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Effets de débordement des politiques budgétaires en union monétaire hétérogène. Cas de l’union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).


par Ismaila SANGHARE
Université Cheikh Anta Diop Dakar (UCAD) - Doctorat (THESE UNIQUE) en sciences économiques 0000
  

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I.3.3.3- Le niveau d'endettement

Les dérives budgétaires des années soixante-dix et quatre-vingt découlaient d'un endettement extérieur important et des arriérés de paiement significatifs. Devenus chroniques, les déficits publics ont été préjudiciables à la croissance économique qui a fortement ralenti pour devenir négative dans certains pays. Ils sont par exemple de (-0,4%) pour le Togo entre 1986-1993 et de (-0,8%) pour la Côte d'Ivoire entre 2000-2002, selon la Banque Mondiale (2003). Les arguments théoriques mettant en relation l'impact de la politique budgétaire sur les fluctuations de l'activité économique considèrent que celui-ci serait conditionnel au niveau de la dette.

Dans une perspective keynésienne, la régulation de la croissance économique par l'État passe par des actions budgétaires contra-cycliques. Cette orientation amène les pouvoirs publics à soutenir l'activité dès lors que la demande des

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agents est déprimée et à la freiner lorsque son emballement fait craindre des déséquilibres internes et externes. On observera cependant qu'entre 1973 et 1982, les finances publiques africaines ont été structurellement déficitaires, en contradiction avec la logique contra-cyclique d'intervention de l'État. Jusqu'ici, peu d'États africains ont d'ailleurs été capables de lisser la dépense en épargnant dans les moments de boom des matières premières et en désépargnant dans une conjoncture défavorable. Sur la période d'observation, c'est- à- dire en aval de l'année 1986, on peut s'interroger sur la nature des effets keynésiens en raison des déséquilibres constatés et de l'importance de la dette contractée.

En s'appuyant sur les idées de Ricardo, Barro (1974) a contribué à réfuter la thèse de l'efficacité de l'action budgétaire sur les variations conjoncturelles. Par le principe de l'équivalence ricardienne, le secteur privé intègre dans son calcul économique la contrainte budgétaire intertemporelle du secteur public. Si les agents s'attendent à rembourser la dette consécutive aux déficits, l'action de l'État produit un effet « non keynésien », dans la mesure où il n'affecte pas le produit intérieur. En effet, l'anticipation du remboursement de la dette suscite une diminution instantanée de la dépense privée et fait du déficit public un simple transfert intertemporel. Le principe de l'équivalence ricardienne repose toutefois sur des hypothèses restrictives, en particulier pour les pays en développement où les marchés de l'assurance et du crédit sont imparfaits et les impôts fortement distorsifs. Par ailleurs, en Afrique, les contraintes de liquidité limitent la possibilité pour les agents de lisser leur consommation dans le temps.

Dans des contextes de fort endettement, des auteurs ont récemment renouvelé la réflexion en postulant qu'une contraction budgétaire pouvait induire un effet positif « anti keynésien » sur l'activité. Leur hypothèse procède de l'observation des expériences contractionnistes conduites, dans les années quatre-vingt, par certains pays de l'Europe du Nord. Point commun à ces économies, la réduction de la dépense publique a été à la fois forte, rapide et durable, mais également conjuguée à un effet expansif sur l'activité intérieure (Liau, 1999). La présence

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d'effets de seuil suggère la coexistence de différents régimes budgétaires conditionnels à l'endettement public. Plusieurs explications, mutuellement non exclusives, ont été apportées à ce phénomène. Les premières reposent plus particulièrement sur des mécanismes de demande, les secondes sur des mécanismes d'offre.

En ce qui concerne les effets de demande, ils ont été interprétés par Giavazzi et Pagano (1990), mais aussi par Blanchard (1990), à travers un effet de signal dans des situations d'endettement critique. Celui-ci repose sur la solvabilité retrouvée des finances publiques qui modifieraient la formation des anticipations des agents privés. Une baisse permanente des dépenses publiques annonce une baisse future des impôts. Elle est donc à l'origine d'un effet de richesse positif.

Que l'effet de signal se concrétise à travers la dépense ou par le biais de l'impôt, il met la politique budgétaire en relation avec des effets de seuil ; avec un impact sur l'activité économique qui dépend du niveau d'endettement. Dans une interprétation de cet effet de signal à partir d'un modèle à générations imbriquées, Bertola et Drazen (1993), Sutherland (1997) montrent qu'il pouvait exister un seuil psychologique de dette publique rendant l'ajustement budgétaire inévitable. Confrontés à un endettement public soutenable, les agents supposent que le remboursement de la dette reposera sur les générations futures. Dans ce cas, un déficit a des effets keynésiens. En revanche, en présence d'une dette jugée non soutenable, les agents s'attendent à supporter eux-mêmes le poids des remboursements, de sorte que les effets du déficit deviennent non-keynésiens ou anti-keynésiens.

L'importance du seuil de la dette se dessine dans ce courant de littérature, mais également les hypothèses sur lesquelles les agents fondent la formation de leurs anticipations, en l'occurrence le caractère non monétisable et non répudiable de la dette. Ces hypothèses sont sans doute pertinentes pour les pays membres de la zone franc, encore que des phénomènes de hasard moral puissent être présents par des anticipations de moratoires ou de remises de dettes extérieures

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qui modifieraient les comportements privés. La portée de ces phénomènes est toutefois à relativiser. La plus importante remise de dettes, l'initiative envers les Pays Pauvres et Très Endettés (PPTE), a été à la fois récente et exogène, suffisamment générale dans les pays en développement pour ne pas avoir été liée à des situations financières et des comportements stratégiques particuliers à l'Union. Les agents privés n'ont donc pas internalisé le principe de cette initiative pour former leurs anticipations.

Pour ce qui concerne les effets d'offre, ils reposent sur deux hypothèses : d'une part, l'ajustement par la baisse des dépenses publiques n'engendre pas les distorsions que peut générer un accroissement des impôts, d'autre part, la composition de l'ajustement budgétaire dépend du niveau du taux d'endettement (Alesina et Perotti, 1995 ; Alesina et Ardagna, 1998). En situation budgétaire (( critique », le gouvernement privilégie la baisse durable des dépenses publiques ; en particulier par la masse salariale, malgré le coût politique de court terme que revêt cette mesure. Au contraire, en situation budgétaire (( normale », le gouvernement est porté à promouvoir un ajustement budgétaire politiquement moins coûteux qui repose sur une augmentation des impôts.

Un autre effet d'offre a pu jouer en zone franc, en particulier par la concomitance de la réduction des déficits budgétaires et de l'engagement des gouvernements à liquider le problème des arriérés de paiement ; c'est-à-dire le non-paiement à l'échéance contractuelle des factures par l'État. Dans le passé, les arriérés envers le secteur privé ou parapublic ont constitué un moyen de relâchement instantané de la contrainte budgétaire publique. Si les arriérés sont ultérieurement apurés, les créanciers subissent un impôt implicite, un manque à gagner équivaut à celui d'une détention de titres publics non porteurs d'intérêt. Lorsqu'en revanche les arriérés publics ne sont qu'en partie liquidés à terme, situation qui fut courante en zone franc, la captation de l'État est plus importante. Elle est aussi plus distorsive envers le système productif, car elle implique une discrimination arbitraire des entreprises et le non-respect de la règle de droit.

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Ces stratégies de financement public ont été très perturbatrices pour l'activité des pays de la zone franc. De Boissieu (1985) en a montré le caractère pernicieux à travers les effets de « report )) et « d'imitation )) qui ont eu de très mauvaises implications pour le système financier local et la croissance économique, notamment pour les petites et moyennes entreprises du secteur formel. Le Pacte a donc privilégié la transparence budgétaire, préférant susciter la baisse des dépenses et parallèlement l'augmentation du taux de pression fiscale plutôt que de maintenir la logique subjective et souvent spoliatrice des arriérés publics. L'action simultanée sur les dépenses et les recettes publiques apparaît nécessaire dans un contexte de transition fiscale qui rend difficile l'ajustement par la seule augmentation des taux de prélèvement public. Ce changement de comportement en faveur d'une meilleure gouvernance publique a pu être une source de stimulation de la croissance économique sur fond d'engagement parallèle à réduire les déficits budgétaires. En d'autres termes, la moindre stimulation budgétaire de l'activité a pu être compensée par un regain de confiance des agents privés.

Au total, la réponse aux chocs économiques par les moyens possibles mis en avant dans la littérature économique, montre que des conséquences peuvent en découlées. Lorsqu'il s'agit d'un ajustement par le niveau d'endettement, le recours en général à la politique conjoncturelle ; notamment la politique budgétaire est souvent privilégiée. Celle-ci est parfois à l'origine des externalités.

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