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La justice répressive et la protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Faculté de Droit et Sciences Économiques de Limoges  - Master2  2016
  

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INTRODUCTION

Selon Mireille DELMAS-MARTY : « S'il est aujourd'hui urgent que le droit pénal se porte au secours de l'environnement, c'est que l'échelle des dégradations a changé au cours des dernières décennies (...). Désormais, le péril s'étend dans l'espace et dans le temps, comme en témoignent le réchauffement du climat et l'épuisement des ressources naturelles »1. Cette assertion aux apparences d'un cri d'alarme prend tout son sens lorsqu'on entreprend d'examiner les rapports existant entre la justice pénale et l'environnement. Mais aussi, lorsqu'on pointe, particulièrement, du doigt l'effectivité des mesures de répression mises à la disposition de cette justice pour protéger la faune sauvage. Depuis plusieurs années, la plupart des Etats africains, prenant conscience de la menace d'extinction qui pèse sur les espèces animales sauvages du fait de la criminalité faunique, ont confiés à leur justice pénale un rôle essentiel dans l'éradication de ce phénomène. Ils partent de l'idée suivant laquelle, grâce à la radicalité de ses sanctions, cette justice est censée intimider, sinon dissuader la délinquance faunique et constituée ainsi, un véritable rempart contre ce fléau.

La République du Congo et celle du Cameroun sont deux pays frontaliers d'Afrique Centrale qui ne sont pas restés en marge de cette lutte pour la préservation des écosystèmes. En effet, du fait de leur situation géographique, ils disposent d'immenses étendues forestières riches en biodiversité et regorgent ainsi des milliers d'espèces végétales et d'oiseau sans compter des centaines d'espèces de mammifères2. Faisant partie des Bassins du Congo qui est le deuxième massif forestier tropical après l'Amazonie et qui représente plus de 6% de la surface forestière mondiale. Ces pays ont donc mis en place un cadre juridique sectoriel très étoffé constitué essentiellement, aussi bien, des textes internationaux de portée universelle, régionale et même sous régionale que des textes nationaux. A coté de cet arsenal juridique qui n'a pas cessé de connaitre des améliorations au fil des années, il a été crée un cadre institutionnel fait des organes publics et privés gravitant autour des Ministères en charge des questions de la faune. De même qu'ils participent au sein des institutions à caractère international au niveau mondial, régional et sous-régional3. C'est l'ensemble de ces institutions qui collaborent étroitement avec les appareils judiciaires dans l'organisation de la répression en vu d'apporter, tant soit peu, une solution à la délinquance faunique. Cependant, après plusieurs années le constat est alarmant et le bilan de ces institutions est mitigé4. En effet, on constate dans ces deux pays que le phénomène de braconnage à grande échelle, le commerce illicite des espèces en voie d'extinction et la surexploitation des produits issues de la faune sauvage ne cessent de prendre des proportions inquiétantes. Il laisse présager une catastrophe dans le Bassin du Congo avec, à court terme, des conséquences désastreuses pour l'ensemble des écosystèmes que regorge cette sous région5.

1DELMAS-MARTY (M), Des écocrimes à l'écocide : Le droit pénal au secours de l'environnement, préface, 1ère édition, Bruxelles, Bruylant 2015. (465 pages).

2 Rapport de l'OFAC, Aires Protégées d'Afrique Centrale Etat 2015, pages 41-66, 89-110

3 Le Congo et le Cameroun sont membres de plusieurs organisations internationales spécialisées dans la protection, la conservation de la faune sauvage telles que : Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), La Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC), l'Observatoire des Forêts d'Afrique Centrale (OFAC). Des Associations à caractère internationales comme : Le Fond Mondial pour la Nature (WWF) et bien d'autres...

4 Voir en ce sens le rapport de TRAFFIC, La mise en application de la loi faunique, novembre 2016.

5 Idem.

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Mais, il serait mal aisé d'entreprendre une étude sur : « la justice répressive et la protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun », sans pour autant saisir le sens des différents termes qui constituent cette thématique. C'est ainsi qu'aux termes de cette étude :

? L'expression Justice répressive peut être entendue comme une notion polysémique.

Son analyse définitionnelle appelle à une approche binaire qui concilie à la fois l'organique et la matière. Elle se conçoit d'abord comme un ensemble d'organes juridictionnels (Cours et Tribunaux) ayant en charge le contentieux pénal. Elle s'analyse ensuite, comme un contenu fait de règles et principes juridiques servant de base à l'exercice d'une répression contre les atteintes perpétrées contre les biens, les personnes et, le cas échéant, contre les animaux sauvages. En somme, il s'agit donc des juridictions spécialisées dans la poursuite et la sanction des différentes formes d'infractions suivant les règles répressives bien établit.

