Conclusion
Tout compte fait, il était question dans ce travail de
montrer pourquoi dans le Département du Mbéré, des
localités situées dans un arrondissement se trouvent sous le
commandement d'un autre arrondissement bien éloigné. Il ressort
de notre étude que les contours des divisions territoriales de ce
Département déclinent des formes irrégulières, qui
d'emblée trouvent d'explication dans
l'aspect est historico-culturel. Il s'agit du tracé de la route
Meiganga-Yamba connectant le Cameroun à la RCA. Pour l'administration,
tout le monde allait se regrouper le long de la route pour faciliter le
recouvrement de l'impôt. La vallée du Mbéré et celle
de Lom étaient respectivement des entités prospères avec
des structures bien organisées et fidèles à leurs
souverains. Ainsi, ces vallées constituaient donc les principaux foyers
de migrations qui ont impulsé la sédentarisation anarchique des
différents groupes humains le long de la route. Des sites des groupes
venants du Lom d'une part et de Mbéré(vallée) d'autre
part, se chevauchaient le long de la route. C'est ainsi qu'une fois
établis, ces différents groupes, par affinité clanique ou
culturelle, réclamaient la tutelle de leur « royaume » de
départ. D'où l'engrainage des zones d'influences entre
différentes entités traditionnelles et même entre diverses
unités administratives.
En outre,l'analyse sociopolitique démontre que ce
découpage des divisions territoriales aux contours flous dans ce
Département a permis au régime en place de jouir d'une solide
représentation locale. Il s'agit là d'une « politisation
» du découpage des circonscriptions administratives ou d'un
découpage administratif intéressé. C'est dire que la
configuration de ces unités administratives a profondément
déséquilibré l'UNDP qui avait un fort ancrage dans le
Département du Mbéré. En effet, suite conflit
ethnique(Gbaya/foulbé) de Meiganga, il s'est créé un
véritable repli identitaire autour des partis politiques. Les gbayas
(ethnie majoritaire) militants de l'UNDP et d'autres groupes non musulmans ont
déserté ce parti considéré comme propre aux
Foulbé. Ainsi, l'État a divisé ces circonscriptions dans
l'optique de réunir une population éparpillée
géographiquement en vue de faire de ce groupe une majorité dans
chacune des circonscriptions. Et donc, les villages administrativement
enclavés sont rattachés à leur communauté
culturelle ayant en partage certaines valeurs ou intérêts voire
les mêmes convictions politiques, afin de consolider le poids
électoral.
De ce fait, le fonctionnement de l'administration dans le
Département du Mbéré s'accompagne des « grincements
de dents » du côté des administrés que des
administrateurs. Du côté de la population, l'administration offre
en général dans sa mission régalienne un cadre
d'épanouissement qui se décline en deux : d'un côté,
les services accessibles à tout citoyen quel que soit son appartenance
administrative ; et de l'autre côté les services exclusivement
réservés aux citoyens sous l'autorité del'administration
territorialement compétente. Ce dernier concerne les services comme
l'établissement des actes de naissances, l'obtention du titre foncier,
l'autorisation de manifestation publique. Alors, pour avoir accès
à ces services, il faut se référer à
l'administration territorialement compétente. Ainsi, ce dernier aspect
entrave énormément la communion entre l'administration et son
sujet.
Aussi, l'administration est incapable à fournir des
services de qualité et en quantité suffisante à tous les
citoyens avec pour conséquence une perte de crédibilité et
de légitimité auprès de ces derniers qui, pour satisfaire
leurs besoins essentiels, se replient sur eux-mêmes. On note
également le problème de gestion administrative des personnes et
des biens. En cas de litiges fonciers dans cette contrée avec tant
d'engrainage des zones d'influences, entre deux villages appartenant à
deux unités distinctes ; les administrateurs locaux se sentent
impuissantes pour trancher ce litige. Seul le préfet est habilité
pour y ramener de l'ordre. Bien plus, lorsque la sécurité est
menacée dans un village qui est loin de sa capitale administrative et
proche d'une autre unité administrative. L'unité la plus proche
ne peut pas intervenir de manière efficace mais plutôt elle peut
déployer ses troupes à titre préventif. De même,
l'administration centrale semble ignorer le chevauchement des zones
d'influences entre ces unités administratives dans le Département
du Mbéré. En effet, lorsqu'un village est proche de la capitale
d'une entité administrative, par confusion l'administration centrale
confie son encadrement à l'autorité administrative contigüe.
