B.L'Uber du dating, Tinder
Lancé en 2012, Tinder est le leader mondial du
marché des rencontres en ligne sur smartphone et comptabilise des
statistiques monumentales. 3 ans après son lancement, l'application
recensait d'ores et déjà 40 millions d'utilisateurs et 9
milliards de matchs. En reprenant la fonction de géolocalisation de
l'application Grinder et en créant un système interactif, Tinder
est devenu un des mastodontes du marché des rencontres en ligne.
Disponible dans 197 pays, Tinder accueille en 2016 10 millions d'utilisateurs
connectés quotidiennement et attire sans cesse de nouveaux usagers par
sa popularité. Si l'on tient compte de la tendance décrite par
Lefebvre (2018), 48 % des individus ont téléchargé Tinder
en raison de sa popularité ou par l'influence de leur cercle social
l'ayant d'ores et déjà employé. Simple d'utilisation,
l'individu « swipe » à droite s'il veut «
liker » un profil et « à gauche» s'il souhaite
laisser sa chance à d'autres (voir annexeB). Connu des nouvelles
générations, ce geste du pouce appelé « swipe
» est considéré « comme un moyen de faire du
shopping pour les partenaires» (Baxter, dans David et Cambre, 2016,
p.3).
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Sans bénéficier d'abonnement
supplémentaire, l'utilisateur dispose de 20 likes toutes les 24 heures
et d'un « super like ». Le super « like »
témoigne d'un attrait particulier pour un profil. L'utilisateur a le
choix d'utiliser ce coup de coeur en matchant le profil ou en se
référant à la liste « des coups de coeur » (voir
annexe B).
Selon David et Cambre (2016), le fonctionnement des
algorithmes fait en sorte qu'au fur et à mesure que l'utilisation de
Tinder augmente, le nombre de profils qui sont présentés
diminues. Bien que Tinder puisse évoquer « le fait d'aucun
utilisateur n'est alentour », la plupart des usagers savent qu'en
modifiant les paramètres de recherche (en faisant passer les filtres de
recherche « des hommes et des femmes» à « des hommes ou
femmes uniquement, ») de nouveaux profils seront disponibles. (ibid.). Il
existe derrière ce système simple une multitude d'options
proposées par Tinder pour augmenter ses chances d'avoir des «
matchs 2». Tout d'abord, nous avons « le boost
». Cette option lucrative donne à l'individu une
visibilité prioritaire dans la zone où il se situe pendant 30
minutes. Pour les plus mordus, il existe un panel d'abonnements ayant une
visée à long terme dont nous allons tenter de décrire. En
achetant Tinder Plus, l'utilisateur bénéficie de fonctions
premium comme : disposer de likes en illimité et de 5 super likes par
jour, obtenir la fonctionnalité « Rewind3
» et « passeport4 ». D'autres
souscriptions telles que Tinder Gold et Platinium sont disponibles.
Brièvement, Tinder Gold a les mêmes caractéristiques que
Tinder Plus. Il octroie en supplément le fait que l'individu sait qui
l'a « liké ».
En souscrivant au forfait Tinder Gold, le « dater»
se voit proposer le dernier recours possible : Tinder Platinum.
Présenté comme un abonnement de première classe, il
autorise l'envoi de message avant d'avoir « matché » et
d'accompagner celui-ci par un « super like ». Chaque
« like » est désormais « prioritaire» et
l'abonné a le droit de consulter qui il a « liké »
pendant les sept derniers jours.
2 Si deux utilisateurs se « likent
», il y a un « match » entre ces deux personnes
3 Le Rewind est une fonctionnalité permettant
de faire des retours en arrière sur les profils
4 La fonctionnalité « Passeport»
donne aux utilisateurs des recherches plus avancées sur les profils.
Là où, sans abonnement, l'individu n'a pas le
moyen de déplacer sa localisation, la fonction passeport lui fait
accéder à des recherches par ville, pays, etc.
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C.Qui sont les utilisateurs de rencontre en France?
