Chapitre I : Une chaîne pénale
constituée des
différents acteurs concourant à la
répression des
infractions fauniques.
La lutte contre la criminalité faunique implique une
collaboration multi-acteurs. Par acteurs de la lutte contre cette
criminalité, il faut entendre les différentes entités qui
oeuvrent au quotidien dans la lutte contre les activités d'exploitation
illégale de la faune sauvage et dans la mise en application de la
législation en vigueur à la matière104. Il
résulte donc que l'oeuvre de répression contre les
différentes atteintes aux espèces fauniques nécessite la
contribution de plusieurs maillons qui constitue une chaîne
pénale. Ainsi donc, certains acteurs sont placés en amont de
cette chaîne de répression. Ils s'occupent essentiellement, chacun
selon leur compétence, de la constatation, la dénonciation, la
recherche des preuves ainsi qu'à tous actes préalables à
la mise en oeuvre de l'action publique (Section1). D'autre par
contre sont placés en aval de cette chaîne. Il s'agit entre autre
du ministère public et du juge répressif
(Section2).
Section1 : Les différents acteurs placés
en amont de la chaîne pénale dans la répression contre la
délinquance faunique.
En amont de la chaîne répressive, se trouve
d'abord le Ministère en charge de la faune, qui joue un rôle
prépondérant. A coté se trouve d'autres secteurs de
l'administration qui sont considérés comme des acteurs principaux
dans la lutte contre la délinquance faunique (§1).
Ensuite, il y a des acteurs secondaires qui sont, soit institutionnels ou non
institutionnels (§2).
Paragraphe1 : La prépondérance du
rôle de l'Administration dans la lutte contre la délinquance
faunique.
Comme nous l'avons évoqué, dans nos
développements précédents, les ressources naturelles et
partant les espèces fauniques constituent : « un patrimoine
biologique commun de la nation, dont l'Etat garantie la gestion durable
»105. Cette conception de l'Etat gestionnaire des
ressources naturelles est prônée aussi bien par le
législateur congolais que camerounais. Il s'ensuit donc que l'Etat a
l'obligation de veiller à la protection et à la conservation de
la faune sauvage. C'est pourquoi, lorsqu'une atteinte est portée contre
celle-ci, il appartient à l'Etat grâce à ses
démembrements d'engager des poursuites, en qualité de victime
principale.
104 ONONINO (A.B), Lois et procédures en matière
faunique au Cameroun, 1ère édition 2012, publié
avec le concours de LAGA et de WWF programme Eléphant d'Afrique,
page.43
105 Voir l'article 5 al.1 de la loi n°37-2008 du 28 novembre
2008 sur la faune et les aires protégées.
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Mais, la règlementation en matière faunique dans
les deux pays attribut aussi une compétence spéciale au
Ministère en charge de la faune. Il procède, par le truchement de
ses agents, à tous les actes d'enquête nécessaire aux fins
de mettre à la disposition de la justice répressive les
contrevenants à la loi faunique. Dans ce sens, Maryse GRANDBOIS
évoquant la prépondérance de l'administration dans la
lutte contre la criminalité environnementale, affirme que : «
C'est l'administration qui fait, applique et interprète le droit de
l'environnement. C'est également l'administration qui commande la
procédure, mène la recherche, la constatation et la poursuite des
infractions environnementales »106. C'est en cela que le
Ministère en charge de la faune est considéré comme le
moteur jouant un rôle principal et essentiel dans la lutte contre la
criminalité faunique (A). Cependant, la
complémentarité entre les entités étatiques permet
aux autres administrations d'accompagner le Ministère en charge de la
faune dans sa mission, bien que leur rôle ne soit que secondaire
(B).
A)-L'Administration de la faune : un acteur
principal dans la lutte contre la délinquance faunique.
Le rôle principal reconnu à l'administration de
la faune puise ses fondements dans des textes règlementaires et
légaux. Au Cameroun, il s'agit des Décrets n°2011/408 du 09
décembre 2011 portant organisation du gouvernement et celui
n°2005/099 du 06 avril 2005 portant organisation du Ministère des
forêts et de la faune, modifié et complété par le
décret n°2005/495 du 31 décembre 2005. Ces textes viennent
compléter la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime
des forêts, de la faune et de la pêche. Au Congo, on peut citer
entre autre le Décret n°2013-219 du 30 mai 2013 portant
organisation du Ministère de l'économie forestière et du
développement durable. Ainsi que la loi 37-2008 du 28 novembre 2008 sur
la faune et les aires protégées. A ces textes s'ajoutent les
textes répressifs classiques que sont les codes de procédure
pénale des deux pays qui déterminent les conditions
exceptionnelles d'attribution de la qualité d'officier de police
judiciaire (OPJ) à des fonctionnaires et agents relevant des
administrations.
La lecture combinée des textes spéciaux et des
dispositions du code de procédure pénale, sur l'attribution
exceptionnelle de la qualité d'officier de police judiciaire à
certains fonctionnaires permet de comprendre que : « la fonction de
constatation des infractions environnementales ne peut être
confiée aux non-initiés. Elle incombe naturellement aux
spécialistes de la protection de la nature ou aux environnementalistes
». Il s'ensuit qu'il convient pour nous, d'examiner en premier lieu,
les règles présidant à l'attribution de la qualité
d'OPJ aux fonctionnaires des Ministères en charge de la faune
(1). En second lieu, nous aborderons les prérogatives
qui sont reconnues à ces fonctionnaires appelés OPJ à
compétence spéciale (2).
106GRANDBOIS (M), Le Droit Pénal de
l'Environnement : Une garantie d'impunité ? Extrait de
criminologie. Vol.21, Canada, Ottawa 1986, page.77
Page | 78
1-Les règles d'attribution de la
qualité d'OPJ avec des compétences spéciales aux agents de
l'Administration de la faune.
Au-delà d'une approche analytique, notre approche est
aussi comparative. Dans cette perspective, il convient d'examiner
successivement le model d'officier de police judiciaire à
compétence spéciale tel qu'envisager par le législateur
congolais (a) et camerounais (b).
a) Le model congolais : la Police de la faune et de
la chasse
Il faut certainement partir des dispositions des articles 12,
14 et 15 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale issu de la
loi n°1-63 du 13 janvier 1963. L'article 12 dispose que : « La
police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la
République, par les officiers, fonctionnaires et agents
désignés au présent titre » et l'alinéa 2
de l'article 15 poursuit en ces termes : « La police judiciaire
comprend : (...) 2° les fonctionnaires et agents auxquels sont
attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire
». En réalité, la fonction de police judiciaire suppose
une reconnaissance officielle de l'aptitude à constater les
infractions107. C'est sur cette base que la loi de 2008 sur la faune
et les aires protégées à prévus une grande
innovation en instituant « la police de la faune et de la chasse
». Ainsi, l'article 95 de la loi faunique dispose que : «
Sans préjudice des pouvoirs de la police judiciaire, la police de la
faune et de la chasse est assurée par les services compétents du
Ministère chargé des eaux et forêts, qui peuvent en cas de
besoin, se faire assister par les chefs de villages et les associations locales
oeuvrant dans ce domaine ». S'agissant de leurs compétences,
l'article 14 alinéa 1 du Code de procédure pénale dispose
que : « Elle est chargée, suivant les distinctions
établies au présent titre de constater les infractions à
la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en chercher les auteurs
tant qu'une information n'est pas ouverte ». Cet article apporte des
éclaircissements par rapport au renvoi indiqué à l'article
94 de la loi faunique aux termes duquel : « La recherche et la
constatation des infractions se font conformément à la
législation en vigueur ».
Mais qu'est ce que la police de la faune et de la chasse ? De
qui est-elle composée ? Au plan organique, il s'agit d'un corps
spécial des agents relevant du Ministère de l'économie
forestière et du développement durable (MEFDD), il est
constitué par des éco-gardes (article 96 de la loi
sus-évoquée). Au plan fonctionnel, il s'agit d'un ensemble des
missions qui consiste essentiellement en la surveillance ponctuelle des zones
d'intérêts cynégétiques sur l'ensemble du
territoire, prévention, recherche et constatation des infractions.
Ce model congolais qui s'apparente approximativement de
l'Office national de la chasse et de la faune sauvage en France, n'est pas
aussi loin du model camerounais.
107 TCHOCA FANIKOUA (F), La contribution du Droit
Pénal de l'Environnement à la répression des atteintes
à l'environnement au Benin. Thèse pour obtenir le grade de
Doctorat en Droit. Université de Maastricht, soutenue le 15 novembre
2012.
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b- Le model camerounais : les agents
assermentés de l'administration en charge de la faune.
Au Cameroun, le texte de base portant attribution de la
qualité d'officier de police judiciaire est l'article 78 alinéa 1
de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure
Pénale. Cet article dispose que : « La police judiciaire est
exercée, sous la direction du Procureur de la République, par les
officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et tous autres
fonctionnaires ou personnes auxquels des lois spéciales confèrent
des pouvoirs de police judiciaire ». Ensuite, les articles 79 et 80
de cette même loi disposent qu'ont la qualité de police judiciaire
: « Les fonctionnaires et agents des administrations et des services
publics auxquels des textes spéciaux attribuent les compétences
de police judiciaire, les exercent dans les conditions et les limites
fixées par ces textes ». La loi n°94/01 du 20 janvier
1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche
est considérée comme une loi spéciale qui confère
des pouvoirs de police judiciaire aux agents du Ministère en charge de
la faune.
En ce sens, l'article 141 de ladite loi, dispose que : «
(1) Sans préjudice des prérogatives reconnues au
Ministère public et aux officiers de police judiciaire à
compétence générale, les agents assermentés des
administrations chargées (...) de la faune, dans l'intérêt
de l'Etat, des communes, des communautés ou des particuliers sont
chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en
répression des infractions commises en matière (...) de la faune,
selon le cas. (2) Les agents visés à l'alinéa (1)
ci-dessus prêtent serment devant le tribunal compétent à la
requête de l'administration intéressée, suivant des
modalités fixées par décret ». L'article 142
poursuit en affirmant que ces agents assermentés de l'administration de
la faune « sont des officiers de police judiciaire à
compétence spéciale en matière de la faune » et
ils procèdent à la constatation des faits, à la saisie des
produits indûment récoltés.
Ainsi donc, les missions de police judiciaire relevant du
domaine de la faune sauvage, notamment la constatation des atteintes à
la faune sont spécialement confiées à des agents du
Ministère des forêts et de la faune (MINFOF). Cette qualité
d'officier de police judiciaire est cependant conditionnée à la
prestation d'un serment devant le tribunal compétent. Il ne reste plus
que d'examiner les prérogatives qui sont reconnues aux agents du
Ministère en charge de la faune. A ce titre, l'approche comparative
entre le model congolais et camerounais est la mieux appropriée.
