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Les incidences de la croissance démographique sur le niveau de pauvreté en Haà¯ti (période 1980-2003)


par Joseph Junior Guerrier
Centre de Techniques de Planification et d'Economie Appliquée - Diplome d'Etudes Supérieures en Economie 2004
  

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1.3.2.2.- Revue empirique dans le cas d'Haïti

Plusieurs études réalisées en Haïti tentent de comprendre ou d'expliquer le phénomène de la pauvreté à travers les mouvements de population. Dans une étude réalisée en 2001, F.-G. Chéry (2001), présente les migrations internes et externes comme des dispositifs d'accès aux richesses dans l'économie haïtienne21. Il justifie sa position par le fait que « la migration et l'enfant sont des moyens d'accéder à la monnaie ou aux richesses dans une économie où les transactions réalisées à partir de la monnaie sont limitées. » D'un autre coté, il cite Girault (idem, p. 90), abordant le problème dans un sens malthusien, et pour qui l'émigration est un moyen pour échapper à la pauvreté. Gérald Chéry, rejetant partiellement la thèse de Girault, soutient plutôt que l'émigration constitue une sorte de mobilisation de la main-d'oeuvre dans une société qui n'accumule pas ses richesses.

En effet, la société haïtienne est dominée dans une large mesure par une conception pro-nataliste. Ce qui est le cas aussi pour beaucoup d'autres pays sous-développés. Du fait que les membres de la société ne peuvent pas trop compter sur un emploi salarié ou sur une capitalisation marchande de la force de travail ou encore sur une protection sociale de l'État, ils visent une capitalisation économique des enfants et de la famille élargie à partir d'une projection nataliste (Gérald Chéry, 2001, p.92). Cela aboutit généralement à un taux de fécondité par femme élevé. Mais, on a constaté que ce taux a baissé durant les vingt dernières, passant de 6,3 enfants par femme en 1987 (EMMUS I) à 4,8 enfants par femme en 1994 (EMMUS II), pour arriver à 4,7 enfants par femme en 2000 (EMMUS III). Qu'est-ce

21 Frédéric Gérald Chéry, Ajustement économique, monnaie et institutions dans l'économie haïtienne, Thèse de doctorat, Université Paris III, 2001, p.89.

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qui a favorisé ce changement ? F-G Chéry suggère comme réponse à cette baisse au niveau du taux de fécondité, la plus grande considération accordée à l'éducation dans les familles haïtiennes22. En effet, l'éducation est présentée effectivement de plus en plus comme un facteur pouvant accroître les chances de réussite sociale. Dans le concret, une augmentation en termes d'utilisation de la contraception a été constatée. Alors que le taux d'utilisation de la contraception a été seulement de 6,5 % en 1987 (EMMUS I), il est passé à 18 % en 1994 (EMMUS II), pour se situer à 28 % en 2000. Les enquêtes EMMUS confirment que plus le niveau d'éducation des femmes est élevé, plus important est le taux d'utilisation de la contraception.

Dans une étude visant à identifier les causes de l'augmentation de la pauvreté en Haïti, Rémy Montas23 insiste lui aussi sur l'importance du facteur démographique. « La croissance négative du PIB par habitant et l'augmentation de la population dans un contexte d'inflation persistante ont poussé des milliers de ménages additionnels dans la pauvreté absolue entre 1980 et 2003 en dépit d'une légère hausse de la consommation moyenne due essentiellement à l'accroissement des transferts sans contrepartie» (Montas, 2003, p. 3). Parmi les causes spécifiques de la persistance d'un taux de pauvreté élevé entre 1981 et 2000 ainsi que de l'augmentation du taux de pauvreté entre 2000 et 2003, Rémy Montas souligne la fuite de cerveaux par l'émigration de professionnels et de techniciens qualifiés, laquelle affecte la productivité de l'économie haïtienne, sa compétitivité et sa capacité à absorber l'épargne externe, notamment l'assistance externe.

Pour Mats LUNDAHL, ce sont surtout les forces politiques combinées à des facteurs structurels, comme la croissance démographique et l'érosion, qui sont responsables de l'appauvrissement rural et non les imperfections du marché24. Pour lui, ceux qui dénoncent les imperfections du marché exagèrent, car les marchés tendent à être compétitifs dans la plupart des cas, à moins que les forces politiques n'interviennent. La passivité et la

22 Idem, p.

23 Rémy Montas, Haïti : Les causes de l'augmentation de la pauvreté entre 1981 et 2003, Novembre 2003

24 LUNDAHL Mats, « Forces économiques et politiques du sous-développement haïtien » Laennec HURBON, Les transitions démocratiques. Actes du Colloques international de Port-au-Prince, Paris, Syros, 1996, pp. 243263. Voir aussi LUNDAHL Mats, Peasants and Poverty : Astudy of Haiti, Londres, 1979 ; The Haitian Economy, man, land and Markets, Londres, Canberra, 1983.

corruption des détenteurs des pouvoirs politiques, le manque de progrès technologique, la prévalence de maladies infectieuses et les carences nutritionnelles, tout ce ci dans un contexte de croissance démographique relativement importante, sont les principaux déterminants de cet appauvrissement.

De l'analyse de la banque mondiale, les causes fondamentales de la pauvreté du pays résident essentiellement dans sa longue histoire d'instabilité politique et son manque de gouvernance25. Entre autres facteurs, elle souligne la corruption, une croissance insuffisante résultant des distorsions enregistrées au niveau macroéconomique et du faible niveau des investissements privés, et des investissements insuffisants dans le capital humain et de leur concentration dans le milieu urbain. Ces facteurs, couplés au rythme de croissance de la population, interagissent entre eux pour déboucher sur une spirale descendante. Pour la Banque, Haïti est ainsi prise dans le piège de la pauvreté - `'Poverty Trap"- pour lequel les issues semblent incertaines.

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25 WORLD BANK, Haïti: The challenges of poverty reduction, August, 1998.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle