République Démocratique du
Congo
Enseignement Supérieur et Universitaire
(ESU)
Institut Supérieur de Philosophie SaintJean
Bosco
Lubumbashi B.P. 2467Haut-Katanga
Analyse critique de la Crise de
l'éducation scolaire chez Ivan Illich
Travail de fin de cycle présenté et défendu
en vue de l'obtention du grade de gradué en philosophie
Par MUSA MBWISHA Emmanuel
Directeur : CIJIKA KAYOMBO
Chrysostome
Professeur
Ordinaire
Kansebula, mai 2020
ÉPIGRAPHES
" Celui qui, sans philosophie veut s'occuper
d'éducation, s'imagine facilement avoir accompli des réformes
d'importance alors qu'il ne fait que corriger un peu la façon de
procéder. Nulle part une perspective philosophique appuyée sur
des idées générales, n'est aussi nécessaire. "
Johann Friedrich Herbart
" L'enseignement fait de l'aliénation la
préparation à la vie, séparant ainsi l'éducation de
la réalité et le travail de la créativité. Il
prépare à l'institutionnalisation aliénatrice de la vie en
enseignant le besoin d'être enseigné. Une fois cette leçon
apprise, l'homme ne trouve plus le courage de grandir dans
l'indépendance, il ne trouve plus d'enrichissement dans ses rapports
avec autrui, il se ferme aux surprises qu'offre l'existence lorsqu'elle n'est
pas prédéterminée par la définition
institutionnelle."
Ivan
Illich
" Il est inique et scandaleux que le peuple n'ait que
l'école pour s'instruire. Le monopole de l'école, là
où il existe, prouve effectivement que la société est
devenue inhumaine. Une civilisation qui relègue l'éducation dans
la famille et l'enseignement dans l'école prouve qu'elle est
elle-même, dans son essence, anti-éducative. "
Olivier Reboul
DÉDICACE
À vous, cher père Prosper USENI
MWAKAMBAYA
À vous, chère tendre mère, Marcelline
MWAYUMA ASENGO
À toi, chère soeur jumelle
Marie-Médiatrice FEZA MBWISHA
À toutes les personnes qui nous sont chères
et à toutes celles qui, par une éducation
non-déshumanisante, prônent l'émergence d'une
société conviviale.
IN MEMORIAM
À la mémoire de
notre tante maternelle, Alphonsine MWABIYENI
notre chère et inoubliable cousine Marcelline
ASHURA DADE
notre cher ami et neveu, parti à l'heure du
laitier, Michel KABWE
notre cher cousin Jean-Albert BILUZI MALIYANGUVU TOTO,
malgré votre émigration
inopinée vers l'au-delà, vous demeurez immortels
dans notre pauvre coeur.
REMERCIEMENTS
Comme toute personne humaine apprend, grâce à
l'éducation, la plus grande partie non seulement de ce qu'elle sait
faire mais aussi de ce qu'elle sait être, reconnaissant cet apport si
considérable de notre processus d'humanisation qui, bien sûr que
oui, à partir de nos potentialités est passé par les mains
de différentes personnes qui ont façonné l'être que
nous sommes aujourd'hui, il n'est pas étonnant - d'ailleurs il serait
inique et inhumain de ne pas le reconnaître- de nous savoir redevable.
En premier lieu, nous sommes redevable à celui qui nous
dote des potentialités nécessaires qui, n'étant pas
égocentriste, met sur notre chemin des personnes qui peuvent, si pas
parfaire et parachever son oeuvre à laquelle participe tout être,
au moins l'humaniser ; c'est toi Abba, l'omnipotent et omniscient de qui
nous recevons et le souffle de vie et les possibilités des connaissances
et d'humanisation.
Puissent nos parents, Prosper USENI et Marcelline MWAYUMA, qui
les premiers, à nous recevoir sur la terre des hommes et à nous
éduquer à la bienveillance, à l'amour du travail bien
accompli, au sens du sacrifice ; recevoir notre profonde et cordiale
gratitude. Toute notre reconnaissance pour tous vos sacrifices et pour tout ce
que vous êtes pour nous.
Que nos supérieurs religieux, général,
Don Angel Fernandez Artime ; provincial, Révérend
Père Albert KITUNGWA KABUGE et local, Révérend Père
Daniel MAFUTA, ainsi que tous leurs conseils respectifs, acceptent l'expression
de notre sincère gratitude, signe de reconnaissance de tout ce que vous
êtes et faites pour nous.
Nos sentiments de gratitude s'adressent également aux
autorités académiques de notre Institut Supérieur de
Philosophie Saint Jean Bosco/KANSEBULA, que le Père Dieudonné
BESA, Directeur Général de l'Institut, le Père Patrick
MPAMA RAVELLI, Secrétaire Général Académique,
Monsieur Tony Marien PALANGWA, Secrétaire Général
Administrateur et bibliothécaire, ainsi que le père Jonas YAV
MADICH, Administrateur du budget, reçoivent nos sincères
remerciements, sans oublier tout le corps professoral de notre institut.
Nous exprimons toute notre reconnaissance au professeur
Chrysostome CIJIKA KAYOMBO, qui malgré ses innombrables occupations, a
assumé avec abnégation, la direction de ce travail. Étant
convaincu de la révolution que doit subir notre système
éducatif, vous nous avez, tout au long de ces
pérégrinations intellectuelles, manifesté non seulement
votre érudition, mais également votre amitié en
créant une ambiance studieuse, sans laquelle nous ne serions parvenus
à temps au bout du travail.
Notre gratitude s'adresse également à tous nos
enseignants et formateurs rencontrés au cours de notre parcours de
formation, nous pensons particulièrement aux Abbés Bienvenu
KABALIKA, Hilaire KAPELEMBE, Jean-Marie KAGELA, Florent MUGANZA, Pascal PONGA,
Jean-Pierre KABWENDE LUBULI ; aux Pères Serges MWAKA, Alfred
ITSIEKI, Pascal MUMBA, Aimé LULINDA, Marcel VERHULST, Angelo POZZI,
David MUBENGA, Mario VALENTE, Johann KIESLING ainsi qu'au Frère
Déogratias KALENDA.
Merci à tous ceux avec qui nous partageons la chaleur
familiale, particulièrement à vous frères et soeurs,
Joséphine SIKUJUWA MBWISHA, Marie-Gorette TIBA MBWISHA, Pierre SADIKI
MBWISHA et à toi notre alter ego, notre soeur jumelle
Marie-Médiatrice FEZA MBWISHA. À tous nos cousins et cousines, en
particulier Hyacinthe SELEMANI, François d'Assise MBWISHA SALUMU,
Modeste KINGOMBE TCHOMBA, Jeanne NGOLE, Sarah TCHOMBA, Ashura TCHOMBA, Saleh
ALI, Victor SULA, Marcelline MWAYUMA et Georges MUKANDWA.
Que tous nos oncles, tantes, neveux et nièces et tous
nos amis, surtout ceux du mouvement KIZITO-ANUARITE, Paroisse
Christ-roi/Kalemie-Kirungu, du Foyer Séminaire Pie XII de Kalemie, de
l'Institut Mwangaza, Collège Pie XII de Kalemie ainsi que ceux de
l'Institut Mwanga, Collège Stella maris d'Uvira se sentent
remerciés. Que nos amis Lucien MATONGO, Félix LYHOA, Bonaventure
KATOTO, Faustin BAUMA, Rubin KASONG, Fulgence MUTEBA, SALEH KALINDA, Samuel
KASIMBIRA, Alphonse KABWE, et Shekinah KABWE reçoivent nos
sincères gratitudes.
À vous chers confrères de la promotion Sainte
Famille, Léon AKUMA, Hyacinthe AMANI, Didier AMINI, Joseph AMISI, Glodi
ANASAMBA, Gauthier BANZA, Thaddée BARISESA, CHANCE Gilbert, Gloire
IPALA, Dieuvie IYOLI, Patrick KABAMBA, Arsène KAKULE, Fidèle
MANDEMBA, Clément MANENE, Joannes Maria MASUMBUKO, Erick'Anselme
MAWANGA, Faustin MBUUMA, Vital MBUYI, Fabrice MUMBERE, Aimable NVUYEKURE,
Hippolyte NDAMBA, Freddy SHULA et Barthélémy TSHIBANG, merci pour
tout ce que vous êtes pour nous, pour votre confraternité si
enrichissante et combien bénéfique.
Que nos confrères de la promotion du Bicentenaire, en
particulier Jean-Claude MUSHOBOZI ; de la promotion de la
Miséricorde divine, en particulier Emery BADOSANYE, Alphonse KALELA,
Rufin KINEME, Justin VAKEKYA, Bernard-Ghislain MAYALA, Bertin NGANDU ; de
la promotion Marie-Auxiliatrice, particulièrement Oscar IRENGE, Pascal
KASONGO, Grégoire MALOBA, Noémie VILA, Christophe CITO ;
ainsi que ceux de la promotion Saint Jean Bosco, particulièrement Bruno
BOZIKI, Luc WILONDJA, Dieumerci BONE, Mechack KASONGO, Ghislain MALEKERA,
Trésor SADIKI, Joël NUMBI, Arsène KAMBALE et René
MUTEBA, puissent recevoir nos profondes gratitudes.
Puissent toutes les personnes qui nous sont chères et
celles ayant contribué à notre humanisation, se sachent
remerciées.
Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA
INTRODUCTION GÉNÉRALE
0.1. Choix et
intérêt du sujet
L'éducation est fondamentale et indispensable non
seulement pour le bien-être individuel mais aussi pour l'émergence
de la société. Ainsi pour nous, parler de l'éducation est
un choix judicieux et surtout en parler avec les lunettes critiques
appuyées d'une lanterne philosophique paraît un choix sans
précédent, car la philosophie de l'éducation comme remise
en question des pratiques éducatives est la tâche
spécifique du philosophe. L'analyse philosophique des sciences de
l'éducation apparaît actuellement nécessaire et
irremplaçable, dans un monde où nous assistons à la crise
de l'éducation, non seulement familiale ; mais aussi scolaire et
même universitaire. Choisir de cheminer dans un itinéraire
philosophique avec Ivan Illich, pour faire ressortir les résonnances
contemporaines de sa pensée sur la crise de l'éducation scolaire
ou mieux sur les crises éducatives qui émaillent notre
société, nous a semblé impérieux, d'abord pour non
seulement rendre hommage à un penseur contemporain original et
cosmopolite mais surtout pour diffuser la pensée d'un intellectuel
visionnaire peu connu dans notre contrée ; ensuite nous voudrions
bien présenter son souci majeur de recherche d'une éducation
conviviale sans discrimination et enfin reconnaître ses mérites
qui nous serons utiles pour panser notre système éducatif
saignant.
L'intérêt que nous portons en traitant ce sujet
est triple : tout d'abord par l'actualité du sujet ; La
question de la crise de l'éducation scolaire est plus que jamais
d'actualité, car l'école est mise sur les bancs des
accusés par beaucoup de sociétés, l'accusant de trahir ses
objectifs. D'un côté, les élèves subissent une
éducation domesticatrice et aliénatrice favorisée par une
obsolescence des savoirs scolaires ; et de l'autre côté, les
enseignants, qui sous le joug des soi-disant habilités à
créer des normes pédagogiques, sont victimes des mutilations des
règles pedagogico-didactiques et considérés comme des
éternels assistés soumis à la hiérarchie scolaire.
Ensuite, l'attente de la société des bienfaits
de l'éducation scolaire est devenue de plus en plus pressante, cherchant
à tout prix sa contribution au développement des structures
sociales. Le désenchantement de la société à
l'égard des établissements du savoir est de plus en plus mis en
exergue, l'injonction axiologique qui s'impose à l'éducateur et
la multiplicité des fonctions que la société assigne
à l'école enfoncent davantage son état morbide et
stigmatisent sa nullité et sa veulerie
Enfin, un regard sur le système éducatif de
l'Afrique sub-saharienne nous révèle de profondes crises et d'une
manière particulière dans notre beau pays, la République
Démocratique du Congo où sévit une crise scolaire sans
précédent. Cette crise est caractérisée par la
baisse de la qualité de l'enseignement, les classes pléthoriques,
la déperdition scolaire, le manque d'infrastructures soignées et
de matériels d'enseignement, la corruption institutionnalisée, la
non-prise en charge des personnels enseignants, la non-maîtrise des
matières enseignées qui débouche beaucoup d'intellectuels
ignorants sur le marché du travail, sont autant de vices qui rongent le
système éducatif congolais. Tout cela nous amène à
redéfinir la formation des enseignants et la vocation d'enseignant.
Notre souci majeur, en analysant la pensée illichienne sur
l'éducation, est d'arriver à contribuer, tant soit peu, à
l'émergence de l'éducation de notre pays en vue d'adopter une
nouvelle politique et une autre philosophie du système éducatif.
0.2. Problématique et
hypothèses
La présente étude est une recherche d'un
système éducatif susceptible de garantir à tout le peuple
une éducation égale, noble et utile à la
société. En effet l'éducation est un droit fondamental
pour toute personne humaine en vue de son intégration dans la
société. Toutefois ce droit de l'éducation pour tous n'est
pas pourtant garanti à tout enfant ; certains par une sorte de
discrimination sont privés de ce qui leur est fondamental, d'autres en
bénéficient dans des conditions inacceptables et en
général, l'école monopolise l'éducation, elle
endoctrine, domestique et aliène parfois ses sujets.
Ainsi à travers cette réflexion qui met en cause
l'éducation scolaire en crise, nous voudrions, nous appuyant sur la
pensée du philosophe autrichien Illich, apporter une contribution non
sans raison à cette problématique en vue de concevoir, à
la fois une politique et une philosophie de l'éducation globalisante et
utile au développement de la société. Il sied donc de
rechercher comment mettre fin à la crise de l'éducation scolaire
pour abolir le système éducatif discriminatoire, domesticateur,
aliénateur, centré seulement sur l'école et fermé
à diverses réalités de la société, pour
aboutir à une éducation pour tous, tenant compte des aptitudes et
des moyens économiques de chaque citoyen.
En réponse à cette préoccupation qui
guide notre étude, nous retenons comme hypothèse de recherche,
avec Illich, qu'un système éducatif convivial est susceptible de
garantir une éducation digne et pour tous. Il est question de bannir
tout ce qui fait obstacle à la liberté de l'éducation,
arriver comme le dit l'échanson de la convivialité, à
annihiler le caractère aliénateur et monopolisateur de
l'éducation scolaire proposée aujourd'hui à tout homme
comme voie du salut pour être membre à part entière de la
société.
0.3. Méthode et
division du Travail
Pour comprendre fidèlement la pensée illichienne
en matière de philosophie de l'éducation, nous avons
préféré utiliser la méthode
herméneutico-critique. Celle-ci nous permet de comprendre la
pensée de l'auteur et l'interpréter, d'une part ; de
l'apprécier en démontrant ses mérites et ses limites
d'autre part. Quant à ce qui concerne la division de ce travail, outre
l'introduction et la conclusion générales, notre investigation
philosophique s'étend sur trois chapitres, dont le premier
présente une forme de lectures de la crise de l'éducation. Il
s'agit d'une généralité comme état de lieu de
ladite crise. Le deuxième chapitre quant à lui, aborde la
question de l'analyse critique illichienne de la crise de l'éducation
scolaire. Enfin, le troisième chapitre se penche sur
l'appréciation critique en indiquant les mérites et les limites
que regorge la pensée de notre auteur.
0.4. État de la
question
De nombreux chercheurs se livrent à comprendre et
à interpréter la pensée qu'Illich a léguée
comme héritage à ses postérieurs. Ainsi il n'est pas
étonnant de voir l'ampleur de la pensée illichienne. Consultant
notre bibliothèque, nous n'avons trouvé aucun travail de fin de
cycle sur Ivan Illich. C'est pour la première fois que nous abordons
dans notre Institut, cet auteur sur le plan de la philosophie de
l'éducation et estimons avoir ouvert la voie à de nombreux
chercheurs et d'autres étudiants de notre Institut à
aborder la question de l'éducation sous l'angle philosophique sur les
traces illichiennes, c'est aussi une manière de faire connaître la
pensée d'un philosophe original mais encore méconnu et moins
étudié dans notre monde universitaire.
0.5. Notice biographique
Ivan ILLICH, que certains appellent abusivement l'insoumis
est ce scientifique, érudit, humaniste et polyglotte, surtout connu pour
ses prises de position contre toutes les institutions sociales, l'un des
penseurs les plus importants, les plus originaux et les plus
prophétiques de la seconde moitié du XXe siècle. Il
est présenté comme un anarchiste, un gauchiste, un doux
rêveur, un critique radical des institutions, un précurseur de
l'écologie politique, un pionnier de la décroissance, un catho de
gauche, un autogestionnaire, un utopiste. Parfois son oeuvre est divisée
en deux et certains auteurs parlent d'un premier Illich, l'auteur de pamphlets
traduits en plusieurs langues (Libérer l'avenir, Une
société sans école, Énergie et
équité, La convivialité, Némésis
médicale) et dont les propos ont provoqué d'innombrables
débats ; et d'un Illich de la maturité, moins
médiatique, quasi oublié, devenu professeur itinérant, une
sorte d'intellectuel nomade aux essais ardus et aux interventions
ciblées.1(*) C'est
pendant cette période qu'il dira, à propos de ses pamphlets des
années 70 : « Je prends l'entière
responsabilité de mes écrits, mais ces écrits ont
été rédigés sous forme de pamphlets s'accordant
à l'époque où je les ai écrits. Je trouve
sidérant, par ailleurs qu'ils existent toujours et qu'on en parle encore
aujourd'hui, c'est extrêmement agréable, j'en suis
flatté »2(*)
À l'occasion de sa disparition sur la terre des hommes
en 2002, Denis Clerc écrit ceci sur lui :
« En scrutant ses idées de près, la
pertinence de ses analyses demeure entière. Mais, un peu comme le
soleil, il semble dangereux de les regarder en face, tant leurs
conséquences pourraient être corrosives, si elles devaient
être prises au sérieux. Car les critiques formulées par
Ivan Illich sont corrosives. Qu'on en juge : la médecine rend malade
plus qu'elle ne guérit, l'automobile fait perdre plus de temps qu'elle
n'en fait gagner, l'école déforme plus qu'elle
n'éduque».3(*)
Ce penseur à la
pensée pensante dérangeante est né à Vienne, en
Autriche le 4 septembre 1926 ; même si le jeune Ivan est, comme son
père, catholique, la famille tout entière, interdite d'emploi,
doit quitter l'Autriche en 1942 pour l'Italie, expulsée par les lois
nazies à cause de l'origine de sa mère. En effet, il s'installe
en Italie, sans le père qui meurt pendant la guerre. Ivan Illich termine
ses études secondaires à Florence puis il entre à
l'Université Grégorienne de Rome et il est ordonné
prêtre après avoir étudié philosophie et
théologie. Il obtient un doctorat en histoire à
l'université de Salzbourg. Il aurait pu devenir diplomate au Vatican :
il choisit de partir à New York, où il est nommé en 1952
curé d'une paroisse populaire. En 1956, il devient vice-recteur de
l'Université Catholique de Porto Rico. Il y crée l'Instituto
de Communicacion Intercultural où l'apprentissage de la langue
espagnole est prétexte à découvrir la diversité et
la richesse des cultures, il la quitte en 1960, suite à un conflit avec
sa hiérarchie.
Il part au Mexique, à Cuernavaca, où il
crée avec Valentine Borreman, le CIDOC : Center for Intercultural
Documentation. un lieu sans équivalent ailleurs : un carrefour
où, en lien avec des intellectuels du monde entier, on tente de jeter
des ponts entre cultures et connaissances, de la psychanalyse à la
sociologie en passant par la pédagogie et l'économie, Le CIDOC
est une université libre, sans hiérarchie, sans professeurs, sans
diplômes.
Le CIDOC connaît une renommée internationale.
Illich le ferme de façon arbitraire, en 1976, après l'avoir, en
1968, sécularisé. Il renonce à ses fonctions
ecclésiastiques en 1969 et quitte définitivement le Mexique en
1980 pour s'installer en Europe. En 1990, il apprend qu'il a un cancer du
cerveau et décide, fidèle à ses pensées et à
ses jugements sur l'institution hospitalière, de se soigner
lui-même. Il meurt le 2 décembre 2002 à Brême, en
Allemagne. Sa préoccupation tout au long de sa vie est de trouver des
moyens éducatifs permettant de transformer chaque moment de la vie en
une occasion d'apprendre, en dehors du système scolaire ou dans une
école repensée.4(*)
CHAPITRE PREMIER : LECTURES DE LA CRISE DE
L'EDUCATION SCOLAIRE
INTRODUCTION
Le premier chapitre de notre travail intitulé
`'Lectures de la crise de l'éducation scolaire'', passe en revue
différentes réalités qui nous aident à comprendre
le fondement et l'origine de la crise que subit l'école aujourd'hui.
Nous avons pointé quelques aspects importants pour comprendre la crise
scolaire décrite par Illich ; c'est ainsi que nous
commençons par l'aspect historique, question de comprendre la
philosophie véhiculée d'abord par l'école antique et
médiévale, ensuite par l'école moderne et contemporaine et
enfin par l'école traditionnelle, coloniale et postcoloniale africaine,
en s'appuyant sur le modèle de l'école de notre pays.
Le deuxième point de ce chapitre présente
quelques manifestations de la crise de l'éducation scolaire et traite de
la problématique de la mission et des finalités de
l'école, du dysfonctionnement du système éducatif et de la
baisse du niveau de l'enseignement moderne. Le troisième et dernier
point de ce chapitre s'attèle sur l'analyse des facteurs illichiens de
ladite crise. Il s'agit ici d'expliciter la conception illichienne de la fin de
l'ère scolaire, l'anti-enseignement obligatoire et des méfaits de
l'école. Voilà d'une manière synthétique les
grandes lignes de ce chapitre que nous essayons de présenter en
détail dans les lignes qui suivent.
1.1. La philosophie de l'école au fil de
temps
Pour mieux comprendre la crise qui sévit
l'éducation scolaire moderne, il nous est impérieux de recourir
au passé pour analyser la philosophie de l'éducation antique et
médiévale et celle du temps moderne et de l'époque
contemporaine.
1.1.1. La philosophie de l'école antique et
médiévale
Le système scolaire est jalonné de structures
qui fixent ses règlements, ses programmes et ses finalités et qui
donnent aujourd'hui tout leur sens à l'éducation. Ces
différentes structures sont des fruits issus de l'histoire. Cette
histoire pourra bien aider à comprendre les controverses scolaires mais
surtout, elle nous aidera à trouver par les réflexions
adéquates des solutions à la crise éducative actuelle,
Ivan Illich l'exprime mieux:
« Si nous replacions dans une perspective historique
la controverse actuelle entre les défenseurs de l'école
traditionnelle, les technologues de la pédagogie et les partisans de
l'école libérée, ce serait une grave erreur que
d'interpréter cette querelle comme le prélude à une
révolution de l'éducation. Elle témoigne plutôt d'un
moment de réflexion sur la meilleure façon de parvenir à
faire d'un vieux rêve une réalité, c'est
l'hésitation avant l'escalade ; il s'agit de faire en sorte que
l'éducation soit totalement assurée par des éducateurs
professionnels »5(*).
