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Analyse critique de la crise de l'éducation scolaire chez Ivan Illich.


par Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA
Institut Supérieur de Philosophie/KANSEBULA - Graduat en philosophie 2020
  

Disponible en mode multipage

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    République Démocratique du Congo

    Enseignement Supérieur et Universitaire (ESU)

    Institut Supérieur de Philosophie SaintJean Bosco

    Lubumbashi B.P. 2467Haut-Katanga

    Analyse critique de la Crise de l'éducation scolaire chez Ivan Illich

    Travail de fin de cycle présenté et défendu en vue de l'obtention du grade de gradué en philosophie

    Par MUSA MBWISHA Emmanuel

    Directeur : CIJIKA KAYOMBO

    Chrysostome

    Professeur Ordinaire

    Kansebula, mai 2020

    ÉPIGRAPHES

    " Celui qui, sans philosophie veut s'occuper d'éducation, s'imagine facilement avoir accompli des réformes d'importance alors qu'il ne fait que corriger un peu la façon de procéder. Nulle part une perspective philosophique appuyée sur des idées générales, n'est aussi nécessaire. "

    Johann Friedrich Herbart

    " L'enseignement fait de l'aliénation la préparation à la vie, séparant ainsi l'éducation de la réalité et le travail de la créativité. Il prépare à l'institutionnalisation aliénatrice de la vie en enseignant le besoin d'être enseigné. Une fois cette leçon apprise, l'homme ne trouve plus le courage de grandir dans l'indépendance, il ne trouve plus d'enrichissement dans ses rapports avec autrui, il se ferme aux surprises qu'offre l'existence lorsqu'elle n'est pas prédéterminée par la définition institutionnelle."

    Ivan Illich

    " Il est inique et scandaleux que le peuple n'ait que l'école pour s'instruire. Le monopole de l'école, là où il existe, prouve effectivement que la société est devenue inhumaine. Une civilisation qui relègue l'éducation dans la famille et l'enseignement dans l'école prouve qu'elle est elle-même, dans son essence, anti-éducative. "

    Olivier Reboul

    DÉDICACE

    À vous, cher père Prosper USENI MWAKAMBAYA

    À vous, chère tendre mère, Marcelline MWAYUMA ASENGO

    À toi, chère soeur jumelle Marie-Médiatrice FEZA MBWISHA

    À toutes les personnes qui nous sont chères et à toutes celles qui, par une éducation non-déshumanisante, prônent l'émergence d'une société conviviale.

    IN MEMORIAM

    À la mémoire de

    notre tante maternelle, Alphonsine MWABIYENI 

    notre chère et inoubliable cousine Marcelline ASHURA DADE

    notre cher ami et neveu, parti à l'heure du laitier, Michel KABWE

    notre cher cousin Jean-Albert BILUZI MALIYANGUVU TOTO,

    malgré votre émigration inopinée vers l'au-delà, vous demeurez immortels

    dans notre pauvre coeur.

    REMERCIEMENTS

    Comme toute personne humaine apprend, grâce à l'éducation, la plus grande partie non seulement de ce qu'elle sait faire mais aussi de ce qu'elle sait être, reconnaissant cet apport si considérable de notre processus d'humanisation qui, bien sûr que oui, à partir de nos potentialités est passé par les mains de différentes personnes qui ont façonné l'être que nous sommes aujourd'hui, il n'est pas étonnant - d'ailleurs il serait inique et inhumain de ne pas le reconnaître- de nous savoir redevable.

    En premier lieu, nous sommes redevable à celui qui nous dote des potentialités nécessaires qui, n'étant pas égocentriste, met sur notre chemin des personnes qui peuvent, si pas parfaire et parachever son oeuvre à laquelle participe tout être, au moins l'humaniser ; c'est toi Abba, l'omnipotent et omniscient de qui nous recevons et le souffle de vie et les possibilités des connaissances et d'humanisation.

    Puissent nos parents, Prosper USENI et Marcelline MWAYUMA, qui les premiers, à nous recevoir sur la terre des hommes et à nous éduquer à la bienveillance, à l'amour du travail bien accompli, au sens du sacrifice ; recevoir notre profonde et cordiale gratitude. Toute notre reconnaissance pour tous vos sacrifices et pour tout ce que vous êtes pour nous.

    Que nos supérieurs religieux, général, Don Angel Fernandez Artime ; provincial, Révérend Père Albert KITUNGWA KABUGE et local, Révérend Père Daniel MAFUTA, ainsi que tous leurs conseils respectifs, acceptent l'expression de notre sincère gratitude, signe de reconnaissance de tout ce que vous êtes et faites pour nous.

    Nos sentiments de gratitude s'adressent également aux autorités académiques de notre Institut Supérieur de Philosophie Saint Jean Bosco/KANSEBULA, que le Père Dieudonné BESA, Directeur Général de l'Institut, le Père Patrick MPAMA RAVELLI, Secrétaire Général Académique, Monsieur Tony Marien PALANGWA, Secrétaire Général Administrateur et bibliothécaire, ainsi que le père Jonas YAV MADICH, Administrateur du budget, reçoivent nos sincères remerciements, sans oublier tout le corps professoral de notre institut.

    Nous exprimons toute notre reconnaissance au professeur Chrysostome CIJIKA KAYOMBO, qui malgré ses innombrables occupations, a assumé avec abnégation, la direction de ce travail. Étant convaincu de la révolution que doit subir notre système éducatif, vous nous avez, tout au long de ces pérégrinations intellectuelles, manifesté non seulement votre érudition, mais également votre amitié en créant une ambiance studieuse, sans laquelle nous ne serions parvenus à temps au bout du travail.

    Notre gratitude s'adresse également à tous nos enseignants et formateurs rencontrés au cours de notre parcours de formation, nous pensons particulièrement aux Abbés Bienvenu KABALIKA, Hilaire KAPELEMBE, Jean-Marie KAGELA, Florent MUGANZA, Pascal PONGA, Jean-Pierre KABWENDE LUBULI ; aux Pères Serges MWAKA, Alfred ITSIEKI, Pascal MUMBA, Aimé LULINDA, Marcel VERHULST, Angelo POZZI, David MUBENGA, Mario VALENTE, Johann KIESLING ainsi qu'au Frère Déogratias KALENDA.

    Merci à tous ceux avec qui nous partageons la chaleur familiale, particulièrement à vous frères et soeurs, Joséphine SIKUJUWA MBWISHA, Marie-Gorette TIBA MBWISHA, Pierre SADIKI MBWISHA et à toi notre alter ego, notre soeur jumelle Marie-Médiatrice FEZA MBWISHA. À tous nos cousins et cousines, en particulier Hyacinthe SELEMANI, François d'Assise MBWISHA SALUMU, Modeste KINGOMBE TCHOMBA, Jeanne NGOLE, Sarah TCHOMBA, Ashura TCHOMBA, Saleh ALI, Victor SULA, Marcelline MWAYUMA et Georges MUKANDWA.

    Que tous nos oncles, tantes, neveux et nièces et tous nos amis, surtout ceux du mouvement KIZITO-ANUARITE, Paroisse Christ-roi/Kalemie-Kirungu, du Foyer Séminaire Pie XII de Kalemie, de l'Institut Mwangaza, Collège Pie XII de Kalemie ainsi que ceux de l'Institut Mwanga, Collège Stella maris d'Uvira se sentent remerciés. Que nos amis Lucien MATONGO, Félix LYHOA, Bonaventure KATOTO, Faustin BAUMA, Rubin KASONG, Fulgence MUTEBA, SALEH KALINDA, Samuel KASIMBIRA, Alphonse KABWE, et Shekinah KABWE reçoivent nos sincères gratitudes.

    À vous chers confrères de la promotion Sainte Famille, Léon AKUMA, Hyacinthe AMANI, Didier AMINI, Joseph AMISI, Glodi ANASAMBA, Gauthier BANZA, Thaddée BARISESA, CHANCE Gilbert, Gloire IPALA, Dieuvie IYOLI, Patrick KABAMBA, Arsène KAKULE, Fidèle MANDEMBA, Clément MANENE, Joannes Maria MASUMBUKO, Erick'Anselme MAWANGA, Faustin MBUUMA, Vital MBUYI, Fabrice MUMBERE, Aimable NVUYEKURE, Hippolyte NDAMBA, Freddy SHULA et Barthélémy TSHIBANG, merci pour tout ce que vous êtes pour nous, pour votre confraternité si enrichissante et combien bénéfique.

    Que nos confrères de la promotion du Bicentenaire, en particulier Jean-Claude MUSHOBOZI ; de la promotion de la Miséricorde divine, en particulier Emery BADOSANYE, Alphonse KALELA, Rufin KINEME, Justin VAKEKYA, Bernard-Ghislain MAYALA, Bertin NGANDU ; de la promotion Marie-Auxiliatrice, particulièrement Oscar IRENGE, Pascal KASONGO, Grégoire MALOBA, Noémie VILA, Christophe CITO ; ainsi que ceux de la promotion Saint Jean Bosco, particulièrement Bruno BOZIKI, Luc WILONDJA, Dieumerci BONE, Mechack KASONGO, Ghislain MALEKERA, Trésor SADIKI, Joël NUMBI, Arsène KAMBALE et René MUTEBA, puissent recevoir nos profondes gratitudes.

    Puissent toutes les personnes qui nous sont chères et celles ayant contribué à notre humanisation, se sachent remerciées.

    Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA

    INTRODUCTION GÉNÉRALE

    0.1. Choix et intérêt du sujet

    L'éducation est fondamentale et indispensable non seulement pour le bien-être individuel mais aussi pour l'émergence de la société. Ainsi pour nous, parler de l'éducation est un choix judicieux et surtout en parler avec les lunettes critiques appuyées d'une lanterne philosophique paraît un choix sans précédent, car la philosophie de l'éducation comme remise en question des pratiques éducatives est la tâche spécifique du philosophe. L'analyse philosophique des sciences de l'éducation apparaît actuellement nécessaire et irremplaçable, dans un monde où nous assistons à la crise de l'éducation, non seulement familiale ; mais aussi scolaire et même universitaire. Choisir de cheminer dans un itinéraire philosophique avec Ivan Illich, pour faire ressortir les résonnances contemporaines de sa pensée sur la crise de l'éducation scolaire ou mieux sur les crises éducatives qui émaillent notre société, nous a semblé impérieux, d'abord pour non seulement rendre hommage à un penseur contemporain original et cosmopolite mais surtout pour diffuser la pensée d'un intellectuel visionnaire peu connu dans notre contrée ; ensuite nous voudrions bien présenter son souci majeur de recherche d'une éducation conviviale sans discrimination et enfin reconnaître ses mérites qui nous serons utiles pour panser notre système éducatif saignant.

    L'intérêt que nous portons en traitant ce sujet est triple : tout d'abord par l'actualité du sujet ; La question de la crise de l'éducation scolaire est plus que jamais d'actualité, car l'école est mise sur les bancs des accusés par beaucoup de sociétés, l'accusant de trahir ses objectifs. D'un côté, les élèves subissent une éducation domesticatrice et aliénatrice favorisée par une obsolescence des savoirs scolaires ; et de l'autre côté, les enseignants, qui sous le joug des soi-disant habilités à créer des normes pédagogiques, sont victimes des mutilations des règles pedagogico-didactiques et considérés comme des éternels assistés soumis à la hiérarchie scolaire.

    Ensuite, l'attente de la société des bienfaits de l'éducation scolaire est devenue de plus en plus pressante, cherchant à tout prix sa contribution au développement des structures sociales. Le désenchantement de la société à l'égard des établissements du savoir est de plus en plus mis en exergue, l'injonction axiologique qui s'impose à l'éducateur et la multiplicité des fonctions que la société assigne à l'école enfoncent davantage son état morbide et stigmatisent sa nullité et sa veulerie

    Enfin, un regard sur le système éducatif de l'Afrique sub-saharienne nous révèle de profondes crises et d'une manière particulière dans notre beau pays, la République Démocratique du Congo où sévit une crise scolaire sans précédent. Cette crise est caractérisée par la baisse de la qualité de l'enseignement, les classes pléthoriques, la déperdition scolaire, le manque d'infrastructures soignées et de matériels d'enseignement, la corruption institutionnalisée, la non-prise en charge des personnels enseignants, la non-maîtrise des matières enseignées qui débouche beaucoup d'intellectuels ignorants sur le marché du travail, sont autant de vices qui rongent le système éducatif congolais. Tout cela nous amène à redéfinir la formation des enseignants et la vocation d'enseignant. Notre souci majeur, en analysant la pensée illichienne sur l'éducation, est d'arriver à contribuer, tant soit peu, à l'émergence de l'éducation de notre pays en vue d'adopter une nouvelle politique et une autre philosophie du système éducatif.

    0.2. Problématique et hypothèses

    La présente étude est une recherche d'un système éducatif susceptible de garantir à tout le peuple une éducation égale, noble et utile à la société. En effet l'éducation est un droit fondamental pour toute personne humaine en vue de son intégration dans la société. Toutefois ce droit de l'éducation pour tous n'est pas pourtant garanti à tout enfant ; certains par une sorte de discrimination sont privés de ce qui leur est fondamental, d'autres en bénéficient dans des conditions inacceptables et en général, l'école monopolise l'éducation, elle endoctrine, domestique et aliène parfois ses sujets.

    Ainsi à travers cette réflexion qui met en cause l'éducation scolaire en crise, nous voudrions, nous appuyant sur la pensée du philosophe autrichien Illich, apporter une contribution non sans raison à cette problématique en vue de concevoir, à la fois une politique et une philosophie de l'éducation globalisante et utile au développement de la société. Il sied donc de rechercher comment mettre fin à la crise de l'éducation scolaire pour abolir le système éducatif discriminatoire, domesticateur, aliénateur, centré seulement sur l'école et fermé à diverses réalités de la société, pour aboutir à une éducation pour tous, tenant compte des aptitudes et des moyens économiques de chaque citoyen.

    En réponse à cette préoccupation qui guide notre étude, nous retenons comme hypothèse de recherche, avec Illich, qu'un système éducatif convivial est susceptible de garantir une éducation digne et pour tous. Il est question de bannir tout ce qui fait obstacle à la liberté de l'éducation, arriver comme le dit l'échanson de la convivialité, à annihiler le caractère aliénateur et monopolisateur de l'éducation scolaire proposée aujourd'hui à tout homme comme voie du salut pour être membre à part entière de la société.

    0.3. Méthode et division du Travail

    Pour comprendre fidèlement la pensée illichienne en matière de philosophie de l'éducation, nous avons préféré utiliser la méthode herméneutico-critique. Celle-ci nous permet de comprendre la pensée de l'auteur et l'interpréter, d'une part ; de l'apprécier en démontrant ses mérites et ses limites d'autre part. Quant à ce qui concerne la division de ce travail, outre l'introduction et la conclusion générales, notre investigation philosophique s'étend sur trois chapitres, dont le premier présente une forme de lectures de la crise de l'éducation. Il s'agit d'une généralité comme état de lieu de ladite crise. Le deuxième chapitre quant à lui, aborde la question de l'analyse critique illichienne de la crise de l'éducation scolaire. Enfin, le troisième chapitre se penche sur l'appréciation critique en indiquant les mérites et les limites que regorge la pensée de notre auteur.

    0.4. État de la question

    De nombreux chercheurs se livrent à comprendre et à interpréter la pensée qu'Illich a léguée comme héritage à ses postérieurs. Ainsi il n'est pas étonnant de voir l'ampleur de la pensée illichienne. Consultant notre bibliothèque, nous n'avons trouvé aucun travail de fin de cycle sur Ivan Illich. C'est pour la première fois que nous abordons dans notre Institut, cet auteur sur le plan de la philosophie de l'éducation et estimons avoir ouvert la voie à de nombreux chercheurs et d'autres  étudiants de notre Institut à aborder la question de l'éducation sous l'angle philosophique sur les traces illichiennes, c'est aussi une manière de faire connaître la pensée d'un philosophe original mais encore méconnu et moins étudié dans notre monde universitaire.

    0.5. Notice biographique

    Ivan ILLICH, que certains appellent abusivement l'insoumis est ce scientifique, érudit, humaniste et polyglotte, surtout connu pour ses prises de position contre toutes les institutions sociales, l'un des penseurs les plus importants, les plus originaux et les plus prophétiques de la seconde moitié du XXe siècle.  Il est présenté comme un anarchiste, un gauchiste, un doux rêveur, un critique radical des institutions, un précurseur de l'écologie politique, un pionnier de la décroissance, un catho de gauche, un autogestionnaire, un utopiste. Parfois son oeuvre est divisée en deux et certains auteurs parlent d'un premier Illich, l'auteur de pamphlets traduits en plusieurs langues (Libérer l'avenir, Une société sans école, Énergie et équité, La convivialité, Némésis médicale) et dont les propos ont provoqué d'innombrables débats ; et d'un Illich de la maturité, moins médiatique, quasi oublié, devenu professeur itinérant, une sorte d'intellectuel nomade aux essais ardus et aux interventions ciblées.1(*) C'est pendant cette période qu'il dira, à propos de ses pamphlets des années 70 : « Je prends l'entière responsabilité de mes écrits, mais ces écrits ont été rédigés sous forme de pamphlets s'accordant à l'époque où je les ai écrits. Je trouve sidérant, par ailleurs qu'ils existent toujours et qu'on en parle encore aujourd'hui, c'est extrêmement agréable, j'en suis flatté »2(*)

    À l'occasion de sa disparition sur la terre des hommes en 2002, Denis Clerc écrit ceci sur lui :

    « En scrutant ses idées de près, la pertinence de ses analyses demeure entière. Mais, un peu comme le soleil, il semble dangereux de les regarder en face, tant leurs conséquences pourraient être corrosives, si elles devaient être prises au sérieux. Car les critiques formulées par Ivan Illich sont corrosives. Qu'on en juge : la médecine rend malade plus qu'elle ne guérit, l'automobile fait perdre plus de temps qu'elle n'en fait gagner, l'école déforme plus qu'elle n'éduque».3(*)

    Ce penseur à la pensée pensante dérangeante est né à Vienne, en Autriche le 4 septembre 1926 ; même si le jeune Ivan est, comme son père, catholique, la famille tout entière, interdite d'emploi, doit quitter l'Autriche en 1942 pour l'Italie, expulsée par les lois nazies à cause de l'origine de sa mère. En effet, il s'installe en Italie, sans le père qui meurt pendant la guerre. Ivan Illich termine ses études secondaires à Florence puis il entre à l'Université Grégorienne de Rome et il est ordonné prêtre après avoir étudié philosophie et théologie. Il obtient un doctorat en histoire à l'université de Salzbourg. Il aurait pu devenir diplomate au Vatican : il choisit de partir à New York, où il est nommé en 1952 curé d'une paroisse populaire. En 1956, il devient vice-recteur de l'Université Catholique de Porto Rico. Il y crée l'Instituto de Communicacion Intercultural où l'apprentissage de la langue espagnole est prétexte à découvrir la diversité et la richesse des cultures, il la quitte en 1960, suite à un conflit avec sa hiérarchie.

    Il part au Mexique, à Cuernavaca, où il crée avec Valentine Borreman, le CIDOC : Center for Intercultural Documentation. un lieu sans équivalent ailleurs : un carrefour où, en lien avec des intellectuels du monde entier, on tente de jeter des ponts entre cultures et connaissances, de la psychanalyse à la sociologie en passant par la pédagogie et l'économie, Le CIDOC est une université libre, sans hiérarchie, sans professeurs, sans diplômes.
    Le CIDOC connaît une renommée internationale. Illich le ferme de façon arbitraire, en 1976, après l'avoir, en 1968, sécularisé. Il renonce à ses fonctions ecclésiastiques en 1969 et quitte définitivement le Mexique en 1980 pour s'installer en Europe. En 1990, il apprend qu'il a un cancer du cerveau et décide, fidèle à ses pensées et à ses jugements sur l'institution hospitalière, de se soigner lui-même. Il meurt le 2 décembre 2002 à Brême, en Allemagne. Sa préoccupation tout au long de sa vie est de trouver des moyens éducatifs permettant de transformer chaque moment de la vie en une occasion d'apprendre, en dehors du système scolaire ou dans une école repensée.4(*)


    CHAPITRE PREMIER : LECTURES DE LA CRISE DE L'EDUCATION SCOLAIRE

    INTRODUCTION

    Le premier chapitre de notre travail intitulé `'Lectures de la crise de l'éducation scolaire'', passe en revue différentes réalités qui nous aident à comprendre le fondement et l'origine de la crise que subit l'école aujourd'hui. Nous avons pointé quelques aspects importants pour comprendre la crise scolaire décrite par Illich ; c'est ainsi que nous commençons par l'aspect historique, question de comprendre la philosophie véhiculée d'abord par l'école antique et médiévale, ensuite par l'école moderne et contemporaine et enfin par l'école traditionnelle, coloniale et postcoloniale africaine, en s'appuyant sur le modèle de l'école de notre pays.

    Le deuxième point de ce chapitre présente quelques manifestations de la crise de l'éducation scolaire et traite de la problématique de la mission et des finalités de l'école, du dysfonctionnement du système éducatif et de la baisse du niveau de l'enseignement moderne. Le troisième et dernier point de ce chapitre s'attèle sur l'analyse des facteurs illichiens de ladite crise. Il s'agit ici d'expliciter la conception illichienne de la fin de l'ère scolaire, l'anti-enseignement obligatoire et des méfaits de l'école. Voilà d'une manière synthétique les grandes lignes de ce chapitre que nous essayons de présenter en détail dans les lignes qui suivent.

    1.1. La philosophie de l'école au fil de temps

    Pour mieux comprendre la crise qui sévit l'éducation scolaire moderne, il nous est impérieux de recourir au passé pour analyser la philosophie de l'éducation antique et médiévale et celle du temps moderne et de l'époque contemporaine.

    1.1.1. La philosophie de l'école antique et médiévale

    Le système scolaire est jalonné de structures qui fixent ses règlements, ses programmes et ses finalités et qui donnent aujourd'hui tout leur sens à l'éducation. Ces différentes structures sont des fruits issus de l'histoire. Cette histoire pourra bien aider à comprendre les controverses scolaires mais surtout, elle nous aidera à trouver par les réflexions adéquates des solutions à la crise éducative actuelle, Ivan Illich  l'exprime mieux:

    « Si nous replacions dans une perspective historique la controverse actuelle entre les défenseurs de l'école traditionnelle, les technologues de la pédagogie et les partisans de l'école libérée, ce serait une grave erreur que d'interpréter cette querelle comme le prélude à une révolution de l'éducation. Elle témoigne plutôt d'un moment de réflexion sur la meilleure façon de parvenir à faire d'un vieux rêve une réalité, c'est l'hésitation avant l'escalade ; il s'agit de faire en sorte que l'éducation soit totalement assurée par des éducateurs professionnels »5(*).

