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Favoriser l'attention des élèves. Le cas particulier des enfants hyperactifs

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par Danièle Ruaud-Gillette
Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand - Master Scolarisation et Besoins Educatifs Particuliers 2015
  

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Deuxième partie : Présentation du dispositif de recherche

1. Un appui sur l'expérience professionnelle

Psychologue scolaire depuis une douzaine d'années, j'ai souvent été sollicitée pour intervenir auprès d'enfants et de leur famille qui, souvent dès la Petite Section de maternelle, présentent un comportement très instable. Malgré les efforts et les interventions diverses, ces enfants gardent un comportement difficile tout au long de leur scolarité primaire. Les trois cas suivants illustrent bien la complexité de ces situations :

1.1. Cas n°1 : M

M. est un petit garçon pour lequel une aide du RASED (Réseau d'Aides Spécialisées aux Elèves en Difficultés) a été sollicitée dès la Petite Section. Le petit garçon avait un comportement agité, n'obéissait pas aux consignes de l'enseignante, et pouvait mordre ses camarades. Une aide G, dispensée par le rééducateur du Réseau, avait été mise en place. Le rééducateur avait pu constater le grand désarroi de la mère de l'enfant, qui ne comprenait pas le comportement de son fils, et vivait mal les regards des autres parents, accusateurs à son égard. Notons que le comportement à la maison était plus facile, d'après la mère. Un léger mieux avait été noté suite au travail réalisé avec le rééducateur, l'enfant appréciant l'espace qui lui était réservé une fois par semaine, dans un cadre riche et ludique, lui permettant d'établir une relation bienveillante avec un adulte disponible. Les années scolaires suivantes ont été compliquées. Le suivi du rééducateur a perduré une année, puis l'enfant s'est révélé plutôt motivé par l'apprentissage de la lecture, au cours duquel il s'est inscrit dans la réussite. Au CE2, devant les difficultés de comportement, l'enseignant de la classe appelle à nouveau à l'aide le Réseau. Il indique que M. parvient à se concentrer sur le travail scolaire mais que, en revanche, il fait régulièrement preuve de violence envers ses camarades : grossièretés, insultes, coups. Le maître souligne qu'il supporte très difficilement la contradiction et la frustration, et qu'il estime fréquemment être une victime. Un bilan psychologique est réalisé, et un suivi mis en place au sein de l'école durant quelques séances afin que l'enfant apprenne à verbaliser ses émotions et à mieux les gérer (cf. annexe 6). Le bilan met en évidence les bonnes compétences cognitives du jeune garçon, mais on note de très grandes disparités dans les performances, dans certaines échelles, mais aussi à l'intérieur d'une même échelle, pour des exercices faisant appel à des compétences identiques, irrégularité signant généralement des problèmes d'attention. Les épreuves projectives montrent que les relations familiales intériorisées sont plutôt positives, avec un attachement sincère à la petite soeur (M. a une petite soeur scolarisée dans l'école, qui ne pose aucun problème d'adaptation scolaire). Le questionnaire de Conners est renseigné par l'enseignant et les parents. Si les index d'hyperactivité n'atteignent pas les critères significatifs, en revanche, les résultats confirment les problèmes de conduites importants en milieu scolaire. L'auto-questionnaire de Barkley est proposé à l'enfant, et les réponses du jeune garçon témoignent des problèmes d'attention qui l'affectent, déplorant de ne pas pouvoir se concentrer, de parler trop sans pouvoir attendre son tour, et d'avoir des problèmes pour écouter quand on lui parle. Au CM1, l'enseignante demande à nouveau de l'aide. Un compte rendu du bilan et du travail réalisé l'année précédente à l'attention d'un pédopsychiatre est donné aux parents, afin de mettre en place un suivi en ville. Des bilans orthophonique et orthoptique sont demandés pour vérifier que l'enfant ne souffre d'aucune gêne dans ses apprentissages (l'enseignante constate qu'à certains moments « l'enfant accroche énormément en lecture »). L'éventualité d'un traitement (Ritaline) pour pallier les difficultés attentionnelles et comportementales est évoquée lors d'un entretien avec les parents, mais ils ne sont pas prêts à se résoudre à une telle éventualité. L'année suivante se passe très difficilement, puis l'enfant passe en 6ème dans le collège public le plus proche, d'où il est rapidement évincé pour intégrer un petit collège privé.