Il est manifeste, pour quiconque parcourt l'histoire de
l'éducation et la compare avec une histoire de la philosophie, que les
époques d'effervescence philosophique sont également des
époques de pensées pédagogiques, et que les mêmes
noms se rencontrent comme grands maîtres à la fois de la
philosophie et de la pédagogie. Socrate, Platon, Aristote, Augustin,
Thomas d'Aquin, Bacon, Rousseau, Locke, Kant, Hegel, Schopenhauer, Fichte et
Spencher : les hommes qui professent de nouvelles conceptions de la vie,
professent également de nouvelles conceptions en matière
d'éducation.6(*)
Ainsi partant de cette double conception
pédagogico-philosophique, nous devons savoir que le début de
l'histoire éducative est marqué par une crise de la culture, qui
a dissout systématiquement les modèles traditionnels, religieux
et autoritaires qui présidaient la vie humaine du monde antique.7(*) Les historiens de
l'éducation, affirme Illich, racontent habituellement ce que faisaient
les maîtres, jadis et naguère, et ce dont on les créditait.
Il en résulte une historiographie qui suppose que l'éducation ne
connait pas de commencement et que, de ce fait, la demande en la matière
ne finira jamais, ce qui conduit le philosophe de Cuernavaca a affirmé
que :
« L'histoire traditionnelle de l'éducation
castre le recalé ; elle le flétrit en effet comme un
être humain déficient qui, par sa propre faute ou celle de la
société, manque d'une chose dont tous les êtres humains ont
toujours eu besoin : l'instruction. Pour cette raison, considérer
le recalé autrement, comme un fier refuznik8(*), requiert une approche
inversée de l'histoire de l'éducation. Pour y voir plus clair, il
nous faudrait nous focaliser non pas sur l'histoire du clergé
éducatif, ses dogmes, mais sur l'histoire du mode de vie particulier qui
tient pour allant de soi l'existence d'un système
éducatif ».9(*)
L'une de sociétés antiques bien
organisées en éducation fut la cité grecque, car elle
était la première société ouverte par rapport
à d'autres sociétés qui étaient encore de
sociétés fermées, profondément autoritaires et
basées sur un ordre social traditionnel. Les grecs ont connu
simultanément l'éducation traditionnelle (militaire et
aristocratique) et des éducations nouvelles (philosophique, mystique,
sophistique). C'est à partir du Ve siècle AXN, que
l'éducation traditionnelle grecque fut sérieusement remise en
question. Cette éducation était familiale, aristocratique et
militaire. Les parents se servaient de la poésie homérique en vue
de transmettre des vertus (le courage, la force, l'intelligence).
La crise de la culture, l'essor de l'écriture, le
développement des sciences, de la philosophie et de la démocratie
ont engendré plusieurs formes d'éducation offrant une
pluralité de formes éducatives. Cela obligea les grecs à
chercher laquelle était la meilleure, d'où cette
préoccupation ne portait pas sur le comment éduquer mais sur le
pourquoi éduquer, i.e. les fins poursuivies par l'éducation et
sur ses mérites, la question quel type d'individu voulons-nous former en
l'éduquant, devient une priorité et vise non seulement la
formation de l'individu, mais aussi celle du citoyen au sein de la
communauté.
Avec cette nouveauté, les sophistes sont
considérés comme les premiers professeurs, car c'est avec eux,
que l'éducation cesse d'être une entreprise familiale ou une
activité régie par le milieu social quotidien. L'éducation
sophistique n'est pas traditionnelle, elle est consciente d'elle-même,
elle poursuit sciemment un but ; elle n'est pas spontanée mais
organisée, elle n'est pas collective mais individuelle. Les sophistes
enseignent une culture générale, à savoir comment penser,
comment vivre, comment parler. Un autre genre d'éducation contraire
à celui des sophistes, est l'éducation socratique. Socrate
développe une sorte d'éducation où il parle avec des
jeunes gens, il cherche dans ses nombreuses discussions à apprendre
qu'à enseigner, il renverse ainsi le rôle même du sophiste,
en devenant l'élève de ses élèves.10(*)
L'avènement du Christianisme changea la vision de
l'éducation antique, ainsi le pluralisme antique céda à
une nouvelle unité culturelle qui a dominé l'occident pendant
tout le temps médiéval. C'est à cette époque
qu'apparait l'école comme un milieu moral organisé. Cette
éducation scolaire sera mise au service de la foi et de l'Église,
et les textes, grecs et latins, sont minutieusement choisis en fonction de leur
concordance à l'orthodoxie chrétienne. L'école
médiévale n'avait d'autre but que la conversion religieuse, elle
influençait profondément l'instruction des élèves
dans les vérités de la religion.11(*)
1.1.2. La philosophie de l'école moderne et
contemporaine
La Renaissance qui annonce le temps moderne vient
dénoncer les méthodes médiévales, jugées
archaïques, anachroniques, néfastes et inefficaces. La Renaissance
a posé les bases de l'éducation humaniste de l'homme moderne,
face aux déviations éducatives médiévales
jugées par les humanistes archaïques, cette éducation vise
la libération de l'homme, la réalisation d'un idéal
d'action combiné à celui de la connaissance. Même
s'il y a eu plusieurs acquis en éducation depuis les grecs, en passant
par le Moyen Âge et la Renaissance, il n'y a pas encore eu de
pédagogie au sens strict du mot. En effet, les sociétés
traditionnelles ont éduqué leurs peuples, mais n'ont mis en place
ni réflexion pédagogique, ni enseignement, ni école
systématique institutionnalisée. Même si les grecs ont
inventé l'enseignement, ils n'ont pas fait avancer la réflexion
pédagogique. De la même façon, le Moyen Âge a
donné naissance à l'école, mais il n'a pas fait progresser
la réflexion sur la pédagogie. Les penseurs de la Renaissance ont
permis de se débarrasser du Moyen Âge et de la Scolastique, mais
eux non plus n'avaient pas le souci pédagogique. Il a fallu attendre le
XVIIe siècle pour qu'apparaissent un discours et une pratique
formalisée que l'on puisse appeler pédagogie.
Au XVIIe siècle se met en place un
phénomène fondamental pour qui s'intéresse à la res
scolaire et plus particulièrement à l'enseignement. Des
maîtres d'école devant enseigner à des groupes
d'écoliers du peuple ont élaboré toutes sortes de
stratégies pour faire la classe ; ils les ont formalisées et
regroupées dans des traités. Ces derniers seront ensuite transmis
aux novices qui voudront à leur tour exercer le métier
d'enseignant. Dès lors, nous assistons à la fois à la
naissance de la pédagogie, mais aussi à la constitution d'une
tradition pédagogique. Cette manière de faire l'école sera
exportée, en Amérique et ailleurs dans le monde. Ce sont les
communautés religieuses enseignantes qui, principalement, ont
disséminé ce nouveau savoir-faire qui s'est rendu jusqu'à
nous.12(*) La grande
préoccupation de l'époque contemporaine est celle de
former la jeunesse en l'aidant à susciter elle-même ses
énergies naturelles, mais sans la conditionner, sans la contraindre
à l'intérieur des cadres et de formules figées,
inspirée de nouvelles pédagogies, cette éducation vise
la formation de personnes rationnelles i.e. capables de penser par
elles-mêmes et dont les idées et actions s'appuient sur des
raisonnements et connaissances valides.13(*)
1.1.3. La philosophie de l'école africaine
traditionnelle, coloniale et postcoloniale
Une habile pédagogie conduisait les étapes de
l'éducation traditionnelle. L'enfant était introduit à la
sagesse par les contes, les proverbes, les légendes narrées
à l'ombre d'un arbre. Dans certaines sociétés pour
l'adolescent venait le temps de grandes initiations. De ces mois
d'épreuves physiques et morales dans les lieux de réclusion, de
cette formation de l'esprit et du caractère, des hommes devaient sortir,
connaisseurs et dépositaires des rites et secrets de la
communauté, et solidairement responsables de chacun de ses membres.
À l'école d'initiation, l'adolescent apprenait les secrets de
techniques, il s'élevait en sagesse et comprenait la loi intime du
travail, la loi de l'homme. L'éducation traditionnelle était le
bien commun de toute la société et nul enfant n'en était
privé. Elle apprenait aux enfants à servir la famille, le clan et
le groupe, à s'insérer dans le réseau social et à
maîtriser les rites d'interaction, à perpétuer le
clan.14(*) Elle avait
lieu principalement dans le cadre de la vie et des activités
quotidiennes des adultes. Elle était essentiellement fonctionnelle et ce
de fait, les objectifs sociaux, la pédagogie et les instruments qui la
rendaient possible étaient intimement liés.15(*)
Cette éducation disparaît petit à petit
à l'arrivée des occidentaux en Afrique, ceux-ci apporteront leur
école pour coloniser plus. Dans notre pays, c'est en 1878 que
l'école du type occidental fit son apparition à Palabala par les
protestants. Il eut en 1880, deux écoles catholiques l'une à
l'Est sur le lac Tanganika, l'autre à l'Ouest sur le bas-fleuve,
à Boma plus précisément. Implantée par
l'étranger, la nouvelle école provoqua dans la
société congolaise un choc qui allait avoir des
répercussions irréversibles sur le système éducatif
ancien. Pendant de longues années, les populations nourrirent une
méfiance instinctive à l'égard de cette école venue
de l'occident. Les enfants comme leurs parents ne voyaient pas dans
l'école ni intérêt religieux ni un moyen d'améliorer
leur situation socio-économique. Toutefois, la situation de
l'enseignement au Congo changea radicalement après la deuxième
guerre mondiale. De 12 % entre 1930 et 1934, le taux de scolarisation
passa, pour la période 1950-1954, à 37 % avec un pourcentage
annuel d'augmentation de 6%.16(*) Pour KIMENA KEKWAKWA,
« C'est pour avoir négligé la
précaution de moraliser l'enseignement colonial qu'on a
déconsidéré l'école en la faisant apparaître
comme une fabrique de vauriens et de révoltés, maintenir la
jeunesse indigène dans un stade intellectuel inférieur, le stade
de l'instruction élémentaire, orientée vers des buts
immédiatement pratiques et retarder les ravages sociaux qui sont le
fruit naturel et fatal du développement illimité d'une
instruction sans morale. Le but de cette éducation était aussi
d'éviter les troubles politiques et sociaux »17(*).
Pour Amener le colonisé à mieux servir les
intérêts de la métropole, plusieurs reformes
éducatives ont été mises en oeuvre lors de la colonisation
au Congo-Belge, d'abord la réforme de 1929 qui fixant l'objectif de
former des auxiliaires pour l'oeuvre d'évangélisation. Ensuite
celle de 1938 ayant pour objectif de constituer un moyen suffisant
d'améliorer les conditions de vie, celle de 1948 avait comme objectifs
majeurs de préparer l'indigène moyen à réformer son
milieu en se servant de ses intérêts et de ceux de la
communauté et la sélection des éléments
susceptibles de constituer une élite intellectuelle, tout en tenant
compte des intérêts du colonisateur. Et enfin Celle de 1958
consiste en une adoption pure et simple des programmes métropolitains
par toutes les écoles.18(*) C'est ce qui nous conduit à évoquer
cette idée d'Illich : « Dans les colonies,
l'école inculquait aux classes dominantes les valeurs de la puissance
coloniale et faisait peser sur les masses leur sentiment
d'infériorité face à cette élite
éduquée ».19(*)
Après l'indépendance, le pays manqua les cadres
formés pour promouvoir le développement et diriger les
institutions étatiques. La mission de former des ressources humaines de
qualité et en abondance, fut confiée à l'école.
Pour la rendre capable d'assumer une telle mission, il fallait la
réformer. Deux grandes idées dominaient au lendemain de
l'indépendance : au plan juridique et structurel, l'enseignement
colonial avec ses composantes d'écoles officielles, officielles
congréganistes, libres subsidiées et écoles des
sociétés, devenait l'enseignement national. Au plan
pédagogique, la politique éducative devait se concentrer sur la
formation des cadres moyens et supérieurs dont le pays avait besoin. Le
maître-mot fut l'africanisation des structures administratives, des
agents et des contenus de l'enseignement.20(*)
La réforme de 1981 propose le profil de l'homme
à former : « permettre à l'enfant de
développer les valeurs intellectuelles, éthiques et spirituelles,
notamment la conscience professionnelle, la compétence, l'esprit
familial, la conscience nationale, le sens de solidarité et de
dignité, le souci d'intégrité, de justice et de
vérité, le respect de la personne humaine, de ses biens et de
ceux de sa communauté. L'enfant congolais est appelé à
être utile à lui-même et à la société,
responsable vis-à-vis de lui-même et de la
société ».21(*) Mais le jeune congolais est encore loin d'être
éduqué ainsi.
1.2. Inventaire des manifestations de la crise de
l'éducation scolaire
Nous abordons quelques points importants comme manifestations
de la crise scolaire, nous analysons plus concrètement la mission et
les finalités de l'école, le dysfonctionnement du système
éducatif de notre pays et de la baisse de la qualité
d'enseignement.
1.2.1. La problématique de la mission et de
finalités de l'école
Le mot « crise » est certes galvaudé, mais il
n'en demeure pas moins riche en connotations d'une rare pertinence pour qui se
soucie d'éducation. Car il vient du grec krisis, qui signifie,
jugement, décision, choix. Il implique une prise de conscience qui
peut être salutaire et conduire au meilleur plutôt qu'au pire,
pourvu que nous agissions en conséquence.22(*)
Christian Laval distingue deux formes de la crise de
l'éducation qui sont imbriquées l'une dans l'autre. La
première crise est celle de la scolarisation de masse qui concerne le
rapport entre les classes sociales et qui pose essentiellement une question
d'égalité. La seconde est la crise de l'institution scolaire, qui
concerne le rapport entre les générations et qui pose, elle, une
question de réciprocité. La traduction pratique de cette analyse
est que l'on ne réussira à réduire la crise
d'égalité qu'en répondant à la crise de la
réciprocité, et inversement.23(*) Et l'école même, ce lieu où les
enfants se rendent quotidiennement pour apprendre, est désignée
par un mot au destin bien étrange en fait :
« Le grec scholè comme le latin
schola ont pour sens premier le temps de loisir. Se souvenir que
l'école est née du loisir est sans doute un moyen d'y retrouver
la trace du plaisir et du privilège d'apprendre. Partant de loisir la
schola devient le temps donné aux travaux d'esprit avant d'être le
lieu réservé à l'étude. Au sens strict du terme
elle est d'abord maternelle, puis primaire ou élémentaire, mais
au-delà, elle devient collège puis lycée puis
université. L'école désigne l'ensemble des institutions
vouées à l'enseignement, quel qu'en soit le
niveau ».24(*)
Les finalités de l'éducation répondent
à la question quel type d'homme voulons-nous former, elles sont
définies par le pouvoir politique aidé par un comité
d'éthique et un comité scientifique. Elles véhiculent des
valeurs et justifient les objectifs de l'éducation. Le problème
posé par les finalités de l'éducation, c'est qu'elles
servent généralement d'alibi et non de directionnel à la
formation. Les finalités de l'éducation fournissent les
directionnels autour desquels devraient s'organiser tous les autres objectifs,
mais trop souvent les enseignants oublient ces finalités pour s'attacher
à l'atteinte d'objectifs spécifiques.25(*)
D'aucuns estiment que nous devons éduquer l'enfant pour
la société et d'autres voudraient que l'enfant soit
éduqué pour lui-même, afin de lui permettre de
s'épanouir. La première doctrine tend à être
autoritaire, estimant qu'il faut forcer et presser l'enfant à
acquérir l'éducation proposée. L'autre répond par
contre, qu'il est injuste et dangereux de plier l'enfant à des normes
qui ne sont pas les siennes, ce n'est pas former, mais déformer, former
c'est respecter cette forme immanente à chaque enfant. Une
société est en droit d'exiger de l'éducation qu'elle
transmette à l'enfant ces valeurs sans lesquelles la vie sociale serait
impossible. La force de cette conception est de montrer qu'en adaptant l'enfant
et l'intégrant à la société, nous travaillons en
même temps pour son bien. Pour la société ou pour l'enfant,
il s'agit là d'une faute alternative. Entre l'individu et la
société, il existe un troisième terme qui est
l'humanité. L'enfant ne sera pas élevé pour qu'il demeure
enfant, non plus pour en faire un travailleur et un citoyen, plutôt pour
en faire un homme i.e. un être capable de communiquer et de communier
avec tout ce qui est humain.26(*)
Le Père Bernard ILUNGA distingue quatre raisons
principales de la pratique éducative, la première est
l'incomplétude fondamentale de l'homme visant à rapprocher
l'homme de lui-même et en lui-même, i.e. le rendre un peu plus
humain, sans devoir jamais réussir à le rendre totalement humain,
car le totalement humain est d'ordre de l'espérance et de la
grâce. La deuxième raison est que la plasticité de la
nature humaine, la qualité humaine de l'homme n'est jamais
préfabriquée en l'homme, elle est au contraire
post-fabriquée et cela grâce aussi et en grande partie à
l'activité éducative. La troisième raison est la
conquête du bonheur en vue d'éclairer la liberté de l'homme
et lui donner des raisons de choisir la route qui mène au bonheur
social. La quatrième raison est l'existence du penchant au mal en
l'homme, le penchant au mal peut faire échouer l'homme à
s'élancer vers son humanité, vers le bonheur. L'éducation,
se pose donc comme l'auxiliaire de la vocation à l'humanité, dans
l'homme.27(*)
Cette éducation est aujourd'hui
systématisée par ce que nous appelons école. À ses
débuts, l'école se présentait comme une simple maison
d'accueil qui préparait les enfants des nobles à leur mission
future de gouverner le monde. Mais en évoluant, l'école est
devenue le creuset du savoir et de l'érudition pour la
préparation de tous les futurs cadres à leur mission sociale
orientée vers la promotion sociale intégrale. De la sorte, la
société a considéré l'école comme la
clé du progrès communautaire.28(*) Ainsi la société a trop attendu les
fruits florissants de cette institution dans la mesure où, elle a cru
que l'école était une institution puissante, capable de
générer la promotion intégrale de l'homme et de
traîner derrière elle toute la société pour la
tirer de cette crise dont elle est victime. La société a
tellement mystifié l'école qu'elle a même oublié que
cette dernière était une émanation de cette même
société et que, la vie de l'école non seulement
dépendait de la société, mais elle partageait aussi les
insuffisances de la société qui l'avait engendrée. Nous
devons arriver à corriger cette idéalisation de l'école et
du rôle qu'elle joue dans la société. La thérapie
nouvelle consisterait à replacer l'école dans son contexte et
à comprendre que nous ne pouvons avantageusement agir sur elle sans
modifier avant tout, son contexte.29(*) Pourtant comme le dit Illich :
« Le but de l'éducation publique devrait
aboutir à créer une situation dans laquelle la
société oblige chaque individu à faire l'inventaire et de
soi-même et de sa pauvreté. L'éducation implique
l'éveil d'une conscience vivante, à la fois de
l'indépendance individuelle et d'une fraternité entre les hommes
qui va de pair avec une découverte approfondie et une utilisation des
connaissances accumulées dans la communauté humaine. Cela suppose
au départ une place à l'intérieur de la
société où chacun de nous s'éveille par surprise,
qui doit être un lieu de rencontre où les autres nous surprennent
par leur propre liberté qui nous rend conscients de la
nôtre ».30(*)
Pour Jacques Maritain, la tâche de l'éducation
est de former un enfant déterminé appartenant à une nation
donnée, à un milieu social donné, à un moment
historique donné. L'éducation doit donc aider avant tout au
développement dynamique par lequel l'homme se forme lui-même
à être un homme, autrement dit de préparer l'enfant et
l'adolescent à s'instruire pendant toute sa vie.31(*)
1.2.2. Le dysfonctionnement du système
éducatif
En abordant ce deuxième point sur le dysfonctionnement
du système éducatif, nous devons préciser que cette
analyse ne se limite que sur le système scolaire de notre pays, question
d'efficacité et de précision. Suite au dysfonctionnement
remarquable, le système éducatif congolais mérite un
véritable désir de réinventer une nouvelle
éducation qui soit vraiment au service des hommes et des femmes en
extirpant les racines des antivaleurs et de bien d'autres formes impudiques qui
accompagnent ce système éducatif devenu un véritable
aréopage d'aliénation et d'exploitation et traduisant un
système éducatif mal en point.32(*)
Cette analyse dénote un véritable
décalage entre le système éducatif en vigueur et les
exigences réelles de la vie en société, voire une fuite
pure et simple devant l'impérieuse nécessité d'assumer la
responsabilité d'éduquer.33(*) Ainsi la crise constatée dans plusieurs
nations prouve à suffisance que l'enseignement étant premier
créateur et pourvoyeur de connaissances demeure toutefois paradoxal, il
n'a pas su dans l'ensemble jouer à l'égard de lui-même le
rôle qu'il joue à l'égard de la société. Il
n'a pas réussi à inculquer aux maîtres les connaissances et
les méthodes nouvelles pour qu'ils les appliquent en classe, sans
lesquelles l'écart actuel entre l'offre et la demande d'éducation
ne pourra être réduit. L'enseignement se place ainsi dans une
position assez ambiguë: d'une part, il exhorte chacun à se
perfectionner, d'autre part, il semble répugner l'idée de
moderniser son propre fonctionnement.34(*)
La réalité de la politique congolaise traduit un
besoin d'un autre système éducatif cohérent, orientant les
enfants, les jeunes, les adultes vers les réalités du pays et
leur apportant des connaissances générales et spécifiques,
théoriques et pratiques qui leur permettront de gagner la vie et
entrevoir l'avenir de la nation, d'où la redéfinition de
l'école congolaise pour la nouvelle société. La nouvelle
philosophie politique congolaise implique une nouvelle philosophie de
l'éducation nationale, celle de fonder l'éducation congolaise sur
des bases nationales selon les réalités, les besoins de la nation
dans les différents domaines de ses secteurs vitaux et les orientations
de l'État. L'école congolaise d'aujourd'hui doit être
authentique, adaptée à la vie nationale et intégrée
aux réalités et à la vision politique et éducative
du pays. Bref, adapter les programmes de l'enseignement aux problèmes
réels et ponctuels du pays.35(*)
En outre, le profil de l'homme à former et la vision
claire de quel type d'éducation et quel type de société
veut la nation congolaise, ne sont pas clairement explicités. L'absence
d'une politique rationnelle de gestion du patrimoine scientifique national, les
articles des mémoires, les thèses de doctorat ne servent à
rien si ce n'est qu'à orner nos bibliothèques, l'ouverture
incontrôlée des écoles privées, parfois pour des
raisons mercantiles, la paupérisation des enseignants sont des
phénomènes qui gangrènent ce système sans politique
éducative solide36(*). En ce qui concerne les impératifs pour
l'avenir, le Professeur Chrysostome CIJIKA pense que « les
systèmes éducatifs seront de plus en plus mal adaptés
à leur environnement, à moins que les mesures beaucoup plus
énergiques ne soient prises rapidement pour adapter le contenu des
programmes et l'orientation des élèves aux exigences du
marché du travail et au cadre différent dans lequel vivront
demain les élèves d'aujourd'hui ».37(*)
Une acquisition quelconque, faite à l'école, qui
disparaît plus vite qu'elle n'est venue, est nulle et non avenue
même si les défenseurs de l'école se consolent en pensant
que la culture est ce qui reste quand ils ont tout oublié. Si nous
voulons mesurer l'effet d'un système d'enseignement et de formation, il
faut que nous commencions de toute nécessité par mesurer les
effets à long terme de ce système. Les systèmes actuels
d'examens qui le plus souvent ne mesurent rien du tout, les études
docimologiques en font foi, et de toute façon, ne mesurent qu'à
court terme et par-dessus le marché mesurent des connaissances que le
candidat s'est préparé à montrer, i.e. qu'il s'empressera
d'oublier quand il les aura montrées.38(*) Le système scolaire moderne, affirme
Illich, est un destructeur universel d'âme qui met la majorité au
rebut et endurcit une élite appelée à la gouverner. Ils
reconnaissent dans le système scolaire un mal.39(*)
1.2.3. La baisse du niveau de l'enseignement moderne
Nous développons ici quelques facteurs qui montrent que
la qualité de l'enseignement rd-congolais est au rabais. Plusieurs
facteurs démontrent la baisse de la qualité d'autant plus que la
loi-cadre régissant la législation scolaire souffre suite aux
tergiversations politiques. Le pays devrait plus se soucier de la qualification
des agents oeuvrant dans la planification de l'éducation, car le besoin
des populations est supérieur à l'offre. Le taux moyen calculable
des enfants scolarisables et scolarisés dans le cadre du diagnostic de
la disparité inter-régionale est supérieur à la
capacité des écoles existantes, Les infrastructures et le
matériel scolaires surtout en milieux ruraux sont délabrés
et sous-équipés, La création des écoles semblables
aux domiciles privés sans cour de récréation, avec des
salles de classe à dimension économique, la sous-qualification
professionnelle de certains agents, le favoritisme dans l'engagement du
personnel scolaire ne favorisent pas un enseignement de
qualité.40(*)
La corruption a pris de l'ampleur dans nos écoles,
l'intelligence et l'application aux leçons ne sont plus le seul moyen de
réussir ; car l'on peut tricher lors des interrogations et des
examens, comme l'affirme Martin EKWA :
« sous l'oeil complice du surveillent entretenu, des
enseignants qui exigent de l'argent ou des biens aux élèves,
condition de réussite, ou même des élèves qui font
offre pour réussir, le trafic d'influence de la part de certains parents
ou le recours à des libéralités sont aussi des moyens pour
s'assurer la réussite des enfants, des enseignants subordonnent la
réussite des jeunes filles aux abus sexuels ; en sens inverse, ces
dernières, connaissant le système en font l'offre, des
gestionnaires d'écoles et des professeurs exigent des finalistes des
sommes d'argent en vue de motiver les inspecteurs chargés des examens
d'Etat, de négocier avec eux la réussite de leurs
élèves, des enseignants accordent les meilleures notes aux
élèves recommandés, membres de famille d'amis, de
parents ; l'école délivre des bulletins, parfois avec la
complicité des parents, à des élèves
déficients, et même à ceux qui n'ont pas
fréquenté l'institution. Un diplômé de secondaire
s'exprimait correctement dans la langue de l'enseignement, aujourd'hui, seuls
les jeunes de bonnes écoles le peuvent encore »41(*).