    Il est manifeste, pour quiconque parcourt l'histoire de l'éducation et la compare avec une histoire de la philosophie, que les époques d'effervescence philosophique sont également des époques de pensées pédagogiques, et que les mêmes noms se rencontrent comme grands maîtres à la fois de la philosophie et de la pédagogie. Socrate, Platon, Aristote, Augustin, Thomas d'Aquin, Bacon, Rousseau, Locke, Kant, Hegel, Schopenhauer, Fichte et Spencher : les hommes qui professent de nouvelles conceptions de la vie, professent également de nouvelles conceptions en matière d'éducation.6(*)

    Ainsi partant de cette double conception pédagogico-philosophique, nous devons savoir que le début de l'histoire éducative est marqué par une crise de la culture, qui a dissout systématiquement les modèles traditionnels, religieux et autoritaires qui présidaient la vie humaine du monde antique.7(*) Les historiens de l'éducation, affirme Illich, racontent habituellement ce que faisaient les maîtres, jadis et naguère, et ce dont on les créditait. Il en résulte une historiographie qui suppose que l'éducation ne connait pas de commencement et que, de ce fait, la demande en la matière ne finira jamais, ce qui conduit le philosophe de Cuernavaca a affirmé que :

    «  L'histoire traditionnelle de l'éducation castre le recalé ; elle le flétrit en effet comme un être humain déficient qui, par sa propre faute ou celle de la société, manque d'une chose dont tous les êtres humains ont toujours eu besoin : l'instruction. Pour cette raison, considérer le recalé autrement, comme un fier refuznik8(*), requiert une approche inversée de l'histoire de l'éducation. Pour y voir plus clair, il nous faudrait nous focaliser non pas sur l'histoire du clergé éducatif, ses dogmes, mais sur l'histoire du mode de vie particulier qui tient pour allant de soi l'existence d'un système éducatif ».9(*)

    L'une de sociétés antiques bien organisées en éducation fut la cité grecque, car elle était la première société ouverte par rapport à d'autres sociétés qui étaient encore de sociétés fermées, profondément autoritaires et basées sur un ordre social traditionnel. Les grecs ont connu simultanément l'éducation traditionnelle (militaire et aristocratique) et des éducations nouvelles (philosophique, mystique, sophistique). C'est à partir du Ve siècle AXN, que l'éducation traditionnelle grecque fut sérieusement remise en question. Cette éducation était familiale, aristocratique et militaire. Les parents se servaient de la poésie homérique en vue de transmettre des vertus (le courage, la force, l'intelligence).

    La crise de la culture, l'essor de l'écriture, le développement des sciences, de la philosophie et de la démocratie ont engendré plusieurs formes d'éducation offrant une pluralité de formes éducatives. Cela obligea les grecs à chercher laquelle était la meilleure, d'où cette préoccupation ne portait pas sur le comment éduquer mais sur le pourquoi éduquer, i.e. les fins poursuivies par l'éducation et sur ses mérites, la question quel type d'individu voulons-nous former en l'éduquant, devient une priorité et vise non seulement la formation de l'individu, mais aussi celle du citoyen au sein de la communauté.

    Avec cette nouveauté, les sophistes sont considérés comme les premiers professeurs, car c'est avec eux, que l'éducation cesse d'être une entreprise familiale ou une activité régie par le milieu social quotidien. L'éducation sophistique n'est pas traditionnelle, elle est consciente d'elle-même, elle poursuit sciemment un but ; elle n'est pas spontanée mais organisée, elle n'est pas collective mais individuelle. Les sophistes enseignent une culture générale, à savoir comment penser, comment vivre, comment parler. Un autre genre d'éducation contraire à celui des sophistes, est l'éducation socratique. Socrate développe une sorte d'éducation où il parle avec des jeunes gens, il cherche dans ses nombreuses discussions à apprendre qu'à enseigner, il renverse ainsi le rôle même du sophiste, en devenant l'élève de ses élèves.10(*)

    L'avènement du Christianisme changea la vision de l'éducation antique, ainsi le pluralisme antique céda à une nouvelle unité culturelle qui a dominé l'occident pendant tout le temps médiéval. C'est à cette époque qu'apparait l'école comme un milieu moral organisé. Cette éducation scolaire sera mise au service de la foi et de l'Église, et les textes, grecs et latins, sont minutieusement choisis en fonction de leur concordance à l'orthodoxie chrétienne. L'école médiévale n'avait d'autre but que la conversion religieuse, elle influençait profondément l'instruction des élèves dans les vérités de la religion.11(*)

    1.1.2. La philosophie de l'école moderne et contemporaine

    La Renaissance qui annonce le temps moderne vient dénoncer les méthodes médiévales, jugées archaïques, anachroniques, néfastes et inefficaces. La Renaissance a posé les bases de l'éducation humaniste de l'homme moderne, face aux déviations éducatives médiévales jugées par les humanistes archaïques, cette éducation vise la libération de l'homme, la réalisation d'un idéal d'action combiné à celui de la connaissance.  Même s'il y a eu plusieurs acquis en éducation depuis les grecs, en passant par le Moyen Âge et la Renaissance, il n'y a pas encore eu de pédagogie au sens strict du mot. En effet, les sociétés traditionnelles ont éduqué leurs peuples, mais n'ont mis en place ni réflexion pédagogique, ni enseignement, ni école systématique institutionnalisée. Même si les grecs ont inventé l'enseignement, ils n'ont pas fait avancer la réflexion pédagogique. De la même façon, le Moyen Âge a donné naissance à l'école, mais il n'a pas fait progresser la réflexion sur la pédagogie. Les penseurs de la Renaissance ont permis de se débarrasser du Moyen Âge et de la Scolastique, mais eux non plus n'avaient pas le souci pédagogique. Il a fallu attendre le XVIIe siècle pour qu'apparaissent un discours et une pratique formalisée que l'on puisse appeler pédagogie.

    Au XVIIe siècle se met en place un phénomène fondamental pour qui s'intéresse à la res scolaire et plus particulièrement à l'enseignement. Des maîtres d'école devant enseigner à des groupes d'écoliers du peuple ont élaboré toutes sortes de stratégies pour faire la classe ; ils les ont formalisées et regroupées dans des traités. Ces derniers seront ensuite transmis aux novices qui voudront à leur tour exercer le métier d'enseignant. Dès lors, nous assistons à la fois à la naissance de la pédagogie, mais aussi à la constitution d'une tradition pédagogique. Cette manière de faire l'école sera exportée, en Amérique et ailleurs dans le monde. Ce sont les communautés religieuses enseignantes qui, principalement, ont disséminé ce nouveau savoir-faire qui s'est rendu jusqu'à nous.12(*) La grande préoccupation de l'époque contemporaine est celle de  former la jeunesse en l'aidant à susciter elle-même ses énergies naturelles, mais sans la conditionner, sans la contraindre à l'intérieur des cadres et de formules figées, inspirée de nouvelles pédagogies, cette éducation vise la formation de personnes rationnelles i.e. capables de penser par elles-mêmes et dont les idées et actions s'appuient sur des raisonnements et connaissances valides.13(*)

    1.1.3. La philosophie de l'école africaine traditionnelle, coloniale et postcoloniale

    Une habile pédagogie conduisait les étapes de l'éducation traditionnelle. L'enfant était introduit à la sagesse par les contes, les proverbes, les légendes narrées à l'ombre d'un arbre. Dans certaines sociétés pour l'adolescent venait le temps de grandes initiations. De ces mois d'épreuves physiques et morales dans les lieux de réclusion, de cette formation de l'esprit et du caractère, des hommes devaient sortir, connaisseurs et dépositaires des rites et secrets de la communauté, et solidairement responsables de chacun de ses membres. À l'école d'initiation, l'adolescent apprenait les secrets de techniques, il s'élevait en sagesse et comprenait la loi intime du travail, la loi de l'homme. L'éducation traditionnelle était le bien commun de toute la société et nul enfant n'en était privé. Elle apprenait aux enfants à servir la famille, le clan et le groupe, à s'insérer dans le réseau social et à maîtriser les rites d'interaction, à perpétuer le clan.14(*) Elle avait lieu principalement dans le cadre de la vie et des activités quotidiennes des adultes. Elle était essentiellement fonctionnelle et ce de fait, les objectifs sociaux, la pédagogie et les instruments qui la rendaient possible étaient intimement liés.15(*)

    Cette éducation disparaît petit à petit à l'arrivée des occidentaux en Afrique, ceux-ci apporteront leur école pour coloniser plus. Dans notre pays, c'est en 1878 que l'école du type occidental fit son apparition à Palabala par les protestants. Il eut en 1880, deux écoles catholiques l'une à l'Est sur le lac Tanganika, l'autre à l'Ouest sur le bas-fleuve, à Boma plus précisément. Implantée par l'étranger, la nouvelle école provoqua dans la société congolaise un choc qui allait avoir des répercussions irréversibles sur le système éducatif ancien. Pendant de longues années, les populations nourrirent une méfiance instinctive à l'égard de cette école venue de l'occident. Les enfants comme leurs parents ne voyaient pas dans l'école ni intérêt religieux ni un moyen d'améliorer leur situation socio-économique. Toutefois, la situation de l'enseignement au Congo changea radicalement après la deuxième guerre mondiale. De 12 % entre 1930 et 1934, le taux de scolarisation passa, pour la période 1950-1954, à 37 % avec un pourcentage annuel d'augmentation de 6%.16(*) Pour KIMENA KEKWAKWA,

    « C'est pour avoir négligé la précaution de moraliser l'enseignement colonial qu'on a déconsidéré l'école en la faisant apparaître comme une fabrique de vauriens et de révoltés, maintenir la jeunesse indigène dans un stade intellectuel inférieur, le stade de l'instruction élémentaire, orientée vers des buts immédiatement pratiques et retarder les ravages sociaux qui sont le fruit naturel et fatal du développement illimité d'une instruction sans morale. Le but de cette éducation était aussi d'éviter les troubles politiques et sociaux »17(*).

    Pour Amener le colonisé à mieux servir les intérêts de la métropole, plusieurs reformes éducatives ont été mises en oeuvre lors de la colonisation au Congo-Belge, d'abord la réforme de 1929 qui fixant l'objectif de former des auxiliaires pour l'oeuvre d'évangélisation. Ensuite celle de 1938 ayant pour objectif de constituer un moyen suffisant d'améliorer les conditions de vie, celle de 1948 avait comme objectifs majeurs de préparer l'indigène moyen à réformer son milieu en se servant de ses intérêts et de ceux de la communauté et la sélection des éléments susceptibles de constituer une élite intellectuelle, tout en tenant compte des intérêts du colonisateur. Et enfin Celle de 1958 consiste en une adoption pure et simple des programmes métropolitains par toutes les écoles.18(*) C'est ce qui nous conduit à évoquer cette idée d'Illich : «  Dans les colonies, l'école inculquait aux classes dominantes les valeurs de la puissance coloniale et faisait peser sur les masses leur sentiment d'infériorité face à cette élite éduquée ».19(*)

    Après l'indépendance, le pays manqua les cadres formés pour promouvoir le développement et diriger les institutions étatiques. La mission de former des ressources humaines de qualité et en abondance, fut confiée à l'école. Pour la rendre capable d'assumer une telle mission, il fallait la réformer. Deux grandes idées dominaient au lendemain de l'indépendance : au plan juridique et structurel, l'enseignement colonial avec ses composantes d'écoles officielles, officielles congréganistes, libres subsidiées et écoles des sociétés, devenait l'enseignement national. Au plan pédagogique, la politique éducative devait se concentrer sur la formation des cadres moyens et supérieurs dont le pays avait besoin. Le maître-mot fut l'africanisation des structures administratives, des agents et des contenus de l'enseignement.20(*)

    La réforme de 1981 propose le profil de l'homme à former : « permettre à l'enfant de développer les valeurs intellectuelles, éthiques et spirituelles, notamment la conscience professionnelle, la compétence, l'esprit familial, la conscience nationale, le sens de solidarité et de dignité, le souci d'intégrité, de justice et de vérité, le respect de la personne humaine, de ses biens et de ceux de sa communauté. L'enfant congolais est appelé à être utile à lui-même et à la société, responsable vis-à-vis de lui-même et de la société ».21(*) Mais le jeune congolais est encore loin d'être éduqué ainsi.

    1.2. Inventaire des manifestations de la crise de l'éducation scolaire

    Nous abordons quelques points importants comme manifestations de la crise scolaire, nous analysons plus concrètement la mission et les finalités de l'école, le dysfonctionnement du système éducatif de notre pays et de la baisse de la qualité d'enseignement.

    1.2.1. La problématique de la mission et de finalités de l'école

    Le mot « crise » est certes galvaudé, mais il n'en demeure pas moins riche en connotations d'une rare pertinence pour qui se soucie d'éducation. Car il vient du grec krisis, qui signifie, jugement, décision, choix. Il implique une prise de conscience qui peut être salutaire et conduire au meilleur plutôt qu'au pire, pourvu que nous agissions en conséquence.22(*)

    Christian Laval distingue deux formes de la crise de l'éducation qui sont imbriquées l'une dans l'autre. La première crise est celle de la scolarisation de masse qui concerne le rapport entre les classes sociales et qui pose essentiellement une question d'égalité. La seconde est la crise de l'institution scolaire, qui concerne le rapport entre les générations et qui pose, elle, une question de réciprocité. La traduction pratique de cette analyse est que l'on ne réussira à réduire la crise d'égalité qu'en répondant à la crise de la réciprocité, et inversement.23(*) Et l'école même, ce lieu où les enfants se rendent quotidiennement pour apprendre, est désignée par un mot au destin bien étrange en fait :

    « Le grec scholè comme le latin schola ont pour sens premier le temps de loisir. Se souvenir que l'école est née du loisir est sans doute un moyen d'y retrouver la trace du plaisir et du privilège d'apprendre. Partant de loisir la schola devient le temps donné aux travaux d'esprit avant d'être le lieu réservé à l'étude. Au sens strict du terme elle est d'abord maternelle, puis primaire ou élémentaire, mais au-delà, elle devient collège puis lycée puis université. L'école désigne l'ensemble des institutions vouées à l'enseignement, quel qu'en soit le niveau ».24(*)

    Les finalités de l'éducation répondent à la question quel type d'homme voulons-nous former, elles sont définies par le pouvoir politique aidé par un comité d'éthique et un comité scientifique. Elles véhiculent des valeurs et justifient les objectifs de l'éducation. Le problème posé par les finalités de l'éducation, c'est qu'elles servent généralement d'alibi et non de directionnel à la formation. Les finalités de l'éducation fournissent les directionnels autour desquels devraient s'organiser tous les autres objectifs, mais trop souvent les enseignants oublient ces finalités pour s'attacher à l'atteinte d'objectifs spécifiques.25(*)

    D'aucuns estiment que nous devons éduquer l'enfant pour la société et d'autres voudraient que l'enfant soit éduqué pour lui-même, afin de lui permettre de s'épanouir. La première doctrine tend à être autoritaire, estimant qu'il faut forcer et presser l'enfant à acquérir l'éducation proposée. L'autre répond par contre, qu'il est injuste et dangereux de plier l'enfant à des normes qui ne sont pas les siennes, ce n'est pas former, mais déformer, former c'est respecter cette forme immanente à chaque enfant. Une société est en droit d'exiger de l'éducation qu'elle transmette à l'enfant ces valeurs sans lesquelles la vie sociale serait impossible. La force de cette conception est de montrer qu'en adaptant l'enfant et l'intégrant à la société, nous travaillons en même temps pour son bien. Pour la société ou pour l'enfant, il s'agit là d'une faute alternative. Entre l'individu et la société, il existe un troisième terme qui est l'humanité. L'enfant ne sera pas élevé pour qu'il demeure enfant, non plus pour en faire un travailleur et un citoyen, plutôt pour en faire un homme i.e. un être capable de communiquer et de communier avec tout ce qui est humain.26(*)

    Le Père Bernard ILUNGA distingue quatre raisons principales de la pratique éducative, la première est l'incomplétude fondamentale de l'homme visant à rapprocher l'homme de lui-même et en lui-même, i.e. le rendre un peu plus humain, sans devoir jamais réussir à le rendre totalement humain, car le totalement humain est d'ordre de l'espérance et de la grâce. La deuxième raison est que la plasticité de la nature humaine, la qualité humaine de l'homme n'est jamais préfabriquée en l'homme, elle est au contraire post-fabriquée et cela grâce aussi et en grande partie à l'activité éducative. La troisième raison est la conquête du bonheur en vue d'éclairer la liberté de l'homme et lui donner des raisons de choisir la route qui mène au bonheur social. La quatrième raison est l'existence du penchant au mal en l'homme, le penchant au mal peut faire échouer l'homme à s'élancer vers son humanité, vers le bonheur. L'éducation, se pose donc comme l'auxiliaire de la vocation à l'humanité, dans l'homme.27(*)

    Cette éducation est aujourd'hui systématisée par ce que nous appelons école. À ses débuts, l'école se présentait comme une simple maison d'accueil qui préparait les enfants des nobles à leur mission future de gouverner le monde. Mais en évoluant, l'école est devenue le creuset du savoir et de l'érudition pour la préparation de tous les futurs cadres à leur mission sociale orientée vers la promotion sociale intégrale. De la sorte, la société a considéré l'école comme la clé du progrès communautaire.28(*) Ainsi la société a trop attendu les fruits florissants de cette institution dans la mesure où, elle a cru que l'école était une institution puissante, capable de générer la promotion intégrale de l'homme et de traîner derrière elle toute la société pour la tirer de cette crise dont elle est victime. La société a tellement mystifié l'école qu'elle a même oublié que cette dernière était une émanation de cette même société et que, la vie de l'école non seulement dépendait de la société, mais elle partageait aussi les insuffisances de la société qui l'avait engendrée. Nous devons arriver à corriger cette idéalisation de l'école et du rôle qu'elle joue dans la société. La thérapie nouvelle consisterait à replacer l'école dans son contexte et à comprendre que nous ne pouvons avantageusement agir sur elle sans modifier avant tout, son contexte.29(*) Pourtant comme le dit Illich :

    « Le but de l'éducation publique devrait aboutir à créer une situation dans laquelle la société oblige chaque individu à faire l'inventaire et de soi-même et de sa pauvreté. L'éducation implique l'éveil d'une conscience vivante, à la fois de l'indépendance individuelle et d'une fraternité entre les hommes qui va de pair avec une découverte approfondie et une utilisation des connaissances accumulées dans la communauté humaine. Cela suppose au départ une place à l'intérieur de la société où chacun de nous s'éveille par surprise, qui doit être un lieu de rencontre où les autres nous surprennent par leur propre liberté qui nous rend conscients de la nôtre ».30(*)

    Pour Jacques Maritain, la tâche de l'éducation est de former un enfant déterminé appartenant à une nation donnée, à un milieu social donné, à un moment historique donné. L'éducation doit donc aider avant tout au développement dynamique par lequel l'homme se forme lui-même à être un homme, autrement dit de préparer l'enfant et l'adolescent à s'instruire pendant toute sa vie.31(*)

    1.2.2. Le dysfonctionnement du système éducatif

    En abordant ce deuxième point sur le dysfonctionnement du système éducatif, nous devons préciser que cette analyse ne se limite que sur le système scolaire de notre pays, question d'efficacité et de précision. Suite au dysfonctionnement remarquable, le système éducatif congolais mérite un véritable désir de réinventer une nouvelle éducation qui soit vraiment au service des hommes et des femmes en extirpant les racines des antivaleurs et de bien d'autres formes impudiques qui accompagnent ce système éducatif devenu un véritable aréopage d'aliénation et d'exploitation et traduisant un système éducatif mal en point.32(*)

    Cette analyse dénote un véritable décalage entre le système éducatif en vigueur et les exigences réelles de la vie en société, voire une fuite pure et simple devant l'impérieuse nécessité d'assumer la responsabilité d'éduquer.33(*) Ainsi la crise constatée dans plusieurs nations prouve à suffisance que l'enseignement étant premier créateur et pourvoyeur de connaissances demeure toutefois paradoxal, il n'a pas su dans l'ensemble jouer à l'égard de lui-même le rôle qu'il joue à l'égard de la société. Il n'a pas réussi à inculquer aux maîtres les connaissances et les méthodes nouvelles pour qu'ils les appliquent en classe, sans lesquelles l'écart actuel entre l'offre et la demande d'éducation ne pourra être réduit. L'enseignement se place ainsi dans une position assez ambiguë: d'une part, il exhorte chacun à se perfectionner, d'autre part, il semble répugner l'idée de moderniser son propre fonctionnement.34(*)

    La réalité de la politique congolaise traduit un besoin d'un autre système éducatif cohérent, orientant les enfants, les jeunes, les adultes vers les réalités du pays et leur apportant des connaissances générales et spécifiques, théoriques et pratiques qui leur permettront de gagner la vie et entrevoir l'avenir de la nation, d'où la redéfinition de l'école congolaise pour la nouvelle société. La nouvelle philosophie politique congolaise implique une nouvelle philosophie de l'éducation nationale, celle de fonder l'éducation congolaise sur des bases nationales selon les réalités, les besoins de la nation dans les différents domaines de ses secteurs vitaux et les orientations de l'État. L'école congolaise d'aujourd'hui doit être authentique, adaptée à la vie nationale et intégrée aux réalités et à la vision politique et éducative du pays. Bref, adapter les programmes de l'enseignement aux problèmes réels et ponctuels du pays.35(*)

    En outre, le profil de l'homme à former et la vision claire de quel type d'éducation et quel type de société veut la nation congolaise, ne sont pas clairement explicités. L'absence d'une politique rationnelle de gestion du patrimoine scientifique national, les articles des mémoires, les thèses de doctorat ne servent à rien si ce n'est qu'à orner nos bibliothèques, l'ouverture incontrôlée des écoles privées, parfois pour des raisons mercantiles, la paupérisation des enseignants sont des phénomènes qui gangrènent ce système sans politique éducative solide36(*). En ce qui concerne les impératifs pour l'avenir, le Professeur Chrysostome CIJIKA pense que « les systèmes éducatifs seront de plus en plus mal adaptés à leur environnement, à moins que les mesures beaucoup plus énergiques ne soient prises rapidement pour adapter le contenu des programmes et l'orientation des élèves aux exigences du marché du travail et au cadre différent dans lequel vivront demain les élèves d'aujourd'hui ».37(*)

    Une acquisition quelconque, faite à l'école, qui disparaît plus vite qu'elle n'est venue, est nulle et non avenue même si les défenseurs de l'école se consolent en pensant que la culture est ce qui reste quand ils ont tout oublié. Si nous voulons mesurer l'effet d'un système d'enseignement et de formation, il faut que nous commencions de toute nécessité par mesurer les effets à long terme de ce système. Les systèmes actuels d'examens qui le plus souvent ne mesurent rien du tout, les études docimologiques en font foi, et de toute façon, ne mesurent qu'à court terme et par-dessus le marché mesurent des connaissances que le candidat s'est préparé à montrer, i.e. qu'il s'empressera d'oublier quand il les aura montrées.38(*)  Le système scolaire moderne, affirme Illich, est un destructeur universel d'âme qui met la majorité au rebut et endurcit une élite appelée à la gouverner. Ils reconnaissent dans le système scolaire un mal.39(*)

    1.2.3. La baisse du niveau de l'enseignement moderne

    Nous développons ici quelques facteurs qui montrent que la qualité de l'enseignement rd-congolais est au rabais. Plusieurs facteurs démontrent la baisse de la qualité d'autant plus que la loi-cadre régissant la législation scolaire souffre suite aux tergiversations politiques. Le pays devrait plus se soucier de la qualification des agents oeuvrant dans la planification de l'éducation, car le besoin des populations est supérieur à l'offre. Le taux moyen calculable des enfants scolarisables et scolarisés dans le cadre du diagnostic de la disparité inter-régionale est supérieur à la capacité des écoles existantes, Les infrastructures et le matériel scolaires surtout en milieux ruraux sont délabrés et sous-équipés, La création des écoles semblables aux domiciles privés sans cour de récréation, avec des salles de classe à dimension économique, la sous-qualification professionnelle de certains agents, le favoritisme dans l'engagement du personnel scolaire ne favorisent pas un enseignement de qualité.40(*)

    La corruption a pris de l'ampleur dans nos écoles, l'intelligence et l'application aux leçons ne sont plus le seul moyen de réussir ; car l'on peut tricher lors des interrogations et des examens, comme l'affirme Martin EKWA :

    « sous l'oeil complice du surveillent entretenu, des enseignants qui exigent de l'argent ou des biens aux élèves, condition de réussite, ou même des élèves qui font offre pour réussir, le trafic d'influence de la part de certains parents ou le recours à des libéralités sont aussi des moyens pour s'assurer la réussite des enfants, des enseignants subordonnent la réussite des jeunes filles aux abus sexuels ; en sens inverse, ces dernières, connaissant le système en font l'offre, des gestionnaires d'écoles et des professeurs exigent des finalistes des sommes d'argent en vue de motiver les inspecteurs chargés des examens d'Etat, de négocier avec eux la réussite de leurs élèves, des enseignants accordent les meilleures notes aux élèves recommandés, membres de famille d'amis, de parents ; l'école délivre des bulletins, parfois avec la complicité des parents, à des élèves déficients, et même à ceux qui n'ont pas fréquenté l'institution. Un diplômé de secondaire s'exprimait correctement dans la langue de l'enseignement, aujourd'hui, seuls les jeunes de bonnes écoles le peuvent encore »41(*).

