INTRODUCTION
Selon Mireille DELMAS-MARTY : « S'il est aujourd'hui
urgent que le droit pénal se porte au secours de l'environnement, c'est
que l'échelle des dégradations a changé au cours des
dernières décennies (...). Désormais, le péril
s'étend dans l'espace et dans le temps, comme en témoignent le
réchauffement du climat et l'épuisement des ressources naturelles
»1. Cette assertion aux apparences d'un cri d'alarme prend
tout son sens lorsqu'on entreprend d'examiner les rapports existant entre la
justice pénale et l'environnement. Mais aussi, lorsqu'on pointe,
particulièrement, du doigt l'effectivité des mesures de
répression mises à la disposition de cette justice pour
protéger la faune sauvage. Depuis plusieurs années, la plupart
des Etats africains, prenant conscience de la menace d'extinction qui
pèse sur les espèces animales sauvages du fait de la
criminalité faunique, ont confiés à leur justice
pénale un rôle essentiel dans l'éradication de ce
phénomène. Ils partent de l'idée suivant laquelle,
grâce à la radicalité de ses sanctions, cette justice est
censée intimider, sinon dissuader la délinquance faunique et
constituée ainsi, un véritable rempart contre ce fléau.
La République du Congo et celle du Cameroun sont deux
pays frontaliers d'Afrique Centrale qui ne sont pas restés en marge de
cette lutte pour la préservation des écosystèmes. En
effet, du fait de leur situation géographique, ils disposent d'immenses
étendues forestières riches en biodiversité et regorgent
ainsi des milliers d'espèces végétales et d'oiseau sans
compter des centaines d'espèces de mammifères2.
Faisant partie des Bassins du Congo qui est le deuxième massif forestier
tropical après l'Amazonie et qui représente plus de 6% de la
surface forestière mondiale. Ces pays ont donc mis en place un cadre
juridique sectoriel très étoffé constitué
essentiellement, aussi bien, des textes internationaux de portée
universelle, régionale et même sous régionale que des
textes nationaux. A coté de cet arsenal juridique qui n'a pas
cessé de connaitre des améliorations au fil des années, il
a été crée un cadre institutionnel fait des organes
publics et privés gravitant autour des Ministères en charge des
questions de la faune. De même qu'ils participent au sein des
institutions à caractère international au niveau mondial,
régional et sous-régional3. C'est l'ensemble de ces
institutions qui collaborent étroitement avec les appareils judiciaires
dans l'organisation de la répression en vu d'apporter, tant soit peu,
une solution à la délinquance faunique. Cependant, après
plusieurs années le constat est alarmant et le bilan de ces institutions
est mitigé4. En effet, on constate dans ces deux pays que le
phénomène de braconnage à grande échelle, le
commerce illicite des espèces en voie d'extinction et la surexploitation
des produits issues de la faune sauvage ne cessent de prendre des proportions
inquiétantes. Il laisse présager une catastrophe dans le Bassin
du Congo avec, à court terme, des conséquences
désastreuses pour l'ensemble des écosystèmes que regorge
cette sous région5.
1DELMAS-MARTY (M), Des écocrimes
à l'écocide : Le droit pénal au secours de
l'environnement, préface, 1ère édition, Bruxelles,
Bruylant 2015. (465 pages).
2 Rapport de l'OFAC, Aires Protégées
d'Afrique Centrale Etat 2015, pages 41-66, 89-110
3 Le Congo et le Cameroun sont membres de plusieurs
organisations internationales spécialisées dans la protection, la
conservation de la faune sauvage telles que : Le Programme des Nations Unies
pour l'Environnement (PNUE), L'Union Internationale pour la Conservation de la
Nature (UICN), La Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC),
l'Observatoire des Forêts d'Afrique Centrale (OFAC). Des Associations
à caractère internationales comme : Le Fond Mondial pour la
Nature (WWF) et bien d'autres...
4 Voir en ce sens le rapport de TRAFFIC, La mise
en application de la loi faunique, novembre 2016.
5 Idem.
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Mais, il serait mal aisé d'entreprendre une
étude sur : « la justice répressive et la
protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun »,
sans pour autant saisir le sens des différents termes qui constituent
cette thématique. C'est ainsi qu'aux termes de cette étude :
? L'expression Justice
répressive peut être entendue comme une notion
polysémique.
Son analyse définitionnelle appelle à une
approche binaire qui concilie à la fois l'organique et la
matière. Elle se conçoit d'abord comme un ensemble d'organes
juridictionnels (Cours et Tribunaux) ayant en charge le contentieux
pénal. Elle s'analyse ensuite, comme un contenu fait de règles et
principes juridiques servant de base à l'exercice d'une
répression contre les atteintes perpétrées contre les
biens, les personnes et, le cas échéant, contre les animaux
sauvages. En somme, il s'agit donc des juridictions spécialisées
dans la poursuite et la sanction des différentes formes d'infractions
suivant les règles répressives bien établit.