La corruption est institutionnalisée depuis
l'école jusqu'aux différentes institutions de la
société, l'école rend la société
corruptrice. La baisse de la qualité de l'enseignement est due aussi
à la conscience erronée de certains enseignants formés
eux-mêmes dans une moule bardée d'antivaleurs, ainsi
l'école perpétue l'incompétence et la corruption dans la
société tout entière. Les principes de la
psychopédagogie souffrent de non application rationnelle dans le
fonctionnement de certaines écoles, l'insuffisance de manuels scolaires,
du matériel d'enseignement, des laboratoires, des ateliers, des centres
d'application, l'inadaptation des stratégies didactiques
utilisées par nos enseignants aux réalités logistiques et
démographiques de notre société , ayant comme
conséquence la surproduction intellectuelle non compétitive, avec
moins de vertu civique, beaucoup de difficultés d'intégration
sociale et professionnelle.42(*)
1.3. Les constats illichiens de la crise de
l'éducation scolaire
Illich préconise la fin de l'ère scolaire qui
arrivera selon lui, à tout prix, il constate également que
l'école obligatoire nuit à la liberté de s'éduquer
convenablement et il donne quelques faits qu'engendre l'école, c'est de
cela qu'il est question ici.
1.3.1. La fin de l'ère scolaire
Pour Illich, les institutions scolaires sont arrivées
à une période de crise qui pourrait bien annoncer la fin de
l'ère scolaire, commencée à peine deux siècles,
l'ère scolaire a donné l'idée selon laquelle
l'enseignement était indispensable pour devenir quelqu'un d'utile dans
la société. S'adressant aux étudiants de
l'université de Porto Rico, Illich disait :
« Votre génération doit
détruire ce mythe, Parvenus au terme de vos études, vous
êtes à même de voir que l'éducation que vos enfants
méritent et qu'ils réclameront exige une révolution au
sein de cet enseignement dont vous êtes issus... La distinction que
l'université aujourd'hui vous confère suppose que pendant seize
années ou plus, vos aînés vous ont soumis, que vous le
vouliez ou non, à la discipline d'un rite scolastique complexe. Vous
avez fidèlement pénétré, cinq jours par semaine,
neuf mois par an, dans l'enceinte sacrée de l'école et vous avez
continué de le faire, année après année, sans
jamais renoncer ... vos années de jeunesse se sont passées
en grande partie sous la garde de l'école ».43(*)
La doctrine fait de l'éducation un produit de
l'école, défini par les chiffres ; chiffres qui indiquent le
nombre d'années passées sous la tutelle des professeurs, chiffres
des réponses exactes données dans les examens. À
l'obtention du diplôme, le produit de l'enseignement acquiert une cote
sur le marché. La scolarité, en elle-même, garantit
l'appartenance à la communauté de consommateurs
disciplinés de la technocratie. Le pouvoir du diplôme s'est accru
si rapidement que les pauvres attribuent leur misère au fait qu'ils n'en
ont pas.
Nous ne pouvons plus concevoir la vie sans penser à
l'école, le désir de l'éducation ne nous anime plus, nous
croyons à la nécessité de l'enseignement. Illich nous
invite à trouver des solutions nouvelles au problème de
l'éducation qui mettront un terme à l'ère de
l'école. L'école est devenue accréditée,
obligatoire, intouchable et universelle. Nous devons remplacer les valeurs
anachroniques de la souveraineté nationale, de l'autarcie industrielle
et du narcissisme intellectuel et culturel, dont sait si bien accommoder le
reste en un méchant ragoût que nous ne pouvons éduquer
que dans l'enceinte sacrée de l'école.
Illich pense que les générations futures
vivront dans une île où aucune importance ne sera accordée
à l'assiduité scolaire, si les étudiants eux-mêmes
prennent la responsabilité de cette tâche sans craindre
d'être condamnés comme hérétiques ou comme
éléments subversifs. C'est cela qui conduit notre auteur à
espérer qu'à la fin de ce siècle, ce que nous appelons
aujourd'hui école ne sera plus qu'une relique du passé ; que
cette institution triomphante à l'époque du chemin de fer, puis
à celle de l'automobile, sera comme eux en voie de disparition. Nous
combattons, maintenant au nom de l'éducation contre un corps enseignant
qui représente, qu'il veuille ou non, un intérêt
économique44(*).
Dans le monde moderne, le professeur a perdu le monopole de la
transmission des connaissances. Il est concurrencé par tous les grands
types de communication et d'information. Le maître était autrefois
le canal privilégié du savoir et de la culture. Il n'est plus
aujourd'hui qu'un canal parmi tant d'autres. Comme l'institution scolaire qui a
émergé dans les dernières décades du
XIXe siècle est frappée au coin de ses conceptions
éducatives en adoptant l'idée pessimiste de l'enfant
naturellement méchant et pervers ; l'institution scolaire constitue
un monde bardé d'interdits. Pour faire respecter la discipline scolaire,
il y a les surveillants tristes individus coincés, comme les
sous-officiers de l'armée, entre les élèves qui se moquent
d'eux.45(*) La crise du
système scolaire est une indication très claire d'un
phénomène mondial : « Les sociétés
qui restent attachées à la scolarisation universelle et
obligatoire insistent sur une entreprise frustrante et toujours plus insidieuse
qui multiplie les ratés et les infirmes ».46(*)
1.3.2. L'anti-enseignement obligatoire
Il nous revient de combattre l'école publique et
gratuite au nom de la véritable égalité des chances devant
l'éducation. La jeunesse veut des institutions éducatives qui lui
assurent vraiment l'éducation. Elle n'a pas besoin, elle ne veut pas de
soins maternels, de certificats de garantie, ou d'endoctrinement. Il est
évidemment difficile d'obtenir une éducation dans une
école qui refuse d'éduquer sans exiger de ses
élèves qu'ils se soumettent, à la fois, à sa
surveillance, à une compétition stérile, à sa
doctrine. Il est tout aussi difficile de financer un enseignement et un
enseignant qui représente en même temps le tuteur, le conseiller,
l'arbitre, le garant et l'inventeur des programmes. C'est faire preuve d'un
manque d'économie que de combiner ces fonctions dans une institution
unique.
C'est précisément parce que ces quatre fonctions
souvent contraires sont associées, que le coût de
l'éducation acquise à l'école augmente. Il nous revient de
créer des institutions qui offrent à tous l'éducation
à un coût acceptable, ne dépassant pas les
possibilités d'investissement public. Il faudrait que nous ne
ressentions plus la nécessité de l'école, et cette
acquisition d'une maturité plus grande lui permettra alors de financer
l'éducation pour tous et d'accepter des formes nouvelles
d'éducation. Il n'y a pas de raison fondamentale qui interdise
l'acquisition d'une éducation plus convaincante dans le cadre familial,
professionnel et communautaire, ainsi que dans des bibliothèques d'un
modèle nouveau et dans les centres fournissant les moyens
d'apprendre.47(*)
L'enseignement de nos jours comporte l'obligation d'assister
une bonne partie de l'année à différentes classes à
raison de plusieurs heures par jour. Et cela est imposé à tous
les citoyens pour une période qui s'étend sur dix à
dix-huit années ; si bien que l'école divise l'existence en
deux périodes distinctes, qui tendent de plus en plus à
être de longueur comparable. L'école implique une sorte de
détention des êtres jugés indésirables ailleurs pour
l'excellente raison que l'école a été faite pour les
servir. L'État donne aux enseignants, les missionnaires de
l'évangile scolaire, le pouvoir d'inventer de nouveaux critères
qui permettront de confier aux bons soins de l'école des fractions
encore plus importantes de la population. L'école sélectionne
ceux qui sont destinés à réussir et leur accorde avant de
les lancer dans la vie un insigne qui témoigne de leur aptitude. Une
fois que l'éducation a été reconnue comme le signe de
reconnaissance des membres à part entière d'une
société la compétence se mesure par l'argent
dépensé et au temps consacré à cette
éducation, et la société ne tient pas compte des
connaissances acquises indépendamment des programmes d'études
marqués du sceau de l'orthodoxie. 48(*)
Le penseur de l'anti-enseignement obligatoire,
précurseur de Ivan Illich, Paul Goodman pense que la réaction de
désertion scolaire est normale et que c'est l'école qui est
désertée qui est bel et bien anormale :
« Pendant dix ou treize ans, chaque jeune est
contraint de rester assis la meilleure partie de sa journée dans une
salle presque toujours bondée, face au tableau, pour suivre des cours
prescrits par une administration lointaine et sans rapport avec ses
intérêts à lui, intellectuels, sociaux, biologiques ou
même économiques. C'est que l'école obligatoire n'est
qu'une promesse frauduleuse ; elle prétend donner l'instruction et
l'accès aux métiers lucratifs, mais elle sélectionne une
petite élite au profit des grandes firmes, alors que les autres auront
perdu leur temps et leurs efforts pour être finalement
éliminés. L'école ne sert alors qu'à
préserver l'ordre social contre la jeunesse. L'école
élémentaire est une coûteuse garderie, l'enseignement
secondaire et collégial un camp de concentration qui, par sa discipline
et ses lavages de cerveau, allège la tâche de la police.
L'école obligatoire n'est finalement qu'un piège
universel ».49(*)
L'existence même de l'école obligatoire divise
toute société en deux catégories, Certaines
périodes, certaines méthodes, certaines professions sont dites
académiques ou pédagogiques, d'autres ne le sont pas. Ainsi, le
pouvoir de l'école de distinguer entre deux réalités
sociales est bientôt sans limites : l'éducation se situe à
l'écart du monde, tandis que le monde ne possède aucune valeur
éducative. Le système de la scolarité obligatoire, s'il
conduit inévitablement à une ségrégation au sein de
la société, permet également une sorte de classement entre
les nations. Ainsi s'établit une véritable hiérarchie
internationale, où chaque caste fonde sa dignité sur le nombre
d'années de scolarité défini par ses lois. Les
établissements d'enseignement nous conduisent à une situation
paradoxale : il leur faut sans cesse plus d'argent, et cette escalade
budgétaire ne fait que renforcer leur puissance de destruction à
la fois dans les pays qui consentent à ces dépenses accrues et,
par contagion, sur le plan international.50(*)
1.3.3. Les méfaits de l'école
Comme l'affirme mieux OKOLO OKONDA, L'école, le lieu de
l'entrée de l'enfant dans l'univers de la rationalité moderne, au
lieu d'être un lieu de formation, est plutôt le lieu de
déformation. Elle a tendance à créer un homme artificiel
détaché de la vie et de l'existence.51(*) La démocratisation de
l'enseignement, objectif annoncé par la plupart des gouvernements
depuis plus de cinquante ans, est un mythe, et que l'école,
malgré les bonnes intentions des hommes politiques, des responsables du
ministère et des enseignants ne peut pas tenir ce gage. L'école
n'est pas non plus méritocratique même si elle permet, par
l'intermédiaire des bourses, la promotion de certains
élèves méritants des classes défavorisées.
Elle favorise outrageusement les héritiers car elle reproduit voire
amplifie les différences sociales, provoque l'échec scolaire des
plus défavorisés par l'intermédiaire de la violence
symbolique, et surtout, crée des gagnants et des perdants, or un des
effets dévastateurs de l'échec scolaire est de convaincre les
perdants de leur indignité. L'école fonctionne en donnant bonne
conscience au vainqueur52(*) et mauvaise conscience au vaincu,53(*) pour cela, nous disons que le
premier méfait de l'école est qu'elle est injuste alors qu'elle
se prétend être juste. Denis Kambouchner aborde également
la thématique de l'école juste. Sa thèse est que
l'école juste est celle qui remplit au mieux les quatre fonctions
suivantes : accueillir les élèves ; les nourrir d'un enseignement
substantiel ; exiger d'eux des conduites propres à assurer la vie en
commun et l'étude ; décider au vu des résultats :
orienter, certifier.54(*)
Une école juste serait une école qui
n'humilierait pas les vaincus, une école qui doterait chaque
élève des connaissances et compétences nécessaires
pour vivre sereinement de son travail dans notre type de société.
Curieusement, certaines personnes qui n'ont pas fait les grandes écoles,
ni l'université, et qui n'ont obtenu que des diplômes peu
valorisés sur le marché du travail, créent leur
entreprise, la développent et vivent de manière tout à
fait satisfaisante. Cela signifie qu'elles développent des
compétences que l'école n'a jamais reconnues, mais que la vie
valide fort heureusement.55(*)
Il semble bien que, malgré ses tentatives d'ouverture,
d'emblée l'école constitue un monde à part,
séparé du monde de la production. Depuis que le travail des
enfants est interdit, elle est devenue le seul lieu de travail licite des
enfants. La vie quotidienne, les divers moyens de communication viennent se
situer en complémentarité ou en concurrence avec l'école.
La concurrence peut se marquer paradoxalement par un emprunt du vocable, lors
que la vie devient à son tour une école. Et si cette école
de la vie, qui fonctionne comme une école parallèle, est parfois
pensée comme plus efficace que l'école, c'est parce que
l'école est souvent ressentie comme ennuyeuse au point que l'adjectif
scolaire prenne le sens péjoratif de ce qui est laborieux, fastidieux,
coupé de la vie et si cet adjectif est souvent neutre, il n'est jamais
positif ou laudatif :
« L'école en arrive même à
être pensée comme repoussoir, lorsqu'elle devient
école-caserne où l'on dresse plus qu'on n'éduque,
où l'on conditionne plus qu'on ne libère, où l'on apprend
à obéir plus qu'à agir, où l'on demeure soumis et
révolté, au lieu d'être maître de soi et respectueux
des autres. D'où le rêve de certains, de voir se profiler une
société sans école, mais où paradoxalement tout
serait école, où tout pourrait être l'occasion
d'échanges de savoir ».56(*)
Il est difficile maintenant de dénoncer l'école
en tant que système parce que nous y sommes trop habitués.
L'enseignement classe et par là déclasse, en même temps il
se charge de convaincre les déclassés qu'il leur faut se
soumettre, car c'est par l'intermédiaire de l'école que l'on
parvient au rang d'adulte dans la société. Ce que l'école
enseigne aux citoyens, c'est de rester à leur place assignée. Les
écoles permettent à ceux qui ont pris un bon départ de
justifier rationnellement leur réussite.57(*) Elle apprend à confondre enseigner et
apprendre, à croire que l'éducation consiste à
s'élever de classe en classe, que le diplôme est synonyme de
compétence.58(*)
Selon l'analyse de John Holt, l'une des raisons pour lesquelles l'école
est rarement bénéfique aux enfants mais leur est par contre
presque toujours nocive, c'est qu'ils n'expérimentent aucune rencontre
réelle avec leurs professeurs. Les professeurs ne sont pas
eux-mêmes, ils jouent un rôle. Ils ne parlent pas de leur
réalité, ce qu'ils savent, de ce qui les intéresse, de ce
qu'ils aiment, mais seulement de ce que prévoient les programmes et les
livres du maître, Ils ne réagissent pas naturellement, avec
franchise, ni aux actions ni aux besoins des enfants, mais en fonction des
réactions dictées par des règles.59(*)
Conclusion
En conclusion, le premier point de ce chapitre a abordé
l'aspect historique en cherchant à déterminer la philosophie de
l'école conçue par les différentes époques. Ainsi
pour l'antiquité grecque, l'éducation est passée d'une
entreprise familiale et du milieu social quotidien en une éducation
organisée et consciente, poursuivant un but et ayant comme
professeurs les sophistes qui enseignent une culture générale,
avec comme finalités de savoir comment penser, comment vivre, comment
parler. L'époque médiévale quant à elle a
établi l'école comme un milieu moral organisé. Sa
philosophie était la conversion religieuse. L'éducation de la
Renaissance vise la libération de l'homme, la réalisation d'un
idéal d'action combiné à un idéal de connaissance
et stimuler les apprenants aux découvertes et aux inventions.
Le deuxième point qui a traité de l'inventaire
des manifestations de la crise scolaire, a commencé tout d'abord par
analyser la problématique de la mission et des finalités de
l'école qui nous amène à constater que l'école en
Afrique n'a pas encore atteint son but de clé du progrès
communautaire. Ensuite, nous y avons présenté le
dysfonctionnement du système éducatif qui garde un
décalage entre celui-ci et les exigences réelles de la vie de la
société africaine et enfin la baisse du niveau de l'enseignement
moderne ayant comme base la corruption et le mauvais fonctionnement des
institutions scolaires africaines suite aux moyens insuffisants.
Le troisième point qui a étalé les
différents constats illichiens de la crise scolaire s'est d'abord
penché sur la crise de l'ère scolaire prônée par
Illich, ensuite sur l'anti-enseignement obligatoire qui n'est qu'une imposition
qui divise l'existence humaine en deux périodes distinctes et enfin les
méfaits que relève Illich engendrés par l'école qui
au lieu d'être un lieu de formation est devenue le lieu de
déformation. Ces analyses nous permettent d'amorcer le deuxième
chapitre qui examine en détails la conception éducative
illichienne.
CHAPITRE DEUXIÈME : ANALYSE CRITIQUE
ILLICHIENNE DE LA CRISE DE L'ÉDUCATION SCOLAIRE
2.0. Introduction
Le deuxième chapitre de notre travail est une analyse
de la crise scolaire telle que conçue par Ivan Illich. Ce chapitre
développe les aspects importants de la conception illichienne et aboutit
à la solution que l'auteur prône : la déscolarisation
de la société et l'adoption d'une éducation conviviale.
Pour mieux présenter ces éléments qu'évoque notre
auteur, nous préférons le subdiviser en trois principaux points
et chaque point en trois sous-points. Le premier point intitulé analyse
de l'institution scolaire et de sa mission sociale, traite d'abord du rapport
entre école et politique, ensuite de la problématique entre
l'école et l'éducation et enfin de l'école et la
société.
Le deuxième point se penche sur le monopole de
l'école sur l'humanité, les trois axes de ce point
élucident la manière dont l'école est
considérée dans la conception illichienne comme monopole de
l'humanité, car l'école est devenue non seulement la religion du
monde moderne mais aussi l'aliénation du monde et surtout des nations
pauvres. Le troisième et dernier point de ce chapitre illustre quelques
pistes de solutions telles que proposées par Illich en parlant des
caractéristiques de la société déscolarisée
et des réseaux éducatifs qui constituent l'éducation
conviviale. Voilà d'une manière laconique les grandes
idées qui constituent ce chapitre et que nous développons dans la
suite.
2.1. Analyse de l'institution scolaire et de sa mission
sociale
Ce premier point établit les différents liens
existant entre l'école et les trois entités importantes selon
Illich, qui sont : la politique, l'éducation et la
société.La politique parce qu'elle est la base sur laquelle
repose toute éducation ; l'éducation par ce qu'Illich
constate qu'il y a confusion entre école et éducation et ainsi il
en établit nettement la différence ; la
société parce que sans elle, il n'y a pas d'éducation.
Ainsi toute éducation doit être en conformité avec la
communauté dans laquelle elle émerge.
2.1.1. L'éducation scolaire et la politique
La crise de l'éducation scolaire n'est pas seulement
une affaire interne de l'école, elle concerne bien aussi beaucoup plus
d'aspects de la société et plus particulièrement de la
politique dont elle dépend ; c'est pour cette raison qu'Illich
pointe la politique comme l'un des éléments qui contribuent
à ladite crise. Nous devons d'abord être conscients que
l'éducation est toujours envisagée en fonction d'une politique,
c'est en ce sens que le philosophe Olivier REBOUL affirme que
l'éducation est inséparable de la politique i.e. de la vie de la
cité, des rapports économiques et sociaux qui la constituent et
de la forme du gouvernement dont elle dépend, toute éducation
dépend d'une option politique, qu'il s'agisse des méthodes, des
programmes, de la sélection et de ce que la société attend
de l'éducation. Ainsi l'éducation n'est jamais vraiment neutre,
elle est la réalité politique la plus importante puisque, par
elle, la génération d'aujourd'hui forme celle de demain.60(*)
Mais cette école qui est sous la dépendance
politique est en état critique. Pour Illich, elle n'arrive plus à
accomplir sa mission du bien-être social :
« l'école est en butte à des critiques multiples parce
qu'elle est devenue un problème social ».61(*) Le gouvernement politique
n'assure plus l'éducation suite aux problèmes politiques.
