CONCLUSION
À la lumière des caractéristiques de tous
ces personnages, il est évident que le corps animé, même
par ordinateur, est un excellent support pour le langage comique. La
capacité des animateurs à recréer le mouvement et la
matérialité, des objets comme des animaux, prouve le potentiel
expressif d'une telle technique. Brûlé, étiré,
écartelé, compressé, le personnage Pixar est avant tout un
corps qui semble pouvoir tout supporter, malgré un sort qui s'acharne
souvent sur lui. Dans toute la filmographie du studio, le corps est
l'unité de mesure. Tout se rapporte à lui : les disproportions
comme le rythme de l'action. Le corps, par ses mouvements, bat la mesure de
l'action, il est la référence principale, le centre de
gravité de l'image. Et si les personnages dansent, gesticulent, ou
courent dans tous les sens, il leur arrive souvent de se figer, comme pour
mieux souligner leur capacité à se mouvoir. Cette liberté
de mouvement place aussi le héros animé dans un monde qui ne lui
est pas forcément adapté. En cela, les personnages Pixar se
jouent des limites entre le rêve (l'espace filmique) et la
réalité. S'échappant du champ d'action qui leur est
réservé, ils contaminent le hors-champ par leur maladresse et
d'autres films par leur simple volonté de continuer à exister. Le
corps burlesque est ici utilisé comme une porte vers le merveilleux, et
se pose logiquement en maître du divertissement en tous genres. De la
comédie musicale à la magie, en passant par les arts du cirque,
rien ne résiste à cette vocation du spectaculaire. À
travers ces multiples représentations, le corps animé exploite le
champ des possibles (et de l'impossible), et donne à voir autre chose
que sa propre matérialité. En effet, il s'agit plutôt de
révéler une personnalité, un individu derrière ce
corps. Car la plupart des personnages Pixar sont avant tout des marginaux,
exclus de la communauté à laquelle ils sont censés
appartenir, souvent parce qu'ils ne voient pas le monde de la même
façon. Cette conception particulière de la société,
et de son environnement, le personnage burlesque l'exploite pour donner un
autre sens aux choses. C'est une manière de montrer que, bien qu'il soit
inadapté au monde, le héros fait fi de la norme pour
accéder à un autre niveau de réalité. En
évacuant les obstacles, par son inconscience, par sa
méconnaissance, ou par son aveuglement, il remet son sort entre les
mains du hasard, allié particulièrement efficace dans le domaine
de l'exploit miraculeux. Grâce à ce passage de l'inadaptation
à l'appréhension du monde par la mise à l'épreuve
de ses limites, le héros parvient à renverser l'ordre des choses
pour en devenir maître. Ainsi, les exemples de Bob Parr, de
71
Wall-e et de Flik, significatifs de ce domptage, sont loin
d'être des exceptions dans la filmographie du studio. Ici se rejoignent
les créateurs et leurs créatures. Car les membres de Pixar ont
suivi la même progression au fil des ans. D'un outil initialement
destiné à promouvoir les recherches dans le domaine de l'imagerie
numérique, le studio a fait un moyen d'expression artistique
mondialement reconnu. Par l'émulation de la technologie et de l'art, il
sont parvenus à maîtriser une technique de pointe, et ont conquis
le public malgré ce statut d'avant-garde. Aujourd'hui, Pixar est un des
trois pôles d'animation les plus importants sur la scène
internationale (avec Disney et les studios Ghibli au Japon). Racheté par
Disney dans le cadre d'un échange d'actions, le studio a fait de son
créateur, Steve Jobs, le principal actionnaire de cette multinationale
du divertissement. En outre, John Lasseter a pris les commandes du
département animation de Disney, et est devenu la personne la plus
influente dans son domaine, puisqu'il est aussi le producteur des films de
Miyazaki. C'est donc en commençant par développer une technique
méconnue et en l'apprivoisant, que les fondateurs de Pixar, se sont
imposés comme les maîtres incontestés du cinéma
d'animation. Le succès critique et public de leurs films en est la
meilleure preuve, et se confirme avec l'immense réussite artistique et
commerciale de Toy Story 3. Cependant les qualités d'adaptation
du héros Pixar, ne suffisent pas toujours à sa réussite.