2-Les prérogatives reconnus aux OPJ
à compétence spéciale dans la constatation des infractions
à la loi faunique.
Aux termes des dispositions de la loi de 2008 sur la faune et
des aires protégées au Congo et celle de 1994 sur le
régime des forêts, de la faune et de la pêche au Cameroun,
les prérogatives reconnues aux agents des Ministères en charge de
la faune sont pratiquement similaires. Il conviendra néanmoins de les
examiner distinctement à travers les pouvoirs reconnus aux agents de la
police de la chasse et de la faune au Congo (a) et ceux
reconnues aux agents assermentés au Cameroun (b).
a) Page | 80
Les pouvoirs reconnus aux agents de la police de la
chasse et de la faune.
D'abord l'article 14 alinéa 1 du Code de
procédure pénale congolais pose des compétences
générales qui sont attachées à toute personne
dotée des prérogatives de police judiciaire. En effet, il ressort
de cette disposition que la qualité d'officier de police judiciaire
donne compétence, aux fonctionnaires et agents désignés
par des textes spéciaux : de constater les infractions à la loi
pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs.
Mais, la loi faunique élargie les prérogatives des agents
relevant du Ministère en charge de la faune. En effet, contrairement aux
officiers de police judiciaire classique dont les procès-verbaux ne
servent qu'à titre de simple renseignement108, l'article 98
de la faunique dispose que : « Le procès-verbal dressé
par un fonctionnaire assermenté appartenant à un cadre
hiérarchique équivalent ou inférieur à celui
d'agents techniques des eaux et forêts fait foi jusqu'à preuve du
contraire ». Les articles 99 à 101 de cette loi
énumèrent les pouvoirs reconnus aux agents assermentés du
Ministère de l'économie forestière. On peut citer entre
autre : dresser des barrages pour renforcer la lutte contre la chasse
illégale, procéder à des perquisitions pour rechercher des
animaux ou des trophées irrégulièrement chassés ou
détenus, requérir la force publique en cas de besoin.
Ces prérogatives sont, cependant, conditionnées
par la prestation du serment devant le tribunal. Le Décret
n°2002-433 du 31 décembre 2002 portant organisation et
fonctionnement du corps des agents des eaux et forêts dispose en ses
articles 20 et suivants : les agents du corps des eaux et forêts sont
amenés à faire usage des armes de guerre, des armes de chasse et
des explosifs. C'est le cas, lors des opérations de lutte anti
braconnage. Ils ont la qualité d'agents de police judiciaire. Ils
prêtent serment devant le tribunal de grande instance de leur lieu
d'affectation. Ainsi, ces agents ont qualité pour arrêter tout
individu qui commet une infraction à la loi. Ces prérogatives
sont quasiment similaires à celles reconnues aux agents
assermentés relevant du Ministère des forêts et de la faune
au Cameroun.
b) Les prérogatives reconnues aux agents
assermentés du Ministère en charge de la faune.
Les articles 82 et suivants du Code de procédure
pénale camerounais fixent les attributions et devoirs de la police
judiciaire. L'article 142 de la loi de 1994 énumère les
prérogatives des agents assermentés relevant du Ministère
en charge de la faune. Ainsi, ils procèdent à la constatation des
faits, à la saisie des produits indûment récoltés et
des objets ayant servi à la commission de l'infraction. Ils dressent
également des procès-verbaux qui font foi des constatations
matérielles qu'ils relatent jusqu'à inscription de faux.
L'alinéa 3 poursuit en stipulant que ces agents peuvent visiter tous les
moyens susceptibles de transporter les produits résultant de la
commission des infractions fauniques. Ils peuvent aussi s'introduire de jour
dans des maisons et les enclos, en cas de flagrant délit et exercer un
droit de poursuite à l'encontre des contrevenants.
108 En ce sens l'article 365 du Code de Procédure
Pénale congolaise dispose que : « Sauf dans le cas où la
loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant
les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements
».
Page | 81
Les similarités entre les agents des deux pays tiennent
de l'astreinte à la prestation de serment devant un tribunal
compétent du lieu de leur affectation. Malgré le silence des deux
lois, il faut relever que ce serment, comme celui de tout autre corps de
l'administration astreint à cette obligation n'est prêter qu'une
seule fois, quelque soit le nombre d'affection qui peuvent intervenir par la
suite. Il ne saurait en être autrement puisque les médecins ou les
magistrats ne prêtent pas serment chaque fois qu'ils sont affectés
d'un lieu à un autre. C'est ainsi qu'une interprétation tendant
à lier la compétence territoriale du serment à celle de la
juridiction devant laquelle l'agent du MINFOF l'a effectué et par
conséquent faire de celui-ci « un serment mobile
»109, ne pourrait tenir la route. Cependant, il est claire
que l'article 88 alinéa 1 définit les limites territoriales dans
lesquelles les agents doivent exercer leurs compétences. Au-delà
des dispositions de la loi faunique de 1994, le décret de 1995 dispose
en son article 68 alinéas 1 stipule que le contrôle et le suivi
des activités fauniques sont assurés par le personnel de
l'administration chargée de la faune. Ils procèdent à
l'interpellation et à l'identification immédiate de tout
contrevenant pris en flagrant délit.
A coté du rôle prépondérant
joué par l'administration de la faune, les autres entités
étatiques centrales, déconcentrées ou même
décentralisées accompagnent le ministère en charge de la
faune dans cette lutte.
B)-Le rôle assigné aux autres
administrations dans la constatation des infractions à la loi
faunique.
Mis à part le Ministère en charge de la faune,
la compétence spéciale dans la recherche et la constatation des
infractions à la faune sauvage est également confiée aux
autres agents des administrations étatiques dont la loi reconnaît
la qualité de police judiciaire. On citera les agents des services de
douane (1) et certaines autorités de l'administration
décentralisée ou déconcentrée
(2).
1-Les agents relevant des services de douanes aux
frontières.
Il faut relever de prime à bord que la douane
Camerounaise et Congolaise est soumise à une réglementation
communautaire notamment l'Acte n°5/001-UEAC-097-CM-06 du 03 août
2001 portant Code des Douanes de la CEMAC. Son article 1er dispose
que : « Le présent code s'applique au territoire douanier de la
Communauté Economique et Monétaire des Etats de l'Afrique
Centrale ». Ce Code offre donc un régime identique applicable
en matière de taxations douanières. Il résulte donc des
dispositions de ce Code que les brigades de douane sont créées et
supprimées par décision du Gouvernement intéressé.
Il en informe le Secrétariat Exécutif (article 61) et l'article
63 soumet les agents des douanes à la prestation d'un serment devant le
tribunal compétent. Les agents de douanes font partis des fonctionnaires
auxquels les articles 80 et 15 des codes de procédure pénale
congolais et camerounais attribuent la qualité d'officier de police
judiciaire.
109 ONONINO (A.B), NYA (F.A) et NKOKE (C.S), Guide : la mise
en application de la loi faunique, Cameroun, les compétences,
attributions, mission et responsabilités des différents
corps. Rapport TRAFFIC, novembre 2016.page.40
Page | 82
Ainsi donc, en cette qualité, l'article 70 du Code de
douane dispose que : « Pour l'application des dispositions du
présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents peuvent
procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport
et à celle des personnes ». Ces compétences sont
élargies aux termes des articles 72, 73 et 74 du même code.
Au nombre de ses missions, les services de douanes
camerounaise et congolaise appuient les autres administrations dont le
Ministère en charge de la faune dans la lutte contre la
criminalité faunique transnationale. En effet, ces agents sont
implantés aux frontières et déployés de
façon stratégique sur toute l'étendue des territoires des
deux pays. A ce titre, ils sont habiletés à interdire
l'entrée dans le territoire national de certains produits tels que : des
espèces fauniques ou des trophées en violation avec les lois
fauniques en vigueur. Ils contrôlent également le respect à
la réglementation internationale en matière de protection des la
faune sauvage. On peut citer entre autre : les quotas aux importations ou aux
exportations prévus dans les conventions internationales dûment
ratifier par le Congo et le Cameroun. Pour s'en convaincre on peut se
référer à la Convention CITES ou à celle de Bonn
sur les espèces migratrices appartenant à la faune sauvage.
A coté des agents relevant des administrations
centrales de l'Etat, les législations congolaises et camerounaises ont
connue une grande évolution dans le cadre des politiques de
déconcentration et de décentralisation. A ce titre, des pouvoirs
sont reconnus aux autorités déconcentrées et
décentralisées dans la protection de l'environnement et partant
de la faune sauvage.
2-Les agents des administrations
déconcentrées et décentralisées : le Préfet
et le Maire ayant qualité d'OPJ par attribution
légale.
Notons d'abord que le code de procédure pénale
congolais reconnait aux Préfets et aux Sous-préfets la
qualité d'officier de police judiciaire (article 16 al.3). A ce titre,
ils exercent toutes les compétences reconnues aux OPJ, dans les
départements et les sous-préfectures où, ils
représentent le pouvoir central et donc le Ministère en charge de
la faune. Au Cameroun, l'article 71 alinéa 1 de la loi n°2004/018
du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes dispose
que le Maire exerce la police municipale et à ce titre, il veille
à la protection de l'environnement. Au Congo, avec la constitution du 20
janvier 2002, il a été consacré le principe de la libre
administration des collectivités territoriales. Ainsi en 2003, le
législateur a mis en place plusieurs textes de lois pour donner un
contenu au principe constitutionnel ainsi établit. Ces lois
opèrent transfert de certains aspects de la nation au contrôle des
collectivités locales. C'est ainsi que la loi n°10-2003 du 6
février 2003 portant transfère de compétences aux
collectivités locales dispose en son article 16 que : « Les
compétences dans les matières sont transférées aux
collectivités locales dans leur ressort territorial respectif et selon
des conditions définies aux articles 17 à 40 ci-dessus de la
présente loi (...) -L'environnement ; les eaux, les forêts et la
chasse (...) ». Ensuite, les articles 21 et 23 disposent que les
départements ont compétence pour : Protéger les
écosystèmes. Les Préfets et Sous-préfets assurent
la politique de reboisement de proximité et d'exploitation artisanale de
la flore ainsi que la faune.
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Ils protègent les espèces fauniques. Aux termes
de l'article 33 de la même loi, les communes ont également une
compétence dans la protection des écosystèmes.