L'école coûte cher, trop cher pour l'État et la
société, elle coûte trop cher par rapport au nombre
d'enfants que le budget national d'éducation permet de scolariser. Les
problèmes politiques proviennent aussi de l'école actuelle. En
effet, « l'État a consacré l'école en une
religion moderne et y envoie des enseignants pour assurer les rituels et les
cérémonies devant conduire les fidèles à la
promotion sociale ».62(*) En considérant ces propos, nous pouvons croire
à l'inutilité du rapport éducation-politique ; Or,
croire à l'indépendance de l'éducation et l'instruction
par rapport à la vie politique d'une nation est illusoire. L'État
exerce un monopole sur l'éducation qui représente non seulement
la dépendance du système scolaire par rapport à une
politique gouvernementale, mais aussi son aspect uniformisé,
planifié. Le gouvernement est le financier, le gestionnaire, le
promoteur de l'instruction et de l'éducation.63(*)
Toutefois, toute innovation en matière
d'éducation suppose un changement complet, dans le domaine politique, en
matière d'organisation de la production, et dans l'idée que
l'homme se fait de lui-même : celle d'un animal à qui
l'école est nécessaire. 64(*)Hannah Arendt quant à elle, tout en
reconnaissant le rôle de l'État vis-à-vis de
l'éducation, nous met en garde en affirmant que nous devons fermement
séparer le domaine de l'éducation des autres domaines, et surtout
celui de la vie politique et publique. Pour elle, l'éducation ne peut
jouer aucun rôle en politique, car elle s'adresse toujours à ceux
qui sont déjà éduqués, quiconque se propose
d'éduquer les adultes se propose en fait de jouer les tuteurs et de les
détourner de toute activité politique.65(*)
Mais, traitant de la discrimination raciale dans les
écoles américaines, elle reconnaît àl'État le
droit et le devoir d'une politique scolaire : «le droit du corpspolitique
de préparer les enfants à accomplir leurs futures tâches de
citoyens »66(*).
Mais, en fait, la thèse d'Arendt, affirme Laurent COURNARIE, est assez
classique : elle consiste àdire que si l'éducation a une
portée politique, son contenu ne l'est pas et ne doit pas l'être.
Ce quiest politique dans l'éducation, c'est l'apprentissage du monde
i.e. la transmission de la culture requiseà l'exercice de la
capacité politique. La citoyenneté est la fin et non le contenu
de l'éducation.Il suffit de donner les moyens d'une appropriation de la
culturepour que l'éducation remplisse safonction politique.67(*) Puis qu'il s'agit d'une
matière publique, nous dit Maritain « l'État ne
peut s'en tenir à l'écart, et son aide comme sa supervision
seront par conséquent requises. Mais cela doit s'accomplir dans la
liberté et pour la liberté, et la relation entre l'État et
l'école doit être correctement comprise ».68(*)
Cette liberté constate Illich n'existe pas entre
école et politique, raison vive pour laquelle, il plaide pour la
séparation de l'État et de l'école, et par là nous
mettrons fin à un système où le préjugé et
la discrimination bénéficient du soutien de la
législation :
« Le démantèlement de l'institution
scolaire passe par la promulgation de lois interdisant toute discrimination
à l'entrée des centres d'études liée au fait que le
candidat n'aurait pas suivi préalablement quelque programme
d'enseignement obligatoire. Certes, cette garantie légale n'exclurait
pas la possibilité de périodes d'essai lorsqu'il s'agirait de
remplir telle fonction ou tel emploi spécifique. Elle devrait, par
contre, supprimer l'avantage absurde dont bénéficie celui qui
justifie d'études exigeant une part trop importante des ressources
publiques ou, pire encore qui se pare d'un diplôme qui n'a aucun rapport
avec une qualification précise ou un emploi quelconque. L'État
doit protéger le citoyen contre l'impossibilité éventuelle
de trouver du travail par suite du jugement de l'école à son
égard, et par là on pourrait le libérer de l'emprise
psychologique de cette dernière »69(*).
Abolir toute discrimination dans l'éducation est une
affaire bien complexe qui implique toute une société, pour cela
nous devons distinguer nettement deux aspects importants, l'éducation et
l'école qui n'ont pas la même valeur.
2.1.2. La problématique du rapport entre
école et éducation
Dans l'analyse de la crise scolaire, Illich traite du rapport
entre école et éducation, car il a constaté que
l'école est une institution fondée sur l'axiome que
l'éducation est le résultat d'un enseignement. La sagesse que
nous tenons de l'institution continue de faire sienne ce précepte en
dépit des preuves accablantes du contraire. Nous devons distinguer
formellement l'école de l'éducation ; l'école n'est
pas égale à l'éducation, elle n'est qu'une composante de
celle-ci, qui peut d'ailleurs disparaître et être remplacée
par d'autres formes d'éducation. Cela amène Illich à
s'interroger sur l'apprentissage de nos connaissances :
« Où avons-nous donc appris la plus grande part de ce que nous
savons ? »70(*)
Illich répond sans beaucoup de détours en disant que
« c'est en dehors de l'école, que tout le monde apprend
à vivre, apprend à parler, à penser, à aimer,
à sentir, à jouer, à jurer, à se
débrouiller, à travailler.».71(*)
Pour le polyglotte autrichien, l'école n'apprend pas
assez parce que le maître de l'école assume des charges
contradictoires. Il est tout à la fois gardien, prédicateur et
thérapeute. Dans chacun des trois rôles qu'il assume, l'enseignant
fonde son autorité sur une prétention différente. En sa
qualité de gardien de l'institution, son travail consiste, tel un
maître de cérémonie, « à guider ses
élèves dans le dédale d'un rituel interminable, à
veiller à l'observance des règles, à leur faire subir les
différentes épreuves de l'initiation à
l'existence ». En sa qualité de censeur des moeurs, il se
substitue aux parents, à Dieu ou à l'État et se
charge « de l'endoctrinement, instruisant des bonnes et
mauvaises façons de se comporter, non seulement à l'école,
mais dans la société tout entière. Il tient ce rôle
in loco parentis face à chacun de ses élèves et
garantit, en conséquence, que tous se sachent des enfants, membres de la
même espèce ». De par sa troisième fonction,
celle de thérapeute, il se croit autorisé à examiner
et à connaître la vie personnelle de chacun.72(*)
Il est paradoxal de vouloir prétendre qu'une
société libérale puisse se fonder sur le système
scolaire que nous connaissons aujourd'hui. Dans la mesure où
l'enseignant réunit les fonctions de juge, d'idéologue et de
médecin des âmes, c'est le style de la société qui
est perverti par la méthode de préparation à l'existence.
Ces trois pouvoirs détenus par le maître contribuent à
fausser l'esprit de l'élève, plus encore que les lois qui le
mettent en tutelle.73(*)
À l'école, nous apprenons qu'une bonne éducation est le
fruit de l'assiduité, que sa valeur ne peut que s'accroître en
fonction de la durée de notre présence, qu'enfin cette valeur est
mesurable et qu'elle est garantie par les soi-disant examens et diplômes.
C'est ici que se placent toutes les choses que nous apprenons qu'en vue d'un
futur examen ou pour les oublier ensuite, in futuram oblivionem74(*), Kant nous dit que nous
ne devons occuper la mémoire que de choses dont nous sommes
intéressés à conserver et qui ont rapport à la vie
réelle.75(*)
À ce propos, Illich affirme que l'apprendre est de
toutes les activités humaines celle qui requiert le moins l'intervention
d'autrui et se prête le moins à la manipulation ; nous ne tenons
pas notre savoir, à proprement parler, de l'instruction imposée.
La meilleure façon d'apprendre, pour la plupart des êtres humains,
c'est cet accord avec les choses et les êtres, tandis que l'école
les force à confondre le développement de leur
personnalité et de leurs connaissances avec une planification d'ensemble
qui permet la manipulation de l'élève.76(*) L'intelligence humaine n'est
jamais passive, elle est en perpétuelle activité,
délicate, réceptive, sensible aux stimulations.
L'intérêt d'un sujet, l'éveil de l'élève et
le potentiel vital d'un enseignement doivent être mis en valeur pour un
enseignement digne de ce nom. Il n'y a qu'un sujet d'études au bout du
compte, et c'est la vie dans toutes ses manifestations,77(*) comme le dit mieux Lê
Thành Khoi :
« L'erreur la plus grave a été
d'établir une fausse identité entre enseignement et formation :
l'enseignement du savoir n'est qu'une partie, et pas toujours la plus
importante, de la formation qui doit viser à rendre
l'élève apte à l'action, l'éducation qui joue un
rôle fondamental dans l'évolution de toute société a
pour mission, plus encore que de diffuser des connaissances, de répandre
une volonté de changement et de diffuser les qualités
indispensables à l'action sur le milieu, Entreprise dans
l'enthousiasme, poursuivi dans le doute, aujourd'hui remise en cause, la
politique de l'enseignement est loin d'avoir eu les effets
bénéfiques qu'en escomptaient les nations qui
accédèrent à l'indépendance dans les années
1960 ».78(*)
L'éducation est un processus de vie et non une
préparation à la vie future. Tandis que l'école devra
représenter la vie présente, vie aussi réelle et vitale
pour l'enfant que celle qu'il mène à la maison dans son quartier
ou sur le terrain de jeu, la société pourra s'organiser et se
former d'une manière plus ou moins fortuite au petit bonheur la chance.
Mais par l'éducation la société peut formuler ses propres
fins, organiser ses propres moyens et ressources et se façonner ainsi
dans la direction où elle désire aller.79(*)L'école ne doit plus
rester monopole de l'éducation, surtout chez nous en Afrique où
l'école est inexistante dans certains milieux ruraux. Il est temps
d'organiser d'autres formes d'éducation adaptées pour ces milieux
défavorisés, c'est en ce sens que le professeur Chrysostome
CIJIKA plaide pour un autre type d'enseignement parce que l'école pour
tous ne réussit pas pourtant à éduquer tout le monde.
Ainsi il s'interroge si nous devons continuer à nous enfermer dans
l'alternation, l'éducation scolaire ou rien, pour cela
l'éducation non formelle doit être mise en valeur. Il n'est pas
question de dresser l'éducation non scolaire contre l'école,
mais, en l'absence de l'école, nous devons trouver d'autres
alternatives.80(*) Le fait
que l'école rend l'éducation légitime tend à faire
de toute éducation extra-scolaire un accident, si non une
véritable atteinte à la légalité. La
véritable école est celle qui est en réelle correspondance
avec les réalités de sa société.81(*)
2.1.3. La problématique du rapport entre
l'école et la société
En examinant la problématique du rapport entre
école et société, nous voulons savoir en quoi la
société contribue à la crise de l'éducation
scolaire. En nous appuyant sur John Dewey à ce propos, nous pouvons lui
prêter ces paroles qui s'annoncent comme suite :
« l'école est essentiellement une institution
créée par la communauté pour maintenir la vie et favoriser
la prospérité sociale »82(*), Or l'école ne peut être qu'en crise
quand toute la société dans laquelle elle émerge est en
pleine crise. Jacques Julliard n'a-t-il pas dit que :
« l'affaissement continu de l'école n'est que le signe le plus
visible, le plus scandaleux, d'un effondrement spirituel de notre
société ».83(*) C'est cette société qu'Illich
conçoit comme immature et qui doit parvenir à la maturité,
pour dépasser sa propre enfance, c'est seulement dans cette condition
qu'elle deviendra vivable pour les jeunes. Nous ne pouvons plus conserver
longtemps cette séparation tranchée entre une
société adulte qui se prétend humaine et un milieu
scolaire qui tourne la réalité en dérision. Que
l'institution scolaire disparaisse, et il sera possible de ne plus favoriser un
âge aux dépens des autres.84(*)
En classe, les enfants sont tenus à l'écart de
la réalité quotidienne de la culture, Ils vivent dans un milieu
beaucoup plus primitif, magique et d'un sérieux mortel. L'école
ne saurait créer une telle enclave, où les règles de la
vie ordinaire n'ont plus cours, si elle n'avait pas le pouvoir
d'incarcérer les jeunes plusieurs années de suite sur son
territoire sacré. À ce sujet, l'apôtre de Cuernavaca
affirme que :
« Cette obligation de la présence change la
salle de classe en une sorte de matrice magique, dont l'enfant renaît
périodiquement chaque fois que s'achève le jour de classe ou
l'année scolaire, jusqu'à ce qu'il soit enfin rejeté dans
le monde des adultes. Ni cette enfance interminable ni l'atmosphère
étouffante de la salle de classe ne pourraient exister sans les
écoles. Cependant, ces dernières, en tant que seuls organes de
transmission du savoir, pourraient exister tout aussi bien sans leurs salles de
classe ou sans soumettre les enfants aussi longtemps à leur loi, et
devenir plus répressives et plus destructrices que toutes les
institutions que nous avons connues jusqu'alors. »85(*)
Il faut avouer sans ambages que l'instituteur scolaire, au
moins en certains coins du monde, en Afrique tout particulièrement, a
failli à sa vocation qui est de suppléer le milieu familial pour
aider et préparer l'enfant, pour le rôle qu'il va jouer dans la
société. L'école a failli à sa vocation, quand les
examens sont considérés tout à fait abusifs et
déplacés par lesquels elle déclare certains
élèves dignes d'étudier davantage ou d'apprendre un
métier, dignes de vivre et déclare d'autres indignes et par
conséquent bons pour la rue et la misère. Yves-Emmanuel
Dogbé illustre cet échec scolaire tant décrié par
rapport à son rôle dans la société,
l'éducateur scolaire continue à exiger à l'ensemble des
élèves, par un enseignement trop dogmatique et
encyclopédique, d'égales qualités intellectuelles, en
masquant son impuissance pour sa mission et qualifie de toutes les
épithètes diffamatoires et démoralisantes possibles les
élèves qui n'arrivent pas à le satisfaire et dont il ne
sait développer ce qu'ils ont de grandeur virtuelle, de talent.86(*)
Comme les éducateurs ne conçoivent pas
l'enseignement sans le certificat de garantie, il s'ensuit que le
système scolaire ne conduit pas à l'éducation et ne sert
pas la justice sociale ; au cours de la scolarité, on confond
l'instruction et le rôle que l'on jouera dans la société.
Pourtant, apprendre doit signifier acquérir quelque compétence ou
quelque savoir nouveau, mais la promotion sociale se fonde sur des opinions
que d'autres se font de vous. Ainsi, s'instruire dépend souvent d'une
certaine instruction reçue, mais la sélection pour un rôle
social, pour un emploi sur le marché du travail, dépend de plus
en plus de la seule durée des études. Illich remarque que le
futur rôle social est fixé par un programme d'enseignement, au
cours duquel le candidat doit satisfaire à un certain nombre de
conditions s'il veut parvenir à l'acquisition du brevet.87(*) Au sein de l'école,
l'enseignement est donné en fonction de ces rôles futurs et non
pas du savoir à acquérir. La raison n'y trouve pas son compte,
pas plus que la vertu libératrice qui devrait être le propre de
l'éducation, « parce que l'école ne choisit d'enseigner
que ceux qui satisfont, à chaque étape, aux mesures
approuvées et définies au préalable par le contrôle
social. Nous pourrions constater que le rang dans la société fut
de tout temps assigné par une sorte de programme dont la
société reconnaissait les mérites ».88(*)
L'éducation implique l'éveil d'une conscience
vivante, à la fois de l'indépendance individuelle et d'une
fraternité entre les hommes qui va de pair avec une découverte
approfondie et une utilisation des connaissances accumulées dans la
communauté humaine.89(*) Nous n'avons aucune raison de perpétuer la
tradition médiévale, selon laquelle les hommes doivent être
d'abord préparés au monde séculier en les enfermant dans
une enceinte sacrée, serait-elle le monastère, la synagogue ou
l'école.90(*)
2.2. Le monopole de l'école sur
l'humanité
Ce deuxième point développe deux aspects
importants qui montrent, selon Illich, le monopole de l'éducation que
l'école s'attribue dans le monde, elle est devenue la religion du monde
moderne et même elle aliène le monde. Cette aliénation est
présentée en double face dans ce travail, d'abord
l'aliénation du monde, puis l'aliénation d'Afrique, car comme
l'affirme Illich l'aliénation scolaire est de plus en plus aigüe
dans les nations pauvres, raison vive pour laquelle nous parlons de
l'aliénation de l'Afrique sub-saharienne, en nous inspirant plus des
effets aliénataires de notre pays, la RDC.
2.2.1. L'école comme religion du monde moderne
Le monopole de l'école est devenu aujourd'hui plus que
jamais une domination en se passant pour la nouvelle religion à laquelle
quiconque veut le salut i.e. le bien-être social, doit croire et
adhérer aux cérémonies d'initiation qu'elle
présente comme nécessaires pour tout le monde. Illich s'attaque
justement à ce monopole de l'éducation scolaire, tout en sachant
que le but qu'il faut poursuivre, qui est réalisable, est d'assurer
à tous des possibilités éducatives égales, Illich
pense qu'il y a une confusion grave à ce sujet, pour lui confondre cet
objectif et la scolarité obligatoire, c'est confondre le salut et
l'Église : « L'école est devenue la religion
mondiale d'un prolétariat modernisé et elle offre ses vaines
promesses de salut aux pauvres de l'ère technologique.
L'État-nation a adopté cette religion, enrôlant tous les
citoyens et les forçant à participer à ses programmes
gradués d'enseignement sanctionnés par des
diplômes »91(*).
L'avènement de la religion scolaire a consisté
dans la corruption d'un concept né à l'aube de la civilisation :
la skholè,l'apprendre. Il y a une aspiration universelle pour
l'apprendre dans un but de transindividuation, de compréhension et de
soin car cela nourrit les processus ordonnateurs de vie. Les États ont
détourné le fleuve de cette aspiration en s'en proclamant
gestionnaires exclusifs. L'école gouvernementale est devenue
totalitaire, au sens où elle a recouvert la totalité de
l'apprendre. L'école et la skholè sont devenues
étrangement opposées. La population est domestiquée de
façon croissante de génération en
génération. L'école fait intérioriser très
profondément aux masses l'hétéronomie en
commençantpar le savoir lui-même. Une fois tombé pour
l'école, l'individu accepte la dépendance à toutes les
autres institutions. Ainsi éduqués, les individus
développent un certain type de rapport au monde :
hétéronomes, mais aussi privatisés et
prolétarisés, avec une vision gagnant/perdant, apathiques
politiquement, des individus non individués, déconnectés
de la temporalité du cosmos et du souci de soi, nocifs pour
eux-mêmes, pour les autres et pour l'environnement. L'école et
le travail constituent la même religion. Les petits sont gardés
pour que leurs parents produisent, et pendant ce temps l'école leur fait
intégrer toutes les idéologies qui les conduiront, eux-aussi,
à la servitude volontaire et à la dépendance à
l'argent.92(*)
Dans notre siècle, le mythe de la consommation sans fin
remplace désormais la croyance en la vie éternelle.
L'école semble appelée à tenir le rôle de
l'apparition d'une nouvelle Église universelle offrant l'espoir de vivre
dans notre culture en décomposition. Aucune institution ne saurait mieux
dissimuler à ses fidèles la contradiction profonde entre les
principes et la réalité sociale dans le monde
d'aujourd'hui.93(*) La
rivalité rituelle vous porte à participer à une
compétition sans frontière où les concurrents sont
conduits à rejeter la responsabilité de tous les maux de la
planète sur ceux qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, jouer :
« L'école est un rite initiatique qui fait
entrer le néophyte dans la course sacrée à la
consommation, c'est aussi un rite propitiatoire où les prêtres de
l'almamater sont les médiateurs entre les fidèles et les
divinités de la puissance et du privilège. C'est enfin un rituel
d'expiation qui ordonne de sacrifier les laissés-pour-compte, de les
marquer au fer, de faire d'eux les boucs émissaires du
sous-développement ».94(*)
Partout, les enfants savent qu'ils ont des chances de gagner
à la loterie nationale obligatoire de l'enseignement. Certes, elles ne
sont pas égales, mais l'égalité supposée du
critère international fait que, désormais, à leur
pauvreté originelle s'ajoute le blâme que le
laissé-pour-compte se décerne à lui-même. Instruits
de la foi dans la montée des espérances, ils sont à
même d'accepter leur frustration grandissante à l'extérieur
de l'école : la grâce leur a été refusée
parce qu'ils ne sont pas dignes. Ils n'entreront pas au ciel, parce qu'une fois
baptisés ils ne sont pas allés à l'église.95(*)
L'école allie l'expérience d'une
dépendance humiliante face au maître et ce sentiment trompeur
d'omnipotence si caractéristique de l'élève qui veut s'en
aller enseigner à toutes les nations à faire leur salut. Mais
l'attente du royaume qu'entretient l'école est impersonnelle
plutôt que prophétique, et universelle plutôt que
limitée à une seule région. L'homme, devenu
ingénieur, fabrique son propre messie et promet les récompenses
sans limites de la science à tous ceux qui se soumettront à la
construction mécanique de son règne.96(*)
L'homme a été redéfini comme un
être qui, après être né de sa mère, doit
renaître par l'action de l'alma mater, une nouvelle mère
sainte : l'école. Ensuite, la nouvelle voie du salut est devenue
d'abord une route pour les privilégiés, puis une
inévitable super grand-route pavée de bonnes intentions :
« L'institution éducative suppose que chacun naisse en tant
qu'individu dans une société contractuelle qui doit être
analysée avant d'y vivre. Selon cette construction, nul ne saurait faire
partie de cette société à moins qu'un catéchisme ne
lui dispense certaines vérités. Cette catéchèse,
qu'on appelle éducation, ne vaut que si l'individu passe par le
truchement d'un agent, à savoir l'école ».97(*)
L'école est à l'Homo educandus ce que
l'Église est au chrétien. Suivant cette vision
réformée de la nature humaine, le salut passe encore par un
livre, mais le livre en question n'est plus une simple Bible, le nouveau livre
doit être lu d'une nouvelle façon livresque, et ce genre de
lecture nécessite de longues cérémonies qui se
déroulent dans des salles de classe. Pour faire marcher cette nouvelle
Église, a vu le jour un nouveau clergé : les maîtres
d'école, nourris des besoins définis par cette nouvelle vision de
la nature humaine. Le pouvoir d'un pareil clergé nécessitait une
justification. Celle-ci allait être fondée sur un dogme proclamant
la culture livresque comme chose nécessaire au salut. Au cours du
XXe siècle, a été découverte une
nouvelle raison de l'éducation universelle et obligatoire :
« L'école a été définie comme
nécessaire pour le travail. La socialisation démocratique, la
culture livresque et la formation de la main-d'oeuvre vinrent s'ajouter pour
justifier l'existence de ce qui était devenu une Église
transnationale ».98(*)
2.2.2. L'école comme aliénation de
l'humanité
L'école ne représente pas seulement la nouvelle
religion planétaire, c'est également le marché de l'emploi
qui se développe le plus vite. La production des consommateurs est
devenue un secteur florissant de l'économie. L'école ouvre des
perspectives illimitées à un gaspillage considéré
comme légitime tant que l'on ne s'apercevra pas de ses effets nocifs, et
alors même que le prix des remèdes palliatifs est en hausse
constante. Il suffit d'additionner le nombre des enseignants et des
élèves pour s'apercevoir que cette prétendue
superstructure est devenue le principal employeur de notre
société. Dans le schéma traditionnel, l'aliénation
était une conséquence directe du travail considéré
comme une activité salariée. L'homme était alors
privé de la possibilité de créer et d'être
re-créé. Maintenant, les jeunes sont
préaliénés par une école qui les tient à
l'écart du monde, tandis qu'ils jouent à être à la
fois les producteurs et les consommateurs de leur propre savoir, défini
comme une marchandise sur le marché de l'école.
