Chapitre 0
0.1.- Avant-propos
0.2.- Justification du thème de recherche
Malgré l'amélioration des moyens techniques,
scientifiques et financiers à l'échelle mondiale, la
pauvreté cause encore bien des soucis. Elle demeure un mal à
combattre. D'après le directeur général de l'UNESCO,
Koichiro Matsura, dans une déclaration à l'occasion de la
célébration de la journée internationale de lutte contre
la pauvreté, le 17 octobre 2005, cette dernière à elle
seule engendre plus de morts que les deux guerres mondiales réunies.
Partout dans le monde, la pauvreté est un sujet de préoccupation.
Les catastrophes naturelles (tsunami en Asie, inondations aux
États-Unis) ayant frappé le monde au cours de l'année 2005
ont révélé d'autres facettes de ce mal qu'est la
pauvreté. Le cyclone Katrina (2005) ayant frappé l'État de
la Louisiane aux États-Unis, par exemple, a montré à quel
point certaines couches défavorisées, même dans un pays
riche, sont vulnérables.
En Haïti, plus de la moitié de la population vit
dans des conditions de pauvreté extrême. D'après Mats
Lundhal1, citant une étude menée par Egset and Sletten
(2003) pour le compte du PNUD, jusqu'à 76 % de la population
haïtienne vit en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 2
dollars par jour, alors que 56 % évoluent dans des conditions
d'extrême pauvreté, avec moins d'un dollar par jour.
Les politiques de réduction de la pauvreté ont
généralement abordé la question sur le plan de la
production. Certainement, cette dernière est un paramètre
incontournable, car le fléau qu'est la pauvreté ne saurait
être attaqué sans mettre en place des politiques
économiques allant dans le sens de l'augmentation de la production. Mais
également, il y a un autre paramètre tout aussi important
à considérer : la population, plus spécialement la
maîtrise de la croissance démographique.
En effet, la Conférence des Nations Unies sur la
population, tenue à Bucarest en 1974, a adopté un plan d'action
pour la population du monde qui appuyait l'idée que population et
développement sont interreliés et que les variables de population
influencent le développement, de même que les variables de
développement influencent la croissance démographique. Le plan a
recommandé que des mesures et des programmes visant la
1 Mats Lundahl, Sources of Growth in the Haitian Economy, BID,
juin 2004, p. 2
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population devraient être intégrés dans
les plans et programmes sociaux et économiques. Dans le cas d'Haïti
en particulier, les politiques de lutte contre la pauvreté ne sauraient
se passer d'une politique de population efficace. Pour cela, il est
nécessaire de comprendre les évolutions passées pour mieux
cerner les tendances du futur. En réalité, peu d'études
ont été réalisées sur cet aspect. Ce travail ne
prétend pas combler ce vide. Du moins, il se veut un effort pour mieux
appréhender l'évolution du phénomène de la
pauvreté par rapport à la croissance démographique en
Haïti.
0.3.- Problématique
En septembre 2000, 191 chefs d'État et
représentants de gouvernements du monde entier se sont réunis
pour adopter les Objectifs du Millénaire pour le développement
(OMD). Huit (8) objectifs principaux ont été fixés dont
l'un vise à réduire de moitié l'extrême
pauvreté et la faim d'ici 2015. À l'occasion d'un sommet mondial
tenu en 2005, les chefs d'État et représentants de gouvernement
ont constaté que peu de progrès ont été
réalisé en termes de réduction de la pauvreté.
Haïti, en particulier se trouve à un tournant où il doit
redoubler d'efforts pour atteindre les OMD, sinon les rapprocher. Cependant, la
dynamique de la réduction de la pauvreté ne passera pas par une
stratégie miracle. Il y a un ensemble de paramètres propres
à la réalité haïtienne à envisager. Pour y
parvenir, la tâche est immense. Il convient inévitablement de
rompre avec un passé caractérisé par un marasme
économique profond.
En effet, entre 1980 et 2003 - la période qui concerne
notre étude - l'économie haïtienne a affiché des
contre-performances énormes. Le taux de croissance de l'économie
a été négatif sur presque toute cette période. Le
processus de croissance démarré en Haïti en 1968 a
été brutalement stoppé en 1981 où presque tous les
indicateurs macroéconomiques ont accusé des taux de croissance
négatifs. En 1986, Haïti a renoué avec la croissance
économique (1 %), mais cette même date allait être le
début d'une grande période d'instabilité politique dans le
pays avec des conséquences désastreuses sur la situation
économique. La libéralisation l'économie haïtienne
à partir de 1987 et la montée en puissance du
phénomène de la contrebande ont eu des effets néfastes sur
des secteurs clé de l'économie, notamment l'agriculture et
l'industrie tournée vers le marché extérieur,
déjà en proie à de graves difficultés. Le
système de protection du secteur agricole a disparu. Les industries
tournées vers le marché interne ne pouvaient plus supporter la
concurrence face
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aux produits importés. Ne pouvant pas produire face
à la concurrence internationale, les producteurs locaux se sont
orientés dans des marchés protégés : le secteur
tertiaire. En fait, les faiblesses des secteurs primaire et secondaire ont
conduit à une tertiarisation accrue de l'économie haïtienne.