? Le terme :
protection, suppose la mise en oeuvre des moyens
juridiques dans le but de
préserver les espèces fauniques contre toutes
formes de menaces susceptibles de porter atteinte à leur existence.
? Le terme faune sauvage
appelle à une diversité d'approches
définitionnelles.
Au plan doctrinal, certains auteurs comme Michel REDON
estiment que celle-ci est constituée par : « tous les animaux
qui vivent, se reproduisent et se nourrissent en dehors de toute intervention
humaine ; qui n'ont subit aucune sélection de la main de l'homme et sont
destinés à vivre dans leur milieu naturel
»6. Au plan légal, cette approche varie selon la
conception du législateur de chaque pays. Ainsi, aux termes de l'article
5 alinéas 2 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et
les aires protégées au Congo, l'expression faune est
définie comme un : « patrimoine biologique commun de la nation,
dont l'Etat garantit la gestion durable. Elle est constituée par
l'ensemble des animaux sauvages vivant en liberté dans leur milieu
naturel ou maintenus en captivité ». Pour le
législateur Camerounais (article 3 de la loi n°94/01 du 20 janvier
1994 portant régime des Forêts, de la Faune et de la Pêche)
: « La faune désigne au sens de la présente loi,
l'ensemble des espèces faisant partie de tout écosystème
naturel ainsi que toutes les espèces animales ayant été
prélevées du milieu naturel à des fins de domestication
». Il en résulte donc de cette analyse qu'il n'existe pas de
définition unanimement acceptable. Il faut simplement se baser sur une
identité des critères que sont : l'absence totale d'un lien de
propriété avec l'homme et le rattachement à un milieu
naturel ou sauvage. Il s'ensuit que le régime de protection de la faune
sauvage se démarque de celui des animaux domestiques que
prévoyait déjà le Code Pénal de 1810, encore
applicable au Congo7, celui-ci étant influencé par une
conception civiliste réduisant l'animal, selon les cas, à un bien
meuble8 ou immeuble9.
6 REDON (M), Droit de la chasse et de la
protection de la faune sauvage, 2ème édition,
Paris l'Harmattan 2014, p.15 et 16.
7 Voir en ce sens l'article 454 du Code Pénal
de 1810 encore applicable au Congo
8 Voir en ce sens l'article 522 ancien du Code
Civil
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Or il faut repréciser que, dans notre étude,
cette protection par la justice pénale ne portera que sur deux pays
dont-il convient aussi de préciser les contours géographiques
pour mieux les situés. En ce qui concerne la République du Congo,
disons que c'est un pays d'Afrique Centrale à cheval sur
l'équateur, avec une superficie de 342.000 km2. Il est
limité au nord par La République Centre Africaine (RCA) et le
Cameroun, à l'Ouest par le Gabon et l'Océan Atlantique, au Sud
par l'enclave Angolaise du Cabinda et la République Démocratique
du Congo (RDC), à l'Est par le fleuve Congo et la rivière
Oubangui. Le pays dispose d'un relief qui s'articule autour deux bassins :
celui du Congo (essentiellement composé de la grande forêt du
nord) et celui du Kouilou-Niari composé de la Vallée du Niari, le
Massif du Chaillu et la forêt du Mayombe. Le Congo renferme divers
écosystème à la fois forestiers, savanicoles et
côtiers. Cette richesse de la faune et de la flore est liée
à sa position de carrefour entre les domaines Bas-Guinéens au sud
et Congolaise au nord10. Au nombre des espèces fauniques que
regorge le pays, on répertorie plus de 200 espèces de
mammifères dont 14 espèces sont menacées, 676
espèces d'oiseau dont 5 sont menacées, 151 reptiles dont 4
espèces menacées. Les espèces emblématiques sont
entre autre : l'éléphant d'Afrique, le Gorille de plaine, le
Chimpanzé, le Bongo, le Colobe rouge de Bouvier etc.11.
S'agissant du Cameroun, il est également un pays
d'Afrique Centrale, situé sur le golf de guinée avec une
superficie de 475.000km2. Il est limité à l'ouest par
le Nigéria et l'Océan Atlantique, au nord par le Tchad, la
République Centrafricaine (RCA) à l'est par le Gabon, la
Guinée Equatoriale et la République du Congo au Sud par le golf
de Guinée au sud-est. Le pays s'étend depuis les bordures
méridionales du Sahara, la grande forêt équatoriale des
Bassins du Congo au sud et à l'est, jusqu'aux hauts-plateaux et les
massifs qui culminent au mont Cameroun. Souvent qualifié d' «
Afrique en miniature »12, le Cameroun est doté
d'une grande diversité d'habitats naturels ce qui justifie une
biodiversité riche et abondante avec une variété
d'espèces animales et végétale. Selon un inventaire de
l'Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN) fait en 2014, on
compte plus de 303 mammifères dont 41 espèces menacées,
968 espèces d'oiseaux dont 25 menacées et 274 reptiles dont 6
sont menacées13.