Avec cette sorte d'éducation, l'homme ne trouve plus le
courage de grandir dans l'indépendance, il ne trouve plus
d'enrichissement dans ses rapports avec autrui, il se ferme aux surprises
qu'offre l'existence lorsqu'elle n'est pas prédéterminée
par la définition institutionnelle. Tout mouvement de libération
de l'homme ne saurait plus passer maintenant que par une
déscolarisation.99(*) Le monde, source véritable de connaissance, se
trouve à l'extérieur de la salle de classe, même si cette
dernière fait partie du monde. Nous ne pouvons simplifier la
connaissance, l'isoler des dynamiques réelles socio-économiques,
culturelles et politiques du contexte éducatif et l'enseigner de
manière verticale, répétitive, et
mémorisante.100(*)
Si nous choisissons de nous taire et d'accepter le postulat
selon lequel le savoir est une marchandise qui, dans certaines conditions, doit
être vendue de force au consommateur, nous sommes prêts à
nous soumettre à la domination sans cesse plus pesante des gestionnaires
totalitaires de l'information et aux funestes parodies d'école qu'ils
nous préparent.101(*) L'école aliène la
société, elle réduit le jeune jusqu'à en faire un
objet du processus de production, elle intériorise la
comptabilité capitaliste ; elle programme une foi absurde : -
elle aliène la vie quotidienne, monopolisant l'éducation et
enlevant au travail son fruit le plus insigne, celui qui devrait être la
formation continue du travailleur et l'occasion constante pour lui de
participer à l'élaboration de son propre milieu. Elle inculque la
passivité à l'élève, le convainquant de sa
dépendance vis-à-vis du maître ainsi que de son
incapacité à stimuler l'apprentissage chez les autres. Pour
dépasser la dépendance vis-à-vis de l'école, nous
avons besoin de lois qui interdisent la discrimination, dans la politique des
emplois, basée sur l'assiduité préalable à
l'école. Une telle législation n'exclurait pas des preuves
spécifiques de compétence, mais supprimerait l'actuelle
discrimination absurde en faveur de la personne qui apprend grâce
à une grande dépense de fonds publics.102(*)
Comme le dit Freire, l'école aliénatrice a pour
tâche de remplir les élèves des contenus de sa narration,
contenus qui sont détachés de la réalité,
déconnectés du tout qui les a engendrés et peut leur
donner une signification. Les mots sont vidés de leur aspect concret et
deviennent creux, aliénés et verbiage aliéné :
« L'éducation de la sorte devient un acte de
dépôt, dans lequel les élèves sont les
récepteurs et les enseignants les dépositaires. Au lieu de
communiquer, l'enseignant émet des communiqués et fait des
dépôts que patiemment les élèves reçoivent et
stockent, mémorisent et répètent. C'est ce qu'on peut
appeler le concept «bancaire» de l'éducation, dans lequel le
champ d'action réservé aux élèves ne s'étend
qu'à leur réception de l'information. Il est vrai qu'ils ont
l'opportunité de devenir les collecteurs ou les catalogues des choses
qu'ils ont en stock. Mais en dernière analyse, ce sont les gens
eux-mêmes qui sont écartés du processus au travers du
manque de créativité, de transformation et de connaissance dans
ce système, au mieux, mal dirigé. Car hors du questionnement,
hors de la praxis, les individus ne peuvent pas être vraiment humains. La
connaissance émerge dans l'invention et la réinvention, par la
quête sans relâche, impatiente, continue et optimiste que les
humains poursuivent en ce monde, avec le monde et avec les autres,
ensemble ».103(*)
L'école nous prépare à dépendre
beaucoup plus des institutions que de notre capacité créatrice et
de notre débrouillardise. Par ailleurs souligne Illich, ce que nous
apprenons à l'école n'a aucune utilité dans l'exercice de
notre travail. Ce sont nos rapports avec d'autres dans la vie active qui
constituent pour nous une source riche d'enseignements. 104(*) Lapassade affirme que ce
sont les fugueurs, qui ont raison, car la société qu'ils refusent
est pathologique, la seule éducation non aliénante est des
libertaires où l'école est sans programmes, sans classes, sans
discipline, parce que sans buts éducatifs, les buts imposés par
les adultes sont faux et oppressifs, ils étouffent la vraie vie, celle
de l'enfance et de la jeunesse, porteuse de toutes les promesses ;
l'enfance a raison contre les adultes, car elle est le faîte de
l'existence.105(*)
2.2.3. L'école comme aliénation d'Afrique
L'école aliène le monde et d'une manière
spéciale cette aliénation atteint son comble dans les pays
pauvres, Illich voit en cela, l'ensemble de tous les pays du tiers-monde qui
subissent une aliénation accrue par l'école occidentale qui leur
a été imposée. Plus particulièrement nous nous
limiterons de parler de l'aliénation que subissent les écoles de
l'Afrique sub-saharienne. Illich affirme, en effet que : « Les
pauvres ont besoin de crédits pour leur permettre d'apprendre, non pas
pour recevoir un certificat de vaccination attestant qu'ils ont suivi un
traitement susceptible de les guérir de leurs insuffisances
supposées »106(*).Cette affirmation illichienne illustre que la
pauvreté modernisée engendrée par l'école, dans les
nations elles-mêmes pauvres, le cas pour la plupart des pays africains
subsahariens, affecte un nombre plus élevé d'êtres humains
et de façon plus visible, mais finalement moins profonde.107(*)
Yves-Emmanuel Dogbé affirme que l'enfant qui
pénètre dans le monde de l'école africaine commence une
hostilité presque inconsciente que lui ménage ce milieu ;
qui est appelé pourtant à suppléer sa cellule familiale et
à jouer le rôle de ses parents, une partie importante de sa vie,
ainsi qu'en a convenu la société.108(*) Les
caractéristiques de l'hostilité du milieu scolaire à
l'égard de l'enfant sont indiscutables :
« Inflexible dans ses institutions, intransigeante
dans ses règles, dans ses formes de scolarité même, dans
ses programmes d'enseignement et ses méthodes pédagogiques,
l'école se perpétue en se proclamant tutrice de premier ordre de
l'enfant, sans malheureusement tenir compte ni de la diversité des
natures des élèves, ni de l'inégalité de leurs
rythmes de maturation, ni de la variété de leurs
vocations »109(*)
Le professeur KALELE-KA-BILA regrette du maintien du
système d'enseignement hérité du colonialisme traduisant
un certain néocolonialisme par une aliénation de l'école
qui apprend aux jeunes africains à connaître plus les
réalités occidentales que les réalités africaines,
les réalités de leurs pays respectifs, de leurs milieux
auxquelles ils sont confrontés chaque jour et auxquelles ils devront,
pour améliorer leurs conditions de vie, trouver des solutions
appropriées et adéquates mais hélas l'école leur
apprend à mépriser leurs propres réalités au profit
de celles étrangères.110(*) Dans une société
aliénée, si l'éducation ne peut s'acquérir que dans
les écoles, seuls ceux qui se sont pliés à leur discipline
aux niveaux inférieurs seront admis aux stades plus
élevés. Dans les sociétés où les capitaux
font défaut et qui ne sont pas assez riches pour permettre une
durée d'études non limitée, la majorité apprend par
l'école non seulement l'acceptation de son sort mais encore la
servilité.111(*)
Pour Illich, Le révolutionnaire politique
renforce la demande de scolarisation en promettant en vain que sous son
administration plus de savoir et plus de gain seront accessibles à tous,
grâce à une plus grande scolarisation. Il contribue à la
modernisation d'une structure mondiale de classes et à une modernisation
de la pauvreté. La tâche du révolutionnaire culturel est
toujours de vaincre la tromperie sur laquelle est basée l'école
et d'ébaucher des plans pour la déscolarisation de la
société :
« Il est clair qu'avec des écoles de
qualité égale, un enfant pauvre ne pourra jamais atteindre
l'enfant riche ; ni un pays pauvre ne peut se comparer à un pays
riche. Il est également clair que les enfants pauvres et les pays
pauvres n'ont jamais d'écoles égales à celles des riches
mais toujours des écoles plus pauvres, ainsi sont-ils de plus en plus en
arrière, tant qu'ils dépendent des écoles pour leur
éducation ».112(*)
Ainsi l'école africaine aliénée
domestique de plus en plus ses jeunes et le mot sous-développement est
un terme diffamatoire de pure invention de l'esprit colonisateur,
dénotant assurément, « le regret de perdre et les
peuples qui étaient jadis sous sa domination et les avantages de cette
tutelle. Ce n'est pas parce que le sage africain n'est pas diplômé
d'une école européenne qu'il est
sous-développé ».113(*) Et l'éducation restera aliénée
et aliénante tant que la société n'aura pas
réalisé la vraie démocratie, i.e. la participation active
de tous au destin collectif.114(*)
Les recherches d'amélioration du processus
éducatif au sein des écoles et à l'adaptation de ces
mêmes écoles aux conditions particulières des pays
sous-développés doivent nous aider à nous interroger sur
la valeur du postulat sur lequel le système scolaire se fonde et que
nous ne devons pas exclure la possibilité que les nations en voie de
développement ne profitent pas de cette forme d'enseignement par
l'école, que cette solution apportée à la
nécessité de leur éducation ne soit pas finalement viable.
Ce doute devrait nous permettre de concevoir des sociétés futures
où les écoles, telles que nous les connaissons aujourd'hui
n'auraient plus de raison d'être.115(*) L'école restreint la possibilité
d'emprunter des voies de traverse et, surtout elle rend personnellement
responsable celui qui n'a pas scolairement réussi lorsqu'il est tenu
socialement à l'écart.116(*)
2.3. La société
déscolarisée et ses réseaux éducatifs
Que faut-il faire face à la crise de
l'enseignement ? Illich propose la déscolarisation de la
société qui aidera la communauté à se
débarrasser des inégalités et méfaits
engendrés par l'école que nous avons béatifiée en
vache sacrée. Ce dernier point du deuxième chapitre donne les
caractéristiques illichiennes de la société
déscolarisée et analyse les quatre réseaux qu'Illich
propose en remplacement du système scolaire actuel. Ce sont ces quatre
organismes grâce auxquels celui qui veut s'éduquer pourra
bénéficier des ressources qu'il juge nécessaires.
2.3.1. Les caractéristiques de la
société déscolarisée
Illich pense que la solution véritable à la
crise scolaire serait une totale et complète metanoïa,
changer profondément et méthodiquement les structures scolaires,
cela doit nous conduire tout simplement à la déscolarisation de
la société en vue de trouver d'autres formes d'éducation
qui permettront une liberté digne car, dit-il, « Un
véritable système éducatif n'impose rien à celui
qui s'instruit, mais lui permet d'avoir accès à ce dont il a
besoin »117(*)
Ainsi pour lui, un véritable système
éducatif devrait se proposer trois objectifs : le premier est celui
de donner accès aux ressources existantes à tous ceux qui
veulent apprendre, et ce à n'importe quelle époque de leur
existence. Le deuxième est celui d'offrir à ceux qui
désirent partager leurs connaissances de rencontrer toute autre personne
qui souhaite les acquérir. Et le troisième serait de permettre
aux porteurs d'idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter
l'opinion publique, de se faire entendre. Ainsi dans la société
déscolarisée, il ne sera pas possible de soumettre ceux qui
veulent apprendre à un programme obligatoire, la
ségrégation fondée sur la possession de certificats ou de
diplômes d'étude n'aura pas sa place. Les possibilités que
nous donne la technologie seront de moyens efficaces pour s'exprimer,
communiquer, rencontrer les autres. Ce sera donc la liberté universelle
de parole, de réunion, d'information, qui a vertu
éducative.118(*)
Ces propos illichiens sont soutenus par David Cooper qui pense
que la société actuelle doit se débarrasser du discours
de préjugés concernant l'éducation et, par
conséquent, rayer de la carte des notions telles qu'examens,
diplômes, divisions entre les enfants, division entre écoles
primaires et secondaires, ségrégation effectuée en
fonction de l'âge et du sexe, durée des études
déterminées par des examens, thèses ou compositions qui
sont des rites crétins de passage amenant le candidat de limbes absurdes
à d'autres limbes auxquels il est censé croire. Il est facile de
justifier la suppression de ces rites superficiels et fanatiques qui
pervertissent les réalités de l'initiation dans le sens d'un
endoctrinement simpliste et d'un conformisme qui abuse les gens au point de
leur faire perdre toute faculté critique. Nous devons donner ici
à l'éducation un sens très large, faute de quoi elle
continuera d'avoir des effets assassins, ceux de la corde passée autour
du cou de la victime étranglée.119(*)
Si l'éducation ne peut pas tout, elle peut seule
s'attaquer à la racine de l'inégalité, qui est la
différence d'instruction, l'école doit pratiquer
l'égalité des chances i.e. la possibilité pour chacun de
se développer et d'accéder à la situation pour laquelle il
est apte. Un enseignement dont le but est de sélectionner et de former
les plus doués n'est pas démocratique ; à la place de
la sélection par la naissance et par l'argent, il met la
sélection par le talent ; le rôle d'une école digne
est avant tout celui d'élever les médiocres, la démocratie
a moins besoin d'une élite éclairée que d'un peuple
éclairé.120(*)
Un mouvement de libération parti de l'école qui
se fonderait sur la conscience des maîtres et des élèves
d'être en même temps exploiteurs et exploités pourrait
annoncer les stratégies révolutionnaires de l'avenir, car le
phénomène de la déscolarisation préparerait les
jeunes à un nouveau style de révolution capable de venir à
bout d'un système social qui fait de la santé, de la richesse, de
la sécurité des obligations.121(*)Il faut instituer une véritable
éducation qui prépare à la vie dans la vie, en donnant le
goût d'inventer et d'expérimenter. L'école, si elle existe,
doit devenir le lieu de rupture avec le conformisme. Dans tous les cas, il faut
supprimer son monopole et reconnaître tous les lieux d'accès au
savoir. Illich insiste tellement sur l'idée de la déscolarisation
de la société contemporaine qu'il le dit clairement en ces
termes :
« La nature destructive de l'enseignement
obligatoire ira jusqu'à sa logique ultime, à moins que nous ne
commencions dès aujourd'hui de nous libérer de cette hybris
pédagogique, de notre croyance que l'homme peut faire ce que Dieu ne
fait pas : manipuler les autres pour les conduire au salut. La manipulation
des hommes et des femmes commencée à l'école a atteint un
point de non-retour. Or la plupart n'en prennent pas
conscience »122(*)
voulant distinguer l'école publique et obligatoire de
la skholè, Sylvain Rochex et Mathilde Anstet, membres actifs du
Mouvement Citoyen pour la Déscolarisation de la société et
la déscolarisation des cerveaux123(*)affirment que la skholè est gratuite,
personne ne paye ou n'est payé, point d'agents d'une volonté
extérieure mais des citoyens, libres, égaux et autonomes qui
contribuent ensemble à l'apprendre. Nous voulons retrouver
cette communalité et cette convivialité du partage des savoirs,
en établissant une vraie skholè, basée sur
l'égalité d'expression, et non séparée de la vie.
Car, un savoir enfermé dans les sanctuaires scolaires ne sert à
rien. Un savoir est vivant lorsqu'il est expérimenté,
confronté au réel, testé, adapté,
éprouvé sans cesse, en un aller-retour permanent entre
réflexivité et expérimentation.124(*)
Il existe deux types de savoirs : Le premier naît
des rapports entre les hommes à travers l'utilisation d'outils
conviviaux. Le second n'est qu'un dressage intentionnel et programmé
à l'emploi des outils créés par la société
industrielle. Le savoir global d'une société s'épanouit
quand, à la fois, se développent le savoir acquis
spontanément et le savoir reçu d'un maître; alors rigueur
et liberté se conjuguent harmonieusement. Tant que le savoir sera mis
sur le marché des biens échangeables, l'homme subira le monopole
radical industriel et ne pourra s'accomplir dans une société
conviviale.125(*)
2. 3.2. Les objets éducatifs et
l'échange des connaissances
Les deux premiers réseaux éducatifs illichiens
sont les objets éducatifs et l'échange des connaissances. Le
premier service serait chargé de mettre à la disposition du
public les objets éducatifs, i.e. les instruments, les machines, les
appareils utilisés pour l'éducation formelle. Une certaine partie
d'entre eux, conçue dans un but purement éducatif, serait
présentée dans des bibliothèques, des laboratoires, des
salles d'exposition (musées, salles de spectacle, par exemple) ;
d'autres, utilisés dans les activités journalières, par
exemple dans des usines, des aéroports, des fermes pourraient être
accessibles aux personnes désirant les connaître, soit pendant une
période d'apprentissage, soit en dehors des heures de fonctionnement
normal. En matière d'enseignement, les objets matériels
représentent une ressource fondamentale. Certes, selon le milieu
où un homme se trouve placé et les rapports qu'il entretient avec
son entourage, il est à même d'acquérir presque
fortuitement un certain nombre de connaissances. Mais l'apprentissage formel
passe d'abord par la possibilité de manipuler, d'utiliser les objets de
la vie quotidienne, de même que par l'examen, l'étude de ceux qui
sont conçus dans une perspective purement éducative.126(*)
Autrefois les rues étaient destinées avant tout
à ceux qui les peuplaient. Puis les rues sont pensées. Elles
reçoivent un tracé neuf et rectiligne et un aménagement
approprié à la circulation des véhicules. Les
écoles se multiplient dès lors pour accueillir les jeunes ainsi
chassés des rues.127(*) Aujourd'hui, Constate Illich, nous nous contentons
de voir les différences entre les enfants pauvres et les enfants riches.
Ces derniers sont avantagés dans la mesure même où ils
disposent plus, mais : « les êtres humains, qu'ils soient
par ailleurs riches ou pauvres, sont de plus en plus tenus à
l'écart de la nature réelle des objets conçus par notre
société »128(*).
Les écoles imposent aux élèves de vivre
dans un domaine artificiel, où les objets sont retirés du milieu
quotidien dans lequel ils ont leur sens véritable :
« L'homme vit dans un milieu qu'il a
lui-même conçu, et voilà que cet environnement artificiel
lui devient aussi impénétrable que la nature l'est pour le
primitif. En même temps, tout ce qui sert à l'éducation est
du ressort de l'école. L'industrie monopolistique du savoir conditionne
les objets éducatifs les plus simples, produit des outils
spécifiques dont seul l'enseignant qualifié est censé
savoir se servir »129(*).
Pour construire un monde où la vie quotidienne aurait
vertu éducative, il nous faudrait réorganiser les usines et les
bureaux de telle sorte qu'ils soient ouverts au public, que chacun puisse voir
ce qui s'y fait, un grand pas vers l'éducation serait
accompli.130(*)
Un service d'échange des connaissances tiendrait
à jour une liste des personnes désireuses de faire profiter
autrui de leurs compétences propres mentionnant les conditions dans
lesquelles elles souhaiteraient le faire :
« L'homme qui souhaite communiquer
à autrui un savoir particulier se distingueégalement des pairs.
Ces derniers se définissent en effet comme des personnes qui,
àpartir d'intérêts et d'aptitudes comparables,
décident de poursuivre ensemble leurrecherche ; ou encore qui se
réunissent pour s'exercer à la pratique d'un savoir
partagé,que ce soit une activité sportive, artistique, ou la
discussion des prochaines élections ».131(*)
L'enseignant qui détient le monopole de la transmission
du savoir a, pour sa part, tout à gagner lorsque l'artisan craint de
voir son apprenti devenir son concurrent. Les diplômes
représentent un obstacle à la liberté de
l'éducation, en faisant du droit de partager ses connaissances un
privilège réservé aux employés des écoles.
Le droit d'enseigner une compétence devrait être tout aussi
reconnu que celui de la parole. Une fois cette restriction levée,
l'étude en serait facilitée.132(*)
Au lieu de parquer la jeunesse dans un ghetto scolaire, il
faut la mettre au travail dès que possible, et organiser en revanche
pour tous les adultes des stages de perfectionnement et de recyclage. À
ce niveau, l'enseignement répondra à une demande réelle et
à une expérience vécue, la hiérarchie
enseignant-enseigné fera place à une communauté où
l'éducation sera échange et progrès.133(*) Comme le dit aussi Gaston
Bachelard, « l'école continue tout le long d'une vie, une
culture bloquée sur un temps scolaire est la négation même
de la culture scientifique. Il n'y a de science que par une école
permanente. C'est cette école que la science doit fonder, alors les
intérêts sociaux seront définitivement inversés, la
société sera faite pour l'école et non l'école
pour la société ».134(*)
Illich veut institutionnaliser l'échange des
compétences en créant des centres ouverts au public pour les
connaissances indispensables à l'exercice de certaines
professions : savoir lire, écrire à la machine, se servir de
la comptabilité, parler une langue étrangère. Ainsi ce
système aurait une solution plus révolutionnaire en
créant une sorte de banque. Chaque citoyen recevrait un premier
crédit lui permettant d'acquérir des connaissances de base.
Ensuite, pour bénéficier de nouveaux crédits, il devrait
lui-même enseigner, soit dans les centres organisés, soit chez
lui, voire sur les terrains de jeux : « Une élite
entièrement nouvelle apparaîtrait, constituée de ceux qui
auraient gagné leur éducation en la partageant avec
autrui ».135(*)
2.3.3. L'appariement des égaux et les
éducateurs professionnels
Un organisme faciliterait les rencontres entre pairs. Ce
serait un Véritable réseau de communication qui enregistrerait
la liste des désirs en matière d'éducation de ceux qui
s'adresseraient à lui pour trouver un compagnon de travail ou de
recherche. L'école se contente souvent de rassembler des
élèves dans une même salle et de les soumettre au
même programme de cours. Parfois, elle essaie d'améliorer ce
système en proposant des options. Mais toujours nous remarquons dans
chaque discipline se constituer des groupes d'élèves de force
à peu près égale. Un authentique système
éducatif permettrait à chacun de choisir l'activité pour
laquelle il rechercherait un partenaire de sa force :
« Organiser des rencontres entre enfants dès leur plus jeune
âge, pour qu'ils puissent se connaître mutuellement, se juger et
apprendre à rechercher la compagnie d'autrui, voilà qui les
préparerait à découvrir tout au long de leur existence des
partenaires nouveaux, avec lesquels se lancer dans de nouvelles
entreprises ».136(*)
Déscolariser, c'est donc aussi abolir l'obligation que
l'on vous fait de participer à une assemblée. C'est, en
même temps, reconnaître le droit de quiconque,
indépendamment de l'âge ou du sexe, de tenir une
réunion.137(*)
La possibilité libératrice de participer simultanément
à la vie de plusieurs groupes d'égaux. Dans cette perspective,
l'appariement des égaux pourrait conduire à l'apparition de
nombreuses communautés qui existent dans une ville à
l'état latent, mais sont, pour l'heure,
étouffées.138(*) L'éducation est centrée aujourd'hui
sur la marchandisation prônant le principe qu'il faut étudier pour
avoir une place dans le marché :
« Le danger de la pédagogie actuelle est de
se prendre pour une fin, alors que le pédagogue se ravale au rang d'un
annonceur publicitaire, soucieux uniquement de vendre sans s'intéresser
le moins du monde à la qualité de ce qu'il vend. Il est vrai que
trop de pédagogues s'évertuent à donner d'eux-mêmes
l'image des hommes compétents pour vendre de l'orthographe, de
l'arithmétique ou de la morale, mais se refusant farouchement à
réfléchir sur ce qu'ils enseignent. Il y a là un
mépris de la réflexion et de la culture qui est, finalement un
mépris des élèves ».139(*)
Déscolariser l'éducation devrait
développer, au lieude l'étouffer, l'effort pour rechercher des
êtres humains possédant une sagesse pratique,prêts à
aider le nouveau venu au seuil de son aventure éducative. Que celui qui
estparvenu à la maîtrise de son art renonce à se poser en
modèle unique, en détenteur dessources du savoir, et l'on croira
plus volontiers à sa sagesse.140(*) Les enseignants, qui représentent au sein de
la fonction publique la fraction la plus importante, forment eux-mêmes,
la plupart de temps : « un corps social statique, peu ouvert
à l'innovation, cherchant à professionnaliser au maximum l'acte
pédagogique afin de se le réserver et de devenir ainsi à
jamais dispensables, alors que c'est d'eux que la société attend
une impulsion et des initiatives capables de dépasser les impasses dans
lesquelles l'école se débat ».141(*)La disparition du
maître d'école fera éclore des vocations
d'éducateurs indépendants. La présence de ces
éducateurs indépendants serait même indispensable, car, ces
réseaux ne fonctionneront pas sans un personnel
compétent.142(*)
L'école actuelle est un échec, car elle distille
l'ennui et le dégoût pour l'étude, d'où la paresse.
