Black Lives Matter: l'intersectionnalité, une méthodologie analytiquepar Judy Meri Université Côte d'Azur - Mémoire M1 2021 |
Chapitre 2 : War On Drugs« L'équipe de campagne de la guerre des drogues de Nixon en 1968, et la Maison blanche par la suite, avaient deux ennemis : la gauche pacifiste et les noirs. » - John Ehrlichman : le conseiller pour les Affaires Intérieures du président américain Richard Nixon. 1.2.1 La Naissance De La Drogues Aux États-UnisAux États-Unis, la guerre contre la drogue a été l'un des premiers moyens pour le gouvernement de lutter contre les communautés noires. Le gouvernement a utilisé l'excuse de la drogue pour combattre et tuer des civils noirs, détruire des générations avec le manque d'accès à une éducation appropriée dans les quartiers noirs pauvres et en alternant certaines drogues avec d'autres drogues comme moyen de désintox. Ann Fordham, dans son article ; « La guerre contre les drogues est fondée sur le racisme. Il est temps de décoloniser les politiques des drogues » Elle explique comment le gouvernement américain a combattu les minorités au nom de la consommation de drogue, explique le chercheur :« Aux États-Unis, la population noire connaît des niveaux d'incarcérations cinq fois plus élevés que la population blanche, et la moitié de ces incarcérations concernent des crimes liés aux drogues. Les États-Unis, qui avaient à l'époque un fort intérêt économique à affaiblir la position de domination économique et politique des puissances européennes en Asie, menèrent une campagne anti-opium qui se révéla efficace et qui leur permit de construire les fondations du système international de contrôle des drogues actuel. Les idéologies racistes ont également joué un rôle-clé lors de l'implémentation de la prohibition : les substances comme l'opium et le cannabis furent associées aux immigrés chinois et mexicains et aux Afro-américains, tandis que la cocaïne fut associée aux hommes noirs par le biais d'une propagande gouvernementale les accusant d'utiliser la substance pour séduire les femmes blanches ou encore les taxant d'une violence extrême due à sa consommation. »Fordham explique que la consommation de drogues d'une certaine population, comme dans le cas des États-Unis, n'a pas toujours été récréative. Les médicaments ont plutôt des pouvoirs hérités de traditions profondément ancrées au sein de ces communautés qui prétendent que les médicaments ont des pouvoirs de guérison qui sont utilisés à des fins spirituelles ou médicales. Les États-Unis ont alors interdit à ces communautés d'utiliser ces médicaments. Cela pour effet d'effacer l'identité de nombreuses communautés et de retirer leurs traditions et leur patrimoine en les « whitewash » en leur enlevant leur identité héritée et la replacer par une identité euro centrique, plus blanche et plus normale. Cette hypocrisie de favoriser certaines drogues « comme l'alcool »par rapport à la marijuana par exemple a un sens plus profond, ce sens contient une discrimination et une hypocrisie de garder ce qui est hérité des blancs comme «la culture du vin » et d'oppresser les communautés qui consomment du cannabis tel quel une drogue qui n'a pas fait partie de la culture blanche et qui n'était pas connue dans les sociétés blanches jusqu'à l'immigration. Fordham explique : « À la suite de la décolonisation, les pays nouvellement indépendants n'étaient pas en mesure de s'opposer à la volonté des États-Unis d'imposer la prohibition à l'échelle mondiale. Le système international de contrôle des drogues qui en découla se mit alors en quête d'éradiquer les pratiques traditionnelles des différentes populations, avec une indifférence évidente pour les droits humains des peuples autochtones. Les tactiques de négociation violentes utilisées lors de la création des traités internationaux des Nations Unies, symptomatiques des superpuissances d'après-guerre, forcèrent les pays du monde entier à criminaliser et à éradiquer l'usage et la cultivation de plantes qui furent la pierre angulaire des traditions médicinales et spirituelles de milliers de petites communautés locales, et se durant des siècles. Cet héritage est encore bafoué aujourd'hui. Dès leur genèse, les arguments en faveur de la prohibition ont été gangrénés par des intentions racistes et impérialistes, qui ont renforcé le contrôle des drogues dans sa fonction de répression et d'oppression. Les archives du début du 20ème siècle indiquent que les conférences internationales successives sur les politiques des drogues prennent majoritairement la forme de discussions