Conclusion
Les populations se plaignent souvent des services de
l'État civil. Du fait des incohérences mais surtout du retard
dans la délivrance des documents, il est fréquent de voir la
population essayer d'influencer ou de s'en prendre aux agents municipaux
concernés. A cela s'ajoute la difficulté d'informer autour de
l'essentiel afin d'avantager la coexistence entre
58 Pierre Levy « Villes, territoires et
cyberespaces : quelle articulation ? »
59 Serge Sudoplatoff « Information territoriale
et complexité pour une symbolique du territoire ».
les acteurs. Ainsi, il convient de se demander comment mettre
les TIC en service pour réussir la décentralisation.
57
58
CHAPITRE 2 : TIC, CLEF DE RÉUSSITE DE LA
DÉCENTRALISATION
Au lendemain de son indépendance, le
Sénégal a entamé un long processus de
décentralisation. De l'acte I au III, le but de ce processus est de
doter les territoires de capacités pour mieux servir la population et
mieux rapprocher les gouvernants aux gouvernés. Compte tenu de certains
nombres de facteurs liés à la gestion et à l'information,
d'une part et d'autre part de la capacité des TIC à faciliter la
gestion, les outils numériques apparaissent comme un moyen pour
réussir la décentralisation. Ainsi, dans ce chapitre il est
question du rapport entre les TIC et la participation citoyenne dans la
première partie et dans la deuxième partie du rapport entre les
outils numériques et la construction du développement.
I. TIC, outils de participation citoyenne
La participation et la concertation sont une forme
représentative de la démocratie locale. En effet, la vie
politique et administrative est faite d'échanges quotidiens, dynamiques
et exigeants entre les élus et les administrés. En France, les
collectivités locales publient et diffusent aujourd'hui des journaux
d'information sur leurs actions et sur leurs projets entre autres (Diallo,
2007). Pourtant, le Sénégal a voulu instaurer les mêmes
dispositifs à travers la réforme de 1996 qui cherche à
renforcé le droit des citoyens en matières de gestion locale.
L'article 3 du code des collectivités locales stipule que «
Toute personne physique ou morale peut faire au président du conseil
régional, au maire et au président du conseil rural, toutes
propositions relatives à l'impulsion du développement
économique et social de la collectivité locale concernée
et à l'amélioration du fonctionnement des
institutions».60 L'effectivité de cet article n'est
pas visible dans la commune de Kolda où les 92% interrogés
affirment ne jamais avoir les échos de la tenue des assemblées,
diffusés par les radios locales. En effet, les radios ne consacrent
pratiquement pas de temps à la gestion locale, dans la mesure où
la quasi-totalité des journaux sont synchronisés et ont un
caractère national, et les émissions les plus importantes ont
trait à la sensibilisation. Ainsi, seul les 24% sont au courant qu'ils
peuvent participer à la prise de décision locale. En plus,
l'enquête révèle que 89,3% de la population
enquêtée n'ont aucune information sur le budget ou sur les
procès verbaux. Or, l'article 3 poursuit que « Tout habitant ou
contribuable a le droit de demander à ses frais communication, de
prendre copie totale ou partielle des procès-verbaux du conseil
régional, du conseil municipal ou du conseil rural, des budgets et des
comptes, des arrêtés ». La
60 Loi n° 96-06du 22 mars 1996 portant code des
collectivités locales
désinformation de la population est la raison
principale de la faible voire de la non participation à la prise de
décision. La population s'intéresse très peu à la
gestion locale, les rares interventions sont souvent inefficaces soit elles
sont basées sur l'affection politique soit elles ne sont pas pris en
considération par les décideurs.
L'utilisation des TIC peut favoriser la gestion de
proximité prônée par la décentralisation. Les
technologies permettent une présence permanente du maire à
côté de sa population surtout quand il est jugé absent par
84,6% des personnes interrogées. Aujourd'hui, l'idéal veut que
les contacts et les échanges s'organisent au gré des traditions
et des volontés locales61. La participation citoyenne est un
caractère représentatif de la démocratie locale. Les
outils numériques ont beaucoup évolué, les dispositifs
tels les web 2.0, notamment Facebook, permet une interaction permanente entre
élus et électeurs. Les réseaux sociaux peuvent apparaitre
comme un lieu pour recueillir les informations et les avis de la population sur
l'ensemble des sujets en rapport avec la gouvernance locale. De ce fait, ces
réseaux sont capables d'accommoder voir d'enrichir les divers formes de
prises en compte direct des souhaits des citoyens en dehors de la campagne
électorale. Dans un entretien avec le deuxième adjoint au maire,
celui-ci affirme avoir reçu une bonne idée d'un inconnu physique
sur Facebook, concernant la gestion des ordures dans la commune. Les TIC en
général et les réseaux sociaux en particulier sont des
outils capables d'obtenir l'acceptation de tous afin d'éviter les
conflits.
61 I. Diallo, 2007
59
60
Photo 9 : Page Facebook de l'actuel maire Abdoulaye
Bibi Baldé au 20 Janvier 2015
Le maire bien qu'il soit sur Facebook, il fait peu de
publications sur la page. À l'espace de deux (02) mois ses publications
et même ses informations personnelles n'ont pas changé. Or, il est
passé du ministère l'agriculture en 2012 au ministère de
l'environnement en 2015, passant pas celui du plan. Parmi ceux qui sont
interrogés seuls 13,8% sont au courant de la présence du maire
sur le réseau social. Sachant que les 64,7% se connectent et regardant
la page Facebook du maire, la déduction la plus probable est que les
élus locaux accordent peu d'intérêt au réseau
social. D'ailleurs, le secrétaire municipal affirme n'avoir pas le temps
de se connecter sur ces réseaux. Or, le web 2.0 est un excellant outil
de marketing de l'élu, à travers la valorisation de son image et
de ses actions. Les TIC sont un élément de démocratie
61
du public, où est établie une relation de
confiance entre l'élu et son électorat. Mais l'efficacité
des outils numériques parait mal maitrisée62.
Schéma 1 : Description de la démocratie
électronique
Renforcer les interactions et
multiplier les informations nécessaires au
fonctionnement
Adapter les services
en fonction des
attentes des populations
Population
Conseillers
Autres acteurs
Faciliter la
communication et renforcer la proximité et le partenariat
entre les acteurs
Personnel
municipal
Assurer la présence permane nte de l'élu
Maire
? Gérer selon les principes de la bonne gouvernance en
renforçant le dialogue
? Offrir des services publics de qualité
? Renforcer la proximité avec la population
? Assurer le marketing de l'élu et du territoire
? Dématérialiser les procédures et
numériser l'accès au service de l'administration
locale
on » PUF 1998
Réalisation : Mamadou Mounirou Diallo, 2014
Actuellement, le succès de la décentralisation
est lié aux nouvelles conceptions qui accordent plus de place aux
acteurs des territoires, il s'agit de la gouvernance territoriale. En effet, ce
mode gouvernance nécessite l'implication de tous les acteurs, surtout
sans clivage politique ou ethnique, afin de rendre plus efficace les
interventions. En réalité, la gouvernance territoriale est la
capacité des acteurs de discuter sur le fonctionnement du territoire, ce
qui est possible grâce à l'utilisation des TIC. Celles-ci
conduisent à la démocratie électronique, qui peut se
définir comme l'utilisation des TIC en général et
d'internet en particulier pour aider et favoriser la relation entre le citoyen
et l'administration de la collectivité.
62
Ce schéma essaie de décrire la démocratie
électronique. Cette dernière permet la diffusion des informations
détenues par le secteur public et par conséquent un accès
aux documents administratifs. Les TIC sont un instrument qui permet d'instaurer
la transparence et la gestion participative à travers la mise en place
d'un dialogue interactif entre les administrateurs et les différents
acteurs du territoire. Ces outils sont capables d'enrichir et de
compléter la démocratie délégataire. En même
temps ils renforcent le lien entre citoyens, agents et élus, il s'agit
d'un moyen pour donner une explication et un sens à toutes les actions
prises par le maire et les élus. Mais cela n'exclu pas la mise en place
d'un dispositif de contrôle pour une rentabilité de l'usage des
TIC.
1. Dispositions pour un usage profitable des TIC
L'absence ou l'ignorance de l'importance des TIC peut avoir
des effets néfastes sur l'image de l'élu. En effet, les
usagés des outils numériques peuvent manipuler les informations
et induire à des réfutations qui peuvent aller, à la
limite, jusqu'à la question de la légitimité de
l'élu ou de ces actions. Une telle situation peut-être
prévisible dans la commune de Kolda où la population est
très peu informée des actions du maire.
L'histoire a montré combien les TIC sont capables
d'entrainer des mutations en matière de gouvernance. Pendant la
période coloniale, la radio a servi à la naissance et à
l'établissement de mouvements nationalistes63. En 2000, le
téléphone portable à fortement contribué au
processus démocratique du Sénégal, en favorisant la
publication en direct les résultats issus des bureaux de vote.
Récemment, en 2012 notamment, les réseaux sociaux ont
favorisé la destitution de nombreux pouvoirs politiques dont la plus
importante s'est fait dans le monde arabe. En tout état de cause, la
disposition d'une commission en charge de l'information est une
nécessité fondamentale pour la surveillance des débats sur
internet en général et sur les réseaux sociaux en
particulier. La négligence de ce qui peut se passer sur internet est
capable de donner naissance à des courants de contre-pouvoir qui ne
peuvent ni être contrôlés, ni être influencés.
C'est pourquoi il est nécessaire que l'utilisation des TIC dans la
gouvernance soit accompagnée de mesures d'observations.
63 M. Taureg (sous dir.), entre tradition orale et
nouvelles technologies, où vont les mass médias au
Sénégal ? ENDA, 2005
63
Selon Emanuel Eveno64 les TIC sont à la fois
un atout et un inconvénient pour les administrateurs. En effet, Eveno
précise que les TIC sont, d'une part, un avantage pour les gouvernants
dans la mesure où elles disposent d'une capacité de
contrôle social, de propagande, de manipulation et de négociation.
D'autre part, les TIC sont une contrainte pour les administrateurs car elles
peuvent conduire à la déstabilisation du pouvoir. Partant, ce
« quatrième pouvoir » doit faire l'objet de
contrôle pour qu'il ne serve pas de contre-pouvoir.
Il faut noter que l'usage des TIC comme outils de gestion
dans les collectivités locales nécessite également la
détention de l'intelligence technologique, c'est-à-dire une
ressource humaine apte à les utiliser. C'est ainsi seulement qu'on peut
prétendre accroitre les capacités d'échanges et de
contrôle des programmes.
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