Ce premier cas permet d'illustrer le caractère chronique des problèmes d'adaptation scolaire. Dans cette situation, le contexte familial apparaît plutôt favorable, confirmé par l'absence de difficultés de la petite soeur, et la rigueur des suivis mis en place par les parents. Les difficultés d'attention et les problèmes relationnels sont au premier plan, et l'enfant ne semble pas souffrir de problèmes d'apprentissage associés.

1.2. Cas n°2 : N

Le cas suivant est un petit garçon de 6 ans scolarisé en GS (cf. annexe 7). Il vient d'arriver dans son école à la suite d'un changement de garde : il a été retiré à sa mère, qui ne le voit plus qu'une fois tous les quinze jours et est gardé par son père. L'enfant suit difficilement le fil des activités proposées, il est très agité en classe, et peut faire preuve de violence envers ses camarades. L'année précédente, le petit garçon avait également un comportement très instable à l'école. Ces difficultés comportementales ont été à l'origine de problèmes relationnels entre les enseignants et la mère de l'enfant, ce qui a contribué au retrait du petit garçon du foyer maternel. N. termine sa GS de cette façon, puis passe au CP, où il apprend à lire assez facilement. Durant les activités structurées, il ne présente pas de difficulté scolaire à proprement parler. Ses compétences cognitives sont dans la moyenne, mais le petit garçon n'aime pas lire. Son comportement difficile, son agitation, et ses difficultés relationnelles, sont restées identiques quel que soit le milieu familial d'accueil. Le questionnaire de Conners renseigné par la mère atteint des scores de significativité relatifs à l'hyperactivité très importants.

Ce deuxième cas illustre la remise en cause du milieu familial fréquente dans de telles situations. La mère de N. est une personne très investie dans son rôle maternel. Mais elle est aussi une personne très vive qui reconnaît avoir posé elle-même de nombreux problèmes de comportement dans son enfance. Elle a été scolarisée en pension très jeune, ses parents ne parvenant pas à gérer son humeur difficile. Comme évoqué plus haut, le trouble, qui a une base constitutionnelle, est souvent partagé par l'un des deux parents (ou les deux), ce qui est un facteur aggravant la situation de l'enfant. Les difficultés comportementales rencontrées par son fils à l'école l'ont remise en cause personnellement, occasionnant des discussions avec les enseignants que son caractère vif ont rendu trop houleuses. Après enquête sociale, le juge s'est finalement prononcé en faveur du retrait du petit garçon du foyer maternel, mais le comportement de N. ne s'est pas amélioré pour autant. Il n'est pas certain, par contre, que l'accueil réservé à son égard par son père et sa belle-mère, aux dires de l'enfant (peut ne pas manger à la même table que le reste de la famille, s'ennuie, reste très souvent dans sa chambre tout seul, passe plus de temps avec sa grand-mère paternelle qu'avec son propre père, etc.) soit aussi chaleureux et investi que celui apporté par sa mère... De telles situations sont fréquentes en cas d'enfant hyperactif, en raison des interprétations négatives des professionnels du soin, de la santé, et de l'éducation, qui voient dans les dysfonctionnements familiaux l'origine des troubles présentés par l'enfant.