? Le terme : protection, suppose la mise en oeuvre des moyens juridiques dans le but de

préserver les espèces fauniques contre toutes formes de menaces susceptibles de porter atteinte à leur existence.

? Le terme faune sauvage appelle à une diversité d'approches définitionnelles.

Au plan doctrinal, certains auteurs comme Michel REDON estiment que celle-ci est constituée par : « tous les animaux qui vivent, se reproduisent et se nourrissent en dehors de toute intervention humaine ; qui n'ont subit aucune sélection de la main de l'homme et sont destinés à vivre dans leur milieu naturel »6. Au plan légal, cette approche varie selon la conception du législateur de chaque pays. Ainsi, aux termes de l'article 5 alinéas 2 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées au Congo, l'expression faune est définie comme un : « patrimoine biologique commun de la nation, dont l'Etat garantit la gestion durable. Elle est constituée par l'ensemble des animaux sauvages vivant en liberté dans leur milieu naturel ou maintenus en captivité ». Pour le législateur Camerounais (article 3 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des Forêts, de la Faune et de la Pêche) : « La faune désigne au sens de la présente loi, l'ensemble des espèces faisant partie de tout écosystème naturel ainsi que toutes les espèces animales ayant été prélevées du milieu naturel à des fins de domestication ». Il en résulte donc de cette analyse qu'il n'existe pas de définition unanimement acceptable. Il faut simplement se baser sur une identité des critères que sont : l'absence totale d'un lien de propriété avec l'homme et le rattachement à un milieu naturel ou sauvage. Il s'ensuit que le régime de protection de la faune sauvage se démarque de celui des animaux domestiques que prévoyait déjà le Code Pénal de 1810, encore applicable au Congo7, celui-ci étant influencé par une conception civiliste réduisant l'animal, selon les cas, à un bien meuble8 ou immeuble9.

6 REDON (M), Droit de la chasse et de la protection de la faune sauvage, 2ème édition, Paris l'Harmattan 2014, p.15 et 16.

7 Voir en ce sens l'article 454 du Code Pénal de 1810 encore applicable au Congo

8 Voir en ce sens l'article 522 ancien du Code Civil

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Or il faut repréciser que, dans notre étude, cette protection par la justice pénale ne portera que sur deux pays dont-il convient aussi de préciser les contours géographiques pour mieux les situés. En ce qui concerne la République du Congo, disons que c'est un pays d'Afrique Centrale à cheval sur l'équateur, avec une superficie de 342.000 km2. Il est limité au nord par La République Centre Africaine (RCA) et le Cameroun, à l'Ouest par le Gabon et l'Océan Atlantique, au Sud par l'enclave Angolaise du Cabinda et la République Démocratique du Congo (RDC), à l'Est par le fleuve Congo et la rivière Oubangui. Le pays dispose d'un relief qui s'articule autour deux bassins : celui du Congo (essentiellement composé de la grande forêt du nord) et celui du Kouilou-Niari composé de la Vallée du Niari, le Massif du Chaillu et la forêt du Mayombe. Le Congo renferme divers écosystème à la fois forestiers, savanicoles et côtiers. Cette richesse de la faune et de la flore est liée à sa position de carrefour entre les domaines Bas-Guinéens au sud et Congolaise au nord10. Au nombre des espèces fauniques que regorge le pays, on répertorie plus de 200 espèces de mammifères dont 14 espèces sont menacées, 676 espèces d'oiseau dont 5 sont menacées, 151 reptiles dont 4 espèces menacées. Les espèces emblématiques sont entre autre : l'éléphant d'Afrique, le Gorille de plaine, le Chimpanzé, le Bongo, le Colobe rouge de Bouvier etc.11.

S'agissant du Cameroun, il est également un pays d'Afrique Centrale, situé sur le golf de guinée avec une superficie de 475.000km2. Il est limité à l'ouest par le Nigéria et l'Océan Atlantique, au nord par le Tchad, la République Centrafricaine (RCA) à l'est par le Gabon, la Guinée Equatoriale et la République du Congo au Sud par le golf de Guinée au sud-est. Le pays s'étend depuis les bordures méridionales du Sahara, la grande forêt équatoriale des Bassins du Congo au sud et à l'est, jusqu'aux hauts-plateaux et les massifs qui culminent au mont Cameroun. Souvent qualifié d' « Afrique en miniature »12, le Cameroun est doté d'une grande diversité d'habitats naturels ce qui justifie une biodiversité riche et abondante avec une variété d'espèces animales et végétale. Selon un inventaire de l'Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN) fait en 2014, on compte plus de 303 mammifères dont 41 espèces menacées, 968 espèces d'oiseaux dont 25 menacées et 274 reptiles dont 6 sont menacées13.