Or, aux termes de l'article 27 du Décret n°2003-20
du 6 février 2003 portant fonctionnement des circonscriptions
administratives territoriales : « Le Préfet est garant de
l'ordre public (...). Il exerce dans le département des attributions de
police judiciaire, donne des ordres directs aux services de police et adresse
des demandes de concours à la gendarmerie. Il peut personnellement
requérir les Officiers de police judiciaire de faire tous actes
nécessaires à l'effet de constater les crimes et délit
contre la sûreté intérieur et extérieur de l'Etat et
d'en livrer les auteurs aux tribunaux. Ce pouvoir comporte le droit
d'opérer des perquisitions ou des arrestations ». L'article 28
de ce Décret parle des compétences de police spéciale, en
particulier celle de chasse, reconnue au Préfet. S'agissant des
Sous-préfets, les articles 67 et 68 du Décret susvisé
reconnaissent à celui-ci la qualité d'Officier de police
judiciaire. A ce titre, ils sont compétents pour constater les crimes et
délits et pour prendre toutes mesures utiles afin que les auteurs soient
déférés devant les juridictions compétentes. Ils
sont aussi chargés de l'application de la règlementation sur la
protection de l'environnement, des aires protégées. L'article 81
de ce Décret est en contradiction avec les dispositions de l'article 16
alinéas 3 du Code de procédure pénale qui ne cite pas les
Maires comme des agents ayant qualité d'officier de police judiciaire.
Or cette disposition décrétale stipule que : « Le maire
assure l'exécution des mesures de sûreté
général et dispose des pouvoirs de police générale
(...) Il est officier de police judiciaire (...) il est compétent pour
constater les crimes et délits et pour prendre toutes mesures utiles
afin que les auteurs soient déférés devant les
juridictions compétentes ».
Il résulte de tout ce qui précède que
l'administration, au premier plan le Ministère en charge de faune, aussi
bien au niveau central que local, participe activement dans la lutte contre la
criminalité faunique. Le droit interne congolais et camerounais a pour
ce faire attribuer, de façon exceptionnelle, des prérogatives de
police judiciaire dans un domaine spéciale qui est celui des infractions
fauniques. Mais à coté de ce rôle principal assuré
par les Ministères en charge de la faune et certaines administrations,
il existe des acteurs dits « secondaires » qui peuvent
être institutionnels ou non institutionnels.
Paragraphe2 : Les acteurs secondaires dans la lutte
contre la criminalité faunique.
La lutte contre la délinquance faunique
nécessite la mise en place d'un mécanisme permettant d'organiser
des poursuites contre les contrevenants aux lois fauniques. A ce titre,
l'action menée par l'administration en charge de la faune est certes
essentielle et principale, mais elle n'est cependant pas suffisante. Elle ne
peut être efficace que si, elle est accompagnée par d'autres
acteurs institutionnels comme les services de Police nationale, de Gendarmerie.
De même que par des Organismes internationaux comme Interpol
(A). Il faut rappeler aussi, avec force, l'action menée
par des Organisations privées, telles que les associations de lutte pour
la protection de la faune et d'autres Organismes non gouvernementaux qui
oeuvrent dans la protection de l'environnement (B).
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A)-Les acteurs institutionnels secondaires de
lutte contre la criminalité faunique.
Il conviendra pour nous d'examiner successivement le
rôle joué par la Police et la Gendarmerie nationale à
travers leurs agents auxquels la loi reconnait la qualité d'officier de
police judiciaire. Grâce à leurs compétences très
larges en matière de la constatation, la recherche des infractions, ils
peuvent ainsi intervenir en cas d'atteinte contre les espèces fauniques
et d'inobservation des lois spéciales en la matière (1).
Mais, le braconnage et le commerce illégal des espèces
et de leurs produits ayant pris des formes transnationales, la contribution des
services de la Police interétatique (INTERPOL) est parfois
nécessaire pour endiguer ce phénomène
(2).
1-Les OPJ à compétence
générale : La Police nationale et la Gendarmerie
nationale.
Il est à bon droit d'examiner distinctement des
compétences et de l'action des Polices nationales (a)
congolaise et camerounaise dans le domaine de la criminalité
faunique et celles de la gendarmerie des deux pays (b).
a) Les officiers de la police nationale comme
acteurs à compétence générale dans la lutte contre
la criminalité faunique.
Au Congo, il faut tout d'abord retenir que les missions
générales de la Police nationale sont prévues dans la loi
n°6-2011 du 2 mars 2011 fixant les missions, l'organisation et le
fonctionnement de la Police nationale en République du Congo. L'article
2 de cette loi dispose que la police nationale a pour mission de garantir la
sécurité intérieure et extérieure de l'Etat. A ce
titre, elle est chargée de entre autre : Assurer le respect des lois et
règlements ; exécuter les missions de police judiciaire. C'est
dans ce sens que l'article 16 alinéa 1er du Code de
procédure pénale congolais reconnait comme ayant qualité
d'officier de police judiciaire : « les commissaires de police, les
officiers de police et les inspecteurs principaux titulaires de l'examen
technique d'officier de police judiciaire ». Ainsi donc, en cette
qualité, ces officiers de la Police nationale sont chargés de
constater les infractions à la loi pénale (en l'espèce
à la loi spéciale sur la faune) ; d'en rassembler les preuves et
les auteurs110. Cette compétence étant
générale, en matière des infractions contre la faune qui
est un domaine spécial avec des spécificités techniques
que seuls les agents des ministères en charge de la faune peuvent
métriser. Les officiers de la police, sont donc appeler à les
assister dans tous les actes nécessaires à la manifestation de la
vérité. Mais, ils peuvent aussi procéder à tout
acte de constatation, d'interpellation en l'absence des agents
assermentés du MEFDD.
Dans le même ordre d'idée, la police camerounaise
dispose des compétences générale qui sont définit
par le Décret n°2012/540 du 19 novembre 2012 portant organisation
de la Délégation Générale à la
Sûreté Nationale. Celui-ci stipule à son article 4 que la
Police est chargée entre autre : De la recherche, de la constatation des
infractions aux lois pénales et de la conduite de leurs auteurs devant
les juridictions répressives. Elle lutte contre la criminalité
nationale, internationale et transnationale.
110 Voir en ce sens, l'article 14 al. 1er du Code de
Procédure Pénale Congolais.
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C'est à ce titre que l'article 79 du Code de
procédure pénale camerounais dispose que : « Ont la
qualité d'officier de police judiciaire : c)-Les Commissaires de police
; d)-Les officiers de police (...) ». De même, l'article 82 de
ce code parlant des attributions et devoirs de la Police judiciaire
précise que : « La Police judiciaire est chargée : a)-de
constater les infractions, d'en rassembler les preuves, d'en rechercher les
auteurs et les complices et, le cas échéant de les
déférer au Parquet (...) ». La loi de 1994 sur le
régime des forêts, de la faune et de la pêche, les qualifie
en son article 141 al. 1er des : « officiers de police
judiciaire à compétence générale ».
Certains auteurs dans la doctrine les ont aussi qualifiés comme des
acteurs classiques dans la constatation des infractions ayant des
compétences traditionnelles dans la recherche et la constatation des
infractions de droit commun111. Ainsi donc au Cameroun les officiers
de la Police nationale, ayant des compétences générales,
peuvent intervenir même dans le cadre la commission des infractions
fauniques. Pourtant, celles-ci peuvent s'avérées trop techniques
et complexes en raison de la particularité du domaine faunique.
Mais à coté de la Police nationale, le code de
procédure pénale attribut aussi la qualité d'officier de
police judiciaire aux officiers de la Gendarmerie nationale, qui peuvent
à ce titre intervenir également dans la lutte contre la
criminalité faunique.
b- Les officiers de la gendarmerie nationale comme
acteurs à compétence générale dans la lutte contre
la criminalité faunique.
Au Congo, la Gendarmerie nationale est régie par
l'ordonnance n°4-2001 du 5 février 2001 portant statut
général des militaires et des gendarmes. Elle a entre autre
mission, celle d'exercer la police judiciaire. C'est pourquoi l'alinéa 2
de l'article 16 du Code de procédure pénale dispose qu'ont la
qualité d'officier de police judiciaire : « 2°-Les
officiers de gendarmerie, les sous-officiers de gendarmerie exerçant les
fonctions du commandant de section, de brigade et de peloton ».
S'agissant de la Gendarmerie camerounaise, ses missions sont définis par
le Décret n°2001/181 du 25 juillet 2001 portant organisation de la
Gendarmerie nationale. Son article 2 précise entre autres fonctions,
l'exécution des missions de police administrative et de police
judiciaire, dans les conditions fixées par les textes en vigueur.
Considérés comme des officiers de police judiciaire à
compétences générales, les officiers de la gendarmerie
peuvent donc valablement intervenir dans la constatation des infractions
à la loi faunique. Ils constituent ainsi, aux cotés de la police
nationale, des acteurs dont le rôle reste secondaire dans la lutte contre
la criminalité faunique.
Cependant la délinquance faunique est un
phénomène tentaculaire, dont les ramifications peuvent parfois
dépasser le cadre national et s'étendre sur le territoire
d'autres Etats. Ainsi, au cours de ces années, le braconnage et le
commerce des espèces menacées d'extinction a pris des proportions
internationales. C'est pourquoi, l'action d'INTERPOL est devenue plus que
nécessaire.
111 TCHOCA FANIKOUA op.cit, page.80
Page | 86
2-Les services d'INTERPOL : Une police au service
de la lutte contre la criminalité faunique
transnationale.
Reprenant ces mots de Alain Bernard ONONINO, qui en sa
qualité de spécialiste des questions relevant de la
criminalité faunique, affirmait que : « La menace devient
cependant plus sérieuse et redoutable lorsque les animaux sauvages sont
abattus et capturés à des fins commerciales, pour satisfaire la
demande sans cesse croissante en espèces et produits de la faune des
marchés locaux et internationaux (...) Il s'organise la plupart du temps
en réseaux criminels bien huilé dont les membres se recrutent
dans diverses couches de la société et parfois même dans
plusieurs pays (...) du simple chasseur pygmée Baka (...) au
commerçant chinois multimillionnaire possédant de nombreuses
boutiques de luxe sur le marché asiatique »112.
Cette pensée, illustre bien l'ampleur de la menace d'extinction que
cours les espèces fauniques en Afrique Centrale. La raison principale de
ce phénomène reste, la montée d'une criminalité qui
ne cesse de prendre des proportions considérables à cause de la
demande sans cesse croissante. Selon le rapport IFWA : la nature du crime
concernant les répercussions du commerce illicite d'espèces
sauvages sur la sécurité mondiale, publié en septembre
2013 : le commerce illégal des espèces fauniques et des
produits qui en découlent est classé au 4ème
rang des activités illicites mondiales113. Il est
considéré par la Commission des Nations Unies pour la
prévention du crime et la justice pénale comme : « une
forme sérieuse de crime organisé ». De plus, il a
été établit que ce commerce a des ramifications avec le
terrorisme, le radicalisme et la fraude.
