Favoriser l'attention des élèves. Le cas particulier des enfants hyperactifs( Télécharger le fichier original )par Danièle Ruaud-Gillette Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand - Master Scolarisation et Besoins Educatifs Particuliers 2015 |
Première partie : La problématique de recherche et le contexte théorique
L'attention est un sujet de recherche étudié de longue date, en premier lieu par les philosophes (Saint Augustin notamment, dès le premier siècle de notre ère), puis par les psychologues. Le père de la psychologie américaine William James en 1890 la définit par un double mouvement de focalisation et de sélection : « L'attention est la prise de possession par l'esprit, sous une forme claire et vive, d'un objet ou d'une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles [...] Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres » (Chap. 11, pp. 403-404). Le terme de « prise de possession par l'esprit » introduit à la fois la notion de contrôle (« prise de possession »), et situe l'attention dans la sphère cognitive (« esprit »). La définition souligne également la double dimension d'intensité (attention soutenue) et de sélectivité (attention sélective). Van Zomeren et Brouwer (1994) complèteront cette différenciation en décrivant trois états d'intensité de l'attention : l'état d'alerte (état global et diffus de l'attention), celui de vigilance (attente d'un signal avertisseur qui doit servir de déclencheur à un comportement), et l'attention soutenue, appelée également concentration. Concernant la sélectivité, ils dissocient l'attention sélective et l'attention divisée. En 1977, Schneider et Shiffrin mettent en évidence l'existence d'une forme d'attention qui échappe au contrôle conscient et s'oppose aux processus contrôlés étudiés par William James : les processus automatiques, autonomes et irrépressibles et ne nécessitant pas de ressources attentionnelles, contrairement aux précédents. Les recherches de Posner et Rothbart (1998, 2000) confirment l'existence d'un processus attentionnel qui ne relève pas d'un effort délibéré. Cette forme d'attention, qu'ils qualifient d'exogène, passive, automatique et dirigée par les événements, est opposée à l'attention endogène, qui est active, volontaire, et dirigée par le sujet. Ces deux théories orientent sur la nécessité d'un effort d'inhibition de l'attention exogène nécessaire pour « faire attention ». Cette différenciation a été associée à celle caractérisant les deux démarches « bottom up » et « top-down » appliquées actuellement au fonctionnement du système nerveux (Lechevalier, Eustache & Viader, 2010). L'effort d'inhibition peut également affecter l'attention endogène lors du changement de focale de l'attention, dans une démarche de flexibilité mentale indispensable à toute opération intellectuelle un peu complexe. Les ressources attentionnelles de l'attention endogène sont limitées : l'attention peut être partagée (attention divisée), mais aux dépens de la qualité de traitement des informations, à moins que certaines tâches ne soient automatisées (la conduite automobile notamment), permettant au sujet de réaliser en même temps plusieurs tâches tout en réservant ses ressources attentionnelles au contrôle de celle qui n'est pas automatisée.
Les facultés attentionnelles sont dépendantes de l'âge du sujet, et varient selon les individus. Posner et Rothbart (op. cités) ont découvert qu'elles se construisent précocement lors des interactions, notamment conflictuelles, qui surviennent avec l'entourage. Composantes du fonctionnement cognitif d'un sujet, elles s'avèrent donc également liées à la sphère émotionnelle. Jumel (2014), reprend les travaux de Luria (1973) et de Vigotsky (1985) qui portent sur le développement de l'attention, processus qui part, chez le nouveau-né, de réponses involontaires et non sélectives (l'attention exogène), pour arriver à une activité volontaire (l'attention endogène). Il cite Luria (1973, p. 263) : « La formation de l'attention volontaire a une longue et dramatique histoire, et l'enfant n'acquiert une attention efficiente et stable, organisée socialement que très peu avant de commencer l'école (les apprentissages de l'école primaire) ». Vygotsky et Luria observent que l'attention se développe dans l'interaction de l'enfant avec sa mère (l'adulte qui prend soin de lui), et notamment dans les interactions langagières, qui parviennent progressivement à remplacer l'attention non volontaire que l'enfant porte à ce qui l'entoure. C'est donc au cours de l'acquisition du langage, dans un contexte d'attention conjointe (Bruner, cité par Jumel) que se construit l'attention pour ces auteurs. Parallèlement à l'apprentissage du langage, le langage intérieur se met en place. Les auteurs y voient le préalable au développement de l'attention volontaire, endogène et sélective, associée à la faculté d'inhiber l'attention exogène. La place du langage est primordiale, même si certains auteurs insistent davantage sur l'interaction, verbale ou non verbale, avec l'entourage : « Les adultes orientent l'attention d'un jeune enfant vers des objets et des événements de l'environnement par le geste, la médiation verbale et les interactions réciproques » (Korkman, Kirk, & Kemp, 2003, p.13).
En tant que facteur de l'efficience cognitive en lien avec le fonctionnement cérébral, les connaissances concernant l'attention bénéficient de l'essor dû au développement des nouvelles technologies d'investigation (Imagerie par Résonance Magnétique) et de traitement de l'information. Le sujet, impliquant les structures cérébrales et le fonctionnement chimique des structures neuronales, s'est progressivement médicalisé : « Les avancées techniques dans le domaine des neurosciences ont fourni de nombreuses données quant aux fondements neurobiologiques des processus attentionnels. Vers la fin des années 80 et le début des années 90, des études ont montré que des régions et des réseaux cérébraux distincts étaient impliqués dans les différentes formes d'attention. Posner et Peterson (1990), par exemple, ont découvert, sur la base d'études de lésion ou d'imagerie fonctionnelle, que l'on pouvait identifier au moins trois systèmes attentionnels à l'intérieur du cerveau, pouvant être caractérisés comme étant de l'attention sélective, de l'attention soutenue et de l'attention spatiale ». (Manly, Robertson, Anderson, & Nimmo-Smith, 2006, p.5). L'attention est une composante des fonctions cognitives multiforme. Le TEA-Ch, Test d'Evaluation de l'Attention Chez l'enfant, propose des épreuves réparties selon quatre catégories : l'attention sélective, l'attention soutenue, le contrôle attentionnel et la flexibilité, et l'attention divisée. Korkman et al.(op.cit.) auteurs de la NEPSY, test d'évaluation du développement neuropsychologique de l'enfant, notent la difficulté que pose la distinction entre les différentes composantes de l'attention. Ils précisent que les chercheurs les définissent de façon diverse, et retiennent les facteurs suivants : « la régulation de l'éveil et de la vigilance, l'attention sélective, l'attention soutenue, l'empan de l'attention ou l'attention partagée, l'inhibition et le contrôle du comportement (Barkley, 1988 ; Coolez et Morris, 1990 ; Douglas, 1984 ; Mirsky, 1989) ». (Ibid., p.13). L'attention sélective, l'attention soutenue et l'attention divisée sont communes aux deux répartitions, ainsi que le contrôle, affecté dans l'une d'entre elle à l'attention, et au comportement dans la seconde. La vigilance, la flexibilité et l'inhibition sont également des composantes de l'attention. L'attention est au coeur du fonctionnement cognitif: Luria (Kaufman & Kaufman, 2008, p.14), dans sa théorie des fonctions et systèmes cérébraux, répartit les fonctions cognitives en trois « blocs » (cf. figure 1). Figure 1: Les trois blocs du modèle neuropsychologique de Luria. Le maintien de l'attention, la vigilance, constituent un des blocs, ce qui témoigne de leur importance : « les fonctions de vigilance du Bloc 1 sont la clé de la réussite à tout test cognitif » (ibid., p. 15). Dans le bloc 2 sont placées les fonctions d'analyse et de codage des informations sensorielles, dont la mémorisation. Nous verrons, à travers les travaux de La Garanderie, les liens étroits qui unissent, par le biais des « évocations », le « geste d'attention », les informations sensorielles, et la mémorisation. Le bloc 3, Planification et organisation des conduites, est en lien avec le développement du cortex préfrontal. Il regroupe les fonctions exécutives, terme défini par Brown et Deloache en 1978 (Korkman et al., op.cit., p. 13) : « Les composantes des fonctions exécutives interagissent et dirigent les processus attentionnels par le maintien d'un niveau optimal d'éveil et de vigilance et par la recherche et la sélection d'informations pertinentes parmi l'ensemble des stimuli » (ibid.). Les fonctions de l'attention sont donc très impliquées dans ce troisième système cérébral, en lien avec les fonctions cognitives, et le comportement. Parmi les composantes des fonctions exécutives, la mémoire de travail « capacité à maintenir consciente l'information pertinente pendant la tâche en cours (Godman-Rakic, 1992) et à manipuler mentalement cette information, comme cela est nécessaire pour répéter des séquences de chiffres à l'envers, par exemple », a un rôle majeur. Les liens entre la mémoire de travail et l'attention sont étroits : la première est la condition instrumentale de la seconde. Améliorer la mémoire de travail est une problématique importante. Liée au développement du langage, les orthophonistes s'emploient à cette tâche, mais les résultats des rééducations sont souvent décevants. De façon surprenante, certaines recherches récentes (Alloway & Alloway, 2015) ont mis en évidence un lien entre les activités motrices et le développement de la mémoire de travail, ce qui ouvre sur de nouveaux horizons, et confirme la complexité du fonctionnement neuronal. La neuropsychologie offre des opportunités exceptionnelles pour mieux comprendre les apprentissages. De nombreux pédagogues commencent à utiliser les résultats de ces recherches, et à les intégrer à leurs pratiques.