Il s'en est résulté une extension du secteur informel, signe des
difficultés de cette économie à se moderniser.
Au même moment où l'économie montrait ces
signes de faiblesse, avec comme élément fondamental la chute de
la production, la population n'a cessé de croître. De 1980
à 2003, la population haïtienne est passée de 5 352 747
à 8 373 750 habitants2 au 12 janvier 2003, suivant un taux de
croissance annuel de 2,5 %. Quelle est l'incidence de cette évolution
à contresens du PIB et de la population sur le niveau de pauvreté
en Haïti ?
Les théories étudiant la relation entre
croissance économique et croissance démographique sont
nombreuses. Les points de vue des économistes, des démographes et
des chercheurs en général divergent en ce qui concerne l'impact
de la croissance démographique sur l'activité économique
et sur le niveau de pauvreté. En effet, certains auteurs comme Esther
Boserup3 (Évolution agraire et pression démographique,
1970) du courant néo-populationniste, soutiennent qu'une population plus
élevée est source de croissance pour un pays, en raison du
surplus de main d'oeuvre qu'elle fournit au pays. D'autres au contraire, comme
Thomas Robert Malthus (Essai sur le principe de population, 1798)4,
sont convaincus de la relation inverse, à savoir qu'un accroissement de
la population ne peut qu'entraver la croissance et donc nourrir la
pauvreté. En dernier lieu, il y a ceux-là qui soutiennent une
théorie neutraliste, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas vraiment
une corrélation entre croissance démographique et croissance
économique. Dans ce travail, il s'agit moins d'identifier un
éventuel lien de causalité entre ces deux variables. Notre
démarche vise surtout à vérifier, au-delà des
problèmes de croissance cités plus haut, dans quelle mesure la
croissance démographique a influencé le phénomène
de la pauvreté en Haïti durant la période allant de 1980
à 2003.
2 Selon le Recensement général de la population
et de l'habitat (RGPH) réalisé par l'Institut Haïtien de
Statistique et d'Informatique (IHSI) en 2003, la population haïtienne est
estimée à 8 373 750 habitants au 12 janvier 2003.
3 Cédric Doliger, Démographie et croissance
économique en France après la seconde guerre mondiale : une
approche cliométrique, Université de Montpellier I
(Faculté des Sciences économiques), p.2
4 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population,
Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p
8.
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0.4.- Les objectifs
Objectif général : Contribuer
à la compréhension de l'incidence de la croissance
démographique sur la pauvreté en Haïti
Objectifs spécifiques :
· Étudier l'impact des politiques nationales de
population sur la croissance démographique en Haiti de 1980 à
2003 ;
· Analyser l'évolution de l'accès aux
services de base fournis à la population.
0.5.- Les hypothèses Hypothèse principale
:
· Sur la période 1980-2003, la croissance
démographique a conduit à une augmentation du niveau de
pauvreté en Haïti en provoquant une déviation des ressources
vers la consommation au détriment des investissements
Hypothèses secondaires :
· Plus il y a de membre dans un ménage, plus
difficile est l'accès aux services de base
· Les politiques nationales de population n'ont pas
contribué à ralentir le rythme de croissance de la population de
1980 à 2003
0.6.- Méthodologie
La méthodologie adoptée pour réaliser ce
travail est divisée en trois étapes principales : La
détermination de la nature du travail, la collecte et le traitement des
informations et finalement la vérification des hypothèses.
a) La nature du travail
Ce travail est de nature théorique, descriptive et
analytique. En effet, il présente d'une part une revue de
littérature théorique et empirique sous un angle critique et
sélectif. Et d'autre part, il présente une description de
l'évolution de certaines variables clé pour l'étude, afin
de procéder à la vérification des hypothèses.
b) 11
Collecte et traitement des informations
La collecte des informations est réalisée
à partir de la documentation disponible dans des centres de
documentation de la capitale et par l'intermédiaire de l'internet. Elle
inclut également des entretiens avec certains spécialistes du
domaine étudié. Le traitement se base essentiellement sur
l'analyse des informations recueillies.
c) Vérification des hypothèses
La vérification des hypothèses aura
été une conséquence directe du traitement des informations
recueillies. Les définitions de concepts ont contribué à
les opérationaliser. Ce qui a été très utile pour
la vérification des hypothèses.
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