Ainsi donc face à une criminalité qui, au cours
des décennies, a pris des proportions considérables, les agents
des Etats agissant dans les limites des frontières de manière
cloisonnée voient de plus en plus leur action s'anéantir face
à un phénomène transnational. En effet, comment engager
des poursuites contre des contrevenants agissant en bande organisée. Ils
abattent plusieurs éléphants et s'emparent des ivoires, dans un
pays (A) avec des complices dans un (B), et
qui vendent les produits de leur contrebande sur un marché illicite dans
un autre pays (C) à des acheteurs originaires d'un pays
(D) et vont revendre un sur autre marché clandestin
dans un pays (E) et que ces pays se trouvent sur trois
continents différents? C'est face à ces difficultés que
les Etats du monde ont crées L'Organisation de Police Criminelle
(OIP-INTERPOL). C'est une Organisation Internationale de Police la plus
importante au monde avec 190 pays membres dont le Congo et le Cameroun. Le
rôle de cette institution internationale est de permettre aux polices du
monde de travailler ensemble pour rendre le monde plus sûr114.
Le statut de cette organisation multinationale a été
adopté à Vienne en 1956 lors la 25ème session
de son Assemblée Générale. Mais, il faut préciser
que son but tel que visé à l'article 2 de son statut sur la
répression des infractions de droit commun, a été revu au
regard des enjeux de la criminalité environnementale.
112 ONONINO (A.B), idem.
113 Rapport IFAW, La nature du crime, op cit p.3 et 4
114 Voir en ce sens : Présentation INTERPOL sur le site
internet : www. Interpol.int
Page | 87
Ainsi peut-on lire sur la rubrique : criminalité
(Atteintes à l'environnement) de leur site web : « A
l'heure de la mondialisation, il est nécessaire de mettre en place une
stratégie internationale, pour combattre cette forme de
criminalité. Etant la seule organisation dont la mission consiste
à centraliser et à traiter les informations criminelles au niveau
mondial, INTERPOL est idéalement placé pour mener ce combat
». Il ressort de cela, que l'Organisation a mis en place une
équipe chargée du Programme INTERPOL sur les atteintes à
l'environnement dont l'essentielle des missions consiste entre autre à
:
-Mener des opérations au niveau mondial et
régional en vu de démanteler les réseaux criminels
à l'origine des atteintes à l'environnement grâce à
un travail de police fondé sur le renseignement.
-Donner aux organismes chargés de lutte contre les
atteintes à l'environnement accès aux services de l'Organisation
en renforçant leurs liens avec les Bureaux Centraux nationaux
INTERPOL.
-Collaborer avec le Comité sur la
criminalité de l'environnement afin de définir la
stratégie et les orientations du Programme.
Ainsi, INTERPOL a mis en place plusieurs mécanismes de
lutte contre la criminalité environnementale. Au nombre de ces
infractions on cite, le braconnage et le commerce illicite des espèces.
C'est pourquoi, le système des ECOMESSAGES est l'une des innovations les
plus efficaces dans la lutte contre la criminalité faunique
transnationale. Il fournit en temps réel des informations uniformes sur
les atteintes à l'environnement et permet surtout de concevoir une base
de donné fiable sur l'ensemble des pays membres.
Mais, la lutte contre la délinquance faunique, concerne
aussi de nombreux organismes privés qui oeuvrent dans la lutte pour la
protection de la faune sauvage. Au Congo et au Cameroun, leur rôle dans
la répression des infractions fauniques est essentiel, ils travaillent
en étroite collaboration avec les Ministère en charge de la
faune. Ce sont des acteurs non institutionnels dont l'action, bien que souvent
reléguée au second plan, est néanmoins essentielle dans la
chaîne pénale.
B)-Les acteurs non institutionnels
relégués à un rôle passif dans la répression
des atteintes à la faune sauvage.
Aux termes des lois et règlements du Congo et du
Cameroun, les organisations de la société civile contribuent
à divers point dans la mise en oeuvre des politiques de protection des
espèces fauniques. Dans ce sens, elles collaborent tant avec les
Ministères en charge de la faune et avec les services judiciaires dans
la poursuite des délinquants fauniques. Pourtant leur rôle dans le
cadre répressif est souvent relégué au second plan. Il
conviendra donc pour nous d'examiner, d'abord d'examiner le rôle des
associations agréées pour la protection de la faune sauvage dans
la répression des infractions fauniques (1). Ensuite,
notre examen s'étendra sur les organisations dont l'objet est plus
général à savoir la protection de l'environnement
(2).
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1-Les Associations agréées de
protection de la faune sauvage : un rôle dans la détection et la
dénonciation des atteintes à la faune sauvage.
Par définition, une association est une convention par
laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou
leur activité dans un but autre que de partager des
bénéfices115. Au Congo, la loi n°37-2008 du 28
novembre 2008 sur la faune et les aires protégées attribue un
statut particulier aux associations spécialisées dans le domaine
de la faune sauvage. Elles sont considérées comme : «
des organes consultatifs pour l'élaboration des politiques de
gestion de la faune ». Ainsi donc, plusieurs missions leurs sont
reconnues par cette loi à son article 3. On compte entre autre celle de
: « collaborer à la recherche des auteurs d'infraction à
la présente loi et à ses textes d'application ». C'est
le seul attribut répressif qui leurs soit reconnu par la loi. Au
Cameroun, l'article 3 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant
loi-cadre relative à la gestion de l'environnement dispose que : «
Le Président de la République définit la politique
nationale de l'environnement. Sa mise en oeuvre incombe au Gouvernement qui
l'applique, de concert avec les Collectivités territoriales
décentralisées, les Communautés de base et les
associations de défense de l'environnement (...) ».
Devant la justice répressive, la disposition de
l'article 3 peut faire l'objet d'une grande controverse dans son
interprétation. En effet, lorsqu'il s'agit de savoir : Que faut-il
entendre par une collaboration dans la recherche des auteurs d'infractions ?
Et, quelles sont les limites de ce rôle dans la pratique ?
En vertu de cette collaboration, ces associations peuvent-elles se
constituer parties civiles au cours d'une instance ? Quelle est la position ou
la place réelle de ces associations dans la mise en mouvement des
poursuites pénale contre les délinquants fauniques ? Le code
de procédure pénale constitue un obstacle quant à la
possibilité pour les associations spécialisées dans la
protection de la faune de se constituer partie civile devant la justice
répressive. En effet, l'article 2 dispose que : « L'action
civile en réparation du dommage causé par un crime, un
délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont
personnellement souffert du dommage directement causé par les faits
objets de la prévention ». De même l'article 353
alinéa 1 surenchérie en ces termes : « Toute personne
qui, conformément à l'article 2, prétend avoir
été lésée par un délit, peut, si elle ne l'a
déjà fait, se constituer partie civile à l'audience
même ». Il résulte de ces dispositions que l'action
civile, pour sa recevabilité devant le juge pénal, est soumise
à deux conditions générales à savoir : un dommage
qui soit direct et personnel. S'agissant des associations,
elles n'ont pas d'action en principe, sauf si la loi le prévoit.
Sur ce point, Jean LARGUIER et Philippe CONTE estiment que :
« Les associations représentent des intérêts trop
généraux, proches de ceux que défend le Ministère
public. Dans l'exercice de leur action, elles ne recherchent pas toujours
à obtenir réparation. Elles souhaitent seulement
déclencher le procès pénal ; cette action est donc
très proche de l'action publique (...) C'est pourquoi, en dehors des cas
où un texte admet l'action, la chambre criminelle exige qu'un
préjudice personnel et direct ait été causé
à l'association qui ne peut agir au pénal que si elle subit
elle-même un tel dommage »116.
115 Sur la définition de l'Association voir, le Lexique
des termes juridiques, 13ème édition Dalloz 2001. p.
49
116 LARGUIER (J) et CONTE (P), Procédure pénale,
Mémentos 21ème édition, Dalloz 2006, p.119 et
120
Page | 89
Mais dans d'autres pays, comme en France, l'évolution
législative et jurisprudentielle à conduit la justice
répressive à déclarer recevable, à certaines
conditions, la constitution de partie civile117.
On compte au Congo et au Cameroun plusieurs associations
spécialisées dans la protection de la faune sauvage. Il ne
s'agira donc pas ici d'en donner une liste puisqu'elle ne serait pas
exhaustive. Cependant, un certain nombre de ces associations s'impliquent
activement, dans les deux pays, à la répression des atteintes
contre la faune sauvage. On citera donc de manière exceptionnelle le
réseau des Associations nées d'un consortium constitué par
The Aspinall Fondation (TAF) et Wildlife Conservation Society
(WCS). C'est de celui-ci qu'est né The Last Great Ape
Organization (LAGA) au Cameroun et le Projet d'Appui à
l'Application de la Loi sur la Faune sauvage (PALF) au Congo. Au niveau de
ces deux pays, ces associations interviennent dans le cadre de l'appui à
l'application des lois fauniques. Elles contribuent à la mise en oeuvre
de l'action répressive des atteintes contre la faune sauvage à
travers la dénonciation des infractions fauniques. La suivie des
procédures devant les juridictions répressives en partant depuis
les enquêtes, les procès, les condamnations et l'application des
peines.
Mais, comme il ressort de ces mots tirés du rapport du
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) : «
Faire honte est souvent la seule arme dont dispose un grand nombre
d'organisations de la société civile. Mais cette arme peut
être redoutable ». Le rôle de ces associations, pourtant
spécialisées dans la protection de la faune sauvage, est souvent
relégué aux simples dénonciations. Elles sont
réduites à une action de collaboration en incitant les
administrations à mettre en oeuvre les poursuites contre les
délinquants fauniques. Leur but étant de dissuader ces derniers
à grâce l'effet produit par les sanctions pénales. Cette
action trouve plus d'écho avec la participation de certaines
organisations non gouvernementale qui oeuvre de manière
générale dans la lutte contre l'environnement.
2-Les ONG de protection de
l'environnement.
Les organisations non gouvernementales sont
considérées comme des acteurs jouant un rôle essentiel dans
la protection de l'environnement. En réalité, une ONG est
définit comme : « une association internationale
créée par une initiative privée -ou mixte-, à
l'exclusion de tout accord intergouvernemental, regroupant des personnes
privées ou publiques, physiques ou morales, de nationalité
diverses »118. C'est au cours des 1992, avec la
conférence de Rio, qu'une reconnaissance juridique des ONG a
été de plus en plus visible dans les textes internationaux de
droit de l'environnement. A ce titre, certains auteurs estiment que : «
La conférence de Rio constitue le point centrale d'analyse de la
reconnaissance internationale de l'importance des ONG
»119.