Or qu'en réalité, ce village est plutôt sous la tutelle de
l'autre unité administrative dont la distance est forte
considérable. Ce qui crée donc un amalgame dans les budgets
respectivement affectés aux fonctionnements de ces différentes
circonscriptions administratives. En outre, cet amalgame s'observe aussi chez
certains organismes qui effectuent des recherches dans ces circonscriptions.
Ces organismes par question de bon sens, associent par ignorance des villages
proches comme partie intégrante de l'entité territoriale qui fait
l'objet de leur étude. Par conséquent, cela fausse les
données dans la mesure où certains de ces villages
étudiés dépendent plutôt de la circonscription
voisine.
Par ailleurs, les conséquences qui se dégagent
de ces découpages se résument en la perte de
légitimité et de crédibilité de l'État. En
effet, les administrateurs ne sont pas fort présents dans les villages
victimes d'une « injustice de division administrative ». En effet,
certains représentants de l'État dans l'exercice de leur fonction
n'ont jamais mis pieds dans ces zones. Par conséquent, ces populations
se sentent abandonner à eux et n'en font qu'à leur tête. Et
fatalement, ces villages sont devenus des foyers d'insécurité
grandissante. Aussi, cette distance fait que ces populations ne
bénéficient de l'attention de la tutelle en termes
d'investissements. Fort de cet état de chose, ces populations expriment
donc leur mécontentement à travers des doléances
adressées à l'endroit des autorités administratives lors
de leurs différentes tournées. Les nouveaux challenges de
l'administration camerounaise pour un meilleur découpagesontdonc de
prendre en compte la politique d'une administration de proximité.
Sources et
références bibliographiques
I- Sources
orales
N°
|
Noms et prénoms
|
Âges
|
Sexe
|
Statut matrimonial
|
Profession
|
Religion
|
Lieu d'entretien
|
01
|
Aba Emmanuel
|
43
|
M
|
Marié
|
Cultivateur
|
Chrétien
|
Gari
|
02
|
Abou Marie Joséphine
|
51
|
F
|
Mariée
|
Ménagère
|
Chrétienne
|
Fada
|
03
|
Aboubakar Adamou
|
27
|
M
|
Célibataire
|
Secrétaire d'état civil
|
Musulman
|
Ngaoui
|
04
|
Bakari Mathieu
|
69
|
M
|
Marié
|
2e adjoint au maire de la commune de Ngaoui
|
Musulman
|
Ngaoui
|
05
|
Bentou Béatrice
|
23
|
F
|
Mariée
|
Ménagère
|
Chrétienne
|
Lamou
|
06
|
Beuboum Roger
|
38
|
M
|
Marié
|
SG de la commune de Ngaoui
|
Chrétien
|
Ngaoui
|
07
|
Bouba
|
32
|
M
|
Marié
|
Chef de village Yafounou
|
Chrétien
|
Yafounou
|
08
|
Daouda Issa Bago
|
54
|
M
|
Marié
|
Administrateur retraité
|
Chrétien
|
Laïdé-mami
|
09
|
Djibrilla Hamissou
|
45
|
M
|
Marié
|
Chef de village de Fada
|
Musulman
|
Fada
|
10
|
Daodou Pierre
|
84
|
M
|
Marié
|
Commerçant
|
Animiste
|
Dadzer
|
11
|
Djidéré Gilbert
|
49
|
M
|
Marié
|
Secrétaire d'administration
|
Chrétien
|
Ngaoui
|
12
|
Ehadi Léopold
|
44
|
M
|
Marié
|
Secrétaire d'administration principal
|
Chrétien
|
Djohong
|
13
|