En ce qui concerne la législation faunique, on ne
saurait affirmer que dans le cadre de la protection, la conservation de la
faune sauvage et de la répression contre le braconnage, le commerce
illicite des espèces fauniques et les infractions qui y sont
affiliées, le Congo et le Cameroun accusent un déficit de
production normative. En effet, l'histoire de la réglementation de cette
matière dans ces deux pays remonte depuis l'époque coloniale. Il
faut certainement partir du décret de 1916 qui réglementait la
chasse dans les colonies.
9 Voir en ce sens l'article 524 du même Code.
10 MALONGA (A), Bref aperçu sur la
géographie du Congo, Brazzaville, Sciences de la vie et de la
terre, 2009,
page.21
11 BONGUI (S.L) et MOKOKO IKONGA (J), Rapport COMIFAC,
Aires protégées d'Afrique Centrale état 2015
(République du Congo), page 91
12 HIOL HIOL (F), LARZILLIERE (A), PALLA (F) et
SCHOLTE (P), Rapport COMIFAC, Aires protégées
d'Afrique
Centrale état 2015 (République du
Cameroun), page 42
13 Idem
Page | 14
Ensuite celui du 18 novembre 1947 qui réglementait la
chasse dans les territoires africains relevant du Ministère de la France
d'outre-mer. Ces législations étaient inspirées de la
Convention de Londres du 19 mai 1900 sur la protection des animaux en Afrique
et de la Convention relative à la conservation de la faune et de la
flore à l'état naturel du 8 novembre 1933. Plus tard, au sortir
des indépendances, chaque pays a pris à bras le corps la
problématique de protection de la faune. Ainsi donc, tant au niveau
interne qu'international, le Congo et le Cameroun ont mis en place un cadre
normatif assez étoffé pour faire face au phénomène
de la criminalité faunique. Bien qu'au départ, ces Etats
n'étaient pas préoccupés par un souci de protéger
l'environnement, mais par celui de règlementer simplement les domaines
de la chasse et des forêts dont les textes hérités de la
colonisation avaient déjà posé les jalons.
C'est ainsi qu'au Congo, outre les textes constitutionnels du
15 mars 1992, du 20 janvier 2002 et du 25 octobre 2015, qui ont
consacrés des dispositions sur la protection de l'environnement et la
gestion des ressources naturelles. On notera qu'un cadre juridique fait de
nombreux textes sectoriels a évolué au fil des années.
D'abord avec la loi n°7-62 du 20 janvier 1962 portant
règlementation en matière d'exploitation de la faune. Cette loi
sera remplacée par celle du 21 avril 1983 définissant les
conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage. Plus
récemment, le pays s'est doté d'une nouvelle loi portant sur la
faune, loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires
protégées. Elle apparaît comme la formule la plus aboutie
de cette évolution, malgré qu'on peut toujours relever de
multiples incomplétudes. Ensuite, il y a des textes légaux
multisectoriels comme la loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection
de l'environnement qui consacre son titre 3 à la protection de la faune
et de la flore. A coté, nous avons une palette de textes
règlementaires visant des aspects spécifiques de la protection. A
ce titre, on pourrait citer : l'Acte n°114/91 de la Conférence
Nationale Souveraine portant interdiction de l'abattage des
éléphants en République du Congo ; les
Arrêtés n°6075 du 18 mai 1984 déterminant les animaux
intégralement et partiellement protégés, celui portant
protection absolue de l'éléphant (Arrêté
n°32/82 du 18 novembre 1991). Ces textes spéciaux se greffent
à la législation pénale générale
constituée essentiellement par la Code Pénal, la loi n°1-63
du 13 janvier 1963 portant Code de Procédure Pénale, la loi
n°19/99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n°022.92 du 20 août 1992 portant organisation
judiciaire et bien d'autres.
Au Cameroun, l'arsenal juridique encadrant la faune sauvage
est aussi suffisamment fourni. Au plan interne il est essentiellement
basé sur la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime
des forêts, de la faune et de la pêche. Celle-ci, bien
qu'étant une loi multisectorielle consacre son titre IV sur la faune.
Elle définit une procédure répressive en son titre VI
portant sur la répression des infractions. Ce titre apparaît comme
un « fourre tout » puisqu'il cumule des infractions portant
sur plusieurs aspects de la nature (forêts, faune et pêche).
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Cette loi est appuyé par des actes
réglementaires plus spécifiques tels que : le Décret
n°95/466/PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application
du régime de la faune ; le Décret n°2005/495 du 31
décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du
décret n°2005/099 du 06 avril 2005 portant organisation du
Ministère des Forêts et de la Faune. Il y a également
l'Arrêté n°0648/MINFOF du 18 décembre 2006 fixant la
liste des animaux des classes de protection A, B et C ; l'Arrêté
n°0649/MINFOF du 18 décembre 2006 portant répartition des
espèces animales de faune en groupe de protection et fixant les
latitudes d'abattage par type de permis sportif de chasse. A ces textes
s'ajoutent les lois de portée générale telles que : la loi
n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure
Pénale ou la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code
Pénal, la liste n'étant pas exhaustive.