Daniel Favre (2010) cite une étude des chercheurs Stark et al. mettant en évidence que le cerveau de l'homme et de nombreux mammifères fournit des « récompenses biologiques » (sécrétion de dopamine, qui génère du plaisir), lorsque le sujet a réussi à résoudre un problème, ou surmonter une difficulté. Il en conclut que « le cerveau est né pour apprendre ». A cet effet, il rapporte six grandes fonctions cognitives et affectives jouant un rôle clé dans l'apprentissage, en lien avec les lobes frontaux : la capacité de représentation, qui permet d'évoquer ce qui n'est pas présent, la flexibilité mentale, en lien avec la capacité à changer de système de représentation, la planification, capacité de se représenter l'avenir, la capacité d'initiative, en lien avec l'autodétermination, l'attention endurante, qui sélectionne les informations signifiantes, et la régulation émotionnelle, en lien avec la conscience et le contrôle des émotions. Il retient donc une forme combinée d'attention, à la fois sélective et soutenue, à la base des apprentissages. Eric Jensen (2001) a regroupé les informations concernant l'attention utiles à connaître pour un pédagogue. Il confirme que le système attentionnel concerne toutes les zones du cerveau, que les substances chimiques y jouent un rôle essentiel, et que les gènes sont également impliqués. Sur le plan fonctionnel, l'attention sert d'abord à assurer la survie, et ensuite, à prolonger les états agréables. Il précise par ailleurs que les contrastes, entre les mouvements, les sons, et les émotions (comme la peur par exemple), retiennent davantage l'attention, et qu'il importe donc, pour un enseignant, de provoquer un important contraste avec ce qu'il est en train de faire s'il veut obtenir l'attention de ses élèves. Il reprend la différence entre l'attention endogène et l'attention exogène, et l'applique à la situation d'apprentissage : « Nous demandons aux élèves d'être en mesure de reconnaître la bonne cible vers laquelle on oriente leur attention, en général « le professeur », de maintenir cette attention jusqu'à ce qu'ils aient reçu toute l'information et ce, même si l'exposé dure une heure. Pendant ce temps, nous leur demandons d'ignorer tous les stimuli (souvent plus intéressants) émanant de l'environnement. Cette demande est raisonnable, lorsque l'objet d'apprentissage est pertinent, engageant et choisi par l'apprenant. Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, il est statistiquement peu probable que nous puissions obtenir et conserver l'attention de toute la classe ». (Jensen, op. cit. p. 44) L'attention est dépendante du fonctionnement chimique du cerveau. Neurotransmetteurs, hormones, et peptides interviennent sur son fonctionnement. C'est ainsi que l'adrénaline et la noradrénaline la favorisent et que l'acétylcholine (neurotransmetteur associé à la somnolence) a un rôle inhibiteur. L'attention n'est pas stable dans la journée : elle est sujette aux rythmes circadiens, « l'un des cycles clé du cerveau qui dure environ de 90 à 110 minutes » (p.46), ce qui explique son fonctionnement en « montagnes russes » et plaide en faveur de pauses régulières. D'autres chercheurs ont observé la nécessité de pauses fréquentes dans le rythme des apprentissages. Tomatis, cité par Vianin (2009) préconise de faire des pauses d'environ 10 à 20 minutes toutes les 40 minutes (en variant les activités au cours de cette période) pour optimiser les apprentissages. Jensen confirme (p. 47) : « En fait, une attention externe véritable ne peut être maintenue à un niveau élevé et constant que sur une brève période, généralement de dix minutes ou moins ». Ces pauses facilitent la compréhension, l'assimilation, et la mémorisation : « Pour être en mesure de la traiter [l'information] ou de comprendre ce dont il s'agit, un élève doit « se retirer en lui-même » et délaisser son attention externe » (p. 48). Sur le plan neurochimique, ces pauses permettraient de recycler le CREB, protéine impliquée dans la mémoire à long terme, ce qui explique qu'elles facilitent la mémorisation. L'auteur insiste également sur la nécessité de faire la sieste pour les plus jeunes, et sur l'importance pour les enseignants aussi, de disposer de temps personnel et de pauses de qualité entre les phases d'enseignement.
L'apprentissage, qui consiste à « acquérir par l'étude, par la pratique, par l'expérience une connaissance, un savoir-faire, quelque chose d'utile » (Larousse, 2015) est étroitement lié, via la mémorisation, à l'attention : « La mémorisation a lieu dans la foulée de l'attention ; elle permet la conservation des représentations mentales des données codées et, par conséquent, leur possible utilisation » (Chayer, 2001, p. VIII). Faire attention est donc la porte de l'apprentissage, et son ouverture conditionne celui-ci. Barhrick et Hall, cités par Jensen (op.cit.), ont montré l'importance jouée par le contexte dans la mémorisation, ce qui l'incite à conseiller de « graver l'apprentissage dans les émotions » (p. 119). Apprentissage, mémorisation, et attention, sont des démarches cognitives toutes trois étroitement liées à la sphère affective, donc au contexte qui leur est associé. Ce lien implique une double approche, neuropsychologique, mais aussi sociocognitive, qui justifie que l'on s'attarde sur les travaux des psychopédagogues sur la motivation en contexte scolaire. 2. Motiver pour capter l'attention
Les théories de la motivation sont nombreuses, plus d'une centaine d'après les travaux de Fabien Fenouillet (2012), ce qui nécessite de faire un choix. Il importe, notamment, de retenir celles qui concernent plus spécifiquement le contexte scolaire, en particulier les enfants d'âge primaire. Roland Viau (2009), propose un modèle prenant en compte quatre facteurs : les facteurs personnels, relatifs à la société, à l'école, et à la classe. La dynamique motivationnelle de l'élève est caractérisée par son engagement cognitif et sa persévérance face aux apprentissages. Il retient trois conditions déterminantes pour favoriser cette dynamique : qu'il perçoive la valeur de l'activité (l'intérêt), sa compétence pour la réaliser, et qu'il ait un sentiment de contrôler le déroulement de cette activité. Sans entrer dans les subtilités de la pensée de chaque auteur, ce modèle permet d'introduire et d'organiser en trois points principaux plusieurs courants importants des théories motivationnelles : L'intérêt est relatif aux goûts et aux besoins des élèves. C'est ainsi qu'on peut classer dans cette catégorie le besoin de jeu, « comportement spontané qui dure toute la vie ». L'auteur précise : « Nous tenons ce besoin inné de nos animaux familiers, le chat, le chien, et au zoo ou dans les documentaires, on peut constater l'importance du jeu chez les singes, qui n'arrêtent pas de se chamailler, de courir, et de découvrir les curiosités de la vie. Le jeu reste fondamental chez l'adulte et les jeux télé sont parmi les programmes les plus populaires, du foot aux jeux de connaissance ». (Lieury & Fenouillet, 2013 p.15) Nous retenons ce besoin de jeu comme un besoin essentiel, notamment pour des enfants. Le recours à l'humour, un climat de classe agréable, des activités sous forme de jeux, sont en lien avec le besoin de jeu. Le besoin de curiosité (ibid.) est également au premier plan : tout le monde connaît les questions incessantes que posent nombre de jeunes enfants à leurs parents. Ce besoin fondamental nous semble apparenté au besoin de nouveauté signalé également par de nombreux auteurs (Jensen, op.cit., Lieury & Fenouillet, op.cit.). Jensen observe à ce sujet (p. 66) : « Les rats, tout comme les humains, recherchent continuellement de nouvelles expériences et de nouveaux comportements, apparemment sans égard à la récompense ou à l'impulsion ». Ce besoin de nouveauté interfère avec un autre besoin, essentiel notamment pour les enfants, le besoin de sécurité. Jensen observe (p. 100) : « Trop de nouveauté crée de la détresse tandis que pas assez cause de l'ennui ». Les chercheurs soulignent également le besoin de sens des apprenants : trouver du sens, de la pertinence aux activités proposées est un besoin essentiel, y compris pour les enfants. Le sentiment de compétence est lié au besoin d'estime, mis en évidence par William James au XIXème siècle, et baptisé « estime de soi » par le psychosociologue. Bandura a développé une théorie associant le sentiment de compétence du sujet dans un domaine, et la motivation : une personne sera motivée dans la mesure où elle a le sentiment qu'elle pourra réussir dans la tâche. Il importe