compréhensive 82
7.1.2. Phase interprétative 82
7.1.3. Phase explicative 83
7.2. Analyse systémique 84
7.3. Théorie des parties prenantes 85
7.4. Théorie de la résilience 86
7.5. Management participatif 87
8. Limites des options méthodologiques 89
9. Difficultés de l'étude 89
10. Plan de restitution des résultats 90
PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DU SYSTÈME
SCOLAIRE
PRIMAIRE CONVENTIONNEL ET DES CLASSES PASSERELLES 91 CHAPITRE
1 : PRÉSENTATION DU SYSTEME SCOLAIRE PRIMAIRE
CONVENTIONNEL 93
1. Cadre institutionnel de la scolarisation en Côte
d'Ivoire 94
2. Mission et objectifs 96
3. Méthodes et langues d'enseignement 97
4. Programme 98
5. Organisation des cours 98
6. Méthode d'intervention 103
7. Formation pédagogique des enseignants 104
8. Masses horaires 104
9. Indicateurs des flux internes 105
10. Intrants mis à disposition 106
10.1. Financement 106
10.2. Enseignants 109
xl
10.3. Elèves 110
10.4. Administration 113
10.5. Parents d'élèves 116
10.6. Infrastructures et équipements 117
10.7. Matériel didactique et manuels scolaires 123
10.8. Méthodes et instruments d'évaluation 124
Conclusion du chapitre 1 126
CHAPITRE 2 : PRÉSENTATION DES CLASSES PASSERELLES 128
1. Cadre institutionnel des classes passerelles 129
2. Mission et objectifs 139
3. Méthodes et langues d'enseignement 139
4. Programme 140
5. Organisation des cours 140
6. Méthodes d'intervention 141
7. Formation pédagogique des enseignants 142
8. Masses horaires 145
9. Indicateurs des flux internes 146
10. Intrants mis à disposition 147
10.1. Financement 147
10.2. Enseignants ou animateurs 149
10.3. Elèves 150
10.4. Administration 153
10.5. Parents d'élèves 154
10.6. Infrastructures et équipements 155
10.7. Matériel didactique et manuels scolaires 158
10.8. Méthodes et instruments d'évaluation 160
Conclusion du chapitre 2 163
Conclusion de la première partie 166
DEUXIÈME PARTIE : RAISONS DE LA MISE EN OEUVRE DES
CLASSES
PASSERELLES 169 CHAPITRE 3 : LIMITES DU SYSTÈME
SCOLAIRE PRIMAIRE
CONVENTIONNEL 171
1. Un système éducatif en crise 172
1.1. Diminution sensible des ressources allouées et un
faible niveau
d'investissement 172
1.2. Faible taux de couverture scolaire 173
xli
1.3. Insuffisances des infrastructures et des services
éducatifs offerts 174
1.4. Accès limité et discontinuité
éducative 176
1.5. Disparités de scolarisation selon le sexe, la
région, le milieu
d'habitation et le statut socio-économique 177
1.6. Gestion des risques 181
1.7. Ressources humaines limitées ou
sous-utilisées 182
1.8. Effectifs d'élèves pléthoriques
183
1.9. Taux de déperdition élevés 184
1.10. Taux de réussite en hausse mais des acquis
scolaires faibles 185
1.11. Temps scolaire non optimisé 185
1.12. Dotations inéquitables des manuels scolaires
186
2. Un contexte de conflit armé 186
2.1. Un environnement scolaire politisé par les
belligérants 187
2.2. Un environnement scolaire sous l'emprise de la violence
188
2.3. Un environnement social manipulé par les
belligérants 188
2.4. Fermeture des écoles 189
2.5. Destruction physique des infrastructures
éducatives 191
2.6. Baisse de la scolarisation 191
2.7. Déplacement des acteurs de l'éducation
192
2.8. Réticence des communautés locales 194
2.9. Démotivation des élèves 195
2.10. Réouverture de l'école en situation
d'urgence 195
2.11. Déficit des personnels éducatifs 197
2.12. Retour des acteurs de l'éducation en zones CNO
198
2.13. Réhabilitation des écoles ou
période de reconstruction 199
2.14. Insuffisance des mécanismes de mitigation du
système scolaire 199
Conclusion du chapitre 3 202
CHAPITRE 4 : MISE EN OEUVRE DES CLASSES PASSERELLES 204
1. Contexte de la mise en oeuvre 205
2. Acquis de la mise en oeuvre 206
2.1. L'accès à l'école et la couverture