entre hommes blancs, qui décidèrent que les plantes psychoactives consommées par les populations racisées nécessitent d'être prohibées, et ce dans des salons où flottaient les volutes de fumée de leurs cigares et l'odeur caractéristique du cognac. C'est d'ailleurs sans surprise que les efforts pour créer un système international de contrôle similaire pour l'alcool rencontrèrent de fortes résistances de la part des pays européens producteurs du vin. Cette connaissance du contexte historique entourant la naissance du système international de contrôle des drogues révèle d'une part l'hypocrisie des architectes de ce système, et les incohérences encore présentes au niveau du droit international en ce qui concerne la classification et la régulation des substances psychoactive. » Cette guerre contre la drogue qui a été littéralement une guerre impliquant la violence et les meurtres de minorités ethniques a été déclarée par Nixon dans les années 1960 pour opprimer les minorités afro-américaineset limiter leur accès à une éducation et à des systèmes de santé appropriés, poursuit Fordham :« Stigmatiser certaines substances et considérer leur consommation comme déviante a permis de diaboliser, déshumaniser et marginaliser les communautés qui en font l'usage. Cette approche justifie alors les punitions sévères envers les communautés que les acteurs au pouvoir cherchent à oppresser. L'ancien assistant aux affaires internes du président Nixon, John Ehrlichman, en a d'ailleurs fait l'aveu en 1994 : « Deux ennemis s'opposaient à la campagne de Nixon en 1968, et à son gouvernement par la suite : la gauche qui s'opposait à la guerre et la population noire. Vous comprenez ce que j'essaie de dire. Nous savions qu'il était impossible de rendre illégal le fait d'être contre la guerre où noir, mais en cherchant à influencer le public pour qu'il associe les hippies avec le cannabis et les noirs avec l'héroïne, puis en criminalisant fortement ces deux substances, nous pouvions déstabiliser ces deux communautés. Nous pouvions arrêter leurs meneurs, perquisitionner leurs maisons, interrompre leurs rassemblements, et décrédibiliser leurs causes soir après soir lors du journal télévisé. Est-ce qu'on savait qu'on mentait à propos des drogues ? Bien sûr, 'on le savait. », Cette stratégie a été employée à travers le monde pour meurtrir et oppresser les minorités ethniques et les dissidents politiques. » 23(*) Forman dans son livre : « Locking Up Our Own : Crime and Punishment in Black America » a expliqué les inégalités de cette guerre contre la drogue en se concentrant uniquement sur les Noirs, même si des drogues ont été utilisées à la fois par des Blancs et des Noirs pendant cette période. Cependant, la guerre déclarée a arrêté en 2010 huit fois les Noirs pour toxicomanie que celui des Blancs. Forman dit : « Il est maintenant largement reconnu que la guerre contre la drogue a causé d'énormes dégâts - en particulier dans les communautés afro-américaines à faibles revenus qui ont été sa principale cible. Les Noirs sont beaucoup plus susceptibles que les Blancs d'être arrêtés, condamnés et incarcérés pour des infractions liées aux drogues, même si les Noirs ne sont pas plus susceptibles que les Blancs de consommer de la drogue. La marijuana produit des disparités en matière d'arrestations particulièrement flagrantes : à Washington, DC, le taux d'arrestations par des Noirs pour possession de marijuana en 2010 était huit fois plus élevés que celui des Blancs, et la même année, les forces de l'ordre de la ville ont procédé à 5 393 arrestations pour possession de marijuana - près de quinze arrestations par jour. La marijuana produit des disparités en matière d'arrestations particulièrement flagrantes : à Washington, DC, le taux d'arrestations par des Noirs pour possession de marijuana en 2010 était huit fois plus élevés que celui des Blancs, et la même année, les forces de l'ordre de la ville ont procédé à 5 393 arrestations pour possession de marijuana - près de quinze arrestations par jour. » 24(*) * 23FORDHAM, Ann. « La guerre contre les drogues est fondée sur le racisme. Il est temps de décoloniser les politiques des drogues. « International Drug Policy Consortium, 2020. https://idpc.net/fr/alerts/2020/07/la-guerre-contre-les-drogues-est-fondee-sur-le-racisme-il-est-temps-de-decoloniser-les-politiques-des-drogues. * 24FORMAN, James Jr. Locking Up Our Own: Crime and Punishment in Black America. 2017e éd. New York: Farrar, Straus and Giroux, 2017 p.17-18. |
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