117 Sur la recevabilité de l'action civile d'une
Association spécialisée devant les juridictions pénales,
voir l'ouvrage de NERAC-CROISIER (R), Sauvegarde de l'environnement et
droit pénal, 1ère édition, Paris,
l'Harmattan Sciences criminelles, 2005, pages.315, 316 et 317
118 DAILLIER (P), FORTEAU (M) et PELLET (A), op.cit, page.711
119 LOWE GNINTEDEM (P.J), Les ONG et la protection de
l'Environnement en Afrique Centrale, Mémoire pour l'obtention de la
Maîtrise en Droit et Carrières Judiciaires, Limoges.
Université de Limoges. 2003
Page | 90
En effet, le chapitre 27 de l'Agenda 21 est consacré au
renforcement du rôle des ONG, qui sont considérées comme
des partenaires pour un développement durable. De même que
l'article 4-i de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques de 1992, encourage la participation des ONG.
Cette prolifération des textes internationaux
consacrant le rôle des ONG dans la protection de l'environnement a
été également constaté dans le cadre
sous-régional. C'est ainsi qu'en Afrique Centrale, de nombreux
instruments adoptés par les Etats ont reconnu une place essentielle dans
la protection de l'environnement. Tel est le cas de la Déclaration de
Brazzaville issue de la Conférence sur les écosystèmes des
forêts denses humides d'Afrique Centrale tenue du 28 au 30 mai 1996 qui
contient une mention portant sur : « la nécessité
d'impliquer d'avantage (...) les organisations non gouvernementales dans la
conservation et la gestion des écosystèmes ». Les ONG
participent à la protection de l'environnement dans son ensemble y
compris la préservation des espèces fauniques. Elles exercent des
actions de sensibilisation, d'alerte, de gestion et participation dans les
politiques de conservations des écosystèmes. Au nombre de ces
ONG, on pourra citer l'Union Mondiale pour la Nature (UICN), ainsi que d'autres
ONG dont la liste ne peut être citée de manière
exhaustive.
En sommes, on pourra retenir que plusieurs acteurs avec des
rôles différents concourent à l'oeuvre de répression
en accomplissant, chacun selon la tâche qui lui attribuée par les
textes légaux. Si l'Administration en charge de la faune est
considérée comme le maillon principal dans la constatation, la
recherche des infractions et la saisine des instances judiciaires, d'autres
acteurs secondaires complètent cette oeuvre. Mais la chaîne ne
peut être complète que si les auteurs des infractions fauniques
sont traduits devant une instance judiciaire compétente. Aussi, la
justice pénale est considérée comme l'autre partie de la
chaîne qui agit en aval pour sanctionner les délinquants qui sont
déférés devant-elle après qu'une enquête en
bonne due forme ait été menée par les acteurs
placés en amont.
Section2 : Les acteurs judiciaires placés en
aval de la chaîne pénale pour assurer la répression des
atteintes contre la faune sauvage.
Placée en aval de la chaîne pénale la
justice répressive, en tant qu'organe relevant du pouvoir judiciaire,
est considérée comme le dernier rempart dans la lutte contre la
criminalité faunique au sein de l'Etat congolais et camerounais. Dans
leur organisation judiciaire, outre le principe de double degré de
juridiction, les cours et tribunaux de ces deux pays sont régies par un
principe d'unité de la justice civile et pénale, tout en
maintenant une séparation des deux contentieux. Ce qui a pour
conséquence immédiate, l'existence d'une polyvalence des
magistrats du siège, qui ont une double casquette (juge pénal et
civil).
L'analyse exégétique de la règlementation
faunique dans ces deux pays, montre que ces textes spéciaux ne font pas
directement mention d'une répartition des compétences entre les
différentes juridictions pénales. Ce sont donc des textes
généraux qui définissent une organisation de cette justice
ainsi que l'attribution des prérogatives et le rôle des magistrats
qui les animent.
Page | 91
Ainsi, au Congo, c'est la loi n°19-99 du 15 août
1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire
qui prévoit une organisation des juridictions répressives. Elles
se composent des tribunaux de simple police, des tribunaux correctionnels, des
cours criminelle et des chambres pénales de la cours suprême. De
même que le code pénal et celui de procédure pénale
définissent les compétences et les prérogatives des
magistrats du siège et du parquet. Au Cameroun, c'est l'ordonnance
n°72/04 du 26 août 1972 qui a été, pendant plus de
trente (30) ans, le texte de base en matière d'organisation judiciaire.
Elle a été, cependant, abrogée par la loi n°2006/015
du 29 décembre 2006, portant organisation judiciaire qui, il faut le
noter, n'est pas le seul texte organisant la justice répressive au
Cameroun.
Ainsi, malgré son caractère spécial, le
contentieux pénal en matière faunique ne déroge en rien
aux règles classiques de l'organisation de la justice répressive
dans ces deux (2) pays. On distingue d'un coté la magistrature debout,
qui constitue le ministère public. Il est considéré comme
un acteur judiciaire placé au coeur de l'exercice de l'action publique
en matière des infractions fauniques (§1).
Ensuite, la magistrature assise, autrement dit, les formations de jugement qui
sont considérées, selon leur degré de compétence,
comme le dernier rempart contre la délinquance faunique
(§2).
Paragraphe1 : Le Ministère Public : Un acteur
au centre de l'exercice de l'action publique en matière des infractions
contre la faune sauvage.
Le ministère public est considéré comme :
« l'ensemble des magistrats de carrière qui sont
chargés, devant certaines juridictions, de requérir l'application
de la loi et de veiller aux intérêts généraux de la
société, ses magistrats sont hiérarchisés et ne
bénéficie pas de l'inamovibilité. En matière
pénale, il est toujours partie principale »120. De
même, l'action publique dont-il a la charge d'exercer peut être
définit comme une : « action portée devant une
juridiction répressive pour l'application des peines à l'auteur
d'une infraction »121. Le rôle du ministère
public dans la répression des infractions environnementales ou fauniques
a été mis en relief par le Professeur M. FAURE qui affirme que :
« Seul le Procureur du Roi peut (...) donner suffisamment de garanties
d'impartialité et d'indépendance nécessaire à une
répression optimale du droit de l'environnement ». Or,
aujourd'hui qu'il s'agisse du model congolais ou camerounais, on déplore
la rareté du contentieux faunique devant les juridictions
répressives. C'est la résultante directe d'un manque de
lisibilité du régime répressif prévu par les lois
spéciales dans ce domaine. Les magistrats du parquet dans les deux pays
ne bénéficiant pas souvent des connaissances
spécialisées pour mieux assurer les poursuites contre les
contrevenants dans ce domaine.
120 Lexique des termes juridiques, 13ème
édition, Paris, Dalloz, 2001, p.363
121 Idem p.18-19
Page | 92
Face à ces difficultés, il nous ait paru
nécessaire, d'examiner les compétences du Ministère public
et l'organisation des poursuites en matière des infractions fauniques
(A). Ensuite, après avoir fait un bref rappel des
pouvoirs reconnus au Procureur de la République par les textes
classiques, nous scruterons ceux que lui accordent les lois fauniques des deux
pays (B).
A)-Les compétences du Ministère
Public et l'organisation des poursuites en matière des infractions
fauniques.
Nous examinerons successivement les compétences du
Procureur de la République en matière des infractions à la
loi faunique (1). Ensuite l'organisation des poursuites contre
les délinquants fauniques (2).
1-Les compétences du Procureur de la
République en matière des infractions à la loi
faunique.
Au Congo, c'est l'article 102 de la loi du 28 novembre 2008
sur la faune et les aires protégées qui constitue l'assise de la
compétence du Procureur de la République dans la mise en oeuvre
des poursuites contre les infractions fauniques. Il dispose que : «
L'action publique contre les auteurs d'infractions en matière de
faune et de chasse est exercée par le Procureur de la République
devant les juridictions compétentes ». Il épouse donc
les prévisions de l'article 19 du code de procédure pénale
aux termes duquel : « Le ministère public exerce l'action
publique et requiert l'application de la loi ». Par cet article, la
nouvelle loi faunique consacre une prépondérance au Procureur de
la République dans la mise en oeuvre des poursuites pénales
contre les contrevenants en matière faunique. Elle tranche de ce fait,
avec l'ancienne loi du 21 avril 1983 sur les conditions de la conservation et
de l'exploitation de la faune sauvage. En effet, l'article 71 de l'ancienne loi
disposait que : « Les actions et poursuites sont exercées par
l'Administration des Eaux et Forêts sans préjudice du droit qui
appartient au Ministère Public (...) », de même que
l'article 74 stipule que : « Les agents des Eaux et Forêts
peuvent faire concernant toutes les affaires relatives à la Police de
chasse, tous les exploits ou actes de justice que les Huissiers ont coutume de
faire. Ils peuvent néanmoins se servir du Ministère des Huissiers
». Il résulte donc d'une lecture combinée de ces deux
dispositions, que contrairement à la loi de 2008, celle de 1983
consacrait une concurrence entre l'administration en charge de la faune et le
Ministère public dans l'exercice de l'action publique en matière
des infractions fauniques. Aux termes de cette dernière,
l'administration faunique pouvait opter pour l'une des modes de saisines autres
que celles qui passe par le Ministère public à savoir : La
plainte avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction ou par
une citation directe par exploit d'huissier122.
122 Voir en ce sens, l'article 326 du Code de Procédure
Pénale qui dispose que : « Le tribunal correctionnel est saisi
des infractions de sa compétence, soit par le renvoi qui lui en est fait
par la juridiction d'instruction, soit par la comparution volontaire des
parties, soit par la citation délivrée directement au
prévenu et aux personnes civilement responsables de l'infraction, soit
enfin par application de la procédure de flagrant délit
»
Page | 93
Outre ses compétences dans la mise en oeuvre des
poursuites pénales, l'article 104 de la loi de 2008 qui opère un
renvoi « aux règles prescrites par le code de procédure
pénale ». S'agissant de l'exercice des voies de recours,
l'exécution des décisions de justice et les délais de
prescription des infractions. Lorsqu'on se réfère au chapitre II
: « Du ministère public » à partir des
articles 20 et suivants du code de procédure pénale. On se rend
bien compte que la loi faunique reconnait simplement les compétences du
Procureur de la République. L'article 31 du même code, fixe les
règles de sa compétence territoriale qui peut se déduire
à travers le triptyque : du lieu de l'infraction, de celui de la
résidence de l'une des personnes soupçonnée d'avoir
participé à l'infraction ou du lieu de l'arrestation. Encore
faut-il préciser qu'en matière des infractions fauniques, cette
trilogie peut recevoir diverses interprétations. Dans la mesure
où, il est parfois difficile de déterminer le lieu exact de
l'abattage d'un animal sauvage par un chasseur dans la forêt. De
même qu'il sera difficile de déterminer le lieu de la commission
de l'infraction pour un contrevenant qui est appréhendé avec des
trophées de chasse lors d'un contrôle avant embarquement dans un
aéroport.