donc que celle-ci corresponde à ce qu'il a le sentiment de pouvoir réussir (Lieury et Fenouillet, op.cit.). Cette théorie se rapproche de la position de Vygotsky (1997), caractérisant la zone proximale de développement. On peut ainsi considérer que l'individu est davantage motivé par ce qu'il peut parvenir à faire (zone proximale de développement) que par ce qu'il sait faire (zone actuelle). Il est rebuté par ce qu'il pense ne pas pouvoir faire (zone distale). Ces théories sont fondamentales pour l'enseignant, puisqu'elles indiquent qu'il est important d'éviter de placer l'enfant dans des situations d'échec à répétition, donc qu'il faut adapter le niveau de l'enseignement à ce que peut faire l'élève. Elle indique également qu'il s'agit de dédramatiser l'erreur, afin que l'enfant accepte de se tromper sans remettre en cause systématiquement son sentiment d'efficacité personnelle. Les recherches de Gardner, universitaire psychologue cognitiviste (Gardner, 2008) concernant les intelligences multiples (figure 15) orientent sur la possibilité, pour le professeur, d'adapter son enseignement à la forme d'intelligence de ses élèves. En la reliant à sa fonction sociale, l'intelligence est vue comme un ensemble d'habiletés utiles pour la vie quotidienne, une capacité à rechercher et soulever des problèmes permettant d'acquérir de nouvelles connaissances, et une capacité à créer un produit ou un service valorisé par le groupe social. En replaçant la dimension sociale au centre de la conception de l'intelligence, il met en valeur des facettes importantes et souvent négligées par le système scolaire, davantage axé sur les domaines linguistiques et mathématiques. Il met l'accent et valorise des aspects importants de l'intelligence, utilisés dans la vie courante, qui permettent aux personnes de trouver leur place dans la société, et de contribuer à son fonctionnement. Ce faisant, il réduit le fossé entre la formation dispensée à l'école, restrictive, et la multiplicité des compétences sur lesquelles peuvent reposer la réussite sociale et professionnelle. Ces formes d'intelligence sont au nombre de sept (recherches de 1983) auxquelles il en ajoute une huitième en 1996 : linguistique, logico-mathématique, kinesthésique, spatiale, musicale, interpersonnelle, intra personnelle et naturaliste. De nombreux pédagogues (Armstrong, 1999, Campbell, 1999, Sirois et al., 2015) se sont, rapidement, inspirés de ces concepts, et les ont appliqués en classe : « réaliser des apprentissages en utilisant son intelligence dominante permet à chacun de prendre confiance en soi », « ...le profil de classe... n'est plus le même : tous les élèves sont désormais dans une dynamique de participation et de progression », « Après un temps consacré aux intelligences qu'il maîtrise le mieux, l'élève peut être amené à aborder l'exercice par le biais d'autres formes d'intelligences qui lui sont moins naturelles » (Sirois et al., op.cit. p.58-59). Le principe consiste à proposer des entrées dans les apprentissages basées sur les différentes formes d'intelligence : l'enseignant se procure du matériel support en lien avec chaque forme d'intelligence qu'il regroupe dans des « coins » de la classe dédiés à chacune, et présente les notions nouvelles en veillant à activer les différentes approches. En élargissant le spectre des activités proposées, il multiplie les possibilités de réussite des élèves, leur permet de prendre confiance en eux et de renforcer leur estime de soi. Le sentiment de contrôler le déroulement de l'activité est en lien avec le besoin d'autonomie, autre besoin fondamental mis en évidence par Abraham Maslow (1943), repris sous différentes formes dans les théories de la motivation, développé par Deci et Ryan (1985) dans leur théorie de l'autodétermination. Les résultats de ces chercheurs indiquent que le sentiment d'être contraint démotive : « ...le manque d'autodétermination et surtout la contrainte dégradent la motivation ». (Lieury & Fenouillet, op.cit., p. 102). C'est ainsi que les notes motivent les élèves lorsqu'elles sont informatives (favorisant la connaissance de soi), mais qu'elles démotivent lorsqu'elles sont à visée contrôlante. Ils opposent motivation intrinsèque et motivation extrinsèque et privilégient la première, qui implique que l'élève apprécie la tâche pour elle-même. A l'inverse, la motivation extrinsèque est hétéro déterminée : l'élève réalise la tâche pour ne pas se faire punir, pour faire plaisir, ou pour avoir de bonnes notes. Le continuum de l'autodétermination a été schématisé (figure 9) au cours du travail réalisé avec les enseignantes du primaire. Dans le cadre scolaire, Roland Viau (op.cit.) constate que peu d'élèves manifestent une motivation autodéterminée face aux apprentissages, et estime qu'il ne serait pas réaliste de demander aux enseignants d'avoir pour objectif de développer une telle motivation pour tous les élèves. Par contre, il retient de la théorie de Deci et Ryan l'intérêt de développer l'autorégulation des apprentissages pour les élèves, notamment de les laisser faire des choix et jouer un rôle dans le déroulement des activités. La théorie de l'autodétermination est basée sur les travaux de nombreux chercheurs (Deci & Ryan, op.cit.,Vallerand & Thill, 1993, Wehmeyer, 2004, Wolfensberger, 2002). Présentée par Laetitia Vande Vander dans le cadre de l'UE9, notre groupe de travail (Massy, Mayet-Noël, & Ruaud, 2014) a élaboré à partir de cette théorie un schéma en langage facile à lire (cf. figure 6), qui illustre bien les quatre composantes de la théorie : l'autonomie, l'autorégulation, l'autoréalisation, et l'empowerment, que nous avons traduit en français par « responsabilisation ». Un questionnaire à l'intention des enseignants afin de déterminer la part de l'autodétermination laissée à leurs élèves dans leurs pratiques avait également été réalisé (annexes 11 et 12), et proposé aux sept enseignants d'une même école, permettant un premier étalonnage. Ce questionnaire a été réutilisé dans le cadre de la présente étude. Murray et Maslow, repris ensuite par Deci & Ryan, ont dès le départ identifié le besoin d'affiliation (passer du temps avec d'autres individus) et les besoins relationnels (sentiment d'appartenance, besoin de reconnaissance) comme des besoins fondamentaux. En classe, ces besoins passent par la relation avec l'enseignant, et la relation avec les pairs. · Avec l'enseignant La qualité de la relation maître-élève est un aspect important du contexte scolaire. En 1968, Rosenthal et Jacobson ont identifié l'importance de l'effet Pygmalion, qui appelle à une représentation évolutive, optimiste, des compétences de chaque élève par les enseignants. Ce premier point concerne les représentations des performances des élèves de l'enseignant et leurs répercussions sur la qualité de leurs apprentissages. Sur un plan plus affectif, la qualité des relations est également importante, étudiée par de nombreux psychopédagogues et psychologues (Carré, 1998, Chemouny, 2011, Gordon, 2005, Rosenberg, 2006, etc.) afin d'aider les enseignants à établir des relations agréables et fonctionnelles avec les élèves et de concilier qualité des relations et autorité, en évitant les pièges de l'autoritarisme. · Avec les pairs Les relations avec les autres élèves présentent également deux volets, cognitifs et affectifs. Sur le plan cognitif, les chercheurs ont mis en évidence, à travers le conflit sociocognitif notamment (Darnon, Butera & Mugny, 2008), la richesse de l'échange et du travail de groupe dans les apprentissages. Le courant pédagogique axé sur la coopération est basé sur ce principe et en tire son efficacité. Sur le plan affectif, la qualité des relations établies par un élève avec ses camarades est un élément important de son bien être actuel. Il conditionne également son avenir par le biais de ses habiletés sociales. La qualité des relations établies avec l'enseignant, comme avec les pairs, permet d'établir un climat relationnel positif sécurisant. Les relations interpersonnelles sont à l'origine d'émotions qui favorisent les apprentissages, selon les conseils de Jenson (op.cit. p. 83) : « Pour qu'il y ait un bon apprentissage, il ne faut pas éviter les émotions, mais au contraire, il faut les susciter ». La revue de littérature permet d'isoler ces quatre composantes fondamentales (intérêt, compétence, contrôle, et relation) pour susciter l'attention des élèves en favorisant leur motivation. En activant ces composantes, il est possible de capter l'attention, d'inciter les élèves à « faire attention ».
