CHAPITRE I : HETEROGENEITE STRUCTURELLE ET
EXTERNALITES BUDGETAIRES DANS L'UEMOA
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L'apparition d'externalités budgétaires dans les
unions monétaires remet en cause l'efficacité de la politique
budgétaire comme instrument de régulation de l'activité
économique. Pourtant, plusieurs travaux de recherches ont
justifié la pertinence de la création d'une union
monétaire dans un espace géographique avec une monnaie unique
fondée sur une parité irrévocable. D'ailleurs, Agliette et
al., (1998) et Frankel (2001) montrent que la politique monétaire unique
(où le taux de change fixe) ne permet plus de corriger les effets d'un
choc de demande que sont le chômage et l'inflation. Sawall (2013) ajoute
que l'intégration économique et commerciale est un rempart contre
les chocs asymétriques.
Cependant, la crédibilité et la
pérennité d'une zone monétaire demeurent tributaires du
degré de convergence des économies appartenant à ladite
zone, ainsi que de la symétrie relative des chocs qui l'affectent. Ces
concepts de convergence et de symétrie renvoient à un certain
degré d'harmonisation des économies pendant une période
donnée. Dans le cas l'Union Économique Monétaire Ouest
Africaine, la question de l'hétérogénéité
structurelle des économies occupe une bonne place dans les débats
politiques et la recherche scientifique pour une résolution des
déséquilibres économiques.
L'objet de ce chapitre est d'analysé les profils
économiques des pays de l'union et les externalités
budgétaires. Il comprend trois grandes sections : la section (I) traite
de l'hétérogénéité des économies et
des chocs dans les pays, la section (II) met l'accent sur les
externalités budgétaires et la section (III) aborde la
convergence budgétaire et la surveillance multilatérale dans
l'union.
SECTION I : HETEROGENEITE STRUCTURELLE ET CHOCS
ECONOMIQUES
La structure productive des économies et leur
capacité de réaction aux chocs demeurent les principaux
déterminants des divergences structurelles entre pays membres d'union
monétaire. La difficulté de trouver la formule optimale pour la
conduite de la politique monétaire dans la zone UEMOA vient à la
fois du caractère asymétrique des chocs et asynchrone des cycles,
puisque le taux
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d'intérêt de l'union est un compromis entre les
taux d'intérêt souhaités par les gouvernements. La
délégation de la politique monétaire à une banque
centrale indépendante peut générer des conflits indirects
entre les gouvernements nationaux. Par exemple un pays en récession
aimerait que la banque centrale suive une politique monétaire
accommodante, alors qu'un pays en expansion préférerait une
hausse des taux d'intérêt. Ce conflit d'objectifs découle
de l'hétérogénéité des
préférences des autorités monétaires et
budgétaires. En effet, les écarts durables entre les performances
nationales peuvent être à l'origine des coûts non
négligeables du fait de la difficulté de mener une politique
monétaire profitant à tous, (Kaiser, 2005).
Dans cette section nous allons mettre l'accent sur les
comportements économiques des pays de l'union à travers d'abord
l'analyse de certains indicateurs macroéconomiques, ensuite les sources
d'hétérogénéités et enfin les chocs
économiques et leur absorption.
I.1- Descriptions des indicateurs macroéconomiques
dans la zone
L'analyse des comportements par pays est faite à
travers certains indicateurs qui sont mis en avant pour montrer la nature
divergente des économies de l'UEMOA. Il s'agit du taux de croissance
économique, du taux d'inflation, du solde budgétaire de base et
du secteur du commerce sur la période de 1980 à 2014. Elle est
découpée en quatre grandes phases marquées par les
évènements suivants : la première va de 1980 à
1994, elle est marquée surtout par les programmes d'ajustement
structurel sous l'impulsion des institutions de Betton Woods (Banque Mondiale
et le FMI) ; la deuxième s'étale de 1994 à 1999,
marquée par la dévaluation du franc CFA et les politiques de
promotion à l'exportation dans la zone UEMOA et un début de
l'assainissement des finances publiques; la troisième se situe entre
1999 et 2008, ponctuée par l'adoption des pactes de stabilité et
croissance et le début de la crise financière de 2008 ; et enfin
la quatrième va de 2008 à 2014, où on note encore les
effets de cette crise et la révision des réformes du pacte de
stabilité et croissance.
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I.1.1- L'analyse en termes de performances
économiques
De 1980 à 2014, le taux de croissance économique
dans l'UEMOA a connu une hausse de 3,16% en moyenne par an. Ainsi, durant les
quatre périodes, ce taux est passé de 2% entre 1980 et 1994
à 4,56% entre 1995 et 1999. Mais de 2000 à 2008, on observe une
baisse de l'activité économique de 1,03 point, soit 3,53%. Cette
situation va s'améliorer après la crise financière de 2008
pour se situer à 4,40% entre 2009 et 2014. La figure n° 1 illustre
cette évolution du PIB réel.
