Dette du petrocaribe à l'épreuve des droits économiques et sociaux en Haïti.par Jean-DonàƒÂ¨s LETANG Université Catholique de Louvain Saint-Louis-Bruxelles - Master de spécialisation en droits de l'homme 2018 |
2.4- Effets de la dette du Petrocaribe sur le droit à la santé en HaïtiLes fonds obtenus par Haïti dans le cadre de l'exécution de ce traité de sécurité énergétique (TSE) Petrocaribe91 produisent des effets sur le droit à la santé en Haïti. Au niveau universel, ce droit a été consacré par la DUDH à travers l'article 25 de cet instrument92. Puis, ce droit a reçu sa consécration juridique dans les dispositions de l'article 12 du PIDESC93 instrument juridique contraignant et au travers de « l'Observation générale no 14 » du Comité des droits économiques, sociaux et culturels94 assurant la surveillance de cet instrument. Le droit à la santé a une importance monumentale dans la vie de chaque être humain. Le droit à la santé constitue un droit fondamental de la personne humaine. Ce droit fondamental. Au travers de cette observation générale, le comité a donné un corpus à l'article 12 du PIDESC. Au niveau national, ce droit fondamental est garanti par la Constitution haïtienne de 1987 au travers des termes de l'article 1995. Il est aussi garanti par son article 2396. Le droit à la santé des populations tel que consacré dans les différents instruments de droit de l'homme en particulier le PIDESC et la Constitution haïtienne constitue une obligation pour l'Etat d'Haïti. La situation de ce droit est lamentable en Haïti. Seulement les personnes qui travaillent ont droit à une faible couverture médicale. Le droit à la santé comme droit fondamental ne constitue pas une priorité des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir en Haïti pendant la gestion des fonds de Petrocaribe. Ce constat trouve ses explications dans le fait que parmi les 40997 projets exécutés avec les fonds contractés du
93 . Olivier De Schutter, Françoise Tulkens et Sebastien Van Drooghenbroeck, Code de droit international des droits de l'homme, Op., Cit., P. 22. 94 . Observation générale No 14 (2000) le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint (art. 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, p. 1. 95. Voir Article 19 Constitution de la République d'Haïti de 1987 : l'Etat a l'impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, P.6 96 . Article 23 de la Constitution de la République d'Haïti : L'Etat est astreint à l'obligation d'assurer à tous les citoyens dans toutes les collectivités territoriales les moyens appropriés pour garantir la protection, le maintien et le rétablissement de leur santé par la création d'hôpitaux, des centres de santé et des dispensaires, P. 7, disponible sur le site internet : https://www.oas.org/juridico/mla/fr/hti/fr hti-int-txt-const.html consulté le 12/06/2019 97. Voir CSCCA Rapport d'audit spécifique de gestion du fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit. P. 40, disponible sur le site: https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf, consulté le 28/06/2019. Page | 27 Petrocaribe seulement quatre (4) projets98 ont été octroyés au Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP)99 selon le rapport d'audit de la CSCCA. Parmi ces quatre projets, il est primordial de faire une analyse de deux échantillons en vue de montrer dans quelle mesure l'Etat haïtien n'a pas respecté ses engagements internationaux en matière de droit à la santé et les bonnes pratiques de gestion. Tout d'abord, il est déterminant de mettre un accent particulier sur le projet de construction de l'Hôpital Simbi Contiental et celui de la réhabilitation de l'HUEH parce que ces deux projets auraient dû impacter le droit à la santé en Haïti s'ils avaient été exécutés en bonne et due forme. Le premier projet financé dans le domaine de la santé par les fonds de Petrocaribe est la construction de l'hôpital de Simbi Continental. Voilà en quoi consiste l'Etat de ce projet : « Le projet de construction d'un centre de traumatologie niveau 1 (L'hôpital Simbi Continental) est rompu. La Cour a jeté le pavé dans la mare concernant ce projet de construction qui peine à s'achever depuis de cela 5 ans. Ce projet a été adopté par la résolution du 23 juillet 2014 pour un montant de 5 000 000.00 USD, soit 226 678 500.00 HTG. Il a été exécuté sous la forme de subvention accordée à Medishare par le MSPP, en termes de contrepartie haïtienne, pour la construction de ce centre hospitalier qui devrait être doté d'un service de soins intensifs, de pédiatrie, de néonatalogie, de médecine interne, de chirurgie et de traumatologie100. Ce projet de construction de ce centre hospitalier qui avait pour mission de contribuer au droit de la santé de la population révèle une gestion calamiteuse du MSPP. C'est dans ce contexte que la Cour a révélé dans la réalisation de ces projets ces faits saillants : « Les constatations de la Cour sont nombreuses : absence de rapports financiers et techniques. Toujours selon le second rapport de la CSC/CA, le tableau des décaissements fait apparaitre une différence de 1 370 100 dollars américains soit 61 914 000 gourdes par rapport au montant prévu. Cet écart n'a pas été justifié et le premier versement a été fait neuf mois avant la résolution, indique la Cour »101. En fait, dans la réalisation de ce premier projet en rapport à la réalisation du droit à la santé, il est à relater que l'Etat haïtien n'a pas tenu ses trois obligations qui sont les obligations de respecter, de protéger et de réaliser le droit à la santé de la population haïtienne. En raison de la mauvaise gestion de ce projet la Cour produit ces recommandations : «la CSCCA recommande qu'une enquête soit ouverte par les autorités compétentes afin de cerner davantage l'utilisation des montants d'argent mis à la disposition des parties prenantes pour la mise en oeuvre dudit projet »102. En un mot, il est de bonne guerre de dire que la mauvaise gouvernance et la mauvaise gestion sont les maitres mots qui caractérisent ce projet qui aurait dû contribuer à l'amélioration du droit à la santé de la population. En se basant sur cet échantillon, il y a leur de souligner que 98 . Idem, https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf, consulté le 29/06/2019 99 . Idem, disponible sur le site : https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf, consulté le 29/06/2019 100. Voir https://www.lenouvelliste.com/.../2019-07-04-1119 article sur es-travaux-de-l'hôpital-simbi-continental-toujours-inachevés, le 04/ 07/2019 101.Voir https://www.lenouvelliste.com/.../ 2019-07-04-1119article sur les-travaux-de-l'hôpital-simbi-continental-toujours-inachevés, le 04/ 07/2019 102.Voir cet article publié par le plus grand quotidien du pays : https://www.lenouvelliste.com/article/204043/les-travaux-de-l'hopital-simbi-continental-toujours-inacheves, le 04/ 07/2019 Page | 28 l'effectivité du droit à la santé financé en Haïti malgré l'existence du fonds de Petrocaribe reste et demeure un défi majeur pour la population haïtienne en particulier les gens les plus nécessiteux. Comme il a été susmentionné, la mauvaise gestion et la mauvaise gouvernance sont les principaux éléments qui caractérisent le financement de ces projets par les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir en durant toute la période où Haïti a reçu les fonds du Petrocaribe selon les juges de la Cour. En réalité, les détournements montrent que le droit à la santé à l'exemple des autres droits fondamentaux n'était pas la priorité des gouvernements. Cette gestion calamiteuse de ces projets liés au droit à la santé constitue des preuves tangibles. En un mot, le droit à la santé comme droits de l'homme est loin d'être une préoccupation pour les dirigeants haïtiens. Pourtant, ce droit a pour mission d'englober toute une série de droit au regard de l'Observation générale No 14 du Comité, organe de surveillance du PIDESC : « le droit à la santé englobe une grande diversité de facteurs socioéconomiques de nature à promouvoir des conditions dans lesquelles les êtres humains peuvent mener une vie saine et s'étend aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé [...] et un environnement saint »103. En tout état de cause, les détournements et la mauvaise conception et gestion des projets financé par les fonds de cet accord bilatéral ont des effets catastrophiques sur le droit à la santé de la population haïtienne. Selon un rapport élaboré par la Banque Mondiale le budget alloué aux soins de santé ne fait que chuter considérablement dans le pays : « Malgré les besoins sanitaires la part du budget de l'état haïtien alloué à la santé n'a cessé de diminuer au cours de 12 dernières années, baissant de 16.6% du budget national en 2004 - un chiffre supérieur à la moyenne de la région d'Amérique latine et Caraïbes - à 4.4% du budget national actuel »104. En effet, ce rapport montre qu'en 2004 date où il n'y avait pas les fonds de Petrocaribe la situation du droit à la santé était bien meilleure qu'en 2017 date où Haïti bénéficiait encore les fonds de Petrocaribe. Cette situation trouve son explication dans le fait qu'une grande partie du budget national est réservé au service de la dette publique externe en vue de payer la République Bolivarienne du Venezuela. Ce constat calamiteux ne fait que mettre Haïti dans une situation de dépendance vis-à-vis du Venezuela qui dévient le principal créacier du pays sur le plan international. Il est à remarquer que par la dette les Etats abdiquent et renoncent à leur souveraineté tout en violant les droits fondamentaux de la personne humaine105. De plus, il est à remarquer que le droit à la santé est violé constamment en Haïti parce que les patients se trouvent très souvent dans l'impossibilité d'avoir accès aux soins de santé aux tarifs abordables dans le pays. Dans ce sens, « le secteur privé, fort d'une vingtaine de structures médicales (hôpitaux, centres de santé, centres d'examens...) à Port-au-Prince, proposait des soins de grande qualité (plateaux techniques et staff médical) mais les tarifs prohibitifs pratiqués interdisaient à 80% de la population haïtienne d'avoir recours à ces 103 . Voir à ce sujet observation générale No 14, Parag.4 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Op. Cit., P. 2.
Page | 29 prestations »106. Les acteurs privés ont une grande influence sur le système de santé. Ce sont eux qui possèdent les infrastructures lourdes dans le domaine. Avec les fonds de Petrocaribe, Haïti avait la possibilité de construire des infrastructures permettant aux personnes pauvres d'avoir accès au soin de santé. C'est ainsi que Éric David et Gabrielle Lefevre affirment que : « le droit à la santé peut être violé de multiples façons. D'une part, il y a des atteintes grossières à la santé publique, telle la mise en décharge de déchets toxiques contaminant des habitants et d'autre part, une revendication privatiste qui a une certaine logique libérale mais qui viole certains droits fondamentaux comme celui des patients d'être soignés à des prix abordables »107. Tout compte fait, avec les fonds du Petrocaribe, Haïti avait la possibilité de construire de centres hospitaliers publics en vue de favoriser l'accès de la population aux soins de santé à des prix abordables particulièrement aux personnes les plus vulnérables. Du reste, il s'avère nécessaire d'aborder les effets de la dette du Petrocaribe sur le droit à la sécurité sociale. |
|