CONCLUSION
A l'issu de cette étude qui a porté sur la
coutume kongo face aux conflits fonciers et qui était articulée
autour des questions suivantes : pourquoi tant des conflits fonciers relatifs
aux terres des communautés locales sont portés devant les
tribunaux de Madimba et Mbanza-Ngungu ?, quelles en sont les
conséquences ? Et comment éradiquer ces conflits fonciers ?
Il importe de relever que dans la conception traditionnelle,
la terre appartient aux ancêtres et leurs descendants peuvent en jouir
librement.
Mais malgré les principes coutumiers qui font de la
terre un bien inaliénable, des pratiques se sont
développées consistant dans des ventes des terres. Ces pratiques
sont le résultat de la pression de politiques foncières visant
à faciliter à des personnes étrangères
l'accès à la terre des communautés locales pour
l'exploitation de ces terres. Mais aussi cette pratique de vente des terres est
due à la pauvreté des populations rurales et à d'autres
circonstances auxquelles les chefs coutumiers font face.
En effet, afin de permettre au chef coutumier à mieux
exercer leurs fonctions, la loi n°15/015 du 25 août 2015 fixant le
statut des chefs coutumiers lui reconnaît le droit à une
rémunération décente, aux frais de représentation
et autres dus aux animateurs des entités territoriales.218
Par ailleurs, il a droit aux avantages ci-après :
- les frais à l'occasion des cérémonies
officielles ou de son installation par l'administration ;
- les soins de santé et les frais funéraires pour
lui, son conjoint et ses enfants à charge ;
- le transfèrement par les pouvoirs publics, en cas de
décès en dehors de sa juridiction, de sa dépouille
mortelle au chef-lieu de son entité.219
Mais malheureusement, ces avantages ne leur sont pas
alloués telle que prévu par la loi et cela expose ces derniers
à la précarité et à des pratiques
illégales.
218 Article 19 de la loi n°15/015 du 25 août 2015
fixant le statut des chefs coutumiers
219 Article 20 de la loi n°15/015 du 25 août 2015
fixant le statut des chefs coutumiers
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Cependant, force est de relever que les conflits fonciers sont
aussi dus à la mésentente entre les ayants droit fonciers et les
familles qu'ils ont accueillis par solidarité africaine, ainsi que
celles qu'ils ont acquis il y a fort longtemps comme esclave.
Cette situation met en évidence l'intérêt
juridique qu'il faut accorder à la jouissance foncière
coutumière dans la perspective de résolution de la crise
foncière en République démocratique du Congo. Cette crise
s'analyse non seulement comme l'existence d'innombrables contestations portant
sur les terres mais aussi et surtout comme l'inaptitude de notre droit positif
à régir efficacement ces litiges. On s'accorde
généralement à dire que cette situation résulte de
la duplicité des règles foncières dans notre pays, d'une
part, les règles foncières relevant des lois écrites, et
d'autre part, les droits fonciers en vertu de la coutume et usages
locaux.220
Mais les règles foncières coutumières
varient d'une communauté à une autre, d'une culture à une
autre.
Ainsi, à la lumière de ce qui
précède, nous préconisons ce qui suit :
- Il faut que le gouvernement vulgarise la loi foncière
dans les milieux ruraux à travers des séminaires, des
émissions radiotélévisées, colloques, etc. afin de
mettre fin à cette conception erronée de l'appréciation de
la terre des communautés locales par les ancêtres et que les
ayants droit d'en disposer comme ils entendent ;
- Il faut que le Président de la République
détermine les droits de jouissance des communautés locales en
prenant une ordonnance telle que promis par l'article 389 de la loi
foncière afin d'éradiquer cette dualité qui existe entre
le droit écrit et le droit coutumier ;
- La commission consultative de règlement des conflits
coutumiers doit exercer sa mission conformément à
l'arrêté ministériel n° O66 CAB/MIN/AFF.COUT
/GMP/NMR/2017 modifiant et complétant l'arrêté
OO4/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars 2017 portant création, composition,
organisation et fonctionnement des commissions consultatives de
règlement des conflits fonciers, et de cesser avec des pratiques qui
vont à l'encontre de sa mission (faire croire aux villageois qu'elle est
habitée à rendre un jugement opposable à tous ; demander
des amendes, etc.) ;
220 NSOLOSHI, « statut et protection juridique des droits
fonciers en vertu de coutume et de usage locaux en RDC », pp. 11-13, in
article Nsoloshi 2ème année, n°4 vol.2, janvier
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Pour ce faire, ils doivent bénéficier des
formations approfondies sur la question foncière afin de mieux concilier
les différends des parties.
- Le respect de droit et des avantages dus aux chefs
coutumiers pour que ces derniers puissent exercer leur travail à toute
honnêteté.
Par ailleurs, comme le dit le principe de droit : « Un
mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès », ainsi les
parties doivent prioriser la voie extrajudiciaire pour un arrangement à
l'amiable au lieu d'aller s'éterniser devant les cours et tribunaux, en
procédant à des ventes des terres pour alimenter des
procès.
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