Par contre, au Cameroun, le rôle du ministère
public est moins prépondérant puisqu'il est en concours avec
l'Administration en charge de la faune pour les infractions qui portent sur ce
domaine. En effet, l'article 147 de la loi de 1994, énumérant les
compétences de cette administration dispose ce qui suit : «
(...) A cet effet, elles ont compétence pour :
-Faire citer aux frais du Trésor Public tout
contrevenant devant la juridiction compétente , ·
-Déposer leurs mémoires et conclusions et
faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de
leurs intérêts , · leurs représentants
siègent à la suite du Procureur de la République, en
uniforme et découvert, la parole ne peut leur être refusée
, ·
-Exercer les voies de recours ouvertes par la loi
conformément aux règles de droit commun avec les mêmes
effets que les recours exercés par le ministère public
». Il s'ensuit que cette concurrence peut être
appréhendée comme une violation au principe de la
séparation des pouvoirs. Celui-ci ayant pour conséquence, la
séparation des autorités administratives et judiciaires qui en
est qu'un prolongement. Mais elle peut aussi être perçue comme une
confusion dans la répartition des tâches au sein de l'appareil
étatique.
Mais de quelle manière, le Ministère Public
organise t-il les poursuites en matière des infractions fauniques ? Les
lois fauniques établissent-elles à ce titre une distinction avec
les règles procédurales classiques ?
2-L'organisation des poursuites contre les
délinquants fauniques.
Il faut retenir de prime à bord que dans les deux pays,
le Procureur de la République assure la direction de la police
judiciaire123. Qu'il s'agisse d'un système comme de l'autre,
l'organisation des poursuites contre les délinquants fauniques par le
Ministère Public varie selon qu'il s'agit d'une procédure de
crime ou délit flagrant et d'une enquête préliminaire.
123 Voir à ce titre l'article 12 du Code de
Procédure Pénale Congolais et 78 al. 1 du C.P.P Camerounais
Page | 94
D'abord, l'article 37 alinéa 1 du code de
procédure pénale congolais définit le crime ou le
délit flagrant en ces termes : « Est qualifié crime ou
délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement,
ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant
lorsque, dans un temps voisin de l'action, la personne soupçonnée
est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvé en possession
d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a
participé au crime ou au délit ». Cette
définition est la même que celle prévue à l'article
103 du code de procédure pénale camerounais. Quant à
l'enquête préliminaire124 : C'est une enquête de
police qui est entreprise par les officiers de police judiciaire soit d'office
ou sur instruction du Procureur de la République. Elle a pour but
d'éclairer le Ministère Public sur le bien fondé d'une
poursuite pénale. Retenons qu'à son terme le Procureur, qui a
l'opportunité des poursuites, peut décider de poursuivre ou de
classer sans suite.
Ainsi donc en matière faunique, le plus souvent, les
infractions sont prises en flagrance et sont traitées suivant les
règles y afférentes. A ce titre deux hypothèses peuvent
être retenues :
? Celle de l'article 38 du code de procédure
pénale congolais qui dispose à son alinéa 1 que : «
En cas de crime flagrant, l'officier de police judiciaire qui en est
avisé, informe immédiatement le procureur de la République
et, en tant que de besoin, le juge de section ou d'instance, se transporte sans
délai sur les lieux du crime et procède à toutes
constatations utiles ». Les articles 39 et suivants
définissent les pouvoirs et les actes accomplis par l'officier de police
judiciaire aux fins de la manifestation de la vérité.
Dans cette première hypothèse, des pouvoirs sont
reconnus aux OPJ pour mener l'enquête de flagrance. C'est ce que
prévoit également, le C.P.P camerounais aux articles 104 à
110.
? La deuxième hypothèse (en cas de crime ou de
délit flagrant) est que : le Procureur de la République,
lui-même, peut accomplir l'ensemble des actes de police judiciaire. En
effet, son arrivée sur les lieux dessaisit l'OPJ. Cette deuxième
hypothèse est prévue aux articles 53 du C.P.P congolais et 111 du
C.P.P camerounais.
S'agissant de l'enquête préliminaire, l'article
61 du même code dispose qu'elle est diligentée à la demande
du Procureur ou d'office à l'initiative de l'OPJ. A ce titre, l'article
116 al. 1 du C.P.P camerounais dispose que : « Les officiers de police
judiciaire et agents de police judiciaire procèdent aux enquêtes
préliminaires soit sur leur initiative, soit sur instruction du
procureur de la République dans les meilleurs délais ».
Ainsi donc, qu'il s'agisse des délits et crimes flagrants ou
d'infractions nécessitant le déclenchement d'une enquête
préliminaire. L'organisation des poursuites en matière faunique,
par le ministère public, ne déroge pas aux règles
procédurales classiques.
124 Sur l'enquête préliminaire, voir l'article 61 du
C.P.P congolais.
Page | 95
A la suite des enquêtes, le Procureur de la
République qui a l'opportunité des poursuites décidera
s'il opte comme mode de saisine de la formation de jugement, par citation
directe125, soit par flagrant délit en prenant un mandat de
dépôt contre le prévenu. Mais, il peut aussi ouvrir une
information judiciaire devant le juge d'instruction à travers un
réquisitoire introductif126.
Mais, si ces règles classiques reconnaissent au
Procureur de la République des prérogatives dans l'exercice de
ses fonctions, les lois fauniques lui reconnaissent également certains
pouvoirs spécifiques qu'il convient d'examiner.
B)-Les prérogatives reconnues au Procureur
de la République en matière faunique.
Rappelons d'abord que par prérogatives, on entend un
ensemble de droits ou des pouvoirs reconnus ou attribués à une
personne ou à un organe en raison de sa fonction et impliquant, pour
lui, une certaine supériorité, puissance ou
immunité127. Ainsi donc, s'agissant du Procureur de la
République, en sa qualité d'acteur important dans la
répression des infractions, les textes répressifs classiques lui
attribut plusieurs prérogatives qui sont attaché à sa
fonction (1). Mais, la loi faunique qui définit un
cadre particulier de répression, lui reconnait aussi certaines
prérogatives liées spécifiquement au contentieux
pénal en matière de la faune sauvage (2).
1-Des prérogatives qui puisent leur source
dans des textes répressifs classiques (Code de procédure
pénale).
Le 19 janvier 2006, lors de l'ouverture des cycles de
conférence de procédure pénale, Monsieur Jean-Louis NADAL,
Procureur Général près la Cour de cassation en France
affirmait : « La spécificité du Ministère public,
à la fois organe de poursuite et gardien des libertés
individuelles remonte à ma connaissance à la grande ordonnance de
Philippe Le Bel du 23 mars 1303 énonçant la formule du serment
des gens du roi et montrant que l'accusateur doit également avoir en
charge la recherche de la vérité et la bonne application de la
loi ». Ces mots sont révélateurs de la
particularité de la fonction de Procureur de la République. C'est
pourquoi, les lois répressives congolaise et camerounaise lui
reconnaissent des prérogatives très élargies et
diversifiées dans la mise en oeuvre de la répression des
infractions de droit commun et même des infractions spéciales,
comme celles qui portent sur les espèces fauniques.
125 Sur la citation directe par voie administrative,
c'est-à-dire délivrée à la requête du
Ministère public, voir les articles 40 al.3 du C.P.P camerounais et 491
du C.P.P congolais
126 Voir en ce sens les dispositions de l'article 114 du C.P.P
camerounais qui stipule que : «1)- Le suspect arrêté en
flagrant délit est déféré par l'OPJ devant le
Procureur de la République qui procède à son
identification , l'interroge sommairement et, s'il engage des poursuites, le
place en détention provisoire ou le laisse en liberté avec ou
sans caution (...) 3)-Les dispositions du présent article ne font pas
obstacle à ce que le Procureur de la République engage des
poursuites par voie de citation directe ou requiert l'ouverture d'une
information judiciaire ».
127 BEDARIDE (B), Lexique juridique et fiscal en ligne.
Page | 96
Ainsi donc, aux termes des codes de procédure
pénale des deux pays, le Procureur de la République qui est sous
le contrôle hiérarchique du Procureur Général et du
Ministre de la justice, fait partie de la magistrature dite debout. Il est
l'autorité prépondérante dans la mise en mouvement de
l'action publique. Il assure la direction de la police judiciaire, alors que le
Procureur Général assure la surveillance de celle-ci. Dans la
juridiction où, il représente le ministère public, il
exerce l'action publique et requiert l'application de la loi. Il assiste aux
débats des formations de jugement et leurs décisions sont rendues
en sa présence et il veille à leur exécution. Il
reçoit les plaintes et les dénonciations et décide de la
suite à donner (opportunité des poursuites). La loi pénale
fait obligations à tout officier ou fonctionnaire de son ressort de
compétence, de lui tenir informer de l'existence des faits
infractionnels portés à leur connaissance.
L'article 29 du C.P.P congolais dispose que : « Le
Procureur de la République procède ou fait procéder
à tous actes nécessaires à la recherche et à la
poursuite des infractions à la loi pénale. A cette fin, il dirige
l'activité des officiers de police judiciaire. En cas d'infractions
flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article
53 ». De même, en cas procédure de flagrance, l'article
111 du C.P.P camerounais qui est similaire à l'article 53 du C.P.P
congolais dispose que : « L'arrivée du Procureur de la
République sur les lieux dessaisie l'officier de police judiciaire. Le
Procureur de la République accomplit alors tous les actes de police
judiciaire prévus au présent chapitre. Il peut aussi prescrire
à tous officiers de police judiciaire de poursuivre les
opérations ». Il résulte donc de l'analyse des
dispositions des codes de procédure pénale des deux pays, que le
Procureur de la République dispose d'un éventail des
prérogatives en matière des infractions de droit commun qui lui
permettent de mettre en mouvement l'action publique et de veiller à
l'application de la loi.
Le contentieux pénal en matière faunique ayant
quelques spécificités, des prérogatives spéciales
lui ont été reconnus par les lois fauniques.
2-Des prérogatives spécialement
prévues par les lois sectorielles en matière
faunique.