Sur le plan international, le Congo et le Cameroun
étant deux pays de la sous-région Afrique Centrale ils ont ainsi,
dans le cadre de la mise en oeuvre des politiques de répression contre
la criminalité faunique transfrontalière, adoptés des
instruments internationaux sectoriels d'abord de portée universelle. A
ce titre, on peut citer : la Convention de Washington relative au commerce
international des espèces de faune et de flore sauvages menacées
d'extinction (CITES) du 3 mars 1973, la Convention sur la Biodiversité
de 1992, la Convention relative aux zones humides d'importances internationales
(Ramsar) du 21 décembre 1973, la Convention sur la conservation des
espèces migratrices appartenant à la faune sauvage adoptée
à Bonn en 1979. Mais à côté de ces textes
internationaux de portée mondiale qui sont contraignants et non
contraignants pour certains, il y a aussi d'autres textes de portée
régional et sous-régional, on peut citer : l'Accord de
coopération de Lusaka, sur les opérations concertées de
coercition visant le commerce illicite de la faune et de flore sauvages du 8
septembre, la Convention africaine sur la conservation de la nature et des
ressources naturelles adoptée à Alger le 15 septembre 1968,
révisée à Maputo en 2003. L'Accord de coopération
et de concertation entre les Etats de l'Afrique Centrale sur la conservation de
la faune sauvage adoptée à Libreville le 16 avril 1983, le
Traité relatif à la conservation et à la gestion durable
des écosystèmes forestiers d'Afrique Centrale et instituant la
Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC).
Ainsi, comme on peut le constater à l'instar du reste
des pays d'Afrique centrale, le Congo et le Cameroun ont, au cours de ces
dernières années, intensifiés la production normative dans
le domaine de la protection et la conservation des espèces fauniques.
Leur cadre juridique interne a été renforcé par
l'internalisation des normes sectorielles de droit international de
l'environnement. Aussi, la justice répressive dans ces pays devrait
exercer une action efficace dans l'éradication des crimes contre la
faune sauvage. Or, plusieurs études14 ont
déploré les résultats enregistrés dans la lutte
contre le braconnage, le commerce illicite des espèces animales
protégées et l'ensemble des infractions qui y sont
affiliées.
14 On peut citer en ce sens, le rapport de TRAFFIC
de novembre 2016, sur la mise en application de la loi faunique au Cameroun ;
GAÏKO (V.C), La protection juridique de la faune sauvage en
République du Congo, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de
l'E.N.A.M, Brazzaville 2011 ; ONONINO (A.B), Lois et procédures en
matière faunique au Cameroun, 1ère édition
2012.
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Le Professeur Alexandre KISS affirmait en ce sens que : «
les efforts faits au niveau mondial dans la protection des ressources
forestiers n'ont abouti qu'aux résultats modestes
»15. D'ailleurs, ce constat est partagé par
l'ensemble des pays d'Afrique Centrale dans leur Déclaration sur la
lutte anti-braconnage en ces termes : « (les) initiatives nationales
de lutte contre le braconnage et le trafic illicite de la faune sauvage, en
dépit d'importants moyens déployés, n'ont pas abouti aux
résultats escomptés »16.
La responsabilité d'une telle défaillance ne
peut être entièrement mise sur le compte de la justice
pénale (qui est constituée en amont et en aval par plusieurs
acteurs concourant à l'oeuvre de répression des atteintes contre
la faune sauvage). Celle-ci entraine à des conséquences
désastreuses sur l'ensemble des écosystèmes dans la
sous-région. Selon le rapport « La nature du crime »
de l'ONG IFAW publié en septembre 2013 : « Depuis, le commerce
international d'espèces en danger n'a fait qu'augmenter, rendant la
menace toujours plus réelle et pesante. Un nombre record
d'éléphants tués pour leur ivoire a été
atteint en 2011 et 2012, et certaines sous-espèces de rhinocéros
se sont éteintes ou sont sur le point de disparaitre (...) Divers
organismes et rapports estiment que ce commerce pèse au moins 19
milliards de dollars US par an et classent le commerce illicite
d'espèces sauvages, bois et poissons inclus, au 4ème
rang des activités illicites mondiales après les
stupéfiants, les contrefaçons et la traite d'êtres humains,
devant le pétrole, les oeuvres d'art, l'or, les organes humains, les
armes de poing et les diamants »17. De nos jours, le
phénomène de criminalité faunique a pris des proportions
inquiétantes si bien qu'en mai 2013, la Commission des Nations Unies
pour la prévention du crime et la justice pénale a adopté
une résolution appelant les nations du monde entier à
considérer la criminalité contre la faune sauvage et les
forêts comme une forme sérieuse de crime
organisé18 et Ban Ki-Moon, alors Secrétaire
général de l'ONU a établit un lien entre le braconnage et
d'autres activités criminelles organisées au plan international,
y compris le terrorisme19.