Un certain nombre de courants pédagogiques utilisent, de façon plus ou moins empirique, à des degrés divers et le plus souvent de façon panachée, ces différents leviers : La pédagogie Freinet, classée dans les « pédagogies actives » est un courant qui privilégie l'expression personnelle des élèves, les projets, et le travail en groupe. Les supports motivationnels de l'auto-détermination sont donc mis en oeuvre : autonomie, autorégulation, autoréalisation et responsabilisation sont au premier plan. L'engagement émotionnel, au travers de l'expression libre, est fort. Parallèlement, le fonctionnement coopératif et l'étude du milieu local préconisés par Freinet répond aux besoins relationnels des élèves, facteur motivationnel supplémentaire. La multiplicité des supports pédagogiques, permettant à chacun de trouver son domaine de réussite, est susceptible, par ailleurs, d'alimenter l'estime de soi de chaque élève (d'après Peyronie, 1999). La Pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant, qui reprend de nombreux concepts de la pédagogie Freinet (dont les plans de travail, programmes d'activités sur trois semaines, que les élèves réalisent dans l'ordre qu'ils souhaitent), propose également davantage de possibilités de contrôle de son activité par l'élève. Par ailleurs, le système vicariant (organisant l'aide entre les élèves : chaque élève peut demander de l'aide à un autre élève, ou proposer la sienne) permet une double réponse aux besoins relationnels des élèves, mais aussi à ceux relatifs à l'estime de soi (prendre conscience, à travers l'aide apportée aux autres, de ses compétences) (d'après Huberman, 1988). La pédagogie Montessori, basée sur la manipulation, le travail autonome, l'épanouissement de chaque enfant, les stimulations sensorielles, et le retrait de l'adulte, applique également les concepts clefs de l'auto-détermination (d'après Lubienska de Lenval, 2001). De nombreux autres courants pédagogiques, dans la mouvance des pédagogies actives, pourraient être cités, appliquant tous à des degrés divers, les concepts de l'autodétermination, permettant à l'élève davantage d'expression et de liberté, et offrant plus d'occasions de développer ses habiletés sociales. Notons également qu'elles préconisent toutes une approche plus individuelle du cadre éducatif, ce qui est peut être inhérent au concept d'autodétermination, mais n'est que très peu souligné dans les travaux des théoriciens de la motivation présentés plus haut. Le problème des différences individuelles, inclinations ou compétences, est au premier plan pour de nombreux chercheurs et professionnels de l'enseignement, qui, au-delà du « vouloir » faire attention, se mobilisent sur le « pouvoir » faire attention » des élèves.
Premier des cinq gestes mentaux pédagogiques fondamentaux définis par La Garanderie (1982), le geste d'attention est celui « par lequel le message pédagogique est accueilli par l'élève » (p. 8), les quatre autres étant le geste de mémorisation, ceux de compréhension et de réflexion, et l'imagination créatrice. Le chercheur relie ensuite attention et perception, et constate « l'identification abusive : attention égale intérêt. [...] Nous connaissons des cas nombreux où, en dépit de l'intérêt manifeste, l'attention ne suit pas » (p. 23), car l'élève ne sait pas comment faire attention. Le pédagogue doit donc lui apprendre la structure du geste mental de l'attention : « faire exister mentalement, sous forme d'image, l'objet perçu » (p. 24). L'auteur précise ensuite la différence entre l'acte d'attention et celui de mémorisation, le premier se faisant en présence de l'objet perçu, et le second en son absence. Ce faisant, il pose d'emblée le lien entre l'attention et cette forme que l'on pourrait appeler de perception prolongée qu'est la mémoire immédiate, et il confirme également que le geste d'attention précède celui de mémorisation, qui ne peut avoir lieu sans attention. La compréhension intervient juste après l'attention : elle est décrite comme étant le « fruit d'un geste mental d'attention conduit à son terme et dont il ne faut sauter aucune étape » (p.36). Pour La Garanderie, l'enfant peut faire attention lorsqu'il en a le projet : « l'attention naît d'une structure de projet de sens en tant que direction (Je suis attentif à ...pour) et en tant que signification (J'évoque pour donner du sens à ce que je perçois) » (Pébrel, cité par Gagné, Noreau, & Ainsley, 2001, p. 16). Gagné illustre ses propos par la figure 2. Objet de perception Figure 2: Le geste d'attention (Gagné et al., op.cit. p. 16). Le geste d'attention est défini de la façon suivante : " Etre attentif, c'est transformer en évocations ce que l'on perçoit avec ses cinq sens. Savoir à l'avance que faire attention c'est précisément procéder à un travail mental de codage : voilà qui permet à l'apprenant d'orienter son activité mentale. Faire attention, c'est selon les cas : - voir pour re-voir dans sa tête, - entendre pour ré-entendre dans sa tête, - voir pour se raconter dans sa tête, - entendre pour s'illustrer mentalement ce qu'on entend ». (Chich, Jacquet-Montreuil, & Mériaux, 1991, p.65) L'évocation est ainsi au coeur du geste d'attention. Le double support, auditif et visuel, qui constitue une des bases de la gestion mentale est posé, ainsi que la différenciation entre les élèves, dont La Garanderie découvre qu'ils peuvent utiliser de préférence des images, ou des verbalisations. Ce faisant, La Garanderie souligne que la motivation est seconde pour beaucoup d'élèves, contrastant avec les positions des auteurs précédents : le « vouloir faire attention » passe après le « pouvoir » : « D'une façon générale, on constate que la non-motivation découle du sentiment d'incapacité. Combien de fois ai-je entendu des enfants, auxquels j'enseignais les évocations pour maîtriser l'orthographe d'usage, dire : "Ah! Si j'avais su que c'était ça ! ..." (La Garanderie, 1991, p.57). Les gestes mentaux de La Garanderie sont des concepts pédagogiques qui ont posé les bases de la métacognition : les récents ouvrages des pédagogues canadiens (Chayer, op.cit., Gagné, 1999, Gagné, Noreau & Ainsley, 2001, Ouellet, 1996, ...) utilisent et prolongent la démarche du chercheur. Chich, Jacquet-Montreuil & Mériaux (op.cit.) résument ainsi le travail d'explicitation préconisé par le pédagogue : "Les difficultés scolaires de nombre d'enfants proviennent du fait que les messages qu'ils reçoivent sont truffés d'implicite qu'ils ne savent pas décoder. En effet lorsque quelque chose nous semble évident nous omettons souvent de le dire et ce qui est flagrant pour les uns ne l'est pas toujours pour les autres" (p. 85). Suivant la démarche de La Garanderie, ces psychopédagogues ont aidé de nombreux enfants à progresser, développant pour certains des programmes spécifiquement dédiés au développement de l'attention (Caron, 2002, Programme PACE [Programme d'Action Communautaire pour les Enfants], 2001, www.learninginfo.com). La figure 3 illustrant le programme PACE, résume les différents facteurs en jeu lors des apprentissages, l'emprunt fait aux concepts de La Garanderie, et la place du geste d'attention dans l'acte d'apprendre. Figure 3: Les compétences cognitives de base (Gagné et al., op. cit. p. 25) 3. Les troubles de l'attention La situation scolaire nécessite de la part des élèves un contrôle moteur, attentionnel, et émotionnel importants, que certains enfants ont beaucoup de mal à mettre en place. Tom Manly et ses collaborateurs constatent : « Les anomalies du développement de l'attention sont relativement courantes dans les affections de l'enfant. Des recherches ont décrit des problèmes d'attention associés à une grande variété de troubles développementaux, de troubles acquis ou de perturbations émotionnelles. Ces troubles incluent le déficit de l'attention/hyperactivité (TDA/H), l'autisme, le syndrome d'Asperger, les traumatismes crâniens, le syndrome de Tourette, le diabète insulino-dépendant, l'anxiété ou les manifestations du stress post-traumatique (Anderson et Pentland, 1998 ; August et Garfinkel, 1990 ; Brouwers, Riccardi, Fedio et Poplack, 1985 ; Catroppa, Anderson et Stargatt, 1999 ; Condor et Nursey, 1998 ; Klin, Sparrow, Volkmar, Cicchetti et Rourke, 1995 ; Lang, Athanasopoulos et Anderson, 1988 ; Rovet et Ehrlich, 1988). » (Tom Manly et al., op. cit. p. 5) Ces enfants « hyperkinétiques » interpellent les enseignants, souvent dès le début de leur scolarité, car ils présentent des difficultés d'adaptation : ils ne parviennent pas à investir les activités proposées de façon stable et durable, ont souvent des relations difficiles avec les autres élèves, peuvent adopter des comportements dangereux pour eux et pour les autres, et compromettre le bon déroulement des activités. Alors que le climat de sa classe se dégrade, l'enseignant se sent remis en cause professionnellement et se fragilise. Les relations avec l'enfant, la famille, se détériorent, ainsi que celles entretenues avec les autres familles, affectant parfois l'école toute entière. Il est important alors que l'enseignant, l'équipe éducative, puissent trouver de l'aide auprès de leur hiérarchie, inspecteur et conseillers pédagogiques, ainsi que de la part des enseignants spécialisés, des psychologue et médecin scolaires, et intervenants extérieurs éventuels.
L'hyperactivité est une entité nosologique qui a émergé lentement. Les travaux de Thomas & Willems, 1997, Lecendreux, Konofal & Touzin, 2003, et Bange & Mouren, 2005, ont permis la réalisation de cet historique : Les premières observations d'enfants hyperactifs remontent au 19ème siècle (1845 : description de l'« instabilité » par l'Allemand Heinrich Hoffman). En 1896, le Français Bourneville associe à la notion d'instabilité celles de « suggestibilité » et d'« agressivité ». Dès 1905, Philippe et Paul Boncour envisagent l'instabilité comme un syndrome particulier, en insistant particulièrement sur l' « indiscipline » de ces enfants pour lesquels ils conseillent déjà une approche pédagogique spécifique. Ils envisagent aussi un substrat neurophysiologique du trouble, tout comme le médecin anglais Still, qui décrit en 1903 le « Brain Damage Syndrome », hyperactivité motrice exagérée à la suite de traumatisme crânien ou de méningo-encéphalite aiguë. Le clinicien français G. Heuyer associe en 1914 l'instabilité et la « délinquance » et souligne les divers champs d'inadaptation des sujets atteints (familial, scolaire, professionnel, et social). En 1925, le terme d' « instabilité psychomotrice constitutionnelle » est avancé par Dupré, qui insiste également sur l' « incapacité d'attention » et « l'étourderie », tandis qu'en Amérique du nord, suite à une épidémie d'encéphalite survenue à la fin de la Première Guerre mondiale, un courant organiciste autour de l'hyperactivité se développe (Hohman, 1922. Ebaugh et Strecker, 1923). En 1937, les travaux de Bradley mettent en évidence l'effet bénéfique de la Benzédrine sur les troubles du comportement et les résultats scolaires d'enfants instables d'intelligence normale. L'hypothèse d'un substrat neurophysiologique des troubles, causé probablement par une lésion minime et amélioré par le traitement, lui paraît alors vraisemblable. En 1947, les travaux de Strauss et Lehtinen, étayés par des tests neuropsychologiques, présentent le syndrome de « Minimal Brain injury » pour rendre compte des désordres cognitifs et perceptivo-moteurs rencontrés chez les enfants hyperkinétiques présentant des troubles de l'adaptation scolaire et familiale. Une lésion cérébrale passée inaperçue leur semble susceptible d'expliquer les troubles présentés par ces enfants. En 63 et 66, les chercheurs nord-américains Bax et Mackeith, puis Clements, remplaceront le terme « Minimal Brain injury » par la notion de « Minimal Cerebral Dysfonction » : une lésion, même non visible, leur paraît pouvoir être à l'origine d'un certain nombre de troubles comportementaux et attentionnels, associés à des signes neurologiques mineurs. Le concept de Dysfonctionnement Cérébral Minime (DCM) sera souvent repris en neuropsychologie, associé notamment aux études concernant les troubles des apprentissages, en particulier le langage, et les différentes lésions cérébrales. En Europe, les recherches de Wallon concernant l'enfant turbulent mettent également en évidence un substratum organique, tout en reconnaissant le rôle fondamental du milieu social et des affects dans la genèse de l'hyperactivité. Face à ce courant organiciste de plus en plus affirmé, des auteurs comme Segal (1969) et Winnicott (1975) considèrent que l'instabilité psychomotrice ne ferait que témoigner d'un conflit psychoaffectif contre lequel l'enfant est en train de lutter, expression symptomatique d'une pathologie réactionnelle, voire de perturbations plus graves pouvant affecter l'organisation même de la personnalité du sujet. Bergès (1985) et Flavigny (1988) complètent ce point de vue en insistant sur la « pathologie du lien » présente dans l'histoire des enfants instables, tandis que des auteurs plus systémiques mettent en évidence le rôle potentiellement stabilisateur que pourrait avoir l'enfant hyperkinétique dans le fonctionnement familial, fréquemment affecté par des problèmes conjugaux. En France, dans les années 70, les travaux d'Ajuriaguerra prolongeront la démarche intégrative, préfigurée par Wallon, associant les notions de substratum organique et de symptomatologie réactionnelle affective et éducative, alors qu'aux Etats-Unis et au Canada, suivis ensuite par la Grande Bretagne puis l'Europe du Nord, le « syndrome hyperkinétique » puis le « syndrome de l'enfant hyperactif » est pris en compte dès les années 60, et introduit en 1968 dans le DSM II (American Psychiatric Association's Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) . Le trouble est bipolaire : sont isolées une composante relative à l'hyperactivité/impulsivité d'une part, et une autre qui concerne l'inattention. Il est repris dans les mises à jour suivantes et se retrouve dans le DSM IV de 1994 sous le terme de « Attention Deficit and Hyperactivity Disorder ». Le DSM V (2015, en cours de traduction) reprend ce même terme et étend le diagnostic aux adultes, car les recherches de ces dernières années ont mis en évidence que ceux-ci pouvaient encore en souffrir. Dès les années 70, le trouble est largement reconnu et pris en charge aux USA en administrant des psychostimulants et en élaborant des programmes destinés à améliorer et faciliter les relations entre l'enfant et sa famille, son intégration et ses résultats scolaires (travaux de Barkley de 1976 à 1988). En 1993, l'Organisation mondiale de la santé publie la CIM 10 (Classification Internationale des Maladies), qui reprend plusieurs rubriques relatives à l'hyperactivité : les troubles hyperkinétiques, les troubles des conduites, la perturbation de l'activité et de l'attention. Le trouble n'est donc plus une « invention américaine ». De surcroît, les études épidémiologiques mettent en évidence la forte probabilité d'un support génétique. Actuellement, le TDA/H est la première cause de consultation en psychopathologie de l'enfant dans nombre de pays industrialisés. La fréquence du TDA/H est de 3 à 5 % (6 % pour Manly et al., op.cit.) et diffère peu selon les pays. Les garçons seraient trois fois plus concernés que les filles (Lecendreux et al., op.cit.). En France cependant, la spécificité du Trouble reste controversée, notamment par toute une partie de professionnels de la pédopsychiatrie attachés aux théories psycho dynamiques de la personnalité. Des congrès médicaux sont néanmoins organisés, des ouvrages sont édités, et des rapports, publiés par l'INSERM en 2002 et 2005 concernant le « Dépistage et la prévention des troubles mentaux chez l'enfant et l'adolescent » et le « Trouble des conduites », ont essayé d'informer et de promulguer les recherches effectuées sur ces différents thèmes. Si une évolution commence à se faire sentir, les réactions de nombreux professionnels (Manifeste « Pas de zéro de conduite » signé en 2006 suite au rapport INSERM par un certain nombre d'entre eux à l'encontre des actions de prévention préconisées), montrent à quel point le débat est passionnel et dogmatique, entaché de préoccupations politiques, comme l'ont confirmé par la suite les prises de position et commentaires sur ces sujets observés lors de la campagne présidentielle de 2007. Les parents des enfants concernés, à l'image des parents d'enfants autistes, se sont regroupés en associations afin de faire reconnaître le trouble. L'une des plus représentatives, HyperSupers, publie sur son site ce courrier du pédopsychiatre Michel Graff (2006), qui souligne les différents enjeux et exprime ses craintes : « Si les psy. ont finalement abandonné la culpabilisation des parents d'autistes, ils continuent trop souvent à livrer des interprétations irrationnelles et culpabilisantes aux parents d'enfants opposants, instables, inattentifs, etc... », « Je crains que le mouvement « pas de zéro de conduite » ne tente de défendre ces positions typiquement françaises d'une certaine pédopsychiatrie qui ne marche pas, c. à d. qui n'aide réellement ni les parents ni leurs enfants », « Je m'étonne aussi que les auteurs du texte puissent mettre en doute ce qu'il peut y avoir d'héréditaire dans les troubles évoqués. Peut-être croient-ils que pour les chercheurs de l'INSERM, l'hérédité du trouble hyperactif par exemple, est la même que celle réglant la couleur des petits pois ? Il y a maintenant un certain consensus pour estimer que plus l'autisme est diagnostiqué précocement, et espérons-le traité en conséquence, avec la collaboration des parents - et plus l'évolution peut être amendée. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les autres troubles ; ceux pour lesquels ce qu'on appelait « la constitution » est déterminante dans son interaction avec le contexte de vie de l'enfant ? ». (Michel Graff, op. cit.)