L'éducation ne sera donc pas livresque, mais axée sur
l'observation et la pratique des arts, les méthodes seront
adaptées au caractère de chacun. Cet enseignement ne reposera pas
sur l'autorité et la contrainte, mais sur la confiance à
l'égard du maître et le désir de faire aussi bien que les
aînés. C'est le rôle éducatif des pairs143(*)
Dans un monde déscolarisé, « les
pédagogues pourraient tenter de faire ce qui est interdit aujourd'hui
aux professeurs frustrés de toute décision et il serait du
ressort de chaque étudiant de déterminer son propre
itinéraire éducatif ».144(*) Toutefois, le disciple ne
doit pas suivre le maître aveuglément et doit éviter de
faux maîtres.145(*) L'enseignement prétend avoir en effet le
monopole de l'éducation : « il veut être seul
compétent pour instruire non seulement ses propres élèves,
mais aussi ceux des autres professions. Déjà, cette
prétention abusive le rend vulnérable face à n'importe
quel corps de métier qui réclamerait le droit de former ses
propres apprentis. La disparition de l'école pourrait conduire au
triomphe du pédagogue, à qui l'on donnerait mandat d'agir en
dehors de l'école sur la société tout
entière ».146(*)
2.3.4. Conclusion
Comme dernier mot sur l'analyse critique illichienne de la
crise de l'éducation scolaire, nous disons simplement que les
éléments présentés en détail ci-haut,
constituent la vision fondamentale illichienne sur l'éduction. Du point
de vue politique, l'école étant dans une société
donnée ne peut que dépendre du gouvernement. Mais toutefois,
Illich pense que la séparation de l'école et l'État serait
d'un bénéfice considérable pour une éducation
conviviale. Traitant du rapport éducation-école, Illich nous met
en garde contre la confusion généralisée entre les deux
réalités suite au monopole de l'école sur les autres
formes d'éducation. Quant au rapport école-société,
Illich constate que l'école ne prépare pas à la vie, car
elle apprend des réalités qui n'ont rien à faire avec la
vie réelle de la société.
Par la suite nous avons présenté le monopole de
l'école sur l'humanité en montrant clairement que ce monopole se
situe à deux niveaux : le premier monopole scolaire qui stipule que
l'école s'est érigée en nouvelle religion du monde
prônant le salut à quiconque veut être sauvé i.e.
pour le bien-être humain chacun doit passer nécessairement
à l'école, le deuxième niveau a été
analysé en deux parties, école comme aliénation du monde
et école comme aliénation d'Afrique. L'enseignement fait de
l'aliénation la préparation à la vie, séparant
ainsi l'éducation de la réalité et le travail de la
créativité. Cette situation est pire en Afrique subsaharienne,
où l'école héritée généralement du
colonialisme a été imposée et implantée dans un
contexte dominant-dominé.
Et pour mettre fin à ce chapitre, nous nous sommes
décidé résolument de présenter en détail les
caractéristiques de la société déscolarisée
qui prône plus de liberté, c'est la convivialité
illichienne qui est souhaitée ici ; ensuite, la
société déscolarisée opte pour une éducation
favorisant les réseaux éducatifs, les objets éducatifs
doivent être mis à la disposition du public pour
l'éducation formelle, l'échange libre des connaissances pour
l'éducation mutuelle ; enfin le dernier point de ce chapitre a
traité de deux autres réseaux illichiens de l'éducation
conviviale, il s'agit de l'appariement des égaux qui est un organisme
facilitant les rencontres entre pairs, où chacun choisit
l'activité qui lui plaît pour l'intérêt de la
société ainsi que l'émergence des éducateurs
professionnels. Ceci marquant u point final de ce deuxième chapitre,
nous passons directement à l'appréciation critique de la
pensée de notre auteur qui constitue le dernier chapitre de ce
travail.
CHAPITRE TROISIÈME : APPRÉCIATION
CRITIQUE
1.0. Introduction
Le dernier chapitre de notre travail se lance dans
l'appréciation critique de la pensée de l'auteur. Celle-ci se
fera en double face : d'un côté, elle donnera les
mérites et de l'autre, les limites que regorge la pensée de
l'auteur. Nous référant aux commentateurs d'Ivan Illich, qui ont
émis des opinions critiques qui nous semble crédibles, nous
retenons trois mérites importants, d'abord l'éveil de conscience,
ensuite la valorisation du tiers milieu éducatif, et enfin le
questionnement sur le rôle de l'école et de l'éducation
dans notre société. Quant aux limites, nous en avons retenus les
plus importantes en une analyse ternaire, il s'agit de l'illichisme comme
théorie utopique, des limites de la pédagogie illichienne et pour
finir du caractère obligatoire de l'école.
1.1. Les mérites de l'auteur
Illich comme penseur humaniste prophétique, retient
toute notre attention quand il nous parle d'une société sans
école, il se lance dans une analyse critique sans pareille ;en cela
nous trouvons des mérites que nous devons lui attribuer à juste
titre.
3.1.1. L'éveil de conscience pour une
éducation juste
À première vue comme pensent certains
scientifiques, la pensée éducative illichienne est traitée
d'utopique superficiellement sans jamais vouloir en pénétrer
l'essence même, or le propre d'un penseur, surtout d'éducation,
c'est justement d'aller au-delà des choses pour les ramener dans la
réalité, comme le confirme le philosophe de l'éducation
Olivier Reboul :
« Le titre de gloire des philosophes de
l'éducation est qu'ils sont novateurs parfois des
révolutionnaires, ils nous rappellent que le possible, dans le domaine
de l'éducation, dépasse singulièrement les limites des
résultats atteints et à ceux qui les traitent d'utopistes, nous
pouvons répondre que l'utopie est peut-être en ce domaine la
critique la plus efficace ».147(*) Et l'utopie, comme construction imaginaire, est
parfois valorisée car, elle est censée ouvrir l'imagination
à des solutions politiques et sociales.148(*)
Ainsi, lorsque nous replaçons l'affaire de
l'école et des inégalités scolaires à
l'échelle du monde, nous ressentons un éblouissement à
glacer le sang. Illich nous force à prendre conscience que
l'école est un lieu où certains hommes n'ont jamais
pénétré. Il y a donc une disproportion à la fois
dramatique et dérisoire entre les faits et la promesse d'assurer des
chances égales d'enseignement à tous, à toutes les
catégories de la population. Et lorsqu'une fraction tellement infime de
la population est scolarisée, l'effort et l'argent
dépensés ne profitent en fait qu'à une poignée de
ceux qui sont déjà privilégiés :
« Ceux qui se maintiennent dans le système scolaire vont en
tirer bénéfice, mais pour s'y maintenir il fallait
déjà être au nombre des bénéficiaires. Ceux
qui ne s'y maintiennent pas vont avoir du mal à trouver du travail, si
ce n'est qu'en constituant l'armée de réserve de la main-d'oeuvre
occasionnelle et précaire. Les écoles justifient cruellement sur
le plan rationnel la hiérarchie sociale ».149(*)
Le rapport publié par Human Rights Watch, le
14 janvier 2020, donne totalement raison à Illich, jusqu'à nos
jours trop d'enfants à travers le monde sont encore privés
d'éducation scolaire, montrant l'échec visible et cruel de
l'école qui n'arrive pas à assurer l'éducation pour tous.
Selon l'Institut de statistique de l'Unesco, près de 260 millions
d'enfants scolarisables ne sont pas allés à l'école en
2019 et 617 millions de jeunes à travers le monde ne possèdent
pas les compétences de base en calcul, lecture et écriture, pire
encore, l'augmentation du nombre de jeunes qui finissent l'école sans
les compétences dont ils ont besoin.150(*)
Paradoxalement, seule l'école semble conserver tels
quels son rituel et ses habitudes, dénoncés par le philosophe
itinérant et d'autres éducateurs de sa génération.
Il faudrait, pour la transformer, une véritable révolution :
« Cette révolution peut surgir à la
suite des changements qui interviennent dans l'ensemble de la
société dans tous les domaines, de l'économie en passant
par l'agriculture et l'énergie, de l'informatique, de la santé ou
des conditions de vie et de travail et singulièrement, nous pouvons
penser aux dangers qui guettent l'humanité comme la surpopulation, le
chômage et la pauvreté qui montrent combien nous aurions
intérêt à nous orienter vers un développement
harmonieux où la survie de l'humanité dépendrait de la
capacité de création, de la liberté et de la passion que
chacun de ses membres consacrerait à cet objectif ».151(*)
3.1.2. Le questionnement sur le rôle de
l'école
La critique radicale illichienne a le mérite qui nous
contraint de repenser le rôle de l'école, de déterminer sa
finalité propre et sa mission pour l'émergence de notre maison
commune.152(*) Il n'en
reste pas moins qu'Illich a été l'un des penseurs de
l'éducation qui a contribué à dynamiser le débat
éducatif qui a jeté les bases nécessaires à une
conception de l'école plus attentive aux besoins de son environnement,
à la réalité des élèves et à la
transmission de contenus éducatifs adaptés à la vie
sociale. Si le caractère radical de sa critique a empêché
que nous en tirons profit de certaines de ses idées universellement
valables tant en ce qui concerne le système scolaire que pour d'autres
institutions du service public, force est de reconnaître que celles-ci
ont exercé une influence sur un nombre considérable d'enseignants
et qu'elles ont contribué au développement d'un courant en faveur
de la déscolarisation de l'éducation, qui, au-delà du
contexte historique où est née la pensée d'Illich, a
favorisé la mise en oeuvre de politiques et de programmes visant
à surmonter la crise endémique des systèmes scolaires et
extrascolaires en général.153(*)
Loin d'être utopique la théorie illichienne
rattrape ses rêves, il n'y a qu'à voir le partage libre et gratuit
des connaissances sur de nombreux sites internet, l'accès à une
plus grande ouverture et de plus en plus l'école est
désertée aujourd'hui dans plusieurs régions. Nous pensons
à toutes les formes alternatives de l'école mises en valeur
aujourd'hui dans de nombreux pays, de nombreuses personnes refusent le monopole
de l'école pour adopter l'instruction en famille ou à domicile,
nous assistons à la croissance exponentielle des pratiques de non
scolarisation. Ainsi en France les parents non scolarisants ou
déscolarisateurs sont de plus en plus nombreux, le pays enregistre
25 000 enfants non-sco i.e. pratiquant l'instruction en famille ; le
canada compte plus de 60 000 enfants dé-sco ; le Royaume-Uni
compte environ 100 000 enfants homeschooled ; les
États-Unis comptent un nombre considérable des parents
homeschooling avec plus ou moins 2, 5 millions d'enfants
homeschoolers pratiquant soit le homeschooling ou
l'unschooling ; l'Afrique du Sud en compte environ100 000,
pour ne citer que ceux-là.154(*)
L'intérêt de cette analyse critique et cette
évocation est évident, Illich montre d'abord le niveau d'analyse
où le problème doit être posé pour éviter
l'illusion des réformes ou réformettes. Partisan d'une
révolution institutionnelle, il nous met en garde contre ceux qui
attendent la révolution pédagogique du seul changement d'un
système social au lieu de s'attaquer aux tares fondamentales du
système scolaire lui-même, dès aujourd'hui. Il montre les
limites d'une éducation permanente qui se réduirait à une
éducation des adultes complémentaire ou compensatrice de
l'école actuelle. Il est le premier à imaginer
concrètement ce que pourrait être une société
post-industrielle qui serait une société éducative et non
une société de consommation.155(*)
3.1.3. La valorisation du tiers milieu éducatif
Olivier Reboul pense qu'Illich a tout à fait raison de
s'attaquer au monopole de l'école, qui dans la société
moderne, se serait attribuée le monopole de l'éducation et aurait
transformé la vieille maxime de l'Église à son profit,
`'Hors de l'école, pas de salut''. Ce monopole est entièrement
abusif. L'école ne doit plus monopoliser l'enseignement que la famille
l'éducation. Il est certain que nous apprenons beaucoup hors de la
classe, et que nous apprenons autant mieux que nous n'y sommes pas contraints.
C'est pourquoi notre philosophie de l'école n'a de valeur que si nous la
complétons par une philosophie du tiers milieu éducatif ;
nous n'insisterons jamais assez sur le tiers milieu éducatif : les
mouvements de jeunesse, les maisons de culture ; les associations plus ou
moins spontanées d'amateurs, certaines formations continues à but
culturel, les média éducatifs, et la jeunesse populaire a sans
doute bien plus besoin de ce tiers milieu que la jeunesse bourgeoise. C'est
ainsi que Reboul affirme que :
« Il est inique et scandaleux que le peuple n'ait
que l'école pour s'instruire. Le monopole de l'école, là
où il existe, prouve effectivement que la société est
devenue inhumaine. Une civilisation qui relègue l'éducation dans
la famille et l'enseignement dans l'école prouve qu'elle est
elle-même, dans son essence anti-éducative ».156(*)
La citation de Georges Santayana, à ce propos est
vraiment expressive : « Un enfant qui ne s'est instruit
qu'à l'école n'est pas un enfant instruit »157(*). Luc Ferry de même,
nous rappelle que nous devons envisager la formation des jeunes de façon
plus globale, rechercher une meilleure complémentarité entre
l'éducation scolaire-académique et les activités sociales
menées hors de ce contexte. Il constate qu'un vaste champ reste en
friche entre la sphère privée, celle de l'intimité d'un
côté, qui ne regarde que les jeunes et leur famille, et de l'autre
côté celle, publique, de la vie scolaire et universitaire. Or ce
vaste champ pourrait être le lieu d'engagementsenrichissants pour les
jeunes désireux de s'investir dans des projets correspondant à
leurs aspirations personnelles, mais aussi d'être mieux reconnus pour
leurs apports à la vie de la cité. Cet espace
intermédiaire demeure malheureusement pour beaucoup de jeunes un espace
de non-sens. Il serait pourtant possible de répondre à la
demande de sens latente des jeunes. Aujourd'hui comme hier, en effet,
l'engagement reste un vecteur majeur de l'estime de soi et de la reconnaissance
des autres pour découvrir comment des goûts personnels peuvent
être employés au service de la collectivité.
Mais les informations dont ils auraient besoin sont
éparpillées et manquent de clarté. Les soutiens, les
conseils d'experts qui leur permettraient de tirer parti de leur
expérience, d'en faire un instrument de progrès et
d'accomplissement personnels, font le plus souvent défaut. Plus encore
peut-être, leurs efforts en ce domaine ne sont pas suffisamment reconnus,
tant au sein des établissements scolaires que dans la vie sociale en
général. Si nous voulons que les jeunes s'engagent, il nous faut
nous-mêmes nous engager à leurs côtés. Nous devons
d'abord leur offrirune information plus claireet plus aisément
accessible sur les actions auxquelles ils peuvent participer et les
associations ou les partenaires qui sont en mesure de les accueillir.158(*)
3.2. Les limites de l'auteur
L'analyse critique de la crise de l'éducation scolaire
faite par Illich est si radicale qu'elle est trop controversée et offre
autant des contradictions. Ainsi nous développons trois aspects
importants montrant les limites de l'auteur de la société sans
école, il s'agit de l'illichisme comme théorie utopique, les
limites de la pédagogie illichienne et le caractère obligatoire
de l'école.
3.2.1. L'illichisme comme théorie utopique
L'interprétation du phénomène Illich
n'est pas facile, son esquive non plus. Ce phénomène est de
taille et s'impose de lui-même. Illich est devenu le symbole d'une
pensée et presque d'une école : l'illichisme. Il est peu de
débats en éducation où ses thèses ne soient pas
présentes.159(*)
Yao Assogba se lance à une critique sévère contre
l'illichisme en montrant que le discours d'Illich sur l'école est non
seulement une utopie, mais c'est précisément une utopie
monastique. Pour lui, le parallèle qu'Illich fait entre les rituels de
l'Église et la scolarisation justifie de plus l'hypothèse
utopiste, car sur le plan politique, c'est l'école seule qui peut
garantir la qualification des individus à des postes de travail ;
Ce qui, selon Illich, fausse la réalité, en considérant
l'école comme une piètre instructrice en matière de
qualifications parce qu'elle enseigne selon un programme encyclopédique,
liant entre eux des enseignements qui sont sans rapport aucun. L'utopie
illichienne remet radicalement en question la relation individu-institution. Il
faut désinstitutionnaliser l'école i.e. lui enlever son aspect
administratif, social, supra-individuel. Illich refuse donc le maintien de
l'école institutionnalisée.160(*)
En plus, Yao Assogba affirme que dans la deschooling
society les individus auront accès aux choses éducatives ;
ils produiront seulement ce qui répond à leurs besoins et par
conséquent ils consommeront les choses dont ils décideront
eux-mêmes. Ici le rapport de production s'établit entre «
l'homme-individu et l'homme-individu » sans l'intermédiaire d'une
institution. Mais cette relation inter-individuelle ne constitue-t-elle pas
déjà une autre institution ? N'est-ce pas utopique de penser que
« les individus » se mettront d'accord facilement sur leurs besoins
sans heurts ni compétition ? Dans la deschooling society les
individus mèneront une vie semblable, auront accès aux
mêmes choses manuelles ou intellectuelles, tout comme dans la
société monastique ou cénobitique. Cette
société-autre d'Illich possède une conception
particulière du temps et surtout du temps de scolarisation, Yao
Assogba pense que: « La signification utopique de ce
réseau de possibilités d'accès aux choses
éducatives réside dans le fait qu'Illich oublie les enseignements
ou les théories de la philosophie, la psychologie et la sociologie sur
le désir de dominer, la volonté de puissance,
l'agressivité, les antagonismes entre les intérêts
sociaux »161(*) .
Comparant l'illichisme au monachisme, il atteste que dans le
monachisme ou le cénobitisme, les moines se donnent un abbé
élu et révocable ou un prieur temporaire, pour signifier que
dans l'illichisme, au professeur statué par l'institution politique des
sociétés actuelles, Illich oppose un guide de son choix, mais
selon les expériences déjà acquises et accumulées
par l'individu dans la communauté. Illich veut libérer l'individu
de l'obligation de modeler ses attentes d'après les services que lui
offrent les professions établies en lui fournissant la chance de
profiter de l'expérience de ses jours et de se confier au professeur ou
au guide de son choix. La question de diplôme ne se pose plus dans la
deschooling society et pour ainsi dire toute relation
hiérarchique est absente. Jusqu'ici, constate Yao Assogba,
l'individu-étudiant obéit au Professeur reconnu par
l'État et non à un guide reconnu pour son expérience de
vie. De toute façon, Illich est contraint de reconnaître la
nécessité d'un professeur i.e. d'une personne ressource qui
possède de la compétence, qui connaît la
spécialité, car la première transmission d'une
compétence implique de rassembler une personne qui connaît la
spécialité et une personne qui ne la possède pas et
désire l'acquérir.
C'est dans les pays sous-développés qu'Illich
retrouve l'existence de la convivialité. Tout comme le monachisme fuit
la ville vers la campagne, la théorie illichienne fuit les
sociétés développées vers les
sociétés sous - développées.162(*) Illich pense résoudre
les contradictions des sociétés contemporaines en inversant les
institutions, en particulier l'institution scolaire. Mais Illich ne nous dit
pas comment inverser les institutions. La solution illichienne paraît
ainsi difficile à se traduirepolitiquement dans la
réalité. Les sociétés humaines ne peuvent pas
échapper à l'institution. L'affirmer est une vérité
historique, le poser sous forme de question est un pseudo problème. Nous
touchons dès lors à l'utopie.163(*)
Yao pense que l'illichisme n'est porteur de la solution aux
problèmes de l'école, « ni dans le Tiers-Monde
où Illich croit retrouver des relations sociales conviviales, ni dans
les pays hautement industrialisés où Illich ne voit que
hyperproductivité et hyperconsommation. L'attitude illichienne est une
réaction d'un intellectuel utopiste qui rêve d'une
société-autre qu'il appelle lui-même la
société conviviale. À bien y voir, l'illichisme
répond plus à un besoin intellectuel utopique des pays
développés qu'à un besoin intellectuel utopique des pays
sous-développés ».164(*)
Gajardo estime que l'erreur d'Illich est celle de condamner
l'école sans appel. Le caractère radical de sa
dénonciation l'a empêché de construire une stratégie
réaliste qui aurait permis aux éducateurs et aux chercheurs de se
joindre à sa protestation. Par ailleurs, dans ses écrits, Illich
a travaillé essentiellement de manière intuitive, sans
références majeures à l'expérience accumulée
dans le domaine des théories socio-éducatives ou de
l'apprentissage. Sa critique surgit et se développe dans un vide
théorique, ce qui explique le peu de crédit accordé
aujourd'hui à ses théories éducatives. Nombreux sont ceux
qui accusent Illich d'être un penseur utopique et qui lui reprochent en
outre son retrait prématuré du débat général
sur l'éducation. Une insertion plus réelle dans le monde,
l'élaboration de stratégies viables pour mettre ses idées
en pratique et des références théoriques solides auraient
pu modifier l'itinéraire de notre auteur.165(*)
Un professeur de sociologie écrit à ce propos en
disant : «Ivan Illich se défend d'être un néo-luddiste
qui inviterait à briser les machines comme les ouvriers
révoltés du début de la révolution industrielle.
Néanmoins, quelque chose dans sa manière de penser rappelle les
rêveries fumeuses de mutuellisme proudhonien et les mythes de
l'anarcho-syndicalisme, qui était au moins, lui, un mouvement social
réel et actif ».166(*)
3.2.2. Les limites de la pédagogie illichienne
Les réseaux illichiens sont condamnés à
limiter leurs ambitions éducatives à ce qui peut servir
d'emblée et de façon absolument évidente : ils ne
dépassent pas les frontières d'un practicisme étroit. Il
s'agit beaucoup moins de comprendre que de tirer parti de. Les réseaux
correspondent à un savoir à courte vue, envisagé
univoquement dans ses applications pragmatiques et immédiates. Nous ne
voyons pas bien comment de telles conceptions très
étriquées de l'activité scientifique vont pouvoir aider
les classes sociales les plus défavorisées à surmonter
leurs handicaps culturels et devenir capables de participer
ultérieurement à la direction de la vie sociale. À moins
qu'Illich foncièrement conservateur ne préfère,
malgré les maux qu'il dénonce, laisser aux quelques
privilégiés de la fortune le soin de se charger des affaires de
l'État.
Il y a un fossé, rapidement franchi par Illich, entre
l'école telle qu'elle est et l'école telle qu'elle devrait
être et ici le philosophe de Cuernavaca, pour s'assurer un succès
facile pétrifie l'école dans sa forme la plus conservatrice et
c'est d'ailleurs une forme caricaturale. Lorsqu'il constate, ce qui est vrai,
qu'aujourd'hui une telle école ne peut plus fonctionner valablement,
i.e. favoriser le développement personnel et collectif des
élèves, il veut conclure à la fin de l'école, d'une
école éternelle, immuable, alors que c'est lui qui l'a
posée en tant que telle. Que l'école ne réponde pas aux
exigences sociales, philosophiques et pédagogiques actuelles c'est une
évidence ; en déduire l'inutilité et la fin de
l'école c'est une erreur de raisonnement. C'est vouloir ne penser que
d'une façon dichotomique : c'est bien ou c'est mal, c'est blanc ou
c'est noir, c'est à conserver ou c'est à éliminer.