1.3. Cas n°3 : S

Le troisième cas est celui de S. signalé par son enseignante en Moyenne Section. Le petit garçon est très agité. Un suivi par le rééducateur (maître G) est mis en place. Celui-ci rencontre la famille, et il émet un avis réservé concernant le père du petit garçon, qu'il ne « sent pas » à l'entretien (réflexe de remise en cause du fonctionnement familial, justifié probablement par le caractère du père, très probablement hyperactif lui-même si l'on considère l'histoire familiale). Une première tentative de bilan est tentée en fin de Moyenne Section, mais l'agitation et les problèmes de concentration de l'enfant ne lui permettent pas d'investir de façon satisfaisante la situation de test. L'année suivante, il est à nouveau fait appel au Réseau et le bilan peut être mené à son terme, mettant en évidence des compétences dans la zone moyen faible. Devant l'inadaptation scolaire du petit garçon, une consultation pédopsychiatrique est conseillée à la famille. Les parents décident alors de changer l'enfant d'école et de l'inscrire dans un établissement privé. Mais au CE2, le jeune garçon revient à nouveau dans son école de rattachement. Les problèmes de comportement sont massifs, et surtout, l'enfant présente des difficultés de lecture très importantes. Un nouveau bilan est réalisé. Le niveau en mathématiques est satisfaisant, mais celui en lecture est très insuffisant. Des problèmes de repérage dans l'espace sont également perceptibles, et des bilans orthophonique et orthoptique sont conseillés, ainsi qu'une consultation au Centre Médico-Psychologique. Les questionnaires de Conners, renseignés par la famille et l'enseignante, obtiennent des résultats très significatifs concernant l'hyperactivité et les troubles des apprentissages. Un suivi orthophonique est mis en place, et un diagnostic de dyslexie est posé. Le jeune garçon progresse lors de ce suivi et le CM1 se passe sans difficulté excessive. Au CM2, le comportement de l'enfant est tel qu'une observation en classe de la psychologue est demandée par l'enseignante, afin de mieux expliquer aux parents le comportement de leur enfant. Une équipe éducative en présence de l'Inspecteur de l'école, du médecin et du psychologue scolaires est organisée, afin d'évoquer les problèmes comportementaux et les soins mis en place. A l'issue de cette réunion, un rendez-vous est pris avec un pédopsychiatre et un traitement est prescrit (Ritaline). S. termine son CM2 à l'école, puis va en 6ème. Croisée dans un supermarché un an après, la mère m'expliquera que l'enfant a quitté son établissement et intégré un collège public dans lequel il a été accueilli en tant que pensionnaire. Le traitement a été arrêté car l'enfant ne le supportait pas bien.

Ce troisième cas a été choisi pour illustrer la comorbidité fréquente du TDA/H avec d'autres troubles des apprentissages (dyslexie, dysphasie, dyspraxie...). Il montre également le nomadisme scolaire dont ces enfants sont souvent victimes : les parents supposent que l'école rejette leur enfant et souhaitent essayer un autre établissement, dans l'espoir qu'il ne soit plus «stigmatisé ».

Ces trois cas regroupent les différentes caractéristiques de la scolarité des enfants hyperactifs : des troubles précoces, chroniques, importants dans ces trois situations particulièrement aigües. On note également une fréquence élevée de parents eux-mêmes victimes du trouble, et des risques accrus de problèmes de communication avec les personnels des écoles, les instances sociales et médicales, allant jusqu'au retrait de l'enfant de la famille dans certaines situations compliquées. On retrouve la présence de troubles associés, et une scolarité souvent chaotique. Les souffrances de ces enfants et de leur entourage, parents, enseignants et camarades de classe, sont, en filigrane, omniprésentes.

2. Une recherche préliminaire en classe relais

Accueillie pendant six mois en classe relais dans le cadre du master dans le but d'étudier les processus de décrochage scolaire précoce, il m'a été possible d'approcher une dizaine d'élèves orientés dans cette structure. L'hypothèse orientant cette recherche était que ces élèves avaient été repérés et suivis par le RASED durant leurs classes primaires, et qu'ils souffraient de troubles des apprentissages anciens et sévères. La part d'entre eux victimes de TDA/H me paraissait importante à déterminer.

2.1. Méthodologie

La recherche, de type mixte (Bonneville, Lagacé, & Grosjean, 2006, Savoie Zajc & Karsenti, 2004) se composait d'un volet quantitatif. Le dispositif mis en place afin de vérifier notre hypothèse d'une plus grande proportion d'enfants hyperactifs, avec ou sans troubles des apprentissages associés, dans la population des élèves accueillis en Classe Relais consistait à proposer aux élèves, à leur entrée dans la Classe Relais, des épreuves étalonnées de lecture et d'orthographe (ROC, Cogni-Sciences, 2009), et l'auto-questionnaire (cf. annexe 5) basé sur les travaux de Dupaul (cité par Barkley, op.cit.) visant à dépister le TDA/H. Les épreuves étaient proposées en deux séances, lors d'entretiens destinés à établir un contact, ainsi qu'à obtenir des informations sur la scolarité antérieure des élèves, et notamment les suivis éventuels (orthophonie, RASED, psychologues, psychiatres, CMP...) dont ils auraient pu bénéficier. Ces résultats ont été interprétés en fonction de l'étalonnage du ROC. Concernant l'auto-questionnaire, un groupe témoin, constitué de cinq autres classes du même collège, a été invité à remplir le questionnaire, complétant de cette façon le dispositif expérimental.