scolaire 206
2.2. Accroissement de l'offre éducative 207
2.3. Gratuité de l'école 207
2.4. Intégration des élèves à
l'école conventionnelle 207
xlii
2.5. Inscription des classes passerelles sur la carte scolaire et
accroissement
des effectifs des classes 207
2.6. Implication de l'Etat au projet classe passerelle 208
2.7. Des performances post passerelles satisfaisantes 208
2.8. Profil adéquat des enseignants 209
2.9. Efficacité interne des classes passerelles EPT et NRC
211
2.9.1. Distribution des notes et des taux de réussite
211
2.9.2. Comparaison des taux de réussite des classes
passerelles et des classes
conventionnelles au niveau national 214
2.9.3. Comparaison des taux de réussite scolaires au
niveau régional 216
3. Facteurs explicatifs de l'efficacité des classes
passerelles 222
4. Renforcement des classes passerelles après 2014 225
4.1. Extension des classes passerelles Save The Children 225
4.2. Atelier de revue et d'harmonisation de l'approche «
classes passerelles »
en Côte d'Ivoire en 2017 226
4.3. Classes passerelles EPT en zone cacaoyère 233
Conclusion du chapitre 4 236
Conclusion de la deuxième partie 237
TROISIÈME PARTIE : DIFFICULTÉS DE LA MISE EN OEUVRE
DES CLASSES PASSERELLES ET STRATÉGIES DE RENFORCEMENT DU
SYSTÈME SCOLAIRE 239 CHAPITRE 5 : DIFFICULTÉS DE
LA MISE EN OEUVRE DES CLASSES
PASSERELLES 241
1. Difficultés de gouvernance 242
1.1. Retard de livraison du matériel 242
1.2. Retard de paiement des primes 244
1.3. Insuffisance des primes des animateurs 244
1.4. Absence de perspective pour les ex-animateurs 244
1.5. Insuffisance des financements 244
1.6. Absence de financement de l'Etat 247
1.7. Insuffisance des mesures de pérennisation 247
1.8. Insuffisance du guide de mise en oeuvre 248
1.9. Limites du processus d'intégration 248
1.10. Manque de suivi des élèves 249
1.11. Accroissement des effectifs 249
2. Difficultés pédagogiques 250
xliii
2.1. Conception difficile des curricula 250
2.2. Divergence de perception du concept « classe
passerelle » 250
2.3. Difficultés liées à l'âge des
élèves 252
2.4. Absence d'animateur suppléant 254
2.5. Disparité d'effectifs entre filles et
garçons 254
2.6. Difficultés liées à la langue
maternelle 254
2.7. Absence d'étude fiable sur l'utilisation des
langues maternelles comme
outil d'enseignement 255
2.8. Absence d'un syllabaire de langue maternelle 256
2.9. Insuffisance du temps de formation initiale 256
2.10. Insuffisance du temps scolaire 256
2.11. Disparités de performance 256
2.12. Déperdition liée à
l'hétérogénéité des niveaux d'étude
259
2.13. Divergence des pratiques pédagogiques 262
2.14. Mauvaise pratique pédagogique 262
3. Difficultés contextuelles ou conditions d'exercice
263
3.1. Environnement de post-crise 263
3.2. Environnement de crise économique 266
3.3. Mise en place difficile 267
3.4. Ressources limitées des écoles hôtes
267
3.5. Salles de classe inadaptées 268
3.6. Absence d'extraits de naissance des enfants 270
3.7. Insuffisance de cantines scolaires 271
3.8. Insuffisance de communication 273
3.9. Discrimination contre les élèves à
intégrer 273
3.10. Insuffisance de coordination 274
3.11. Absence de documentation 274
Conclusion du chapitre 5 276
CHAPITRE 6 : STRATÉGIES DE RENFORCEMENT DU
SYSTÈME
SCOLAIRE A TRAVERS LES CLASSES PASSERELLES 279
1. De la gestion administrative 280
1.1. De la procédure de mise en place 280
1.2. De l'application du guide de mise en oeuvre des classes
passerelles en
Côte d'Ivoire 281
1.3. De l'organigramme de fonctionnement du projet 281
xliv
1.4. De la prééminence des facteurs
organisationnels 281
1.5. De la participation communautaire 282
1.6. Des ressources matérielles et financières
283
1.7. De la rémunération des animateurs 283