    La corruption est institutionnalisée depuis l'école jusqu'aux différentes institutions de la société, l'école rend la société corruptrice. La baisse de la qualité de l'enseignement est due aussi à la conscience erronée de certains enseignants formés eux-mêmes dans une moule bardée d'antivaleurs, ainsi l'école perpétue l'incompétence et la corruption dans la société tout entière. Les principes de la psychopédagogie souffrent de non application rationnelle dans le fonctionnement de certaines écoles, l'insuffisance de manuels scolaires, du matériel d'enseignement, des laboratoires, des ateliers, des centres d'application, l'inadaptation des stratégies didactiques utilisées par nos enseignants aux réalités logistiques et démographiques de notre société , ayant comme conséquence la surproduction intellectuelle non compétitive, avec moins de vertu civique, beaucoup de difficultés d'intégration sociale et professionnelle.42(*)

    1.3. Les constats illichiens de la crise de l'éducation scolaire

    Illich préconise la fin de l'ère scolaire qui arrivera selon lui, à tout prix, il constate également que l'école obligatoire nuit à la liberté de s'éduquer convenablement et il donne quelques faits qu'engendre l'école, c'est de cela qu'il est question ici.

    1.3.1. La fin de l'ère scolaire

    Pour Illich, les institutions scolaires sont arrivées à une période de crise qui pourrait bien annoncer la fin de l'ère scolaire, commencée à peine deux siècles, l'ère scolaire a donné l'idée selon laquelle l'enseignement était indispensable pour devenir quelqu'un d'utile dans la société. S'adressant aux étudiants de l'université de Porto Rico, Illich disait :

    « Votre génération doit détruire ce mythe, Parvenus au terme de vos études, vous êtes à même de voir que l'éducation que vos enfants méritent et qu'ils réclameront exige une révolution au sein de cet enseignement dont vous êtes issus... La distinction que l'université aujourd'hui vous confère suppose que pendant seize années ou plus, vos aînés vous ont soumis, que vous le vouliez ou non, à la discipline d'un rite scolastique complexe. Vous avez fidèlement pénétré, cinq jours par semaine, neuf mois par an, dans l'enceinte sacrée de l'école et vous avez continué de le faire, année après année, sans jamais renoncer ...  vos années de jeunesse se sont passées en grande partie sous la garde de l'école ».43(*)

    La doctrine fait de l'éducation un produit de l'école, défini par les chiffres ; chiffres qui indiquent le nombre d'années passées sous la tutelle des professeurs, chiffres des réponses exactes données dans les examens. À l'obtention du diplôme, le produit de l'enseignement acquiert une cote sur le marché. La scolarité, en elle-même, garantit l'appartenance à la communauté de consommateurs disciplinés de la technocratie. Le pouvoir du diplôme s'est accru si rapidement que les pauvres attribuent leur misère au fait qu'ils n'en ont pas.

    Nous ne pouvons plus concevoir la vie sans penser à l'école, le désir de l'éducation ne nous anime plus, nous croyons à la nécessité de l'enseignement. Illich nous invite à trouver des solutions nouvelles au problème de l'éducation qui mettront un terme à l'ère de l'école. L'école est devenue accréditée, obligatoire, intouchable et universelle. Nous devons remplacer les valeurs anachroniques de la souveraineté nationale, de l'autarcie industrielle et du narcissisme intellectuel et culturel, dont sait si bien accommoder le reste en un méchant ragoût que nous ne pouvons éduquer que dans l'enceinte sacrée de l'école.

    Illich pense que les générations futures vivront dans une île où aucune importance ne sera accordée à l'assiduité scolaire, si les étudiants eux-mêmes prennent la responsabilité de cette tâche sans craindre d'être condamnés comme hérétiques ou comme éléments subversifs. C'est cela qui conduit notre auteur à espérer qu'à la fin de ce siècle, ce que nous appelons aujourd'hui école ne sera plus qu'une relique du passé ; que cette institution triomphante à l'époque du chemin de fer, puis à celle de l'automobile, sera comme eux en voie de disparition. Nous combattons, maintenant au nom de l'éducation contre un corps enseignant qui représente, qu'il veuille ou non, un intérêt économique44(*).

    Dans le monde moderne, le professeur a perdu le monopole de la transmission des connaissances. Il est concurrencé par tous les grands types de communication et d'information. Le maître était autrefois le canal privilégié du savoir et de la culture. Il n'est plus aujourd'hui qu'un canal parmi tant d'autres. Comme l'institution scolaire qui a émergé dans les dernières décades du XIXe siècle est frappée au coin de ses conceptions éducatives en adoptant l'idée pessimiste de l'enfant naturellement méchant et pervers ; l'institution scolaire constitue un monde bardé d'interdits. Pour faire respecter la discipline scolaire, il y a les surveillants tristes individus coincés, comme les sous-officiers de l'armée, entre les élèves qui se moquent d'eux.45(*) La crise du système scolaire est une indication très claire d'un phénomène mondial : « Les sociétés qui restent attachées à la scolarisation universelle et obligatoire insistent sur une entreprise frustrante et toujours plus insidieuse qui multiplie les ratés et les infirmes ».46(*)

    1.3.2. L'anti-enseignement obligatoire

    Il nous revient de combattre l'école publique et gratuite au nom de la véritable égalité des chances devant l'éducation. La jeunesse veut des institutions éducatives qui lui assurent vraiment l'éducation. Elle n'a pas besoin, elle ne veut pas de soins maternels, de certificats de garantie, ou d'endoctrinement. Il est évidemment difficile d'obtenir une éducation dans une école qui refuse d'éduquer sans exiger de ses élèves qu'ils se soumettent, à la fois, à sa surveillance, à une compétition stérile, à sa doctrine. Il est tout aussi difficile de financer un enseignement et un enseignant qui représente en même temps le tuteur, le conseiller, l'arbitre, le garant et l'inventeur des programmes. C'est faire preuve d'un manque d'économie que de combiner ces fonctions dans une institution unique.

    C'est précisément parce que ces quatre fonctions souvent contraires sont associées, que le coût de l'éducation acquise à l'école augmente. Il nous revient de créer des institutions qui offrent à tous l'éducation à un coût acceptable, ne dépassant pas les possibilités d'investissement public. Il faudrait que nous ne ressentions plus la nécessité de l'école, et cette acquisition d'une maturité plus grande lui permettra alors de financer l'éducation pour tous et d'accepter des formes nouvelles d'éducation. Il n'y a pas de raison fondamentale qui interdise l'acquisition d'une éducation plus convaincante dans le cadre familial, professionnel et communautaire, ainsi que dans des bibliothèques d'un modèle nouveau et dans les centres fournissant les moyens d'apprendre.47(*)

    L'enseignement de nos jours comporte l'obligation d'assister une bonne partie de l'année à différentes classes à raison de plusieurs heures par jour. Et cela est imposé à tous les citoyens pour une période qui s'étend sur dix à dix-huit années ; si bien que l'école divise l'existence en deux périodes distinctes, qui tendent de plus en plus à être de longueur comparable. L'école implique une sorte de détention des êtres jugés indésirables ailleurs pour l'excellente raison que l'école a été faite pour les servir. L'État donne aux enseignants, les missionnaires de l'évangile scolaire, le pouvoir d'inventer de nouveaux critères qui permettront de confier aux bons soins de l'école des fractions encore plus importantes de la population. L'école sélectionne ceux qui sont destinés à réussir et leur accorde avant de les lancer dans la vie un insigne qui témoigne de leur aptitude. Une fois que l'éducation a été reconnue comme le signe de reconnaissance des membres à part entière d'une société la compétence se mesure par l'argent dépensé et au temps consacré à cette éducation, et la société ne tient pas compte des connaissances acquises indépendamment des programmes d'études marqués du sceau de l'orthodoxie. 48(*)

    Le penseur de l'anti-enseignement obligatoire, précurseur de Ivan Illich, Paul Goodman pense que la réaction de désertion scolaire est normale et que c'est l'école qui est désertée qui est bel et bien anormale :

    « Pendant dix ou treize ans, chaque jeune est contraint de rester assis la meilleure partie de sa journée dans une salle presque toujours bondée, face au tableau, pour suivre des cours prescrits par une administration lointaine et sans rapport avec ses intérêts à lui, intellectuels, sociaux, biologiques ou même économiques. C'est que l'école obligatoire n'est qu'une promesse frauduleuse ; elle prétend donner l'instruction et l'accès aux métiers lucratifs, mais elle sélectionne une petite élite au profit des grandes firmes, alors que les autres auront perdu leur temps et leurs efforts pour être finalement éliminés. L'école ne sert alors qu'à préserver l'ordre social contre la jeunesse. L'école élémentaire est une coûteuse garderie, l'enseignement secondaire et collégial un camp de concentration qui, par sa discipline et ses lavages de cerveau, allège la tâche de la police. L'école obligatoire n'est finalement qu'un piège universel ».49(*)

    L'existence même de l'école obligatoire divise toute société en deux catégories, Certaines périodes, certaines méthodes, certaines professions sont dites académiques ou pédagogiques, d'autres ne le sont pas. Ainsi, le pouvoir de l'école de distinguer entre deux réalités sociales est bientôt sans limites : l'éducation se situe à l'écart du monde, tandis que le monde ne possède aucune valeur éducative. Le système de la scolarité obligatoire, s'il conduit inévitablement à une ségrégation au sein de la société, permet également une sorte de classement entre les nations. Ainsi s'établit une véritable hiérarchie internationale, où chaque caste fonde sa dignité sur le nombre d'années de scolarité défini par ses lois. Les établissements d'enseignement nous conduisent à une situation paradoxale : il leur faut sans cesse plus d'argent, et cette escalade budgétaire ne fait que renforcer leur puissance de destruction à la fois dans les pays qui consentent à ces dépenses accrues et, par contagion, sur le plan international.50(*)

    1.3.3. Les méfaits de l'école

    Comme l'affirme mieux OKOLO OKONDA, L'école, le lieu de l'entrée de l'enfant dans l'univers de la rationalité moderne, au lieu d'être un lieu de formation, est plutôt le lieu de déformation. Elle a tendance à créer un homme artificiel détaché de la vie et de l'existence.51(*) La démocratisation de l'enseignement, objectif annoncé par la plupart des gouvernements depuis plus de cinquante ans, est un mythe, et que l'école, malgré les bonnes intentions des hommes politiques, des responsables du ministère et des enseignants ne peut pas tenir ce gage. L'école n'est pas non plus méritocratique même si elle permet, par l'intermédiaire des bourses, la promotion de certains élèves méritants des classes défavorisées. Elle favorise outrageusement les héritiers car elle reproduit voire amplifie les différences sociales, provoque l'échec scolaire des plus défavorisés par l'intermédiaire de la violence symbolique, et surtout, crée des gagnants et des perdants, or un des effets dévastateurs de l'échec scolaire est de convaincre les perdants de leur indignité. L'école fonctionne en donnant bonne conscience au vainqueur52(*) et mauvaise conscience au vaincu,53(*) pour cela, nous disons que le premier méfait de l'école est qu'elle est injuste alors qu'elle se prétend être juste. Denis Kambouchner aborde également la thématique de l'école juste. Sa thèse est que l'école juste est celle qui remplit au mieux les quatre fonctions suivantes : accueillir les élèves ; les nourrir d'un enseignement substantiel ; exiger d'eux des conduites propres à assurer la vie en commun et l'étude ; décider au vu des résultats : orienter, certifier.54(*)

    Une école juste serait une école qui n'humilierait pas les vaincus, une école qui doterait chaque élève des connaissances et compétences nécessaires pour vivre sereinement de son travail dans notre type de société. Curieusement, certaines personnes qui n'ont pas fait les grandes écoles, ni l'université, et qui n'ont obtenu que des diplômes peu valorisés sur le marché du travail, créent leur entreprise, la développent et vivent de manière tout à fait satisfaisante. Cela signifie qu'elles développent des compétences que l'école n'a jamais reconnues, mais que la vie valide fort heureusement.55(*)

    Il semble bien que, malgré ses tentatives d'ouverture, d'emblée l'école constitue un monde à part, séparé du monde de la production. Depuis que le travail des enfants est interdit, elle est devenue le seul lieu de travail licite des enfants. La vie quotidienne, les divers moyens de communication viennent se situer en complémentarité ou en concurrence avec l'école. La concurrence peut se marquer paradoxalement par un emprunt du vocable, lors que la vie devient à son tour une école. Et si cette école de la vie, qui fonctionne comme une école parallèle, est parfois pensée comme plus efficace que l'école, c'est parce que l'école est souvent ressentie comme ennuyeuse au point que l'adjectif scolaire prenne le sens péjoratif de ce qui est laborieux, fastidieux, coupé de la vie et si cet adjectif est souvent neutre, il n'est jamais positif ou laudatif :

    « L'école en arrive même à être pensée comme repoussoir, lorsqu'elle devient école-caserne où l'on dresse plus qu'on n'éduque, où l'on conditionne plus qu'on ne libère, où l'on apprend à obéir plus qu'à agir, où l'on demeure soumis et révolté, au lieu d'être maître de soi et respectueux des autres. D'où le rêve de certains, de voir se profiler une société sans école, mais où paradoxalement tout serait école, où tout pourrait être l'occasion d'échanges de savoir ».56(*)

    Il est difficile maintenant de dénoncer l'école en tant que système parce que nous y sommes trop habitués. L'enseignement classe et par là déclasse, en même temps il se charge de convaincre les déclassés qu'il leur faut se soumettre, car c'est par l'intermédiaire de l'école que l'on parvient au rang d'adulte dans la société. Ce que l'école enseigne aux citoyens, c'est de rester à leur place assignée. Les écoles permettent à ceux qui ont pris un bon départ de justifier rationnellement leur réussite.57(*) Elle apprend à confondre enseigner et apprendre, à croire que l'éducation consiste à s'élever de classe en classe, que le diplôme est synonyme de compétence.58(*) Selon l'analyse de John Holt, l'une des raisons pour lesquelles l'école est rarement bénéfique aux enfants mais leur est par contre presque toujours nocive, c'est qu'ils n'expérimentent aucune rencontre réelle avec leurs professeurs. Les professeurs ne sont pas eux-mêmes, ils jouent un rôle. Ils ne parlent pas de leur réalité, ce qu'ils savent, de ce qui les intéresse, de ce qu'ils aiment, mais seulement de ce que prévoient les programmes et les livres du maître, Ils ne réagissent pas naturellement, avec franchise, ni aux actions ni aux besoins des enfants, mais en fonction des réactions dictées par des règles.59(*)

    Conclusion

    En conclusion, le premier point de ce chapitre a abordé l'aspect historique en cherchant à déterminer la philosophie de l'école conçue par les différentes époques. Ainsi pour l'antiquité grecque, l'éducation est passée d'une entreprise familiale et du milieu social quotidien en une éducation organisée et consciente, poursuivant un but et ayant comme professeurs les sophistes qui enseignent une culture générale, avec comme finalités de savoir comment penser, comment vivre, comment parler. L'époque médiévale quant à elle a établi l'école comme un milieu moral organisé. Sa philosophie était la conversion religieuse. L'éducation de la Renaissance vise la libération de l'homme, la réalisation d'un idéal d'action combiné à un idéal de connaissance et stimuler les apprenants aux découvertes et aux inventions.

    Le deuxième point qui a traité de l'inventaire des manifestations de la crise scolaire, a commencé tout d'abord par analyser la problématique de la mission et des finalités de l'école qui nous amène à constater que l'école en Afrique n'a pas encore atteint son but de clé du progrès communautaire. Ensuite, nous y avons présenté le dysfonctionnement du système éducatif qui garde un décalage entre celui-ci et les exigences réelles de la vie de la société africaine et enfin la baisse du niveau de l'enseignement moderne ayant comme base la corruption et le mauvais fonctionnement des institutions scolaires africaines suite aux moyens insuffisants.

    Le troisième point qui a étalé les différents constats illichiens de la crise scolaire s'est d'abord penché sur la crise de l'ère scolaire prônée par Illich, ensuite sur l'anti-enseignement obligatoire qui n'est qu'une imposition qui divise l'existence humaine en deux périodes distinctes et enfin les méfaits que relève Illich engendrés par l'école qui au lieu d'être un lieu de formation est devenue le lieu de déformation. Ces analyses nous permettent d'amorcer le deuxième chapitre qui examine en détails la conception éducative illichienne.

    CHAPITRE DEUXIÈME : ANALYSE CRITIQUE ILLICHIENNE DE LA CRISE DE L'ÉDUCATION SCOLAIRE

    2.0. Introduction

    Le deuxième chapitre de notre travail est une analyse de la crise scolaire telle que conçue par Ivan Illich. Ce chapitre développe les aspects importants de la conception illichienne et aboutit à la solution que l'auteur prône : la déscolarisation de la société et l'adoption d'une éducation conviviale. Pour mieux présenter ces éléments qu'évoque notre auteur, nous préférons le subdiviser en trois principaux points et chaque point en trois sous-points. Le premier point intitulé analyse de l'institution scolaire et de sa mission sociale, traite d'abord du rapport entre école et politique, ensuite de la problématique entre l'école et l'éducation et enfin de l'école et la société.

    Le deuxième point se penche sur le monopole de l'école sur l'humanité, les trois axes de ce point élucident la manière dont l'école est considérée dans la conception illichienne comme monopole de l'humanité, car l'école est devenue non seulement la religion du monde moderne mais aussi l'aliénation du monde et surtout des nations pauvres. Le troisième et dernier point de ce chapitre illustre quelques pistes de solutions telles que proposées par Illich en parlant des caractéristiques de la société déscolarisée et des réseaux éducatifs qui constituent l'éducation conviviale. Voilà d'une manière laconique les grandes idées qui constituent ce chapitre et que nous développons dans la suite.

    2.1. Analyse de l'institution scolaire et de sa mission sociale

    Ce premier point établit les différents liens existant entre l'école et les trois entités importantes selon Illich, qui sont : la politique, l'éducation et la société.La politique parce qu'elle est la base sur laquelle repose toute éducation ; l'éducation par ce qu'Illich constate qu'il y a confusion entre école et éducation et ainsi il en établit nettement la différence ; la société parce que sans elle, il n'y a pas d'éducation. Ainsi toute éducation doit être en conformité avec la communauté dans laquelle elle émerge.

    2.1.1. L'éducation scolaire et la politique

    La crise de l'éducation scolaire n'est pas seulement une affaire interne de l'école, elle concerne bien aussi beaucoup plus d'aspects de la société et plus particulièrement de la politique dont elle dépend ; c'est pour cette raison qu'Illich pointe la politique comme l'un des éléments qui contribuent à ladite crise. Nous devons d'abord être conscients que l'éducation est toujours envisagée en fonction d'une politique, c'est en ce sens que le philosophe Olivier REBOUL affirme que l'éducation est inséparable de la politique i.e. de la vie de la cité, des rapports économiques et sociaux qui la constituent et de la forme du gouvernement dont elle dépend, toute éducation dépend d'une option politique, qu'il s'agisse des méthodes, des programmes, de la sélection et de ce que la société attend de l'éducation. Ainsi l'éducation n'est jamais vraiment neutre, elle est la réalité politique la plus importante puisque, par elle, la génération d'aujourd'hui forme celle de demain.60(*)

    Mais cette école qui est sous la dépendance politique est en état critique. Pour Illich, elle n'arrive plus à accomplir sa mission du bien-être social : « l'école est en butte à des critiques multiples parce qu'elle est devenue un problème social ».61(*) Le gouvernement politique n'assure plus l'éducation suite aux problèmes politiques. L'école coûte cher, trop cher pour l'État et la société, elle coûte trop cher par rapport au nombre d'enfants que le budget national d'éducation permet de scolariser. Les problèmes politiques proviennent aussi de l'école actuelle. En effet, « l'État a consacré l'école en une religion moderne et y envoie des enseignants pour assurer les rituels et les cérémonies devant conduire les fidèles à la promotion sociale ».62(*) En considérant ces propos, nous pouvons croire à l'inutilité du rapport éducation-politique ; Or, croire à l'indépendance de l'éducation et l'instruction par rapport à la vie politique d'une nation est illusoire. L'État exerce un monopole sur l'éducation qui représente non seulement la dépendance du système scolaire par rapport à une politique gouvernementale, mais aussi son aspect uniformisé, planifié. Le gouvernement est le financier, le gestionnaire, le promoteur de l'instruction et de l'éducation.63(*)

    Toutefois, toute innovation en matière d'éducation suppose un changement complet, dans le domaine politique, en matière d'organisation de la production, et dans l'idée que l'homme se fait de lui-même : celle d'un animal à qui l'école est nécessaire. 64(*)Hannah Arendt quant à elle, tout en reconnaissant le rôle de l'État vis-à-vis de l'éducation, nous met en garde en affirmant que nous devons fermement séparer le domaine de l'éducation des autres domaines, et surtout celui de la vie politique et publique. Pour elle, l'éducation ne peut jouer aucun rôle en politique, car elle s'adresse toujours à ceux qui sont déjà éduqués, quiconque se propose d'éduquer les adultes se propose en fait de jouer les tuteurs et de les détourner de toute activité politique.65(*)

    Mais, traitant de la discrimination raciale dans les écoles américaines, elle reconnaît àl'État le droit et le devoir d'une politique scolaire : «le droit du corpspolitique de préparer les enfants à accomplir leurs futures tâches de citoyens »66(*). Mais, en fait, la thèse d'Arendt, affirme Laurent COURNARIE, est assez classique : elle consiste àdire que si l'éducation a une portée politique, son contenu ne l'est pas et ne doit pas l'être. Ce quiest politique dans l'éducation, c'est l'apprentissage du monde i.e. la transmission de la culture requiseà l'exercice de la capacité politique. La citoyenneté est la fin et non le contenu de l'éducation.Il suffit de donner les moyens d'une appropriation de la culturepour que l'éducation remplisse safonction politique.67(*) Puis qu'il s'agit d'une matière publique, nous dit Maritain « l'État ne peut s'en tenir à l'écart, et son aide comme sa supervision seront par conséquent requises. Mais cela doit s'accomplir dans la liberté et pour la liberté, et la relation entre l'État et l'école doit être correctement comprise ».68(*)

    Cette liberté constate Illich n'existe pas entre école et politique, raison vive pour laquelle, il plaide pour la séparation de l'État et de l'école, et par là nous mettrons fin à un système où le préjugé et la discrimination bénéficient du soutien de la législation :

    « Le démantèlement de l'institution scolaire passe par la promulgation de lois interdisant toute discrimination à l'entrée des centres d'études liée au fait que le candidat n'aurait pas suivi préalablement quelque programme d'enseignement obligatoire. Certes, cette garantie légale n'exclurait pas la possibilité de périodes d'essai lorsqu'il s'agirait de remplir telle fonction ou tel emploi spécifique. Elle devrait, par contre, supprimer l'avantage absurde dont bénéficie celui qui justifie d'études exigeant une part trop importante des ressources publiques ou, pire encore qui se pare d'un diplôme qui n'a aucun rapport avec une qualification précise ou un emploi quelconque. L'État doit protéger le citoyen contre l'impossibilité éventuelle de trouver du travail par suite du jugement de l'école à son égard, et par là on pourrait le libérer de l'emprise psychologique de cette dernière »69(*).

