La protection juridique des personnes vulnérables au Niger.par Taher ABDOU Université d'Abomey-Calavi /FADESP - Master II en droit et institutions judiciaires 2017 |
Paragraphe II : Les insuffisances subjectivesA l'opposé des insuffisances objectives, elles sont liées aux personnes vulnérables. En effet, la protection juridique dont ils peuvent bénéficier dépend également de leur connaissance en droit. Or, les personnes vulnérables ignorent très souvent leurs droits (A). A l'ignorance s'ajoute le poids de la pauvreté (B). A - L'ignorance des droits par les personnes vulnérablesLa méconnaissance de leurs droits par les citoyens nigériens apparaît pour emprunter l'expression du professeur René DEGNI-SEGUI, « commeundesobstaclesmajeursaurespectdesdroitsfondamentaux »280(*). Certes l'adage « Nuln'estcenséignorélaloi » est en théorie parfaitement applicable. Il peut à ce titre être évoqué aussi bien par le justiciable pour leur demander de respecter le droit d'autrui. Toutefois dans la pratique, cet adage n'a pas une grande signification. C'est un adage précieux pour tout juriste mais n'en demeure pas moins critiquable, surtout lorsqu'on se retrouve dans un contexte où 75% des populations n'ont pas toujours accès au droit281(*).En effet l'accessibilité au droit pour la majorité des nigériens très médiocrement assuré. La méconnaissance par les populations de la législation relative aux violences faites aux filles et aux femmes victimes d'accéder à la justice, ainsi que des dispositifs de prévention mis en place282(*). Cette absence de connaissance des instruments juridiques de promotion et de protection, la déscolarisation, constituent des facteurs de vulnérabilité qui se manifestent au Niger283(*). L'une des observations finales de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relative au Rapport périodique combiné au Niger (2013-2014) sur la mise en oeuvre de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples établit que la majeure partie de la population ne connait pas les instruments juridiques de promotion et de protection des droits de l'homme adoptés au plan national284(*). La Commission voit aussi un facteur limitant la jouissance des droits garanties par la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, y compris les droits de l'enfant (art.18 alinéa)285(*). L'enquête de l'INS et de l'ANLTP sur la traite confirme ce postulat, puisqu'elle retient que plus de la moitié de la population nigérienne ne sait pas ce que la traite et que 65,6% des ménages familiarisés à la traite ne connaissent pas de système de protection des victimes286(*). De même, la grande majorité des enfants interrogés pour élaborer la cartographie de l'Association Nigérienne pour le Traitement de la Délinquance et la Prévention des Crimes (ANTDA) et ECPAT Luxembourg sur le système de protection des enfants à Niamey ne connaissent ni le cadre juridique applicable, ni les structures de prise en charges disponibles en matière d'ESE. Au-delà de l'ignorance des droits qui caractérise certains groupes vulnérables, ces derniers sont confrontés à l'analphabétisme et la pauvreté. * 280SouleymaneGARBA, La garantiedesdroitsfondamentauxauNiger, Mémoire DEA, droit de la personne et de la démocratie, UAC, 2004, p. 68. * 281Sakinatou BELLO, op, cit,. p 216. * 282 Cf.OdileNdoumbéFAYE, op, cit., p. 61. * 283 Voir rapport Global de Suivi, op, cit., p. 8. * 284Ibid., p. 27. * 285Ibid. * 286 Enquête sur les comportements, attitudes, et pratiques des populations en matière de la traite des personnes au Niger, p. 12. |
|