Pour des raisons déontologiques, et afin de ne pas interférer avec le fonctionnement de la classe relais (en ayant besoin de demander une autorisation particulière aux parents par exemple), le choix a été fait de ne pas utiliser d'outil réservé aux psychologues. Ce choix s'est révélé judicieux, car l'équipe a décidé, pour les années précédentes, de reconduire l'évaluation en lecture et en orthographe, et de faire également passer un test étalonné en mathématique, ce que nous n'avons pas fait afin de ne pas trop alourdir le dispositif.

Le deuxième volet de la recherche était d'ordre qualitatif. Suivant une démarche inductive rendue possible par l'immersion autorisée par la longueur du stage (une demi-journée par semaine pendant six mois), ce deuxième aspect de la recherche était essentiellement basé sur l'observation, afin de recueillir des informations sur l'organisation de l'enseignement choisie pour s'adapter aux difficultés particulières des jeunes. De nombreux entretiens informels avec les différents membres de l'équipe pédagogique (l'enseignant coordonnateur et deux assistantes d'éducation) ont complété le dispositif de recueil des données.

2.2. Recueil et traitement des données

Les épreuves d'orthographe et de lecture ont permis de comparer les résultats obtenus par les jeunes en classe relais avec la moyenne de ceux obtenus par les jeunes du même âge. Cette comparaison a été rendue possible du fait de l'étalonnage du ROC du CM2 à la 5ème. Pour comparer les résultats des plus grands, une extrapolation statistique a été réalisée (cf. annexe 8).

Les résultats des élèves de la Classe Relais à l'auto-questionnaire en lien avec le TDA/H ont été comparés avec ceux obtenus par les autres élèves du collège (élèves de 5 classes, 2 classes de chaque niveau, sauf en 5ème où une seule classe est représentée, pour des raisons indépendantes de notre volonté). Les notes obtenues à chacune des 15 questions ont été sommées pour obtenir une moyenne, qui a été utilisée ensuite pour la comparaison (cf. annexe 9).

Le recueil des données concernant les suivis RASED et/ou orthophonique a permis de déterminer que la plupart des élèves avaient bénéficié d'aide par un (ou plusieurs) enseignants spécialisés durant leur scolarité primaire. Le calcul des prises en charge RASED du groupe témoin est une estimation obtenue en croisant des informations de plusieurs sources différentes : le rapport RASED présenté au sénat en 2013 qui évalue à 500 000 élèves pris en charge par les RASED en 2010/2011, et qui précise qu'environ 25 % des prises en charge concernent des CP, classes où elles sont majoritaires, et les plus significatives de difficultés scolaires. En 2011/2012, le nombre d'élèves scolarisés au CP étant d'environ 700 000 (DEPP, 2011), on peut estimer le pourcentage d'enfants de CP pris en charge à 18 % (125 000 prises en charge pour 700 000 élèves). En croisant avec les observations et compte rendus d'activité des personnels RASED du département, nous avons retenu le chiffre approximatif de 20 %. Les résultats du volet quantitatif de la recherche sont consignés dans la figure 4.

2.3. Analyse des résultats

Les histogrammes de la figure 4 confirment clairement les difficultés scolaires et comportementales des élèves accueillis en classe relais : si les résultats en lecture ne sont pas trop décrochés de la moyenne (deux des élèves de la classe relais sont de très bons lecteurs et font écran par rapport aux scores des autres jeunes), les difficultés orthographiques sont importantes pour presque tous les élèves.

Les difficultés de concentration et l'hyperactivité apparaissent nettement au travers des réponses à l'auto-questionnaire, et confirment les observations du terrain : des élèves très réactifs, impulsifs, ayant du mal à tenir assis et à écouter un cours en silence. Les problèmes d'attention sont donc au premier plan.

Figure 4: Comparaison entre élèves de la classe relais et les populations d'étalonnage.