On relève donc qu'une catastrophe s'abat sur
l'humanité en générale et sur les pays des Bassins du
Congo en particulier, avec la menace imminente de disparition d'une
biodiversité riche et exceptionnelle. Face à cela, une seule
question taraude les esprits : Où est donc la justice répressive
au Congo et au Cameroun ? Que fait-elle ? En effet, celle-ci doit jouer le
rôle de « gendarme de la loi ». Cette justice est
constituée des acteurs qui participent, à divers niveaux et de
façon multiforme, à l'application des normes répressives
qui sont conçues par les législateurs nationaux et au niveau
international. Ils concourent aussi à la protection de l'environnement
et donc de la faune sauvage en luttant contre les différentes atteintes
dont-elle peut être victime.
15 CORNU (M) et FROMAGEAU, Le Droit de la
forêt au XXIème siècle, Aspects Internationaux, collection
Droit du patrimoine culturel et naturel, l'Harmattan novembre 2007, Page
272.
16 Réunion d'Urgence des Ministres de la
CEEAC en charge des Relations Extérieures, des questions de
Défense et de Sécurité, de l'Intégration
Régionale et de la Protection de la Faune sur la mise en oeuvre d'un
Plan d'Extrême Urgence sur la Lutte Anti Braconnage dans zone
septentrionale de l'Afrique centrale, Yaoundé (Cameroun), palais des
congrès, 21-23 mars 2013, p. 2.
17 Fonds International pour la Protection des Animaux
(IFAW), La nature du crime, septembre 2013, pages 3-4
18 Idem
19 Idem
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Ainsi donc, et comme nous le verrons, le juge pénal, le
ministère public et tous les agents exerçant les missions
relevant de l'ordre public écologique, sont considérés
comme des protecteurs de la faune sauvage. Ils constituent ainsi le
dernier rempart contre l'anarchie dont sont victimes les
espèces en voie d'extinction. Leur rôle est donc central dans la
chaîne de protection et de conservation des écosystèmes.
Mettant en relief l'action des juges, Christopher WEERAMANTRY
estime qu' : « En tant que gardien de l'autorité de la loi, les
juges sont dans une position unique pour donner force et effet au droit de
l'environnement. Ils peuvent apporter de l'intégrité et de la
conviction au processus de protection de l'environnement (...). Ils contribuent
également au développement du droit de l'environnement
grâce à leur tâche traditionnelle d'interpréter et de
combler les vides des textes de loi »20. Et M. Abauzit
ajoute qu'il (le juge répressif) a un « rôle de bon
berger pour l'application des lois de protection de l'environnement (...). Si
l'administration a parfois la tentation de négliger l'environnement, le
juge, lui, se trouve en dernière ligne et ne peut se dérober face
à la règle environnementale »21. Or, au
Congo et au Cameroun, la justice répressive est quasi-impuissante,
désarmée et totalement passive dans la lutte contre cette forme
particulière de criminalité. Pourtant, sa réponse face aux
infractions de droit commun est sans appel, qu'il s'agisse des atteintes contre
les personnes ou les biens, sa production jurisprudentielle est abondante.
Cependant, la matière environnementale est particulière, elle a
ses réalités et comme l'affirmait BADO : « Nul n'est bon
juge que de ce qu'il connait »22. Aussi, pour juger les
crimes relevant de la matière environnementale, il faut connaître
l'environnement et ses contours.
Outre ces difficultés de connaissance de la
matière environnementale, il faut aussi relever qu'en matière de
protection de la faune sauvage, le juge pénal de ces pays reste
confronter à plusieurs types de problèmes. D'abord, le principe
de la légalité23 qui a pour corolaire, l'obligation
d'interprétation stricte de la loi pénale, fut-elle une loi
spéciale, constitue un obstacle infranchissable au pouvoir normatif du
juge. Considéré comme un fidèle serviteur et parfois
même un esclave de la loi pénale, il se doit de l'appliquer de
manière uniforme, peut importe l'espèce ou le fait de la cause
soumis à sa connaissance. Seulement, les incriminations en
matière faunique ne sont prévues et réprimées que
par les lois spéciales dites « sectorielles ». Ces
lois comportent, du fait du caractère évolutif et
expérimental de la matière environnementale, des lacunes, des
incomplétudes et des insuffisances. On relève même parfois
des énormes contrariétés avec les lois répressives
de portée générale (code pénal et de
procédure pénale). C'est ainsi que ces juges se trouvent-ils
coincés entre une obligation d'application stricte des textes sectoriels
souvent mal adaptés aux réalités du procès
pénal, d'une part, et la nécessité de donner une
réponse à toutes atteintes contre la faune sauvage portée
à leur connaissance, d'autre part.
20 CANIVET (G), LAVRYSEN (L) et GUIHAL (D),
Manuel judiciaire de Droit de l'environnement, Nairobi, PNUE 2006,
page 17
21 LECUCQ (O), Le rôle du juge dans le
développement du droit de l'environnement, 1ère
édition, Bruxelles, BRUYLANT 2008, page 19.