G. Snyders porte un jugement à la fois dur et
pertinent : la pensée d'Illich est une pensée qui fige tout
ce qu'elle touche et il montre qu'elle ne prend absolument pas compte de
l'histoire se situant constamment sur le plan métaphysique, mais il y a
plus grave, Illich s'est lancé dans une critique de la culture, de la
spécialisation et ce qui peut paraître, à certains,
l'aspect le plus brillant de son oeuvre nous semble, au contraire, le plus
naïf et le plus décevant sinon le plus dangereux. Il y a tout
d'abord, chez lui une sorte d'incompatibilité entre la culture
spécialisée de l'expert et le bon sens le plus courant
résultant d'une expérience de la vie comme si la formation
scientifique des uns éliminait automatiquement les connaissances
pratiques et utilisables des autres. Et Illich n'a pas vu les deux
problèmes qui se posent à ce sujet : qu'un niveau de culture
scientifique n'élimine pas les précédents d'une part et
que, d'autre part, le passage d'un niveau à l'autre suppose une
médiation ; et c'est l'école seulement qui peut jouer ce
rôle. Sans l'école nous restons sur le plan du savoir-faire, de la
solution pratique des problèmes, du bricolage.167(*)
Chercher à remplacer l'éducation scolaire par
une éducation conviviale qui prône les réseaux illichiens
paraît une conception politique peu réaliste, affirme Olivier
Reboul, car Illich compte d'une part sur les enseignants pour qu'ils renoncent
à leur autorité, d'autre part sur les industriels pour qu'ils
mettent au service de l'éducation spontanée les objets
éducatifs qui lui sont nécessaires : qu'ils construisent des
moteurs ou des télévisions sur lesquels on puisse bricoler,
qu'ils laissent tout un chacun accéder aux secrets de la production.
C'est vraiment beaucoup demander. Pour que la révolution d'Illich se
réalise, il faudrait des milliardaires révolutionnaires ou des
révolutionnaires milliardaires.168(*)
Illich critique le diplôme à juste titre mais il
ne pose pas le problème des disciplines d'acquisition d'une
compétence d'un haut niveau. Il a raison de s'élever contre la
formation stérile de l'obligation scolaire, mais il n'a pas posé
la question du meilleur équilibre souhaitable et possible entre les
activités obligatoires, optionnelles et libres aux différents
niveaux de la formation. Quant aux quatre réseaux d'éducation
permanente ils sont séduisants, mais quelles sont les
probabilités de réaliser les conditions de leur fonctionnement
indépendant dans une société marchande ou politicienne qui
tend à faire du développement culturel un enjeu mercantile ou
électoral, ces systèmes risquent de renforcer par
l'éducation l'emprise directe ou indirecte des valeurs de la classe
dominante orientés vers le profit, la production, la consommation, que
dénonce précisément Illich. Nous pouvons craindre que
l'auteur ait imaginé un système qui parfois a les plus grandes
chances de se retourner contre ses propres idées.169(*)
En prétendant supprimer examens et sanctions, Reboul
s'interroge si cela n'est pas une façon de laisser l'enfant
désarmé devant les sanctions de la vie qui l'attendent, aveugles
et impitoyables. Il pense qu'insérer les enfants dans la structure
rigide des programmes et des examens est un puissant stimulant au travail et
à la culture.170(*)
3.2.3. Le caractère obligatoire de
l'école
L'école exerce des fonctions spécifiques qui
peuvent fonder son caractère obligatoire: d'abord la protection des
enfants. Illich peut bien ironiser là-dessus ; rien ne prouve que
livrer les jeunes au monde du travail les délivrerait de la manipulation
et de l'endoctrinement, tout suggère le contraire. Dans le travail
productif, l'individu est avant un moyen, alors que ce que
l'élève fait à l'école, c'est pour lui qu'il le
fait. L'école n'est pas une simple garderie, destinée à
relayer la famille dans sa fonction protectrice. Si elle protège, c'est
pour enseigner, elle exerce une fonction positive ; et elle est seule
à pouvoir l'exercer. Nous n'éprouvons aucun réalisme
qu'une autre institution ou encore une absence d'institution puisse l'exercer.
Ensuite, Illich affirme que l'école apprend une
syntaxe i.e. un système de règles contraignantes et vides alors
que, dans la vie, nous acquerrons une sémantique, i.e. une masse
d'expériences riches de sens et de connotations, nous pouvons dire
qu'une langue sans syntaxe n'est qu'un sabir, et de même qu'un savoir
sans règles n'est qu'une masse incohérente d'informations
bigarrées et de savoir-faire aveugles. Cela dit, nous pouvons retenir la
métaphore d'Illich tout en la retournant contre lui, le savoir scolaire
est à l'expérience de la vie ce que la syntaxe est à la
langue, son principe organisateur. Le savoir scolaire est premièrement
un savoir à long terme pour s'orienter dans la vie. En fait nous avons
oublié la plupart des faits historiques appris à l'école,
mais ils nous permettent à l'âge adulte de lire un livre
d'histoire, de comprendre un monument. Nous avons oublié les
éléments d'anglais ou de mathématiques, mais nous sommes
capables de les réapprendre très vite en cas de besoin.171(*)
Deuxièmement, il s'agit de savoirs organisés qui
s'enchaînent de façon logique. Il n'y a pas de chimie sans une
base mathématique, pas de littérature sans compétence
linguistique et rhétorique, en un mot pas d'enseignement sans un
programme qui en précise les prérequis, autrement dit ce qu'il
faut savoir déjà pour le suivre. Troisièmement, il s'agit
de savoirs adaptés, mis, par la didactique, à la portée
des enfants. Le savoir qu'enseigne l'école est épuré,
simplifié. Quatrièmement, il s'agit de savoirs argumentés.
De savoirs qui se présentent avec leur justification et sont toujours
susceptibles d'être critiqués ; cinquièmement, il
s'agit de savoirs désintéressés i.e. sans finalité
professionnelle ou autre, du moins dans l'immédiat.
Que le travail scolaire soit intellectuel ou manuel, il est
différent par essence du travail, où le travailleur est toujours
le moyen d'une fin qui lui est extérieure. À l'école,
l'élève est traité comme une fin en soi, et non comme un
simple moyen visant à atteindre un but, c'est pour lui-même qu'il
travaille, c'est sa propre autonomie qu'il apprend. La formation
professionnelle ne peut se faire que hors de l'école, ou qu'après
l'école ; et elle sera d'autant plus efficace qu'elle aura
été précédée d'un enseignement personnel,
capable de structurer la mémoire et de former le jugement.
Sans l'école, sans ses programmes, sa progression, ses
méthodes, notre culture ne serait, dans tous les domaines, qu'une masse
incohérente de savoir-faire sans règle et de savoirs sans
principes, acquis par chacun selon l'arbitraire de ses rencontres et de ses
goûts. La nécessité de transmettre des savoirs ne justifie
certes pas l'existence de l'école, car le savoir est
précisément ce qui ne se transmet pas, il est l'expérience
que chacun doit faire pour lui-même, le concept que chacun doit
réinventer. L'enseignement véritable ne peut être qu'un
auto-enseignement. Or l'école, par la protection qu'elle assure, par ses
programmes à long terme, ses méthodes, sa progression, sa
contrainte même, est l'institution qui peut seule mettre chacun, du moins
de façon durable, en état de s'instruire. Le fait que nous ne
nous instruisons que nous-mêmes ne supprime pas la
nécessité de l'école ; il la fonda.172(*)
Enfin, l'école assure une formation morale
spécifique, elle enseigne des valeurs que nous ne trouvons pas dans la
famille, ni sans doute dans le monde du travail : l'égalité,
la justice, l'effort ; l'esprit critique ; si l'école enseigne
ces valeurs, ce n'est pas en donnant des cours de morale, c'est en étant
elle-même. Si l'école est ce qu'elle doit être, le fait
même de la fréquenter constitue une éducation morale aussi
bien qu'intellectuelle, certes il ne s'agit pas d'idéaliser
l'école, et nous savons qu'elle trahit souvent ses fonctions. Mais le
fait même que nous le lui reprochons atteste la permanence de ces
fonctions.
Pour Gaston Mialaret, l'oeuvre d'Illich n'a pas tenu ses
promesses ; elle s'est arrêtée en chemin ; après
avoir dénoncé les insuffisances de l'école et de
l'éducation, Illich ne voit pas que c'est la société qui
est responsable de tous ces maux et ; au lieu d'aboutir à une
critique sociale, à une remise en cause de la société
capitaliste, il prend l'école pour bouc émissaire. Il rejoint
ainsi les positions les plus idéalistes et les plus naïves des
conservateurs et des réactionnaires.173(*)
Offre Dumazedier pense quant à lui que la
société sans école d'illich n'est qu'un
commencement ; car Illich laisse entière des questions, d'autant
plus importantes à nos yeux, que nous adhérons fondamentalement
au projet de transformer la société pour édifier un
système juste et efficace d'éducation permanente : comment
satisfaire les besoins de formation nécessaire au développement
d'une économie complexe et à la transformation d'une
société de plus en plus complexe, sans un programme
élaboré et imposé à tout citoyen au moins à
certaines périodes de sa vie et d'abord pendant l'enfance. Il
s'élève contre l'impuissance sociale de l'obligation scolaire,
mais l'obligation scolaire a été créée pour
compenser la toute-puissance des inégalités culturelles
fondées sur les inégalités sociales :
« l'école obligatoire n'a pas réussi à les
supprimer certes mais elle les a atténuées si nous songeons
à la situation culturelle des classes sociales du XIXe
siècle.174(*)L'évocation d'une société sans
école se réduit à un pur et simple bruit de bouche,
agréable aux oreilles de celui qui le prononce ».175(*)
« Ouvrez une école et vous fermerez une
prison »176(*)
disait Victor Hugo, n'est-ce pas l'aveu d'une faillite de toute la
civilisation, le fait d'affirmer de nos jours que l'école
elle-même est une prison, que l'enseignement tout entier apparaît
à beaucoup comme un immense gâchis où tant d'enfants sont
mutilés dans leur enthousiasme, leur élan, leur fierté
d'apprendre ?177(*)
3.4. Conclusion
En concluant ce troisième chapitre qui a porté
essentiellement sur l'appréciation critique de la théorie
éducative illichienne, nous pouvons dire, comme pour toute oeuvre
humaine, que la pensée éducative développée a ses
limites et bien sûr que oui ses mérites. C'est ainsi que le
premier point de ce chapitre a relevé trois grands mérites :
le premier mérite illichien est celui de l'éveil de conscience
pour une éducation juste, son oeuvre nous interpelle, remet en question
l'organisation de l'éducation afin que l'État et les
gestionnaires scolaires prennent conscience d'assurer les chances égales
d'enseignement à tous. Le deuxième est celui du questionnement
sur le rôle de l'école, tout en distinguant l'école de
l'éducation, le rôle de l'école pour la
société doit être clairement défini, une occasion de
fixer des finalités scolaires dignes en élaborant des programmes
suivant une politique scolaire s'inspirant d'une philosophie de
l'éducation visant à surmonter la crise des systèmes
scolaires tout en prônant une éducation libératrice et
conviviale. Le troisième mérite illichien est la valorisation du
tiers milieu éducatif. Illich, en bon philosophe de l'éducation,
nous force de reconnaître que l'éducation ne doit pas être
monopolisée par l'école et la famille, il nous faut un
troisième milieu beaucoup plus important, question d'une
éducation diversifiée et de la promotion des capacités
individuelles des jeunes pour le bien de la société.
Le deuxième point de ce troisième chapitre s'est
attelé à démontrer les limites de la pensée
éducative illichienne. Ainsi, trois grandes limites ont
été également maintenues. La première limite est
l'illichisme comme théorie utopique, Yao Assogba montre que cette
théorie n'est d'une utopie monastique, car seule l'école peut
garantir la qualification des individus à des postes de travail ;
la deuxième limite relevée est la conception de sa
pédagogie où il prône les réseaux éducatifs
comme moyen alternatif de l'école, ces réseaux semblent
illimités car ils sont envisagés univoquement dans des
applications pragmatiques et immédiates. La troisième limite est
celle du caractère obligatoire de l'école, si nous rejetons
l'école, nous subirons la perte de protection des enfants que
l'école assure, non seulement comme une simple garderie, mais surtout
pour transmettre l'apprentissage et notre savoir ne sera qu'une masse
incohérente de savoir-faire sans règles et sans principes, et
nous perdrons du coup la formation morale spécifique que l'école
assure à tous les siens.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Au terme de cette belle randonnée philosophique portant
sur l'analyse critique de la crise de l'éducation scolaire selon Ivan
Illich, nous pouvons affirmer, non sans raison, que la philosophie de
l'éducation demeure l'une des disciplines indispensables pour le bien de
l'humanité, car elle réfléchit sur l'éducation qui
est la base fondamentale de tout homme. En parcourant ce travail,
subdivisé en trois chapitres, nous avons démontré sur les
traces du philosophe autrichien la teneur de la crise que subit
l'éducation scolaire moderne.
Dans le premier chapitre, intitulé Lectures de la
crise de l'éducation, il s'est agi d'analyser quelques facteurs
importants de l'éducation. Nous avons d'abord abordé l'aspect
historique en cherchant à déterminer la philosophie de
l'école conçue par les différentes époques. Ainsi,
dans l'antiquité grecque les sophistes avaient pour finalités de
savoir comment penser, comment vivre, comment parler, aux côtés
des sophistes, Socrate visait, à travers ses nombreuses discussions
à apprendre qu'à enseigner. L'époque
médiévale quant à elle a établi l'école
comme un milieu moral organisé. Sa philosophie était la
conversion religieuse. L'éducation de la Renaissance vise la
libération de l'homme, la réalisation d'un idéal d'action
combiné à un idéal de connaissance, l'instruction des
élèves dans les vérités de la religion.
Inspirée de nouvelles pédagogies, l'éducation
contemporaine vise la formation de personnes rationnelles, capables de penser
par elles-mêmes et dont les idées et actions s'appuient sur des
raisonnements et connaissances valides.
L'école africaine traditionnelle formait l'enfant pour
son intégration harmonieuse à son groupe, ce but sera
détrôné par l'arrivée de colonisateurs qui ont
apporté l'école occidentale en Afrique avec comme but de
civilisation qui amènerait les indigènes à mieux servir
les intérêts de la métropole. Après
l'indépendance l'école occidentale était maintenue dans le
but de former les ressources humaines de qualité qui auront pour
tâche de diriger et promouvoir le développement.
Le deuxième aspect abordé dans ce chapitre est
l'inventaire des manifestations de la crise scolaire, cette crise se manifeste
par la problématique de la mission et des finalités de
l'école qui nous amène à constater que l'école en
Afrique n'a pas encore atteint son but de clé du progrès
communautaire, ensuite le dysfonctionnement du système éducatif
qui garde un décalage entre lui et les exigences réelles de la
vie de la société africaine et enfin la baisse du niveau de
l'enseignement moderne ayant comme base la pauvreté, la corruption et le
mauvais fonctionnement des institutions scolaires africaines. Le
troisième point qui a étalé les différents constats
illichiens de la crise scolaire s'est d'abord penché sur la crise de
l'ère scolaire prônée par Illich, ensuite sur
l'anti-enseignement obligatoire qui n'est qu'une imposition qui divise
l'existence humaine en deux périodes distinctes et enfin les
méfaits que relève Illich engendrés par l'école qui
au lieu d'être un lieu de formation est devenue le lieu de
déformation en apprenant aux élèves à confondre les
méthodes d'acquisition du savoir et la matière de
l'enseignement.
Le deuxième chapitre quant à lui s'est
lancé à l'analyse critique illichienne de la crise de
l'éducation scolaire, en effet, l'école subit une crise interne
qu'externe, ainsi Ivan Illich passe en revue les différents aspects qui
démontrent la crise scolaire et du coup son inutilité pour la
société. Traitant de la politique, la société et le
rapport éducation-école, le premier point de ce chapitre, a
détaillé des éléments importants qui ternissent
l'image de l'école. Du point de vue politique, Illich pense que la
séparation de l'école et l'État serait d'un
bénéfice considérable pour une éducation
conviviale, l'État a échoué d'assumer
l'égalité des chances en éducation, créant une
absurdité économique, l'État devrait lutter à tout
prix la discrimination en protégeant les citoyens contre l'exigence des
diplômes pour trouver un emploi.
Traitant du rapport éducation-école, Illich nous
met en garde contre la confusion généralisée entre les
deux réalités suite au monopole de l'école sur les autres
formes d'éducation, or il existe une distinction formelle entre les
deux, l'école n'est qu'une composante de l'éducation, elle peut
même disparaître, mais l'éducation elle non, c'est le souci
même illichien de voir de nouvelles formes éducatives car
l'école n'est que manipulation oubliant que l'apprendre requiert le
moins l'intervention d'autrui. Quant au rapport
école-société, Illich constate que l'école ne
prépare pas à la vie, car elle apprend des réalités
qui n'ont rien à faire avec la vie réelle de la
société, il y a confusion entre l'instruction et le rôle
joué dans la société.
Entamant le deuxième point de ce chapitre sur le
monopole de l'école sur l'humanité, nous avons montré que
ce monopole se situe à deux niveaux, le premier monopole scolaire est
que l'école s'est érigée en une nouvelle religion
obligeant tout homme à la fréquenter, le deuxième niveau
est celui de l'aliénation. L'enseignement fait de l'aliénation la
préparation à la vie, séparant ainsi l'éducation de
la réalité et le travail de la créativité. Cette
situation est pire en Afrique subsaharienne, où l'école
héritée du colonialisme a été imposée et
implantée dans un contexte dominant-dominé, elle n'est qu'une
véritable domestication et aliénation des africains
perpétuant le sous-développement.
Le troisième et dernier point de ce chapitre se penche
aux détails de la société déscolarisée,
d'abord il présente les caractéristiques de la
société déscolarisée qui prône plus de
liberté que dans une société scolarisée,
celle-là est caractérisée par une égalité
des chances d'éducation pour tous, la possibilité à chacun
de se développer et d'accéder à la situation pour laquelle
il est apte, plus de diplômes comme garantie d'un emploi, des rencontres
libres de partages des connaissances, pas de programme occulte de
l'école, non à la manipulation créant exploiteurs et
exploités, bref c'est une société conviviale. Ensuite, la
société déscolarisée opte pour une éducation
favorisant les réseaux éducatifs, les objets éducatifs
doivent être mis à la disposition du public pour
l'éducation formelle, l'échange libre des connaissances pour
l'éducation mutuelle. Enfin le dernier point de ce chapitre traite de
deux autres réseaux illichiens pour l'éducation conviviale, il
s'agit de l'appariement des égaux qui est un organisme facilitant les
rencontres entre pairs, où chacun choisit l'activité qui lui
plaît pour l'intérêt de la société ainsi que
l'émergence des éducateurs professionnels, qui rejetant
autorité et contrainte, favorisent confiance dans un système
d'éducation mutuelle.
Le troisième chapitre de notre travail a porté
essentiellement sur l'appréciation critique de la théorie
éducative illichienne, comme pour toute oeuvre humaine, la pensée
éducative développée a ses limites et ses mérites,
c'est ainsi que le premier point de ce chapitre a relevé trois grands
mérites : le premier mérite illichien est celui de
l'éveil de conscience pour une éducation juste, son oeuvre nous
interpelle, remet en question l'organisation de l'éducation afin que
l'État et les gestionnaires scolaires prennent conscience d'assurer les
chances égales d'enseignement à tous, le deuxième
mérite illichien est la valorisation du tiers milieu éducatif,
Illich, en bon philosophe de l'éducation nous force de reconnaître
que l'éducation ne doit pas être monopolisée par
l'école et la famille, il nous faut un troisième milieu beaucoup
plus important, question d'une éducation diversifiée et de la
promotion des capacités individuelles des jeunes pour le bien de la
société.
Le troisième mérite est celui du questionnement
sur le rôle de l'école et de l'éducation, tout en
distinguant l'école de l'éducation, le rôle de
l'école pour la société doit être clairement
défini, une occasion de fixer des finalités scolaires dignes en
élaborant des programmes suivant une politique scolaire s'inspirant
d'une philosophie de l'éducation visant à surmonter la crise des
systèmes scolaires tout en prônant une éducation
libératrice et conviviale.
Le deuxième point de ce troisième chapitre s'est
attelé sur les limites de la pensée éducative illichienne,
trois grandes limites ont été également maintenues, la
première limite est celle de considérer l'illichisme comme une
théorie utopique, Yao Assogba le qualifie même d'une utopie
monastique, car pour lui seule l'école peut garantir la qualification
des individus à des postes de travail ; la deuxième limite
relevée est la conception de sa pédagogie où il
prône les réseaux éducatifs comme moyen alternatif de
l'école, ces réseaux semblent limités, car ils sont
envisagés univoquement dans des applications pragmatiques et
immédiates. La troisième limite est celle du caractère
obligatoire de l'école, sans elle, estime Olivier Redoul, nous
assisterons à la perte de protection des enfants, en plus elle n'est
pas seulement une simple garderie, mais surtout elle transmet
l'apprentissage, elle assure non seulement le savoir à long terme pour
la vie en société, mais aussi la formation morale
spécifique.
Après une telle analyse, les réactions du
lecteur peuvent être légion et multiformes, nous subodorons que
l'effet produit aura peut-être été chez certains
réservé, teinté d'un sentiment utopique considérant
la théorie illichienne moins réaliste. Nous n'envisageons en
aucun cas, l'inspiration d'une telle perception,le but de ce modeste travail
philosophique n'a été que celui de susciter par la
réflexion illichienne le coeur de toutes les personnes qui ont la
responsabilité de l'éducation afin d'arriver à une
éducation qui puisse prendre conscience de ses limites pour le bien de
la communauté des hommes. Loin de nous la prétention d'avoir
exposé toute la pensée éducative illichienne, nous
espérons que d'autres chercheurs postérieurs pourront se lancer
dans cette aventure et pourront apporter plus d'éclaircissement
à l'agape scientifique de la philosophie de l'éducation, non
seulement pour l'éducation scolaire mais aussi et surtout pour le tiers
milieu éducatif. Deschooling society demeure une oeuvre
complexe qui permettra à chaque génération d'y trouver des
éléments importants pour une éducation conviviale. C'est
tout en laissant cette brèche que nous clôturons nos
investigations si perfectibles tout en prônant des recherches continues
en ce domaine si important pour la société, pour quiconque
désire une société conviviale qui donne
préséance à une humanité non-deshumanisante.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGE DE BASE
0. ILLICH Ivan, Une société sans
école, traduit de l'anglais par Gérard Durand, Paris,
Éditions du Seuil, 1971.
AUTRES OUVRAGES DE L'AUTEUR
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l'anglais par Gérard Durand, Paris, Éditions du Seuil, 1971.
2. , La convivialité, Paris, Éditions
du Seuil, 1973.
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Éditions du Seuil, 1973.
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23. ---, Marx Engels et l'éducation, Paris,
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26. MARITAIN Jacques, Pour une philosophie de
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27. MIALARET Gaston, Introduction à la
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28. MWENZE WA KYUNGU Eric Jean-Paul, Philosophie de
l'éducation, l'idéal pour l'école et le
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29. REBOUL Olivier, La philosophie de
l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1981.
30. WHITEHEAD Alfred, Les visées de l'éducation
et autres essais, traduit de l'anglais par Jean-Pascal Alcantara,
Louvain-la-neuve, Éditions Chromatika, 2011.