    Abolir toute discrimination dans l'éducation est une affaire bien complexe qui implique toute une société, pour cela nous devons distinguer nettement deux aspects importants, l'éducation et l'école qui n'ont pas la même valeur.

    2.1.2. La problématique du rapport entre école et éducation

    Dans l'analyse de la crise scolaire, Illich traite du rapport entre école et éducation, car il a constaté que l'école est une institution fondée sur l'axiome que l'éducation est le résultat d'un enseignement. La sagesse que nous tenons de l'institution continue de faire sienne ce précepte en dépit des preuves accablantes du contraire. Nous devons distinguer formellement l'école de l'éducation ; l'école n'est pas égale à l'éducation, elle n'est qu'une composante de celle-ci, qui peut d'ailleurs disparaître et être remplacée par d'autres formes d'éducation. Cela amène Illich à s'interroger sur l'apprentissage de nos connaissances : « Où avons-nous donc appris la plus grande part de ce que nous savons ? »70(*) Illich répond sans beaucoup de détours en disant que « c'est en dehors de l'école, que tout le monde apprend à vivre, apprend à parler, à penser, à aimer, à sentir, à jouer, à jurer, à se débrouiller, à travailler.».71(*)

    Pour le polyglotte autrichien, l'école n'apprend pas assez parce que le maître de l'école assume des charges contradictoires. Il est tout à la fois gardien, prédicateur et thérapeute. Dans chacun des trois rôles qu'il assume, l'enseignant fonde son autorité sur une prétention différente. En sa qualité de gardien de l'institution, son travail consiste, tel un maître de cérémonie, « à guider ses élèves dans le dédale d'un rituel interminable, à veiller à l'observance des règles, à leur faire subir les différentes épreuves de l'initiation à l'existence ». En sa qualité de censeur des moeurs, il se substitue aux parents, à Dieu ou à l'État et se charge « de l'endoctrinement, instruisant des bonnes et mauvaises façons de se comporter, non seulement à l'école, mais dans la société tout entière. Il tient ce rôle in loco parentis face à chacun de ses élèves et garantit, en conséquence, que tous se sachent des enfants, membres de la même espèce ». De par sa troisième fonction, celle de thérapeute, il se croit autorisé  à examiner et à connaître la vie personnelle de chacun.72(*)

    Il est paradoxal de vouloir prétendre qu'une société libérale puisse se fonder sur le système scolaire que nous connaissons aujourd'hui. Dans la mesure où l'enseignant réunit les fonctions de juge, d'idéologue et de médecin des âmes, c'est le style de la société qui est perverti par la méthode de préparation à l'existence. Ces trois pouvoirs détenus par le maître contribuent à fausser l'esprit de l'élève, plus encore que les lois qui le mettent en tutelle.73(*) À l'école, nous apprenons qu'une bonne éducation est le fruit de l'assiduité, que sa valeur ne peut que s'accroître en fonction de la durée de notre présence, qu'enfin cette valeur est mesurable et qu'elle est garantie par les soi-disant examens et diplômes. C'est ici que se placent toutes les choses que nous apprenons qu'en vue d'un futur examen ou pour les oublier ensuite, in futuram oblivionem74(*), Kant nous dit que nous ne devons occuper la mémoire que de choses dont nous sommes intéressés à conserver et qui ont rapport à la vie réelle.75(*)

    À ce propos, Illich affirme que l'apprendre est de toutes les activités humaines celle qui requiert le moins l'intervention d'autrui et se prête le moins à la manipulation ; nous ne tenons pas notre savoir, à proprement parler, de l'instruction imposée. La meilleure façon d'apprendre, pour la plupart des êtres humains, c'est cet accord avec les choses et les êtres, tandis que l'école les force à confondre le développement de leur personnalité et de leurs connaissances avec une planification d'ensemble qui permet la manipulation de l'élève.76(*) L'intelligence humaine n'est jamais passive, elle est en perpétuelle activité, délicate, réceptive, sensible aux stimulations. L'intérêt d'un sujet, l'éveil de l'élève et le potentiel vital d'un enseignement doivent être mis en valeur pour un enseignement digne de ce nom. Il n'y a qu'un sujet d'études au bout du compte, et c'est la vie dans toutes ses manifestations,77(*) comme le dit mieux Lê Thành Khoi :

    « L'erreur la plus grave a été d'établir une fausse identité entre enseignement et formation : l'enseignement du savoir n'est qu'une partie, et pas toujours la plus importante, de la formation qui doit viser à rendre l'élève apte à l'action, l'éducation qui joue un rôle fondamental dans l'évolution de toute société a pour mission, plus encore que de diffuser des connaissances, de répandre une volonté de changement et de diffuser les qualités indispensables à l'action sur le milieu, Entreprise dans l'enthousiasme, poursuivi dans le doute, aujourd'hui remise en cause, la politique de l'enseignement est loin d'avoir eu les effets bénéfiques qu'en escomptaient les nations qui accédèrent à l'indépendance dans les années 1960 ».78(*)

    L'éducation est un processus de vie et non une préparation à la vie future. Tandis que l'école devra représenter la vie présente, vie aussi réelle et vitale pour l'enfant que celle qu'il mène à la maison dans son quartier ou sur le terrain de jeu, la société pourra s'organiser et se former d'une manière plus ou moins fortuite au petit bonheur la chance. Mais par l'éducation la société peut formuler ses propres fins, organiser ses propres moyens et ressources et se façonner ainsi dans la direction où elle désire aller.79(*)L'école ne doit plus rester monopole de l'éducation, surtout chez nous en Afrique où l'école est inexistante dans certains milieux ruraux. Il est temps d'organiser d'autres formes d'éducation adaptées pour ces milieux défavorisés, c'est en ce sens que le professeur Chrysostome CIJIKA plaide pour un autre type d'enseignement parce que l'école pour tous ne réussit pas pourtant à éduquer tout le monde. Ainsi il s'interroge si nous devons continuer à nous enfermer dans l'alternation, l'éducation scolaire ou rien, pour cela l'éducation non formelle doit être mise en valeur. Il n'est pas question de dresser l'éducation non scolaire contre l'école, mais, en l'absence de l'école, nous devons trouver d'autres alternatives.80(*) Le fait que l'école rend l'éducation légitime tend à faire de toute éducation extra-scolaire un accident, si non une véritable atteinte à la légalité. La véritable école est celle qui est en réelle correspondance avec les réalités de sa société.81(*)

    2.1.3. La problématique du rapport entre l'école et la société

    En examinant la problématique du rapport entre école et société, nous voulons savoir en quoi la société contribue à la crise de l'éducation scolaire. En nous appuyant sur John Dewey à ce propos, nous pouvons lui prêter ces paroles qui s'annoncent comme suite : « l'école est essentiellement une institution créée par la communauté pour maintenir la vie et favoriser la prospérité sociale »82(*), Or l'école ne peut être qu'en crise quand toute la société dans laquelle elle émerge est en pleine crise. Jacques Julliard n'a-t-il pas dit que : « l'affaissement continu de l'école n'est que le signe le plus visible, le plus scandaleux, d'un effondrement spirituel de notre société ».83(*) C'est cette société qu'Illich conçoit comme immature et qui doit parvenir à la maturité, pour dépasser sa propre enfance, c'est seulement dans cette condition qu'elle deviendra vivable pour les jeunes. Nous ne pouvons plus conserver longtemps cette séparation tranchée entre une société adulte qui se prétend humaine et un milieu scolaire qui tourne la réalité en dérision. Que l'institution scolaire disparaisse, et il sera possible de ne plus favoriser un âge aux dépens des autres.84(*)

    En classe, les enfants sont tenus à l'écart de la réalité quotidienne de la culture, Ils vivent dans un milieu beaucoup plus primitif, magique et d'un sérieux mortel. L'école ne saurait créer une telle enclave, où les règles de la vie ordinaire n'ont plus cours, si elle n'avait pas le pouvoir d'incarcérer les jeunes plusieurs années de suite sur son territoire sacré. À ce sujet, l'apôtre de Cuernavaca affirme que :

    « Cette obligation de la présence change la salle de classe en une sorte de matrice magique, dont l'enfant renaît périodiquement chaque fois que s'achève le jour de classe ou l'année scolaire, jusqu'à ce qu'il soit enfin rejeté dans le monde des adultes. Ni cette enfance interminable ni l'atmosphère étouffante de la salle de classe ne pourraient exister sans les écoles. Cependant, ces dernières, en tant que seuls organes de transmission du savoir, pourraient exister tout aussi bien sans leurs salles de classe ou sans soumettre les enfants aussi longtemps à leur loi, et devenir plus répressives et plus destructrices que toutes les institutions que nous avons connues jusqu'alors. »85(*)

    Il faut avouer sans ambages que l'instituteur scolaire, au moins en certains coins du monde, en Afrique tout particulièrement, a failli à sa vocation qui est de suppléer le milieu familial pour aider et préparer l'enfant, pour le rôle qu'il va jouer dans la société. L'école a failli à sa vocation, quand les examens sont considérés tout à fait abusifs et déplacés par lesquels elle déclare certains élèves dignes d'étudier davantage ou d'apprendre un métier, dignes de vivre et déclare d'autres indignes et par conséquent bons pour la rue et la misère. Yves-Emmanuel Dogbé illustre cet échec scolaire tant décrié par rapport à son rôle dans la société, l'éducateur scolaire continue à exiger à l'ensemble des élèves, par un enseignement trop dogmatique et encyclopédique, d'égales qualités intellectuelles, en masquant son impuissance pour sa mission et qualifie de toutes les épithètes diffamatoires et démoralisantes possibles les élèves qui n'arrivent pas à le satisfaire et dont il ne sait développer ce qu'ils ont de grandeur virtuelle, de talent.86(*)

    Comme les éducateurs ne conçoivent pas l'enseignement sans le certificat de garantie, il s'ensuit que le système scolaire ne conduit pas à l'éducation et ne sert pas la justice sociale ; au cours de la scolarité, on confond l'instruction et le rôle que l'on jouera dans la société. Pourtant, apprendre doit signifier acquérir quelque compétence ou quelque savoir nouveau, mais la promotion sociale se fonde sur des opinions que d'autres se font de vous. Ainsi, s'instruire dépend souvent d'une certaine instruction reçue, mais la sélection pour un rôle social, pour un emploi sur le marché du travail, dépend de plus en plus de la seule durée des études. Illich remarque que le futur rôle social est fixé par un programme d'enseignement, au cours duquel le candidat doit satisfaire à un certain nombre de conditions s'il veut parvenir à l'acquisition du brevet.87(*) Au sein de l'école, l'enseignement est donné en fonction de ces rôles futurs et non pas du savoir à acquérir. La raison n'y trouve pas son compte, pas plus que la vertu libératrice qui devrait être le propre de l'éducation, « parce que l'école ne choisit d'enseigner que ceux qui satisfont, à chaque étape, aux mesures approuvées et définies au préalable par le contrôle social. Nous pourrions constater que le rang dans la société fut de tout temps assigné par une sorte de programme dont la société reconnaissait les mérites ».88(*)

    L'éducation implique l'éveil d'une conscience vivante, à la fois de l'indépendance individuelle et d'une fraternité entre les hommes qui va de pair avec une découverte approfondie et une utilisation des connaissances accumulées dans la communauté humaine.89(*) Nous n'avons aucune raison de perpétuer la tradition médiévale, selon laquelle les hommes doivent être d'abord préparés au monde séculier en les enfermant dans une enceinte sacrée, serait-elle le monastère, la synagogue ou l'école.90(*)

    2.2. Le monopole de l'école sur l'humanité

    Ce deuxième point développe deux aspects importants qui montrent, selon Illich, le monopole de l'éducation que l'école s'attribue dans le monde, elle est devenue la religion du monde moderne et même elle aliène le monde. Cette aliénation est présentée en double face dans ce travail, d'abord l'aliénation du monde, puis l'aliénation d'Afrique, car comme l'affirme Illich l'aliénation scolaire est de plus en plus aigüe dans les nations pauvres, raison vive pour laquelle nous parlons de l'aliénation de l'Afrique sub-saharienne, en nous inspirant plus des effets aliénataires de notre pays, la RDC.

    2.2.1. L'école comme religion du monde moderne

    Le monopole de l'école est devenu aujourd'hui plus que jamais une domination en se passant pour la nouvelle religion à laquelle quiconque veut le salut i.e. le bien-être social, doit croire et adhérer aux cérémonies d'initiation qu'elle présente comme nécessaires pour tout le monde. Illich s'attaque justement à ce monopole de l'éducation scolaire, tout en sachant que le but qu'il faut poursuivre, qui est réalisable, est d'assurer à tous des possibilités éducatives égales, Illich pense qu'il y a une confusion grave à ce sujet, pour lui confondre cet objectif et la scolarité obligatoire, c'est confondre le salut et l'Église : « L'école est devenue la religion mondiale d'un prolétariat modernisé et elle offre ses vaines promesses de salut aux pauvres de l'ère technologique. L'État-nation a adopté cette religion, enrôlant tous les citoyens et les forçant à participer à ses programmes gradués d'enseignement sanctionnés par des diplômes »91(*).

    L'avènement de la religion scolaire a consisté dans la corruption d'un concept né à l'aube de la civilisation : la skholè,l'apprendre. Il y a une aspiration universelle pour l'apprendre dans un but de transindividuation, de compréhension et de soin car cela nourrit les processus ordonnateurs de vie. Les États ont détourné le fleuve de cette aspiration en s'en proclamant gestionnaires exclusifs. L'école gouvernementale est devenue totalitaire, au sens où elle a recouvert la totalité de l'apprendre. L'école et la skholè sont devenues étrangement opposées. La population est domestiquée de façon croissante de génération en génération. L'école fait intérioriser très profondément aux masses l'hétéronomie en commençantpar le savoir lui-même. Une fois tombé pour l'école, l'individu accepte la dépendance à toutes les autres institutions. Ainsi éduqués, les individus développent un certain type de rapport au monde : hétéronomes, mais aussi privatisés et prolétarisés, avec une vision gagnant/perdant, apathiques politiquement, des individus non individués, déconnectés de la temporalité du cosmos et du souci de soi, nocifs pour eux-mêmes, pour les autres et pour l'environnement. L'école et le travail constituent la même religion. Les petits sont gardés pour que leurs parents produisent, et pendant ce temps l'école leur fait intégrer toutes les idéologies qui les conduiront, eux-aussi, à la servitude volontaire et à la dépendance à l'argent.92(*)

    Dans notre siècle, le mythe de la consommation sans fin remplace désormais la croyance en la vie éternelle. L'école semble appelée à tenir le rôle de l'apparition d'une nouvelle Église universelle offrant l'espoir de vivre dans notre culture en décomposition. Aucune institution ne saurait mieux dissimuler à ses fidèles la contradiction profonde entre les principes et la réalité sociale dans le monde d'aujourd'hui.93(*) La rivalité rituelle vous porte à participer à une compétition sans frontière où les concurrents sont conduits à rejeter la responsabilité de tous les maux de la planète sur ceux qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, jouer :

    « L'école est un rite initiatique qui fait entrer le néophyte dans la course sacrée à la consommation, c'est aussi un rite propitiatoire où les prêtres de l'almamater sont les médiateurs entre les fidèles et les divinités de la puissance et du privilège. C'est enfin un rituel d'expiation qui ordonne de sacrifier les laissés-pour-compte, de les marquer au fer, de faire d'eux les boucs émissaires du sous-développement ».94(*)

    Partout, les enfants savent qu'ils ont des chances de gagner à la loterie nationale obligatoire de l'enseignement. Certes, elles ne sont pas égales, mais l'égalité supposée du critère international fait que, désormais, à leur pauvreté originelle s'ajoute le blâme que le laissé-pour-compte se décerne à lui-même. Instruits de la foi dans la montée des espérances, ils sont à même d'accepter leur frustration grandissante à l'extérieur de l'école : la grâce leur a été refusée parce qu'ils ne sont pas dignes. Ils n'entreront pas au ciel, parce qu'une fois baptisés ils ne sont pas allés à l'église.95(*)

    L'école allie l'expérience d'une dépendance humiliante face au maître et ce sentiment trompeur d'omnipotence si caractéristique de l'élève qui veut s'en aller enseigner à toutes les nations à faire leur salut. Mais l'attente du royaume qu'entretient l'école est impersonnelle plutôt que prophétique, et universelle plutôt que limitée à une seule région. L'homme, devenu ingénieur, fabrique son propre messie et promet les récompenses sans limites de la science à tous ceux qui se soumettront à la construction mécanique de son règne.96(*)

    L'homme a été redéfini comme un être qui, après être né de sa mère, doit renaître par l'action de l'alma mater, une nouvelle mère sainte : l'école. Ensuite, la nouvelle voie du salut est devenue d'abord une route pour les privilégiés, puis une inévitable super grand-route pavée de bonnes intentions : « L'institution éducative suppose que chacun naisse en tant qu'individu dans une société contractuelle qui doit être analysée avant d'y vivre. Selon cette construction, nul ne saurait faire partie de cette société à moins qu'un catéchisme ne lui dispense certaines vérités. Cette catéchèse, qu'on appelle éducation, ne vaut que si l'individu passe par le truchement d'un agent, à savoir l'école ».97(*)

    L'école est à l'Homo educandus ce que l'Église est au chrétien. Suivant cette vision réformée de la nature humaine, le salut passe encore par un livre, mais le livre en question n'est plus une simple Bible, le nouveau livre doit être lu d'une nouvelle façon livresque, et ce genre de lecture nécessite de longues cérémonies qui se déroulent dans des salles de classe. Pour faire marcher cette nouvelle Église, a vu le jour un nouveau clergé : les maîtres d'école, nourris des besoins définis par cette nouvelle vision de la nature humaine. Le pouvoir d'un pareil clergé nécessitait une justification. Celle-ci allait être fondée sur un dogme proclamant la culture livresque comme chose nécessaire au salut. Au cours du XXe siècle, a été découverte une nouvelle raison de l'éducation universelle et obligatoire : « L'école a été définie comme nécessaire pour le travail. La socialisation démocratique, la culture livresque et la formation de la main-d'oeuvre vinrent s'ajouter pour justifier l'existence de ce qui était devenu une Église transnationale ».98(*)

    2.2.2. L'école comme aliénation de l'humanité

    L'école ne représente pas seulement la nouvelle religion planétaire, c'est également le marché de l'emploi qui se développe le plus vite. La production des consommateurs est devenue un secteur florissant de l'économie. L'école ouvre des perspectives illimitées à un gaspillage considéré comme légitime tant que l'on ne s'apercevra pas de ses effets nocifs, et alors même que le prix des remèdes palliatifs est en hausse constante. Il suffit d'additionner le nombre des enseignants et des élèves pour s'apercevoir que cette prétendue superstructure est devenue le principal employeur de notre société. Dans le schéma traditionnel, l'aliénation était une conséquence directe du travail considéré comme une activité salariée. L'homme était alors privé de la possibilité de créer et d'être re-créé. Maintenant, les jeunes sont préaliénés par une école qui les tient à l'écart du monde, tandis qu'ils jouent à être à la fois les producteurs et les consommateurs de leur propre savoir, défini comme une marchandise sur le marché de l'école.

    Avec cette sorte d'éducation, l'homme ne trouve plus le courage de grandir dans l'indépendance, il ne trouve plus d'enrichissement dans ses rapports avec autrui, il se ferme aux surprises qu'offre l'existence lorsqu'elle n'est pas prédéterminée par la définition institutionnelle. Tout mouvement de libération de l'homme ne saurait plus passer maintenant que par une déscolarisation.99(*) Le monde, source véritable de connaissance, se trouve à l'extérieur de la salle de classe, même si cette dernière fait partie du monde. Nous ne pouvons simplifier la connaissance, l'isoler des dynamiques réelles socio-économiques, culturelles et politiques du contexte éducatif et l'enseigner de manière verticale, répétitive, et mémorisante.100(*)

    Si nous choisissons de nous taire et d'accepter le postulat selon lequel le savoir est une marchandise qui, dans certaines conditions, doit être vendue de force au consommateur, nous sommes prêts à nous soumettre à la domination sans cesse plus pesante des gestionnaires totalitaires de l'information et aux funestes parodies d'école qu'ils nous préparent.101(*) L'école aliène la société, elle réduit le jeune jusqu'à en faire un objet du processus de production, elle intériorise la comptabilité capitaliste ; elle programme une foi absurde : - elle aliène la vie quotidienne, monopolisant l'éducation et enlevant au travail son fruit le plus insigne, celui qui devrait être la formation continue du travailleur et l'occasion constante pour lui de participer à l'élaboration de son propre milieu. Elle inculque la passivité à l'élève, le convainquant de sa dépendance vis-à-vis du maître ainsi que de son incapacité à stimuler l'apprentissage chez les autres. Pour dépasser la dépendance vis-à-vis de l'école, nous avons besoin de lois qui interdisent la discrimination, dans la politique des emplois, basée sur l'assiduité préalable à l'école. Une telle législation n'exclurait pas des preuves spécifiques de compétence, mais supprimerait l'actuelle discrimination absurde en faveur de la personne qui apprend grâce à une grande dépense de fonds publics.102(*)

    Comme le dit Freire, l'école aliénatrice a pour tâche de remplir les élèves des contenus de sa narration, contenus qui sont détachés de la réalité, déconnectés du tout qui les a engendrés et peut leur donner une signification. Les mots sont vidés de leur aspect concret et deviennent creux, aliénés et verbiage aliéné :

    « L'éducation de la sorte devient un acte de dépôt, dans lequel les élèves sont les récepteurs et les enseignants les dépositaires. Au lieu de communiquer, l'enseignant émet des communiqués et fait des dépôts que patiemment les élèves reçoivent et stockent, mémorisent et répètent. C'est ce qu'on peut appeler le concept «bancaire» de l'éducation, dans lequel le champ d'action réservé aux élèves ne s'étend qu'à leur réception de l'information. Il est vrai qu'ils ont l'opportunité de devenir les collecteurs ou les catalogues des choses qu'ils ont en stock. Mais en dernière analyse, ce sont les gens eux-mêmes qui sont écartés du processus au travers du manque de créativité, de transformation et de connaissance dans ce système, au mieux, mal dirigé. Car hors du questionnement, hors de la praxis, les individus ne peuvent pas être vraiment humains. La connaissance émerge dans l'invention et la réinvention, par la quête sans relâche, impatiente, continue et optimiste que les humains poursuivent en ce monde, avec le monde et avec les autres, ensemble ».103(*)

    L'école nous prépare à dépendre beaucoup plus des institutions que de notre capacité créatrice et de notre débrouillardise. Par ailleurs souligne Illich, ce que nous apprenons à l'école n'a aucune utilité dans l'exercice de notre travail. Ce sont nos rapports avec d'autres dans la vie active qui constituent pour nous une source riche d'enseignements. 104(*) Lapassade affirme que ce sont les fugueurs, qui ont raison, car la société qu'ils refusent est pathologique, la seule éducation non aliénante est des libertaires où l'école est sans programmes, sans classes, sans discipline, parce que sans buts éducatifs, les buts imposés par les adultes sont faux et oppressifs, ils étouffent la vraie vie, celle de l'enfance et de la jeunesse, porteuse de toutes les promesses ; l'enfance a raison contre les adultes, car elle est le faîte de l'existence.105(*)

    2.2.3. L'école comme aliénation d'Afrique

    L'école aliène le monde et d'une manière spéciale cette aliénation atteint son comble dans les pays pauvres, Illich voit en cela, l'ensemble de tous les pays du tiers-monde qui subissent une aliénation accrue par l'école occidentale qui leur a été imposée. Plus particulièrement nous nous limiterons de parler de l'aliénation que subissent les écoles de l'Afrique sub-saharienne. Illich affirme, en effet que : « Les pauvres ont besoin de crédits pour leur permettre d'apprendre, non pas pour recevoir un certificat de vaccination attestant qu'ils ont suivi un traitement susceptible de les guérir de leurs insuffisances supposées »106(*).Cette affirmation illichienne illustre que la pauvreté modernisée engendrée par l'école, dans les nations elles-mêmes pauvres, le cas pour la plupart des pays africains subsahariens, affecte un nombre plus élevé d'êtres humains et de façon plus visible, mais finalement moins profonde.107(*)

    Yves-Emmanuel Dogbé affirme que l'enfant qui pénètre dans le monde de l'école africaine commence une hostilité presque inconsciente que lui ménage ce milieu ; qui est appelé pourtant à suppléer sa cellule familiale et à jouer le rôle de ses parents, une partie importante de sa vie, ainsi qu'en a convenu la société.108(*) Les caractéristiques de l'hostilité du milieu scolaire à l'égard de l'enfant sont indiscutables :

    « Inflexible dans ses institutions, intransigeante dans ses règles, dans ses formes de scolarité même, dans ses programmes d'enseignement et ses méthodes pédagogiques, l'école se perpétue en se proclamant tutrice de premier ordre de l'enfant, sans malheureusement tenir compte ni de la diversité des natures des élèves, ni de l'inégalité de leurs rythmes de maturation, ni de la variété de leurs vocations »109(*)

    Le professeur KALELE-KA-BILA regrette du maintien du système d'enseignement hérité du colonialisme traduisant un certain néocolonialisme par une aliénation de l'école qui apprend aux jeunes africains à connaître plus les réalités occidentales que les réalités africaines, les réalités de leurs pays respectifs, de leurs milieux auxquelles ils sont confrontés chaque jour et auxquelles ils devront, pour améliorer leurs conditions de vie, trouver des solutions appropriées et adéquates mais hélas l'école leur apprend à mépriser leurs propres réalités au profit de celles étrangères.110(*) Dans une société aliénée, si l'éducation ne peut s'acquérir que dans les écoles, seuls ceux qui se sont pliés à leur discipline aux niveaux inférieurs seront admis aux stades plus élevés. Dans les sociétés où les capitaux font défaut et qui ne sont pas assez riches pour permettre une durée d'études non limitée, la majorité apprend par l'école non seulement l'acceptation de son sort mais encore la servilité.111(*)

    Pour Illich, Le révolutionnaire politique renforce la demande de scolarisation en promettant en vain que sous son administration plus de savoir et plus de gain seront accessibles à tous, grâce à une plus grande scolarisation. Il contribue à la modernisation d'une structure mondiale de classes et à une modernisation de la pauvreté. La tâche du révolutionnaire culturel est toujours de vaincre la tromperie sur laquelle est basée l'école et d'ébaucher des plans pour la déscolarisation de la société :

    « Il est clair qu'avec des écoles de qualité égale, un enfant pauvre ne pourra jamais atteindre l'enfant riche ; ni un pays pauvre ne peut se comparer à un pays riche. Il est également clair que les enfants pauvres et les pays pauvres n'ont jamais d'écoles égales à celles des riches mais toujours des écoles plus pauvres, ainsi sont-ils de plus en plus en arrière, tant qu'ils dépendent des écoles pour leur éducation ».112(*)

    Ainsi l'école africaine aliénée domestique de plus en plus ses jeunes et le mot sous-développement est un terme diffamatoire de pure invention de l'esprit colonisateur, dénotant assurément, « le regret de perdre et les peuples qui étaient jadis sous sa domination et les avantages de cette tutelle. Ce n'est pas parce que le sage africain n'est pas diplômé d'une école européenne qu'il est sous-développé ».113(*) Et l'éducation restera aliénée et aliénante tant que la société n'aura pas réalisé la vraie démocratie, i.e. la participation active de tous au destin collectif.114(*)

    Les recherches d'amélioration du processus éducatif au sein des écoles et à l'adaptation de ces mêmes écoles aux conditions particulières des pays sous-développés doivent nous aider à nous interroger sur la valeur du postulat sur lequel le système scolaire se fonde et que nous ne devons pas exclure la possibilité que les nations en voie de développement ne profitent pas de cette forme d'enseignement par l'école, que cette solution apportée à la nécessité de leur éducation ne soit pas finalement viable. Ce doute devrait nous permettre de concevoir des sociétés futures où les écoles, telles que nous les connaissons aujourd'hui n'auraient plus de raison d'être.115(*) L'école restreint la possibilité d'emprunter des voies de traverse et, surtout elle rend personnellement responsable celui qui n'a pas scolairement réussi lorsqu'il est tenu socialement à l'écart.116(*)

    2.3. La société déscolarisée et ses réseaux éducatifs

    Que faut-il faire face à la crise de l'enseignement ? Illich propose la déscolarisation de la société qui aidera la communauté à se débarrasser des inégalités et méfaits engendrés par l'école que nous avons béatifiée en vache sacrée. Ce dernier point du deuxième chapitre donne les caractéristiques illichiennes de la société déscolarisée et analyse les quatre réseaux qu'Illich propose en remplacement du système scolaire actuel. Ce sont ces quatre organismes grâce auxquels celui qui veut s'éduquer pourra bénéficier des ressources qu'il juge nécessaires.

    2.3.1. Les caractéristiques de la société déscolarisée

    Illich pense que la solution véritable à la crise scolaire serait une totale et complète metanoïa, changer profondément et méthodiquement les structures scolaires, cela doit nous conduire tout simplement à la déscolarisation de la société en vue de trouver d'autres formes d'éducation qui permettront une liberté digne car, dit-il, « Un véritable système éducatif n'impose rien à celui qui s'instruit, mais lui permet d'avoir accès à ce dont il a besoin »117(*)

    Ainsi pour lui, un véritable système éducatif devrait se proposer trois objectifs : le premier est celui de donner accès aux ressources existantes à tous ceux qui veulent apprendre, et ce à n'importe quelle époque de leur existence. Le deuxième est celui d'offrir à ceux qui désirent partager leurs connaissances de rencontrer toute autre personne qui souhaite les acquérir. Et le troisième serait de permettre aux porteurs d'idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter l'opinion publique, de se faire entendre. Ainsi dans la société déscolarisée, il ne sera pas possible de soumettre ceux qui veulent apprendre à un programme obligatoire, la ségrégation fondée sur la possession de certificats ou de diplômes d'étude n'aura pas sa place. Les possibilités que nous donne la technologie seront de moyens efficaces pour s'exprimer, communiquer, rencontrer les autres. Ce sera donc la liberté universelle de parole, de réunion, d'information, qui a vertu éducative.118(*)

    Ces propos illichiens sont soutenus par David Cooper qui pense que la société actuelle doit se débarrasser du discours de préjugés concernant l'éducation et, par conséquent, rayer de la carte des notions telles qu'examens, diplômes, divisions entre les enfants, division entre écoles primaires et secondaires, ségrégation effectuée en fonction de l'âge et du sexe, durée des études déterminées par des examens, thèses ou compositions qui sont des rites crétins de passage amenant le candidat de limbes absurdes à d'autres limbes auxquels il est censé croire. Il est facile de justifier la suppression de ces rites superficiels et fanatiques qui pervertissent les réalités de l'initiation dans le sens d'un endoctrinement simpliste et d'un conformisme qui abuse les gens au point de leur faire perdre toute faculté critique. Nous devons donner ici à l'éducation un sens très large, faute de quoi elle continuera d'avoir des effets assassins, ceux de la corde passée autour du cou de la victime étranglée.119(*)

    Si l'éducation ne peut pas tout, elle peut seule s'attaquer à la racine de l'inégalité, qui est la différence d'instruction, l'école doit pratiquer l'égalité des chances i.e. la possibilité pour chacun de se développer et d'accéder à la situation pour laquelle il est apte. Un enseignement dont le but est de sélectionner et de former les plus doués n'est pas démocratique ; à la place de la sélection par la naissance et par l'argent, il met la sélection par le talent ; le rôle d'une école digne est avant tout celui d'élever les médiocres, la démocratie a moins besoin d'une élite éclairée que d'un peuple éclairé.120(*)

    Un mouvement de libération parti de l'école qui se fonderait sur la conscience des maîtres et des élèves d'être en même temps exploiteurs et exploités pourrait annoncer les stratégies révolutionnaires de l'avenir, car le phénomène de la déscolarisation préparerait les jeunes à un nouveau style de révolution capable de venir à bout d'un système social qui fait de la santé, de la richesse, de la sécurité des obligations.121(*)Il faut instituer une véritable éducation qui prépare à la vie dans la vie, en donnant le goût d'inventer et d'expérimenter. L'école, si elle existe, doit devenir le lieu de rupture avec le conformisme. Dans tous les cas, il faut supprimer son monopole et reconnaître tous les lieux d'accès au savoir. Illich insiste tellement sur l'idée de la déscolarisation de la société contemporaine qu'il le dit clairement en ces termes :

    « La nature destructive de l'enseignement obligatoire ira jusqu'à sa logique ultime, à moins que nous ne commencions dès aujourd'hui de nous libérer de cette hybris pédagogique, de notre croyance que l'homme peut faire ce que Dieu ne fait pas : manipuler les autres pour les conduire au salut. La manipulation des hommes et des femmes commencée à l'école a atteint un point de non-retour. Or la plupart n'en prennent pas conscience »122(*)

    voulant distinguer l'école publique et obligatoire de la skholè, Sylvain Rochex et Mathilde Anstet, membres actifs du Mouvement Citoyen pour la Déscolarisation de la société et la déscolarisation des cerveaux123(*)affirment que la skholè est gratuite, personne ne paye ou n'est payé, point d'agents d'une volonté extérieure mais des citoyens, libres, égaux et autonomes qui contribuent ensemble à l'apprendre. Nous voulons retrouver cette communalité et cette convivialité du partage des savoirs, en établissant une vraie skholè, basée sur l'égalité d'expression, et non séparée de la vie. Car, un savoir enfermé dans les sanctuaires scolaires ne sert à rien. Un savoir est vivant lorsqu'il est expérimenté, confronté au réel, testé, adapté, éprouvé sans cesse, en un aller-retour permanent entre réflexivité et expérimentation.124(*)

    Il existe deux types de savoirs : Le premier naît des rapports entre les hommes à travers l'utilisation d'outils conviviaux. Le second n'est qu'un dressage intentionnel et programmé à l'emploi des outils créés par la société industrielle. Le savoir global d'une société s'épanouit quand, à la fois, se développent le savoir acquis spontanément et le savoir reçu d'un maître; alors rigueur et liberté se conjuguent harmonieusement. Tant que le savoir sera mis sur le marché des biens échangeables, l'homme subira le monopole radical industriel et ne pourra s'accomplir dans une société conviviale.125(*)

    2. 3.2. Les objets éducatifs et l'échange des connaissances

    Les deux premiers réseaux éducatifs illichiens sont les objets éducatifs et l'échange des connaissances. Le premier service serait chargé de mettre à la disposition du public les objets éducatifs, i.e. les instruments, les machines, les appareils utilisés pour l'éducation formelle. Une certaine partie d'entre eux, conçue dans un but purement éducatif, serait présentée dans des bibliothèques, des laboratoires, des salles d'exposition (musées, salles de spectacle, par exemple) ; d'autres, utilisés dans les activités journalières, par exemple dans des usines, des aéroports, des fermes pourraient être accessibles aux personnes désirant les connaître, soit pendant une période d'apprentissage, soit en dehors des heures de fonctionnement normal. En matière d'enseignement, les objets matériels représentent une ressource fondamentale. Certes, selon le milieu où un homme se trouve placé et les rapports qu'il entretient avec son entourage, il est à même d'acquérir presque fortuitement un certain nombre de connaissances. Mais l'apprentissage formel passe d'abord par la possibilité de manipuler, d'utiliser les objets de la vie quotidienne, de même que par l'examen, l'étude de ceux qui sont conçus dans une perspective purement éducative.126(*)

    Autrefois les rues étaient destinées avant tout à ceux qui les peuplaient. Puis les rues sont pensées. Elles reçoivent un tracé neuf et rectiligne et un aménagement approprié à la circulation des véhicules. Les écoles se multiplient dès lors pour accueillir les jeunes ainsi chassés des rues.127(*) Aujourd'hui, Constate Illich, nous nous contentons de voir les différences entre les enfants pauvres et les enfants riches. Ces derniers sont avantagés dans la mesure même où ils disposent plus, mais : « les êtres humains, qu'ils soient par ailleurs riches ou pauvres, sont de plus en plus tenus à l'écart de la nature réelle des objets conçus par notre société »128(*).

    Les écoles imposent aux élèves de vivre dans un domaine artificiel, où les objets sont retirés du milieu quotidien dans lequel ils ont leur sens véritable :

    « L'homme vit dans un milieu qu'il a lui-même conçu, et voilà que cet environnement artificiel lui devient aussi impénétrable que la nature l'est pour le primitif. En même temps, tout ce qui sert à l'éducation est du ressort de l'école. L'industrie monopolistique du savoir conditionne les objets éducatifs les plus simples, produit des outils spécifiques dont seul l'enseignant qualifié est censé savoir se servir »129(*).

    Pour construire un monde où la vie quotidienne aurait vertu éducative, il nous faudrait réorganiser les usines et les bureaux de telle sorte qu'ils soient ouverts au public, que chacun puisse voir ce qui s'y fait, un grand pas vers l'éducation serait accompli.130(*)

    Un service d'échange des connaissances tiendrait à jour une liste des personnes désireuses de faire profiter autrui de leurs compétences propres mentionnant les conditions dans lesquelles elles souhaiteraient le faire :

    « L'homme qui souhaite communiquer à autrui un savoir particulier se distingueégalement des pairs. Ces derniers se définissent en effet comme des personnes qui, àpartir d'intérêts et d'aptitudes comparables, décident de poursuivre ensemble leurrecherche ; ou encore qui se réunissent pour s'exercer à la pratique d'un savoir partagé,que ce soit une activité sportive, artistique, ou la discussion des prochaines élections ».131(*)

    L'enseignant qui détient le monopole de la transmission du savoir a, pour sa part, tout à gagner lorsque l'artisan craint de voir son apprenti devenir son concurrent. Les diplômes représentent un obstacle à la liberté de l'éducation, en faisant du droit de partager ses connaissances un privilège réservé aux employés des écoles. Le droit d'enseigner une compétence devrait être tout aussi reconnu que celui de la parole. Une fois cette restriction levée, l'étude en serait facilitée.132(*)

    Au lieu de parquer la jeunesse dans un ghetto scolaire, il faut la mettre au travail dès que possible, et organiser en revanche pour tous les adultes des stages de perfectionnement et de recyclage. À ce niveau, l'enseignement répondra à une demande réelle et à une expérience vécue, la hiérarchie enseignant-enseigné fera place à une communauté où l'éducation sera échange et progrès.133(*) Comme le dit aussi Gaston Bachelard, « l'école continue tout le long d'une vie, une culture bloquée sur un temps scolaire est la négation même de la culture scientifique. Il n'y a de science que par une école permanente. C'est cette école que la science doit fonder, alors les intérêts sociaux seront définitivement inversés, la société sera faite pour l'école et non l'école pour la société ».134(*)

    Illich veut institutionnaliser l'échange des compétences en créant des centres ouverts au public pour les connaissances indispensables à l'exercice de certaines professions : savoir lire, écrire à la machine, se servir de la comptabilité, parler une langue étrangère. Ainsi ce système aurait une solution plus révolutionnaire en créant une sorte de banque. Chaque citoyen recevrait un premier crédit lui permettant d'acquérir des connaissances de base. Ensuite, pour bénéficier de nouveaux crédits, il devrait lui-même enseigner, soit dans les centres organisés, soit chez lui, voire sur les terrains de jeux : « Une élite entièrement nouvelle apparaîtrait, constituée de ceux qui auraient gagné leur éducation en la partageant avec autrui ».135(*)

    2.3.3. L'appariement des égaux et les éducateurs professionnels

    Un organisme faciliterait les rencontres entre pairs. Ce serait un Véritable réseau de communication qui enregistrerait la liste des désirs en matière d'éducation de ceux qui s'adresseraient à lui pour trouver un compagnon de travail ou de recherche. L'école se contente souvent de rassembler des élèves dans une même salle et de les soumettre au même programme de cours. Parfois, elle essaie d'améliorer ce système en proposant des options. Mais toujours nous remarquons dans chaque discipline se constituer des groupes d'élèves de force à peu près égale. Un authentique système éducatif permettrait à chacun de choisir l'activité pour laquelle il rechercherait un partenaire de sa force : « Organiser des rencontres entre enfants dès leur plus jeune âge, pour qu'ils puissent se connaître mutuellement, se juger et apprendre à rechercher la compagnie d'autrui, voilà qui les préparerait à découvrir tout au long de leur existence des partenaires nouveaux, avec lesquels se lancer dans de nouvelles entreprises ».136(*)

    Déscolariser, c'est donc aussi abolir l'obligation que l'on vous fait de participer à une assemblée. C'est, en même temps, reconnaître le droit de quiconque, indépendamment de l'âge ou du sexe, de tenir une réunion.137(*) La possibilité libératrice de participer simultanément à la vie de plusieurs groupes d'égaux. Dans cette perspective, l'appariement des égaux pourrait conduire à l'apparition de nombreuses communautés qui existent dans une ville à l'état latent, mais sont, pour l'heure, étouffées.138(*) L'éducation est centrée aujourd'hui sur la marchandisation prônant le principe qu'il faut étudier pour avoir une place dans le marché :

    « Le danger de la pédagogie actuelle est de se prendre pour une fin, alors que le pédagogue se ravale au rang d'un annonceur publicitaire, soucieux uniquement de vendre sans s'intéresser le moins du monde à la qualité de ce qu'il vend. Il est vrai que trop de pédagogues s'évertuent à donner d'eux-mêmes l'image des hommes compétents pour vendre de l'orthographe, de l'arithmétique ou de la morale, mais se refusant farouchement à réfléchir sur ce qu'ils enseignent. Il y a là un mépris de la réflexion et de la culture qui est, finalement un mépris des élèves ».139(*)

    Déscolariser l'éducation devrait développer, au lieude l'étouffer, l'effort pour rechercher des êtres humains possédant une sagesse pratique,prêts à aider le nouveau venu au seuil de son aventure éducative. Que celui qui estparvenu à la maîtrise de son art renonce à se poser en modèle unique, en détenteur dessources du savoir, et l'on croira plus volontiers à sa sagesse.140(*) Les enseignants, qui représentent au sein de la fonction publique la fraction la plus importante, forment eux-mêmes, la plupart de temps : « un corps social statique, peu ouvert à l'innovation, cherchant à professionnaliser au maximum l'acte pédagogique afin de se le réserver et de devenir ainsi à jamais dispensables, alors que c'est d'eux que la société attend une impulsion et des initiatives capables de dépasser les impasses dans lesquelles l'école se débat ».141(*)La disparition du maître d'école fera éclore des vocations d'éducateurs indépendants. La présence de ces éducateurs indépendants serait même indispensable, car, ces réseaux ne fonctionneront pas sans un personnel compétent.142(*)

    L'école actuelle est un échec, car elle distille l'ennui et le dégoût pour l'étude, d'où la paresse. L'éducation ne sera donc pas livresque, mais axée sur l'observation et la pratique des arts, les méthodes seront adaptées au caractère de chacun. Cet enseignement ne reposera pas sur l'autorité et la contrainte, mais sur la confiance à l'égard du maître et le désir de faire aussi bien que les aînés. C'est le rôle éducatif des pairs143(*)

    Dans un monde déscolarisé, « les pédagogues pourraient tenter de faire ce qui est interdit aujourd'hui aux professeurs frustrés de toute décision et il serait du ressort de chaque étudiant de déterminer son propre itinéraire éducatif ».144(*) Toutefois, le disciple ne doit pas suivre le maître aveuglément et doit éviter de faux maîtres.145(*) L'enseignement prétend avoir en effet le monopole de l'éducation : « il veut être seul compétent pour instruire non seulement ses propres élèves, mais aussi ceux des autres professions. Déjà, cette prétention abusive le rend vulnérable face à n'importe quel corps de métier qui réclamerait le droit de former ses propres apprentis. La disparition de l'école pourrait conduire au triomphe du pédagogue, à qui l'on donnerait mandat d'agir en dehors de l'école sur la société tout entière ».146(*)

    2.3.4. Conclusion

    Comme dernier mot sur l'analyse critique illichienne de la crise de l'éducation scolaire, nous disons simplement que les éléments présentés en détail ci-haut, constituent la vision fondamentale illichienne sur l'éduction. Du point de vue politique, l'école étant dans une société donnée ne peut que dépendre du gouvernement. Mais toutefois, Illich pense que la séparation de l'école et l'État serait d'un bénéfice considérable pour une éducation conviviale. Traitant du rapport éducation-école, Illich nous met en garde contre la confusion généralisée entre les deux réalités suite au monopole de l'école sur les autres formes d'éducation. Quant au rapport école-société, Illich constate que l'école ne prépare pas à la vie, car elle apprend des réalités qui n'ont rien à faire avec la vie réelle de la société.