22 BADO (J.E), Un juge pour l'environnement,
in Journal africaine pour l'environnement. Yaoundé 2015, page.11
23 Le principe de la légalité est
souvent attribué à Montesquieu qui estime dans l'esprit des
lois (Livre XI, Chap. VI) que « Les juges de la nation ne sont
que la bouche qui prononce les paroles de la loi ».
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En suite, ce principe de la légalité qui
découle aussi de la souveraineté étatique se heurte
à la prégnance des normes internationales du droit de
l'environnement sur le droit interne. En effet, qu'il s'agisse de la protection
des espèces ou de tout autre domaine, le droit de l'environnement est
par essence un droit cosmopolite et passeur de
frontières24. De plus, certaines infractions telles que
le braconnage ou le commerce illicite des espèces menacées ont
une nature transnationale et pour y faire face, le juge doit
s'émanciper. Il doit fournir l'effort de s'approprier de ces instruments
internationaux. En ce sens, M. DELMAS-MARTY écrit que ces juges «
sont comme libérés du droit interne au profit d'un droit
international dont l'imprécision a pour effet de renforcer leur marge
d'interprétation »25.
Ainsi donc, il faut retenir qu'en dépit de l'effort de
normalisation au plan interne par chaque pays et celui d'intégration ou
d'adhésion au processus d'internationalisation de la répression
de la criminalité faunique, « le constat fait aujourd'hui
(au Congo et au Cameroun) est que le braconnage et son corollaire le
commerce illégal de la faune demeurent sans cesse croissants et les
espèces protégées continuent d'être
décimées de façon alarmante au mépris des lois. Les
raisons de ce qu'on peut considérer comme un échec abondent et
elles sont en grande partie le fait de l'inefficacité et
l'ineffectivité de l'application de la loi »26.
Outre l'effectivité dans l'application de la norme répressive. On
relève également des problèmes d'efficacité dans le
fonctionnement et l'organisation du système chargé de mettre en
oeuvre cette répression. Ainsi, si des auteurs comme Nathalie ROBET et
Mathilde PORRET-BLANC ont soulevé l'effectivité de la norme
pénale en la matière comme problématique27.
D'autres à l'instar de David CHILSTEIN et Oliveira BOSKOVIC ont, par
contre, évoqué l'inefficacité et même une «
inefficacité chronique »28 ou encore «
une efficacité douteuse »29 des acteurs concourant
à la répression des atteintes à la faune
sauvage30.
Abondant dans le même sens, nous nous sommes
intéressés au rôle et à la place de la justice
répressive en tant que maillon essentielle dans le processus de
protection de la faune sauvage. Dans la présente étude, nous
avons tenté d'identifier les moyens juridiques et les acteurs
judiciaires qui concourent à la répression de ces infractions.
Ensuite, nous avons examiné les obstacles qui découlent tant de
l'application des normes répressives en la matière qu'aux
problèmes qui minent le système répressif lui-même.
Une telle étude, basée sur la réalité des deux
pays, ne saurait être entreprise sans une approche comparative entre le
Congo et le Cameroun, ni même sans faire l'exégèse de leurs
instruments juridiques (internes et internationaux en la matière).
24 LECUCQ (O), op.cit.
25 DELMAS-MARTY (M), La refondation des pouvoirs :
Les forces imaginantes du droit, Paris, SEUIL 2007, page 65.
26 ONONINO (A.B), Lois et procédures en
matière faunique au Cameroun, publié avec le concours de
LAGA et de WWF Programme Eléphant d'Afrique 1ère
édition. Yaoundé 2012, page 21.
27 ROBET (N) et PORRET-BLANC (M),
L'effectivité du droit pénal de l'environnement, in
Revues Lexisnexis n°7, juillet 2016, page 13 à 19.
28 BOSKOVIC (O), CHILSTEIN (D) et autres,
L'efficacité du droit de l'environnement, mise en oeuvre et
sanctions, édition, Paris, Dalloz 2010, page 72.
29LASSERE CAPDEVILLE (J), Le Droit pénal
de l'environnement : Un droit encore à l'apparence redoutable et
à l'efficacité douteuse, in Sauvegarde de l'environnement
par le Droit pénal, 1èreédition, Paris,
l'Harmattan 2005, page 12.
30 ONONINO (A.B) op.cit
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Ainsi donc, comme l'évoquait Monsieur Laurent FABIUS,
ancien Ministre français des affaires étrangères : «
Le trafic illégal de la faune sauvage a pris une ampleur nouvelle,
Par sa faute, des espèces millénaires menacent de
s'éteindre. Dans certaines régions du monde, notamment en
Afrique, une criminalité organisée se nourrit de ce commerce
lucratif. Au-delà même de la tragédie environnementale, ces
bandes appauvrissent des peuples, fragilisent des Etats souverains et
alimentent des conflits armées »31. Il s'ensuit
qu'en partant d'un constat majeur qui est la persistance et l'intensification
de cette forme particulière de la criminalité qui met à
mal les écosystèmes dans la sous-région Afrique centrale.