Garba Roger
|
35
|
M
|
Marié
|
Agent administratif S/P Dir
|
Chrétien
|
Dir
|
14
|
Hamadou Jean
|
32
|
M
|
Marié
|
Cultivateur
|
Chrétien
|
Lamou
|
15
|
Hamadou Saliou Iya
|
87
|
M
|
Marié
|
Commerçant
|
Musulman
|
Gandinang
|
16
|
Hamidou Bagari
|
32
|
M
|
Marié
|
Professeur et étudiant
|
Chrétien
|
Dadzer
|
17
|
Kondja Sodéa
|
57
|
M
|
Marié
|
Cultivateur
|
Chrétien
|
Ngolo
|
18
|
Koulagna Alain
|
74
|
M
|
Marié
|
Enseignant et étudiant
|
Musulman
|
Yafounou
|
19
|
Madihna
|
32
|
F
|
Mariée
|
Ménagère
|
Animiste
|
Mboula
|
20
|
Maloum Issa
|
53
|
M
|
Marié
|
Chef de village
Djaoro-doua
|
Musulman
|
Djaoro-doua
|
21
|
Mansourou
|
82
|
M
|
Marié
|
Enseignant retraité
|
Musulman
|
Garga-pella
|
22
|
Moussa Sabo
|
58
|
M
|
Marié
|
Sénateur et lamido de Meiganga
|
Musulman
|
Meiganga
|
23
|
Mvogo Sylyac Marie
|
43
|
M
|
Marié
|
Administrateur Civil Principal
|
Chrétien
|
Meiganga
|
24
|
Oumarou Issama
|
59
|
M
|
Marié
|
Maire de commune de Djohong
|
Chrétien
|
Djohong
|
25
|
Oumarou Bouba
|
50
|
M
|
Marié
|
Chef de village de Ngolo
|
Musulman
|
Ngolo
|
26
|
Salé Abou
|
57
|
M
|
Marié
|
Chef de village
Ngam
|
Musulman
|
Ngam
|
27
|
Satou Odile
|
42
|
F
|
Mariée
|
Institutrice
|
Chrétienne
|
Gandinang
|
28
|
Ten Edouard
|
25
|
M
|
Célibataire
|
Étudiant
|
Chrétien
|
Ngam
|
29
|
Yaya Doumba Marius
|
60
|
M
|
Marié
|
Lamido de Djohong
|
Musulman
|
Djohong
|
II- Sources écrites
A- Les documents d'archives
Arrêté préfectoral
n°083/AP/H.51/SAAJP, portant homologation de la désignation du chef
de 3e degré du village Yafounou, Arrondissement de
Meiganga.
Article 1 alinéa 2 de loi constitutionnelle du 18
janvier 1996
Décret n° 95/082 du 24 avril 1995, portant
création des communes rurales.
Discours du porte-parole de la population de Gbatoua lors de
la tournée économique de la délégation
préfectorale du Mbéré le 18 mars 16
Loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009, portant
fiscalité locale
Décision n°2125/M-F/MINADT/DAP/SDAA, René
Emmanuel Sadi, 16 juillet 2012, Enrichissement du projet d'immatriculation des
centres d'états civils.
Décision n°00000085/L/MINADT/SG, René Emmanuel Sadi, 12 janvier 2015,
Achèvement du recensement des chefferies traditionnelles de
3ème degré.
Procès-verbal de passation de service entre le
sous-préfet entrant et le sous-préfet sortant du 22 avril 2017.
Procès-verbaux des antennes communales d'ELECAM des
quatre arrondissements du département du Mbéré relatifs
à la répartition des bureaux des votes lors du
présidentiel 2018.
Programme de la tournée de prise de contact de monsieur
le sous-préfet de l'arrondissement de Djohong.
Rapports annuels des IAEB de Djohong, de Meiganga, de Ngaoui,
et de Dir
B- Sources sonores
Oumarou Issama, Interviewé le 20 décembre 2016,
YouTube, Djohong la belle.
Yaya Doumba Marius,
Interviewé le 20 décembre 2016, YouTube, Djohong la belle.
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