1.8. Des perspectives pour les animateurs 283
1.9. De la pérennisation des classes passerelles 284
2. De l'accès, de la rétention et de
l'équité en éducation 285
2.1. De la politique éducative de maintien des classes
passerelles 285
2.2. De la pertinence des conditions d'accès 286
2.3. De l'influence du passé scolaire des
élèves 286
2.4. Du renforcement des cantines scolaires 287
2.5. De la question des déperditions 288
2.6. De la nécessité de la synergie en
évaluation 288
3. De la qualité de l'éducation 289
3.1. De l'encadrement pédagogique 289
3.2. Des techniques d'encadrement 290
3.3. De la pertinence de
l'hétérogénéité de l'âge des
apprenants en classe
unique 291
3.4. De la pertinence du programme
accéléré 292
3.5. De la pertinence de la langue maternelle 292
3.6. De la contribution de la motivation des
élèves 292
3.7. De l'optimisation du temps scolaire 293
3.8. De l'adéquation du profil du personnel 294
3.9. De la réforme des curricula 294
4. Du contexte et des conditions d'exercice 294
4.1. Des conditions d'intervention 295
4.2. Des conditions d'accès à l'éducation
en situation d'urgence 296
4.3. De l'environnement d'apprentissage 296
4.4. De la qualification des enseignants 297
4.5. De la politique éducative 297
4.6. De la construction des salles de classe 298
4.7. De la nécessité d'équiper les
écoles hôtes 299
4.8. Du processus enseignement/apprentissage 299
4.8.1. Des objectifs d'apprentissage 300
xlv
4.8.2. Des programmes scolaires 300
4.8.3. Des matériels didactiques et des matériels
d'apprentissage 302
4.8.4. Des contenus de l'apprentissage 302
4.8.5. Des besoins psychosociaux 304
4.8.6. Des méthodes d'enseignement 304
4.8.7. De la langue d'enseignement 306
4.8.8. De la diversité des apprenants 306
4.8.9. De l'aptitude des enseignants et personnels de
l'éducation 307
4.8.10. Des méthodes d'évaluation 309
Conclusion du chapitre 6 311
Conclusion de la troisième partie 313
DISCUSSION 315
1. Rappel et synthèse des résultats 316
1.1. A propos des différences structurelles et
fonctionnelles des classes
passerelles et des écoles conventionnelles. 316
1.2. A propos des raisons de la mise en oeuvre des classes
passerelles 317
1.3. A propos des stratégies de renforcement du
système scolaire
conventionnel à travers les classes passerelles 318
2. Les classes passerelles en tant qu'alternative
éducative et dispositif
d'éducation d'urgence en Côte d'Ivoire 319
2.1. Les classes passerelles en tant qu'alternatives
éducatives 319
2.2. Les classes passerelles en tant que dispositifs
d'éducation d'urgence 321
3. Les classes passerelles en tant que catalyseurs de la
réussite scolaire 324
3.1. De l'influence des facteurs organisationnels 325
3.1.1. De l'influence de la participation communautaire 326
3.1.2. De l'influence de la gestion du projet école
327
3.1.3. De l'influence de la mise en place du projet 329
3.2. De l'influence des facteurs pédagogiques et
individuels 331
3.2.1. De l'influence de
l'hétérogénéité de l'âge des
apprenants 331
3.2.2. De l'influence du programme scolaire
accéléré des classes passerelles
333
3.2.3. De l'influence de la langue maternelle 335
3.2.4. De l'influence de la qualification du personnel
d'éducation 337
3.3. De la résilience scolaire 338
4. Les classes passerelles en tant que dispositif de
renforcement du système
scolaire 341
xlvi
4.1. Du renforcement de la gestion administrative 341
4.2. Du renforcement de l'accès, la rétention et
l'équité en éducation 343
4.3. Du renforcement de la qualité de
l'éducation 346
4.4. Du renforcement contextuel et des conditions d'exercice.
349
CONCLUSION GÉNÉRALE 352
BIBLIOGRAPHIE 363
ANNEXES i
TABLE D'ILLUSTRATION xxxi
INDEX DES MOTS CLÉS xxxv
TABLE DES MATIÈRES xxxvii
|