Une matrice de corrélations entre les questions a permis de déterminer, par ailleurs, un lien élevé entre une des questions et le résultat final : « Ne pas interrompre les autres et ne pas les gêner dans leurs activités » est noté comme le comportement le plus compliqué pour les élèves les plus hyperactifs. Ce résultat, confronté aux données qualitatives, semble indiquer que ces jeunes ont conscience qu'ils dérangent les autres, et laisse présager les difficultés relationnelles et les réactions négatives qu'ils rencontrent au quotidien.

Certains jeunes, au contraire, qui présentent une histoire scolaire compliquée, ont répondu la note maximale (10, signifiant qu'il était très facile pour eux de ne pas déranger les autres). Pour ces élèves dont les résultats à l'auto-questionnaire sont aberrants compte tenu des annotations des enseignants ou de leur histoire scolaire (par exemple, 8 à « N'interrompt pas les autres et ne les gêne pas dans ses activités » alors que l'enfant a du changer d'établissement pour des problèmes de comportement, ou 10 à « a ses affaires pour travailler » alors qu'il est mentionné dans les bulletins que l'élève les oublie constamment, etc. ), les limites de l'auto-questionnaire sont atteintes. Compte tenu de ces éléments, les résultats à l'auto-questionnaire minorent très certainement le TDA/H, au moins pour certains élèves de la Classe Relais.

Un autre point surprenant mérite d'être souligné : la classe dans laquelle le plus d'enfants hyperactifs sont regroupés parmi les élèves des classes ordinaires est une classe européenne, très agréable car particulièrement vivante et réactive. L'association relativement fréquente entre hyperactivité et précocité (Revol et al., op. cit.) est peut être, également, un facteur explicatif de cette concentration surprenante d'hyperactifs dans la classe européenne. Cette information oriente sur l'hypothèse d'un TDA/H qui jouerait un rôle de catalyseur, optimisant la réactivité des élèves performants, et aggravant celle des élèves en difficulté. L'hypersensibilité notée plus haut est probablement à l'origine du fort rejet de l'école par les élèves hyperactifs en difficulté scolaire, les contrariétés accumulées du fait de la médiocrité de leurs résultats étant ressenties comme insupportables.

La part du milieu familial dans le parcours des jeunes vers la Classe Relais a été abordée de façon qualitative. Les facteurs familiaux jouent certainement un rôle majeur dans l'histoire de ces élèves. Pour la plupart, on note des signes de fragilité familiale : parents divorcés, malades, père décédé, immigration, adoption... Le problème des habiletés parentales est également sous-jacent, au travers notamment de la dureté des punitions dont ces jeunes peuvent être victimes face à leurs exactions.

L'absence de dépistage des troubles est nette : aucun élève n'a connaissance du TDA/H, aucun membre de l'équipe pédagogique de la Classe Relais non plus. Par contre, la plupart de ces enfants ont bénéficié de consultations et de suivis pédopsychiatriques ou psychologiques, et aucun diagnostic ni questionnement au sujet d'un éventuel TDA/H n'est apparu au cours des entretiens avec les élèves, ni dans les dossiers les concernant. Cet absence de dépistage laisse parents, enfants, et enseignants démunis, sans explication pertinente ni corpus théorique et pratique d'attitudes et adaptations possibles face aux problématiques de ces jeunes.

2.4. Conclusions

Les résultats de cette étude permettent de constater que l'hyperactivité suffit rarement, à elle seule, à provoquer le décrochage scolaire précoce : seule une élève accueillie dans le dispositif présente une hyperactivité sans difficulté scolaire. Ils montrent que la plupart des élèves accueillis dans le dispositif sont hyperactifs, et présentent des troubles des apprentissages associés. Leur impatience et leur sensibilité aggravent ces difficultés qui deviennent insupportables, augmentent leur réactivité, et finissent par les mettre en opposition avec ce milieu scolaire dans lequel ils sont en échec. L'observation de leurs comportements durant le stage permet également de conclure à la présence d'un trouble oppositionnel (cf. annexe 10) pour la plupart d'entre eux. C'est le cas notamment de la jeune fille hyperactive citée plus haut. Les élèves présentant un tel profil constituent la population la plus à risque de décrochage scolaire précoce.

