Problématique du leadership responsable de la classe politique congolaise. Regard sur l'administration publique de la troisième république.par Carlytho Nzazi Lengi Université Pédagogique Nationale (UPN) - Licence en sciences politiques et administratives 2013 |
SECTION 3. CONSEQUENCES DE L'ABSENCE ET LA DEFAILLANCE DE L'ETAT EN RDCLes problèmes que connait la nation congolaise, dans tous les secteurs de la vie nationale, sont, à notre avis, liés à la nature et au fonctionnement de l'Etat dont avons hérité et qui n'ont pas fondamentalement changé. Plus de cinq décennies après l'indépendance, le peuple congolais vit dans un Etat conçu et organisé pour exploiter les richesses naturelles de son espace physique en vue d'alimenter les marchés internationaux129(*) . L'administration publique de la troisième république et l'organisation institutionnelle congolaise sont fortement marquées par cette philosophie héritée de la colonisation. Nous voulons attirer l'attention sur ce que la RDC devra se donner comme type d'Etat et comme forme d'engagement sociopolitique aujourd'hui. Nous voyons dans ce type d'Etat et dans cette forme d'engagement la condition essentielle pour réussir les ambitions de modernisation et d'émergence qui animent les discours officiels des dirigeants du pays actuellement. L'absence et la défaillance de l'Etat congolais ont donné plusieurs métaphores qui disent long sur la pensée politique congolaise comme communauté de destin et commune volonté d'espérance. Le professeur KA-MANA estime, que la RDC est un Etat vide pour souligner son inexistence entant que force organisatrice des populations et dynamique d'initiatives pour répondre aux défis monumentaux de l'heure130(*). Toujours pour démontrer l'absence de l'Etat en RDC, Chomsky décrit l'incapacité du système politique congolais à garantir la sécurité physique, mentale et morale des citoyens dans leurs capacités créatives et inventives131(*). Trefon Théodore parle d'un Etat meurtrier, qui tue son peuple en l'enfonçant dans la désespérance et le désarroi total132(*). La RDC demeure un pays sinistré. L'absence et de la défaillance de l'Etat se confirme et se manifestent pas trois constats : le déficit de gouvernance, la déliquescence de l'Etat et la persistance de la guerre dans la partie orientale du pays. II.3.1. LE DEFICIT DE GOUVERNANCEFaut-il entendre par gouvernance, un processus d'organisation et d'administration des sociétés humaines dans le respect et l'épanouissement des diversités133(*). Gouvernance n'est donc pays synonyme de gouvernement. Les deux notions se réfèrent à des comportements exprimant une volonté, à des activités guidées par un but, à des systèmes des règles134(*). Mais, il faut savoir que la gouvernance, phénomène plus large que le gouvernement inclut les mécanismes gouvernementaux. Fille de l'abondance et de la démocratie, la gouvernance s'inscrit dans cette permanente de meilleurs systèmes de gestion des hommes et des ressources. Pour la gouvernance, la décision, au lieu d'être la propriété et le pouvoir de quelqu'un (individu ou groupe), doit résulter d'une négociation permanente entre les acteurs sociaux, constitués en partenaires d'un vaste jeu, le terrain de jeu peuvent être une entreprise, un Etat, une organisation, un problème à résoudre135(*). Il sied de souligner que la gouvernance va donc de pair avec la démocratie, le respect de droit de l'homme et la participation citoyenne dans l'identification, l'expression et la gestion de la demande sociale et économique. Elle suppose un pacte républicain, préalable, tacite ou explicite, sur les valeurs consensuelles sur lesquelles tous les citoyens, à quelque classe sociale ou parti politique qu'ils appartiennent veulent organiser la vie en commun136(*). La RD Congo est gérée, dans un déficit criant de gouvernance, de vision économique et de repères légaux. La constitution s'y lit souvent avec de ciseaux : ceux qui sont chargés de l'interpréter et de l'appliquer, le font souvent en fonction de leurs intérêts égoïstes, personnels ou collectifs137(*). Les droits sociaux des citoyens sont méconnus, et le peuple clochardisé et affamé n'a pas la force intellectuelle et le courage civique de revendiquer efficacement et de le faire valoir auprès des dirigeants. Il serait vain de chercher à savoir quelle est la vision et la politique du gouvernement en matière de sécurité alimentaire, de santé, d'éducation, de logement, du transport, de l'environnement... dans tous ces domaines ou la constitution définit les droits