    Par la suite nous avons présenté le monopole de l'école sur l'humanité en montrant clairement que ce monopole se situe à deux niveaux : le premier monopole scolaire qui stipule que l'école s'est érigée en nouvelle religion du monde prônant le salut à quiconque veut être sauvé i.e. pour le bien-être humain chacun doit passer nécessairement à l'école, le deuxième niveau a été analysé en deux parties, école comme aliénation du monde et école comme aliénation d'Afrique. L'enseignement fait de l'aliénation la préparation à la vie, séparant ainsi l'éducation de la réalité et le travail de la créativité. Cette situation est pire en Afrique subsaharienne, où l'école héritée généralement du colonialisme a été imposée et implantée dans un contexte dominant-dominé.

    Et pour mettre fin à ce chapitre, nous nous sommes décidé résolument de présenter en détail les caractéristiques de la société déscolarisée qui prône plus de liberté, c'est la convivialité illichienne qui est souhaitée ici ; ensuite, la société déscolarisée opte pour une éducation favorisant les réseaux éducatifs, les objets éducatifs doivent être mis à la disposition du public pour l'éducation formelle, l'échange libre des connaissances pour l'éducation mutuelle ; enfin le dernier point de ce chapitre a traité de deux autres réseaux illichiens de l'éducation conviviale, il s'agit de l'appariement des égaux qui est un organisme facilitant les rencontres entre pairs, où chacun choisit l'activité qui lui plaît pour l'intérêt de la société ainsi que l'émergence des éducateurs professionnels. Ceci marquant u point final de ce deuxième chapitre, nous passons directement à l'appréciation critique de la pensée de notre auteur qui constitue le dernier chapitre de ce travail.

    CHAPITRE TROISIÈME : APPRÉCIATION CRITIQUE

    1.0. Introduction

    Le dernier chapitre de notre travail se lance dans l'appréciation critique de la pensée de l'auteur. Celle-ci se fera en double face : d'un côté, elle donnera les mérites et de l'autre, les limites que regorge la pensée de l'auteur. Nous référant aux commentateurs d'Ivan Illich, qui ont émis des opinions critiques qui nous semble crédibles, nous retenons trois mérites importants, d'abord l'éveil de conscience, ensuite la valorisation du tiers milieu éducatif, et enfin le questionnement sur le rôle de l'école et de l'éducation dans notre société. Quant aux limites, nous en avons retenus les plus importantes en une analyse ternaire, il s'agit de l'illichisme comme théorie utopique, des limites de la pédagogie illichienne et pour finir du caractère obligatoire de l'école.

    1.1. Les mérites de l'auteur

    Illich comme penseur humaniste prophétique, retient toute notre attention quand il nous parle d'une société sans école, il se lance dans une analyse critique sans pareille ;en cela nous trouvons des mérites que nous devons lui attribuer à juste titre.

    3.1.1. L'éveil de conscience pour une éducation juste

    À première vue comme pensent certains scientifiques, la pensée éducative illichienne est traitée d'utopique superficiellement sans jamais vouloir en pénétrer l'essence même, or le propre d'un penseur, surtout d'éducation, c'est justement d'aller au-delà des choses pour les ramener dans la réalité, comme le confirme le philosophe de l'éducation Olivier Reboul :

    « Le titre de gloire des philosophes de l'éducation est qu'ils sont novateurs parfois des révolutionnaires, ils nous rappellent que le possible, dans le domaine de l'éducation, dépasse singulièrement les limites des résultats atteints et à ceux qui les traitent d'utopistes, nous pouvons répondre que l'utopie est peut-être en ce domaine la critique la plus efficace ».147(*) Et l'utopie, comme construction imaginaire, est parfois valorisée car, elle est censée ouvrir l'imagination à des solutions politiques et sociales.148(*)

    Ainsi, lorsque nous replaçons l'affaire de l'école et des inégalités scolaires à l'échelle du monde, nous ressentons un éblouissement à glacer le sang. Illich nous force à prendre conscience que l'école est un lieu où certains hommes n'ont jamais pénétré. Il y a donc une disproportion à la fois dramatique et dérisoire entre les faits et la promesse d'assurer des chances égales d'enseignement à tous, à toutes les catégories de la population. Et lorsqu'une fraction tellement infime de la population est scolarisée, l'effort et l'argent dépensés ne profitent en fait qu'à une poignée de ceux qui sont déjà privilégiés : « Ceux qui se maintiennent dans le système scolaire vont en tirer bénéfice, mais pour s'y maintenir il fallait déjà être au nombre des bénéficiaires. Ceux qui ne s'y maintiennent pas vont avoir du mal à trouver du travail, si ce n'est qu'en constituant l'armée de réserve de la main-d'oeuvre occasionnelle et précaire. Les écoles justifient cruellement sur le plan rationnel la hiérarchie sociale ».149(*)

    Le rapport publié par Human Rights Watch, le 14 janvier 2020, donne totalement raison à Illich, jusqu'à nos jours trop d'enfants à travers le monde sont encore privés d'éducation scolaire, montrant l'échec visible et cruel de l'école qui n'arrive pas à assurer l'éducation pour tous. Selon l'Institut de statistique de l'Unesco, près de 260 millions d'enfants scolarisables ne sont pas allés à l'école en 2019 et 617 millions de jeunes à travers le monde ne possèdent pas les compétences de base en calcul, lecture et écriture, pire encore, l'augmentation du nombre de jeunes qui finissent l'école sans les compétences dont ils ont besoin.150(*)

    Paradoxalement, seule l'école semble conserver tels quels son rituel et ses habitudes, dénoncés par le philosophe itinérant et d'autres éducateurs de sa génération. Il faudrait, pour la transformer, une véritable révolution :

    « Cette révolution peut surgir à la suite des changements qui interviennent dans l'ensemble de la société dans tous les domaines, de l'économie en passant par l'agriculture et l'énergie, de l'informatique, de la santé ou des conditions de vie et de travail et singulièrement, nous pouvons penser aux dangers qui guettent l'humanité comme la surpopulation, le chômage et la pauvreté qui montrent combien nous aurions intérêt à nous orienter vers un développement harmonieux où la survie de l'humanité dépendrait de la capacité de création, de la liberté et de la passion que chacun de ses membres consacrerait à cet objectif ».151(*)

    3.1.2. Le questionnement sur le rôle de l'école

    La critique radicale illichienne a le mérite qui nous contraint de repenser le rôle de l'école, de déterminer sa finalité propre et sa mission pour l'émergence de notre maison commune.152(*) Il n'en reste pas moins qu'Illich a été l'un des penseurs de l'éducation qui a contribué à dynamiser le débat éducatif qui a jeté les bases nécessaires à une conception de l'école plus attentive aux besoins de son environnement, à la réalité des élèves et à la transmission de contenus éducatifs adaptés à la vie sociale. Si le caractère radical de sa critique a empêché que nous en tirons profit de certaines de ses idées universellement valables tant en ce qui concerne le système scolaire que pour d'autres institutions du service public, force est de reconnaître que celles-ci ont exercé une influence sur un nombre considérable d'enseignants et qu'elles ont contribué au développement d'un courant en faveur de la déscolarisation de l'éducation, qui, au-delà du contexte historique où est née la pensée d'Illich, a favorisé la mise en oeuvre de politiques et de programmes visant à surmonter la crise endémique des systèmes scolaires et extrascolaires en général.153(*)

    Loin d'être utopique la théorie illichienne rattrape ses rêves, il n'y a qu'à voir le partage libre et gratuit des connaissances sur de nombreux sites internet, l'accès à une plus grande ouverture et de plus en plus l'école est désertée aujourd'hui dans plusieurs régions. Nous pensons à toutes les formes alternatives de l'école mises en valeur aujourd'hui dans de nombreux pays, de nombreuses personnes refusent le monopole de l'école pour adopter l'instruction en famille ou à domicile, nous assistons à la croissance exponentielle des pratiques de non scolarisation. Ainsi en France les parents non scolarisants ou déscolarisateurs sont de plus en plus nombreux, le pays enregistre 25 000 enfants non-sco i.e. pratiquant l'instruction en famille ; le canada compte plus de 60 000 enfants dé-sco ; le Royaume-Uni compte environ 100 000 enfants homeschooled ; les États-Unis comptent un nombre considérable des parents homeschooling avec plus ou moins 2, 5 millions d'enfants homeschoolers pratiquant soit le homeschooling ou l'unschooling ; l'Afrique du Sud en compte environ100 000, pour ne citer que ceux-là.154(*)

    L'intérêt de cette analyse critique et cette évocation est évident, Illich montre d'abord le niveau d'analyse où le problème doit être posé pour éviter l'illusion des réformes ou réformettes. Partisan d'une révolution institutionnelle, il nous met en garde contre ceux qui attendent la révolution pédagogique du seul changement d'un système social au lieu de s'attaquer aux tares fondamentales du système scolaire lui-même, dès aujourd'hui. Il montre les limites d'une éducation permanente qui se réduirait à une éducation des adultes complémentaire ou compensatrice de l'école actuelle. Il est le premier à imaginer concrètement ce que pourrait être une société post-industrielle qui serait une société éducative et non une société de consommation.155(*)

    3.1.3. La valorisation du tiers milieu éducatif

    Olivier Reboul pense qu'Illich a tout à fait raison de s'attaquer au monopole de l'école, qui dans la société moderne, se serait attribuée le monopole de l'éducation et aurait transformé la vieille maxime de l'Église à son profit, `'Hors de l'école, pas de salut''. Ce monopole est entièrement abusif. L'école ne doit plus monopoliser l'enseignement que la famille l'éducation. Il est certain que nous apprenons beaucoup hors de la classe, et que nous apprenons autant mieux que nous n'y sommes pas contraints. C'est pourquoi notre philosophie de l'école n'a de valeur que si nous la complétons par une philosophie du tiers milieu éducatif ; nous n'insisterons jamais assez sur le tiers milieu éducatif : les mouvements de jeunesse, les maisons de culture ; les associations plus ou moins spontanées d'amateurs, certaines formations continues à but culturel, les média éducatifs, et la jeunesse populaire a sans doute bien plus besoin de ce tiers milieu que la jeunesse bourgeoise. C'est ainsi que Reboul affirme que :

    « Il est inique et scandaleux que le peuple n'ait que l'école pour s'instruire. Le monopole de l'école, là où il existe, prouve effectivement que la société est devenue inhumaine. Une civilisation qui relègue l'éducation dans la famille et l'enseignement dans l'école prouve qu'elle est elle-même, dans son essence anti-éducative ».156(*)

    La citation de Georges Santayana, à ce propos est vraiment expressive : « Un enfant qui ne s'est instruit qu'à l'école n'est pas un enfant instruit »157(*). Luc Ferry de même, nous rappelle que nous devons envisager la formation des jeunes de façon plus globale, rechercher une meilleure complémentarité entre l'éducation scolaire-académique et les activités sociales menées hors de ce contexte. Il constate qu'un vaste champ reste en friche entre la sphère privée, celle de l'intimité d'un côté, qui ne regarde que les jeunes et leur famille, et de l'autre côté celle, publique, de la vie scolaire et universitaire. Or ce vaste champ pourrait être le lieu d'engagementsenrichissants pour les jeunes désireux de s'investir dans des projets correspondant à leurs aspirations personnelles, mais aussi d'être mieux reconnus pour leurs apports à la vie de la cité. Cet espace intermédiaire demeure malheureusement pour beaucoup de jeunes un espace de non-sens. Il serait pourtant possible de répondre à la demande de sens latente des jeunes. Aujourd'hui comme hier, en effet, l'engagement reste un vecteur majeur de l'estime de soi et de la reconnaissance des autres pour découvrir comment des goûts personnels peuvent être employés au service de la collectivité.

    Mais les informations dont ils auraient besoin sont éparpillées et manquent de clarté. Les soutiens, les conseils d'experts qui leur permettraient de tirer parti de leur expérience, d'en faire un instrument de progrès et d'accomplissement personnels, font le plus souvent défaut. Plus encore peut-être, leurs efforts en ce domaine ne sont pas suffisamment reconnus, tant au sein des établissements scolaires que dans la vie sociale en général. Si nous voulons que les jeunes s'engagent, il nous faut nous-mêmes nous engager à leurs côtés. Nous devons d'abord leur offrirune information plus claireet plus aisément accessible sur les actions auxquelles ils peuvent participer et les associations ou les partenaires qui sont en mesure de les accueillir.158(*)

    3.2. Les limites de l'auteur

    L'analyse critique de la crise de l'éducation scolaire faite par Illich est si radicale qu'elle est trop controversée et offre autant des contradictions. Ainsi nous développons trois aspects importants montrant les limites de l'auteur de la société sans école, il s'agit de l'illichisme comme théorie utopique, les limites de la pédagogie illichienne et le caractère obligatoire de l'école.

    3.2.1. L'illichisme comme théorie utopique

    L'interprétation du phénomène Illich n'est pas facile, son esquive non plus. Ce phénomène est de taille et s'impose de lui-même. Illich est devenu le symbole d'une pensée et presque d'une école : l'illichisme. Il est peu de débats en éducation où ses thèses ne soient pas présentes.159(*) Yao Assogba se lance à une critique sévère contre l'illichisme en montrant que le discours d'Illich sur l'école est non seulement une utopie, mais c'est précisément une utopie monastique. Pour lui, le parallèle qu'Illich fait entre les rituels de l'Église et la scolarisation justifie de plus l'hypothèse utopiste, car sur le plan politique, c'est l'école seule qui peut garantir la qualification des individus à des postes de travail ; Ce qui, selon Illich, fausse la réalité, en considérant l'école comme une piètre instructrice en matière de qualifications parce qu'elle enseigne selon un programme encyclopédique, liant entre eux des enseignements qui sont sans rapport aucun. L'utopie illichienne remet radicalement en question la relation individu-institution. Il faut désinstitutionnaliser l'école i.e. lui enlever son aspect administratif, social, supra-individuel. Illich refuse donc le maintien de l'école institutionnalisée.160(*)

    En plus, Yao Assogba affirme que dans la deschooling society les individus auront accès aux choses éducatives ; ils produiront seulement ce qui répond à leurs besoins et par conséquent ils consommeront les choses dont ils décideront eux-mêmes. Ici le rapport de production s'établit entre « l'homme-individu et l'homme-individu » sans l'intermédiaire d'une institution. Mais cette relation inter-individuelle ne constitue-t-elle pas déjà une autre institution ? N'est-ce pas utopique de penser que « les individus » se mettront d'accord facilement sur leurs besoins sans heurts ni compétition ? Dans la deschooling society les individus mèneront une vie semblable, auront accès aux mêmes choses manuelles ou intellectuelles, tout comme dans la société monastique ou cénobitique. Cette société-autre d'Illich possède une conception particulière du temps et surtout du temps de scolarisation, Yao Assogba pense que: « La signification utopique de ce réseau de possibilités d'accès aux choses éducatives réside dans le fait qu'Illich oublie les enseignements ou les théories de la philosophie, la psychologie et la sociologie sur le désir de dominer, la volonté de puissance, l'agressivité, les antagonismes entre les intérêts sociaux »161(*) .

    Comparant l'illichisme au monachisme, il atteste que dans le monachisme ou le cénobitisme, les moines se donnent un abbé élu et révocable ou un prieur temporaire, pour signifier que dans l'illichisme, au professeur statué par l'institution politique des sociétés actuelles, Illich oppose un guide de son choix, mais selon les expériences déjà acquises et accumulées par l'individu dans la communauté. Illich veut libérer l'individu de l'obligation de modeler ses attentes d'après les services que lui offrent les professions établies en lui fournissant la chance de profiter de l'expérience de ses jours et de se confier au professeur ou au guide de son choix. La question de diplôme ne se pose plus dans la deschooling society et pour ainsi dire toute relation hiérarchique est absente. Jusqu'ici, constate Yao Assogba, l'individu-étudiant obéit au Professeur reconnu par l'État et non à un guide reconnu pour son expérience de vie. De toute façon, Illich est contraint de reconnaître la nécessité d'un professeur i.e. d'une personne ressource qui possède de la compétence, qui connaît la spécialité, car la première transmission d'une compétence implique de rassembler une personne qui connaît la spécialité et une personne qui ne la possède pas et désire l'acquérir.

    C'est dans les pays sous-développés qu'Illich retrouve l'existence de la convivialité. Tout comme le monachisme fuit la ville vers la campagne, la théorie illichienne fuit les sociétés développées vers les sociétés sous - développées.162(*) Illich pense résoudre les contradictions des sociétés contemporaines en inversant les institutions, en particulier l'institution scolaire. Mais Illich ne nous dit pas comment inverser les institutions. La solution illichienne paraît ainsi difficile à se traduirepolitiquement dans la réalité. Les sociétés humaines ne peuvent pas échapper à l'institution. L'affirmer est une vérité historique, le poser sous forme de question est un pseudo problème. Nous touchons dès lors à l'utopie.163(*)

    Yao pense que l'illichisme n'est porteur de la solution aux problèmes de l'école, « ni dans le Tiers-Monde où Illich croit retrouver des relations sociales conviviales, ni dans les pays hautement industrialisés où Illich ne voit que hyperproductivité et hyperconsommation. L'attitude illichienne est une réaction d'un intellectuel utopiste qui rêve d'une société-autre qu'il appelle lui-même la société conviviale. À bien y voir, l'illichisme répond plus à un besoin intellectuel utopique des pays développés qu'à un besoin intellectuel utopique des pays sous-développés ».164(*)

    Gajardo estime que l'erreur d'Illich est celle de condamner l'école sans appel. Le caractère radical de sa dénonciation l'a empêché de construire une stratégie réaliste qui aurait permis aux éducateurs et aux chercheurs de se joindre à sa protestation. Par ailleurs, dans ses écrits, Illich a travaillé essentiellement de manière intuitive, sans références majeures à l'expérience accumulée dans le domaine des théories socio-éducatives ou de l'apprentissage. Sa critique surgit et se développe dans un vide théorique, ce qui explique le peu de crédit accordé aujourd'hui à ses théories éducatives. Nombreux sont ceux qui accusent Illich d'être un penseur utopique et qui lui reprochent en outre son retrait prématuré du débat général sur l'éducation. Une insertion plus réelle dans le monde, l'élaboration de stratégies viables pour mettre ses idées en pratique et des références théoriques solides auraient pu modifier l'itinéraire de notre auteur.165(*)

    Un professeur de sociologie écrit à ce propos en disant : «Ivan Illich se défend d'être un néo-luddiste qui inviterait à briser les machines comme les ouvriers révoltés du début de la révolution industrielle. Néanmoins, quelque chose dans sa manière de penser rappelle les rêveries fumeuses de mutuellisme proudhonien et les mythes de l'anarcho-syndicalisme, qui était au moins, lui, un mouvement social réel et actif ».166(*)

    3.2.2. Les limites de la pédagogie illichienne

    Les réseaux illichiens sont condamnés à limiter leurs ambitions éducatives à ce qui peut servir d'emblée et de façon absolument évidente : ils ne dépassent pas les frontières d'un practicisme étroit. Il s'agit beaucoup moins de comprendre que de tirer parti de. Les réseaux correspondent à un savoir à courte vue, envisagé univoquement dans ses applications pragmatiques et immédiates. Nous ne voyons pas bien comment de telles conceptions très étriquées de l'activité scientifique vont pouvoir aider les classes sociales les plus défavorisées à surmonter leurs handicaps culturels et devenir capables de participer ultérieurement à la direction de la vie sociale. À moins qu'Illich foncièrement conservateur ne préfère, malgré les maux qu'il dénonce, laisser aux quelques privilégiés de la fortune le soin de se charger des affaires de l'État.

    Il y a un fossé, rapidement franchi par Illich, entre l'école telle qu'elle est et l'école telle qu'elle devrait être et ici le philosophe de Cuernavaca, pour s'assurer un succès facile pétrifie l'école dans sa forme la plus conservatrice et c'est d'ailleurs une forme caricaturale. Lorsqu'il constate, ce qui est vrai, qu'aujourd'hui une telle école ne peut plus fonctionner valablement, i.e. favoriser le développement personnel et collectif des élèves, il veut conclure à la fin de l'école, d'une école éternelle, immuable, alors que c'est lui qui l'a posée en tant que telle. Que l'école ne réponde pas aux exigences sociales, philosophiques et pédagogiques actuelles c'est une évidence ; en déduire l'inutilité et la fin de l'école c'est une erreur de raisonnement. C'est vouloir ne penser que d'une façon dichotomique : c'est bien ou c'est mal, c'est blanc ou c'est noir, c'est à conserver ou c'est à éliminer.

    G. Snyders porte un jugement à la fois dur et pertinent : la pensée d'Illich est une pensée qui fige tout ce qu'elle touche et il montre qu'elle ne prend absolument pas compte de l'histoire se situant constamment sur le plan métaphysique, mais il y a plus grave, Illich s'est lancé dans une critique de la culture, de la spécialisation et ce qui peut paraître, à certains, l'aspect le plus brillant de son oeuvre nous semble, au contraire, le plus naïf et le plus décevant sinon le plus dangereux. Il y a tout d'abord, chez lui une sorte d'incompatibilité entre la culture spécialisée de l'expert et le bon sens le plus courant résultant d'une expérience de la vie comme si la formation scientifique des uns éliminait automatiquement les connaissances pratiques et utilisables des autres. Et Illich n'a pas vu les deux problèmes qui se posent à ce sujet : qu'un niveau de culture scientifique n'élimine pas les précédents d'une part et que, d'autre part, le passage d'un niveau à l'autre suppose une médiation ; et c'est l'école seulement qui peut jouer ce rôle. Sans l'école nous restons sur le plan du savoir-faire, de la solution pratique des problèmes, du bricolage.167(*)

    Chercher à remplacer l'éducation scolaire par une éducation conviviale qui prône les réseaux illichiens paraît une conception politique peu réaliste, affirme Olivier Reboul, car Illich compte d'une part sur les enseignants pour qu'ils renoncent à leur autorité, d'autre part sur les industriels pour qu'ils mettent au service de l'éducation spontanée les objets éducatifs qui lui sont nécessaires : qu'ils construisent des moteurs ou des télévisions sur lesquels on puisse bricoler, qu'ils laissent tout un chacun accéder aux secrets de la production. C'est vraiment beaucoup demander. Pour que la révolution d'Illich se réalise, il faudrait des milliardaires révolutionnaires ou des révolutionnaires milliardaires.168(*)

    Illich critique le diplôme à juste titre mais il ne pose pas le problème des disciplines d'acquisition d'une compétence d'un haut niveau. Il a raison de s'élever contre la formation stérile de l'obligation scolaire, mais il n'a pas posé la question du meilleur équilibre souhaitable et possible entre les activités obligatoires, optionnelles et libres aux différents niveaux de la formation. Quant aux quatre réseaux d'éducation permanente ils sont séduisants, mais quelles sont les probabilités de réaliser les conditions de leur fonctionnement indépendant dans une société marchande ou politicienne qui tend à faire du développement culturel un enjeu mercantile ou électoral, ces systèmes risquent de renforcer par l'éducation l'emprise directe ou indirecte des valeurs de la classe dominante orientés vers le profit, la production, la consommation, que dénonce précisément Illich. Nous pouvons craindre que l'auteur ait imaginé un système qui parfois a les plus grandes chances de se retourner contre ses propres idées.169(*)

    En prétendant supprimer examens et sanctions, Reboul s'interroge si cela n'est pas une façon de laisser l'enfant désarmé devant les sanctions de la vie qui l'attendent, aveugles et impitoyables. Il pense qu'insérer les enfants dans la structure rigide des programmes et des examens est un puissant stimulant au travail et à la culture.170(*)

    3.2.3. Le caractère obligatoire de l'école

    L'école exerce des fonctions spécifiques qui peuvent fonder son caractère obligatoire: d'abord la protection des enfants. Illich peut bien ironiser là-dessus ; rien ne prouve que livrer les jeunes au monde du travail les délivrerait de la manipulation et de l'endoctrinement, tout suggère le contraire. Dans le travail productif, l'individu est avant un moyen, alors que ce que l'élève fait à l'école, c'est pour lui qu'il le fait. L'école n'est pas une simple garderie, destinée à relayer la famille dans sa fonction protectrice. Si elle protège, c'est pour enseigner, elle exerce une fonction positive ; et elle est seule à pouvoir l'exercer. Nous n'éprouvons aucun réalisme qu'une autre institution ou encore une absence d'institution puisse l'exercer.