Ces résultats sont en complète cohérence avec le rapport INSERM de 2005 sur le trouble des conduites :

« Un trouble déficit de l'attention/hyperactivité ou un trouble oppositionnel avec provocation est souvent associé de façon comorbide au trouble des conduites... Le trouble des conduites peut également être associé à d'autres types de troubles mentaux : trouble anxieux, trouble de l'humeur, trouble lié à la consommation abusive de substances psycho-actives ou encore trouble des apprentissages ».

(INSERM, op. cit. p.1).

Seul un élève de la classe, a priori, est touché par un problème de toxicomanie. Par contre, la plupart d'entre eux sont victimes d'une surconsommation de jeux vidéos (jusqu'à 50 heures par semaine pour un des jeunes.

Les données qualitatives mettent en évidence comment l'enseignement dispensé en classe relais est empiriquement adapté à ces élèves en double ou triple difficultés : une adaptation à leur niveau scolaire afin d'éviter les déconvenues, un encadrement plus personnalisé (consignes strictes et claires, règles de vie régulièrement réaffirmées, explications et mobilisation des adultes aussitôt que nécessaire...), une concentration des temps scolaires les plus « statiques » le matin, des activités physiques, actives et variées l'après-midi (sport, sorties, jeux de société, ateliers cuisine, bricolage, projets divers...), et un rythme soutenu qui correspond à leur impatience constitutionnelle. L'appel à leurs capacités attentionnelles est adapté à leurs compétences dans ce domaine : limité.

Notons enfin que la plupart de ces élèves ont été suivis par le RASED durant leur scolarité primaire. Ces suivis n'ont pas résolu les problèmes, comme le prouvent leurs parcours. Néanmoins, ils leur ont permis de se maintenir dans les classes ordinaires, et, bon an mal an, de continuer à progresser. L'absence d'enseignants spécialisés au collège ne permet pas cette adaptation. Cette absence explique en grande partie les décrochages précoces, et justifie la création des Classe Relais, coordonnées par...des enseignants spécialisés du premier degré. Cette observation met en valeur les mérites des personnels RASED, mais aussi celui des enseignants du premier degré, qui gèrent ces élèves au quotidien. Un des dossiers des élèves met en évidence, à ce sujet, l'arrêt maladie d'une de ses enseignantes, faute de pouvoir continuer à gérer sa classe. Ces efforts méconnus ont un coût supporté par les enseignants en termes de stress et d'épuisement professionnel, que les psychologues scolaires sont bien placés pour repérer.

3. Nouvelle problématique de recherche

La revue de littérature nous a permis d'approfondir le concept d'attention, de mettre en évidence son lien avec les apprentissages, ainsi que les rapports étroits entre cette faculté, la motivation, et la réussite scolaire. Nous avons aussi exploré les problèmes attentionnels, et complété nos connaissances concernant le trouble du déficit de l'attention/hyperactivité, ainsi que ses répercussions sur la scolarité des enfants concernés. En s'appuyant sur notre expérience de terrain, nous avons exposé plusieurs cas d'enfants hyperactifs à l'école primaire puis, lors d'une recherche menée sur un lieu de stage choisi ad hoc, montré à quelles extrémités certains de ces élèves se trouvaient réduits au collège. Notre problématique de recherche s'oriente à présent sur la scolarisation des enfants souffrant de TDA/H à l'école primaire. Ces élèves, qui ne parviennent pas à s'adapter au collège, ont pour la plupart suivi une scolarité ordinaire au sein de leurs classes respectives. Quelles modalités leurs enseignants ont-ils mis en place pour favoriser leur adaptation ? Comment sont-ils parvenus à canaliser leur attention ? Quelles pratiques pédagogiques sont les plus efficaces ? Comment les enseignants des classes primaires, qui gèrent ces enfants toute une année scolaire (voire plusieurs), parviennent à faire classe à tous leurs élèves avec de tels enfants ? Quelles sont les répercussions sur la classe des comportements de ces enfants qualifiés par les enseignants du collège d'ingérables ? Ces questions vont guider notre nouvelle problématique de recherche qui s'oriente vers une étude des pratiques enseignantes.