Les trois classifications proposées par le DSM IV, la CIM-10, et la Classification Française des Troubles Mentaux (cf. annexe 1), sont axées sur trois critères principaux : l'attention, l'hyperactivité, et l'impulsivité. · Le DSM IV regroupe les symptômes sous le terme « trouble du déficit de l'attention/hyperactivité », bien différencié du trouble des conduites ou du trouble oppositionnel. Ils sont présentés selon deux axes, inattention d'un côté (6 symptômes sur 9 sont nécessaires), et hyperactivité/impulsivité de l'autre (6 symptômes sur 9, dont 3 seulement qui concernent l'impulsivité). Il est mentionné que certains des troubles étaient présents avant 7 ans (12 ans dans le DSM V), qu'ils doivent être observés depuis plus de 6 mois, au moins dans deux types d'environnement différents, et être invalidants. Trois types du même trouble sont possibles : TDA/H, type mixte, TDA/H, type inattention prédominante (6 critères concernant l'hyperactivité/impulsivité non remplis), et le TDA/H type hyperactivité/impulsivité prédominante (6 critères concernant l'attention non remplis). · La CIM-10 (annexe 2) regroupe les symptômes sous le terme « troubles hyperkinétiques ». Les trois mêmes facteurs sont pris en compte (inattention, hyperactivité et impulsivité) mais isolément. Concernant l'attention, les mêmes symptômes que le DSM IV sont retenus, dans le même nombre. L'hyperactivité (3 symptômes sur 5 proposés sont nécessaires) est séparée de l'impulsivité (1 symptôme sur 4 proposés est nécessaire). Les symptômes retenus sont les mêmes (notons cependant que le fait de parler trop est classé dans l'hyperactivité par le DSM IV, et dans l'impulsivité par la CIM 10). Le trouble doit être envahissant, persistant (plus de 6 mois), invalidant, et être présent dans plus d'une situation. Il est d'ailleurs conseillé de façon explicite de rechercher des informations auprès de plusieurs sources. Il est indiqué que le trouble doit survenir avant l'âge de 7 ans. Enfin, un commentaire précise que lorsque le trouble ne concerne qu'un seul critère (l'attention seule par exemple), il n'entre pas dans la classification des troubles hyperkinétiques mais dans celle des troubles de l'attention. De même, des symptômes d'hyperactivité sans trouble de l'attention ne relèvent pas d'un trouble hyperkinétique, mais d'un trouble de l'activité. Par ailleurs, lorsque les difficultés concernent une seule situation, on parlera de « trouble ne survenant qu'à l'école », ou de « trouble ne survenant qu'à la maison ». · La Classification Française (annexe 3) emploie les termes de « hyperkinésie, instabilités psychomotrices » pour qualifier un « ensemble de symptômes ». Deux versants sont retenus : psychique (avec les difficultés d'attention, le manque de constance et l'impulsivité), et moteur (hyperactivité ou agitation motrice incessante). Les symptômes ne sont pas développés davantage. Les troubles sont plus importants dans les situations demandant de l'application, et peuvent disparaître transitoirement. Les troubles de l'attention sans hyperactivité motrice sont inclus. Il n'est pas mentionné de possibilité d'hyperkinésie sans trouble de l'attention, ni d'âge indiquant la précocité du trouble. Il est mentionné que les troubles doivent être en net décalage par rapport à l'âge et au niveau de développement mental de l'enfant, et qu'ils sont plus importants dans les situations nécessitant de l'application, en classe notamment. Ils peuvent disparaître transitoirement dans certaines situations, par exemple en relation duelle ou dans une situation nouvelle. Enfin, le diagnostic différentiel nécessite une vigilance face à une éventuelle manifestation d'excitation maniaque ou hypomaniaque. Ces trois classifications montrent bien, au travers de leurs différences, la reconnaissance décroissante (dans l'ordre de présentation) faite à l'entité nosologique du Trouble de l'Attention/Hyperactivité mise en valeur, principalement, par les chercheurs américains. Les deux premières développent explicitement les symptômes présentés par les sujets atteints. Les facteurs à l'origine des troubles ne sont pas mentionnés.
Le dépistage est effectué lors d'une consultation spécialisée et le diagnostic posé par un médecin connaissant bien ce trouble. Il veille à écarter d'éventuelles pathologies pouvant générer des symptômes similaires (formes d'épilepsie, dépression, traumatisme, carences éducatives, etc....) et pratique à un examen clinique complet afin de dépister des signes neurologiques spécifiques. L'anamnèse est explorée au cours des entretiens avec les parents et l'enfant. Des tests psychologiques, neuropsychologiques et neurocognitifs doivent également être proposés aux enfants. Des observations du sujet et de la relation établie avec sa mère sont fréquemment réalisées. Comme le précise la CIM-10, et comme l'impose la présence du trouble dans au moins deux situations différentes, une investigation auprès de plusieurs personnes (en général les parents et les enseignants) est nécessaire pour poser le diagnostic de TDA/H. Le recours à des échelles d'évaluation est, dans ce cadre, particulièrement intéressant. Trois domaines sont ainsi explorés : le milieu familial, le milieu scolaire, et le milieu de consultation. Les résultats de cette investigation pourront permettre de valider le diagnostic, et, surtout, de cerner précisément les troubles des apprentissages concomitants spécifiques du fonctionnement de l'enfant afin de déterminer avec précision la nature des prises en charge proposées. Un tel travail ne peut s'effectuer que dans un service spécialisé. A Clermont Ferrand, le Centre Régional d'Evaluation des Troubles du langage et des Apprentissages est compétent, depuis peu, pour les dépister, avec les réserves structurelles dues au caractère restreint de cette structure pour un secteur aussi vaste (trois ou quatre personnes seulement, secrétariat compris). Beaucoup de professionnels, cependant, restent hermétiques à l'évolution des connaissances concernant ce trouble, et au remaniement conceptuel indispensable qu'il implique dans la prise en charge des personnes qui en souffrent. Le TDA/H affecterait, selon les études les plus récentes, entre 3 et 6 % de la population, mais les chiffres concernant les troubles déficitaires de l'attention sont plus alarmants : 10 % de la population scolaire (Thomas & Willems, op.cit.) serait affectée. Les auteurs insistent sur les répercussions importantes de ces troubles, la plupart du temps ignorés : « La méconnaissance de ce problème pourrait être à l'origine de grandes difficultés d'insertion sociale pour des sujets qui, après avoir connu l'échec scolaire ou l'échec professionnel, présenteront bien souvent des troubles de la personnalité secondaires à leurs échecs répétés » (p. 122). · Les questionnaires de Conners (Conners,1997) Les questionnaires de Conners (cf. annexe 4a, 4b) sont parmi les outils les plus utilisés en cas de suspicion de TDA/H. Destinés à l'intention des tiers (une version pour les parents, et une autre pour les enseignants), ils permettent au praticien d'avoir des informations étalonnées sur le comportement de l'enfant dans deux contextes différents : la maison, et la classe. Le questionnaire pour les parents est composé de 48 items. Cinq critères sont pris en compte, et un index d'hyperactivité global est obtenu. Les réponses des parents sont cotées selon l'intensité observée (échelle de Likert). Les résultats sont interprétés en fonction du sexe et de l'âge de l'enfant. Tableau 1: Liste des items du questionnaire de Conners (parents) selon cinq critères
Le questionnaire pour les enseignants est composé de 28 items. Trois critères sont pris en compte, et un index d'hyperactivité global est obtenu. Les réponses sont également cotées selon l'intensité, et interprétées en fonction du sexe et de l'âge. Tableau 2: Liste des items du questionnaire de Conners (enseignants) selon trois critères
Keith Conners est un psychologue américain qui a consacré sa carrière à l'étude des problèmes d'attention et d'hyperactivité. Les questions et les critères retenus témoignent de la complexité du TDA/H, et du malaise profond de ces enfants, comme en témoignent l'échelle psychosomatique et celle en lien avec l'anxiété. Les difficultés relationnelles et l'hypersensibilité de la plupart de ces enfants, qui « veulent tout commander » davantage par impulsivité que par trouble des conduites, mais qui, dans la forme passive, se laissent manipuler, est également perceptible au travers des questions. Ces enfants peuvent se sentir profondément malheureux, victimes de réactions mal contrôlées qui les font rejeter. Notons la forme passive, qui peut occasionner de l'isolement, souvent mal supporté par ces enfants qui sont rapidement démunis lorsqu'ils sont seuls. · Le questionnaire de Dupaul (non publié, cité par Barkley, 1990, p. 311) Tableau 3: Liste des items du questionnaire de Dupaul selon trois critères
Basé sur une échelle non publiée de Dupaul, cet outil de dépistage (annexe 5) nous a été utile pour repérer l'hyperactivité lors de notre stage en Classe Relais. Utilisé en auto-questionnaire, il permet d'aborder le trouble et ses conséquences avec l'élève concerné. Il comporte quinze items, qui peuvent être classés selon trois critères. Trois items concernent l'instabilité psychomotrice, tandis que six affectent directement l'attention et l'organisation. Six affectent l'adaptation sociale : on voit les conséquences qu'un tel trouble peut avoir sur l'intégration de ces élèves, en difficulté scolaire, et rencontrant également des problèmes relationnels. Contraints physiquement à rester assis, la situation scolaire affecte les trois besoins fondamentaux définis par Deci & Ryan (op.cit.) : les besoins d'autonomie, de compétence, et d'affiliation.