En ce qui concerne la législation faunique, on ne saurait affirmer que dans le cadre de la protection, la conservation de la faune sauvage et de la répression contre le braconnage, le commerce illicite des espèces fauniques et les infractions qui y sont affiliées, le Congo et le Cameroun accusent un déficit de production normative. En effet, l'histoire de la réglementation de cette matière dans ces deux pays remonte depuis l'époque coloniale. Il faut certainement partir du décret de 1916 qui réglementait la chasse dans les colonies.

9 Voir en ce sens l'article 524 du même Code.

10 MALONGA (A), Bref aperçu sur la géographie du Congo, Brazzaville, Sciences de la vie et de la terre, 2009,

page.21

11 BONGUI (S.L) et MOKOKO IKONGA (J), Rapport COMIFAC, Aires protégées d'Afrique Centrale état 2015

(République du Congo), page 91

12 HIOL HIOL (F), LARZILLIERE (A), PALLA (F) et SCHOLTE (P), Rapport COMIFAC, Aires protégées d'Afrique

Centrale état 2015 (République du Cameroun), page 42

13 Idem

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Ensuite celui du 18 novembre 1947 qui réglementait la chasse dans les territoires africains relevant du Ministère de la France d'outre-mer. Ces législations étaient inspirées de la Convention de Londres du 19 mai 1900 sur la protection des animaux en Afrique et de la Convention relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel du 8 novembre 1933. Plus tard, au sortir des indépendances, chaque pays a pris à bras le corps la problématique de protection de la faune. Ainsi donc, tant au niveau interne qu'international, le Congo et le Cameroun ont mis en place un cadre normatif assez étoffé pour faire face au phénomène de la criminalité faunique. Bien qu'au départ, ces Etats n'étaient pas préoccupés par un souci de protéger l'environnement, mais par celui de règlementer simplement les domaines de la chasse et des forêts dont les textes hérités de la colonisation avaient déjà posé les jalons.

C'est ainsi qu'au Congo, outre les textes constitutionnels du 15 mars 1992, du 20 janvier 2002 et du 25 octobre 2015, qui ont consacrés des dispositions sur la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles. On notera qu'un cadre juridique fait de nombreux textes sectoriels a évolué au fil des années. D'abord avec la loi n°7-62 du 20 janvier 1962 portant règlementation en matière d'exploitation de la faune. Cette loi sera remplacée par celle du 21 avril 1983 définissant les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage. Plus récemment, le pays s'est doté d'une nouvelle loi portant sur la faune, loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées. Elle apparaît comme la formule la plus aboutie de cette évolution, malgré qu'on peut toujours relever de multiples incomplétudes. Ensuite, il y a des textes légaux multisectoriels comme la loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l'environnement qui consacre son titre 3 à la protection de la faune et de la flore. A coté, nous avons une palette de textes règlementaires visant des aspects spécifiques de la protection. A ce titre, on pourrait citer : l'Acte n°114/91 de la Conférence Nationale Souveraine portant interdiction de l'abattage des éléphants en République du Congo ; les Arrêtés n°6075 du 18 mai 1984 déterminant les animaux intégralement et partiellement protégés, celui portant protection absolue de l'éléphant (Arrêté n°32/82 du 18 novembre 1991). Ces textes spéciaux se greffent à la législation pénale générale constituée essentiellement par la Code Pénal, la loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant Code de Procédure Pénale, la loi n°19/99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022.92 du 20 août 1992 portant organisation judiciaire et bien d'autres.

Au Cameroun, l'arsenal juridique encadrant la faune sauvage est aussi suffisamment fourni. Au plan interne il est essentiellement basé sur la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. Celle-ci, bien qu'étant une loi multisectorielle consacre son titre IV sur la faune. Elle définit une procédure répressive en son titre VI portant sur la répression des infractions. Ce titre apparaît comme un « fourre tout » puisqu'il cumule des infractions portant sur plusieurs aspects de la nature (forêts, faune et pêche).

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Cette loi est appuyé par des actes réglementaires plus spécifiques tels que : le Décret n°95/466/PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune ; le Décret n°2005/495 du 31 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n°2005/099 du 06 avril 2005 portant organisation du Ministère des Forêts et de la Faune. Il y a également l'Arrêté n°0648/MINFOF du 18 décembre 2006 fixant la liste des animaux des classes de protection A, B et C ; l'Arrêté n°0649/MINFOF du 18 décembre 2006 portant répartition des espèces animales de faune en groupe de protection et fixant les latitudes d'abattage par type de permis sportif de chasse. A ces textes s'ajoutent les lois de portée générale telles que : la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale ou la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal, la liste n'étant pas exhaustive.