Selon les dires de Tinder (2016) mentionné par Dredge
(dans Lefebvre, 2018), Tinder est composé de 62 % d'hommes et de 38 % de
femmes dont 85 % d'entre eux seraient situés entre 18 et 34 ans (Smith,
2016). En France, nous retrouvons cette même tendance sur les
applications de rencontre. Selon l'enquête Epic (dans Bergström
2016), il est estimé en 2014 qu'environ 18 % des jeunes de 18 à
65 ans se seraient déjà enregistrés à un site de
rencontre (ibid.,). Ce taux est important en comparaison d'autres pays comme
les États-Unis où seulement 9 % des habitants de 18 ans ou plus
ont utilisé un service de rencontre en ligne en 2013. En France,
l'inscription des internautes aux applications de rencontre s'est
banalisée au fil des années. Conformément à
l'étude de la CSA5 et l'enquête CSF6 (dans
Jaspard, 2017), le nombre d'inscrits serait passé de 1 sur 10 en 2006
contre 1 sur 5 en 2010. L'investigation de Bajos & Bozon (dans
Bergström, 2011) relève que l'utilisation de ces services est
redondante chez les jeunes entre 18 et 25 ans ou presque un tiers d'entre eux
sont déjà allés sur un site de rencontre. Selon
l'enquête INED7-INSERM8 sur la sexualité
menée par Bajos et Bozon dans (Lejealle, 2008), 36 % des femmes
âgées et 24 % des hommes entre 18 à 19 ans possèdent
un compte sur un site ou une application de rencontre. Néanmoins, la
tendance semble s'inverser dans les autres tranches d'âges où les
jeunes hommes sont plus nombreux à recourir au marché des
rencontres en ligne. L'enquête « Epic», Ined-Insee, 2013-2014
dans (Bergström, 2019) montrent qu'entre 26 et 65 ans, 16 % des hommes
témoignaient s'être inscrits sur un de ces services contre 12 %
des femmes (ibid.)
Pour Bergström (2019), cette surpopulation de jeunes
hommes s'explique par le fait que les hommes ont tendance à se mettre en
couple bien plus tard que les femmes même si cette tendance s'inverse
à partir de 36 ans. Désavantagée, la jeune gent masculine
obtient un taux très faible de réponse sur les services de
rencontre. Si, en moyenne, un message sur dix obtient une réponse, c'est
notamment par ce que les jeunes femmes recherchent des hommes plus
âgés (Ibid.,).
5 Consumer Science & Analytics
6 Enquête Contexte de la Sexualité et
France
7 Institut National d'Études
Démographiques
8 Institut National de la Santé et de la
Recherche Médicale
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De manière plus globale, Lefebvre (2018) relève
que de nombreux utilisateurs de Tinder possèdent (44,3 %) ou ont
essayé (62,3 %) d'autres applications. Si l'on suit les tendances
démontrées précédemment, nous pouvons
suggérer qu'en raison d'une forte population masculine sur ces services
où la concurrence est rude, les principaux utilisateurs de ces sites,
les hommes, multiplient leur chance de faire des rencontres en s'inscrivant sur
plusieurs applications à la fois. Cela illustre également le
rapport « technique» des hommes envers la séduction en
ligne.
D.Quels sont les effets de ce marché en ligne sur les
rencontres?
Que ce soit pour les rencontres éphémères
ou de longues durées, les statistiques esquissent un portrait assez
médiocre des rencontres effectuées en mobilisant ses services. En
2008, l'enquête de Bojon & Bojos (dans Bergström, 2011)
témoigne que seulement 4 à 6 % des Français ont
trouvé un partenaire sexuel par le biais de ces moyens. Chez les
personnes qui ont rencontré leur conjoint actuel entre 2005 et 2013,
moins de 9 % l'ont connu par ce biais (Bergström, 2016). En sus, ces
services ne constituent pas le contexte prioritaire de rencontre, ils se
situent d'après Bergström (2016 : 9) : « [...] Derrière
le lieu de travail, les soirées entre amis, les lieux publics et
l'espace domestique (chez soi ou chez d'autres) ». Comme le souligne
Wildermuth (dans Ward, 2016) et Bergström (2016), les applications de
l'amour en ligne souffrent toujours d'une stigmatisation et sont perçues
dans la doxa comme uniquement destinées à des rencontres
passagères ou non « authentiques ».
Selon l'enquête Epic 2013-2014 (dans Bergström
(2016), 57 % des enquêtés et deux utilisateurs sur trois de ces
services affirment que ces sites provoquent majoritairement des relations
occasionnelles. Ce point de vue rejoint l'idée de Wildermuth (dans Ward,
2016) qui explique que cette connotation «
éphémère» associée à ce marché
des rencontres aurait des répercussions dans les manières d'agir
et de penser des usagers qui les mèneraient à considérer
qu'utiliser Tinder pour le plaisir est plus acceptable. Bien que les
statistiques présentées nous donnent un léger portrait
socio-démographique sur les utilisateurs du marché de l'amour en
ligne et tout particulièrement Tinder, il faut noter que plusieurs
enquêtes telles que l'enquête Epic ont été
effectuées entre 2008 et 2014 et qu'à l'heure actuelle, les
manières de penser et d'agir envers ces nouveaux territoires de
rencontre ont fortement évolué depuis.
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Nous pouvons supposer que ces statistiques seraient
aujourd'hui largement en hausse. Si les précédentes
enquêtes démontrent des statistiques faibles quant à la
trouvaille de conjoints ou partenaires en France associée aux services
de rencontre en ligne, il est nécessaire de relever qu'en raison de leur
date d'élaboration, beaucoup d'entre elles ne mesurent pas les effets du
mastodonte du marché des rencontres en ligne apparu en 2012 : Tinder.
À l'origine de la démocratisation des applications de rencontre,
Tinder a eu un impact conséquent sur ce nouveau marché.
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