Le TDA/H est en lui-même source de difficultés scolaires : « L'échec scolaire affecte près de la moitié des enfants TDA/H. Ces derniers présentent, plus souvent que les autres enfants, des difficultés d'apprentissage pouvant concerner la lecture et son acquisition, l'écriture et en particulier le graphisme, l'orthographe et les mathématiques (calcul, abstraction) ». (Lecendreux et al. op.cit, p. 158). Les difficultés attentionnelles, à elles seules, notamment dans les cas graves, suffisent à expliquer les problèmes scolaires. Concernant le livret « Lire au CP » paru sous le ministère de Luc Ferry, les auteurs constatent : « Les recommandations faites pour l'ensemble des enfants ne sont pas adaptées aux enfants TDA/H. On demande une fois de plus à ces derniers d'aller à l'encontre de leurs possibilités. Suivre une activité jusqu'à son terme est un défi pour l'enfant hyperactif, du fait de ses difficultés attentionnelles ». Le problème pour ces enfants est donc davantage un problème de méthode et de guidage, qu'un problème d'apprentissage de la lecture. Si l'on reprend les six fonctions cognitives développées par Favre (op.cit.), on constate qu'au moins quatre d'entre elles sont atteintes par le TDA/H, l'attention endurante, mais aussi la flexibilité mentale, la planification et la régulation émotionnelle, ce qui constitue autant d'obstacles à leur bonne adaptation scolaire. Mais au-delà des seuls problèmes d'attention, ces enfants cumulent très fréquemment d'autres troubles des apprentissages. Le site TDA/H Ressources indique dans la rubrique concernant la scolarité : « Les troubles d'acquisition du langage écrit (lecture, orthographe) sont fréquents chez ces enfants, mais le TDA/H peut aussi être associé à un trouble du langage oral (dysphasie), ou à des troubles du développement moteur (dyspraxie, difficultés de coordination motrice). Les enfants ayant un TDA/H et un trouble spécifique des apprentissages vivent de grandes difficultés scolaires puisqu'on observe un effet cumulatif des déficits liés aux deux troubles ». (Laurent et al., op. cit.) Thomas & Willems (op.cit. p. 117), citant l'étude de Rapin (1982), confirment l'association fréquente entre trouble du langage oral, dont on sait qu'il précède souvent la dyslexie, et le trouble de l'attention : « Environ 30 % des enfants présentant des troubles déficitaires de l'attention vont présenter un retard de développement du langage oral ».
Le TDA/H ne doit pas être confondu avec d'autres pathologies (dépression, trouble bipolaire notamment), qui peuvent également provoquer des troubles de l'attention, ou de l'hyperactivité. La différenciation est malaisée, le TDA/H présentant des comorbidités particulièrement élevées. Indépendamment de l'association avec les troubles des apprentissages (20 %), Lecendreux et al. (op.cit.) donnent, pour la population adulte, les statistiques suivantes concernant les troubles associés : anxiété (25 à 50 % des cas), dépression (19 à 37 %), troubles de la personnalité (10 à 20 %,), conduites ou comportements antisociaux : abus de drogues, délinquance, criminalité (18 à 20 %), abus d'alcool (32 à 53 %), abus de substances (8 à 32 %). Le site TDA/H Ressources mentionne également les conduites à risques, et les risques d'accidents de la voie publique et domestiques, encourus tout particulièrement par les enfants atteints. (Bange, 2014) mentionne le trouble comme facteur de risque de l'obésité. Les troubles de sommeil sont également fréquents. Enfin, et sans que cela puisse être considéré comme une comorbidité, notons que précocité et hyperactivité ne sont pas exclusifs l'une de l'autre. L'hyperactivité de l'enfant précoce est un facteur aggravant d'isolement et de difficulté d'adaptation.
Les auteurs s'accordent pour préconiser un dépistage précoce, permettant une information de l'entourage (famille et école) et de l'enfant. Cette information évite les malentendus, et les dégâts sur l'estime de soi des enfants provoqués par les réactions spontanées des adultes : « Il se fait facilement réprimander par les professeurs du fait qu'il n'écoute pas et il a tendance à se décourager... Une intrication affective se crée avec les parents et assez souvent ceux-ci vont adopter une attitude de réprimande » (Thomas & Willems, op.cit. p. 126). En 2015, la Haute Autorité de Santé a publié des recommandations à l'intention des médecins de famille afin qu'ils contribuent au dépistage, et qu'ils aident à la mise en place de prises en charge adaptées, notamment en recherchant les comorbidités. Les prises en charge conseillées sont, outre l'orthophonie ou la psychomotricité selon d'éventuels troubles des apprentissages associés, des thérapies comportementales et neurocognitives : « une « thérapeutique pédagogique » tenant compte des facteurs affectifs, des facteurs comportementaux et de l'apprentissage » (ibid. p. 192). Des interventions auprès des familles sont proposées, notamment dans les pays nord-américains. Certains grands centres parisiens proposent des groupes, permettant aux parents de se retrouver, loin du rejet et des accusations de mauvaise éducation dont ils sont généralement victimes par les parents des autres enfants. Ces groupes permettent de s'informer sur la nature des troubles, le mode de fonctionnement de ces enfants, et les techniques éducatives les plus adaptées. Dans les cas les plus sérieux, des psychostimulants, activant les fonctions attentionnelles, peuvent être prescrits aux enfants (Ritaline ou Concerta). Thomas et Willems considèrent que la médication peut être utile, surtout pour les enfants jeunes, lorsque les troubles sont très invalidants, les plus grands et les adolescents étant en général plus accessibles aux thérapies comportementales et neurocognitives. Lecendreux et al. (op.cit.) précisent (p. 283) : « ... il est bon de se rappeler également que ce traitement améliore de façon indiscutable, avec très peu d'effets secondaires rapportés, les symptômes de près de 75 % des enfants présentant un diagnostic de TDA/H...Il suffit d'être au contact des enfants TDA/H et de leurs familles pour comprendre que laisser ces enfants sans traitement est impossible. Il n'est certainement ni souhaitable, ni judicieux « d'attendre que ça passe » ». La médication est prescrite en général sur une période de deux à trois ans, procurant à l'enfant une accalmie propice aux apprentissages et à l'établissement de liens sereins avec l'entourage, et lui permettant de se construire afin de pouvoir mettre en place, plus grand, des mécanismes de compensation plus efficaces. Certains médecins peuvent conseiller des complémentations alimentaires (fer, oméga 3, zinc...) afin d'améliorer les symptômes. D'autres préconisent des régimes alimentaires écartant certains aliments (sodas, sucre, certains additifs alimentaires...) et privilégiant la consommation de fruits et de légumes non traités.