Notre objectif est de faire un inventaire du cadre juridique qui constitue la
base du système répressif en matière de protection des
espèces fauniques dans ces deux pays. Ceci, pour en identifier les
insuffisances et incohérences. Examiner de manière plus
approfondie le rôle assigné aux différents acteurs qui
concourent à l'exercice de cette justice. Ainsi que les
différents aspects qui relèvent de la procédure y
afférente. Pour déduire les obstacles et faire des propositions
concrètes en vu d'une amélioration et une évolution du
système répressif dans ces pays.
On comprend donc aisément que cette étude, qui
vaut son pesant d'or, revêt des intérêts multiples
qui sont à la fois écologiques, juridiques, historiques et
pratiques.
? Au plan écologique, cet
intérêt se justifie par le fait que :
La protection de la faune sauvage par les juridictions
répressives, traduit une volonté des pouvoirs publics
d'éradiquer la criminalité faunique. Celle-ci se manifeste
à travers la mise en place des codes sectoriels. La prise en compte des
conventions internationales dans ce domaine et l'application des sanctions
pénales. Dans la mesure où, cette criminalité a des
conséquences directes sur l'équilibre des
écosystèmes. Le but étant donc, de préserver le
patrimoine biologique de ces pays. Puisqu'il est clairement
démontré, que les espèces animales sauvages jouent un
rôle considérable dans l'équilibre et la
régénération des forêts qui sont des vastes
étendues séquestrations du dioxyde de carbone. En effet, il est
établit que des grands mammifères comme les
éléphants et hippopotames favorisent le pouvoir germinatif de
certaines graines32. De même qu'ils nettoient le lit de
certains cours d'eau tout en procurant des aliments à des petites
espèces33.
? Au plan juridique, le sujet nous
permet de faire une exégèse de l'ensemble des textes de
portée sectorielle et générale sur la faune sauvage.
Aussi bien au niveau interne qu'international et sur lesquels
se fondent les juridictions répressives dans la répression des
atteintes contre les espèces fauniques. Il permet de comprendre les
raisons qui justifient les inefficacités constatées dans leur
application. Comprendre : le quand, le pourquoi, et le comment ? À
travers une étude comparative entre les lois congolaises et
camerounaises.
31 Rapport IFAW op.cit.
32 Voir en ce sens, IFAW, Programme
Eléphant, la pertinence et la stabilité des
éléphants pour le développement humain,
33 GAÏKO (V.C), La protection juridique de la
faune sauvage en République du Congo, Mémoire pour
l'obtention du Diplôme de l'Ecole de la Magistrature (DENAM),
Brazzaville, Université Marien N'GOUABI décembre 2011, Page 6.
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Entre les normes internes et internationales, sectorielles et
générales. Il permet aussi de faire un examen approfondie sur les
règles procédurales (les enquêtes, la constatation des
infractions, la saisine, la compétence, la constitution de partie, les
recours...). Ainsi que les rôles et les compétences de chacun des
acteurs qui concourent à cette répression. Et enfin, il
transcende le cadre sectoriel pour examiner les questions de criminalité
internationale, l'entraide judiciaire dans la mise en oeuvre des poursuites
transfrontalières, les procédures d'exéquatur.
? Au plan historique, cet
intérêt il tient du fait que :
L'étude permet de procéder à un
inventaire des textes. Elle porte un regard critique sur l'évolution des
textes régissant le domaine de la faune en partant depuis
l'époque coloniale, les indépendances, les années 1970
à nos jours. Ainsi que l'évolution de la justice pénale en
tant qu'organe hérité de la colonisation pour assurer la
répression des différentes entorses aux lois répressives
de la République.
? Au plan pratique le sujet trouve
aussi sa place puisque :
L'étude permet de mettre en exergue une certaine
impunité dans laquelle baignent les contrevenants aux lois fauniques.
C'est la conséquence d'une politique de conservation permissive et
inadaptée. En effet, très peu de délinquants sont
déférés devant les autorités judiciaires.
L'insuffisance d'infrastructures et le manque de formations adéquates
des agents de la police et de la gendarmerie, et la non spécialisation
des acteurs judiciaires rendent inefficace cette répression. Les
interpellations ou arrestations de braconniers se soldent parfois par un
élargissement lorsque ce n'est pas par le fait d'une transaction qu'ils
doivent leur liberté. La persistance de ces agissements imputables au
laxisme et à la tolérance des auxiliaires de justice
s'avère compromettante pour la survie des espèces fauniques.
C'est au regard de tout ce qui vient d'être énuméré
que le contentieux faunique est fort insignifiant, alors que paradoxalement le
nombre de braconniers augmente effroyablement.
Ainsi donc, au regard de tout ce qui précède, il
paraît clairement que la problématique de notre étude porte
sur l'effectivité et l'efficacité des moyens mis à la
disposition de la justice répressive pour assurer la protection de la
faune sauvage. Celle-ci peut être fragmentée en plusieurs
questions à savoir :
y' Quel est l'effectivité des instruments juridiques
que le Congo et le Cameroun ont mis à la disposition de leur justice
pénale pour assurer une répression en matière de la faune
sauvage ?
y' Quel est l'efficacité de l'action exercée par
les différents acteurs judiciaires constituant la chaîne
répressive et qui concourent à l'exercice de cette protection
?
y' Quels sont les obstacles qui empêchent cette justice
à exercer une action répressive plus effective et efficace ?