L'alinéa 1er de l'article 141 de la loi de
1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche
comme par : « Sans préjudice des prérogatives reconnues
au Ministère public et aux officiers de police judiciaire à
compétence générale, les agents assermentés des
administrations chargées des forêts, de la faune et de la
pèche, dans l'intérêt de l'Etat, des constatation et des
poursuites en répression des infractions commises en matières de
forêts, de la faune et de la pêche, selon le cas ». Il
résulte de cette disposition, que les prérogatives qui sont
reconnues au Procureur de la République et aux officiers de police
judiciaire, en matière des infractions fauniques, sont d'abord et avant
tout celle de police judiciaire, c'est-à-dire procéder à
la recherche, la constatation des infractions fauniques.
Cependant, si au Congo, la loi du 28 novembre 2008 sur la
faune et les aires protégées attribut un certain privilège
au Ministère public dans la mise en mouvement de l'action publique. Les
dispositions de la loi faunique au Cameroun entrainent une confusion quant
à l'exercice de l'action publique.
Page | 97
D'abord l'article 147 de ladite loi précise à
son alinéas 2, dispose que : « A cet effet, elles (les
administrations en charge des forêts, de la faune et la pêche)
ont compétence pour :
-faire citer aux frais du Trésor Public tout
contrevenant devant la juridiction compétente , ·
-déposer leurs mémoires et conclusions et
faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de
leurs intérêts , · leurs représentants
siègent à la suite du Procureur de la République, en
uniforme et découverts, la parole ne peut leur être refusée
, ·
-exercer les voies de recours ouvertes par la loi
conformément aux règles de droit commun avec les mêmes
effets que les recours exercés par le ministère public.
». Il résulte de cette disposition que la loi faunique
camerounaise, établit une concurrence entre l'administration faunique
qui peut user d'autres modes de saisine du juge, sans passé par le
parquet. Ces prérogatives concurrentes apparaissent aussi dans l'article
90 alinéas 2 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant
loi-cadre relative à la gestion de l'environnement. Il relève
qu'en cas de non transaction et si la contestation portée par le
contrevenant contre le procès-verbal est infondée,
l'Administration faunique procède à des poursuites judiciaires.
Il s'ensuit qu'au Congo tout comme au Cameroun, les lois fauniques
reconnaissent au Procureur de la République, des pouvoirs de coordonner
l'action des agents de l'administration en charge de la faune lorsque ces
derniers agissent en qualité d'officier de police judiciaire. Dans la
pratique, ils peuvent même solliciter l'expertise de ces agents, pour
mieux faire assoir la caractérisation des infractions fauniques
déférées devant son parquet.
Bien que situé en aval, l'action du ministère
public consiste à monter une procédure contre le contrevenant
à la loi faunique pour le mettre à la disposition du juge
pénal. Dans le procès pénal, le Procureur de la
République, est avant tout une partie dont la position peut ou ne pas
emporter l'intime conviction du juge.
Paragraphe2 : Le juge pénal comme dernier
rempart contre la criminalité faunique.
Comme nous l'avons relevé en empruntant les mots de
Sandrine MALJEAN-DUBOIS : « le champ de la protection de
l'environnement illustre remarquablement la montée en puissance du juge
»128. En effet, le juge pénal est
considéré comme le gardien de l'autorité de la loi,
dont-il est le fidèle serviteur. Ayant une obligation
d'interpréter strictement la loi, le juge est dans une position unique
pour donner force et effet au droit de l'environnement. Appelé à
accomplir une entreprise délicate, celle d'adapter parfois au cas par
cas, des textes d'incriminations spéciaux dont la technicité et
la complexité ne saurait laisser la place à l'amateurisme. Dans
le contentieux pénal de la faune sauvage ou dans n'importe quel domaine
d'ailleurs, le juge est appelé à fournir une réponse
correcte et acceptable pour les parties. Ce contentieux est lié à
la survie des écosystèmes et contribue à la garantie des
générations présente et futures. Il apparaît donc
clairement que le juge pénal, en tant qu'acteur dans la
répression des atteintes contre la faune sauvage est
considéré comme le dernier rempart face à cette
criminalité.
128 MALJEAN-DUBOIS (S), op.cit page.17
Page | 98
Or, si les lois sur la faune au Congo et au Cameroun donnent
certaines précisions sur l'office de ce juge (B), les
règles de compétences restent classiques et figurent dans le code
pénal et de procédure pénale de chaque pays
(A).
A)-La répartition des compétences
entre les juridictions répressives en matière
faunique.
D'une manière générale, la
compétence peut être définit comme une aptitude
légale à accomplir un acte ou à instruire et juger un
procès129. Les règles de compétence sont
d'ordre public et le juge pénal peut les invoquer d'office. Aussi, face
à une infraction à la loi faunique déférée
à sa connaissance, le juge cherchera d'abord à savoir, si la
nature de l'infraction soumise à sa connaissance entre dans la
sphère de sa compétence matérielle. C'est la
compétence ratione materiae (1). Ensuite, il
regardera si ladite infraction a été commise dans le ressort de
sa compétence : c'est la compétence ratione loci
(2). Sans ces deux règles qui sont
imbriquées et cumulatives, le juge ne saurait se déclarer
compétent à connaitre l'infraction.
1-La compétence ratione materiae ou en raison
de la nature de l'infraction.
La compétence en raison de la matière ou
ratione materiae est l'aptitude d'une juridiction pénale
à connaitre des infractions en fonction de leur nature130. Au
Congo et même au Cameroun, ce ne sont pas les lois fauniques qui
définissent les règles de compétence des juridictions
répressives. Dans le premier, il s'agit d'une approche combinée
entre la loi n°1999 du 15 août 1999 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant
organisation du pouvoir judiciaire, la loi n°1-63 du 13 janvier 1963
portant code de procédure pénale et le code pénal. A ce
titre, l'article 1er du Code pénale établit une
classification tripartite des infractions en se fondant sur la nature des
peines en ces termes : « L'infraction que les lois punissent de peines
de police est une contravention. L'infraction que les lois punissent de peines
correctionnelles est un délit. L'infraction que les lois punissent d'une
peine afflictive ou infamante est un crime ». Les articles 6 à
10 du même code donnent des précisions sur ces peines. Cependant,
la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées ne
donne pas une classification claire de la nature des infractions fauniques.
Elle ne se borne qu'à les énumérées après
avoir précisée le quantum des peines. En effet, les articles 112,
113 et 114 donne trois types d'infractions fauniques, celles punies des peines
d'amende entre 10.000 et 500.000 francs CFA ainsi que d'une peine
d'emprisonnement entre 1 et 18 mois ; celles punis d'une amende 100.000
à 5.000.000 de francs CFA et d'un emprisonnement de 2 à 5 ans.
Enfin, celles punies d'une amende de 10.000.000 à 50.000.000 de francs
CFA et d'un emprisonnement de 10 à 20 ans. En faisant intervenir les
dispositions de l'article 319 du C.P.P qui stipule que : « Le tribunal
correctionnel connait des délits. Sont des délits les infractions
que la loi punit d'une peine de plus de 10 jours d'emprisonnement ou 36.000
francs d'amende ».
129 Lexique des termes juridiques,
13ème édition, Paris, Dalloz 2001, page.122
130 Idem
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On comprend que la loi faunique au Congo ne prévoit pas
de contraventions et confère la connaissance des délits à
la compétence des tribunaux correctionnels. Cette attribution est
précisée par l'article 64 de la loi portant organisation
judiciaire qui dispose que : « En matière pénale, le
Tribunal de Grande Instance connaît des infractions punies de peines
correctionnelles et des contraventions qui leur sont connexes (...)
». Ainsi, les jugements rendus par les tribunaux de grande instance
en matière correctionnelle peuvent faire l'objet d'appel devant les
chambres correctionnelles de la Cour d'Appel131. S'agissant des
crimes, elles sont portées à la connaissance de la Cour
criminelle, qui est une formation de la Cour d'Appel132. Il faut
noter que les arrêts de la Cour d'Appel, tant ceux qui sont rendus par
ses chambres correctionnelles que par la cour criminelle, peuvent faire l'objet
d'un recours en cassation devant les chambres pénales de la Cour
Suprême.
Au Cameroun, c'est l'article 21 de la loi n°2016/007 du
12 juillet 2016 portant code pénal qui établit une classification
des infractions en ces termes : « Les infractions sont classées
en crimes, délits et contraventions selon les peines principales qui les
sanctionnent :
-Sont qualifiées crimes, les infractions punies de
la peine de mort ou d'une peine privatives de liberté dont le maximum
est supérieur à dix (10) ans et d'une amende lorsque la loi en
dispose ainsi , ·
-Sont qualifiées de délits, les infractions
punies d'une peine privative de liberté ou d'une amende lorsque la peine
privative de liberté encourue est supérieure à dix (10)
jours et n'excède pas dix (10) ans ou que le maximum de l'amende est
supérieure à vingt cinq mille (25.000) francs , ·
-Sont qualifiées de contravention, les infractions
punies d'un emprisonnement qui n'excède pas dix (10) jours ou d'une
amende qui ne peut excéder vingt cinq mille (25.000) francs (...)
».
Il résulte de cette disposition que les infractions
prévues aux articles 154, 155, 156 et 158 de la loi faunique, sont des
délits et qu'il n'existe pas dans cette loi spéciale des crimes
en matière d'infractions fauniques. Ainsi donc toutes les infractions
fauniques prévues par la loi de 1994 relèvent de la
compétence matérielle du tribunal de première instance.
C'est ce qui résulte de l'article 289 alinéas 1er de
la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure
pénale qui dispose que : « Le Tribunal de Première
Instance est compétent pour connaitre des délits et des
contraventions tels que définit à l'article 21. (1) b) et c) du
code pénal ». Mais lorsque ces délits sont connexes
à un crime, dans ce cas, ils peuvent relever dans la compétence
des tribunaux de grande instance133. La compétence
matérielle du tribunal de première instance est
précisée par l'article 15 alinéa 1-a de la loi
n°2006-015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.
131 Voir en ce sens, l'article 56 de la loi de 1999 portant
organisation judiciaire.
132 Idem
133 Voir en cas délit connexe avec un crime qui justifie
la compétence du TGI à l'article 407 du C.P.P camerounais.
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Les décisions rendues par les tribunaux de
première instance peuvent faire l'objet d'un appel devant la Cour
d'Appel (article 22 de la loi portant organisation judiciaire). Et
éventuellement les arrêts de la Cour d'Appel sont susceptibles de
recours en cassation devant la Cour Suprême.