Sur le plan international, le Congo et le Cameroun étant deux pays de la sous-région Afrique Centrale ils ont ainsi, dans le cadre de la mise en oeuvre des politiques de répression contre la criminalité faunique transfrontalière, adoptés des instruments internationaux sectoriels d'abord de portée universelle. A ce titre, on peut citer : la Convention de Washington relative au commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) du 3 mars 1973, la Convention sur la Biodiversité de 1992, la Convention relative aux zones humides d'importances internationales (Ramsar) du 21 décembre 1973, la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage adoptée à Bonn en 1979. Mais à côté de ces textes internationaux de portée mondiale qui sont contraignants et non contraignants pour certains, il y a aussi d'autres textes de portée régional et sous-régional, on peut citer : l'Accord de coopération de Lusaka, sur les opérations concertées de coercition visant le commerce illicite de la faune et de flore sauvages du 8 septembre, la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles adoptée à Alger le 15 septembre 1968, révisée à Maputo en 2003. L'Accord de coopération et de concertation entre les Etats de l'Afrique Centrale sur la conservation de la faune sauvage adoptée à Libreville le 16 avril 1983, le Traité relatif à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique Centrale et instituant la Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC).

Ainsi, comme on peut le constater à l'instar du reste des pays d'Afrique centrale, le Congo et le Cameroun ont, au cours de ces dernières années, intensifiés la production normative dans le domaine de la protection et la conservation des espèces fauniques. Leur cadre juridique interne a été renforcé par l'internalisation des normes sectorielles de droit international de l'environnement. Aussi, la justice répressive dans ces pays devrait exercer une action efficace dans l'éradication des crimes contre la faune sauvage. Or, plusieurs études14 ont déploré les résultats enregistrés dans la lutte contre le braconnage, le commerce illicite des espèces animales protégées et l'ensemble des infractions qui y sont affiliées.

14 On peut citer en ce sens, le rapport de TRAFFIC de novembre 2016, sur la mise en application de la loi faunique au Cameroun ; GAÏKO (V.C), La protection juridique de la faune sauvage en République du Congo, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M, Brazzaville 2011 ; ONONINO (A.B), Lois et procédures en matière faunique au Cameroun, 1ère édition 2012.

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Le Professeur Alexandre KISS affirmait en ce sens que : « les efforts faits au niveau mondial dans la protection des ressources forestiers n'ont abouti qu'aux résultats modestes »15. D'ailleurs, ce constat est partagé par l'ensemble des pays d'Afrique Centrale dans leur Déclaration sur la lutte anti-braconnage en ces termes : « (les) initiatives nationales de lutte contre le braconnage et le trafic illicite de la faune sauvage, en dépit d'importants moyens déployés, n'ont pas abouti aux résultats escomptés »16.

La responsabilité d'une telle défaillance ne peut être entièrement mise sur le compte de la justice pénale (qui est constituée en amont et en aval par plusieurs acteurs concourant à l'oeuvre de répression des atteintes contre la faune sauvage). Celle-ci entraine à des conséquences désastreuses sur l'ensemble des écosystèmes dans la sous-région. Selon le rapport « La nature du crime » de l'ONG IFAW publié en septembre 2013 : « Depuis, le commerce international d'espèces en danger n'a fait qu'augmenter, rendant la menace toujours plus réelle et pesante. Un nombre record d'éléphants tués pour leur ivoire a été atteint en 2011 et 2012, et certaines sous-espèces de rhinocéros se sont éteintes ou sont sur le point de disparaitre (...) Divers organismes et rapports estiment que ce commerce pèse au moins 19 milliards de dollars US par an et classent le commerce illicite d'espèces sauvages, bois et poissons inclus, au 4ème rang des activités illicites mondiales après les stupéfiants, les contrefaçons et la traite d'êtres humains, devant le pétrole, les oeuvres d'art, l'or, les organes humains, les armes de poing et les diamants »17. De nos jours, le phénomène de criminalité faunique a pris des proportions inquiétantes si bien qu'en mai 2013, la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale a adopté une résolution appelant les nations du monde entier à considérer la criminalité contre la faune sauvage et les forêts comme une forme sérieuse de crime organisé18 et Ban Ki-Moon, alors Secrétaire général de l'ONU a établit un lien entre le braconnage et d'autres activités criminelles organisées au plan international, y compris le terrorisme19.

On relève donc qu'une catastrophe s'abat sur l'humanité en générale et sur les pays des Bassins du Congo en particulier, avec la menace imminente de disparition d'une biodiversité riche et exceptionnelle. Face à cela, une seule question taraude les esprits : Où est donc la justice répressive au Congo et au Cameroun ? Que fait-elle ? En effet, celle-ci doit jouer le rôle de « gendarme de la loi ». Cette justice est constituée des acteurs qui participent, à divers niveaux et de façon multiforme, à l'application des normes répressives qui sont conçues par les législateurs nationaux et au niveau international. Ils concourent aussi à la protection de l'environnement et donc de la faune sauvage en luttant contre les différentes atteintes dont-elle peut être victime.