Dans 25 à 30 % des cas, il semblerait que le trouble s'atténue à l'âge adulte. Le syndrome d'hyperactivité, notamment, tend à disparaître. Lecendreux et al. (op.cit.) estiment que le pourcentage des enfants conservant des symptômes à l'âge adulte se situe entre 25 à 75 % des cas. La méconnaissance du trouble par les professionnels de la psychiatrie adulte est à l'origine d'un important déficit de dépistage : « ...de très nombreuses personnes souffrent de TDA/H sans même en connaître l'existence. Certaines sont soignées pour des complications de ce trouble, par exemple des symptômes anxieux ou dépressifs, sans que l'on ait identifié la cause initiale » (p. 209). De nombreux auteurs soulignent les conséquences sur l'orientation professionnelle des troubles : ces personnes ont une position professionnelle qui ne correspond pas à leurs capacités réelles, ne fonctionnent pas à un niveau académique qui leur correspond, ont des difficultés à trouver et à garder un travail, sont souvent tristes, d'humeur instable, et victimes d'un manque d'estime de soi. Ils sont adeptes de conduites à risque (vitesse notamment) et fréquemment victimes d'addictions (toxiques, alcool, alimentation, jeux...). Dalsgaard, Ostergaard, Leckman, Mortensen & Petersen (2015) ont mis en évidence des risques de mort prématurée nettement supérieurs à la moyenne chez les personnes victimes de TDA/H. Peu d'études portent sur les orientations professionnelles des adultes TDA/H. Certaines indiquent que leurs souhaits les portent vers des métiers d'action (police, gendarmerie, pompier, urgences,...) et que les études longues les rebutent (Fauvel, 2012). Lecendreux et. al. (op. cit.) mentionnent que les hyperactifs sont souvent très créatifs et très largement représentés dans le secteur artistique. On retrouve de nombreux hyperactifs parmi les personnes célèbres, témoignage que « l'hyperactivité peut, dans certains cas, être transformée en avantage indéniable » (Lecendreux et al., op.cit., p. 250). La prévalence du trouble dans la population adulte serait de 4 % (entre 2 à 6 %).
Le TDA/H est « un trouble à expression neurologique traduisant le dysfonctionnement de certains neuromédiateurs, en particulier la dopamine » (ibid. p. 52). Il est la traduction comportementale d'un « dysfonctionnement de certaines parties du cerveau, qui font appel à la régulation des fonctions exécutives, en particulier en empêchant ou en inhibant certains comportements indésirables » (ibid., p. 53). Thomas et Willems (op.cit.) confirment le lien entre de nombreux troubles pédiatriques et le trouble de l'attention. Ils citent : les grossesses à risque, notamment la prématurité, la consommation excessive de tabac ou d'alcool pendant la grossesse, les troubles du sommeil (notamment les apnées nocturnes), l'épilepsie et les convulsions hyperthermiques. Ils mentionnent que les troubles attentionnels associés à ces maladies pédiatriques sont persistants à l'âge adulte. De nombreuses études incriminent des facteurs de pollution : Wagner-Schuman et al., 2015, ont mis en évidence un lien entre certains pesticides et l'hyperactivité. Les produits de traitement des fruits, des légumes sont également cités. En France, le rapport INSERM « Pesticides : effets sur la santé » (2013) établit le lien, entre autres, entre la maladie de Parkinson et certains produits. Or, une récente étude (Hansen et al., 2014) associe la maladie de Parkinson et le TDA/H, la première étant le degré aggravé du second. Le déficit d'une protéine transporteur de la dopamine serait le facteur commun. Un groupe de gènes est impliqué dans ce déficit. Notons que les Etats Unis, pays où le trouble atteint, d'après certaines études médicales (Froehlich, 2007), près de 9 % des enfants, sont les premiers consommateurs au monde de pesticides, la France étant le troisième. Des allergies alimentaires ont pu également être évoquées, de même que les allergies aux médicaments (Heilbrun et al., 2015). D'autres études ont trouvé une corrélation entre l'exposition de la mère à la pollution de l'air et le TDA/H, (Perera et al., 2014). Ces différents éléments confirment les premières observations des médecins, et le concept de « minimal brain injury » qui oriente sur l'idée d'une altération du système nerveux. Dans un autre ordre d'idée, néanmoins voisin, certains chercheurs ont mis en évidence le lien entre le stress, notamment le stress maternel pendant la grossesse du fait de sécrétion de cortisol, et le risque d'hyperactivité (Khalife et al., 2013). Solovey (2014), constate que 25 % des enfants souffrant de TDA/H ont un parent atteint du même trouble, et met en évidence de meilleures habiletés parentales lorsque ces parents suivent un traitement. De nombreuses études ont recherché des facteurs génétiques sous-jacents, notamment sur des jumeaux, adoptés et/ou séparés à la naissance, versus des jumeaux élevés par leurs parents. Thomas & Willems (op.cit.) citent ces études (pp. 64-66) et concluent : « Il existe bien un déficit génétique associé au syndrome TDA/H qui se présente à une fréquence anormalement élevée ». La récente étude de Hansen et al. citée plus haut confirme cette affirmation. Lecendreux et al. (op.cit.) considèrent que la prévalence du trouble est stable depuis ces vingt dernières années. Le trouble est cependant mieux reconnu, et davantage pris en charge. Conrad & Bergey (2014) s'alarment de l'expansion du diagnostic dans le monde : le prosélytisme des compagnies pharmaceutiques, l'émergence de la psychiatrie biologique, la diffusion de la nomenclature psychiatrique américaine, l'influence des associations de parents et de patients, et la facilité d'accès aux informations concernant le trouble du fait d'internet leur paraissent responsables de cette poussée. Thomas & Willems (op. cit.), Dupagne (2013), Revol et Blanc Lapierre (2013) soulignent l'inadaptation de l'école à ces enfants, créant un contexte de handicap (avec l'obligation scolaire prolongée pour tous les élèves) là où d'autres situations (le travail agricole notamment) offraient un contexte de réussite.
De nombreux médecins incitent à différencier les enfants « tyrans » (Le Heuzey, op. cit. p. 46) des enfants hyperactifs, le TDA/H d'une « pseudo-hyperactivité d'origine psycho-éducative » (Kochman, 2003, p. 15). Ces auteurs mettent en avant la faiblesse des parents, qui « ne sont pas dans une relation éducative, mais dans une relation de négociation permanente ou plutôt de marchandage » (Le Heuzey, op. cit. p. 47). On entre très vite dans la problématique de la poule et de l'oeuf lorsqu'il faut déterminer les causes de difficultés comportementales. Un des facteurs significatifs est l'adaptation scolaire : « En dehors du milieu familial, l'enfant tyran se fait rarement remarquer, gardant ses exigences au sein de la famille » (ibid.). Mais cette dichotomie peut ne pas être aussi claire, notamment dans les cas, fréquents, où la surprotection parentale fait pression sur l'enseignant. L'auteur évoque dans les facteurs aggravants, le fait que l'enfant ait été longuement désiré, ou qu'il ait été malade : « En un mot, un bébé « précieux », pour qui rien n'a été trop beau, trop cher, ou inaccessible ». Notons que l'attitude des parents à l'égard des enfants a beaucoup évolué ces dernières décennies, et que les enfants « précieux » sont de moins en moins rares. Il reste que des enfants livrés à leurs pulsions, qui n'ont pas développé de contrôle moteur, verbal, et que les parents ont renoncé à contrarier, sont peut être moins armés que les autres pour s'adapter au contexte scolaire. Le modèle de l'attention conjointe développé par les chercheurs peut expliquer un déficit d'attention dans ce contexte. Un autre facteur est évoqué par les chercheurs : les écrans, qui capturent l'attention mais ne la développent pas. Un enfant qui regarde la télévision est attentif, mais cette attention est exogène. Le temps passé devant les écrans ne participe donc pas à « la longue et dramatique histoire de la formation de l'attention volontaire » (Luria cité par Jumel, op.cit.). Il se substitue, par contre, à de nombreuses occasions qui auraient pu y participer. Bien que là encore, la vigilance s'impose dans l'interprétation des causes : Dupagne (op. cit.) souligne que les jeux vidéo sont particulièrement adaptés au mode de fonctionnement des enfants souffrant de TDA/H, ce qui explique leur engouement pour ces jeux d'action, au rythme effréné, qui leur correspondent. Il estime que les jeux vidéo sont créés par des ex-enfants TDA/H pour des enfants TDA/H. La même difficulté dans la différenciation entre facteurs environnementaux et facteurs socio-éducatifs se retrouve lorsque les parents sont eux-mêmes hyperactifs, cas qui, nous l'avons vu, est fréquent. Le stress, enfin, est un facteur identifié comme cause possible du TDA/H, soit qu'un événement traumatique soit survenu pendant la grossesse, soit que cet événement ait affecté l'enfant lui-même. Chaque situation est unique et compose la multiplicité de ces différents facteurs à sa façon. Au-delà de l'analyse qui en est faite, il importe de repérer les difficultés et les souffrances, et les modes de fonctionnement chroniques et persistants qui seraient susceptibles d'hypothéquer l'avenir de l'enfant, en proposant les explications, adaptations et prises en charge les plus adaptées.
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