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De ces interrogations, il nous a paru nécessaire
d'envisager des tentatives de réponses à travers une
hypothèse qui constituera la trame de notre travail. Ainsi, nous
estimons que : Dans le cadre de la répression des infractions fauniques,
la justice pénale au Congo et au Cameroun est toujours balbutiante.
Cela, après plusieurs décennies et malgré un arsenal
juridique (interne et international) suffisamment fourni. La chaîne
répressive constituée des différents acteurs concourant
à la mise en oeuvre de cette mission de protection de la faune sauvage
par le droit pénal connait plusieurs difficultés. Aussi cet
échec est lié à des raisons d'ineffectivité et
d'inefficacité aussi bien dans l'application des normes que dans
l'action des acteurs qui animent cette justice. Il s'ensuit que pour lutter
plus efficacement contre la criminalité faunique dans ces pays, cette
justice répressive a besoin d'amélioration à travers des
mesures tendant à la faire évoluer pour mieux l'adapter aux
enjeux actuels du droit de l'environnement.
Aussi dans le cadre de ce travail, nous nous sommes
focalisé sur des techniques d'investigations comme : la recherche
documentaire à travers la doctrine, la jurisprudence et les textes de
lois. Nous avons procédé à des entretiens avec des
personnes ressources. Ceci, en faisant recours à des méthodes
comparatives, analytiques et critiques.
C'est pourquoi, pour aboutir à un travail rigoureux et
cohérent, nos analyses consisteront essentiellement à examiner :
Le cadre juridique consacré à la protection pénale
de la faune sauvage et les obstacles à sa mise en oeuvre (Dans
une première partie). Ensuite : La mise en place d'une
chaîne pénale en vu d'une réponse efficace contre la
criminalité faunique (Dans une deuxième partie).
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Première Partie :
LE CADRE JURIDIQUE CONSACRE A LA
PROTECTION PENALE DE LA FAUNE SAUVAGE
ET LES OBSTACLES A SA MISE EN OEUVRE.
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En matière criminelle, il faut des
lois34, disait PORTALIS. La justesse de cette affirmation ne
s'applique pas seulement en ce qui concerne les infractions classiques de droit
commun, mais aussi dans un domaine spécial comme celui de la
criminalité faunique. Dans ce sens, dès le début des
années 199235, la notion d'environnement étant devenue
une « valeur sociale protégée »36,
la plupart des Etats d'Afrique Centrale se sont dotés progressivement
d'un cadre juridique composé de nombreuses règles
spéciales destinées à protéger les
différents secteurs dont celui de la faune sauvage. Pour assurer
l'effectivité de la règlementation protectrice des espèces
fauniques et veiller à son respect, les législateurs congolais et
camerounais ont fait, de plus en plus, appel au droit répressif et
à son juge en accompagnant ces textes par des incriminations et des
sanctions spéciales. Or, souvent, cette protection est aussi
conditionnée par la cohérence entre les normes de droit interne
et celles du droit international de l'environnement, les premières
étant tributaires des secondes. Ainsi, en l'état actuel du droit
positif congolais et camerounais, on peut affirmer qu'il existe un corpus
juridique consacré à la protection de la faune sauvage
(Chapitre I).
Cependant, nonobstant cette intense production normative on
constate, après plusieurs décennies, la persistance du braconnage
à grande échelle, du commerce illicite des espèces
menacées d'extinction et des autres types d'infraction à la loi
faunique. Ainsi, en s'interrogeant sur l'application effective de la
réglementation faunique au Congo et au Cameroun, on se conviendrait
presque avec le Professeur Maurice KAMTO pour qui : « le sommeil
(ou l'ineffectivité) n'est pas une particularité des
normes juridiques de l'environnement, c'est une caractéristique du droit
africain dans son ensemble : c'est tout le droit qui paraît en
hibernation »37. Il ne fait donc aucun doute que
l'application effective du cadre juridique consacré à la
répression des atteintes contre les espèces fauniques est
confrontée à de nombreux obstacles (Chapitre
II).
34 PRADEL (J) et DANTI-JUAN (M), Droit
pénal spécial, 5ème édition, Paris,
CUJAS, 10 juillet 2010, page 15.
35 Certains auteurs comme Stéphane
DOUMBE-BILLE ou Maurice KAMTO, affirment que c'est à partir de la
Conférence de Rio en 1992 qu'il y a eu dans les pays Africains une
véritable prise de conscience s'agissant des questions portant sur la
protection de l'environnement.
36 DAOUD (E) et LE CORRE (C), La
responsabilité pénale des personnes morales en droit de
l'environnement, in Perspectives étude n°44, mars 2013, page
53.
37 KAMTO (M), Le Droit de l'environnement en
Afrique, 1ère édition, Paris, EDICEF 1996, page
18.
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