15 CORNU (M) et FROMAGEAU, Le Droit de la forêt au XXIème siècle, Aspects Internationaux, collection Droit du patrimoine culturel et naturel, l'Harmattan novembre 2007, Page 272.

16 Réunion d'Urgence des Ministres de la CEEAC en charge des Relations Extérieures, des questions de Défense et de Sécurité, de l'Intégration Régionale et de la Protection de la Faune sur la mise en oeuvre d'un Plan d'Extrême Urgence sur la Lutte Anti Braconnage dans zone septentrionale de l'Afrique centrale, Yaoundé (Cameroun), palais des congrès, 21-23 mars 2013, p. 2.

17 Fonds International pour la Protection des Animaux (IFAW), La nature du crime, septembre 2013, pages 3-4

18 Idem

19 Idem

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Ainsi donc, et comme nous le verrons, le juge pénal, le ministère public et tous les agents exerçant les missions relevant de l'ordre public écologique, sont considérés comme des protecteurs de la faune sauvage. Ils constituent ainsi le dernier rempart contre l'anarchie dont sont victimes les espèces en voie d'extinction. Leur rôle est donc central dans la chaîne de protection et de conservation des écosystèmes.

Mettant en relief l'action des juges, Christopher WEERAMANTRY estime qu' : « En tant que gardien de l'autorité de la loi, les juges sont dans une position unique pour donner force et effet au droit de l'environnement. Ils peuvent apporter de l'intégrité et de la conviction au processus de protection de l'environnement (...). Ils contribuent également au développement du droit de l'environnement grâce à leur tâche traditionnelle d'interpréter et de combler les vides des textes de loi »20. Et M. Abauzit ajoute qu'il (le juge répressif) a un « rôle de bon berger pour l'application des lois de protection de l'environnement (...). Si l'administration a parfois la tentation de négliger l'environnement, le juge, lui, se trouve en dernière ligne et ne peut se dérober face à la règle environnementale »21. Or, au Congo et au Cameroun, la justice répressive est quasi-impuissante, désarmée et totalement passive dans la lutte contre cette forme particulière de criminalité. Pourtant, sa réponse face aux infractions de droit commun est sans appel, qu'il s'agisse des atteintes contre les personnes ou les biens, sa production jurisprudentielle est abondante. Cependant, la matière environnementale est particulière, elle a ses réalités et comme l'affirmait BADO : « Nul n'est bon juge que de ce qu'il connait »22. Aussi, pour juger les crimes relevant de la matière environnementale, il faut connaître l'environnement et ses contours.

Outre ces difficultés de connaissance de la matière environnementale, il faut aussi relever qu'en matière de protection de la faune sauvage, le juge pénal de ces pays reste confronter à plusieurs types de problèmes. D'abord, le principe de la légalité23 qui a pour corolaire, l'obligation d'interprétation stricte de la loi pénale, fut-elle une loi spéciale, constitue un obstacle infranchissable au pouvoir normatif du juge. Considéré comme un fidèle serviteur et parfois même un esclave de la loi pénale, il se doit de l'appliquer de manière uniforme, peut importe l'espèce ou le fait de la cause soumis à sa connaissance. Seulement, les incriminations en matière faunique ne sont prévues et réprimées que par les lois spéciales dites « sectorielles ». Ces lois comportent, du fait du caractère évolutif et expérimental de la matière environnementale, des lacunes, des incomplétudes et des insuffisances. On relève même parfois des énormes contrariétés avec les lois répressives de portée générale (code pénal et de procédure pénale). C'est ainsi que ces juges se trouvent-ils coincés entre une obligation d'application stricte des textes sectoriels souvent mal adaptés aux réalités du procès pénal, d'une part, et la nécessité de donner une réponse à toutes atteintes contre la faune sauvage portée à leur connaissance, d'autre part.

20 CANIVET (G), LAVRYSEN (L) et GUIHAL (D), Manuel judiciaire de Droit de l'environnement, Nairobi, PNUE 2006, page 17

21 LECUCQ (O), Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, 1ère édition, Bruxelles, BRUYLANT 2008, page 19.

22 BADO (J.E), Un juge pour l'environnement, in Journal africaine pour l'environnement. Yaoundé 2015, page.11

23 Le principe de la légalité est souvent attribué à Montesquieu qui estime dans l'esprit des lois (Livre XI, Chap. VI) que « Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ».

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En suite, ce principe de la légalité qui découle aussi de la souveraineté étatique se heurte à la prégnance des normes internationales du droit de l'environnement sur le droit interne. En effet, qu'il s'agisse de la protection des espèces ou de tout autre domaine, le droit de l'environnement est par essence un droit cosmopolite et passeur de frontières24. De plus, certaines infractions telles que le braconnage ou le commerce illicite des espèces menacées ont une nature transnationale et pour y faire face, le juge doit s'émanciper. Il doit fournir l'effort de s'approprier de ces instruments internationaux. En ce sens, M. DELMAS-MARTY écrit que ces juges « sont comme libérés du droit interne au profit d'un droit international dont l'imprécision a pour effet de renforcer leur marge d'interprétation »25.

Ainsi donc, il faut retenir qu'en dépit de l'effort de normalisation au plan interne par chaque pays et celui d'intégration ou d'adhésion au processus d'internationalisation de la répression de la criminalité faunique, « le constat fait aujourd'hui (au Congo et au Cameroun) est que le braconnage et son corollaire le commerce illégal de la faune demeurent sans cesse croissants et les espèces protégées continuent d'être décimées de façon alarmante au mépris des lois. Les raisons de ce qu'on peut considérer comme un échec abondent et elles sont en grande partie le fait de l'inefficacité et l'ineffectivité de l'application de la loi »26. Outre l'effectivité dans l'application de la norme répressive. On relève également des problèmes d'efficacité dans le fonctionnement et l'organisation du système chargé de mettre en oeuvre cette répression. Ainsi, si des auteurs comme Nathalie ROBET et Mathilde PORRET-BLANC ont soulevé l'effectivité de la norme pénale en la matière comme problématique27. D'autres à l'instar de David CHILSTEIN et Oliveira BOSKOVIC ont, par contre, évoqué l'inefficacité et même une « inefficacité chronique »28 ou encore « une efficacité douteuse »29 des acteurs concourant à la répression des atteintes à la faune sauvage30.

Abondant dans le même sens, nous nous sommes intéressés au rôle et à la place de la justice répressive en tant que maillon essentielle dans le processus de protection de la faune sauvage. Dans la présente étude, nous avons tenté d'identifier les moyens juridiques et les acteurs judiciaires qui concourent à la répression de ces infractions. Ensuite, nous avons examiné les obstacles qui découlent tant de l'application des normes répressives en la matière qu'aux problèmes qui minent le système répressif lui-même. Une telle étude, basée sur la réalité des deux pays, ne saurait être entreprise sans une approche comparative entre le Congo et le Cameroun, ni même sans faire l'exégèse de leurs instruments juridiques (internes et internationaux en la matière).

24 LECUCQ (O), op.cit.

25 DELMAS-MARTY (M), La refondation des pouvoirs : Les forces imaginantes du droit, Paris, SEUIL 2007, page 65.

26 ONONINO (A.B), Lois et procédures en matière faunique au Cameroun, publié avec le concours de LAGA et de WWF Programme Eléphant d'Afrique 1ère édition. Yaoundé 2012, page 21.

27 ROBET (N) et PORRET-BLANC (M), L'effectivité du droit pénal de l'environnement, in Revues Lexisnexis n°7, juillet 2016, page 13 à 19.

28 BOSKOVIC (O), CHILSTEIN (D) et autres, L'efficacité du droit de l'environnement, mise en oeuvre et sanctions, édition, Paris, Dalloz 2010, page 72.

29LASSERE CAPDEVILLE (J), Le Droit pénal de l'environnement : Un droit encore à l'apparence redoutable et à l'efficacité douteuse, in Sauvegarde de l'environnement par le Droit pénal, 1èreédition, Paris, l'Harmattan 2005, page 12.

30 ONONINO (A.B) op.cit

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Ainsi donc, comme l'évoquait Monsieur Laurent FABIUS, ancien Ministre français des affaires étrangères : « Le trafic illégal de la faune sauvage a pris une ampleur nouvelle, Par sa faute, des espèces millénaires menacent de s'éteindre. Dans certaines régions du monde, notamment en Afrique, une criminalité organisée se nourrit de ce commerce lucratif. Au-delà même de la tragédie environnementale, ces bandes appauvrissent des peuples, fragilisent des Etats souverains et alimentent des conflits armées »31. Il s'ensuit qu'en partant d'un constat majeur qui est la persistance et l'intensification de cette forme particulière de la criminalité qui met à mal les écosystèmes dans la sous-région Afrique centrale. Notre objectif est de faire un inventaire du cadre juridique qui constitue la base du système répressif en matière de protection des espèces fauniques dans ces deux pays. Ceci, pour en identifier les insuffisances et incohérences. Examiner de manière plus approfondie le rôle assigné aux différents acteurs qui concourent à l'exercice de cette justice. Ainsi que les différents aspects qui relèvent de la procédure y afférente. Pour déduire les obstacles et faire des propositions concrètes en vu d'une amélioration et une évolution du système répressif dans ces pays.