Ce travail s'organise en suivant les principes de la recherche qualitative. Le recueil de données a été réalisé selon différentes modalités, mais toujours dans le respect de la complexité de la tâche des enseignants, et dans la double optique de ne pas les gêner dans leur travail ni occasionner de charge supplémentaire -(Bru, 2002). Les enseignantes qui ont bien voulu participer à cette étude sont volontaires, informées de son caractère exploratoire, dans une double dynamique déductive et inductive : les observations et données de terrain sont interrogées et passées au crible d'outils et de connaissances issues de la recherche théorique, permettant une élaboration progressive d'hypothèses validées ou non par leur expérience. C'est ainsi que nous partons de leurs pratiques et problématiques professionnelles, mais que celles-ci peuvent évoluer au fur et à mesure du déroulement de la recherche, et cette évolution aboutir à de nouvelles pistes de réflexion. La recherche entre ainsi dans le cadre défini par Dolbec et Clément (op. cit. p. 181) et revêt « ... la nature cyclique et tridimensionnelle (recherche, action et formation) de la recherche action qui s'apparente à un processus de résolution de problèmes."

3.1. Terrain et population cible

Suite à notre stage en classe relais, nous avons pu confirmer notre hypothèse concernant les risques accrus de décrochage des enfants atteints de TDA/H. Il s'agit maintenant d'étudier leur scolarité antérieure, en école primaire. Les trois classes ont été choisies en fonction de leur proximité et de la facilité que cela comportait pour se rencontrer, des relations privilégiées entretenues avec les enseignantes et de leur intérêt pour la problématique étudiée, mais aussi du niveau considéré, puisqu'il nous paraissait intéressant d'appréhender la gestion de la classe en maternelle, au cours élémentaire, et au cours moyen. Dans chaque classe était scolarisé au moins un enfant présumé hyperactif, hypothèse validée par le questionnaire de Conners renseigné par les enseignantes et par un bilan psychologique pour deux d'entre eux, ainsi que par l'observation du comportement de ces enfants en classe.

Le temps consacré à chaque classe a été variable, en fonction de la nature du travail réalisé avec chaque enseignante, de ses demandes et de ses disponibilités, ou de la vie de la classe (sorties scolaires par exemple). Les enseignantes ont participé volontiers, appréciant de pouvoir parler en confiance de leurs pratiques pédagogiques, sensibles à l'intérêt qui était accordé à celles-ci, ouvertes à l'échange et dans l'enthousiasme de pouvoir découvrir de nouveaux cadres d'analyse de leurs pratiques.

3.2. Mode de recueil et de traitement des données

L'entretien avec les enseignants a été le mode privilégié adopté pour recueillir les données. Ces entretiens ont eu lieu dans leurs classes, sur un mode non directif, privilégiant le plaisir de l'échange et orienté sur leurs préoccupations spontanées. Les thèmes abordés ont été précisés et répertoriés par la suite, en utilisant les notes consignées au fur et à mesure dans un journal de bord.

Un questionnaire concernant les pratiques de chaque enseignant en lien avec l'autodétermination (Massy et al, annexe 11), réalisé en 2014 par notre groupe de travail dans le cadre de l'UE 9, a été proposé. Ce questionnaire est composé de questions fermées, dont les réponses sont consignées sur une échelle de Likert (jamais, parfois, souvent, toujours). Les questions concernent les quatre composantes de l'autodétermination : l'autonomie (7 questions), l'autorégulation (10 questions), l'autoréalisation (5 questions), et la responsabilisation (14 questions). L'annexe 12 détaille davantage les informations recueillies par chaque question. Les réponses à ces questionnaires ont été analysées en elles-mêmes, compte tenu des informations recueillies sur les pratiques de chaque enseignante. Elles ont aussi été interprétées en référence aux résultats obtenus dans le cadre de l'UE9 (passation auprès de huit enseignants d'école élémentaire ayant donné lieu à une analyse approfondie). Les différences entre chaque enseignante ont également pu donner quelques informations supplémentaires à l'occasion de l'analyse des résultats.

Des enregistrements vidéo ont été réalisés dans chaque classe, au début du travail, afin de faciliter l'observation des pratiques enseignantes et des attitudes des élèves et de déterminer les critères pertinents. Ces enregistrements se sont révélés difficiles à mettre en oeuvre. La nécessité de ne pas déranger, notamment, en privilégiant une installation rapide et discrète et en évitant tout déplacement dans la classe, a pu occasionner des déconvenues (appareils mal mis en route, problèmes de cadrage...). Le projet initial avait l'ambition d'enregistrer l'enseignante et tous les élèves. Il s'est révélé irréalisable compte tenu des difficultés techniques. Finalement, nous avons privilégié un enregistrement de l'enseignante et d'un groupe d'élève, choisi selon la qualité de l'enregistrement réalisé. Si le comportement des enfants hyperactifs ciblés a été observé dans tous les cas, dans un des enregistrements, malencontreusement, l'enfant ne figure pas dans le groupe filmé.

Pour les trois classes, nous avons fait le choix d'enregistrer des séances de travail en groupe classe, donc des séquences d'enseignement magistrales, de façon à avoir des situations d'observation homogènes, et à cadrer notre champ d'étude de façon réaliste.

Les enregistrements ont été soumis à l'autorisation des parents. Un engagement a été pris auprès des parents et des enseignantes de ne pas les diffuser.

L'élaboration de la grille d'analyse a été progressive, mettant peu à peu en évidence la richesse des informations recueillies. Pour chaque type d'activité observée (lecture d'album, étude de son, lecture collective, comptines et jeux de doigts, etc.), l'observation portait sur le comportement de l'enseignante, et le comportement des élèves. Deux critères principaux ont été définis : V (pour manifestation verbale), et M (manifestation motrice). Le signe plus ou moins a été affecté : + = manifestations dans le cadre de l'activité proposée. - = manifestations hors du cadre, paroles ou mouvements gênants, bruyants, etc. de la part des élèves comme de celle de l'enseignante (en général manifestations pour maintenir l'ordre ou reprendre un élève, dérangement tel que téléphone ou autre). Les interactions ont été particulièrement étudiées, entre l'enseignant et le groupe, l'enseignant et un élève en particulier. Les critères Coll. pour collectif lorsque l'enseignant s'adresse au groupe, et Indiv., pour individuel lorsqu'il s'adresse à un élève, ont été différenciés. Par ailleurs, il nous a paru important de repérer les interventions de l'enseignant qui donnaient la parole et interpellaient les enfants. Le signe choisi a été le signe >. C'est ainsi que le signe V+> veut dire que l'enseignante pose une question, au groupe classe si le signe est dans la ligne « Maître Coll.», à un élève en particulier si le signe est dans la ligne « Maître Indiv.».

Chacune des trois vidéos a été analysée par tranches de 30 secondes sur une période de 20 minutes. Le démarrage a été fixé à peu près au début de l'activité pour chacune d'elle.

Chaque classe comportait au moins un enfant hyperactif, dont les situations ont été approfondies. Deux des enfants ont bénéficié d'un bilan dans le cadre de mon activité de psychologue scolaire, pour l'un deux ans auparavant, et pour l'autre en cours d'année. Un bilan cognitif, comprenant trois à quatre séances individuelles avec les enfants, et un entretien avec les parents, a permis de mieux cerner les points forts et les points faibles des élèves, et d'avoir un aperçu de la problématique psychologique de ces enfants. Pour le troisième, arrivé l'année précédente dans l'école, aucun bilan n'a été réalisé. Il ne semble pas que cet enfant ait bénéficié d'un suivi par les membres du RASED dans son école antérieure, mais il a été présenté dès l'inscription par ses parents comme un enfant agité demandant beaucoup d'attention de la part de ses enseignants, ce qui a été confirmé par la suite. Le questionnaire de Conners pour les enseignants évoqué plus haut (cf. annexe 4) a été renseigné par leurs maîtresses pour chacun des enfants.

Nous présenterons dans un premier temps la situation de départ, puis le journal de bord du travail mené avec chaque enseignante (augmenté de schémas réalisés avant, pendant, ou après les entretiens), ainsi que les conclusions provisoires du travail.

Dans un second temps, les informations recueillies lors des différentes étapes de l'action seront indexées pour déterminer les thèmes récurrents. Celles en lien avec les objectifs de la recherche et les questions qui y sont afférentes seront conservées, puis organisées afin de dégager une vue d'ensemble des phénomènes observés, et de proposer un modèle général relatif à l'attention de tous les élèves, la scolarisation des élèves hyperactifs, ses conséquences sur la gestion de classe, et les stratégies éducatives les plus à même de faciliter l'apprentissage de ces élèves tout en maintenant un climat de classe favorable pour tous.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon