Dette du petrocaribe à l'épreuve des droits économiques et sociaux en Haïti.par Jean-DonàƒÂ¨s LETANG Université Catholique de Louvain Saint-Louis-Bruxelles - Master de spécialisation en droits de l'homme 2018 |
2.5- Conséquences de la dette du Petrocaribe sur le droit à la sécurité socialeOutre de ses impacts sur le droit à la santé, le fonds du Petrocaribe a été utilisé dans la mise en place des programmes liés au droit à la sécurité sociale. D'abord, ce droit a reçu sa première consécration juridique internationale dans les termes de l'article 22 de la DUDH1°8. En outre, il a été consacré dans les dispositions de l'article 9 du PIDESC : « les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales »109. Qui plus est, ce droit a trouvé son ancrage juridique dans l'observation générale no 19 (2007) du Comité des droits économique sociaux et culturels sur le droit à la sécurité sociale concernant l'article 9 du Pacte11°. Au niveau national, ce droit trouve ses principaux fondements dans l'article 22 de la Constitution haïtienne de 1987111. En Haïti, le doit des personnes à la sécurité sociale est traité en parent pauvre non seulement par les autorités publiques mais également par les acteurs non étatiques travaillant dans le domaine. C'est ainsi que même les personnes qui travaillent dans le pays ne bénéficient pas une vraie couverture d'assurance. Ensuite, les personnes vulnérables comme les handicapés, les enfants et les femmes enceintes ne bénéficient pas de protection sociale. C'est pourquoi sans avoir la prétention de faire croire que les fonds contractés au titre de Petrocaribe pouvaient résoudre tous les problèmes liés à la question de sécurité sociale, mais il est important de relater que ces fonds devaient être une opportunité pour l'Etat haïtien de lancer des projets porteurs d'espoir en rapport à la sécurité sociale. Dans l'intention de répondre à 106. Voir à ce sujet http://humanitaire.blogs.liberation.fr publié le 21/06/2010 la santé en Haïti un service publique ou un système privé, le 12/08/2019. 107 . Eric David et Gabrielle Lefèvre, Juger les multinationales, Edit. MARDAGA, Bruxelles, P. 54.
Page | 30 ses obligations, l'Etat haïtien a lancé des programmes sociaux qui n'ont que des effets de boule de neige dans le pays qui n'avaient pas comme objectif de réaliser et de protéger le droit à la sécurité sociale. Parmi ces programmes sociaux, il est éminemment crucial de voir les retombées de deux de ces programmes mis en place par les autorités étatique au travers d'un organisme autonome dénommé Fonds Assistances, Economique et Social (FAES) qui sont KORE « ETIDVAN et TI MANMAN CHERI »112. En tout premier lieu, ces fonds ont été utilisé afin de réaliser un programme social en faveur des étudiants de l'Université D'Etat d'Haïti (UEH) dénommé KORE ETIDYAN. Voilà en quoi consiste ce programme dit social mis en branle par l'Etat au profit des étudiants : « le programme « Kore etidyan » a été mis en oeuvre depuis décembre 2012 pour aider les étudiants de l'Université d'Etat. Il consiste en l'octroi d'un montant de 18 000 HTG aux étudiants bénéficiaires, sous forme de bourse, pour l'année académique. Jusqu'en janvier 2014, 22 000 étudiants avaient bénéficié de ce programme »113. Selon le rapport d'audit de la CSCCA haïtienne, ce programme social a été financé avec les fonds du Petrocaribe. La Cour a révélé, au travers, de son audit que la plupart des bénéficiaires sont des personnes fictives parce que les auditeurs de cette institution républicaine ne sont pas arrivés à retracer l'identité de tous les bénéficiaires. Au regard de l'avis d'un juge de la Cour interviewé dans le cadre de ce travail de recherche, la gestion de ce programme social qui avait comme objectif premier d'aider des étudiants, est révélatrice de graves carences. Ce programme a été une source d'instrumentalisation des étudiants bénéficiaires à des fins électoralistes. En plus de ce programme social mis à la disposition des étudiants, un autre programme de protection sociale a été mis en branle durant cette période avec les fonds du Petrocaribe dénommé « Ti Manmi Cheri »114 sous la houlette du FAES au travers un service de cet organisme autonome appelé « EDE PEP »115. Ce programme lié à la sécurité sociale a été mis en place par l'administration de Martelly-Lamorte respectivement Président et Premier Ministre de 2011-2016. Force est de constater cependant, ce programme de protection sociale qui avait pour objectif d'aider certaines mères se résume ainsi :« Ti Manman Cheri est un programme de protection sociale du Gouvernement Haïtien qui aide les mères défavorisées à supporter leurs familles et à investir dans l'éducation de leurs enfants. Par ce programme qui est placé sous la direction du Fonds d'assistance économique et sociale (FAES), le gouvernement met des fonds à la disposition des familles vulnérables pour leur permettre d'assurer l'éducation des enfants »116. Il est à noter que le transfert se fait mensuellement sur le numéro de téléphone de chaque maman en fonction du nombre d'enfant qu'elle a à l'école. Chaque maman bénéficiaire de cette aide sociale perçoit une allocation de l'Etat durant une période de 6 mois. Le tableau ci-dessous peut illustrer clairement la distribution de cette allocation en fonction du nombre d'enfants qui sont à l'école et du montant mensuel par maman.
universel, 26e session, 31octobre-11 novembre 2016, Genève, P.12. 114 . https://groups.google.com/forum/#!topic/haiti-nation/wmbPthZ26gg, le 25/06/2019 115. EDE PEP : Ce terme créole se traduit en français par l'expression Aide au peuple, 116 . https://groups.google.com/forum/#!topic/haiti-nation/wmbPthZ26gg, le 25/06/2019. Page | 31 Le montant recevable est déterminé dans le tableau ci-dessous117 :
Source : https://groups.google.com/forum/topic/haiti-nation/wmbgg A l'instar de la quasi-totalité des projets exécuté avec les fonds du programme Petrocaribe, ce programme de protection sociale porte également ses travers selon les faits exposés par les juges de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif. L'un des impacts majeurs de ce programme réside dans le fait qu'il incite les femmes à avoir beaucoup plus d'enfants. De plus, les femmes qui n'avaient pas d'enfants se sentaient discriminées. C'est ainsi que « conformément aux articles 2 et 3 du PIDESC, les Etats parties ont l'obligation de garantir à chacun l'exercice des droits consacrés par le Pacte, sans aucune discrimination »118. Au niveau de cette observation générale, il est clair que l'Etat haïtien ne peut pas faire de discrimination en donnant cette aide sociale. En somme, l'Etat a l'obligation d'empêcher des acteurs privés de faire également de discrimination d'où l'importance de l'obligation de protéger de l'Etat. Comme, il a été susmentionné dans les lunettes du rapport d'audit des juges de la Cour, ce programme a été une vaste opération de fraude et de corruption parce que la plupart des mamans considérant comme bénéficiaires de ce programme de protection sociale sont des personnes fictives. Ces deux programmes sociaux liés à la dette du Petrocaribe qui est à la fois une dette mais également une aide au développement reçue dans le cadre d'une coopération au développement Sud-Sud a eu des effets négatifs sur le droit à la sécurité sociale dans le pays. D'où la nécessité d'aborder la question de la corruption liée à la gestion des fonds du Petrocaribe.
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