ARTICLE DE REVUES DE L'AUTEUR
1. ILLICH Ivan, « L'urgence d'une révolution
culturelle », in Revue interconfessionnelle de
documentation, n° 40 (Février 1971), 23-35.
ARTICLES DE REVUES SUR L'AUTEUR
1. ASSOGBA Yao, « Deschooling Society ou
l'illichisme : une utopie monastique », in Revue des sciences de
l'éducation, Vol. 4, n°2 (juillet 1978) ,181-203.
2. DUMAZEDIER Joffre, « Illich Ivan, une
société sans école », in Revue
française de Pédagogie, n° 21,
(Octobre-novembre-décembre 1972), 88-92.
3. GAJARDO Marcela, « Ivan Illich », in
Perspectives : Revue trimestrielle d'éducation comparée
vol. XXIII, n° 3-4 (1993), 733-743.
4. LAPIERRE Jean-William, « Illich en débat
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5. PINEAU Gaston, « Illich ou les paradoxes de la
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n°1, (mars 1975), 80-87.
AUTRES ARTICLES DE REVUES CONSULTÉS
1. ILUNGA Bernard, « Les raisons ultimes de la
pratique éducative », in Quelle philosophie pour
l'éducation de l'homme et la transformation de notre
société, Actes de la journée d'études
philosophiques, Kansebula, mars 2010, 61-67.
2. ILUNGA KISUMPA, « Le Congo indépendant face
à la réforme de son système éducatif
formel », in Questions sociales, 40 ans
d'indépendance : mythes et réalités, Actes des
Journées scientifiques de la Faculté des lettres de l'UNILU, t.
II (juin 2000), 355-371.
3. KIBUYE KAKUNTA BUPE, « Le connais-toi
toi-même socratique : ses fondements et ses conséquences pour
la crise éducationnelle en RDC, pour une éducation
libératrice et créatrice », in Raison Ardente, les
enjeux de l'éducation, n° 74, (décembre 2006),
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4. KIMENA KEKWAKWA KINENGE, « La politique scolaire de
l'État colonial vis-à-vis des missions belges au Congo
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5. LAVAL
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« Les deux crises de l'éducation », in
Penser la crise de l'école,
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2006),
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6. LITOING Norbert, « Penser l'éducation avec
Hannah Arendt dans un contexte de crise d'autorité », in
Raison Ardente, les enjeux de l'éducation, n°74
(décembre 2006), 315-25.
7. OKOLO OKONDA, « Enjeux du post-modernisme en
Afrique », in Philosophie et Politique en Afrique, Actes des
journées philosophiques de 1996 à Canisius, Kinshasa, 18-30.
DICTIONNAIRES CONSULTÉS
1. BARAQUIN Noëlla - BAUDART Anne,Dictionnaire de
philosophie, Paris, Éditions Armand colin, 2005.
2. DROUIN Anne-Marie, Pédagogie, Mots, Paris,
Éditions Desclée de Brouwer, 1993, 44-45.
3. JEUGE-MAYNART Isabelle - KAROUBI Line, Le Larousse
illustré 2010.
4. RAYNAL Françoise - RIEUNIER Alain,
Pédagogie, dictionnaire des concepts clés,
Éditions ESF éditeur, 2009, 195-196.
WEBOGRAPHIE
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http://www.alternatives-economiques.fr/site/nouvelles_pages/210_005.html,
consulté le 25 mars 2020, à 15h42.
2.
https://www.reseau-canope.fr/ivan-illich, consulté le 26 mars 2020,
à 17h24.
3. http://
www.descolarisation.org,
consulté le 15 mars 2020, à 17h12.
4.
https://fr.qwe.wiki/wiki/Homeschooling_international_status_and_statis,
consulté le 8 avril 2020 à 9h52.
5. https://prepasaintsernin.wordpress.com// Laurent Cournarie,
consulté le 25 Avril 2019, à 17h12.
TABLE DES
MATIÈRES
ÉPIGRAPHES.........................................................................................I
DÉDICACE
..........................................................................................II
IN MEMORIAM
....................................................................................III
REMERCIEMENTS
................................................................................IV
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1
0.1. Choix et intérêt du sujet
1
0.2. Problématique et hypothèses
2
0.3. Méthode et division du Travail
2
0.4. État de la question
3
0.5. Notice biographique
3
CHAPITRE PREMIER:
LECTURES DE LA CRISE DE L'ÉDUCATION SCOLAIRE
5
I.0. Introduction
5
I.1. La philosophie de l'école au fil de temps
5
I.1.1. La philosophie de l'école antique et
médiévale
5
I.1.2. La philosophie de l'école moderne et
contemporaine
7
I.1.3. La philosophie de l'école africaine
traditionnelle, coloniale et postcoloniale
8
I.2. Inventaire des manifestations de la crise de
l'éducation scolaire 10
I.2.1. La problématique de la mission et de
finalités de l'école
10
I.2.2. Le dysfonctionnement du système
éducatif
12
I.2.3. La baisse du niveau de l'enseignement moderne
14
I.3. Les constats illichiens de la crise de
l'éducation scolaire
15
I.3.1. La fin de l'ère scolaire
15
I.3.2. L'anti-enseignement obligatoire
16
I.3.3. Les méfaits de l'école
18
I.4.Conclusion..................................................................................................20
CHAPITRE DEUXIÈME:
ANALYSE CRITIQUE ILLICHIENNE DE LA CRISE DE
L'ÉDUCATION SCOLAIRE 2
1
II.0. Introduction 2
1
II.1.1. L'éducation scolaire et la politique
21
II.1.2. La problématique du rapport entre
école et éducation
23
II.1.3. La problématique du rapport entre
l'école et la société
25
II.2. Le monopole de l'école sur
l'humanité
27
II.2.1. L'école comme religion du monde moderne
27
II.2.2. L'école comme aliénation de
l'humanité 30
II.2.3. L'école comme aliénation
d'Afrique 31
II.3. La société
déscolarisée et ses réseaux éducatifs 33
II.3.1. Les caractéristiques de la
société déscolarisée 34
II.3.2. Les objets éducatifs et l'échange
des connaissances
36
II.3.3. L'appariement des égaux et les
éducateurs professionnels
38
II.4. Conclusion
39
CHAPITRE TROISIÈME :
APPRÉCIATION CRITIQUE 41
III.0. Introduction
41
III.1. Les mérites de l'auteur
41
III.1.1. L'éveil de conscience pour une
éducation juste
41
III.1.2. Le questionnement sur le rôle de
l'école 42
III.1.3. La valorisation du tiers milieu
éducatif 43
III.2. Les limites de l'auteur 44
III.2.1. L'illichisme comme théorie utopique
45
III.2.2. Les limites de la pédagogie illichienne
47
III.2.3. Le caractère obligatoire de
l'école
48
III.3. Conclusion 51
CONCLUSION GÉNÉRALE 52
BIBLIOGRAPHIE 56
TABLE DES MATIÈRES 59
* 1 Cf. T. PAQUOT,
Introduction à Ivan Illich, Paris, Éditions La
découverte, 2012, 3.
* 2 D. CAYLEY, Entretiens
avec Ivan Illich, traduit par Paule Noyart,
Montréal,Éditions Bellarmin, 1996, 164.
* 3
http://www.alternatives-economiques.fr/site/nouvelles_pages/210_005.html,
consulté le 25 mars 2020, à 15h42.
* 4 Cf.
https://www.reseau-canope.fr/ivan-illich,
consulté le 26 mars 2020, à 17h24.
* 5I. ILLICH, Une
société sans école, traduit de l'anglais par
Gérard Durand, Paris, Éditions du Seuil, 1971, 115.
* 6 Cf. F. DE HOVRE, Essai
de Philosophie pédagogique, Bruxelles, Éditions Albert
Dewit, 1927, XIV.
* 7 Cf. C. GAUTHIER - M.
TARDIF, La Pédagogie, théories et pratiques de
l'Antiquité à nos jours, Montréal, Éditions
Chenelière éducation, 32012 1-3.
* 8Personne qui refuse de
participer aux activités obligatoires (I. JEUGE-MAYNART, Le Larousse
illustré 2010, 867)
* 9 I. ILLICH, La perte des
sens, traduit par Pierre-Emmanuel DAUZAT, Paris, Éditions Fayard,
2004, 66-67.
* 10 Cf. C. GAUTHIER - M.
TARDIF,Op. Cit., 14-16.
* 11 Cf. Ibid.,
44-45.
* 12 Cf. Ibid., 74.
* 13Ibid.,49.
* 14 Cf. M. EKWA BIS ISAL,
L'école trahie, Kinshasa, Éditions Médiaspaul,
2004, 22-23.
* 15 Cf. I. KISUMPA,
« Le Congo indépendant face à la réforme de son
système éducatif formel » in Questions
sociales, 40 ans d'indépendance : mythes et
réalités, Actes des Journées scientifiques de la
Faculté des lettres de l'UNILU, Lubumbashi, 2000, 358.
* 16 Cf. M. EKWA BIS ISAL ,
Op. Cit., 25-26.
* 17K. KEKWAKWA KINENGE,
« la politique scolaire de l'État colonial vis-à-vis
des missions belges au Congo belge », In Revue zaïroise des
sciences de l'homme, n°5, (1974), 173.
* 18 Cf. I. KASUMPA,Art.
Cit., 359-360.
* 19 I. ILLICH,
Libérer l'avenir, traduit de l'anglais par Gérard
DURAND, Paris, Éditions du Seuil, 1971, 124.
* 20 Cf. M. EKWA BIS ISAL,
Op. Cit., 31-34.
* 21I. KASUMPA,Art. Cit.,
362.
* 22 Cf. T. DE KONINCK,
Philosophie de l'éducation pour l'avenir, Québec,
Éditions Presses de l'Université Laval, 2010,117.
* 23Cf.
C.LAVAL ,
« Les deux crises de l'éducation », in
Revue du
MAUSS, n°28,(Février
2006), 97.
* 24 Cf. A.-M. DROUIN,
Pédagogie, Mots, Paris, Éditions Desclée de
Brouwer, 1993, 44-45.
* 25 Cf. F. RAYNAL - A.
RIEUNIER,Pédagogie, dictionnaire des concepts clés,
Paris, Éditions ESF éditeur, 2009, 195-196.
* 26Cf. O. REBOUL, La
philosophie de l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1981,
46-47.
* 27 Cf. B. ILUNGA KAYOMBO,
« Les raisons ultimes de la pratique éducative », in
Quelle philosophie pour l'éducation de l'homme et la transformation
de notre société, Actes de la journée d'études
philosophiques, kansebula (mars 2010), 61-67.
* 28 Cf. E. J.-P.MWENZE WA
KYUNGU, Philosophie de l'éducation, l'idéal pour
l'école et le développement social du Congo démocratique,
Lubumbashi, Éditions universitaires UNILU, 2016, 237.
* 29 Cf. Ibid.,
233-234.
* 30I. ILLICH,
Libérer l'avenir, 132.
* 31 Cf. J.
MARITAIN,Pour une philosophie de l'éducation, Paris,
Éditions Fayard, 1969, 17.
* 32Cf. K. KAKUNTA BUPE,
« Le connais-toi toi-même socratique : ses fondements et
ses conséquences pour la crise éducationnelle en RDC, pour une
éducation libératrice et créatrice », in
Raison Ardente, les enjeux de l'éducation, n° 74
(décembre 2006), 4.
* 33 Cf. N. LITOING,
« Penser l'éducation avec Hannah Arendt dans un contexte de
crise d'autorité », in Raison Ardente, les enjeux de
l'éducation, n° 74 (décembre 2006), 16.
* 34 Cf. P. COOMBS, La
crise mondiale de l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1968,
19.
* 35 Cf. E. J.-P.MWENZE WA
KYUNGU, Op. Cit., 208-209.
* 36Cf. I. KISUMPA,Art.
Cit., 366-367.
* 37 C. CIJIKA, La
planification de l'éducation en Afrique, Paris, Éditions
L'Harmattan, 2015, 27.
* 38 Cf. M. LOBROT,
Changer l'école, Paris, Éditions de l'épi, 1970,
24-25.
* 39 Cf. I. ILLICH, La
perte des sens, traduit par Pierre-Emmanuel DAUZAT, Paris,
Éditions Fayard, 2004, 48.
* 40 Cf. E. J.-P.MWENZE WA
KYUNGU, Op. Cit., 213-215.
* 41M. EKWA BIS ISAL, Op.
Cit., 66-68.
* 42 Cf. E. J.-P.MWENZE WA
KYUNGU, Op. Cit., 216-218.
* 43 I. ILLICH,
Libérer l'avenir, 120-121.
* 44Cf.
Ibid., 120-126.
* 45Cf. M. LOBROT, Op.
Cit., 16.
* 46 I. ILLICH, La perte
des sens, 46.
* 47Cf. ID.,Libérer
l'avenir, 130-131.
* 48 Cf. Ibid.,
108-109.
* 49 P. GOODMAN, cité
par O. REBOUL, Op. Cit., 83.
* 50 Cf. I. ILLICH, Une
société sans école, 25.
* 51 Cf. O. OKONDA,
« Enjeux du post-modernisme en Afrique » in Philosophie
et Politique en Afrique, Actes des journées philosophiques de 1996
à Canisius, Kinshasa, 20.
* 52 « J'ai
réussi grâce à mes seuls mérites »
* 53 « J'ai
reçu les mêmes chances que l'autre et pourtant, moi j'ai
échoué »
* 54 Cf. D. KAMBOUCHNER,
L'école, question philosophique, Paris, Éditions Fayard,
2013, 178.
* 55 Cf. F. RAYNAL - A.
RIEUNIER,Op. Cit., 153-154.
* 56A.-M. DROUIN,Op.
Cit., 45-46.
* 57Cf. I. ILLICH,
Libérer l'avenir, 109-114.
* 58Cf. ID., Une
société sans école, 11.
* 59Cf.
www.descolarisation.org,
consulté le 15 mars 2020, à 17h12.
* 60Cf. O. REBOUL, Op.
Cit., 81.
* 61I. ILLICH, Une
société sans école, 87.
* 62Ibid., 27.
* 63Cf. M.-D. GRAU,
École réalité politique, Toulouse,
Éditions Privat, 1974, 15.
* 64Cf. I. ILLICH,
Libérer l'avenir, 115.
* 65Cf. H. ARENDT, La crise
de la culture, traduit de l'anglais par Patrick Lévy, Paris,
Éditions Gallimard, 1972, 228.
* 66ID., Penser
l'événement, traduit de l'anglais par Claude Habib, Paris,
Éditions Belin, 1989, 247.
* 67Cf.
https://prepasaintsernin.wordpress.com// Laurent Cournarie, consulté le
25 Avril 2019, à 17h12.
* 68 J. MARITAIN,Pour une
philosophie de l'éducation, Paris, Éditions Fayard, 1969,
104.
* 69I. ILLICH, Une
société sans école, 28.
* 70Ibid., 56.
* 71Ibid., 56- 57.
* 72 Cf. Ibid., 60.
* 73 Cf. Ibid.
* 74 En vue d'un oubli à
venir
* 75 Cf. I. KANT,
Traité de Pédagogie, traduit de l'allemand par Jules
Barni, Paris, Éditions Hachette, 1981,62.
* 76 Cf. I. ILLICH, Op.
Cit., 72.
* 77Cf. A.N. WHITEHEAD, Les
visées de l'éducation et autres essais, traduit de l'anglais
par Jean-Pascal Alcantara, Louvain-la-neuve, ÉditionsChromatika,
2011,1-7.
* 78 L.T. KHÔI,
Culture, créativité et développement,
Paris,ÉditionsL'Harmattan,1992, 45.
* 79 Cf. C. CIJIKA,
École, éducation, société, Paris,
Éditions L'Harmattan, 2019, 390.
* 80 Cf. ID, La
planification de l'éducation en Afrique, Paris, Éditions
L'harmattan, 2015, 133-134.
* 81 Cf. I. ILLICH,
Libérer l'avenir, 118.
* 82 J. DEWEY,
Démocratie et éducation, traduit de l'anglais par
Gérard DELEDALLE, Paris, Éditions Armand Colin, 1975, 94.
* 83 D. HAMELINE,Courants
et contre-courants dans la pédagogie contemporaine, Paris,
Éditions ESF éditeur, 2000, 120.
* 84 Cf. I. ILLICH, Une
société sans école, 55-56.
* 85Ibid., 62.
* 86 Cf. Y.-E. DOGBE, La
crise de l'éducation, Paris, Éditions AKPAGNON, 1979, 51.
* 87 Cf. I. ILLICH, Une
société sans école, 28.
* 88Ibid., 29.
* 89Cf. ID., Libérer
l'avenir, 132.
* 90Cf. Ibid., 116.
* 91 I. ILLICH, Une
société sans école, 27.
* 92 Cf.
www.descolarisation.org,
consulté le 15 mars 2020, à 17h12.
* 93 Cf. I. ILLICH, Op.
Cit., 79.
* 94Ibid., 80.
* 95 Cf., Ibid.
* 96 Cf. Ibid.,
81-82.
* 97 Cf. ID., La perte des
sens, 65.
* 98 Cf. Ibid., 66.
* 99 Cf. ID., Une
société sans école, 82-84.
* 100 Cf. C. CIJIKA,
Paulo Freire et la pédagogie de la conscientisation, Paris,
Éditions L'Harmattan, 2018, 67.
* 101 Cf. I. ILLICH, Op.
Cit., 88.
* 102Cf. I.ILLICH ,
« L'urgence d'une révolution culturelle », in
Revue interconfessionnelle de documentation, n° 40,
(Février 1971), 33-34.
* 103P. FREIRE, La
pédagogie des opprimés, Paris, Éditions Maspero,
1974, 29-30.
* 104 Cf. I. ILLICH, Une
société sans école, 84-85.
* 105 Cf. G.
LAPASSADE,L'entrée dans la vie, Paris, Éditions de
Minuit, 1963, 212.
* 106 I. ILLICH,Une
société sans école, 20.
* 107 Cf. Ibid.
* 108 Cf. Y.-E. DOGBE, Op.
Cit., 40.
* 109Ibid., 43.
* 110Cf. KALELE-KA-BILA,
École : Domestication et aliénation des jeunes
africains, Lubumbashi, Éditions Labossa, 1983, 16.
* 111Cf. I. ILLICH,
Libérer l'avenir, 112.
* 112I. ILLICH, Art.
Cit., 32.
* 113Y.-E. DOGBÉ,
Op. Cit., 65.
* 114 Cf. J. DEWEY,Op.
Cit., 54.
* 115 Cf. I. ILLICH,
Libérer l'avenir, 105.
* 116 Cf. Ibid.,
106.
* 117 I. ILLICH, Une
société sans école, 132.
* 118Cf. Ibid.,
128.
* 119 Cf. D. COOPER, Mort
de la famille, Paris, Éditions du Seuil, 1972, 66-67.
* 120 Cf. O. REBOUL, Op.
Cit., 102.
* 121 Cf. I. ILLICH, Une
société sans école, 87.
* 122Ibid., 89.
* 123 Ce mouvement
français prône, à la suite d'Ivan Illich, une
skholè libre, un espace-public égalitaire et la
séparation de l'éducation et de l'État.
* 124 Cf.
www.descolarisation.org,
consulté le 15 mars 2020, à 17h12.
* 125 Cf. I. ILLICH, La
convivialité, Paris, Éditions du Seuil, 1973, 88-89.
* 126 Cf. I. ILLICH,Une
société sans école, 134.
* 127Cf. ID.,
Énergie et équité, Paris, Éditions du
Seuil, 1973.
* 128 ID., Une
société sans école, 135.
* 129Ibid., 136-137.
* 130 Cf. Ibid.,
146.
* 131 I. ILLICH, Une
société sans école, 148.
* 132 Cf. Ibid.,
151.
* 133 Cf. O. REBOUL,Op.
Cit., 87.
* 134G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, Paris, Éditions
Vrin,32004, 301.
* 135I. ILLICH, Op.
Cit., 151-152.
* 136Ibid.,
154.
* 137Cf. Ibid.,
156-157.
* 138Cf. Ibid.,
159.
* 139 O. REBOUL, Op.
Cit., 60-61.
* 140Cf. I. ILLICH, Op.
Cit., 161.
* 141C. CIJIKA, Paulo
Freire et la pédagogie de la conscientisation, 118.
* 142Cf. I. ILLICH,Une
société sans école, 161-162.
* 143Cf. L.T. KHÔI,
Marx Engels et l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1991,
26.
* 144 I. ILLICH,Op.
Cit, 164.
* 145Cf. Ibid.,
167.
* 146Ibid.,
169-171.
* 147 O. REBOUL, Op.
Cit., 59.
* 148Cf. N. BARAQUIN - A.
BAUDART, Dictionnaire de philosophie, Paris, Éditions Armand
colin, 2005, 356.
* 149G. MIALARET,
Introduction à la pédagogie, Paris, Éditions PUF,
1977, 59.
* 150Cf.
www.hrw.org/fr/world-report/2020/country,
consulté le 5 avril 2020, à 22h38.
* 151M. GAJARDO,
« Ivan Illich », in Perspectives, Revue trimestrielle
d'éducation comparée, vol. XXIII, n° 3-4, (1993),
734.
* 152Cf. O. REBOUL, Op.
Cit., 106.
* 153 Cf. M. GAJARDO,Art.
Cit., 733.
* 154Cf.
https://fr.qwe.wiki/wiki/Homeschooling_international_status_and_statis,
consulté le 8 avril 2020 à 9h52.
* 155 Cf. J. DUMAZEDIER,
« Illich Ivan, une société sans
école », in Revue française de
Pédagogie, n° 21, (Octobre-novembre-décembre 1972),
91-92.
* 156O. REBOUL, Op. Cit.,
106.
* 157
https://citations.ouest-france.fr/citation-georges-santayana/enfant-instruit-ecole-enfant-instruit-19439.html,
consulté le 01 mai 2020, à 18h08.
* 158Cf. L. FERRY, Lettre
à tous ceux qui aiment l'école, Paris, Éditions Odile
Jacob, 2003, 102-104.
* 159Cf. G. PINEAU« ILLICH ou les
paradoxes de la créativité » inProspectives,
Vol 11, n°1 (1975), 82.
* 160 Cf. Y. ASSOGBA,
« Deschooling Society ou L'illichisme : une utopie
monastique » in Revue des sciences de l'éducation,
Vol 4, n° 2, (printemps 1978) ,181-203.
* 161Ibid., 198.
* 162 Cf. Ibid.,
199-200.
* 163 Cf. Y. ASSOGBA,
Art. Cit., 201.
* 164Ibid.,
201-203.
* 165Cf. M. GAJARDO, Art.
Cit., 738.
* 166 J.-W. LAPIERRE,
« Illich en débat », in Esprit, n° 3, (mars
1972), 388.
* 167Cf. G. MIALARET, Op.
Cit., 59-61.
* 168Cf. O. REBOUL, Op.
Cit, 105-106.
* 169Cf. J.
DUMAZEDIER, Art. Cit., 92.
* 170Cf. O. REBOUL, Op.
Cit., 53.
* 171Cf. Ibid.,
54.
* 172Cf. O. REBOUL,Op.
Cit., 106-107
* 173Cf. G. MIALARET, Op.
Cit., 62.
* 174Cf. O.
DUMAZEDIER,Art. Cit., 92.
* 175C. CIJIKA,
École, éducation, société, 144.
* 176V. HUGO, cité
parO. REBOUL, Op. Cit., 83.
* 177Cf.Ibid., 84.