Tous ces personnages s'inscrivent souvent dans un groupe, dont les membres sont
complémentaires, à l'image des jouets de Toy Story. Cette
complémentarité se retrouve dans l'équipe des
premières années, avec les talents d'animateurs de John Lasseter
et les compétences informatiques d' Ed Catmull et d' Alvy Ray Smith. De
succès en succès, le studio a su s'entourer de collaborateurs de
talents, et de cinéastes issus d'horizons différents. Brad Bird,
arrivé tardivement dans le cercle très fermé des
réalisateurs du studio, a prouvé l'efficacité d'un tel
recrutement, et l'arrivée récente d' Henry Selick
(L'étrange Noël de Monsieur Jack - 1994, Coraline
-2009) au sein de Pixar laisse augurer une diversification du studio.
Malgré cette ouverture et une confiance accordée à des
nouveaux réalisateurs, Pixar reste inextricablement lié au nom de
John Lasseter, et, en dépit de sa volonté de suspendre sa
carrière de réalisateur au profit de celle de producteur, celui
que beaucoup considèrent comme l'âme du studio a été
rappelé à l'aide pour la réalisation de Cars 2.
Comment, dans un tel contexte, concilier l'esprit du studio avec de nouvelles
individualités ? C'est là le principal défi qui se
présente à un studio qui a déjà tout
prouvé.
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FILMOGRAPHIE DES STUDIOS PIXAR
1
0. The Adventure of André and Wally B. / Les
Aventures d'André et Wally B. (John Lasseter et Alvy Ray
Smith, 1984)
1. Luxo Jr. (John Lasseter, 1986)
2. Red's Dream (John Lasseter,
1987)
3. Tin Toy (John Lasseter, 1988)
4. Knick-Knack (John Lasseter,
1989)
5. TOY STORY (John Lasseter, 1995)
6. Geri's Game / Le joueur d'échec
(Jan Pinkawa, 1997)
7. A BUG'S LIFE / 1001 PATTES John Lasseter
et Andrew Stanton, 1998)
8. TOY STORY 2 (John Lasseter, Ash Brannon
et Lee unkrich, 1999)
9. For the Birds / Drôles d'oiseaux sur une ligne
à haute tension (Ralph Eggleston, 2000)
10. MONSTERS INC. / MONSTRES ET CIE. (Pete
Docter, David Silverman et Lee Unkrich, 2001)
11. Mike's New Car / La nouvelle
voiture de Bob (Pete Docter et Roger Gould, 2002)
12. FINDING NEMO / LE MONDE DE NEMO (Andrew
Stanton et Lee Unkrich, 2003)
13. Boundin' / Saute-Mouton (Bud Luckey,
2003)
14. THE INCREDIBLES / LES INDESTRUCTIBLES
(Brad Bird, 2004)
15. Jack-Jack Attack / Baby-Sitting Jack-Jack
(Brad Bird, 2004)
16. One Man Band / L'Homme-orchestre (Mark
Andrews et Andrew Rimenez, 2005)
17. Mater and the Ghostlight / Martin et la
lumière fantôme (Dan Scalon et John Lasseter,
2006)
18. CARS / CARS, QUATRE ROUES
(John Lasseter, 2006)
19. Lifted / Extra-Terrien
(Gary Rydstrom, 2006)
20. RATATOUILLE (Brad Bird, 2007)
21. Your Friend the Rat / Notre Ami le Rat
(Jim Capobianco et Jeff Pidgeon)
22. Presto (Doug Sweetland, 2008)
1 Les titres en majuscules indiquent les longs
métrages.
23.
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WALL-E (Andrew Stanton, 2008)
24. Burn-E (Angus MacLane, 2008)
25. Dug's special mission / Dug en mission
spéciale (Ronnie Del Carmen, 2009)
26. Partly Cloudy / Passage nuageux
27. UP / LÀ-HAUT (Pete Docter et
Bob Peterson, 2009)
28. Day and Night / Jour et Nuit (Teddy
Newton, 2010)
29. TOY STORY 3 (Lee unkrich,
2010)
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