On comprend donc aisément que cette étude, qui vaut son pesant d'or, revêt des intérêts multiples qui sont à la fois écologiques, juridiques, historiques et pratiques.

? Au plan écologique, cet intérêt se justifie par le fait que :

La protection de la faune sauvage par les juridictions répressives, traduit une volonté des pouvoirs publics d'éradiquer la criminalité faunique. Celle-ci se manifeste à travers la mise en place des codes sectoriels. La prise en compte des conventions internationales dans ce domaine et l'application des sanctions pénales. Dans la mesure où, cette criminalité a des conséquences directes sur l'équilibre des écosystèmes. Le but étant donc, de préserver le patrimoine biologique de ces pays. Puisqu'il est clairement démontré, que les espèces animales sauvages jouent un rôle considérable dans l'équilibre et la régénération des forêts qui sont des vastes étendues séquestrations du dioxyde de carbone. En effet, il est établit que des grands mammifères comme les éléphants et hippopotames favorisent le pouvoir germinatif de certaines graines32. De même qu'ils nettoient le lit de certains cours d'eau tout en procurant des aliments à des petites espèces33.

? Au plan juridique, le sujet nous permet de faire une exégèse de l'ensemble des textes de portée sectorielle et générale sur la faune sauvage.

Aussi bien au niveau interne qu'international et sur lesquels se fondent les juridictions répressives dans la répression des atteintes contre les espèces fauniques. Il permet de comprendre les raisons qui justifient les inefficacités constatées dans leur application. Comprendre : le quand, le pourquoi, et le comment ? À travers une étude comparative entre les lois congolaises et camerounaises.

31 Rapport IFAW op.cit.

32 Voir en ce sens, IFAW, Programme Eléphant, la pertinence et la stabilité des éléphants pour le développement humain,

33 GAÏKO (V.C), La protection juridique de la faune sauvage en République du Congo, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'Ecole de la Magistrature (DENAM), Brazzaville, Université Marien N'GOUABI décembre 2011, Page 6.

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Entre les normes internes et internationales, sectorielles et générales. Il permet aussi de faire un examen approfondie sur les règles procédurales (les enquêtes, la constatation des infractions, la saisine, la compétence, la constitution de partie, les recours...). Ainsi que les rôles et les compétences de chacun des acteurs qui concourent à cette répression. Et enfin, il transcende le cadre sectoriel pour examiner les questions de criminalité internationale, l'entraide judiciaire dans la mise en oeuvre des poursuites transfrontalières, les procédures d'exéquatur.

? Au plan historique, cet intérêt il tient du fait que :

L'étude permet de procéder à un inventaire des textes. Elle porte un regard critique sur l'évolution des textes régissant le domaine de la faune en partant depuis l'époque coloniale, les indépendances, les années 1970 à nos jours. Ainsi que l'évolution de la justice pénale en tant qu'organe hérité de la colonisation pour assurer la répression des différentes entorses aux lois répressives de la République.

? Au plan pratique le sujet trouve aussi sa place puisque :

L'étude permet de mettre en exergue une certaine impunité dans laquelle baignent les contrevenants aux lois fauniques. C'est la conséquence d'une politique de conservation permissive et inadaptée. En effet, très peu de délinquants sont déférés devant les autorités judiciaires. L'insuffisance d'infrastructures et le manque de formations adéquates des agents de la police et de la gendarmerie, et la non spécialisation des acteurs judiciaires rendent inefficace cette répression. Les interpellations ou arrestations de braconniers se soldent parfois par un élargissement lorsque ce n'est pas par le fait d'une transaction qu'ils doivent leur liberté. La persistance de ces agissements imputables au laxisme et à la tolérance des auxiliaires de justice s'avère compromettante pour la survie des espèces fauniques. C'est au regard de tout ce qui vient d'être énuméré que le contentieux faunique est fort insignifiant, alors que paradoxalement le nombre de braconniers augmente effroyablement.

Ainsi donc, au regard de tout ce qui précède, il paraît clairement que la problématique de notre étude porte sur l'effectivité et l'efficacité des moyens mis à la disposition de la justice répressive pour assurer la protection de la faune sauvage. Celle-ci peut être fragmentée en plusieurs questions à savoir :

y' Quel est l'effectivité des instruments juridiques que le Congo et le Cameroun ont mis à la disposition de leur justice pénale pour assurer une répression en matière de la faune sauvage ?

y' Quel est l'efficacité de l'action exercée par les différents acteurs judiciaires constituant la chaîne répressive et qui concourent à l'exercice de cette protection ?

y' Quels sont les obstacles qui empêchent cette justice à exercer une action répressive plus effective et efficace ?