sociaux de la population138(*). Le pouvoir navigue à vue. Et lorsqu'il est interpelé par le parlement sur les sujets, il se livre à un discours futuriste et à un show médiatique, sans suivi ni lendemain. La corruption a atteint des proportions telles que tout, y compris les consciences, est achetable à vil prix, même au sein des institutions publiques. Les votes au parlement sont monnayés. Les lois sont dictées et promulguées, mais non appliquées. Les recommandations du législatif à l'exécutif demeurent sans lendemain139(*). La magistrature en nombre insuffisant, aux ordres de l'exécutif, mal formée, sous équipée, mal rémunérée continue à accuser des signes évidents de vénalité et s'adonne au rançonnement en règle des justiciables au dépend desquelles elle vit. Magistrats et avocats s'entendent souvent pour tirer les procès en longueur et dire le droit de manière arbitraire, en faveur du plus offrant. Les révocations entachées d'irrégularité administrative ont été opérées au sein de la magistrature, mais sans que les causes profondes de l'inefficacité et des dérives constatées soient corrigées. Tant et si bien que les nouveaux fonctionnaires désignés tombent dans les mêmes travers que les précédents et que la situation ne change guère. En RDC, la guéguerre politicienne entre la majorité et l'opposition, la confiscation de la régulation de l'espace socio-économique par l'Etat ou par la classe politique, la dictature de la pensée unique et le déficit de débat et de la liberté d'opinion au sein des partis politiques parfois fictifs, l'inexistence d'une société civile authentique et coordonnée, organisant une vraie participation citoyenne à la gestion de la respublica... sont autant de déficits et de graves entorses à la bonne gouvernance. Ce pacte républicain est incompatible avec la confiscation de l'espace social et économique par l'Etat ou par une quelconque classe dirigeante ou par un parti politique. Il est en contradiction radicale avec l'exclusion d'une quelconque portion de citoyens à la participation à la gestion et à la promotion du bien être individuel et collectif de la société. La gouvernance instaure comme plus petit dénominateur commun entre tous les acteurs politiques sociaux et économiques étatiques et non étatiques, le droit et le devoir d'oeuvre et de participer à la promotion du bonheur individuel et collectif à la gestion des ressources disponibles pour atteindre cet objectifs. Il repose sur une citoyenneté responsable, engagée et active. Appliquée à un pays comme la RDC, la bonne gouvernance vise le mécanisme de la participation de l'ensemble du peuple congolaise à la quête, à la conception, à l'élaboration et la mise en oeuvre du programme visant le bien-être de la population (le social) et le développement du pays (l'économie), et c'est au-delà des clivages politiques, idéologiques, ethniques, régionaux, philosophiques, sociaux ou culturels gouvernance, en RDC, vise, en premier, la restauration de la paix sur l'ensemble du territoire national et la stabilité politique, comme condition préalable à tout programme et action socio-économique elle suppose le dépassement des oppositions et des antagonismes résiduels consécutifs au conflit qui a divisé le pays et les populations car, pour vivre et construire ensemble une nation et un devenir commun, il faut absolument un environnement sociopolitique apaisé et un pacte social consacrant un minimum de consensus sur l'essentiel, notamment sur le destin de la nation enfin, elle vise la restauration du tissu, social et économique détruit par trente ans de dictature. Suivi d'une transition de plus de dix ans, ponctuée par une guerre meurtrière, à caractère national, géopolitique et géographique au tour d'une telle gouvernance et de ses objectifs. * 129 KA MANA., l'invention et la refondation de l'Etat en RDC, Goma, éd. RECIP, 2012, p. 5. * 130 Ibid., p. 56. * 131 CHOMSKY., Cité par KA MAMA, p. 45. * 132 TREFON Théodore., Ordre et désordre à Kinshasa ; Réponse populaire à la faillite de l'Etat, Paris, éd. Harmattan, 2004, p. 49. * 133 MAREAU DEFARGES., La gouvernance, Paris, coll. Que sais-je ? PUF, 2003, p. 9 * 134 GAUDIN J.P., cité par Richard MUGARUKA, Op cit, p. 129. * 135 MAREAU DEFARGES., Op cit, p. 14. * 136 MAREAU DEFARGES., Op cit, p. 16 * 137 MUGARUKA Richard., Op cit, p. 200. * 138 Voire la constitution de la RDCtelle que modifiée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011. * 139 MUGARUKA Richard., Op cit, p. 202. |
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