En somme, il convient de retenir qu'il existe une distinction
quant à la connaissance des infractions fauniques par les juridictions
répressives congolaise et camerounaise. D'abord, la législation
faunique congolaise a prévus des crimes dans sa classification. Cela
montre que selon la conception de son législateur, il existe dans ce
domaine des actes dont la gravité ne peut cadrée avec de simples
délits. Or, son homologue camerounais, classe au titre des délits
toutes les infractions fauniques. De plus, l'organisation des juridictions
répressives diffère d'un pays à un autre, puisqu'au Congo,
les délits sont de la compétence matérielle des Tribunaux
de Grande instance comportant des chambres correctionnelles. Au Cameroun par
contre, ce sont les tribunaux de première instance qui connaissent des
délits.
Mais qu'en est-il des compétences par rapport au lieu ?
2-La compétence ratione loci ou en raison du
lieu.
Par définition, la compétence territoriale ou
ratione loci se définit comme : « l'aptitude d'une
juridiction pénale à connaître d'une infraction en fonction
d'une circonstance de lieu »134. Il peut donc s'agir du
lieu de la commission de l'infraction, de la résidence ou de
l'arrestation du prévenu. A ce titre, l'article 320 alinéa
1er du code de procédure pénale congolais dispose que
: « Est compétent le tribunal correctionnel du lieu de
l'infraction, celui de la résidence du prévenu, celui du lieu de
détention ou d'arrestation, même lorsque cette détention ou
arrestation a été opérée pour autre cause
». De même que l'article 294 du code de procédure
pénale dispose que : « Est compétent le Tribunal :
a-Soit du lieu de la commission de l'infraction ; b-Soit du lieu du domicile du
prévenu ; c-Soit du lieu de l'arrestation du prévenu ».
Il existe donc, une similarité sur les critères qui
déterminent la compétence territoriale.
Mais dans la pratique, il existe parfois des
difficultés engendrant des conflits de compétences entre les
tribunaux chargés du contentieux faunique. Au Congo, il existe en tout,
près de 17 tribunaux de grande instance. Un ou deux dans chaque
département (TGI d'Impfondo dans la Likouala, TGI de Ouesso dans la
Sangha, TGI d'Ewo dans la Cuvette ouest, TGI d'Owando et TGI d'Oyo dans la
Cuvette centrale, TGI de Djambala et TGI de Gamboma dans les Plateaux, TGI de
Brazzaville à Brazzaville, TGI de Madingou et TGI de Moyondzi dans la
Bouenza, TGI de Dolise et TGI de Monsedjo dans le Niari et TGI de Ponte-noire
). Au Cameroun, l'article 13 de la loi portant organisation judiciaire
dispose que : « Il est crée un tribunal de première
instance dans chaque arrondissement. Toute fois, suivant les
nécessités de service, le ressort dudit tribunal peut être
étendu à plusieurs arrondissements, par décret du
Président de la République ».
134 Voir le lexique des termes juridiques op.cit p.123.
Page | 101
Après avoir examiné les compétences de la
juridiction répressive, il convient d'examiner les
spécificités du déroulement du procès pénal
en matière faunique et des pouvoirs que les lois fauniques
confèrent au juge pénal à travers l'office de celui-ci.
B)-L'office du juge pénal en matière
des infractions à la loi faunique.
L'office du juge définit quel est son rôle dans
la direction du procès et quels sont ses pouvoirs et leurs limites.
Parlons du rôle du juge dans le contentieux pénal en
matière faunique, comme nous l'avons constaté dans nos
précédents développements, le droit de l'environnement est
une matière en perpétuelle mutation. A cet égard,
pourrait-on se convenir avec MONTESQUIEU et dire du juge pénal qu'il
n'est que : « la bouche qui prononce les paroles de la loi
». Le Professeur Jean-Louis BERGEL n'est pas de cet avis car pour lui
: « la fonction du juge ne peut se réduire à un organe
interne du système juridique, a une simple courroie de transmission des
règles abstraites, préétablies et statiques à des
cas particuliers. Il faut lui reconnaitre un rôle de véritable
acteur du système juridique qui dispose d'un certain pouvoir
créateur de droit, doté d'une véritable
responsabilité dans l'évolution du droit positif
»135. C'est en cela que le juge pénal mettra son
office au service de l'amélioration des règles de protection de
l'environnement et partant de la faune sauvage.
La particularité de l'office du juge pénal tient
à la fois des pouvoirs qui lui sont reconnus aussi bien par les textes
répressifs classiques (2) mais, surtout des
spécificités qui caractérise le déroulement du
procès pénal en matière des infractions fauniques
(1).
1-Les spécificités du
déroulement du procès pénal en matière
faunique.
En examinant la les lois fauniques, on peut relever certaines
spécificités au cours du procès pénal qui
distinguent la connaissance d'une infraction faunique à celle de droit
commun. D'abord l'article 147 alinéas 3 de la loi de 1994 introduit un
aspect particulier dans le procès pénal. En effet, les
représentants de l'administration en charge de la faune siègent
à la suite du procureur de la République, en uniforme et
découverts, la parole ne peut leur être refusée. Dans le
même sens, l'article 71 de la loi congolaise du 21 avril 1983 sur les
conditions de la conservation et l'exploitation de la faune sauvage disposait
que : « Les actions et poursuites sont exercée par
l'Administration des Eaux et Forêts sans préjudice du droit qui
appartient au Ministère Public. Le Secrétaire
Général, les Directeurs Centraux et les Directeurs
Régionaux ont le droit d'exposer l'affaire devant le Tribunal et sont
entendus à l'appui de leurs conclusions. Ils siègent à
découvert à la suite du Procureur de la République et de
ses substituts ». Cet aspect spécifique qui déroge aux
règles de déroulement d'un procès pénal classique
suscite deux remarques essentielles. D'une part, il révèle que la
protection des espèces fauniques est un domaine dont la
technicité et la subtilité nécessite l'intervention d'un
spécialiste des eaux et forêts pour conforter la
caractérisation de l'infraction faunique faite par la Ministère
Public dans le but d'éclairer les juges de sorte à emporter leur
intime conviction.
135 BERGEL (J-L), L'office du juge, in Les Colloques du
Sénat, Luxembourg du 29 au 30 septembre 2006, p.13
Page | 102
Une autre spécificité du procès
pénal en matière des infractions fauniques, c'est la
substitution, par le juge pénal, des sanctions prononcées
à l'encontre du prévenu par des travaux d'intérêt
général pour des délinquants ayant fait l'objet d'une
première condamnation. Les alinéas 2 et 3 de l'article 115 de la
loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées
dispose que : « Ces peines de substitution consistent à
exécuter des travaux présentant un intérêt direct ou
indirect pour la conservation et la mise en valeur de la faune et de ses
habitats ainsi que pour l'aménagement des aires protégées
et des milieux naturels de reproduction et de migration des animaux sauvages.
Pour l'exécution desdites peines, le juge compétent et l'agent
habilité du service local chargé de la faune déterminent
de manière précise la tâche à exécuter, le
lieu où elle doit être effectuée et le délai dans
lequel elle doit être achevée ».
Outre ces spécificités dans le
déroulement du procès pénal, l'office du juge
répressif se caractérise aussi par les différents pouvoirs
qui sont reconnus à celui-ci dans la conduite de ce procès. Ces
prérogatives sont prévues d'abord par les textes
répressifs classiques (code de procédure pénale), ensuite
certaines d'entre elles lui sont attribuées par les lois fauniques.
2-Les pouvoirs du juge pénal en matière
des infractions fauniques.
L'office du juge est lié aux fonctions que lui
reconnait le système juridique et aux missions qui lui sont
dévolues. Cela suppose que le juge soit encadré par des normes
qu'il doit mettre en oeuvre. Il interprète et applique ces normes. De
même, il est encadré par un système processuel exigeant
auquel, il doit impérativement se soumettre136. Il s'ensuit
que le juge pénal, dispose d'un éventail des pouvoirs qui sont
prévus à la fois par les textes classiques en matière
répressive et par les lois fauniques spéciales.
Ainsi donc, les pouvoirs du juge pénal sont avant tout
définit et encadrés par les dispositions de la loi n°1-63 du
13 janvier 1963 portant code de procédure pénale, au Congo. Au
Cameroun, par la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de
procédure pénale. Ces pouvoirs portent à la fois, sur
l'organisation de l'audience et sur des actes concourant aux jugements de fond.
On citera entre autre :
-Les pouvoirs reconnus au juge pénal quant à la
police de l'audience et l'organisation des débats (art.303 du C.P.P
camerounais et art.336 du C.P.P congolais) ;
-Les pouvoirs de mise en liberté provisoire (art.301 du
C.P.P camerounais et art.123 ; 332 du C.P.P congolais) ;
-Les pouvoirs de décerner les mandats (art.299 du C.P.P
camerounais et art.400 ; 404 C.P.P congolais) ;
-Les pouvoirs d'ordonner un transport sur les lieux et de
commettre un expert (art.319 du C.P.P camerounais et art.391 al.1 du C.P.P
congolais)
-Les pouvoirs d'ordonner le versement provisoire (art.399 al.1 du
C.P.P congolais).
136 BERGEL (J-L), op.cit, p.13
Page | 103
Il faut noter que cette énumération n'est pas
exhaustive. Relevons aussi, qu'outre ces pouvoirs reconnus par les textes
classiques, les lois fauniques spéciales attribuent également
certaines prérogatives au juge répressif. Elles s'appliquent
exclusivement au procès pénal en matière faunique. Ainsi,
la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées
confère au juge le pouvoir de substitution de la sanction pénale
prononcée à l'encontre du contrevenant ayant fait l'objet d'une
première condamnation et de fixer les modalités
d'exécution (art.115 al.2-3). Le pouvoir de confiscation et d'ordonner
la vente aux enchères (art.148 de la loi 1994 au Cameroun).
Il convient de retenir au terme de cette analyse de l'office
du juge, qu'à coté des pouvoirs qui sont reconnus au juge, la loi
a aussi prévu des limites à ces pouvoirs. Elles empêchent
celui-ci de tomber dans l'arbitraire. Au nombre de ces limites, il y a le
principe d'interprétation stricte de la loi pénale. Celui de la
légalité des infractions et des peines, de
l'égalité des citoyens devant la justice. Ainsi que
l'impartialité, l'indépendance et l'inamovibilité des
magistrats du siège. A cela, il faudra ajouter la foi du serment des
magistrats. Comme l'affirmait le Premier Président DRAY à
l'audience solennelle du 8 janvier 1990 : « à la tentation du
juge-dieu, seul apte à tout savoir et tout faire, il faut savoir
résister (...) dans l'acte de juger, il ne faut jamais mépriser
le droit, la règle de droit préexistante et objective
». Le juge pénal est le fidèle serviteur de la loi,
doté d'une moralité irréprochable
caractérisée par une modération, discrétion,
d'humilité et une loyauté indéfectible.
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