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De ces interrogations, il nous a paru nécessaire d'envisager des tentatives de réponses à travers une hypothèse qui constituera la trame de notre travail. Ainsi, nous estimons que : Dans le cadre de la répression des infractions fauniques, la justice pénale au Congo et au Cameroun est toujours balbutiante. Cela, après plusieurs décennies et malgré un arsenal juridique (interne et international) suffisamment fourni. La chaîne répressive constituée des différents acteurs concourant à la mise en oeuvre de cette mission de protection de la faune sauvage par le droit pénal connait plusieurs difficultés. Aussi cet échec est lié à des raisons d'ineffectivité et d'inefficacité aussi bien dans l'application des normes que dans l'action des acteurs qui animent cette justice. Il s'ensuit que pour lutter plus efficacement contre la criminalité faunique dans ces pays, cette justice répressive a besoin d'amélioration à travers des mesures tendant à la faire évoluer pour mieux l'adapter aux enjeux actuels du droit de l'environnement.

Aussi dans le cadre de ce travail, nous nous sommes focalisé sur des techniques d'investigations comme : la recherche documentaire à travers la doctrine, la jurisprudence et les textes de lois. Nous avons procédé à des entretiens avec des personnes ressources. Ceci, en faisant recours à des méthodes comparatives, analytiques et critiques.

C'est pourquoi, pour aboutir à un travail rigoureux et cohérent, nos analyses consisteront essentiellement à examiner : Le cadre juridique consacré à la protection pénale de la faune sauvage et les obstacles à sa mise en oeuvre (Dans une première partie). Ensuite : La mise en place d'une chaîne pénale en vu d'une réponse efficace contre la criminalité faunique (Dans une deuxième partie).

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Première Partie :

LE CADRE JURIDIQUE CONSACRE A LA

PROTECTION PENALE DE LA FAUNE SAUVAGE

ET LES OBSTACLES A SA MISE EN OEUVRE.

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En matière criminelle, il faut des lois34, disait PORTALIS. La justesse de cette affirmation ne s'applique pas seulement en ce qui concerne les infractions classiques de droit commun, mais aussi dans un domaine spécial comme celui de la criminalité faunique. Dans ce sens, dès le début des années 199235, la notion d'environnement étant devenue une « valeur sociale protégée »36, la plupart des Etats d'Afrique Centrale se sont dotés progressivement d'un cadre juridique composé de nombreuses règles spéciales destinées à protéger les différents secteurs dont celui de la faune sauvage. Pour assurer l'effectivité de la règlementation protectrice des espèces fauniques et veiller à son respect, les législateurs congolais et camerounais ont fait, de plus en plus, appel au droit répressif et à son juge en accompagnant ces textes par des incriminations et des sanctions spéciales. Or, souvent, cette protection est aussi conditionnée par la cohérence entre les normes de droit interne et celles du droit international de l'environnement, les premières étant tributaires des secondes. Ainsi, en l'état actuel du droit positif congolais et camerounais, on peut affirmer qu'il existe un corpus juridique consacré à la protection de la faune sauvage (Chapitre I).

Cependant, nonobstant cette intense production normative on constate, après plusieurs décennies, la persistance du braconnage à grande échelle, du commerce illicite des espèces menacées d'extinction et des autres types d'infraction à la loi faunique. Ainsi, en s'interrogeant sur l'application effective de la réglementation faunique au Congo et au Cameroun, on se conviendrait presque avec le Professeur Maurice KAMTO pour qui : « le sommeil (ou l'ineffectivité) n'est pas une particularité des normes juridiques de l'environnement, c'est une caractéristique du droit africain dans son ensemble : c'est tout le droit qui paraît en hibernation »37. Il ne fait donc aucun doute que l'application effective du cadre juridique consacré à la répression des atteintes contre les espèces fauniques est confrontée à de nombreux obstacles (Chapitre II).

34 PRADEL (J) et DANTI-JUAN (M), Droit pénal spécial, 5ème édition, Paris, CUJAS, 10 juillet 2010, page 15.

35 Certains auteurs comme Stéphane DOUMBE-BILLE ou Maurice KAMTO, affirment que c'est à partir de la Conférence de Rio en 1992 qu'il y a eu dans les pays Africains une véritable prise de conscience s'agissant des questions portant sur la protection de l'environnement.

36 DAOUD (E) et LE CORRE (C), La responsabilité pénale des personnes morales en droit de l'environnement, in Perspectives étude n°44, mars 2013, page 53.

37 KAMTO (M), Le Droit de l'environnement en Afrique, 1ère édition, Paris, EDICEF 1996, page 18.

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