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Les personnages burlesques dans les productions Pixar

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par Laurent Baudry
Université Paris 1 - Master 1 2010
  

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III.2/ De l'importance du plan d'ensemble

Avant de traiter du plan d'ensemble, il est nécessaire de le définir ou, du moins, de tenter d'en cerner les enjeux. Car la notion d'échelle de plans est toute relative. Dans Wall-e, par exemple, un plan montre, sur fond noir, un vaisseau spatial se rapprochant de la Terre. Mais le cadre s'élargit peu à peu, laissant apparaître le capitaine de l'Axiom, une maquette de son vaisseau dans la main droite et un globe terrestre dans la main gauche, se projetant un possible atterrissage. Ce qui ressemblait, au départ, à un plan général, s'avère être le très gros plan d'un fantasme du capitaine. Se distinguant du plan général (qui embrasse tout un paysage), le plan d'ensemble « permet d'inscrire le corps (reconnaissable) du protagoniste dans un décor donné et de mettre en valeur les interactions entre l'un et l'autre. »1 Dans le cas du genre burlesque, le plan d'ensemble est un outil idéal pour développer toute une panoplie de mouvements, et pour mettre en exergue le difficile rapport qu'entretient le personnage avec le monde.

Le plan d'ensemble aèrerait donc l'action, laisserait respirer le corps, lui laissant tout le champ nécessaire à l'épanouissement de son expression. Mais c'est aussi un moyen de révéler l'extrême isolement du personnage. Isolé, Bob Parr l'est incontestablement lorsqu'il sort la tête de son bureau ouvert pour observer l'ensemble de la salle, qui n'est pas sans rappeler un des plans les plus fameux de Playtime (annexe 25). Isolée également, la maison de Carl Fredricksen dans Up, qui se retrouve cernée par un immense chantier, et semble vouée à la destruction. Cette simple exposition permet d'amener l'idée d'une fuite de ce monde par les airs, comme va le faire Carl. La solitude par le vide est une constante dans la filmographie du studio, puisque dans Lifted (Gary Rydstrom, 2006), un extraterrestre gaffeur fait s'écraser une soucoupe-volante sur une maison. Lorsque la soucoupe décolle, elle laisse un énorme cratère au milieu duquel subsiste un minuscule îlot où un jeune homme dort profondément (annexe 26). Le vide qui entoure le personnage est d'autant plus inquiétant que celui-ci l'ignore. L'enjeu du plan d'ensemble est, ici, de rendre le public complice de la chute inévitable du personnage dès son réveil.

Cependant, ces espaces vierges de tout autre personnage ne le restent jamais très

1 Stéphane GOUDET, Buster Keaton, Editions Cahiers du Cinéma, collection Grands Cinéastes, Paris, 2008, p.51.

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longtemps. À l'image de la rue déserte submergée par une multitude de policiers lancés à la poursuite du héros (Cops, Buster Keaton, 1922), le vide, destiné initialement à la pleine expression du corps burlesque, se retrouve envahi par la foule. Ce genre de plans est très répandu dans Cars (John Lasseter, 2006), où une jeune voiture de course, Flash Mc Queen, se retrouve au centre d'un immense circuit automobile. Le crépitement des appareils photos et les phares des voiture font alors ressortir l'incroyable foule que peuvent contenir les tribunes. La solitude par le vide est ici remplacée par une solitude par la foule, car le héros devient le point de chute de l'attention de tous les autres personnages. Le thème du corps exposé au regard, et donc au jugement de l'autre, est aussi présent dans Presto (Doug Sweetland, 2008). Un magicien, au prise avec son lapin récalcitrant, doit faire preuve d'une grande maîtrise pour ne pas gâcher son numéro. Encore une fois, le plan d'ensemble rappelle la situation du magicien, à ceci près que, l'ajout de la plongée rend la foule de spectateurs encore plus oppressante (annexe 27). Sur le même principe de mise en scène, Dory et Marin, deux poissons malchanceux, atterrissent sur le quai d'un port de plaisance, au beau milieu d'une nuée de mouette. La fixité de tous les personnages, ajoutée à la multitude du danger, permet de mélanger subtilement l'angoisse et le rire, tout en résumant la délicatesses de la situation (Finding Nemo, Andrew Stanton et Lee Unkrich, 2003) (annexe 28)1.

Cette fonction synthétique du plan d'ensemble est exploitée dans Toy Story 2, lorsque les jouets se lancent au secours de Woody. Pour traverser une rue dont le trafic est important, les personnages se cachent sous des cônes de signalisation et provoquent une série d'accidents sans s'en apercevoir. Les héros se félicitent de la réussite de l'opération

lors d'un dernier plan montrant une rue totalement embouteillée par un carambolage. Le plan d'ensemble s'avère donc un outil narratif relativement important, d'autant qu'il permet d'évaluer le rapport qu'entretient le corps burlesque avec les situations les plus délicates. Dory et Marin s'immobilisent car ils ont conscience du danger qui les entoure, tandis que les jouets poursuivent leur chemin, pensant, à tort, avoir bien négocié une étape inquiétante de leur périple. Et qu'importe si le plan d'ensemble ne met pas le corps à l'abri de la foule et du danger (bien au contraire), ces personnages ont une botte secrète : le hors-champ.

1 Ce plan est d'ailleurs un hommage appuyé au film d'Alfred Hitchcock, The Birds (1963).

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