Figure 1 : Évolution
du PIB de l'UEMOA de 1980 - 2014
5,00
4,50 4,00 3,50 3,00 2,50 2,00 1,50 1,00 0,50
|
|
-
|
1980-1994 1995-1999 2000-2008 2009-2014
|
Source : Auteur, à partir des données de la
BCEAO
Entre les pays, ils existent des disparités en termes
de croissance économique au cours de la période de 1980 à
2014. Ainsi, ils ont enregistré en moyenne des taux
différenciés avec (4,38%) pour le Bénin, le Burkina Faso
(5,54%), le Mali (4,20%), le Niger (3,39), le Sénégal (3,51%) et
le Togo (3,41%). Ces derniers ont réalisé des taux croissance
annuels généralement supérieur à la moyenne
régionale durant cette période. La Côte d'Ivoire et la
Guinée Bissau enregistrent respectivement (1,66%) et (1,96%) en raison
des nombreuses crises socio-politiques qu'elles ont connues. La figure n°
2 nous aide à montrer cette
hétérogénéité des performances
économiques pour les pays individuels de l'union.
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Figure 2 : PIB réel par pays dans l'UEMOA de
1980 à 2014
-1,00
-2,00
4,00
8,00
7,00
6,00
5,00
3,00
0,00
2,00
1,00
UEMOA BENIN BURKINA FASO Côte d'Ivoire Gunee Bissau
Mali Niger Sénégal Togo
1980-1994 1995-1999 2000-2008 2009-2014
Source : Auteur, à partir des données
BCEAO
Une explication que l'on peut attribuer à cette
divergence des cycles économiques relève de l'action des
gouvernements nationaux et de la contribution du secteur privé dans
chaque pays membre. Ainsi de 1995 à 1999, la politique budgétaire
a contribué en moyenne à la croissance du PIB de 14,24% au
Bénin (dont 7,66% aux investissements publics et 6,57% aux
dépenses de consommation de l'Etat), de 38,69% au Burkina Faso (dont
20,86% aux investissements et 17,83% aux dépenses de consommation), de
16,69% en Côte d'Ivoire (dont 9,31% aux investissements et 7,38% aux
dépenses de consommation), de 29,36% au Mali (dont 2,38% aux
investissements et 28,84% aux dépenses de consommation), de 17,15% au
Niger (dont 7,51% aux investissements publics et 9,63% aux dépenses de
consommation), de 19,12% au Sénégal (dont 16,58% aux
investissements et 3,08% aux dépenses de consommation) et de 34,88% au
Togo (dont 17,05% aux investissements et 17,83% aux dépenses de
consommation).
Ces résultats s'expliquent par les mesures
adoptées dans l'ensemble des pays de l'union suite à la
dévaluation du franc CFA. Ces mesures portaient sur l'assainissement des
finances publiques, le développement des infrastructures
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de qualité, la maitrise du taux d'inflation et la
baisse des taux d'intérêt par la banque centrale.
Sur la période de 2000 à 2008, l'introduction
des mesures budgétaires du Pacte et la contrainte faite aux États
membres de l'union de réaliser le critère sur le solde
budgétaire de base ont entrainé des changements dans
l'implication des gouvernements au processus de création de richesse. On
observe, en effet sur cette période, que les gouvernements des pays ont
pesé sur la croissance du PIB. Les contributions respectives sont de
(29,77%) au Bénin, (36,20%) au Burkina Faso, (10,37%) en Côte
d'Ivoire, (31,22%) au Mali, (59,87%) pour le Niger, (35,53%) au
Sénégal et (-0,73%) au Togo. Pour la Côte d'Ivoire,
l'instabilité politique a largement influencé la politique
budgétaire du gouvernement qui a gelé une bonne partie de ses
infrastructures durant cette période. Dans les autres pays, il convient
de constater que les tendances se sont inversées, car les gouvernements
ont mis davantage l'accent sur leurs dépenses de consommation et ont
réduit considérablement leurs investissements. Il s'en est suivi
toutefois une baisse de la croissance économique. Cette situation est
observée dans tous les pays de l'union contrairement à la
période 1995 -1999 où l'implication des gouvernements se
manifestait à travers leurs dépenses en capital public.
De 2009 à 2014, la croissance économique des
pays de l'union était portée par le secteur privé et le
secteur public dont les contributions demeuraient moindres à cause des
nouvelles règles de finances publiques imposées par le Pacte de
convergence. Le poids en moyenne de chaque gouvernement dans la croissance du
PIB sur la période se résume comme suit : 7,01% pour le
Bénin, dont 9,61% aux investissements et -2,59% aux dépenses de
consommation, 48,32% pour le Burkina Faso dont 17,81% sont liés aux
investissements publics ; 16,69% pour la Côte d'Ivoire, dont 9,31% aux
investissements de l'État ; 33,98% pour le Mali, dont 18,69% aux
dépenses en capital public ; 34,88% pour le Sénégal, dont
17,05% aux investissements publics et 11% pour le Togo, dont 6,83% aux
investissements publics. Cette phase est marquée par une participation
faible.
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