4.5.- Le marché du travail
Le marché du travail met en relation l'offre et la
demande de travail. Cette confrontation aboutit à la formation d'un
salaire et à la fixation d'un niveau d'emploi.
Tout comme la disponibilité de ressources humaines,
l'accès à l'emploi est fondamental pour lutter contre la
pauvreté. Il permet aux individus d'avoir un niveau de
95
revenus pour se procurer un minimum de services de base, en
complémentarité aux services fournis à la
communauté sur une base collective. En Haïti, c'est plutôt le
chômage qui prédomine.
La création d'emplois dans l'économie
haïtienne suit une faible progression à travers le temps et
progresse moins vite que la population en âge de travailler. En effet,
une proportion croissante de la population active est soit au chômage
soit obligé de se contenter d'emplois de faible productivité ou
occasionnels dans l'économie informelle. De nombreuses études
dont le rapport MIA (1997) cité par Fred Doura (2002), indique que sur
les quelques 200 000 chefs de familles qui seront des demandeurs d'emplois au
pays au début du XXIème siècle, 80 % devront
être absorbés par le secteur agricole et par l'économie
« citoyenne-informelle ». Ce rapport indique de plus que 60 à
80 % de la population sont en situation de chômage et de sous-emploi et
61 % vivent avec un revenu par personne inférieur à 100 $
américain l'an.
De 1986-1987 à 1999-2000, la structure de l'emploi dans
l'aire métropolitaine de Port-au-Prince s'est modifiée. Les
activités commerciales se sont répandues, représentant 41
% de l'emploi en 1999-2000 contre 31 % en 1986-1987. Parallèlement, la
branche des industries manufacturières a connu un recul non
négligeable, passant de 22,9 % à 16,2 % de l'ensemble des
emplois91. De même, la branche des services à la
collectivité et des services domestiques a connu une régression
importante, passant de plus d'un tiers des actifs occupéss en 1986-1987
à moins d'un quart en 1999-200092.
Le taux brut d'activité (rapport entre les actifs
occupés et chômeurs d'une part et la population totale d'autre
part) dans l'ensemble du pays vaut 39 % en 1999-2000. Les différents
milieux de résidence enregistrent des taux similaires à
l'exception des villes de provinces où le taux brut
s'élève à 32 %93. En prenant en compte l'age
minimum de travail, dans la population, on détermine le taux net
d'activité, qui est le rapport entre actifs occupés et
chômeurs et la population en âge de travailler. On peut remarquer
que le taux net d'activité de l'ensemble du pays a reculé de
1986-1987 à 1999-2000 en passant de 57,2 % à 54,2
%94.
91 EBCM 1999-2000, 126
92 Ibidem
93 Ibidem page 96
94 Ibidem page 98
Tableau # : Taux net d'activité suivant le
milieu de résidence en %
Année
|
Aire
|
Autre aire
|
Rural
|
Ensemble du
|
|
Métropolitaine
|
urbain
|
|
pays
|
1986-1987
|
53.4
|
48.8
|
59.4
|
57.2
|
1999-2000
|
49.0
|
43.5
|
59.3
|
54.5
|
Source # : IHSI/EBCM 1999-2000
Graphe a mettre en annexe
Taux Net d'activite suivant le milieu de residence
en
%
40
60
50
30
20
70
10
0
Aire
Métropolitaine
Autre aire urbain Rural Ensemble du
pays
1986-1987
1999-2000
96
Ces nombreux faits, additionnés à la crise
économique occasionnée par le départ de Jean Claude
Duvalier en 1986 et l'embargo économique en 1994 ne sont pas sans
incidences sur la dynamique de régression dans laquelle
l'économie perdure. Le marché du travail, surtout du
côté de la demande est très disproportionné
facilitant une accélération importante du poids du secteur
informel. En effet, ce dernier est passé de 63 % en 1986 à
environ 80 % en 1995 et à 85 % en 200195.
En Haïti, le marché du travail officiel demeure un
privilège pour une minorité à cause de l'excédent
relatif de l'offre de travail par rapport à la demande. En effet, le
pays connaît des taux de chômage et de sous emploi très
élevé de l'ordre respectivement de 70 %
95 Fred Doura 2002, pages 51, 52
97
et 80 %96. Moins de 10 % de la population active
travaille dans l'économie officielle sur une population en âge de
travailler de 65,3 %97.
L'offre de travail en milieu urbain dépend du taux
moyen annuel de croissance démographique urbaine relativement
élevé de 4,7 %98 et aussi d'importants mouvements
migratoires du milieu rural et/ou des villes secondaires vers les grandes
agglomérations urbaines, particulièrement vers Port-au-Prince.
Ainsi, plus de 85 % de la population haïtienne dépend de
l'économie informelle99.
En Haïti, la majorité de ceux qui travaillent,
oeuvrent dans des activités surtout commerciales et le reste dans la
production de biens et de services, autant dans les zones urbaines que rurales.
Ils dépendent particulièrement du revenu quotidien afin de faire
face à leurs dépenses de tous les jours. Le coût du travail
est très bas et la main d'oeuvre est non qualifiée.
Le secteur officiel privé et l'administration publique
de l'économie d'Haïti emploient environ 500 000
personnes100. Le nombre d'entreprises couvertes par l'Ofatma (
Office nationale d'assurance, Accidents du travail, maladie et
Maternité) représentant toutes les branches d'activités de
l'économie haïtienne est de 1687 pour un total de 50 935 emplois,
dont 22 % dans les activités de fabrication101. La
sous-traitance internationale emploie environ 19 418 personnes en 1998 et 18
753 en 1999, mais selon les données de la direction de la SONAPI
(octobre 2000), il n'y a que 12 000 travailleurs dans le secteur102.
Ceci traduit un recul de l'emploi dans la sous-traitance internationale de
près de 36 % en une année.
L'économie informelle se caractérise par le fait
que plus de 3 millions de citoyens actifs y sont engagés. Le ratio
économie informelle/ économie formelle représente 6,2
à 1103. C'est dire que pour chaque actif du secteur officiel
de l'économie haïtienne, il y en aurait 6,2 citoyens qui
travaillent dans l'économie informelle.
Dans l'économie informelle, coexistent plusieurs types
de travailleurs. On distingue en effet les patrons qui sont
généralement le propriétaire d'une petite entreprise ; les
membres de la famille ou aides familiaux ; les apprentis qui sont censés
recevoir une
96 Ibidem
97 Ibidem
98CCI Haiti Groupe Thématique «
Bidonvilles et Déchets Urbains » Rapport Final révision 22
juin 2004
99 Ibidem page 53
100 PNUD, 1995 cité par Fred Doura, 2002
101 BRH 1999
102 Fred Doura 2002 page 54
103 John Currelly, BM, 1998, cité par Fred Doura 2002, p.
54
98
formation du patron, mais leur rémunération,
quand elle existe, est souvent très faible. Finalement, il y a les
salariés qui reçoivent habituellement un salaire très
faible et qui sont payés généralement à la
tâche ou à la journée.
L'économie informelle assure également des
emplois aux travailleurs migrants qui ont quitté les zones rurales et
qui n'ont pas pu trouver un emploi dans l'économie officielle. Les
femmes sont nombreuses dans cette économie, principalement dans le
commerce, mais aussi dans le marché du travail des employés
domestiques.
Il convient également de distinguer le salaire minimum
du salaire réel. Bien que le salaire nominal minimum a connu une faible
augmentation, le salaire réel en Haïti a diminué de 67 %
entre octobre 1984 et mai 1985104. Le salaire minimum est
fixé à 36 gourdes en juin 1995 (2,2 $ EU) par jour. Il s'est
détérioré en terme réel d'environ 12 % en 1998 par
rapport à 1997 n'ayant représenté que 63,4 % de son
pouvoir d'achat en 1995, mais en 1999 il a encore perdu 8,1% de son pouvoir
d'achat.105 Au début des années 2000, le salaire
minimum a été fixé à 70 gourdes par le gouvernement
de Jean-Bertrand Aristide.
Le salaire minimum en Haïti fait partie des plus faibles
de la région Amériques et Caraïbes. Son pouvoir d'achat est
réduit de 51,7 % en 2000 pour ne représenter que 41, 4% de sa
valeur de 1995. D'un autre côté, l'afflux des travailleurs des
campagnes vers les villes surtout vers la capitale tend à faire chuter
la rémunération déjà très basse et enfoncer
davantage la population dans la pauvreté.
Donc, le chômage touche toutes les tranches d'age en
Haïti. Mais, il est encore plus exacerbé chez les jeunes
Haïtiens. Le poids des inactifs sur les actifs est considérable.
Les statistiques font état d'un taux de dépendance des inactifs
par rapport aux actifs de 1815 %o (référence). L'accès
à un emploi salarié est fondamental pour permettre aux
ménages d'avoir accès à un certain revenu. En raison de la
faiblesse ou de l'absence de revenus, les ménages consacrent leurs
maigres ressources à des dépenses en alimentation. Par
conséquent, il leur devient difficile de trouver des ressources
suffisantes pour envoyer leurs enfants à l'école et pour avoir
accès aux soins de santé. Donc, le chômage enfonce
davantage les ménages dans la pauvreté.
Puisque les ressources dont disposent les ménages sont
faibles, et en raison de l'absence d'un système de protection sociale,
la charge à supporter devient plus lourde pour
104 Fred Doura 2002, p. 56
105 Ibidem
99
les familles plus nombreuses, par rapport à d'autres
moins nombreuses et ayant le même niveau de revenu que les
premières.
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