    Ensuite, Illich affirme que l'école apprend une syntaxe i.e. un système de règles contraignantes et vides alors que, dans la vie, nous acquerrons une sémantique, i.e. une masse d'expériences riches de sens et de connotations, nous pouvons dire qu'une langue sans syntaxe n'est qu'un sabir, et de même qu'un savoir sans règles n'est qu'une masse incohérente d'informations bigarrées et de savoir-faire aveugles. Cela dit, nous pouvons retenir la métaphore d'Illich tout en la retournant contre lui, le savoir scolaire est à l'expérience de la vie ce que la syntaxe est à la langue, son principe organisateur. Le savoir scolaire est premièrement un savoir à long terme pour s'orienter dans la vie. En fait nous avons oublié la plupart des faits historiques appris à l'école, mais ils nous permettent à l'âge adulte de lire un livre d'histoire, de comprendre un monument. Nous avons oublié les éléments d'anglais ou de mathématiques, mais nous sommes capables de les réapprendre très vite en cas de besoin.171(*)

    Deuxièmement, il s'agit de savoirs organisés qui s'enchaînent de façon logique. Il n'y a pas de chimie sans une base mathématique, pas de littérature sans compétence linguistique et rhétorique, en un mot pas d'enseignement sans un programme qui en précise les prérequis, autrement dit ce qu'il faut savoir déjà pour le suivre. Troisièmement, il s'agit de savoirs adaptés, mis, par la didactique, à la portée des enfants. Le savoir qu'enseigne l'école est épuré, simplifié. Quatrièmement, il s'agit de savoirs argumentés. De savoirs qui se présentent avec leur justification et sont toujours susceptibles d'être critiqués ; cinquièmement, il s'agit de savoirs désintéressés i.e. sans finalité professionnelle ou autre, du moins dans l'immédiat.

    Que le travail scolaire soit intellectuel ou manuel, il est différent par essence du travail, où le travailleur est toujours le moyen d'une fin qui lui est extérieure. À l'école, l'élève est traité comme une fin en soi, et non comme un simple moyen visant à atteindre un but, c'est pour lui-même qu'il travaille, c'est sa propre autonomie qu'il apprend. La formation professionnelle ne peut se faire que hors de l'école, ou qu'après l'école ; et elle sera d'autant plus efficace qu'elle aura été précédée d'un enseignement personnel, capable de structurer la mémoire et de former le jugement.

    Sans l'école, sans ses programmes, sa progression, ses méthodes, notre culture ne serait, dans tous les domaines, qu'une masse incohérente de savoir-faire sans règle et de savoirs sans principes, acquis par chacun selon l'arbitraire de ses rencontres et de ses goûts. La nécessité de transmettre des savoirs ne justifie certes pas l'existence de l'école, car le savoir est précisément ce qui ne se transmet pas, il est l'expérience que chacun doit faire pour lui-même, le concept que chacun doit réinventer. L'enseignement véritable ne peut être qu'un auto-enseignement. Or l'école, par la protection qu'elle assure, par ses programmes à long terme, ses méthodes, sa progression, sa contrainte même, est l'institution qui peut seule mettre chacun, du moins de façon durable, en état de s'instruire. Le fait que nous ne nous instruisons que nous-mêmes ne supprime pas la nécessité de l'école ; il la fonda.172(*)

    Enfin, l'école assure une formation morale spécifique, elle enseigne des valeurs que nous ne trouvons pas dans la famille, ni sans doute dans le monde du travail : l'égalité, la justice, l'effort ; l'esprit critique ; si l'école enseigne ces valeurs, ce n'est pas en donnant des cours de morale, c'est en étant elle-même. Si l'école est ce qu'elle doit être, le fait même de la fréquenter constitue une éducation morale aussi bien qu'intellectuelle, certes il ne s'agit pas d'idéaliser l'école, et nous savons qu'elle trahit souvent ses fonctions. Mais le fait même que nous le lui reprochons atteste la permanence de ces fonctions.

    Pour Gaston Mialaret, l'oeuvre d'Illich n'a pas tenu ses promesses ; elle s'est arrêtée en chemin ; après avoir dénoncé les insuffisances de l'école et de l'éducation, Illich ne voit pas que c'est la société qui est responsable de tous ces maux et ; au lieu d'aboutir à une critique sociale, à une remise en cause de la société capitaliste, il prend l'école pour bouc émissaire. Il rejoint ainsi les positions les plus idéalistes et les plus naïves des conservateurs et des réactionnaires.173(*)

    Offre Dumazedier pense quant à lui que la société sans école d'illich n'est qu'un commencement ; car Illich laisse entière des questions, d'autant plus importantes à nos yeux, que nous adhérons fondamentalement au projet de transformer la société pour édifier un système juste et efficace d'éducation permanente : comment satisfaire les besoins de formation nécessaire au développement d'une économie complexe et à la transformation d'une société de plus en plus complexe, sans un programme élaboré et imposé à tout citoyen au moins à certaines périodes de sa vie et d'abord pendant l'enfance. Il s'élève contre l'impuissance sociale de l'obligation scolaire, mais l'obligation scolaire a été créée pour compenser la toute-puissance des inégalités culturelles fondées sur les inégalités sociales : « l'école obligatoire n'a pas réussi à les supprimer certes mais elle les a atténuées si nous songeons à la situation culturelle des classes sociales du XIXe siècle.174(*)L'évocation d'une société sans école se réduit à un pur et simple bruit de bouche, agréable aux oreilles de celui qui le prononce ».175(*)

    « Ouvrez une école et vous fermerez une prison »176(*) disait Victor Hugo, n'est-ce pas l'aveu d'une faillite de toute la civilisation,  le fait d'affirmer de nos jours que l'école elle-même est une prison, que l'enseignement tout entier apparaît à beaucoup comme un immense gâchis où tant d'enfants sont mutilés dans leur enthousiasme, leur élan, leur fierté d'apprendre ?177(*)

    3.4. Conclusion

    En concluant ce troisième chapitre qui a porté essentiellement sur l'appréciation critique de la théorie éducative illichienne, nous pouvons dire, comme pour toute oeuvre humaine, que la pensée éducative développée a ses limites et bien sûr que oui ses mérites. C'est ainsi que le premier point de ce chapitre a relevé trois grands mérites : le premier mérite illichien est celui de l'éveil de conscience pour une éducation juste, son oeuvre nous interpelle, remet en question l'organisation de l'éducation afin que l'État et les gestionnaires scolaires prennent conscience d'assurer les chances égales d'enseignement à tous. Le deuxième est celui du questionnement sur le rôle de l'école, tout en distinguant l'école de l'éducation, le rôle de l'école pour la société doit être clairement défini, une occasion de fixer des finalités scolaires dignes en élaborant des programmes suivant une politique scolaire s'inspirant d'une philosophie de l'éducation visant à surmonter la crise des systèmes scolaires tout en prônant une éducation libératrice et conviviale. Le troisième mérite illichien est la valorisation du tiers milieu éducatif. Illich, en bon philosophe de l'éducation, nous force de reconnaître que l'éducation ne doit pas être monopolisée par l'école et la famille, il nous faut un troisième milieu beaucoup plus important, question d'une éducation diversifiée et de la promotion des capacités individuelles des jeunes pour le bien de la société.

    Le deuxième point de ce troisième chapitre s'est attelé à démontrer les limites de la pensée éducative illichienne. Ainsi, trois grandes limites ont été également maintenues. La première limite est l'illichisme comme théorie utopique, Yao Assogba montre que cette théorie n'est d'une utopie monastique, car seule l'école peut garantir la qualification des individus à des postes de travail ; la deuxième limite relevée est la conception de sa pédagogie où il prône les réseaux éducatifs comme moyen alternatif de l'école, ces réseaux semblent illimités car ils sont envisagés univoquement dans des applications pragmatiques et immédiates. La troisième limite est celle du caractère obligatoire de l'école, si nous rejetons l'école, nous subirons la perte de protection des enfants que l'école assure, non seulement comme une simple garderie, mais surtout pour transmettre l'apprentissage et notre savoir ne sera qu'une masse incohérente de savoir-faire sans règles et sans principes, et nous perdrons du coup la formation morale spécifique que l'école assure à tous les siens.

    CONCLUSION GÉNÉRALE

    Au terme de cette belle randonnée philosophique portant sur l'analyse critique de la crise de l'éducation scolaire selon Ivan Illich, nous pouvons affirmer, non sans raison, que la philosophie de l'éducation demeure l'une des disciplines indispensables pour le bien de l'humanité, car elle réfléchit sur l'éducation qui est la base fondamentale de tout homme. En parcourant ce travail, subdivisé en trois chapitres, nous avons démontré sur les traces du philosophe autrichien la teneur de la crise que subit l'éducation scolaire moderne.

    Dans le premier chapitre, intitulé Lectures de la crise de l'éducation, il s'est agi d'analyser quelques facteurs importants de l'éducation. Nous avons d'abord abordé l'aspect historique en cherchant à déterminer la philosophie de l'école conçue par les différentes époques. Ainsi, dans l'antiquité grecque les sophistes avaient pour finalités de savoir comment penser, comment vivre, comment parler, aux côtés des sophistes, Socrate visait, à travers ses nombreuses discussions à apprendre qu'à enseigner. L'époque médiévale quant à elle a établi l'école comme un milieu moral organisé. Sa philosophie était la conversion religieuse. L'éducation de la Renaissance vise la libération de l'homme, la réalisation d'un idéal d'action combiné à un idéal de connaissance, l'instruction des élèves dans les vérités de la religion. Inspirée de nouvelles pédagogies, l'éducation contemporaine vise la formation de personnes rationnelles, capables de penser par elles-mêmes et dont les idées et actions s'appuient sur des raisonnements et connaissances valides.

    L'école africaine traditionnelle formait l'enfant pour son intégration harmonieuse à son groupe, ce but sera détrôné par l'arrivée de colonisateurs qui ont apporté l'école occidentale en Afrique avec comme but de civilisation qui amènerait les indigènes à mieux servir les intérêts de la métropole. Après l'indépendance l'école occidentale était maintenue dans le but de former les ressources humaines de qualité qui auront pour tâche de diriger et promouvoir le développement.

    Le deuxième aspect abordé dans ce chapitre est l'inventaire des manifestations de la crise scolaire, cette crise se manifeste par la problématique de la mission et des finalités de l'école qui nous amène à constater que l'école en Afrique n'a pas encore atteint son but de clé du progrès communautaire, ensuite le dysfonctionnement du système éducatif qui garde un décalage entre lui et les exigences réelles de la vie de la société africaine et enfin la baisse du niveau de l'enseignement moderne ayant comme base la pauvreté, la corruption et le mauvais fonctionnement des institutions scolaires africaines. Le troisième point qui a étalé les différents constats illichiens de la crise scolaire s'est d'abord penché sur la crise de l'ère scolaire prônée par Illich, ensuite sur l'anti-enseignement obligatoire qui n'est qu'une imposition qui divise l'existence humaine en deux périodes distinctes et enfin les méfaits que relève Illich engendrés par l'école qui au lieu d'être un lieu de formation est devenue le lieu de déformation en apprenant aux élèves à confondre les méthodes d'acquisition du savoir et la matière de l'enseignement.

    Le deuxième chapitre quant à lui s'est lancé à l'analyse critique illichienne de la crise de l'éducation scolaire, en effet, l'école subit une crise interne qu'externe, ainsi Ivan Illich passe en revue les différents aspects qui démontrent la crise scolaire et du coup son inutilité pour la société. Traitant de la politique, la société et le rapport éducation-école, le premier point de ce chapitre, a détaillé des éléments importants qui ternissent l'image de l'école. Du point de vue politique, Illich pense que la séparation de l'école et l'État serait d'un bénéfice considérable pour une éducation conviviale, l'État a échoué d'assumer l'égalité des chances en éducation, créant une absurdité économique, l'État devrait lutter à tout prix la discrimination en protégeant les citoyens contre l'exigence des diplômes pour trouver un emploi.

    Traitant du rapport éducation-école, Illich nous met en garde contre la confusion généralisée entre les deux réalités suite au monopole de l'école sur les autres formes d'éducation, or il existe une distinction formelle entre les deux, l'école n'est qu'une composante de l'éducation, elle peut même disparaître, mais l'éducation elle non, c'est le souci même illichien de voir de nouvelles formes éducatives car l'école n'est que manipulation oubliant que l'apprendre requiert le moins l'intervention d'autrui. Quant au rapport école-société, Illich constate que l'école ne prépare pas à la vie, car elle apprend des réalités qui n'ont rien à faire avec la vie réelle de la société, il y a confusion entre l'instruction et le rôle joué dans la société.

    Entamant le deuxième point de ce chapitre sur le monopole de l'école sur l'humanité, nous avons montré que ce monopole se situe à deux niveaux, le premier monopole scolaire est que l'école s'est érigée en une nouvelle religion obligeant tout homme à la fréquenter, le deuxième niveau est celui de l'aliénation. L'enseignement fait de l'aliénation la préparation à la vie, séparant ainsi l'éducation de la réalité et le travail de la créativité. Cette situation est pire en Afrique subsaharienne, où l'école héritée du colonialisme a été imposée et implantée dans un contexte dominant-dominé, elle n'est qu'une véritable domestication et aliénation des africains perpétuant le sous-développement.

    Le troisième et dernier point de ce chapitre se penche aux détails de la société déscolarisée, d'abord il présente les caractéristiques de la société déscolarisée qui prône plus de liberté que dans une société scolarisée, celle-là est caractérisée par une égalité des chances d'éducation pour tous, la possibilité à chacun de se développer et d'accéder à la situation pour laquelle il est apte, plus de diplômes comme garantie d'un emploi, des rencontres libres de partages des connaissances, pas de programme occulte de l'école, non à la manipulation créant exploiteurs et exploités, bref c'est une société conviviale. Ensuite, la société déscolarisée opte pour une éducation favorisant les réseaux éducatifs, les objets éducatifs doivent être mis à la disposition du public pour l'éducation formelle, l'échange libre des connaissances pour l'éducation mutuelle. Enfin le dernier point de ce chapitre traite de deux autres réseaux illichiens pour l'éducation conviviale, il s'agit de l'appariement des égaux qui est un organisme facilitant les rencontres entre pairs, où chacun choisit l'activité qui lui plaît pour l'intérêt de la société ainsi que l'émergence des éducateurs professionnels, qui rejetant autorité et contrainte, favorisent confiance dans un système d'éducation mutuelle.

    Le troisième chapitre de notre travail a porté essentiellement sur l'appréciation critique de la théorie éducative illichienne, comme pour toute oeuvre humaine, la pensée éducative développée a ses limites et ses mérites, c'est ainsi que le premier point de ce chapitre a relevé trois grands mérites : le premier mérite illichien est celui de l'éveil de conscience pour une éducation juste, son oeuvre nous interpelle, remet en question l'organisation de l'éducation afin que l'État et les gestionnaires scolaires prennent conscience d'assurer les chances égales d'enseignement à tous, le deuxième mérite illichien est la valorisation du tiers milieu éducatif, Illich, en bon philosophe de l'éducation nous force de reconnaître que l'éducation ne doit pas être monopolisée par l'école et la famille, il nous faut un troisième milieu beaucoup plus important, question d'une éducation diversifiée et de la promotion des capacités individuelles des jeunes pour le bien de la société.

    Le troisième mérite est celui du questionnement sur le rôle de l'école et de l'éducation, tout en distinguant l'école de l'éducation, le rôle de l'école pour la société doit être clairement défini, une occasion de fixer des finalités scolaires dignes en élaborant des programmes suivant une politique scolaire s'inspirant d'une philosophie de l'éducation visant à surmonter la crise des systèmes scolaires tout en prônant une éducation libératrice et conviviale.

    Le deuxième point de ce troisième chapitre s'est attelé sur les limites de la pensée éducative illichienne, trois grandes limites ont été également maintenues, la première limite est celle de considérer l'illichisme comme une théorie utopique, Yao Assogba le qualifie même d'une utopie monastique, car pour lui seule l'école peut garantir la qualification des individus à des postes de travail ; la deuxième limite relevée est la conception de sa pédagogie où il prône les réseaux éducatifs comme moyen alternatif de l'école, ces réseaux semblent limités, car ils sont envisagés univoquement dans des applications pragmatiques et immédiates. La troisième limite est celle du caractère obligatoire de l'école, sans elle, estime Olivier Redoul, nous assisterons à la perte de protection des enfants, en plus elle n'est pas seulement une simple garderie, mais surtout elle transmet l'apprentissage, elle assure non seulement le savoir à long terme pour la vie en société, mais aussi la formation morale spécifique.

    Après une telle analyse, les réactions du lecteur peuvent être légion et multiformes, nous subodorons que l'effet produit aura peut-être été chez certains réservé, teinté d'un sentiment utopique considérant la théorie illichienne moins réaliste. Nous n'envisageons en aucun cas, l'inspiration d'une telle perception,le but de ce modeste travail philosophique n'a été que celui de susciter par la réflexion illichienne le coeur de toutes les personnes qui ont la responsabilité de l'éducation afin d'arriver à une éducation qui puisse prendre conscience de ses limites pour le bien de la communauté des hommes. Loin de nous la prétention d'avoir exposé toute la pensée éducative illichienne, nous espérons que d'autres chercheurs postérieurs pourront se lancer dans cette aventure et pourront apporter plus d'éclaircissement à l'agape scientifique de la philosophie de l'éducation, non seulement pour l'éducation scolaire mais aussi et surtout pour le tiers milieu éducatif. Deschooling society demeure une oeuvre complexe qui permettra à chaque génération d'y trouver des éléments importants pour une éducation conviviale. C'est tout en laissant cette brèche que nous clôturons nos investigations si perfectibles tout en prônant des recherches continues en ce domaine si important pour la société, pour quiconque désire une société conviviale qui donne préséance à une humanité non-deshumanisante.

    BIBLIOGRAPHIE

    OUVRAGE DE BASE

    0. ILLICH Ivan, Une société sans école, traduit de l'anglais par Gérard Durand, Paris, Éditions du Seuil, 1971.

    AUTRES OUVRAGES DE L'AUTEUR

    1. ILLICH Ivan, Libérer l'avenir, traduit de l'anglais par Gérard Durand, Paris, Éditions du Seuil, 1971.

    2. , La convivialité, Paris, Éditions du Seuil, 1973.

    3. , Énergie et équité, Paris, Éditions du Seuil, 1973.

    4. , la perte des sens, traduit de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Éditions Fayard, 2004.

    OUVRAGES SUR L'AUTEUR

    1. CAYLEY David, Entretiens avec Ivan Illich, traduit de l'anglais par Paule Noyart, Montréal, Éditions Bellarmin, 1996.

    2. PAQUOT Thierry, Introduction à Ivan Illich, Paris, Éditions La découverte, 2012.

    AUTRES OUVRAGES CONSULTÉS

    1. ARENDT Hannah, La crise de la culture, traduit de l'anglais par Patrick Lévy, Paris, Éditions Gallimard, 1972.

    2. ---, Penser l'événement, traduit de l'anglais par Claude Habib, Paris, Éditions Belin, 1989.

    3. BACHELARD Gaston, La formation de l'esprit scientifique, Paris, Éditions Vrin, 32004.

    4. CIJIKA Chrysostome, La planification de l'éducation en Afrique, Paris, Éditions L'Harmattan, 2015.

    5. ---, Paulo Freire et la pédagogie de la conscientisation, Paris, Éditions L'Harmattan, 2018.

    6. ---, École, éducation, société, Paris, Éditions L'Harmattan, 2019.

    7. CLERMONTGauthier - TARDIFMaurice, La Pédagogie, théories et pratiques de l'Antiquité à nos jours, Montréal, Éditions Chenelière éducation, 32012.

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    9. COOPER David, Mort de la famille, Paris, Éditions du Seuil, 1972.

    10. DE HOVRE Frans, Essai de Philosophie pédagogique, Bruxelles, Éditions Albert Dewit, 1927.

    11. DE KONINCK Thomas, Philosophie de l'éducation pour l'avenir, Québec, Éditions Presses de l'Université Laval, 2010.

    12. DEWEY John, Démocratie et éducation, traduit de l'anglais par Gérard Deledalle, Paris, Éditions Armand Colin, 1975.

    13. DOGBE Yves-Emmanuel, La crise de l'éducation, Paris, Éditions AKPAGNON, 1979.

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    15. FERRY Luc, Lettre à tous ceux qui aiment l'école, Paris, Éditions Odile Jacob, 2003.

    16. FREIRE Paulo, LaPédagogie des opprimés, Paris, Éditions Maspero, 1974.

    17. GRAUMarie-Danielle, École réalité politique, Toulouse, Éditions Privat, 1974.

    18. HAMELINE Daniel, Courants et contre-courants dans la pédagogie contemporaine, Paris, Éditions ESF, 2000.

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    20. KAMBOUCHNER Denis, L'école, question philosophique, Paris, Éditions Fayard, 2013.

    21. KANT Immanuel, Traité de Pédagogie, traduit de l'allemand par Jules Barni, Paris, Éditions Hachette, 1981.

    22. KHÔI Lê Thành, Culture, créativité et développement, Paris, Éditions L'Harmattan, 1992.

    23. ---, Marx Engels et l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1991.

    24. LAPASSADE Georges, L'entrée dans la vie, Paris, Éditions de Minuit, 1963.

    25. LOBROT Michel, Changer l'école, Paris, Éditions de l'épi, 1970.

    26. MARITAIN Jacques, Pour une philosophie de l'éducation, Paris, Éditions Fayard, 1969.

    27. MIALARET Gaston, Introduction à la pédagogie, Paris, Éditions PUF, 1977.

    28. MWENZE WA KYUNGU Eric Jean-Paul, Philosophie de l'éducation, l'idéal pour l'école et le développement social du Congo démocratique, Lubumbashi,Éditions universitaires UNILU, 2016.

    29. REBOUL Olivier, La philosophie de l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1981.

    30. WHITEHEAD Alfred, Les visées de l'éducation et autres essais, traduit de l'anglais par Jean-Pascal Alcantara, Louvain-la-neuve, Éditions Chromatika, 2011.

    ARTICLE DE REVUES DE L'AUTEUR

    1. ILLICH Ivan, « L'urgence d'une révolution culturelle », in Revue interconfessionnelle de documentation, n° 40 (Février 1971), 23-35.

    ARTICLES DE REVUES SUR L'AUTEUR

    1. ASSOGBA Yao, « Deschooling Society ou l'illichisme : une utopie monastique », in Revue des sciences de l'éducation, Vol. 4, n°2 (juillet 1978) ,181-203.

    2. DUMAZEDIER Joffre, « Illich Ivan, une société sans école », in Revue française de Pédagogie, n° 21, (Octobre-novembre-décembre 1972), 88-92.

    3. GAJARDO Marcela, « Ivan Illich », in Perspectives : Revue trimestrielle d'éducation comparée vol. XXIII, n° 3-4 (1993), 733-743.

    4. LAPIERRE Jean-William, « Illich en débat », in Esprit, n° 3 (mars 1972), 380-395.

    5. PINEAU Gaston, « Illich ou les paradoxes de la créativité », inProspectives, vol. 11, n°1, (mars 1975), 80-87.

    AUTRES ARTICLES DE REVUES CONSULTÉS

    1. ILUNGA Bernard, « Les raisons ultimes de la pratique éducative », in Quelle philosophie pour l'éducation de l'homme et la transformation de notre société, Actes de la journée d'études philosophiques, Kansebula, mars 2010, 61-67.

    2. ILUNGA KISUMPA, « Le Congo indépendant face à la réforme de son système éducatif formel », in Questions sociales, 40 ans d'indépendance : mythes et réalités, Actes des Journées scientifiques de la Faculté des lettres de l'UNILU, t. II (juin 2000), 355-371.

    3. KIBUYE KAKUNTA BUPE, « Le connais-toi toi-même socratique : ses fondements et ses conséquences pour la crise éducationnelle en RDC, pour une éducation libératrice et créatrice », in Raison Ardente, les enjeux de l'éducation, n° 74,  (décembre 2006), 3-14.

    4. KIMENA KEKWAKWA KINENGE, « La politique scolaire de l'État colonial vis-à-vis des missions belges au Congo belge », in Revue zaïroise des sciences de l'homme, n° 5 (1974), 163-196.

    5. LAVAL Christian, « Les deux crises de l'éducation », in Penser la crise de l'école, Revue du MAUSS, n°28 (février 2006), 96-115.

    6. LITOING Norbert, « Penser l'éducation avec Hannah Arendt dans un contexte de crise d'autorité », in Raison Ardente, les enjeux de l'éducation, n°74  (décembre 2006), 315-25.

    7. OKOLO OKONDA, « Enjeux du post-modernisme en Afrique », in Philosophie et Politique en Afrique, Actes des journées philosophiques de 1996 à Canisius, Kinshasa, 18-30.

    DICTIONNAIRES CONSULTÉS

    1. BARAQUIN Noëlla - BAUDART Anne,Dictionnaire de philosophie, Paris, Éditions Armand colin, 2005.

    2. DROUIN Anne-Marie, Pédagogie, Mots, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 1993, 44-45.

    3. JEUGE-MAYNART Isabelle - KAROUBI Line, Le Larousse illustré 2010.

    4. RAYNAL Françoise - RIEUNIER Alain, Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, Éditions ESF éditeur, 2009, 195-196.

    WEBOGRAPHIE

    1. http://www.alternatives-economiques.fr/site/nouvelles_pages/210_005.html, consulté le 25 mars 2020, à 15h42.

    2. https://www.reseau-canope.fr/ivan-illich, consulté le 26 mars 2020, à 17h24.

    3. http:// www.descolarisation.org, consulté le 15 mars 2020, à 17h12.

    4. https://fr.qwe.wiki/wiki/Homeschooling_international_status_and_statis, consulté le 8 avril 2020 à 9h52.

    5. https://prepasaintsernin.wordpress.com// Laurent Cournarie, consulté le 25 Avril 2019, à 17h12.

    TABLE DES MATIÈRES

    ÉPIGRAPHES.........................................................................................I

    DÉDICACE ..........................................................................................II

    IN MEMORIAM ....................................................................................III

    REMERCIEMENTS ................................................................................IV 

    INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

    0.1. Choix et intérêt du sujet 1

    0.2. Problématique et hypothèses 2

    0.3. Méthode et division du Travail 2

    0.4. État de la question 3

    0.5. Notice biographique 3

    CHAPITRE PREMIER: LECTURES DE LA CRISE DE L'ÉDUCATION SCOLAIRE 5

    I.0. Introduction 5

    I.1. La philosophie de l'école au fil de temps 5

    I.1.1. La philosophie de l'école antique et médiévale 5

    I.1.2. La philosophie de l'école moderne et contemporaine 7

    I.1.3. La philosophie de l'école africaine traditionnelle, coloniale et postcoloniale 8

    I.2. Inventaire des manifestations de la crise de l'éducation scolaire 10

    I.2.1. La problématique de la mission et de finalités de l'école 10

    I.2.2. Le dysfonctionnement du système éducatif 12

    I.2.3. La baisse du niveau de l'enseignement moderne 14

    I.3. Les constats illichiens de la crise de l'éducation scolaire 15

    I.3.1. La fin de l'ère scolaire 15

    I.3.2. L'anti-enseignement obligatoire 16

    I.3.3. Les méfaits de l'école 18

    I.4.Conclusion..................................................................................................20

    CHAPITRE DEUXIÈME: ANALYSE CRITIQUE ILLICHIENNE DE LA CRISE DE L'ÉDUCATION SCOLAIRE 2 1

    II.0. Introduction 2 1

    II.1.1. L'éducation scolaire et la politique 21

    II.1.2. La problématique du rapport entre école et éducation 23

    II.1.3. La problématique du rapport entre l'école et la société 25

    II.2. Le monopole de l'école sur l'humanité 27

    II.2.1. L'école comme religion du monde moderne 27

    II.2.2. L'école comme aliénation de l'humanité 30

    II.2.3. L'école comme aliénation d'Afrique 31

    II.3. La société déscolarisée et ses réseaux éducatifs 33

    II.3.1. Les caractéristiques de la société déscolarisée 34

    II.3.2. Les objets éducatifs et l'échange des connaissances 36

    II.3.3. L'appariement des égaux et les éducateurs professionnels 38

    II.4. Conclusion 39

    CHAPITRE TROISIÈME : APPRÉCIATION CRITIQUE 41

    III.0. Introduction 41

    III.1. Les mérites de l'auteur 41

    III.1.1. L'éveil de conscience pour une éducation juste 41

    III.1.2. Le questionnement sur le rôle de l'école 42

    III.1.3. La valorisation du tiers milieu éducatif 43

    III.2. Les limites de l'auteur 44

    III.2.1. L'illichisme comme théorie utopique 45

    III.2.2. Les limites de la pédagogie illichienne 47

    III.2.3. Le caractère obligatoire de l'école 48

    III.3. Conclusion 51

    CONCLUSION GÉNÉRALE 52

    BIBLIOGRAPHIE 56

    TABLE DES MATIÈRES 59

    * 1 Cf. T. PAQUOT, Introduction à Ivan Illich, Paris, Éditions La découverte, 2012, 3.

    * 2 D. CAYLEY, Entretiens avec Ivan Illich, traduit par Paule Noyart, Montréal,Éditions Bellarmin, 1996, 164.

    * 3 http://www.alternatives-economiques.fr/site/nouvelles_pages/210_005.html, consulté le 25 mars 2020, à 15h42.

    * 4 Cf. https://www.reseau-canope.fr/ivan-illich, consulté le 26 mars 2020, à 17h24.

    * 5I. ILLICH, Une société sans école, traduit de l'anglais par Gérard Durand, Paris, Éditions du Seuil, 1971, 115.

    * 6 Cf. F. DE HOVRE, Essai de Philosophie pédagogique, Bruxelles, Éditions Albert Dewit, 1927, XIV.

    * 7 Cf. C. GAUTHIER - M. TARDIF, La Pédagogie, théories et pratiques de l'Antiquité à nos jours, Montréal, Éditions Chenelière éducation, 32012 1-3.

    * 8Personne qui refuse de participer aux activités obligatoires (I. JEUGE-MAYNART, Le Larousse illustré 2010, 867)

    * 9 I. ILLICH, La perte des sens, traduit par Pierre-Emmanuel DAUZAT, Paris, Éditions Fayard, 2004, 66-67.

    * 10 Cf. C. GAUTHIER - M. TARDIF,Op. Cit., 14-16.

    * 11 Cf. Ibid., 44-45.

    * 12 Cf. Ibid., 74.

    * 13Ibid.,49.

    * 14 Cf. M. EKWA BIS ISAL, L'école trahie, Kinshasa, Éditions Médiaspaul, 2004, 22-23.

    * 15 Cf. I. KISUMPA, « Le Congo indépendant face à la réforme de son système éducatif formel » in Questions sociales, 40 ans d'indépendance : mythes et réalités, Actes des Journées scientifiques de la Faculté des lettres de l'UNILU, Lubumbashi, 2000, 358.

    * 16 Cf. M. EKWA BIS ISAL , Op. Cit., 25-26.

    * 17K. KEKWAKWA KINENGE, « la politique scolaire de l'État colonial vis-à-vis des missions belges au Congo belge », In Revue zaïroise des sciences de l'homme, n°5, (1974), 173.

    * 18 Cf. I. KASUMPA,Art. Cit., 359-360.

    * 19 I. ILLICH, Libérer l'avenir, traduit de l'anglais par Gérard DURAND, Paris, Éditions du Seuil, 1971, 124.

    * 20 Cf. M. EKWA BIS ISAL, Op. Cit., 31-34.

    * 21I. KASUMPA,Art. Cit., 362.

    * 22 Cf. T. DE KONINCK, Philosophie de l'éducation pour l'avenir, Québec, Éditions Presses de l'Université Laval, 2010,117.

    * 23Cf. C.LAVAL , « Les deux crises de l'éducation », in Revue du MAUSS, n°28,(Février 2006), 97.

    * 24 Cf. A.-M. DROUIN, Pédagogie, Mots, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 1993, 44-45.

    * 25 Cf. F. RAYNAL - A. RIEUNIER,Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, Paris, Éditions ESF éditeur, 2009, 195-196.

    * 26Cf. O. REBOUL, La philosophie de l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1981, 46-47.

    * 27 Cf. B. ILUNGA KAYOMBO, « Les raisons ultimes de la pratique éducative », in Quelle philosophie pour l'éducation de l'homme et la transformation de notre société, Actes de la journée d'études philosophiques, kansebula (mars 2010), 61-67.

    * 28 Cf. E. J.-P.MWENZE WA KYUNGU, Philosophie de l'éducation, l'idéal pour l'école et le développement social du Congo démocratique, Lubumbashi, Éditions universitaires UNILU, 2016, 237.

    * 29 Cf. Ibid., 233-234.

    * 30I. ILLICH, Libérer l'avenir, 132.

    * 31 Cf. J. MARITAIN,Pour une philosophie de l'éducation, Paris, Éditions Fayard, 1969, 17.

    * 32Cf. K. KAKUNTA BUPE, « Le connais-toi toi-même socratique : ses fondements et ses conséquences pour la crise éducationnelle en RDC, pour une éducation libératrice et créatrice », in Raison Ardente, les enjeux de l'éducation, n° 74  (décembre 2006), 4.

    * 33 Cf. N. LITOING, « Penser l'éducation avec Hannah Arendt dans un contexte de crise d'autorité », in Raison Ardente, les enjeux de l'éducation, n° 74 (décembre 2006), 16.

    * 34 Cf. P. COOMBS, La crise mondiale de l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1968, 19.

    * 35 Cf. E. J.-P.MWENZE WA KYUNGU, Op. Cit., 208-209.

    * 36Cf. I. KISUMPA,Art. Cit., 366-367.

    * 37 C. CIJIKA, La planification de l'éducation en Afrique, Paris, Éditions L'Harmattan, 2015, 27.

    * 38 Cf. M. LOBROT, Changer l'école, Paris, Éditions de l'épi, 1970, 24-25.

    * 39 Cf. I. ILLICH, La perte des sens, traduit par Pierre-Emmanuel DAUZAT, Paris, Éditions Fayard, 2004, 48.

    * 40 Cf. E. J.-P.MWENZE WA KYUNGU, Op. Cit., 213-215.

    * 41M. EKWA BIS ISAL, Op. Cit., 66-68.

    * 42 Cf. E. J.-P.MWENZE WA KYUNGU, Op. Cit., 216-218.

    * 43 I. ILLICH, Libérer l'avenir, 120-121.

    * 44Cf. Ibid., 120-126.

    * 45Cf. M. LOBROT, Op. Cit., 16.

    * 46 I. ILLICH, La perte des sens, 46.

    * 47Cf. ID.,Libérer l'avenir, 130-131.

    * 48 Cf. Ibid., 108-109.

    * 49 P. GOODMAN, cité par O. REBOUL, Op. Cit., 83.

    * 50 Cf. I. ILLICH, Une société sans école, 25.

    * 51 Cf. O. OKONDA, « Enjeux du post-modernisme en Afrique » in Philosophie et Politique en Afrique, Actes des journées philosophiques de 1996 à Canisius, Kinshasa, 20.

    * 52 « J'ai réussi grâce à mes seuls mérites »

    * 53 « J'ai reçu les mêmes chances que l'autre et pourtant, moi j'ai échoué »

    * 54 Cf. D. KAMBOUCHNER, L'école, question philosophique, Paris, Éditions Fayard, 2013, 178.

    * 55 Cf. F. RAYNAL - A. RIEUNIER,Op. Cit., 153-154.

    * 56A.-M. DROUIN,Op. Cit., 45-46.

    * 57Cf. I. ILLICH, Libérer l'avenir, 109-114.

    * 58Cf. ID., Une société sans école, 11.

    * 59Cf. www.descolarisation.org, consulté le 15 mars 2020, à 17h12.

    * 60Cf. O. REBOUL, Op. Cit., 81.

    * 61I. ILLICH, Une société sans école, 87.

    * 62Ibid., 27.

    * 63Cf. M.-D. GRAU, École réalité politique, Toulouse, Éditions Privat, 1974, 15.

    * 64Cf. I. ILLICH, Libérer l'avenir, 115.

    * 65Cf. H. ARENDT, La crise de la culture, traduit de l'anglais par Patrick Lévy, Paris, Éditions Gallimard, 1972, 228.

    * 66ID., Penser l'événement, traduit de l'anglais par Claude Habib, Paris, Éditions Belin, 1989, 247.

    * 67Cf. https://prepasaintsernin.wordpress.com// Laurent Cournarie, consulté le 25 Avril 2019, à 17h12.

    * 68 J. MARITAIN,Pour une philosophie de l'éducation, Paris, Éditions Fayard, 1969, 104.

    * 69I. ILLICH, Une société sans école, 28.

    * 70Ibid., 56.

    * 71Ibid., 56- 57.

    * 72 Cf. Ibid., 60.

    * 73 Cf. Ibid.

    * 74 En vue d'un oubli à venir

    * 75 Cf. I. KANT, Traité de Pédagogie, traduit de l'allemand par Jules Barni, Paris, Éditions Hachette, 1981,62.

    * 76 Cf. I. ILLICH, Op. Cit., 72.

    * 77Cf. A.N. WHITEHEAD, Les visées de l'éducation et autres essais, traduit de l'anglais par Jean-Pascal Alcantara, Louvain-la-neuve, ÉditionsChromatika, 2011,1-7.

    * 78 L.T. KHÔI, Culture, créativité et développement, Paris,ÉditionsL'Harmattan,1992, 45.

    * 79 Cf. C. CIJIKA, École, éducation, société, Paris, Éditions L'Harmattan, 2019, 390.

    * 80 Cf. ID, La planification de l'éducation en Afrique, Paris, Éditions L'harmattan, 2015, 133-134.

    * 81 Cf. I. ILLICH, Libérer l'avenir, 118.

    * 82 J. DEWEY, Démocratie et éducation, traduit de l'anglais par Gérard DELEDALLE, Paris, Éditions Armand Colin, 1975, 94.

    * 83 D. HAMELINE,Courants et contre-courants dans la pédagogie contemporaine, Paris, Éditions ESF éditeur, 2000, 120.

    * 84 Cf. I. ILLICH, Une société sans école, 55-56.

    * 85Ibid., 62.

    * 86 Cf. Y.-E. DOGBE, La crise de l'éducation, Paris, Éditions AKPAGNON, 1979, 51.

    * 87 Cf. I. ILLICH, Une société sans école, 28.

    * 88Ibid., 29.

    * 89Cf. ID., Libérer l'avenir, 132.

    * 90Cf. Ibid., 116.

    * 91 I. ILLICH, Une société sans école, 27.

    * 92 Cf. www.descolarisation.org, consulté le 15 mars 2020, à 17h12.

    * 93 Cf. I. ILLICH, Op. Cit., 79.

    * 94Ibid., 80.

    * 95 Cf., Ibid.

    * 96 Cf. Ibid., 81-82.

    * 97 Cf. ID., La perte des sens, 65.

    * 98 Cf. Ibid., 66.

    * 99 Cf. ID., Une société sans école, 82-84.

    * 100 Cf. C. CIJIKA, Paulo Freire et la pédagogie de la conscientisation, Paris, Éditions L'Harmattan, 2018, 67.

    * 101 Cf. I. ILLICH, Op. Cit., 88.

    * 102Cf. I.ILLICH , « L'urgence d'une révolution culturelle », in Revue interconfessionnelle de documentation, n° 40, (Février 1971), 33-34.

    * 103P. FREIRE, La pédagogie des opprimés, Paris, Éditions Maspero, 1974, 29-30.

    * 104 Cf. I. ILLICH, Une société sans école, 84-85.

    * 105 Cf. G. LAPASSADE,L'entrée dans la vie, Paris, Éditions de Minuit, 1963, 212.

    * 106 I. ILLICH,Une société sans école, 20.

    * 107 Cf. Ibid.

    * 108 Cf. Y.-E. DOGBE, Op. Cit., 40.

    * 109Ibid., 43.

    * 110Cf. KALELE-KA-BILA, École : Domestication et aliénation des jeunes africains, Lubumbashi, Éditions Labossa, 1983, 16.

    * 111Cf. I. ILLICH, Libérer l'avenir, 112.

    * 112I. ILLICH, Art. Cit., 32.

    * 113Y.-E. DOGBÉ, Op. Cit., 65.

    * 114 Cf. J. DEWEY,Op. Cit., 54.

    * 115 Cf. I. ILLICH, Libérer l'avenir, 105.

    * 116 Cf. Ibid., 106.

    * 117 I. ILLICH, Une société sans école, 132.

    * 118Cf. Ibid., 128.

    * 119 Cf. D. COOPER, Mort de la famille, Paris, Éditions du Seuil, 1972, 66-67.

    * 120 Cf. O. REBOUL, Op. Cit., 102.

    * 121 Cf. I. ILLICH, Une société sans école, 87.

    * 122Ibid., 89.

    * 123 Ce mouvement français prône, à la suite d'Ivan Illich, une skholè libre, un espace-public égalitaire et la séparation de l'éducation et de l'État.

    * 124 Cf. www.descolarisation.org, consulté le 15 mars 2020, à 17h12.

    * 125 Cf. I. ILLICH, La convivialité, Paris, Éditions du Seuil, 1973, 88-89.

    * 126 Cf. I. ILLICH,Une société sans école, 134.

    * 127Cf. ID., Énergie et équité, Paris, Éditions du Seuil, 1973.

    * 128 ID., Une société sans école, 135.

    * 129Ibid., 136-137.

    * 130 Cf. Ibid., 146.

    * 131 I. ILLICH, Une société sans école, 148.

    * 132 Cf. Ibid., 151.

    * 133 Cf. O. REBOUL,Op. Cit., 87.

    * 134G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, Paris, Éditions Vrin,32004, 301.

    * 135I. ILLICH, Op. Cit., 151-152.

    * 136Ibid., 154.

    * 137Cf. Ibid., 156-157.

    * 138Cf. Ibid., 159.

    * 139 O. REBOUL, Op. Cit., 60-61.

    * 140Cf. I. ILLICH, Op. Cit., 161.

    * 141C. CIJIKA, Paulo Freire et la pédagogie de la conscientisation, 118.

    * 142Cf. I. ILLICH,Une société sans école, 161-162.

    * 143Cf. L.T. KHÔI, Marx Engels et l'éducation, Paris, Éditions PUF, 1991, 26.

    * 144 I. ILLICH,Op. Cit, 164.

    * 145Cf. Ibid., 167.

    * 146Ibid., 169-171.

    * 147 O. REBOUL, Op. Cit., 59.

    * 148Cf. N. BARAQUIN - A. BAUDART, Dictionnaire de philosophie, Paris, Éditions Armand colin, 2005, 356.

    * 149G. MIALARET, Introduction à la pédagogie, Paris, Éditions PUF, 1977, 59.

    * 150Cf. www.hrw.org/fr/world-report/2020/country, consulté le 5 avril 2020, à 22h38.

    * 151M. GAJARDO, « Ivan Illich », in Perspectives, Revue trimestrielle d'éducation comparée, vol. XXIII, n° 3-4, (1993), 734.

    * 152Cf. O. REBOUL, Op. Cit., 106.

    * 153 Cf. M. GAJARDO,Art. Cit., 733.

    * 154Cf. https://fr.qwe.wiki/wiki/Homeschooling_international_status_and_statis, consulté le 8 avril 2020 à 9h52.

    * 155 Cf. J. DUMAZEDIER, « Illich Ivan, une société sans école », in Revue française de Pédagogie, n° 21, (Octobre-novembre-décembre 1972), 91-92.

    * 156O. REBOUL, Op. Cit., 106.

    * 157 https://citations.ouest-france.fr/citation-georges-santayana/enfant-instruit-ecole-enfant-instruit-19439.html, consulté le 01 mai 2020, à 18h08.

    * 158Cf. L. FERRY, Lettre à tous ceux qui aiment l'école, Paris, Éditions Odile Jacob, 2003, 102-104.

    * 159Cf. G. PINEAU« ILLICH ou les paradoxes de la créativité » inProspectives, Vol 11, n°1 (1975), 82.

    * 160 Cf. Y. ASSOGBA, « Deschooling Society ou L'illichisme : une utopie monastique » in Revue des sciences de l'éducation, Vol 4, n° 2, (printemps 1978) ,181-203.

    * 161Ibid., 198.

    * 162 Cf. Ibid., 199-200.

    * 163 Cf. Y. ASSOGBA,  Art. Cit., 201.

    * 164Ibid., 201-203.

    * 165Cf. M. GAJARDO, Art. Cit., 738.

    * 166 J.-W. LAPIERRE, « Illich en débat », in Esprit, n° 3, (mars 1972), 388.

    * 167Cf. G. MIALARET, Op. Cit., 59-61.

    * 168Cf. O. REBOUL, Op. Cit, 105-106.

    * 169Cf. J. DUMAZEDIER, Art. Cit., 92.

    * 170Cf. O. REBOUL, Op. Cit., 53.

    * 171Cf. Ibid., 54.

    * 172Cf. O. REBOUL,Op. Cit., 106-107

    * 173Cf. G. MIALARET, Op. Cit., 62.

    * 174Cf. O. DUMAZEDIER,Art. Cit., 92.

    * 175C. CIJIKA, École, éducation, société, 144.

    * 176V. HUGO, cité parO. REBOUL, Op. Cit., 83.

    * 177Cf.Ibid., 84.






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams