UNIVERSITE JEAN MOULIN LYON III
Institut des Assurances de Lyon Master 2 Droit des
assurances
Roxanne DESLANDES
Présentation des programmes de cyberassurance et
de leurs limites
2016-2017
Sous la direction de Monsieur Philippe VEZIO
UNIVERSITE JEAN MOULIN LYON III
Institut des Assurances de Lyon Master 2 Droit des
assurances
Roxanne DESLANDES
Présentation des programmes de cyberassurance et
de leurs limites
2016-2017
Sous la direction de Monsieur Philippe VEZIO
Synthèse
Les programmes de cyberassurance forment une réponse
adaptée au risque cyber parce qu'ils couvrent les dommages subis par
l'assuré et les dommages subis par les tiers, tout en fournissant
à l'assuré des prestations d'assistance et de gestion de crise.
Les assurances traditionnelles n'apportent pas une telle réponse
à ce risque parce qu'aucune d'entre elles n'est d'une nature mixte.
Le cyber assureur doit persister dans l'innovation de son
métier en transformant la gestion de crise en gestion de risque et en
repensant la souscription de ce risque complexe, notamment par secteur
d'activité. L'assureur, par son point de vue panoramique sur les
sinistres cyber et son rôle central dans la gestion de risque, peut
contribuer à la cyber résilience en incitant l'assuré
à améliorer sa gouvernance de risque et en dynamisant les
relations avec les divers acteurs du processus.
Les programmes de cyberassurance, dans leur
généralité, ne couvrent pas l'ensemble des
conséquences d'une cyber atteinte puisque les dommages matériels
n'en sont pas couverts. Cela conduit à des éventuels cumuls
d'assurance avec les programmes traditionnels ou des absences de garantie.
L'absence d'exclusion du risque cyber dans de nombreuses
polices traditionnelles amène à une dangereuse
problématique d'accumulation de risque qui n'est, par son aspect
silencieux, pas maîtrisée par les mécanismes de financement
de l'assurance, et sous-tend une problématique de solvabilité des
assureurs et plus encore des réassureurs. Les mécanismes de
modélisation et d'agrégation du risque doivent à l'avenir
permettre un meilleur management de l'accumulation de ce risque.
3
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Remerciements
Je remercie l'Institut des Assurances de Lyon grâce auquel
j'ai pu saisir l'opportunité de réaliser mon mémoire de
fin d'études sur la cyberassurance.
Je remercie Philippe VEZIO, Financial Lines Managing Director
chez Tokio Marine HCC, pour m'avoir accompagnée durant toute mon
étude et s'être tenu accessible et intéressé.
Je remercie Xavier MARGUINAUD, Cyber Underwriting Manager chez
Tokio Marine HCC, pour son expertise, sa disponibilité et ses nombreux
conseils.
Je remercie Nacira GUERROUDJI-SALVAN, Présidente du Cercle
des Femmes dans la cybersécurité (CEFCYS), pour son
dévouement à la cybersécurité et sa volonté
de faire progresser les juniors.
4
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Sommaire
Introduction 6
I La présentation du contrat de cyberassurance 12
A Un contrat d'assurance mixte novateur 12
B Distinguer la cyberassurance des lignes d'assurance
traditionnelles 26
II Les limites des contrats de cyberassurance 36
A La cyberassurance confrontée à la cyber
résilience 37
B La cyberassurance confrontée à l'assurance
49
Conclusion 67
Bibliographie 69
Lexique 72
Table des matières 77
5
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Introduction
La violation de données à caractère
personnel la plus importante aujourd'hui connue a été
dévoilée le 3 avril 2016. Il s'agissait de la soustraction
auprès de l'entreprise panaméenne Mossack Fonseca de plus de deux
térabytes de données fiscales confidentielles relatives à
l'existence de comptes offshore au Panama. 11,5 millions de documents
confidentiels couvrant une période des années 1970 à
l'année 2015 ont été rendus publics par un certain «
John Doe », un initié anonyme. Cela concernait 4,8 millions
d'emails, 3 millions de bases de données, 2,2 millions de fichiers PDF,
1,1 million d'images et 320 000 documents textes. Le but de cette
opération était de mettre en lumière les
inégalités de revenus en dévoilant comment des personnes
connues dans plus de quarante pays incluant le Royaume-Uni, la France, la
Russie, la Chine et l'Inde, cachaient leurs ressources et évitaient de
payer des taxes dans leurs propres pays en créant des comptes et des
entreprises coquilles vides au Panama. Les répercussions politiques de
ce scandale ont été conséquentes puisque le Premier
ministre islandais et le Ministre de l'industrie espagnol ont
démissionné, notamment. Soixante-douze chefs d'Etat ont
été nommés dans cette fuite de données, ainsi que
des centaines de personnes de haut-rang officiel au sein de gouvernements
nationaux, tout comme des personnes notoirement aisées, leurs proches et
leurs associés.1
L'exposition de chacun au risque cyber, personne physique ou
personne morale, est une évidence aujourd'hui. La digitalisation, la
robotisation, le Bring Your Own Device, l'avènement des objets
connectés, de la domotique, du cloud computing, amènent
chacun des acteurs économiques à devenir cyberdépendants
dans le quotidien de leur vie publique et de leur vie privée, et sont
autant de portes ouvertes aux cyberattaques. Les nouveaux moyens de
communication, technologies et systèmes d'information sont une telle
source de développement économique qu'il est souvent fait
référence à la quatrième révolution
industrielle,2 mais rendent les valeurs immatérielles, et
vulnérables.
81% des entreprises françaises ont été
visées par une cyberattaque en 2015 et le nombre des cyberattaques a
augmenté de 51% en une année.3 Les entreprises, qui
ont
1 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 12 p.
2 WORLD ECONOMIC FORUM, The Global Risks Report
2016, 11th edition, 2016, 9 p.
3 AIG, Conférence sur la cyberassurance, Paris,
Mars 2017.
6
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
digitalisé la relation-client-fournisseur et les
relations internes, sont principalement menacées par des groupes
financés et professionnalisés qui agissent à
l'international. Le cyber hacking, consistant en l'introduction
malicieuse dans un système informatique,4 possède une
dimension politique. Les revendications sociales sont facilitées par les
outils numériques qui maximisent la portée du message citoyen et
la rapidité des mobilisations de masse. Le cyber activisme transcende le
champ politique traditionnel.5 La majeure partie de cette
activité considérée comme illégale dans de nombreux
Etats est organisée et hébergée au sein de pays
appelés « paradis numériques », c'est-à-dire
dont la législation numérique est inexistante et/ou lesquels
n'ont conclu aucun accord numérique à l'international. Lorsqu'il
est prohibé, le cyber crime ou le cyber délit reste aujourd'hui
encore très peu réprimé.6 Le rapport
gain/risques est plus élevé que pour les infractions
matérielles, car il est plus facile pour l'auteur de cacher son
identité et d'échapper aux poursuites. La «
cybercriminalité », au regard de la « criminalité
» matérielle, bénéficie d'une réprobation plus
faible de la société civile lorsque cette dernière peine
à cerner l'ampleur de conséquences d'une cyber
atteinte,7 voire même, lorsqu'elle la plébiscite ou du
moins l'avalise.8 Pourtant, les dernières cyberattaques ont
considérablement excédé les plus larges attaques
précédemment observées en termes de magnitude,9
et sont même rendues vénales par le
darknet.10
Par un acte de malveillance, par négligence ou
simplement par erreur, il est possible d'atteindre le système
d'information et/ou les données qu'il contient. En effet, une
moitié des
4 L'intrusion est effectuée à l'insu
de celui qui exploite le système d'information et traite les
données qui y sont contenues. Cette intrusion peut cause des dommages au
système d'informations et/ou aux données qu'il contient.
5 WORLD ECONOMIC FORUM, The Global Risks Report
2016, 11th edition, 2016, 46 p.
6 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 7 p.
7 Voir les campagnes de responsabilisation du grand
public quant au piratage de films sur DVD et l'application de la notion de vol
aux données alors que cette infraction demeure matérielle,
étant définie par le Code pénal français comme la
soustraction frauduleuse de la chose d'autrui.
La société civile ignore la possibilité
que des cyber atteintes puissent produire des dommages immatériels et
matériels.
8 Nous pouvons citer à titre d'exemple le
scandale des Panama Papers encore ou même la récente hacking
saga du groupe HBO dans la diffusion de la saison 7 de la série
Game of Thrones. Le groupe de hackers OurMine a pris le contrôle des
comptes Twitter et Facebook du groupe HBO en publiant un message
précisant qu'ils « testaient » la sécurité et
qu'ils proposaient leurs services pour l'améliorer.
Précédemment, 1,5 térabyte de données a
été soustrait à HBO, incluant un épisode non
diffusé et rendu accessible sur Internet avant sa date de diffusion
officielle, après demande de rançon. HBO Espagne a de même
diffusé par erreur l'épisode 6 de la saison, alors accessible sur
Internet avant sa diffusion aux Etats-Unis.
9 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 10 p.
10 Des définitions sont
présentées au Lexique.
7
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
sinistres cyber est causée par la malveillance, l'autre
moitié par le facteur humain.11 Le facteur humain peut
notamment consister en la mauvaise sécurisation et gestion du
système d'information, mais aussi en l'absence de conscience du risque
cyber et des pratiques fondamentales de cybersécurité. Les
conséquences, matérielles et immatérielles, en sont tout
autant désastreuses : violation de données de valeur -
d'entreprise, de propriété intellectuelle, à
caractère personnel, bancaires -, perte d'image, pertes d'exploitation,
cyber extorsion, explosion...12 Neuf semaines sont
nécessaires pour réparer les conséquences d'un sinistre
cyber et le coût total moyen d'une atteinte à la
sécurité des données s'élève à 4
millions de dollars américains.13
Le transfert non autorisé de données en
provenance d'un système d'information, de manière manuelle par
une personne avec un accès physique au système ou de
manière automatisée par un programme informatique malicieux,
continue d'être la cause cyber prédominante de dommages
immatériels.14
La cybersécurité, ou, stricto sensu,
comment sécuriser les systèmes d'information, est ainsi un sujet
vital pour tout acteur qui traite informatiquement des données. Il
s'agit d'un véritable sujet de direction et de gouvernance, faisant
partie d'un processus plus global de résilience. Elle est devenue un
enjeu économique, stratégique et politique pour les Etats. Selon
les estimations, la cybercriminalité coûte à
l'économie mondiale 445 milliards de dollars américains, ce qui
est plus élevé que de nombreux revenus nationaux. Le risque cyber
est un risque global.15 Si l'événement incertain se
réalise, les dommages causés peuvent être significatifs et
impacter l'économie de plusieurs pays et industries sur plusieurs
années. Les risques globaux ne connaissent pas de frontières
géographiques.16 La cyber résilience est à la
source d'un renforcement réglementaire et législatif tant au
niveau national qu'international.
L'appréhension du risque cyber et la protection des
données et des systèmes d'information passe indéniablement
par la technique. Cette protection technique est toutefois
11 MOUNIER, Lucien, souscripteur cyber chez Beazley,
Formation cyberassurance, Paris, Juin 2017.
12 Nous constaterons plus en avant
qu'il est possible qu'une atteinte cyber produise des dommages
matériels, compris comme matériels et corporels, lorsqu'elle
concerne un système d'information opérationnel notamment.
13 AIG, Expertise Sinistres, Assurance cyber :
analyse des principales tendances, Livre blanc sur la criminalité,
4 p.
14 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 10 p.
15 WORLD ECONOMIC FORUM, The Global Risks Report
2016, 11th edition, 2016, 11 p.
16 En annexe : WORLD ECONOMIC FORUM, The Global
Risks Report 2016, 11th edition, Schéma, 2016, 3 p.
8
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
9
perméable et se complexifie à mesure que
l'interconnectivité des systèmes et la cyberdépendance
augmentent.17 Face au sinistre que constitue une cyberattaque ou un
cyber incident, potentiellement systémique, l'assurance est un
mécanisme de pérennité complémentaire à la
cybersécurité, et s'ancre pleinement dans le processus de cyber
résilience. La cyber résilience est une approche globale du cyber
risque qui implique le facteur humain et les technologies de l'information dans
une vision préventive et corrective à court, moyen et long terme.
L'assurance est un mécanisme pécuniaire et contractuel qui permet
la fourniture de prestations de services à la réalisation du
risque en contrepartie du paiement d'une prime ou d'une cotisation. La
réponse assurantielle est toutefois traditionnellement cantonnée
à la prestation de transfert financier. Pourtant, modéliser le
risque cyber alors que sa nature même est extrêmement
évolutive et l'appréhender tant dans sa prévention que
dans sa gestion post-event, c'est participer de sa
compréhension et de sa bonne gouvernance. L'assurance doit permettre de
transférer le risque cyber résiduel, mais aussi, de le
réduire. Elle est au coeur de la maîtrise de risque.
Face à la digitalisation de l'économie et
à l'essor des cyberattaques, le marché de l'assurance, d'abord
anglo-saxon puis mondial, a développé des offres
spécialisées de cyberassurance, en parallèle des
extensions de couverture cyber apparues dans les lignes d'assurance
traditionnelles mais n'apportant toutefois pas une réponse globale au
cyber risque. AIG, ACE, XL, CNA, Beazley ont été les premiers
à se positionner sur le marché français. En 2013, Allianz
et AXA ont proposé des contrats spécifiques de cyberassurance. En
2011, le portail interactif Play Station Network de Sony a été
piraté et les données à caractère personnel de 100
millions d'utilisateurs ont fuité. La juridiction de l'Etat de New-York
a rejeté la réclamation en indemnisation de Sony Corporation
à l'encontre de ses compagnies d'assurance Zurich American et Mitsui
Sumitomo, estimant que la police de responsabilité civile visée
ne couvrait pas les préjudices résultant de l'exfiltration et de
la divulgation de données à caractère personnel par des
pirates informatiques. Sony Corporation a ainsi été tenue
débitrice de centaines de millions de dollars de pénalités
et coûts associés18 pendant que le marché de la
cyberassurance prenait son envol à l'international.
17 Selon une étude portée par
Trustware en 2016, 97% des applications ont une ou plusieurs
vulnérabilités de sécurité.
18 BAUME, Thomas, Piratage informatique : le
tribunal de New York donne raison aux assureurs de Sony,
L'Argus de l'assurance, Juillet 2014.
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Les contrats spécifiques de cyberassurance ont pour
ambition de protéger les assurés contre les atteintes au
système d'information et/ou aux données qu'il contient et
d'apporter une réponse adaptée à un risque complexe. Le
terme d'« atteinte », repris dans la plupart des conditions
générales des cyberassurances, est neutre quant au fait
générateur, qui peut être une cyberattaque ou un cyber
incident, impliquant ou non une intention de nuire, sous la réserve des
exclusions de risque qui sont plus ou moins propres à chaque assureur.
Une exclusion de risque d'une police de cyberassurance peut par exemple porter
sur les atteintes au système d'information et/ou aux données
causées par une panne informatique. Le terme d'atteinte est assez large
pour englober tout type de mutation du système d'information ou de la
donnée. La sécurité d'un système d'information et
des données contenues est évaluée selon trois
critères : la disponibilité, l'intégrité et la
confidentialité. Lorsque l'un de ces éléments est remis en
cause, le système d'information et/ou les données qu'il contient
sont atteints. Les données sont atteintes lorsqu'elles sont sans
autorisation altérées, supprimées ou divulguées. Le
système d'information est atteint lorsque sans autorisation il est
introduit, qu'il est indisponible ou qu'il dysfonctionne.19
Le mécanisme contractuel permet aux assureurs de
définir librement les risques et garanties ainsi que le fonctionnement
du contrat dans la limite du respect de la loi. La prise en charge du risque
cyber diffère donc indéniablement d'un assureur à l'autre
par la définition des garanties accordées, les plafonds, les
franchises, les sous-limites, les exclusions.
Nous allons présenter la structure globale de ces
programmes de cyberassurance et les distinguer des polices traditionnelles,
afin de cerner l'intérêt de souscrire un contrat spécifique
de cyberassurance.
Les clients « grands comptes », particuliers ou
entreprises, sont aujourd'hui couverts. Les petites et moyennes entreprises
ainsi que la grande majorité des particuliers ne sont pas ou peu
couverts par un contrat de cyberassurance alors qu'ils sont tout autant
visés par des cyberattaques et sujets à des cyber incidents. Ces
derniers sont souvent novices en matière de cybersécurité
et de fait, en cyber résilience aussi.
La souscription d'un contrat de cyberassurance ne comble
cependant pas l'ensemble des atteintes des assurés quant à prise
en charge par l'assurance du cyber risque, et s'expose à
19 ALAU, Ingrid, Mémoire de recherche,
Les cyber-risques dans l'entreprise : enjeux et assurance, Master 2 Droit
des assurances, Institut des Assurances de Lyon, 2013.
10
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
plusieurs limites. Le marché de la cyberassurance doit
relever deux principaux challenges : innover la souscription et la gestion de
risque cyber, gérer la problématique du cumul sur les
portefeuilles cyber et sur les portefeuilles globaux tout en positionnant la
capacité afin de faire face au fort potentiel catastrophique du risque
cyber.
L'assureur doit repenser son métier afin de
maîtriser le risque cyber. Nous allons, tout en cernant les limites des
programmes de cyberassurance, porter la réflexion sur d'éventuels
axes d'amélioration et perspectives d'évolution de la
cyberassurance. Nous constaterons alors que le cyber assureur peut se
positionner comme la pierre angulaire du processus de cyber résilience
tant nécessaire à l'appréhension du cyber risque, complexe
et protéiforme.
11
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
I La présentation du contrat de cyberassurance
L'assurance est un des piliers de pérennité mais
aussi de protection des entreprises. Constituant traditionnellement une
prestation de transfert financier du souscripteur à l'assureur, elle se
fait face au cyber risque une offre de garanties adaptées et de services
de gestion de crise. L'appréhension du risque cyber par l'assurance
demande de fournir des garanties dommages20 et des garanties de
responsabilité. Nous étudierons tout l'enjeu de l'adaptation de
ces garanties au cyber risque. Cette nature mixte particulière au
contrat de cyberassurance distingue ce dernier des autres contrats d'assurance
qui pourraient éventuellement s'appliquer au risque cyber, sans
toutefois en apporter une réponse globale. Nous constaterons cependant
que les lignes traditionnelles restent dans la perspective du risque cyber, et
peuvent venir, hélas en cumul, mais aussi en complément de
couverture d'une police de cyberassurance. En effet, nous constaterons qu'une
cyberattaque ou un cyber incident peut causer des dommages matériels et
que ces derniers sont généralement exclus de la couverture des
polices cyber, sans pour autant ne pas être pris en charge par les
polices traditionnelles, du fait de leur exposition affirmée ou
silencieuse au cyber risque.
A Un contrat d'assurance mixte novateur
Le contrat d'assurance cyber est une couverture en «
Périls Dénommés », c'est-à-dire qu'il prend en
charge uniquement les risques qui y sont explicitement définis, en
excluant de fait tout le reste.
Le risque cyber est complexe et protéiforme, le contrat
d'assurance doit donc disposer de plusieurs volets pour appréhender ses
diverses typologies et ses diverses conséquences. L'idée est
d'assurer les dommages subis par les tiers et les dommages subis par les
assurés.
20 Le terme d'assurance dommages n'est
juridiquement pas exact puisque les assurances de dommages, qu'elles soient
indépendantes ou comprises dans un contrat mixte, sont opposées
aux assurances de personnes, les unes protégeant le patrimoine de
l'assuré, les autres sa personne. Par principe, les assurances de
dommages sont indemnitaires alors que les assurances de personnes sont
forfaitaires. Les assurances de dommages recouvrent les assurances de
responsabilité, qui prennent en charge les dettes de l'assuré, et
les assurances de choses qui en protègent l'actif. Les assurances et
garanties de dommages évoquées dans ce mémoire sont des
assurances de choses, mais les assureurs usent de ce terme pour distinguer les
assurances de choses des assurances de responsabilité civile.
12
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Ces volets sont des volets d'assurance, mais aussi de
prestations de services d'assistance, d'expertise et de conseil.
Le contrat de cyberassurance est un contrat « pick
and choose », c'est-à-dire à tiroirs. Les
différentes garanties au sein des volets dommages et
responsabilité civile sont proposées à la souscription,
afin de s'adapter au profil technique et contractuel du client. Le même
besoin d'adaptation s'exprime quant aux prestations de services de gestion de
crise.
1 Les garanties standards
Il s'agit des garanties qui se retrouvent dans la plupart des
contrats de cyberassurance et qui forment la structure « first and
third party » du contrat de cyberassurance.
a) Les garanties dommages
Les garanties dommages viennent couvrir les pertes de
l'assuré suite au sinistre, en dehors de toute réclamation de
tiers.
L'assureur cyber prend à sa charge, dans la
globalité des offres de cyberassurance, les frais de restauration de
données et de remise en état du système d'information, les
frais de notification, les frais de surveillance, les frais d'enquêtes et
de sanctions administratives, les frais de cyber extorsion, et les pertes de
revenus consécutives au sinistre.
Suite à un sinistre cyber, il est en effet
nécessaire pour l'assuré et l'assureur de déterminer la
cause de l'événement et l'étendue des dommages, afin
d'endiguer le sinistre, dans l'idéal d'en minimiser les
conséquences, et d'entrer dans le processus de réparation, et
voire même, nous le verrons, d'amélioration.
Les garanties de dommages sont activées par le fait
dommageable. Il faut agir rapidement si nous voulons limiter les
conséquences d'un sinistre cyber. Les garanties dommages sont donc
globalement des garanties d'urgence et sont souvent associées à
des prestations de conseil juridique, de relations publiques et d'expertise en
cybersécurité. En dehors des pertes d'exploitation, de la cyber
extorsion qui est souvent optionnelle bien que standard, et des garanties
d'enquêtes et de sanctions administratives, les garanties dommages font
partie du volet « assistance et gestion de crise ».
13
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
14
i. Les garanties d'urgence
A la suite d'un sinistre cyber, il est nécessaire de
rechercher et de détecter les causes du sinistre. Cette action peut
être réalisée par du personnel compétent en interne
ou par un prestataire d'expertise informatique. L'assureur cyber peut prendre
en charge ces frais. Au titre des prestations de gestion de crise, l'assureur
peut être en position de mettre en relation l'assuré avec un
service d'expertise informatique, et voir, de coordonner les
opérations.
Sont ensuite impliqués des frais de reconstitution ou
de restauration de données ainsi que de remise en état
opérationnel du système. Il est nécessaire pour
l'assuré de réaliser au préalable des sauvegardes des
données de manière régulière et d'établir un
déroulement des procédures de sauvegarde afin que ces
dernières ne subissent pas de dysfonctionnements le moment où
elles sont indispensables. Un assuré manquant de diligence peut
être sanctionné par l'assureur en moyen de clauses d'exclusion ou
de conditions de garantie.
Lorsque des données bancaires sont atteintes lors du
sinistre, l'assureur peut proposer de prendre en charge des frais de
monitoring c'est-à-dire de surveillance sur le marché de
la revente de données et de l'utilisation de ces données dans des
transactions bancaires. Au sein du volet gestion de crise, l'assureur peut
mettre à disposition de l'assuré et des personnes
concernées un service d'assistance sur une période pouvant durer
plusieurs années.
L'assuré qui subit un cyber sinistre doit adopter une
communication adéquate dès la découverte du sinistre afin
de préserver son image auprès de ses prestataires, ses clients et
du grand public, et ce indépendamment de l'origine, malveillante ou
accidentelle, de l'atteinte. Il est en effet difficile de cerner les
conséquences financières d'une perte d'image due à un
sinistre cyber au-delà du cercle des personnes atteintes par une
violation de données à caractère personnel. C'est pourquoi
il faut y remédier au plus tôt en faisant appel à des
prestataires de services de relations publiques et de communication qui
minimiseront les craintes des entreprises sur cet impact et géreront la
crise. L'entreprise touchée par un sinistre cyber manque souvent de
recul et risque d'aggraver la situation en ne profitant pas de conseils
avisés dans un domaine dans lequel elle n'est peut-être pas
experte. Cette observation est aussi valable pour les particuliers, qui sont en
général tout autant novices sur ce point. L'assureur prend en
charge ces frais de communication, mais nous constaterons qu'il ne positionne
pas uniquement comme un assureur traditionnel assumant un transfert financier
au
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
titre d'une assurance de dommages. Il est gestionnaire de
crise lorsqu'il met par exemple en relation l'assuré avec des
prestataires qualifiés de services de communication.
Cette nécessité de communiquer est
exacerbée par l'obligation de notification qui s'applique en cas de
violation de données à caractère personnel. Cette
obligation de notification des atteintes à des données à
caractère personnel est renforcée par le Règlement
général européen sur la protection des données
à caractère personnel21 entrant en vigueur le 25 mai
2018. Actuellement, la violation de données personnelles par une
entreprise lambda n'est pas sanctionnée par une obligation de
notification, au contraire du cas des hébergeurs et des prestataires
informatiques. La nouvelle réglementation instaure une obligation
élargie de notifier l'atteinte puisqu'elle s'applique à toutes
les entreprises, peu important leurs secteurs d'activité.
L'obligation de notifier l'atteinte dans les 72 heures du
sinistre jouera dans plusieurs hypothèses. En cas de violation de
données personnelles, toute entreprise traitant des données, et
non plus seulement les fournisseurs de services de communications
électroniques au public, doit notifier à l'autorité
compétente, la Commission nationale de l'informatique et des
libertés (CNIL) en France, et aux intéressés. En cas
d'atteinte aux systèmes d'information des opérateurs de services
essentiels et des fournisseurs de services numériques, ces derniers
doivent notifier à l'autorité compétente. Cette obligation
s'applique pour l'instant aux opérateurs d'importance vitale en faveur
du premier ministre et de l'Agence nationale de la sécurité des
systèmes d'information (ANSSI).22
Les frais de notification sont pris en charge par l'assureur
au titre du volet dommages. Le manquement à l'obligation de notifier
engage néanmoins la responsabilité du responsable de traitement
et peut être couverte par le volet de responsabilité civile du
contrat de cyberassurance. L'enjeu de clarifier cette dichotomie est
principalement, en France, l'étendue de la garantie dans le temps, car
les garanties de responsabilité civile en base réclamation
applicables aux risques professionnels sont assujetties au régime
légal de l'article 124-5 alinéa 4 du Code des assurances.
Cette obligation de notifier amène à la
naissance de risques en cascade : enquêtes administratives,
réclamations, recours en justice. Ces risques rendent impérative
la fourniture
21 PARLEMENT EUROPEEN ET CONSEIL, Règlement
(UE) 2016/679, 27 avril 2016.
22 AIG, Autopsie d'un sinistre, Risques de
cybercriminalité, classe virtuelle, 30 juin 2017.
15
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
de prestations de communication et juridiques, qui aideront
l'assureur et l'assuré à minimiser les conséquences du
sinistre.
ii. L'option de la cyber extorsion
La cyber extorsion est une garantie dommages d'urgence. Elle
aussi demande d'être accompagnée par des prestations de gestion de
crise, si non même en est la parfaite combinaison, ce qui justifie son
étude particulière. La cyber extorsion est une garantie standard
des contrats de cyberassurance mais souvent optionnelle.
La menace d'extorsion est définie par AIG dans son Pack
Cyber comme toute demande de remise de fonds faite à l'assuré aux
fins d'empêcher ou de mettre fin à une menace à la
sécurité du système informatique pouvant aboutir à
une atteinte à la sécurité des données et causant
un préjudice financier au souscripteur.23 AIG prend en charge
le versement de fonds pour empêcher ou mettre fin à la menace
d'extorsion et les frais engagés auprès de tout consultant
indépendant pour effectuer une enquête déterminant la cause
de la menace. Dans les conditions générales Beazley Breach
Response de Beazley, nous pouvons noter que l'assureur prend à sa
charge, sous son consentement préalable écrit, les frais que le
souscripteur est contraint d'exposer pour mettre fin à la menace
d'extorsion, toute perte, destruction, disparition des espèces et biens
en cours de transfert pour le compte du souscripteur, et les frais et
honoraires auprès de consultants.24 Cette garantie est
confidentielle. En général, sont exclues de la garantie les cyber
extorsions impliquant des personnes internes à la cible.
Les hypothèses de cyber extorsion sont relativement
rares biens que le nombre de ces événements aient
récemment augmenté en fréquence. La cyber extorsion se
réalise fréquemment au moyen d'un ordinateur personnel afin
d'atteindre des entreprises du small et du middle market. La
demande de rançon est souvent contenue dans un e-mail. Le nombre
d'entreprises atteintes est large et le montant de la rançon
conséquent. La cyber extorsion prend place dans des cyberattaques par
ransomware, par lesquelles des malwares sont infiltrés
dans les systèmes d'information de l'entreprise pour mettre hors d'usage
les serveurs et bloquer les données jusqu'à ce que la
rançon soit payée. L'année 2016 a été le
théâtre de
23 AIG, Conditions générales Pack Cyber
072014, 25 p.
24 BEAZLEY, Conditions générales Beazley
Breach Response, 17 p.
16
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
nombreuses cyberattaques par ransomware. L'ampleur de
la cyberattaque au moyen du ransowmare Wannacry a été
telle qu'elle a permis à tout public de prendre conscience des risques
cyber et de l'opportunité de souscrire une cyberassurance.
Nous bénéficions de peu de données sur le
point de savoir si les demandes de rançon aboutissent effectivement
auprès des entreprises, car peu d'entre elles sont prêtes à
divulguer cette information. Des alternatives au paiement de la rançon
existent toutefois, dans certains cas. Par exemple, en novembre 2016 une
attaque avec cyber extorsion a gelé le système de paiement du
train de San Francisco en l'attente du paiement d'une rançon de 73 000
dollars. Au lieu de payer cette somme d'argent, la municipalité a
préféré laisser les clients utiliser le train gratuitement
pendant la reconstitution du système d'information.25 D'un
point de vue pragmatique, il peut apparaître à certains plus
rentable, du moins à court terme, de payer le prix d'une rançon
que d'investir dans des prestations de décrytage/cryptage et de
supporter les frais d'interruption d'exploitation. Cette remarque est
éminemment vraie concernant les particuliers. Toutefois, compte tenu de
l'augmentation du nombre de cyberattaques et de la vulnérabilité
toujours plus grande des données, il est certainement à
conseiller d'investir en tout état de cause dans des mesures toujours
plus avancées de cybersécurité.
La typologie de cette menace cyber peut justifier la
présence de cette garantie au sein du volet gestion de crise. Elle
participe de la novation du rôle de l'assureur traditionnel qui ne doit
cesser d'être développée.
iii. Les pertes et frais supplémentaires d'exploitation
Une atteinte au système d'information d'une entreprise
et/ou aux données contenues cause une baisse du chiffre d'affaires,
c'est-à-dire des pertes d'exploitation.
Il s'agit ici de considérer les conséquences
financières de la perte d'image de l'entreprise sinistrée qui
existeront malgré la mise en place d'une stratégie de
communication efficace en urgence et durant toute l'ouverture du sinistre.
L'entreprise sinistrée perd des clients, des prospects, des partenaires
commerciaux, des contrats en cours de négociation. L'entreprise perd
aussi du chiffre d'affaires du fait du dysfonctionnement du système
25 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 23 p et 25 p.
17
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
d'information qui perdure un certain laps de temps et qui
n'aurait pas été rattrapé par mesures permettant de
maintenir le niveau d'activité ante sinistre.
Les pertes d'exploitation sont comprises chez certains
assureurs comme les pertes de revenus et les frais supplémentaires
d'exploitation.26 Les pertes de revenus sont formées par la
perte de marge brute d'exploitation directement causée par
l'interruption des activités professionnelles consécutive au
sinistre. Les frais supplémentaires d'exploitation sont les coûts
des mesures correctives mises en place afin d'éviter ou de limiter les
conséquences pécuniaires du sinistre et de reprendre le plus
rapidement possible les activités professionnelles. Il est donc possible
que l'assureur finance la location de matériels informatiques par
exemple, le temps que le système d'information soit rétabli. Les
frais supplémentaires d'exploitation peuvent consister en la
réparation ou le remplacement du système d'information si ces
frais sont inférieurs à la perte de marge brute
d'exploitation.
Il s'agit d'un poste conséquent d'indemnisation. Cette
garantie est donc souvent accompagnée d'une franchise de temps. Il
s'agit d'une durée déterminée consécutive à
la survenance du sinistre pendant laquelle les pertes d'exploitation restent
à la charge de l'assuré, l'assureur prenant la main au seuil de
franchise dépassé.
A ce sujet, les attaques par déni de service (DDos)
continuent d'être une composante majeure dans le paysage du cyber risque.
Le nombre d'attaques DDoS envers les entreprises augmente de 130%
d'année en année et l'intensité de ces attaques bat de
nouveaux records. L'avènement de l'Internet des objets27 a
permis de mettre en ligne des systèmes avec de faibles niveaux de
sécurité. 70% des objets connectés sont vulnérables
aux cyberattaques du fait de mots de passe faibles ou d'interfaces web non
sécurisées. Ces objets connectés peuvent être la
source d'un trafic envers une cible afin de la mettre hors service. Ce type
d'attaque va devenir habituel à ce que le nombre d'objets
connectés prolifère. Certains secteurs d'activité sont
plus fréquemment visés par des attaques DDoS, ainsi presque la
moitié des attaques sont dirigées vers des entreprises de
gaming et leurs serveurs, ensuite des entreprises de média et de
divertissement et pour terminer des entreprises Internet et Telecom. En termes
d'assurance, la durée de ces attaques est un élément
déterminant du coût d'un sinistre cyber, et l'est donc aussi dans
le calcul des franchises de pertes d'exploitation. De nombreuses attaques DDoS
de
26 BEAZLEY, Conditions générales Beazley
Breach Response, 10 p.
27 Soit l'extension d'internet aux objets,
particulièrement du quotidien tels qu'une voiture, une montre, ou une
balance.
18
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
forte intensité sont en-dessous du seuil habituel de
franchise de huit heures. Les attaques de longue durée et de faible
intensité et les attaques répétées jusqu'à
mise hors service de la cible sont plus communes. Les attaques de forte
intensité et de longue durée seront à prendre en
considération par les assureurs à l'avenir au titre de la
garantie des pertes d'exploitation, à partir du moment où elles
arriveront à dépasser le seuil de franchise et à causer
d'importantes pertes financières. A l'heure actuelle, il ne s'agit pas
encore d'une caractéristique des attaques DDoS.28
b) Les garanties de responsabilité civile
Les garanties de responsabilité civile d'un contrat de
cyberassurance sont rattachées à la notion d'atteinte au
système d'information et/ou aux données. Dans le cadre de cette
étude, nous nous pencherons plus précisément sur
l'appréhension par la cyberassurance de la responsabilité civile
des sous-traitants et sur l'assurabilité des amendes et des
pénalités administratives.
i. La notion d'atteinte au système d'information et/ou aux
données
Un contrat de cyberassurance couvre aussi les dommages
causés par l'atteinte aux données et au système
d'information subis par les tiers et qui fondent une réclamation en
réparation.
Les dommages subis par les tiers sont variés, à
titre d'exemples : contamination du système d'information par la
transmission par l'assuré d'un fichier infecté d'un virus,
déni de service du fait de l'inaccessibilité des services de
l'assuré.
Les entreprises traitent des données confidentielles et
personnelles, déterminées comme telles par un contrat ou par la
loi. Une atteinte aux données peut impliquer une violation du droit
fondamental au respect de la vie privée et justifier alors une demande
en réparation. Les entreprises responsables de traitement de
données sont aussi assujetties à des obligations de
confidentialité, de transparence et de durée de conservation
pénalement, civilement et administrativement sanctionnées par le
droit de source européenne.
28 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 19-20 p et 22 p.
19
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Sont pris en charge par un contrat de cyberassurance les
conséquences pécuniaires et frais de défense
résultant de toute réclamation de toute personne pour atteinte
à des données personnelles ou confidentielles. Les garanties de
responsabilité civile sont aussi déclenchées par toute
réclamation de tiers pour atteinte à la sécurité du
réseau ou du système d'information.
Il est possible d'obtenir la prise en charge des frais de
défense et des dommages et intérêts en cas d'engagement de
la responsabilité civile de l'assuré liée au contenu d'un
site Internet.
Par exemple, Beazley couvre la responsabilité civile de
l'assuré en cas d'atteinte aux données, d'atteinte aux
systèmes, en cas de retard ou de défaut de
révélation par le souscripteur d'une atteinte, en cas de
non-respect d'une charte de protection des données en vigueur. Cet
assureur couvre aussi la responsabilité liée au contenu d'un site
internet au titre de réclamations relatives à des actes de
diffamation, de plagiat, de contrefaçon, d'atteinte au droit au respect
de la vie privée ou au droit à l'image,
notamment.29
Hiscox couvre la responsabilité civile de
l'assuré en cas d'atteinte à la sécurité et/ou
à la confidentialité des données personnelles mais aussi
en raison du contenu publié sur un site Internet ou les médias
sociaux. Hiscox couvre aussi l'engagement de la responsabilité civile de
l'assuré en cas d'atteinte à des données confidentielles
de tiers, en cas de transmission de virus ou d'attaque par déni de
service.30
Sont parfois pris en charge les conséquences
pécuniaires et les frais de défense suite à toute
réclamation d'un tiers à l'encontre d'un prestataire ou
sous-traitant de l'assuré pour atteinte aux données personnelles
et confidentielles. Cela est intéressant et participe d'une bonne
appréhension par l'assurance du risque cyber. De nombreuses entreprises
externalisent le stockage de leurs données et le Règlement
général européen de protection des données à
caractère personnel prend en considération le cas du
sous-traitant. L'article 24 de ce règlement introduit un principe
général de responsabilité à la charge du
responsable de traitement relativement à la mise en place de mesures
techniques et organisationnelles pour assurer le respecter les principes de
licéité, transparence, proportionnalité, et de
sécurité du traitement des données. Le responsable de
traitement doit examiner périodiquement les
29 BEAZLEY, Conditions générales Beazley
Breach Response.
30 HISCOX, Conditions générales Data
Risks.
20
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
mesures prises par le sous-traitant dans le sens de la
réglementation. L'article 28 de ce règlement accroît la
responsabilité des sous-traitants qui ont l'obligation, tout comme le
responsable de traitement, de tenir un registre des traitements et de
désigner un data protection officer (DPO). Ils sont tenus d'une
obligation de conseil auprès du responsable de traitement en
matière d'étude d'impact, de sécurité et de
contribution aux audits. Le sous-traitant ne peut lui-même sous-traiter
l'activité de traitement qu'avec l'accord exprès et
préalable du responsable de traitement.31
A ce titre, AIG dans le Pack Cyber couvre la
responsabilité civile de l'assuré, classiquement en cas
d'atteinte aux données personnelles, confidentielles et à la
sécurité du réseau, mais aussi en cas d'externalisation et
de sous-traitance.32
Tokio Marine HCC couvre aussi la responsabilité civile
des sous-traitants en cas d'atteinte aux données et/ou aux
systèmes d'information, mais de manière plus flexible, puisqu'il
n'est pas nécessaire de les lister, et donc, de mettre à jour
cette liste à chaque changement de sous-traitance.33
Répondre efficacement au risque cyber demande en effet d'être
malléable tant en souscription qu'en gestion de sinistre, sans pour
autant perdre en niveau d'expertise.
De nombreux assureurs se demandent comment assurer le
cloud computing, à savoir laquelle des responsabilités du
responsable de traitement propriétaire des données ou du
sous-traitant gardien des données est engagée.34 Par
le cloud, les entreprises externalisent majoritairement le stockage de
leurs données. Il est aussi important de savoir où sont
géographiquement situés les serveurs d'hébergement des
données, puisque le transfert de données à
caractère personnel en dehors de l'Union européenne est
strictement réglementé. Tout transfert de données
personnelles hors de l'Union européenne n'est possible que s'il est
encadré par des outils garantissant un niveau de protection suffisant et
approprié. Il est nécessaire de mettre en place des Binding
Corporate Rules, des règles d'entreprise contraignantes, consistant
en des clauses contractuelles types approuvées par la Commission
européenne, des codes de conduite ou des mécanismes de
certification. Le Privacy Shield est
31 HISCOX, Protection des données
personnelles, Comprendre le règlement européen, 2017.
32 AIG, Conditions générales Pack Cyber
072014, 4 p.
33 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
34 ALAU, Ingrid, Mémoire de recherche,
Les cyber-risques dans l'entreprise : enjeux et assurance, Master 2 Droit
des assurances, Institut des Assurances de Lyon, 2013.
21
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
le mécanisme selon lequel une entreprise assujettie au
droit américain est réputée appliquer un minimum standard
de principes de protection de la vie privée. L'adhésion est
à renouveler annuellement auprès du Ministère du commerce
des Etats-Unis. Seul cet agrément autorise l'entreprise à traiter
des données à caractère personnel collectées au
sein de l'Union européenne.35
Loin de réduire la couverture, et compte tenu des
évolutions législatives et réglementaires, l'utilisation
de services tels que le cloud devrait amener les assureurs cyber
à inclure au sein de leurs couvertures le risque d'externalisation, qui
est une composante majeure du cyber risque et qui remet en question la notion
d'assuré.
Cela fait plus globalement écho à la nature
« périls dénommés » du contrat de
cyberassurance, qui par défaut ne couvre pas les évolutions
technologiques les plus récentes, et nécessite donc un certain
entrain d'innovation des assureurs pour répondre de manière
constante et efficace aux besoins des assurés.
Enfin, le contrat de cyberassurance contenant des garanties de
responsabilité civile, il se trouve dans le champ d'application des
actions de groupe. La Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation
de la justice ouvre la possibilité d'une action de groupe pour faire
cesser le traitement illégal de données à caractère
personnel. Il s'agit d'une action en vue de stopper le préjudice subi
par des personnes physiques. Cette action de groupe ne possède pour
l'instant pas de caractère indemnitaire, il n'y a pas de notion de
réparation du préjudice.36 L'impact financier de
l'action de groupe sur le montant de l'engagement de la responsabilité
civile de l'assuré sera toutefois à considérer. Nous
constatons bien que le principal enjeu en matière de
responsabilité civile d'un assuré cyber est l'atteinte aux
données à caractère personnel.37
ii. La prise en charge incertaine des enquêtes et sanctions
administratives
Des garanties de cyberassurance peuvent porter sur les frais
d'enquêtes et de sanctions administratives, ainsi que sur les
pénalités contractuelles PCI-DSS. La responsabilité civile
contractuelle peut être exclue du champ d'application du contrat de
cyberassurance. Les
35 HISCOX, Protection des données
personnelles, Comprendre le règlement européen, 2017.
36 MOUNIER, Lucien, souscripteur cyber chez Beazley,
Formation cyberassurance, Paris, Juin 2017.
37 ALAU, Ingrid, Mémoire de recherche,
Les cyber-risques dans l'entreprise : enjeux et assurance, Master 2 Droit
des assurances, Institut des Assurances de Lyon, 2013.
22
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
garanties de couverture des frais d'enquêtes et de
sanctions administratives sont déclenchées par toute
réclamation prenant la forme d'une procédure réglementaire
engagée par la Commission Nationale de l'Informatique et des
Libertés à l'encontre de l'assuré pour violation de la
réglementation protectrice des données personnelles par une
atteinte au système d'information et/ou aux données.
La Commission nationale de l'informatique et des
libertés est crédibilisée dans son pouvoir de sanction par
la nouvelle réglementation européenne de protection des
données à caractère personnel puisque l'amende qu'elle
peut porter à l'encontre des entreprises n'ayant pas respecté
leurs obligations de traitement peut aller de 2% à 4% du CA mondial ou
de 10 à 20 millions d'euros, selon lequel de ces montants est le plus
important. La Commission nationale de l'informatique et des libertés a
un pouvoir d'appréciation et sanctionnera les entreprises qui n'auront
par exemple pas mis en place de politique de sécurisation des
données et des systèmes d'information, ou qui n'auront pas
notifié les personnes concernées. La capacité de la
société victime à réagir au sinistre cyber pour le
restreindre et pour continuer à assurer la protection des données
personnelles est prise en considération par l'autorité
compétente dans sa décision de sanctionner.
L'intérêt de souscrire une cyberassurance n'en est donc que plus
vif.
La volonté de protéger les données
à caractère personnel est portée par de nombreux Etats
dans le monde. En France, les pouvoirs publics poussent à une mise en
conformité avec la nouvelle réglementation européenne au
plus rapide. La Commission nationale de l'informatique et des libertés
embauche massivement pour avertir et sanctionner. D'autres autorités
compétentes européennes ont déjà commencé
à condamner les entreprises manquant de diligence dans leurs obligations
de protection à hauteur de plusieurs millions. Le règlement
européen est déjà appliqué dans certains
Etats.38
Il est toutefois possible que cette garantie sorte du giron de
la cyberassurance pour cause d'inassurabilité, ce qui constitue une
limite à la cyberassurance, tout comme cela constitue une limite
à l'assurance dans sa globalité.
Par conséquent, les assureurs formulent cette garantie
de manière assez évasive, à savoir que les amendes et
pénalités administratives sont prises en charge lorsqu'elles
sont
38 AIG, Autopsie d'un sinistre, Risques de
cybercriminalité, classe virtuelle, 30 juin 2017.
23
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
légalement assurables au regard du droit applicable.
Pour ce qui est du droit français, les assureurs résident dans
l'attente d'une position plus explicite de la part de la Commission nationale
de l'informatique et des libertés, ou in fine, de la jurisprudence sur
l'assurabilité de ces amendes.
2 La prévalence de prestations de gestion de crise
Le volet gestion de crise est le fer de lance des contrats de
cyberassurance. Associé au mécanisme de transfert financier, il
est représentatif de l'aspect innovant des contrats de cyberassurance
par rapport aux lignes d'assurance traditionnelles sur le risque cyber.
a) Prestations de dommages d'urgence
Actuellement, ce volet « gestion de crise » est
constitué des garanties de dommages activées en urgence,
c'est-à-dire que nous y retrouvons toutes les garanties de dommages
évoquées précédemment à l'exclusion des
pertes d'exploitation et des frais de cyber extorsion. Sont incluses dans le
volet gestion de crise les garanties de dommages des frais de recherche de la
cause du sinistre et de rétablissement du système d'information,
des frais de communication et de relations publiques, de restauration des
données et de notification. Ces frais sont complétés par
les frais de monitoring lorsque des données bancaires sont
impliquées.
b) Gestion de crise : de la mise à disposition
à la coordination
Ces garanties de dommages sont combinées à des
prestations d'assistance et de gestion de crise.
Cette gestion de crise peut être réalisée
de plusieurs manières. Pour l'instant, les assureurs concluent souvent
des partenariats avec des prestataires de services informatiques, juridiques,
de relations publiques et de communication afin de les mettre à
disposition de l'assuré.
Le volet gestion de crise du contrat cyber est
impératif, car à la survenance d'un sinistre cyber, il faut
enquêter, communiquer, endiguer. Une cyberattaque fonctionne par effet
domino. Plus l'entreprise réagit vite et bien plus elle a de chance de
minimiser le dommage et
24
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
de clore rapidement le sinistre. Le positionnement
spécifique de l'assureur en tant que gestionnaire de crise est
stratégique pour les petites et moyennes entreprises et les particuliers
car ces cibles n'ont généralement pas les moyens de réagir
vite et bien à un sinistre cyber. Il est tout autant intéressant
pour les entreprises grands comptes d'activer leur police cyber lors de la
survenance d'un sinistre afin de bénéficier d'un avis
extérieur qui permet une prise de recul.39 Les
premières 48 heures en suite au sinistre sont déterminantes.
C'est durant ce laps de temps que vont intervenir les mesures phares du volet
gestion de crise : les mesures d'urgence. Plus qu'une simple prise en charge de
frais, ces garanties dommages combinées à des partenariats de
gestion de crise forment une mise à disposition d'un panel d'experts,
sans application de franchises.
Hiscox dans son produit Data Risks40 propose des
services d'expertise en sécurité informatique afin d'identifier
la faille de sécurité, de préconiser des solutions pour la
pallier, d'identifier les auteurs d'une cyberattaque et de constituer un
dossier de recours. Un avocat est affecté afin d'identifier la nature et
la portée des obligations légales et réglementaires. Un
spécialiste en communication a pour mission d'aider l'assuré dans
sa communication externe afin de limiter l'impact du sinistre sur sa
réputation.
La transparence sur les prestataires de gestion de crise et la
qualité de leurs services sont primordiales en ce qu'elles doivent
constituer un critère déterminant dans le choix de l'assureur
cyber.
Nous pouvons citer Jimaan Sané, Souscripteur
Technologies, Médias et Société de services chez Beazley :
« (...) De plus en plus d'acheteurs s'adressent aux assureurs pour
qu'ils agissent en fournisseur de services lorsqu'il s'agit de gérer les
conséquences d'une violation importante. Le volet services
représente, selon nous, un moteur essentiel de croissance des
cyber-assurances ». « Notre expérience montre que les
motivations qui conduisent nos clients à souscrire notre cyber-solution,
Beazley Breach Response (BBR), sont de trouver le bon interlocuteur, en cas
d'incident, pour se tirer d'affaire, contrôler les pertes et
atténuer les risques financiers ».41
39 AIG, Autopsie d'un sinistre, Risques de
cybercriminalité, classe virtuelle, 30 juin 2017.
40 Produit qui évolue en septembre 2017 pour
devenir Cyber Clean.
41 BICHARD, Jean Philippe, Beazley : affaire Sony,
une jurisprudence ?, Cyber Risques NEWS, Juillet 2014.
25
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Dans l'idéal, au-delà de la mise à
disposition, l'assureur se fait véritable coordinateur de gestion de
crise entre les différents experts du panel et avec l'assuré.
Cette pratique est encore minoritaire mais gagnerait à se
développer.42 La conclusion de partenariats avec des experts
permet à l'assureur de se positionner en tant qu'interlocuteur
spécialisé capable d'apporter une réponse rapide et
adaptée au sinistre. L'assureur a une vision panoramique du sinistre et
globale des sinistres cyber de son portefeuille profitable à
l'assuré.
B Distinguer la cyberassurance des lignes d'assurance
traditionnelles
Nous présentons le contrat de cyberassurance et les
diverses problématiques qui y sont relatives. Dans cette logique, il est
intéressant de comparer le contrat de cyberassurance aux lignes
traditionnelles d'assurance qui pourraient dans l'éventualité
s'appliquer à un sinistre cyber.
Si des lignes spécifiques de cyberassurance sont
apparues, elles ne monopolisent néanmoins pas l'assurance du risque
cyber, ce qui amène inéluctablement à des éventuels
cumuls d'assurances avec les polices traditionnelles et inversement à
des absences de garanties sur la globalité du risque cyber. En effet, la
plupart des contrats de cyberassurance ne couvrent pas les conséquences
matérielles43 d'une atteinte au système d'information
et/ou aux données, comme les polices traditionnelles peuvent
explicitement exclure le risque cyber ou certains types de dommage.
1 Sur les conséquences immatérielles d'une
atteinte au système d'information et/ou aux données
Les polices spécifiques de cyberassurance sont apparues
notamment parce que lignes traditionnelles d'assurance apportent une
réponse partielle au cyber risque, ne couvrant que la
responsabilité civile ou les dommages ou n'en couvrant pas les
conséquences immatérielles
42 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
43 Nous comprenons les conséquences
matérielles d'un sinistre comme étant matérielles et
corporelles.
26
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
ou de manière sous-limitée. Ces contrats
n'apportent pas de prestations de gestion de crise adaptées au risque
cyber, ni d'intermédiaire spécialisé.
a) La cyberassurance et les contrats de
responsabilité civile professionnelle et des dirigeants
Le volet responsabilité civile d'un contrat de
cyberassurance ne se déclenche pas sur le même fondement qu'un
contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle.
Un contrat de responsabilité civile professionnelle ou
générale, selon les termes des assureurs, couvre les
conséquences pécuniaires et les frais de défense d'une
erreur, négligence, omission causant dans le cadre de l'activité
professionnelle un dommage à un tiers qui en réclame
réparation.
Un contrat couvrant une responsabilité civile
professionnelle est liée à la notion de faute, ce qui n'est pas
le cas d'un contrat cyber, lié à la notion d'atteinte au
système d'information et/ou aux données.44
Les garanties de responsabilité civile d'un contrat de
cyberassurance sont adaptées au risque cyber. Un contrat d'assurance de
responsabilité civile professionnelle, hormis chez les assureurs
anglo-saxons, contient une garantie des dommages immatériels non
consécutifs souvent très sous-limitée. De plus, le mode
d'activation des contrats traditionnels est trop rigide et lent pour être
adapté à la prise en charge d'un sinistre cyber, qui demande de
la réactivité et de l'efficacité. L'intervention de
l'assureur cyber ne peut pas se faire auprès réclamation
écrite du tiers.
Une police de responsabilité civile professionnelle
face à une intrusion dans le système d'information pourrait
éventuellement prendre en charge de manière sous-limitée
les frais de défense et les conséquences pécuniaires de
cette intrusion. Elle ne couvrirait pas l'atteinte à l'image, les pertes
d'exploitation, les frais de restauration, les frais de notification, les
enquêtes et les sanctions de la Commission nationale de l'informatique et
des libertés, car un contrat de responsabilité civile
professionnelle n'est pas un contrat mixte.45
44 PIRSON, Astrid-Marie, Directrice de la souscription
Hiscox France, Atelier cybersécurité, Paris, Juin 2017.
45 AIG, Autopsie d'un sinistre, Risques de
cybercriminalité, classe virtuelle, 30 juin 2017.
27
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Une police de responsabilité civile professionnelle ne
répondrait donc que très partiellement à la menace cyber.
Elle ne couvrirait, dans le champ d'application des contrats de cyberassurance,
que la responsabilité civile liée à la protection des
données à caractère personnel et la responsabilité
civile liée à la sécurité des systèmes
d'information,46 dont l'obligation a été
établie pour toute entreprise depuis la Loi Informatique et
Libertés de 1978.47
La police de responsabilité civile professionnelle
conserve néanmoins de l'intérêt sur le risque cyber dans
les hypothèses où le risque cyber est indissociable d'un risque
de responsabilité civile professionnelle élevé, par
exemple, concernant les hébergeurs, le tertiaire informatique, ou le
secteur des télécoms. Dans ces configurations, le risque de
responsabilité peut être exclu des polices de cyberassurance. Les
polices de cyberassurance et de responsabilité civile professionnelle
doivent donc être articulées l'une par rapport à l'autre
afin d'éviter des trous de garantie. Cela confirme
l'intérêt des polices de cyberassurance à être
malléables.48
Une autre police de responsabilité civile est
fondée sur la notion de faute, la police d'assurance de la
responsabilité des dirigeants. Elle pourrait éventuellement
être activée en cas d'une faute de gestion à la marge du
sinistre cyber.49 Cela serait plausible dans l'hypothèse
où l'entreprise n'aurait pas structuré le processus interne de
cybersécurité en définissant clairement le rôle de
chaque fonction par exemple. De fait, cette police partage aussi le champ
d'application des contrats de cyberassurance sur la responsabilité
civile liée à la protection des données personnelles et
sur la responsabilité civile liée à la
sécurité des systèmes d'information. La police de
responsabilité des dirigeants peut aussi couvrir les frais
d'enquête, d'assistance et de représentation devant des
autorités administratives, et donc, devant la Commission nationale de
l'informatique et des libertés.50
En tout état de cause, la police d'assurance de la
responsabilité des dirigeants subirait les mêmes lacunes que la
police d'assurance de responsabilité civile professionnelle à ne
pas
46 GRAS SAVOYE, Lignes financières, Les
cyber risques, Association Nationale des Industries Alimentaires, avril
2015.
47 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative
à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
48 MOUNIER, Lucien, souscripteur cyber chez Beazley,
Formation cyberassurance, Paris, Juin 2017.
49 AIG, Autopsie d'un sinistre, Risques de
cybercriminalité, classe virtuelle, 30 juin 2017.
50 GRAS SAVOYE, Lignes financières, Les
cyber risques, Association Nationale des Industries Alimentaires, Avril
2015.
28
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
couvrir les frais engagés par l'assuré suite au
sinistre indépendamment d'une réclamation tierce. Elle ne
présente de même pas de prestations de gestion de crise.
L'hypothèse de cumul d'un contrat de cyberassurance se
présente avec de nombreuses autres formes d'assurance de
responsabilité civile telle que les contrats d'assurance des
réclamations liées à l'emploi ou de responsabilité
fiduciaire.51
b) La cyberassurance et les différents contrats de
dommages et fraude
Un contrat d'assurance de dommages vient classiquement couvrir
les dommages subis par l'assuré dans l'actif de son patrimoine.
Différentes couvertures de dommages traditionnelles peuvent être
confrontées à la cyberassurance : l'assurance de dommages aux
biens généraliste, l'assurance tous risques informatiques, le
contrat dommages immatériels informatiques, et l'assurance fraude.
Les polices dommages échouent tout autant que les
polices de responsabilité civile professionnelle à gérer
le risque cyber de sa globalité, à supposer que le produit
d'assurance de dommages contienne la garantie souvent optionnelle des risques
technologiques et prenne en charge des dommages matériels et
immatériels. Les garanties de pertes d'exploitation et des frais de
reconstitution contenues dans les contrats de dommages traditionnels ne sont
généralement pas accordés en cas de dommage
immatériel.
Face à un ransomware, la police dommages peut
toutefois éventuellement couvrir les pertes d'exploitation, les frais
supplémentaires d'exploitation, ainsi que les pertes matérielles
mais ne prendra pas en charge les frais de consultation cyber, d'extorsion, de
décryptage, de reconstitution des données, de notification, de
rançon, qui sont des frais spécifiques au domaine
cyber.52 Une police dommages est « listée » et ne
prendra pas en couverture un dommage qu'elle n'a pas prévu.
Une assurance tous risques informatiques couvre uniquement les
dommages matériels subis par les équipements informatiques, quand
bien même sa nature est en « Tous Risques ». Cette assurance
intervient suite à un dommage matériel tel qu'un incendie, une
explosion, un dégât des eaux ou des dommages électriques.
Elle couvre la détérioration, destruction, perte
51 BENTZ, H., Thomas, Is your
cyber liability insurance any good ? A guide for banks to evaluate their cyber
liability insurance coverage, 2017, 7-8 p.
52 AIG, Autopsie d'un sinistre, Risques de
cybercriminalité, classe virtuelle, 30 juin 2017.
29
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
ou vol du matériel informatique et bureautique et du
matériel périphérique au sein des locaux assurés,
en cours de transport ou chez les tiers. En extension, il est possible de
trouver la garantie des frais de reconstitution des informations contenues sur
les supports, mais de façon consécutive à un dommage
matériel.53
Le contrat dommages immatériels informatiques est
intéressant en ce qu'il s'applique aux atteintes immatérielles
aux données.54 Il est dans le champ d'application du contrat
de cyberassurance mais ne recouvre qu'une partie des conséquences d'une
atteinte à des données. Sont pris en charge les frais de
reconstitution, de décontamination de virus, d'exploitation,
d'identification de la cause du sinistre, les dépenses en relations
publiques et en sauvegarde d'image. Une extension extorsion peut être
souscrite.
L'assurance fraude couvre le patrimoine financier de
l'entreprise à l'encontre des infractions de droit pénal des
affaires, comme l'abus de confiance, l'usurpation d'identité, ou
l'escroquerie, qui sont commises grâce au moyen de technologies de
l'information. L'assurance fraude garantit des valeurs financières alors
que la cyberassurance prémunit le système d'information et les
données qu'il contient. La police fraude ne recouvre qu'une certaine
typologie de risque cyber, le risque cyber impactant des valeurs
financières.
L'assurance fraude peut fournir des services de gestion de
crise. Généralement, elle contient des garanties dommages des
honoraires d'expert (forensics, consultants informatiques), les frais
de reconstitution des données, les frais supplémentaires
d'exploitation ou de décontamination des systèmes d'information.
Sur le volet responsabilité civile, elle peut couvrir les
conséquences de la transmission d'un virus informatique.55
Toutefois, dans l'hypothèse d'un détournement de
service par intrusion dans le système d'information, le pirate modifiant
les données et profils clients pour détourner des fonds, la
police fraude n'intervient qu'après franchises. Elle ne prend pas en
charge les pertes d'exploitation, les frais de notification, les
réclamations des tiers,56 les frais d'enquêtes et de
sanctions de la Commission nationale de l'informatique et des
libertés.57
53 LEYTON, Libre blanc : les cyber risques,
Juin 2015, 9-10 p.
54 LEYTON, supra.
55 GRAS SAVOYE, Lignes financières, Les
cyber risques, Association Nationale des Industries Alimentaires, Avril
2015.
56 Autres que relatives à la transmission de
virus, dans l'hypothèse où cette garantie aurait
été souscrite.
57 AIG, Autopsie d'un sinistre, Risques de
cybercriminalité, classe virtuelle, 30 juin 2017.
30
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Il existe des contrats combinés cyber fraude, comme le
propose par exemple l'assureur
CNA.
c) La cyberassurance et le contrat kidnapping et
rançon
Le contrat de cyberassurance se distingue du contrat
d'assurance kidnapping et rançon en ce que le risque couvert est
différent.
La police kidnapping et rançon face à un
ransomware pourrait couvrir les frais de rançon, y compris de
consultation, ce qu'excluent en général les polices dommages,
mais ne prendrait pas en charge les pertes d'exploitation, les frais de
consultation cybersécurité, de reconstitution, de notification,
d'enquêtes et de sanctions de la Commission nationale de l'informatique
et des libertés.58
Cela dit, le parallèle reste intéressant car le
risque de kidnapping et de rançon demande lui aussi une fine analyse
à la souscription et une gestion de crise efficace, avec des mesures
d'urgence primordiales. Cette police est aussi l'une des rares à couvrir
l'extorsion de fonds, même si cette couverture est
généralement sous-limitée.
2 Sur les conséquences matérielles d'une
atteinte au système et/ou aux données
Nous avons constaté que le contrat de cyberassurance
constituait le seul contrat du marché de l'assurance à apporter
une solution adaptée au risque cyber de par sa nature mixte, ses
garanties spécifiques, combinées à des prestations de
gestion de crise adéquates.
Cela dit, des possibilités de cumul d'assurances
existent puisque les lignes traditionnelles d'assurance de dommages et de
responsabilité civile professionnelle viennent partiellement couvrir des
dommages immatériels consécutifs à un sinistre cyber. Le
cumul d'assurances implique des recours en indemnisation entre assureurs
à la suite d'un sinistre. Il est nécessaire de déterminer
quelle police s'applique en première ligne d'indemnisation et quelles
sont les modalités de répartition du montant total de perte entre
les assureurs. Le cumul d'assurances entraîne un coût surabondant
d'assurance dans le budget de l'assuré.
58 AIG, supra.
31
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Si les contrats des lignes traditionnelles de
responsabilité civile professionnelle et de dommages ne prennent pas en
charge, ou très partiellement, les conséquences
immatérielles d'un sinistre cyber, les contrats de cyberassurance, dans
leur globalité, n'en couvriront pas les conséquences
matérielles. En effet, les contrats de cyberassurance portent souvent en
eux une exclusion des conséquences matérielles
consécutives à une atteinte au système d'information et/ou
aux données. A priori, la possibilité de cumul d'assurances ne se
retrouve donc pas sur les dommages matériels consécutifs à
une atteinte au système d'information et/ou aux données.
Néanmoins, nous constatons alors que les contrats de
cyberassurance, qui apportent une réponse pourtant adaptée au
risque cyber parce que mixte, ne recouvrent pas le risque cyber dans sa
globalité. Certains courtiers poussent à la couverture de ces
dommages matériels par les programmes autonomes de cyberassurance et il
est donc possible de la voir apparaître dans certains contrats, de
façon minoritaire. Ces contrats de cyberassurance prennent en charge les
dommages matériels consécutifs à une cyberattaque ou un
cyber incident. Dans cette hypothèse, la possibilité de cumul
entre la cyberassurance et les assurances traditionnelles sur la prise en
charge des dits dommages matériels réapparaît. Tous les
autres contrats de cyberassurance excluent la prise en charge de ces
dommages.
Du fait de cette dernière exclusion de la
cyberassurance, les assurés ont cherché une autre manière
d'indemniser les dommages matériels d'un sinistre cyber car ces derniers
peuvent être conséquents en fonction du secteur d'activité
impacté par le sinistre. Les polices traditionnelles qui n'auraient pas
exclu ou qui auraient inclus le risque cyber dans leurs conditions
générales peuvent alors trouver à s'appliquer aux
conséquences matérielles du sinistre cyber, sans pour autant
parvenir à y apporter une réponse globale, puisqu'elles n'ont pas
de nature mixte.
Les polices traditionnelles qui n'auraient pas exclu le risque
cyber de leur champ d'application sans pour autant l'inclure sont dites
silencieusement exposées au risque cyber, car leur
périmètre d'intervention n'est pas déterminé. En
effet, de nombreuses polices d'assurance traditionnelles des lignes
professionnelles sont en base « Tous Risques » sans exclure
explicitement les pertes consécutives à la réalisation
d'un risque cyber.59 Ces polices
59 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School, Cyber insurance exposure data schema V1.0,
Cyber Accumulation Risk Management, Cambridge Risk Framework, 2015, 6 p.
32
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
d'assurance, à la différence de la plupart des
polices de cyberassurance, ne contiennent pas d'exclusion relative à la
couverture de dommages matériels. Elles peuvent toutefois contenir une
exclusion sur les dommages immatériels.
Un contrat de cyberassurance, à l'inverse, constitue une
prise en charge affirmative du risque cyber, quand bien même cette
dernière en serait limitée aux conséquences
immatérielles.
L'éventualité d'une prise en charge silencieuse des
conséquences du risque cyber n'est pas à considérer
lorsque le risque cyber est soit explicitement couvert, soit exclu.
La nature des dommages pris en charge n'est pas synonyme
d'exposition au risque.
Nous pouvons synthétiser l'exposition au risque cyber de
l'ensemble des polices d'assurance d'un portefeuille de cette façon :
|
Exposition
affirmée au risque cyber car couvert
|
Exposition silencieuse au risque cyber
|
Pas d'exposition au risque cyber car exclu
|
Polices d'assurance traditionnelles
|
Dommages immatériels
|
Exclusion ou couverture sous- limitée
|
Exclusion ou couverture
|
Non garantie
|
Dommages matériels
|
Couverture
|
Couverture
|
Non garantie
|
Polices de cyberassurance
|
Dommages immatériels
|
Couverture
|
N/A
|
N/A
|
Dommages matériels
|
Exclusion ou couverture
|
N/A
|
N/A
|
Un sinistre cyber peut effectivement causer des dommages
matériels. Une atteinte au système d'information et/ou aux
données peut causer un incendie, une explosion, un dégât
des eaux, des dommages électriques et industriels majeurs. Les
cyberattaques présentent un potentiel pour causer des dommages
matériels lorsqu'elles visent des systèmes d'information
opérationnels ou de contrôle de procédés
matériels. Ce type d'attaque peut viser par exemple le fonctionnement
d'une centrifugeuse qui sépare de la matière nucléaire,
comme l'a fait
33
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
l'attaque Stuxnet. L'attaque peut aussi viser un
générateur électrique, ou le système autopilote
d'un avion.60
Une cyberattaque peut donc causer des dommages corporels. Il
s'agit par exemple de l'hypothèse de cyber extorsion visant un
hôpital. Dans une telle configuration, la vie de certains patients est
mise en jeu par la menace de destruction et la mise hors service du
système d'information.
Selon les termes traduits de Scott Stransky, Assistant Vice
President et ingénieur chez AIR Worldwilde, une entreprise de
modélisation de risque, le risque « silencieux silencieux »,
doublement silencieux, représente le risque élevé dont
sont affectées indirectement les polices non cyber par un
évènement cyber. Par exemple, en avril 2017, une fréquence
radio piratée a déclenché les 156 sirènes d'alarme
météo de la ville de Dallas, permettant habituellement de
prévenir de l'arrivée d'une tornade. 4 400 appels ont
été dirigés au centre d'appel du numéro d'urgence
911 alors en sous-effectif, ce qui a impliqué des retards significatifs
de traitement des appels. Le problème induit peut être multiple :
à déclencher les sirènes relativement souvent, les
habitants finiront par les ignorer, et ce même lorsqu'une tornade aura
effectivement été détectée. Des dommages corporels
et matériels auraient pu suivre cet événement : des
personnes traversant en panique la route et provocant des accidents par
exemple. Des magasins alimentaires auraient pu être braqués en
prévention d'une éventuelle pénurie.61
Ainsi, les cyberattaques peuvent déclencher
différentes polices d'assurance selon le système d'information
ciblé et les dommages qui en ont résulté. Par exemple, une
attaque de la catégorie « technologies de l'information »,
comme une violation de données, activera certainement le contrat de
cyberassurance parce qu'elle provoquera majoritairement des dommages
immatériels. Néanmoins, une attaque de la catégorie des
« technologies opérationnelles », comme une attaque visant un
site industriel, entraînera plutôt l'activation des polices
traditionnelles de dommages et de responsabilité civile.62
L'intérêt de souscrire une cyberassurance couvrant les atteintes
relatives aux systèmes d'information industriels est
60 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 27 p.
61 LENIHAN, Rob, Double trouble with `silent
silent' cyber, Business Insurance, Juillet 2017.
62 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School, The insurance implications of a cyber attack on the
US power grid, Business Blackout, Society & Security, Emerging Risk
Report - 2015 Innovation Series, 25 p.
34
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
35
amoindri par rapport à celui de souscrire une
cyberassurance couvrant les atteintes visant les systèmes d'information
communs. Le dilemme est tangible, puisqu'il n'est pas certain que les polices
traditionnelles d'assurance couvrent les dommages immatériels
consécutifs à un sinistre cyber, ni ne prennent en charge des
frais spécifiques au risque cyber tels que des frais de notification ou
d'expertise technique.63 Les polices traditionnelles contiennent en
majorité une exclusion de couverture des dommages immatériels.
Pour l'heure, la cyberassurance est plus adaptée à couvrir des
systèmes d'information communs qui attaqués sont moins
susceptibles de causer des dommages matériels ou corporels.
Chez les assureurs anglo-saxons, dans les polices de
responsabilité civile, sont souvent exclues les réclamations
suite à des cyberattaques commises avec malice ou relevant des actes de
guerre. Les polices dommages excluent les cyberattaques sauf en cas d'incendie
ou d'explosion.64
L'absence majoritaire de prise en charge des
conséquences matérielles d'un sinistre cyber par les contrats de
cyberassurance combinée à un périmètre explicite et
prévisible des polices traditionnelles excluant le risque cyber le plus
silencieux amènerait à une absence de couverture de ces dommages.
La couverture silencieuse des conséquences matérielles du risque
cyber par les polices traditionnelles vient pour l'instant combler l'absence de
prise en charge de ces dommages dans la majorité des polices
spécifiques de cyberassurance. La tendance des assureurs anglo-saxons
à exclure le risque cyber des polices traditionnelles expliquerait
pourquoi certains courtiers plaident pour la couverture des dommages
matériels consécutifs à une atteinte au système
d'information et/ou aux données par les polices de cyberassurance.
63 DESCAZEAUX, Martin, Assurer
son système d'information industriel contre une cyberattaque, c'est
possible ?, Le blog cyber-sécurité des consultants
Wavestone, Wavestone Riskinsight, Décembre 2015.
64 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 27 p et 29 p.
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
II Les limites des contrats de cyberassurance
Nous avons constaté que les contrats de cyberassurance
présentent une solution novatrice afin de répondre au cyber
risque. Cette solution de la cyberassurance est toutefois en construction et
n'aboutit pour l'instant pas à prendre en couverture l'ensemble des
conséquences de la réalisation d'un risque cyber.
Dans la suite de notre premier développement, nous
sommes capables de discerner deux limites aux programmes de cyberassurance.
D'abord, les programmes de cyberassurance font partie d'un
processus plus global de maîtrise de risque cyber. Le processus de cyber
résilience ne dépend pas seulement de l'assureur. Le contrat de
cyberassurance n'est pas, encore, un contrat de gestion de risque. Les
programmes de cyberassurance s'inscrivent dans un panorama plus global de
gouvernance impliquant des décisions managériales, techniques,
comportementales, gouvernementales. L'assureur peut dynamiser le processus de
cyber résilience et pleinement y contribuer en persévérant
dans l'innovation de son métier. La gouvernance de risque cyber
transcende les limites de l'assurance et pour l'heure, de la cyberassurance
aussi.
Ensuite, les programmes de cyberassurance se heurtent à
leurs propres limites assurantielles. Le risque cyber est complexe et demande
d'être souscrit différemment que de façon traditionnelle.
Le risque cyber est aussi un risque protéiforme capable d'impacter de
façon catastrophique le portefeuille cyber et le portefeuille global
d'un assureur d'une capacité maximale difficile à
modéliser et à matérialiser en amont. L'assureur cyber est
confronté à une importante problématique d'accumulation de
risque cyber qui pour l'heure n'est pas encore solutionnée. Cette
problématique amène les assureurs à développer des
programmes de réassurance et à questionner la réassurance
publique, lorsque le risque cyber se fait inassurable.
36
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
A La cyberassurance confrontée à la cyber
résilience
Le contrat de cyberassurance n'est pour l'instant pas un contrat
de gestion de risque.
De fait, des mesures de cyber résilience doivent
l'encadrer pour permettre une gestion efficace de risque cyber et in fine
profitable au marché de la cyberassurance. L'assureur cyber
à un rôle d'incitation à jouer dans la mise en oeuvre de
mesures globales de cyber résilience. Il s'agit de favoriser la
collaboration entre acteurs de la cyber résilience mais aussi entre
assureurs cyber, d'impliquer les pouvoirs publics dans la sensibilisation au
risque cyber et de contribuer à la responsabilisation des
assurés.
L'assureur cyber peut aussi dynamiser le processus de cyber
résilience en améliorant la cyberassurance et innover la gestion
de crise en gestion de risque. Alors l'assureur se positionne en
véritable clé de voute du processus de cyber résilience.
Il se trouve en effet à une place décisive pour devenir un
véritable gestionnaire de risque.
1 Collaborer avec les acteurs de la cyber résilience
L'assureur peut dynamiser le processus de cyber
résilience en développant des partenariats de collaboration. La
participation des pouvoirs publics dans la sensibilisation au risque cyber est
de même plébiscitée.
a) Entre assurance et technique : la création d'un
référentiel commun
Appréhender le risque cyber demande la collaboration de
multiples acteurs pluridisciplinaires impliqués dans le processus de
cyber résilience, dont le domaine d'expertise va de la technique au
juridique en passant par les relations publiques et le management de risque.
Ces différents acteurs ne partagent pas le même langage et cela
nuit à la lisibilité des offres d'assurance, à leur mise
en place, à leur gestion et plus globalement, au processus de cyber
résilience. La cybersécurité est gouvernée par la
multiplicité des standards. Il serait intéressant
d'élaborer un référentiel commun contenant des
définitions communes des risques et des méthodes de protection,
ainsi que des contenus traités informatiquement. Ce
37
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
référentiel est à actualiser au fur et
à mesure du progrès technologique, des menaces et des
attaques.65 Il permettrait notamment de vulgariser le savoir
technique auprès des assureurs.
Cette méthode trouverait par exemple son utilité
pour définir le cloud et performer sa couverture d'assurance,
ce qui n'est pas forcément le cas pour l'instant alors que de nombreux
assurés y recourent.
Comme évoqué, le risque cyber est aussi un
risque managérial et comportemental. Une police d'assurance cyber sera
inefficace si elle n'est pas accompagnée d'une prise de conscience des
dirigeants, responsables cybersécurité, responsables juridiques,
sous-traitants, clients, particuliers et pouvoirs publics. Il faut
présenter le risque cyber comme un risque d'entreprise auprès des
professionnels66, comme un risque de la vie courante auprès
des particuliers, comme un risque de la vie économique pour les Etats.
Il faut comprendre l'impact du risque, et ne pas se focaliser uniquement sur la
technique de l'attaque, ou la prise en charge financière de ses
conséquences. Il est réducteur de considérer exclusivement
le risque cyber par le prisme de sa technicité.67
L'élaboration de ce référentiel commun
devrait toutefois se cantonner aux fondamentaux et aux tendances
émergentes, car une mise en commun précoce sur des risques cyber
nouveaux pourrait nuire à leur compréhension et à
l'innovation dans les divers métiers de la cyber résilience.
b) Intra-assurance : standardisation controversée
et partage de données sinistre
La nécessité de mutualiser et standardiser les
méthodes concerne aussi le milieu intra-assurance
spécialisé sur le risque cyber. Certains énoncent qu'il
serait intéressant que le marché de la cyberassurance progresse
en standardisant les garanties et termes des conditions générales
d'assurance. Cela participerait bien sûr d'une meilleure
lisibilité des offres. Souscrire un contrat de cyberassurance est un
challenge pour l'assuré, qui peine à comparer les offres afin de
cerner lequel de ces contrats lui serait le plus adapté.
65 TELECOM ParisTech, Alumni, Livre blanc :
comment « débloquer » le marché de l'assurance cyber en
France ?, Juin 2017, 11 p et 14 p.
66 TELECOM ParisTech, Alumni, Livre blanc :
comment « débloquer » le marché de l'assurance cyber en
France ?, Juin 2017, 16 p.
67 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
38
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Le risque cyber est néanmoins un risque complexe aux
multiples facettes et n'est pas encore maîtrisé par le secteur des
assurances. La standardisation peut à l'inverse constituer une limite
aux progrès d'appréhension de ce risque par l'assurance. En toute
hypothèse, la standardisation devra se limiter aux définitions
fondamentales, sans impacter les différentes structures et approches de
couverture ou les garanties en elles-mêmes proposées sur ce
marché en forte innovation. L'exigence d'adaptation et de renouvellement
constant des polices de cyberassurance est antinomique au mécanisme
traditionnel de normalisation des garanties. Plus de cinquante assureurs se
positionnent sur une ligne spécifique de cyberassurance, et chaque
approche est différente. Cette diversité des programmes de
cyberassurance est une force du marché. Le mécanisme de
standardisation des contrats d'assurance peut venir contrecarrer une gestion
adéquate du risque cyber qui nécessite une forte adaptation de
l'offre d'assurance au profil de gouvernance, technique et contractuel de
l'assuré, à la souscription mais aussi en cours de vie du
contrat. Nous remarquons plus d'une fois que le risque cyber est difficilement
pris en charge par les mécanismes assurantiels traditionnels.
L'intervention du courtier averti afin d'accompagner le prospect dans la phase
de souscription mais aussi en cours de vie du contrat est certainement
décisive.
Il est de même possible, dans cette
variété d'offres bienvenue, d'imaginer un partage de
données sinistre entre les assureurs du marché afin que ces
derniers progressent en analyse et parviennent à modéliser le
risque cyber avec moins de difficulté. Pourrait être
créée une base de données des sinistres afin de permettre
un environnement sécurisé qui facilite l'échange
d'informations anonymisées et donc la maîtrise de risque. Une
coopération avec l'Agence nationale de la sécurité des
systèmes d'information est ici envisageable68. Le risque
cyber peut encore être qualifié d'émergent et est en toute
hypothèse évolutif et protéiforme. Les assureurs, qu'ils
bénéficient ou non d'une expérience de souscription sur
plusieurs années69, n'en ont pas une connaissance technique
et statistique absolue et immuable. Cette connaissance imparfaite du risque
rend l'appréhension de ses potentiels d'intensité et de
fréquence difficile. Le coût d'un sinistre cyber est difficilement
quantifiable.
Ce partage d'informations peut être limité
à certains types de données. L'essentiel est que la vue
panoramique de l'assureur sur les sinistres cyber soit maximisée et
qu'il puisse
68 ASSOCIATION DES PROFESSIONNELS DE
LA REASSURANCE EN FRANCE, Etude sur les « cyber risques » et leur
(ré)assurance, Juin 2016, 39 p.
69 Les assureurs anglo-saxons aux Etats-Unis.
39
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
profiter de toute l'expérience cyber, non pas
uniquement sur son portefeuille, mais sur tous les portefeuilles cyber et
in fine impactés par le risque cyber, afin d'offrir à
son assuré la meilleure prestation de gestion de risque. Il s'agit
là d'une mesure vertueuse, puisque le risque cyber présente un
réel potentiel catastrophique.
c) Impliquer les pouvoirs publics dans la sensibilisation
à la cybersécurité
Les pouvoirs publics et les organisations nationales et
internationales ont un rôle à jouer dans cette prise de conscience
globale relative à la cybersécurité. Ils peuvent
être à la source de campagnes de sensibilisation ciblées
sur les bonnes pratiques de cybersécurité et mettre en place des
plateformes d'alerte, de partage d'informations, mais aussi de gestion de
crise. Un service minimum de gestion de crise pourrait être
organisé en cas de sinistre cyber catastrophique, ou à
défaut d'assurance. La lutte contre les paradis numériques peut
aussi devenir un objectif gouvernemental. Des partenariats entre les assureurs
privés et certaines émanations publiques pourraient être
à la source de formations destinées à des publics novices
tels que les particuliers.
Le secteur privé investit aussi dans le processus
global de cyber résilience. De nombreuses entreprises financent d'ores
et déjà l'implémentation de systèmes de
cybersécurité pour protéger leurs valeurs. Cet
investissement global croît de 14% par année, passant de 75
milliards de dollars américains en 2015 à 86 en 2016. Ce chiffre
devrait dépasser les 100 milliards à la fin de la
décennie. En moyenne, les entreprises américaines consacrent 3%
de leur budget à la cybersécurité. Ces dépenses
sont notamment affectées à la formation et à la
sécurisation des objets connectés qui par ailleurs constituent un
enjeu pour la cyberassurance à plus d'un titre.
Cet investissement technique doit participer d'une prise de
conscience cyber dans l'ensemble des sphères de la société
et dans tout type d'activité.
Les pouvoirs publics sont impliqués dans la cyber
défense mais gagneraient à être plus impliqués dans
le processus de cyber résilience. En mars 2016, le gouvernement du
Royaume-Uni a établi un nouveau centre national de
cybersécurité. Ce centre a pour mission une cyber défense
active, c'est-à-dire hacker en retour les hackers. En avril 2016, le
gouvernement allemand a créé une nouvelle direction cyber et
information au sein de la Bundeswerh
40
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
militaire.70 En France, il a été
annoncé que l'Agence nationale de la sécurité des
systèmes d'information va mettre en place une plateforme d'assistance
aux victimes de cyber malveillance. Il serait intéressant d'impliquer
les cyber assureurs dans ce projet. Les Etats doivent démontrer plus
d'initiative, ou favoriser l'initiative sur le processus de cyber
résilience, et notamment en matière de formation et de
prévention du risque cyber. En 2012, Paul Ash a créé en
Nouvelle-Zélande le National Cyber Policy Office (NCPO) afin de
sensibiliser le secteur public, le secteur privé et les individus
à la cybersécurité. Le NCPO promeut la coopération
entre ces différents acteurs, dont les assureurs font partie, et avise
le gouvernement néozélandais en matière de
cybersécurité. Il s'agit d'une belle initiative de cyber
résilience.71
2 Responsabiliser les assurés
Les violations de données à caractère
personnel restent majoritairement localisées aux Etats-Unis mais
nombreuses d'entre elles ont été rapportées par d'autres
Etats en 2016. Les entreprises se responsabilisent partout dans le monde en
dévoilant publiquement la violation et en notifiant les personnes
affectées, bien que la réglementation applicable en
matière de notification ne soit possiblement pas encore aussi
élaborée qu'aux Etats-Unis.72
Le facteur humain est essentiel au fonctionnement du
système d'information. Des salariés utilisent et contrôlent
le système d'information quotidiennement. Les fournisseurs de
prestations de services informatiques interviennent dans la gestion du
système. Ce potentiel humain doit être formé à la
cyber résilience.
De même, l'entreprise est plus ou moins
vulnérable selon les choix qu'elle effectue en matière de
cybersécurité. L'assureur cyber résilient incitera
l'assuré à s'équiper selon un minimum ou un certain
standard de cybersécurité mais aussi à établir une
gouvernance et des procédures de gestion de risque internes
efficaces.
L'assureur peut jouer un rôle dans ce processus de
responsabilisation des assurés qui pour l'instant n'est pas sous son
entière maîtrise, à ce qu'il n'est pas gestionnaire de
risque.
70 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 7 p et 10 p.
71 MARGUINAUD, Xavier, Cyber
Underwriting Manager chez Tokio Marine HCC, Entretien
téléphonique, Août 2017.
72 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 15 p.
41
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
a) 42
Par l'élaboration de clauses d'exclusion
Un des effets pervers d'un transfert de risque réussi
auprès de l'assureur est la déresponsabilisation de
l'assuré. La cyberassurance telle qu'elle est configurée
aujourd'hui n'est toutefois qu'une composante de la gestion résiliente
du risque cyber. L'assuré doit rester diligent et proactif dans la
sécurisation de son activité car la législation
européenne et mondiale ne cesse de le responsabiliser.
Nous avons à ce sujet constaté que les
garanties de responsabilité civile contenues dans le contrat de
cyberassurance ne sont pas rattachées à la notion de faute. De
même, les volets dommages prennent en charge les frais de notification et
il est possible que les amendes administratives soient couvertes. Cela va
à l'encontre de la logique législative et réglementaire de
renforcement des obligations de l'assuré en matière de
cybersécurité. L'assuré, rassuré par la prise en
charge financière des conséquences d'un éventuel sinistre,
peut manquer de s'investir dans le processus de cyber résilience et
spécifiquement de cybersécurité.
La cyberassurance prend le contrepied de cet effet pervers en
élaborant des clauses d'exclusion relatives à toute
défaillance de l'assuré dans les mesures de sauvegarde ou de
cybersécurité. Là encore, il est intéressant de
considérer les hypothèses de sous-traitance et d'externalisation
de l'activité, puisque ces dernières ont vocation à entrer
dans le champ de couverture de la cyberassurance du responsable de traitement
ou, plus globalement, du client de ces services. Des exceptions à cette
prise en charge pourraient prendre la forme d'exclusions, en cas de non-respect
par le sous-traitant des obligations légales ou contractuelles.
b) Par la formation
La formation de l'assuré en matière de
cybersécurité est devenue un prérequis impératif.
Cette formation n'est pas encore d'initiative publique, mais pourrait
l'être. Elle doit donc provenir de l'assuré ou de l'assureur. Un
exemple d'implication de l'assureur, et de son intérêt à
participer d'ores et déjà à la gestion de risque, est
apporté par Hiscox. Cet assureur a développé sur son
nouveau produit Cyber Clean une incitation de l'assuré à
renforcer ses mesures de cybersécurité en souscrivant le contrat
de cyberassurance. Une réduction de prime
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
est accordée si l'assuré souscrit à la
formation continue de cybersécurité SecureSphere
créée par EPITA, une école d'ingénieurs en
informatique. Cette formation porte sur les fondamentaux de
cybersécurité et les bonnes pratiques à adopter en
entreprise. De cette façon, l'assuré connaît les
mécanismes basiques de la cybersécurité et sera à
même d'avoir les bons réflexes, impératifs, en cas de
sinistre alors de probabilité réduite. Cette formation technique
intervient en phase de souscription. Elle pourrait être
accompagnée d'audits de routine à déterminer selon le
profil de l'assuré. Une formation continue est une bonne réponse
face à un risque évolutif. Elle permet de recycler les savoirs
techniques.
Actuellement, la montée d'investissements privés
en cybersécurité et les mesures de routine prévenant une
perte accidentelle de données par les salariés réduisent
effectivement l'incidence des cyberattaques de fréquence et de
relativement faible amplitude. Former l'ensemble des acteurs remonte le niveau
d'exigence d'un cran envers la cybercriminalité, qui doit faire preuve
de plus de talent et de malice pour réussir ses entreprises. De
nombreuses cyberattaques visant les entreprises impliquent des salariés.
Les hackers déterminés et disposant des moyens adéquats
prennent aisément un pas d'avance afin de sauter les barrières de
cybersécurité.73 Il est donc important de
définir le processus interne de réponse à une cyberattaque
bien avant la survenance du sinistre et même la souscription d'un contrat
de cyberassurance, bien que cette dernière contribue à cette
définition indéniablement.
Une formation technique reste toutefois insuffisante à
accomplir la maîtrise du risque cyber puisque ce dernier ne dépend
pas uniquement de facteurs techniques. Cette formation doit être
accompagnée de consultations d'expertise en vue d'établir ou
d'améliorer le processus de gestion de risque cyber au sein de la
structure assurée.
L'assureur a aujourd'hui des possibilités d'influencer
positivement les assurés et d'être impliqué dans le
processus de cybersécurité mais aussi de cyber résilience.
En la matière, il doit être fait du facteur humain un bouclier
plutôt qu'une brèche.74
73 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 8 p et 14 p.
74 PIRSON, Astrid-Marie, Directrice de la souscription
Hiscox France, Atelier cybersécurité, Paris, Juin 2017.
43
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
c) Par l'établissement et l'amélioration de
procédures internes de gestion de risque
La notion de cyber résilience est à opposer
à celle de cyberdépendance. Il est nécessaire d'aboutir
à une organisation efficace et pertinente des facteurs humains en
parallèle des investissements techniques et de conformité
effectués. Le niveau d'information et de transparence doit être
élevé, les mises à jour fréquentes.
Le risk manager ou le chief risk officer a
un rôle à jouer dans l'entreprise afin de promouvoir la notion de
cyber résilience. De ce fait il doit participer à la vie de la
cyberassurance de l'entreprise. La cyberassurance est cependant un sujet de
direction75 parce qu'elle fait partie d'un processus global
impactant l'organisation interne de la structure assurée, et
dépend d'une vue d'ensemble sur les aspects techniques, juridiques, et
humains du risque. Les responsables du système d'information ne sont pas
toujours enclins à participer à la souscription d'une
cyberassurance dont l'achat est confié à la direction des achats
et au risk manager. Leur rôle est pourtant déterminant
dans la connaissance des failles potentielles du système d'information
qu'il peut être difficile de reconnaître. Lors d'une crise, le
processus d'alerte et d'endiguement d'un sinistre cyber dépend aussi
d'une organisation interne efficace. Il est impératif que l'assureur
réunisse ces différentes entités et établisse un
état de lieu de la cybersécurité et de la cyber
résilience dans l'entreprise prospectée ou assurée, tout
en proposant des solutions d'amélioration si pertinent.
En complémentarité de la méthode
d'exclusion de risque, la cyberassurance peut aussi avoir un rôle
à jouer dans la sécurisation des partenariats concernant le
traitement des données, ou de vente et d'achat de produits
technologiques. De nouvelles pratiques pourraient naître comme la demande
d'attestation de cyberassurance systématique et réciproque de
l'assuré envers ses prestataires et sous-traitants. L'assureur peut
exiger la présence de clauses types dans les contrats de partenariat car
ces derniers peuvent influencer la gouvernance du risque cyber.
75 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
44
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
3 Innover la gestion de crise
Cette capacité d'impulsion que l'assureur peut
démontrer sur l'ensemble du processus de cyber résilience
révèle qu'il est en capacité d'innover la gestion de crise
en véritable gestion de risque.
Le contrat de cyberassurance est actuellement centré
sur les mesures d'urgence en cas de survenance d'un sinistre et sur la
prestation de mise à disposition d'experts. Peu de place est
accordée à la prévention, la compréhension du
risque, et la correction post-sinistre. Faire de l'assureur un gestionnaire de
risque, et non pas seulement de crise, c'est donné pleinement place
à l'assurance dans le processus de cybersécurité et de
prise de conscience globale. L'assureur peut prendre la main sur les
différentes mesures de cyber résilience
précédemment développées, de par son expertise des
sinistres cyber et sa position centrale entre tous les acteurs de la cyber
résilience et panoramique sur le risque cyber. Cantonner l'assureur
à son rôle traditionnel de support financier et/ou
d'intermédiation avec des experts n'est pas adapté au
marché de la cyberassurance, qui permet et nécessite que
l'assureur ait la maîtrise du risque. La complexité des sinistres
cyber et leur difficile appréhension par la technique et l'assurance
démontre tout l'intérêt d'agir en amont et en aval de la
réalisation du risque. L'assureur cyber peut contribuer à
réduire les coûts et anticiper, prévenir le sinistre cyber
et faire en sorte qu'il ne se reproduise pas. Pour l'heure, l'analyse des
conséquences d'un sinistre cyber et la quantification de ce dernier sont
encore perfectibles mais avec l'expérience, l'assureur deviendra un
expert en gestion de risque. Il faut alors lui donner les moyens de participer
au montage de la cybersécurité et de la cyber résilience
au sein de la structure assurée.
La confortation de l'assureur dans un rôle novateur de
gestionnaire de risque permettrait d'améliorer l'efficacité des
polices de cyberassurance pour en faire de véritables outils de
maîtrise de risque. La mauvaise maîtrise ou l'absence de
maîtrise du risque cyber remet en cause la pérennité du
marché de la cyberassurance et de la souscription cyber dans sa
globalité.
45
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
46
a) Gestion de risque : la coordination préventive et
corrective
Le cyber assureur se positionnera comme un gestionnaire de
risque, c'est-à-dire en intervenant avant et après sinistre dans
un véritable processus de cyber résilience. Cette intervention en
vue de prévenir et de corriger un sinistre cyber, qui de toute
manière se réalisera, n'est pas commune aux assureurs
traditionnels, établis dans un rôle indemnitaire, sans implication
dans l'amélioration de la situation de l'assuré. L'assurance
traditionnelle n'a pas pour logique d'enrichir l'assuré. Pourtant, face
au sinistre cyber, enrichir l'assuré permettrait la création d'un
cercle vertueux : un assuré renforcé subit moins de sinistres, ce
qui apporte tout autant à l'assureur qui est alors en position de donner
de meilleures garanties.76 La gestion post-event est donc
tout autant vitale au processus de cyber résilience à ce qu'elle
ne doit pas se limiter à la remise de l'assuré à son
état quo ante mais plutôt à le renforcer.
L'assureur gestionnaire de risque doit permettre la compréhension du
sinistre et aboutir à des solutions pour ne plus qu'il se reproduise.
Comme évoqué, chez Beazley, l'expert
informatique détermine la cause et l'étendue du sinistre cyber,
mais il est aussi mis à disposition par l'assureur, qui le
reconnaît pour ses prestations de qualité et qui peut même
l'avoir formé sur le processus assurantiel de gestion de sinistre. Plus
en avant, cet expert informatique pourrait intervenir en souscription de
contrat et préconiser de bonnes pratiques de cybersécurité
à mettre en place. Il pourrait intervenir post-event en
prodiguant des conseils d'amélioration de procédures de
cybersécurité internes au regard du sinistre. Il est
déjà prévu dans les conditions générales de
Beazley que cet expert analyse la capacité de l'assuré à
éviter un futur incident. Beazley exclut néanmoins de sa
couverture les frais d'amélioration des systèmes
informatiques.77
Cet expert doit travailler avec d'autres experts notamment en
management de risque afin d'amener dans toutes les hypothèses le sujet
cyber au board des décisions.
Nous pouvons reprendre l'exemple concret du module de
formation créé par Hiscox et EPITA et imaginer un volet de
formation technique intégré au contrat de cyberassurance. Ce
dernier serait personnalisé à la cible et mis à jour de
façon régulière, avec des audits de
76 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
77 BEAZLEY, Conditions générales Beazley
Breach Response, 21 p.
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
routine à programmer selon l'évolution de
l'entreprise et l'utilisation qu'elle fait des nouvelles technologies.
Nous avons développé que l'assureur
présente les capacités pour devenir la pierre angulaire du
processus de cyber résilience. Il possède de nombreuses
données pour ce faire, concernant un client mais aussi concernant tout
son portefeuille cyber, et, si les assureurs collaborent entre eux, sur
l'ensemble des sinistres cyber des assurés. Par sa vision d'ensemble,
l'assureur peut coordonner les différents acteurs intervenant sur un
sinistre mais aussi lors de la mise en place et durant la vie d'un contrat
cyber. Il peut orchestrer la gestion de risque en intervenant de façon
préventive et de façon corrective. Plus qu'indemniser
l'assuré et lui permettre de revenir à une situation ante
sinistre, plus que de mettre à disposition de l'assuré des
experts certes réactifs et adaptés, l'assureur transcende les
principes de l'assurance et vient améliorer la situation de
l'assuré.
Dans cette logique de gouvernance du risque cyber, pourquoi ne
pas envisager l'émergence d'un contrat cadre de prestation de services
de cyber résilience dont l'assurance, entendue de manière
traditionnelle, ce serait qu'un volet ? Cette structure cadre serait un
véritable outil contractuel de risk management donc l'assureur
serait le porteur et le coordinateur des différents volets (techniques,
juridiques, communication). Dans cette hypothèse de gestion de risque,
tous les acteurs sont reliés les uns avec les autres et non pas
seulement vers l'assureur ou l'assuré. Il est alors possible de voir
émerger dans cette structure des prestations de services
combinées entre ces domaines de spécialité. L'assureur
pourrait bénéficier de délégations de pouvoir ou de
mandats pour diriger l'ensemble de la structure, qui en retour
bénéficierait des données sinistre, sous une
confidentialité contractuelle et technique. L'Agence nationale de la
sécurité des systèmes d'information pourrait tenir un
rôle au sein de ce contrat cadre en fixant des mesures de
cybersécurité fondamentales à la souscription d'une
cyberassurance et en exerçant un contrôle sur leur mise en
pratique.78 Le mécanisme de ce contrat cadre de gestion de
risque dépasserait la finalité traditionnelle du mécanisme
assurantiel.
78 Idée de partenariat avec l'Agence
nationale de la sécurité des systèmes d'information issue
de SCHNEIDER, Laure, Article Cyber-risques et cyber-assurances, Banque
& Stratégie n°336, ENASS Papers 9, Mai 2015.
47
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
48
b) Gestion de risque : l'internalisation
Enfin, il est possible d'envisager plus que de la coordination
de gestion de risque. L'assureur peut lui-même prendre la main sur la
gestion de risque et internaliser ces prestations.
Nous avons traité des problèmes de dialogue et
d'incompréhension possibles entre le secteur des technologies de
l'information et le secteur des assurances, et nous traiterons plus en aval du
problème de confidentialité soulevé par l'activité
de souscription d'une assurance cyber. Ces problèmes peuvent être
exacerbés lorsque l'assureur tient un rôle de coordinateur de
gestion de risque ou lorsqu'il se contente de mettre à disposition des
experts. Il est souvent question de savoir, afin d'apprécier la
qualité de service d'un assureur, s'il externalise son service de
gestion des sinistres. Pourquoi, à terme, ne pas envisager
l'internalisation par les assureurs spécialisés sur le cyber des
services techniques, juridiques et de relations publiques permettant de bien
gérer un sinistre cyber, et même, de bien gérer le risque
cyber ? Ces services seraient capables d'accompagner le client avant la
souscription, pendant la vie du contrat, pendant le sinistre en urgence, et
post-event, en vue de comprendre le sinistre et surtout de faire en
sorte que ce sinistre ne se reproduise pas, et donc, d'améliorer la
situation de l'assuré. L'assureur dépasse le transfert financier
de risque, la gestion de crise, la gestion de risque coordonnée, il est
gestionnaire de risque.
Cela demanderait un centre de gestion multilingue et expert
des différentes législations dans le monde, ce qui bien sûr
expose l'assureur à un coût considérable.79
Néanmoins, cela présenterait de nombreux avantages. Une
innovation accélérée des contrats de cyberassurance serait
facilitée, permettant tout autant au marché de la cyberassurance
de monter en expertise et en spécialisation que de suivre les mutations
technologiques du risque, et qui sait, les devancer peut-être.
Hélas, tout n'est pas si simple et la centralisation de
données client implique un risque aggravé de fuite de
données, et donc, entre autres, de confidentialité. De
même, la somme de données fournies par l'assuré à la
souscription ne sera pas gérée par le même service au
79 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
sinistre. Cela peut aussi être source
d'incompréhension entre l'assureur et l'assuré, amener à
une rupture de confiance ainsi qu'à une absence d'optimisation de la
gestion de risque cyber.
B La cyberassurance confrontée à l'assurance
Nous avons développé les limites qu'atteint la
cyberassurance à mettre en pratique la cyber résilience, pourtant
intrinsèque à la maîtrise du risque cyber. L'assureur
présente toutefois le potentiel pour dynamiser la cyber
résilience.
Ce dernier doit aussi faire preuve d'innovation dans son champ
traditionnel d'action qu'est l'assurance pour appréhender un risque
complexe. Le cyber assureur doit repenser l'activité de souscription et
persévérer dans la spécialisation des contrats de
cyberassurance en s'adaptant aux divers profils des assurés, par secteur
d'activité mais aussi au-delà de la sphère
professionnelle.
Le risque cyber est un risque systémique et
potentiellement catastrophique. Il interroge la capacité des assureurs,
que ce soit sur le portefeuille cyber ou sur le portefeuille global, comme nous
l'avons discerné lors de l'étude de l'exposition silencieuse des
polices d'assurance traditionnelles au risque cyber. L'assureur cyber est
confronté à une véritable problématique
d'accumulation de risque cyber et vient limiter par prudence les
capacités accordées sur ce risque en première ligne.
L'assureur en première ligne peut aujourd'hui mais positionnera plus de
capacité demain sur le risque cyber, à mesure de
l'amélioration des mécanismes de modélisation du risque
cyber et de l'appréhension de ce dernier par l'assurance. Les
réassureurs sont pour leur part plus exposés au risque cyber et
donc au risque d'insolvabilité sous-jacent car ils financent plusieurs
portefeuilles et lignes d'assurance.80 Manager l'accumulation du
risque cyber est un impératif.
Une réassurance publique est parfois sollicitée.
Elle l'est tout autant lorsque nous constatons que l'implication des Etats en
matière de cyber défense se retrouve parallèlement en
matière de cyber attaque, et amène à reconsidérer
l'assurabilité du risque cyber par l'assurance privée.
80 VEZIO, Philippe, Managing Director chez Tokio
Marine HCC, entretien téléphonique, Août 2017.
49
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
1 Souscrire différemment la cyberassurance
La nature complexe du risque cyber et sa difficile
appréhension par les mécanismes traditionnels de l'assurance
nécessitent d'innover la souscription de la cyberassurance. La nature
malléable de la cyberassurance doit de même être
maximisée en adaptant la couverture aux divers secteurs
d'activité, qui sont impactés différemment par le risque
cyber. Enfin, ce même impératif demande de développer des
offres de cyberassurance pour les besoins des particuliers.
a) Approcher le risque cyber avec nouveauté
Approcher le risque cyber avec nouveauté implique de
remettre en question les modes de souscription traditionnels de l'assurance
tout en portant la réflexion sur la confidentialité de la
période précontractuelle, décisive en matière de
cyberassurance, mais aussi en cours de contrat.
i. L'entretien et l'audit de souscription
L'appréhension du risque cyber est complexe de par sa
technicité, sa constante évolution, sa compréhension
variable selon les différents acteurs impliqués dans la
cybersécurité et la difficile estimation des pertes dans le cadre
de la gestion des sinistres.
Renforcer l'assureur dans son rôle de gestionnaire de
risque suppose qu'il bénéfice d'une pleine connaissance du risque
et de l'approcher différemment que par la méthode traditionnelle
du questionnaire de souscription, avant même toute conclusion de contrat.
Trop souvent, la souscription se limite à un questionnaire, et ce
particulièrement sur les segments de cible inférieurs. Ce n'est
pas un mode adapté de souscription pour le risque cyber. Un
questionnaire qui aborde un risque complexe fera une dizaine de pages sans pour
autant parvenir à le cerner dans sa globalité. Il se limite
souvent à l'aspect technique du risque cyber, à savoir quels
équipements sont utilisés par l'assuré, quelles
méthodes de sécurité des systèmes sont mises en
oeuvre, sans pour autant cerner l'entière problématique. L'aspect
technique doit être pris en compte, mais pas seulement, car c'est
négliger le facteur humain. La rédaction du questionnaire cyber
est souvent vécue par les assurés comme une épreuve
50
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
longue, fastidieuse et inintelligible. Elle est alors
reléguée ou sous-estimée dans son importance, ce qui nuit
à l'adaptabilité du contrat aux besoins du client.
De même, les modes de souscription simplifiés
tels que la pré-cotation ou la cotation en ligne ne semblent pas
pertinents si l'ensemble des acteurs du marché souhaitent monter en
expertise. Cela peut de façon superficielle donner une idée de
couverture à l'assuré mais ne représente qu'une
étape dans un processus de souscription. Ces modes de souscription ne
semblent pas adaptés au risque cyber même s'ils s'adressent aux
segments les plus petits, car les petites et moyennes entreprises sont tout
autant visées par des cyberattaques. Ces cibles sont vulnérables
car elles peuvent ne pas avoir mis en place des mesures de
cybersécurité assez fiables et ne pas avoir établi une
gouvernance de risque. L'interconnectivité des systèmes permet
toutefois de faire de la start-up une porte d'entrée sur les
données d'un grand groupe avec lequel elle a conclu un
partenariat.81
La qualité des d'informations échangées
et du dialogue lors de la souscription d'un contrat de cyberassurance est donc
perfectible sur tous les segments.
Souscrire une cyberassurance implique de réaliser un
audit de souscription technique, contractuel et de gouvernance. Cela
supposerait dans certaines hypothèses de se rendre sur site afin de
comprendre comment est appréhendé le risque cyber par
l'assuré et quelle est son activité.82 Cette visite
sur site n'est pas impérative car l'important est d'aborder avec
l'assuré en direction la cyberassurance et de pouvoir accéder
à ses données techniques, contractuelles et organisationnelles.
Il s'agit de comprendre les procédés techniques utilisés
par l'assuré, clarifier le processus interne de décision quant
à la cybersécurité, et cerner le panorama d'assurances en
cours d'effet. Une visite de risque n'est pas envisageable ni nécessaire
à chaque souscription cyber. Elle peut parfois ne rien apporter de plus
puisque les données sont souvent hébergées dans des
data centers.
Le plus adapté semblerait de réaliser une ou des
réunions en physique ou par visioconférence avec l'assuré
afin de cerner son exposition au risque cyber.83 Cette
réunion doit aussi prendre place à plusieurs car il est encore
fréquent que la prise de conscience du
81 Cette remarque fait écho à
l'intérêt de sécuriser la chaîne de traitement de
données par des contrats de cyberassurance et des contrats de
sous-traitance et de partenariat cyber résilients.
82 BLOUIN, Thibault,
L'assurance est-elle capable de protéger les entreprises contre la
cybercriminalité ?, Banque & Stratégie n°352, ENASS
Papers 12, Novembre 2016.
83 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
51
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
risque cyber se réalise dans la phase de souscription
d'une cyberassurance.84 Cela démontre d'ailleurs le potentiel
que présente l'assureur à dynamiser la gestion de ce risque.
L'assureur cyber doit accompagner son client dans cette prise
de conscience. Cet entretien est déjà l'occasion pour lui de
mettre en application sa qualité de gestionnaire de risque en y
introduisant des consultants afin que les meilleures décisions en
cybersécurité et en cyber résilience soient prises. Autour
de l'assureur et de ses partenaires (courtiers, experts) devront être
présents la direction générale, la direction des services
d'information, le responsable de la sécurité des systèmes
d'information, le risk manager et la direction juridique, afin de
cartographier les risques et d'évaluer leur probabilité
d'occurrence ainsi que le coût induit. Cela permet, avant tout sinistre,
de mettre en lumière les failles du système d'information.
Cette approche novatrice du risque cyber permet de cerner les
besoins en cyberassurance de l'assuré et d'adapter le contrat cyber
à son profil sans pour autant établir un contrat en sur-mesure.
Le contrat cyber est un contrat à tiroirs, l'assureur peut créer
de façon générique des garanties et choisir de n'en
proposer que certaines d'entre elles au sein des volets dommages et de
responsabilité civile.
Un phénomène de régionalisation des
garanties se dessine. Des garanties sont créées et ne sont
souscrites que dans certaines régions. Les manières de souscrire
et d'envisager le risque cyber sont encore différentes à
l'international. Ces garanties régionalisées sont adaptables aux
diverses réglementations.85
Cette approche du risque doit persévérer en
cours de vie du contrat. L'assureur cyber ne peut se contenter de laisser un
contrat cyber suivre son cours et agir uniquement sur des demandes de
modification de l'assuré. L'assuré n'a parfois pas conscience que
le progrès technologique au sein de sa structure et les
éventuelles modifications de procédures et d'infrastructures
peuvent avoir un impact sur son contrat d'assurance. C'est à l'assureur
de prendre la main sur l'évolution du contrat par rapport à la
situation de l'assuré et de le mettre à jour par des
contrôles réguliers, avec pour strict minima le temps du
renouvellement tacite du contrat. Le risque cyber nécessite d'être
maîtrisé au-delà du cadre d'un sinistre.
84 PIRSON, Astrid-Marie, Directrice de la souscription
Hiscox France, Atelier cybersécurité, Paris, Juin 2017.
85 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
52
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
L'assureur cyber doit se tenir à proximité de
son assuré, et le courtier a un rôle à jouer dans cette
approche novatrice du risque.
ii. La confidentialité des échanges entre assureur,
prospect et assuré
Les négociations d'un contrat de cyberassurance,
à ce qu'elles impliquent beaucoup de personnes et d'informations,
peuvent durer plus d'une année, alors même que la souscription du
contrat n'est pas certaine. Dans ce contexte, les prospects demeurent
réticents à communiquer à l'assureur et ses partenariats
les nombreuses informations confidentielles nécessitées, tout en
devant pointer les défaillances techniques et organisationnelles de
leurs structures. Cette observation est aussi valable pour les particuliers qui
souscrivent un contrat de cyberassurance. Il s'agit ici d'introduire leur vie
privée. L'assureur cyber doit mettre en place une politique de
confidentialité dans le dialogue de souscription tout en la poursuivant
en cours de vie du contrat si ce dernier est conclu. La confidentialité
en cours de vie du contrat peut être gouvernée par des clauses
contenues dans le contrat d'assurance. La question semble de prime abord plus
délicate en période précontractuelle. Certains proposent
la mise en place d'une plateforme neutre et sécurisée de
communication et d'échange d'informations entre les assurés et
les assureurs. Cela permet de standardiser les processus de
confidentialité et d'utiliser globalement les données fournies.
Trois manières de développer cette plateforme sont
proposées en ce qui concerne les lignes d'assurance professionnelles :
une extension de la plateforme d'assistance aux victimes de cyber malveillance
mise en place par l'Agence nationale de la sécurité des
systèmes d'information et le Ministère de l'Intérieur, une
plateforme chez un tiers de confiance sans visée commerciale, un
observatoire national du risque cyber, sur le modèle de l'Observatoire
National des Risques Naturels. Cette dernière structure, selon les
auteurs, permettrait par un processus d'anonymisation, la mise en place de
statistiques fiables qui fonderaient de meilleures quantification et
tarification du risque.86 L'idée de la plateforme
d'échange et de communication est intéressante. Cela dit, des
réserves doivent être émises à impliquer le secteur
public dans la gestion du risque cyber dès la période
précontractuelle de souscription d'un contrat de cyberassurance,
à ce qu'aucun filet de sécurité public de
réassurance n'existe pour l'heure, ni même grande implication des
Etats dans la sensibilisation aux bonnes pratiques de cyber résilience.
L'idée d'un partenariat entre
86 SYSTEM X, Institut de recherche
technologique, La maîtrise du risque cyber sur l'ensemble de la
chaîne de sa valeur et son transfert vers l'assurance, Résultats
du séminaire de recherche, Maîtrise du risque cyber et
assurance, Novembre 2015 - Juillet 2016, 14 p.
53
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
l'Agence nationale de la sécurité des
systèmes d'information et les assureurs privés semble plus
adaptée. En tout hypothèse, les échanges
précontractuels peuvent donner lieu à la conclusion d'un accord
de confidentialité entre l'assureur, ses partenaires et
l'assuré.
De même, la notion de confidentialité, comme nous
l'avions évoqué, peut rester conflictuelle en cours de vie du
contrat et notamment lors de la survenance d'un sinistre, car l'assuré
aura dévoilé de nombreuses informations à l'assureur en
phase de souscription qui ne seront pas traitées par le même
service au sinistre. Impliquer une tierce entité neutre et experte dans
les échanges de souscription mais aussi dans les échanges de
gestion de sinistre, sur une même plateforme, paraît une
idée intéressante et à développer.
b) Spécialiser les offres de cyberassurance selon les
secteurs d'activité
Si les programmes de cyberassurance présentent des
garanties adaptées au risque cyber, ils gagneraient à se
spécialiser par secteur d'activité car ces derniers ne
présentent pas la même exposition au risque cyber. Ils ne sont en
effet pas susceptibles de subir les mêmes typologies d'attaque ni les
mêmes types de dommages. Le risque cyber peut être ciblé, de
masse, d'intensité, de fréquence, et les diverses combinaisons
qui en ressortent, tout comme il est plus probable qu'il cause des dommages
matériels ou immatériels selon le secteur d'activité de la
cible. Les modules de couverture actuels restent généraux. Par
exemple, l'obligation de notifier concerne tout responsable de traitement, et
cette notion s'applique à une multitude d'acteurs depuis 1978. Il
pourrait être envisagé d'ajouter un volet de garanties
spécifiques aux différents secteurs d'activité.
Le risque cyber est difficile à qualifier et à
quantifier. Sur le marché français, qui est encore jeune, mais
aussi à l'international, les assureurs peinent à modéliser
et qualifier les risques cyber par secteur d'activité, ce qui participe
de l'illisibilité des offres de cyberassurance87 et de leur
tarification perfectible. Les contrats de cyberassurance apporteraient une
réponse plus experte au risque cyber s'ils étaient
spécialisés par secteurs d'activité.
Par exemple, les banques et les services financiers sont
pleinement conscients de leur attractivité quant au vol de
données et sont leaders dans l'implémentation de systèmes
de
87 TELECOM ParisTech, Alumni, Livre blanc :
comment « débloquer » le marché de l'assurance cyber en
France ?, Juin 2017, 11 p.
54
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
cybersécurité ainsi que dans la mise en place de
mesures de prévention contre le vol de données. La Bank of
America a dépensé plus de 400 millions de dollars dans la
cybersécurité en 2015 et le Chief Executive Officer a
annoncé en janvier 2016 que le budget affecté à la
cybersécurité n'était pas limité. JP Morgan Chase
and Co. a annoncé une augmentation au double de son budget
cybersécurité de 250 millions en 2015 à 500 millions en
2016.88
Une analyse des attaques cyber dans les différents
secteurs d'activité démontre qu'il y a eu une augmentation du
taux de fuite de données dans les secteurs de la vente, des technologies
de l'information, des services et de la manufacture. Les fuites de
données ont été considérablement réduites
dans le secteur des services financiers, alors que ce secteur est
particulièrement visé afin d'accéder à des
données personnelles dont bancaires. Cela confirme que des
investissements en sécurité et en protection de données
ont été réalisés dans ce secteur. La même
baisse de taux est constatable dans le secteur des services de santé en
ce qui concerne les violations de données, bien que cela soit
contrebalancé par une augmentation importante des cyber extorsions. Des
attaques récentes ont de manière répétée
ciblé des sites sociaux tels que Fling, Matel, ou Ashley Madison, afin
de pouvoir procéder plus aisément à du chantage et de
l'extorsion.89
La cyberassurance devrait alors prendre en
considération cette diversité de risques cyber pour adapter les
garanties et prestations de gestion de crise et in fine de risque aux
différents secteurs d'activité. Une réponse plus
adaptée permettrait bien sûr de répondre plus
précisément aux besoins des assurés, aussi d'augmenter le
volume de souscriptions, de gérer plus facilement les sinistres et de
maturer le marché de la cyberassurance.
Willis Towers Watson propose par exemple un nouveau produit
cyber adapté au secteur de l'aviation, CyFly. Ce produit a
été développé avec AIG. Il contient une extension
des pertes d'exploitation à des tiers car les entreprises du secteur de
l'aviation dépendent de services de nombreux tiers pour assurer une
continuité d'activité. Les frais de maintenance des avions ou les
frais de sécurité de l'aéroport sont
couverts.90
88 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 18 p.
89 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 14 p.
90 WILLIS TOWERS WATSON, Willis Towers Watson
launches innovative new cyber product for global airlines, Press Release,
Avril 2017.
55
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Cette exigence d'adaptation des programmes de cyberassurance
nécessite de modéliser le risque cyber selon les
différents secteurs d'activité. Des méthodes de
modélisation ont été développées mais
demeurent perfectibles, notamment sur la quantification de l'exposition
silencieuse au risque cyber.
c) Développer les offres de cyberassurance
au-delà de la sphère professionnelle
Le cyber risque concerne chaque individu mais les
assurés et prospects sont plus ou moins conscients, plus ou moins
impliqués dans le processus de cyber résilience. Les polices de
cyberassurance nécessitent d'être développées par
secteur d'activité mais aussi au-delà de la sphère
professionnelle. Il est aujourd'hui difficile de concevoir l'idée selon
laquelle le risque cyber qui menace les entreprises restera à leurs
portes, à ce que ce risque ne connaît pas de frontière. La
sphère privée et la sphère professionnelle peuvent
être la faille de l'une de l'autre lors de la survenance d'une
cyberattaque. Les frontières des sphères professionnelles et
privées s'amenuisent à ce que l'interconnectivité et
l'influence des nouvelles technologies sur le monde du travail, et les
mutations qu'elles entraînent, tel que Bring Your Own Device ou
le télétravail, se développent.
Les objets connectés représentent là
encore un enjeu puisqu'ils envahiront le quotidien professionnel et
privé de chaque individu, et pourront servir ces deux
finalités.
Des assureurs proposent des offres spécifiques de
cyberassurance pour les particuliers. AIG, le premier assureur cyber sur les
lignes professionnelles, a mis en vente cette année le produit Family
CyberEdge au profit de sa clientèle privée. Ce produit prend en
charge la cyber extorsion et le cyber harcèlement, ainsi que les frais
de restauration de données, de gestion de crise et de réputation.
Nous constatons que les garanties sont adaptées au risque cyber
susceptible de porter atteinte aux individus dans leur vie privée.
Nous développons tout au long de notre raisonnement la
logique selon laquelle l'assureur cyber doit participer de la gestion de risque
en sortant de son rôle traditionnel. Dans le contexte
précédemment développé, AIG collabore avec K2
Intelligence, une entreprise de services de cyberdéfense, en vue de
prodiguer à ses assurés des informations qui leur permettront de
manager leur risque cyber de façon proactive. K2 Intelligence est en
partie détenu par AIG. Créer des polices de cyberassurance en
partenariat avec des entreprises de
56
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
cybersécurité s'inscrit dans le processus de
cyber résilience. Le public des particuliers est particulièrement
novice en matière de cybersécurité. Ce partenariat permet
aux clients de bénéficier d'outils, de réseaux
sécurisés avec des comptes de gestion des informations
personnelles traitées dans les activités privées, des
services de formation à la cybersécurité pour tous les
membres de la famille, et une mise à disposition d'experts en
fraude.91 D'autres experts comme des experts en communication
pourraient être associés à la création du produit et
impliqués dans la vie du contrat.
AIG n'est pas le seul assureur à se positionner sur le
marché. Chubb a ajouté une garantie de cyber harcèlement
dans son produit U.S. Masterpiece Family Protection, comme cet assureur avait
commencé à le faire depuis 2015 au Royaume-Uni. Hartford Steam
Boiler Inspection and insurance Co. (HSB), qui fait partie du groupe Munich Re,
a commercialisé le produit HSB Home Cyber Protection. Cette garantie est
intégrée dans les polices d'assurance de propriétaires et
locataires des compagnies d'assurances partenaires de HSB.92 Cette
extension est intéressante au regard de l'avènement des objets
connectés, car l'habitation sera une smart home. Les
cyberattaques sur des systèmes d'information opérationnels
pourraient concerner des habitations privées, et causer des dommages
immatériels, matériels et corporels.
Le risque cyber est un risque omniprésent. Il est
maximisé par son fort potentiel catastrophique et vient questionner les
assureurs sur leur capacité de prise en charge financière,
particulièrement au niveau de la réassurance.
2 Développer la capacité de la cyberassurance
Améliorer la capacité de la cyberassurance sur
le risque cyber suppose principalement de manager l'accumulation de risque afin
de pouvoir tarifier plus justement et d'y risquer plus de capacité. Il
est aussi possible d'actionner les mécanismes de la réassurance
et des marchés financiers, tout autant qu'impliquer les Etats dans le
financement des risques catastrophiques envers lesquels ils ont une part de
responsabilité.
91 La combinaison d'assurances cyber et fraude pour
les particuliers est un point à réfléchir.
92 INSURANCE JOURNAL, AIG latest to bring cyber
insurance to personal lines high-net-worth clients, April 2017.
57
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
58
a) Manager l'accumulation de risque cyber
Les impacts du risque cyber sont d'une telle complexité
et dépendent d'un tel nombre de variables que le marché de
l'assurance est transfiguré par ce risque dans sa globalité.
Pour l'heure, dans l'ensemble, le risque cyber est
explicitement et implicitement couvert par plusieurs lignes d'assurance, sur
ses conséquences matérielles et immatérielles, ce qui rend
le marché de la cyberassurance illisible et nuit à sa
segmentation. En effet, la capacité globale d'un assureur sur ce risque,
au-delà des lignes spécifiques et des extensions cyber
constituant des prises en charge affirmées, peut être
challengée par l'exposition silencieuse au risque cyber dans les polices
traditionnelles.
La capacité de l'assureur reste pour autant
challengée par son exposition affirmée au risque cyber,
puisqu'ajouter des garanties cyber dans plusieurs lignes de façon
affirmée en ne bénéficiant que de données
historiques limitées dans des conditions de marché difficiles ne
permet pas d'aboutir à une tarification adéquate.93
Un cyber assureur voit donc sa capacité
challengée sur le risque cyber par un assuré qui a souscrit
plusieurs contrats auprès de sa compagnie, ou par un assuré ayant
subi un sinistre pouvant être couvert par plusieurs contrats
d'assurance.94
La capacité de l'assureur peut aussi être
challengée au sein de son portefeuille cyber par la problématique
de l'accumulation de risque. Le risque cyber est potentiellement sériel
et systémique, notamment du fait de l'interconnectivité des
technologies utilisées par les assurés. De plus en plus
d'attaques cyber impactent de multiples entreprises en un simple
évènement. Le risque cyber est donc un éventuel risque de
masse, plus probablement lorsque son origine est malveillante, et peut
sinistrer une large partie d'un portefeuille cyber. La capacité du cyber
assureur est donc aussi challengée lorsque plusieurs assurés du
portefeuille sont sinistrés par le même évènement ou
que ces assurés utilisent les mêmes technologies de l'information.
Ces assurés peuvent par exemple héberger leurs données ou
système d'information chez le même hébergeur.95
Un assureur cyber peut par exemple avoir au sein de son portefeuille cyber
de
93 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, 39 p.
94 ZICRY, Laure, Cyber Risks Practice Leader chez
Gras Savoye, Table ronde # 1 Cyber assurance, Cercle des Femmes dans
la Cybersécurité, Juin 2017.
95 ZICRY, Laure, supra.
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
nombreuses institutions financières. Ces institutions
financières vont utiliser plus ou moins les mêmes techniques de
cybersécurité et qui en toute hypothèse sont propices
à l'interconnexion. Si une cyberattaque vise cette technologie, alors ce
n'est pas un assuré qui est impacté mais une partie du
portefeuille.96 Ce même scénario peut être
réitéré dans chaque secteur d'activité, au sein
duquel il est fort probable de constater des similitudes de
cybersécurité.
La nouvelle technologie des objets connectés ne fait
pas défaut à cette observation. Un objet connecté comme
une montre est facilement accessible à une tierce personne non
autorisée et constitue une porte ouverte sur le réseau Internet.
Il existe actuellement 28 millions d'objets connectés, 50 millions selon
les prévisions pour 2020. Ces objets connectés, qui incorporent
tous les domaines du quotidien (le transport, les soins médicaux,
l'infrastructure des bâtiments, les processus industriels...) sont
vulnérables à des manipulations malicieuses. Ces systèmes
ont été pensés sans grande attention portée
à la cybersécurité et ont pour l'heure de faibles niveaux
de protection contre le piratage. Les assureurs vont devoir prendre en
considération ce potentiel de vulnérabilité dans leur
analyse de risque ainsi que le rôle de ces objets dans les attaques cyber
causant des dommages matériels.97
Cela fait écho à de précédentes
réflexions. L'assureur a intérêt à
spécialiser ses lignes cyber par secteur d'activité afin de mieux
appréhender ce risque d'accumulation. L'assureur a intérêt
à se positionner sur de la gestion de risque afin d'influencer des
partenaires techniques à développer des technologies
différentes et plus ou moins interconnectables98 mais aussi
d'influencer ses assurés dans leurs choix de
cybersécurité. En effet, ces divers exemples illustrent encore le
fort potentiel de l'assureur à porter les bonnes pratiques de
cybersécurité.
De même, les diverses institutions de régulation
financière, à l'instar de la Prudential Regulatory Authority au
Royaume-Uni qui en est la plus active sur le sujet cyber, incitent les
assureurs à identifier, quantifier et manager leur exposition au risque
cyber, que cette dernière soit affirmée ou silencieuse. En effet,
le risque cyber peut être un facteur d'insolvabilité. Du fait de
cette exposition silencieuse au risque, les assureurs ne réalisent
peut-être pas l'étendue de leur exposition globale et n'ont
peut-être pas impacté l'envergure de leur exposition sur la
96 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
97 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge
Judge Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber
Risk Landscape, p 28.
98 Ce qui peut aussi relever des pouvoirs publics.
59
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
somme des primes collectées. Les assureurs doivent
revoir leurs lignes afin d'identifier les ambigüités de couverture
et le coût du risque que cela représente. Les lignes
impactées par le risque cyber sont potentiellement celles
consacrées aux risques maritimes, d'aviation, d'énergie, de
responsabilité civile et de dommages. La tendance chez les assureurs
anglo-saxons est d'inclure dans les polices traditionnelles des exclusions du
risque cyber.
Gérer cette accumulation de risque au sein d'un
portefeuille cyber et sur le portefeuille global est un des challenges
clés auxquels s'expose l'assureur en vue de développer un
portefeuille cyber résilient.
Dans l'attente d'une réglementation européenne
qui viendra certainement, imposant un pourcentage de réserve en fonction
du volume de souscription, une des premières solutions qui s'offre aux
assureurs est de diversifier leur portefeuille cyber. Cela peut se faire au
regard de trois critères : la localisation géographique, le
secteur d'activité, le segment de cible.99 Il est moins
probable qu'un assuré éloigné d'un autre selon ces trois
critères soit impacté par la cause du sinistre cyber de cet autre
assuré.
Les assureurs les plus matures du marché de la
cyberassurance ont développé ces dernières années
des scénarii de simulation de crises afin d'estimer leur maximum de
perte face des catastrophes cyber. Ces scénarii varient dans leur
approche du risque cyber, du plus simpliste au plus complexe des
systèmes avec des éventuels apports externes d'expertise et
d'analyse de risque. Ils permettent une réflexion en amont sur des
sinistres catastrophes. Sous la pression des organismes de régulation du
marché de l'assurance et à ce que des solutions commerciales de
modélisation se développent, de plus en plus de compagnies
d'assurance, y compris nouvelles entrantes sur le marché de la
cyberassurance, sont capables d'adopter une vision plus cohérente de ce
risque et d'organiser une meilleure répartition de leur capital sur le
marché en établissant leur appétit sur le risque
cyber.100 Des standards communs d'analyse de risque existent pour
permettre aux assurés d'identifier, de quantifier et de rapporter leur
cyber exposition aux assureurs de façon
harmonisée.101
99 MARGUINAUD, Xavier, Cyber Underwriting Manager
chez Tokio Marine HCC, Entretien téléphonique, Août
2017.
100 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge Judge
Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber Risk
Landscape, 39 p.
101 VIVAR, Mariona, Réassurance :
Et si le risque cyber bénéficiait d'un `filet de
sécurité' de l'Etat ?, News assurances pro, Mars 2017.
60
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Le système est cependant perfectible et la prochaine
étape serait d'arriver à modéliser l'exposition
silencieuse au risque cyber des polices traditionnelles. A l'heure actuelle, le
mécanisme d'agrégation technique se limite aux polices dont
l'exposition au risque cyber est affirmée. Cela concerne par exemple les
lignes spécifiques cyber mais aussi les polices fraude ou les polices de
responsabilité civile qui contiennent des extensions cyber. Personne
n'est encore en mesure de monitorer les polices qui n'excluent pas le risque
cyber sans pour autant explicitement le couvrir. Une police couvrant la
responsabilité des dirigeants qui n'exclut pas le risque cyber prend
pour l'instant en couverture ses conséquences dans les postes qu'elle a
prévus, telle que la chute du cours de bourse par exemple. Il serait
alors nécessaire de traquer les exclusions de risque et de prendre en
compte toutes les autres polices dans les scénarii catastrophes. Cela
est loin d'être simple car les assureurs utilisent des outils
informatiques qui sont des survivances de tel ou tel service ou branche. Le
Lloyds a conseillé aux assureurs de considérer comme
exposée au risque cyber la somme de toutes les polices souscrites, mais
cela n'aboutit pas une juste vision de l'impact du risque cyber. Il
paraît plus judicieux de considérer l'exposition affirmée
au risque comme l'exposition minimum et d'affiner les outils de
modélisation de risque sur l'exposition silencieuse. Personne n'a encore
la clé pour gérer l'accumulation de risque cyber, nous sommes au
début de ce processus.102
In fine, souscrire un contrat de cyberassurance
devrait présenter l'avantage de créer une capacité
spécifique sur le risque cyber et de protéger par là
même, en théorie, la capacité des autres assurances de
l'assuré.
b) Financer les risques catastrophiques
Le financement des risques catastrophiques amène lui
aussi à l'innovation dans le secteur de la réassurance et des
marchés financiers. Le financement privé du risque cyber trouve
toutefois ses limites là où la responsabilité des Etats
devrait commencer.
i. Le rôle limité de la réassurance
privée
L'assureur qui a diversifié son portefeuille et qui
reste prudent peut sur les risques les plus complexes faire appel à la
réassurance. Les réassureurs participent activement à
l'augmentation de capacité en première ligne. De par leur
exposition exacerbée au risque
102 VEZIO, Philippe, Managing Director chez
Tokio Marine HCC, entretien téléphonique, Août 2017.
61
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
cyber, les réassureurs ont rapidement
développé une dynamique d'agrégation. Le marché de
la réassurance continuera de progresser en fonction de la croissance du
marché de la cyberassurance en première ligne. Cela se fera au
moyen de cessions de risque et des formes additionnelles de réassurance
qui deviendront pratique courante à mesure de l'amélioration des
techniques de quantification du risque.103
Il reste cependant difficile d'évaluer l'impact
potentiel d'un sinistre systémique et de mettre au point des
scénarii catastrophes. Les réassurances introduisent donc des
limites annuelles de couverture dans les traités de réassurance
et ce y compris sur des structures en quotepart. Les définitions du
risque cyber dans les traités de réassurance n'ont pas encore
été confrontées à des sinistres de grande ampleur.
Cela est source d'insécurité pour un assureur qui choisirait de
se couvrir en réassurance par un traité en excédent de
sinistre par événement.104 Les
réassureurs sont plus exposés au risque d'insolvabilité
consécutif à l'accumulation de risque cyber et à son
management perfectible. Certains réassureurs tels que Swiss Re ou Munich
Re présentent une activité de réassurance et d'assurance
en première ligne en relation avec des clients. Cela multiplie leur
exposition au risque cyber sur plusieurs niveaux d'assurance. La plupart des
réassureurs ont décidé de recentraliser la
réassurance afin d'assurer un meilleur contrôle des prises de
risque.105
Les réassureurs établissent des partenariats
avec des entreprises du secteur de la cybersécurité et du secteur
de l'analyse de risque afin de combler le vide d'information historique et de
proposer des offres plus adaptées. Les réassureurs ont
développé une analyse plus experte du risque du fait de leur
forte exposition. Cela dit, ils se heurtent à la même limite
d'absence de connaissance pratique. Les conséquences d'un risque
complexe sont découvertes à sa réalisation. Les
réassureurs participent activement au développement des
modèles d'agrégation.
Afin de développer la capacité cyber, il est
aussi envisageable de créer des véhicules d'investissement
destinés à faire supporter une partie du risque à des
investisseurs sur les marchés financiers. Des initiatives de
création de titres assurantiels en couverture de risque
103 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge Judge
Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber Risk
Landscape, 37 p.
104 ASSOCIATION DES PROFESSIONNELS DE LA REASSURANCE EN
FRANCE, Etude sur les « cyber risques » et leur
(ré)assurance, Juin 2016, 21 p.
105 VEZIO, Philippe, Managing Director chez Tokio Marine HCC,
entretien téléphonique, Août 2017.
62
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
cyber ont été constatées.106
Dans sa dernière étude Sigma sur le risque cyber, Swiss Re
indique que le marché des titres assurantiels pour le risque cyber est
encore naissant mais qu'il pourrait se développer.107 Selon
Benjamin Jacquet, ILS Underwriter & Cyber Risk Expert chez Crédit
Suisse Insurance Linked Strategies, l'accumulation de l'exposition des
assureurs au risque cyber et la capacité à tarifier et à
modeler ce risque sont les deux challenges que l'essor de ce marché doit
affronter, tout en confirmant que le risque cyber représente une
opportunité pour les marchés financiers. Le récent
ransomware WannyCry a mis en lumière le potentiel extrême
de perte financière que pouvait représenter une cyberattaque,
soulignant le besoin non seulement de réassurance mais aussi d'une
profonde réserve de capital ILS, ou d'un espace de réassurance
alternative.108
Pour l'heure, la capacité de financement des assureurs
reste limitée et certains acteurs du marché appellent à
l'implication des pouvoirs publics sur cette problématique.
ii. L'implication et la responsabilisation des Etats
Dans un scénario catastrophe, ce serait-il pas
pertinent de requérir le soutien financier des pouvoirs publics ? Le
risque cyber est un risque global, à ce qu'à terme tout
élément, objet ou personne, sera connecté et
interconnecté, et ce à une échelle mondiale. Le sinistre
cyber catastrophique aurait des conséquences désastreuses pour la
vie économique d'un pays.
Il est aussi possible d'envisager un financement public de la
cyberassurance lorsque l'on constate que des services publics, de
première nécessité, ou d'importance vitale pour les Etats,
peuvent être tout autant impactés par des cyberattaques que le
secteur privé. C'est le cas des hôpitaux qui sont visés de
manière répétée par des attaques de cyber extorsion
ou des sites industriels stratégiques.
Dans ce contexte, les pouvoirs publics pourraient intervenir
financièrement de plusieurs manières. Il est possible d'imaginer
un système de réassurance dont les pouvoirs publics seraient le
dernier échelon. Le risque cyber catastrophique peut être
transféré en première ligne à l'assureur, et selon
l'éligibilité du risque, à un deuxième niveau qui
serait de
106 Les Insurance-linked securities (ILS)
sont des instruments financiers dont la valeur est guidée par des
sinistres assurantiels. Ce mécanisme de financement s'applique aussi aux
dommages matériels causés par des catastrophes naturelles.
107 SWISS RE INSTITUTE, Sigma, Cyber :
getting to grips with a complex risk, No 1/2017, 2017, 34 p.
108 EVANS, Steve, Regulation and analytics
can help cyber ILS market flourish, Seeking Alpha, Juin 2017.
63
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
la réassurance privée et pour les risques cyber
les plus conséquents, à un troisième niveau de
réassurance publique. Il serait même possible d'ajouter un
échelon de dernier recours de réassurance publique
internationale. Swiss Re estime qu'un filet de sécurité public
pourrait trouver sa pertinence face au risque cyber le plus complexe, voire,
inassurable. Sont visés des sinistres tels que la perturbation
généralisée d'infrastructures ou de réseaux d'une
certaine importance, pouvant engendrer des cumuls de dommages.109
Il est aussi envisageable de créer un organisme public
de réassurance, ou une sorte de garantie de l'Etat, bien que ce
mécanisme soit remis en question par les libertés
européennes et le droit de la concurrence, mais pourrait devenir
international.
Certains auteurs ont avancé que le financement du
mécanisme de réassurance publique pourrait provenir des sanctions
infligées par les différentes autorités
compétentes, ou d'une taxe sur les contrats cyber ou encore sur les
produits ou services liées aux technologies de
l'information.110 L'idée du financement par le montant des
sanctions administratives est intéressante dans l'hypothèse
où ces dernières ne seraient pas assurables. A défaut, le
mécanisme reviendrait à ce que des assureurs privés
financent la réassurance publique.
Dans la continuité de ce raisonnement, nous pouvons
renverser le point de vue et s'intéresser à l'implication des
Etats dans la cyber activité. L'activité cyber des Etats est
traditionnellement cantonnée aux domaines exécutifs et ne
provoque pas de dommages au-delà du plan politique, militaire, et
diplomatique. De récentes attaques suspectées d'être
sponsorisées par les Etats ont toutefois causé des pertes dans le
secteur civil et privé. Par exemple, la cyberattaque subie par
l'entreprise Sony en 2014 serait selon les Etats-Unis d'Amérique de
source nord-coréenne. Il existe de même des allégations
selon lesquelles la Corée du Nord serait impliquée dans la
soustraction par cyberattaque de millions de dollars d'une douzaine de
banques.111
Cette implication effective des Etats dans la cyber
activité produit bien des impacts sur le marché de la
cyberassurance. Par exemple, en 2016 le groupe de hackers ShadowBrokers a rendu
disponible un fichier contenant un panel d'armes de cyber hacking obtenu de
l'Equation
109 SWISS RE INSTITUTE, Sigma, Cyber :
getting to grips with a complex risk, No 1/2017, 2017, 33 p.
110 TELECOM ParisTech, Alumni, Livre blanc : comment
« débloquer » le marché de l'assurance cyber en France
?, Juin 2017, 19 p.
111 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge Judge
Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber Risk
Landscape, 8 p.
64
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
Group, une des équipes de cyber hacking de la National
Security Agency des Etats-Unis d'Amérique. Ces outils extrêmement
qualitatifs permettaient de pénétrer des firewalls standards tels
que Cisco SAS, Fortinet FortiGate et Juniper SRX. Des hackers peu scrupuleux
avaient donc la possibilité en usant de ces outils d'accéder aux
systèmes d'information des entreprises qui utilisaient ces firewalls. En
urgence, les semaines suivant la diffusion publique du dossier, des patches de
sécurité ont été élaborés et des
mesures de prévention ont été établies. Nous
constatons toutefois bien dans cette espèce que l'implication des
pouvoirs publics dans la cybersécurité peut avoir des
conséquences sur un portefeuille d'assurés, et ce même de
manière systémique.112
Cette implication des Etats dans une sorte de cyber guerre
soulève le débat de l'assurabilité privée des
conséquences d'une sinistre cyber causé à des entreprises
du secteur privé ou des particuliers par une action d'origine publique.
L'attribution d'une attaque cyber est très difficile.
Différencier l'attaque criminelle de l'attaque sponsorisée par un
Etat serait un challenge pour les assureurs. L'appétit des assureurs sur
le risque cyber peut varier selon la proportion qu'en prend la
cybercriminalité sponsorisée par les Etats, potentiellement
conséquente. Il s'agit là d'une menace majeure de risque
systémique, les équipes cyber sponsorisées
bénéficiant des ressources les plus performantes.
Dans la continuité, nous pouvons noter que les groupes
terroristes ne sont pas encore en possession d'une capacité de cyber
destruction, bien que certains groupes soient connus pour faire des recherches
en ce sens.113 Le problème d'attribution global des
cyberattaques concerne aussi les actes de cyber terrorisme. Le cyber terrorisme
fait débat lorsqu'il s'agit d'aborder le sujet des pools d'assurance.
L'assurance couvrant les actes terroristes est globalement traitée
à travers le monde de façon spécifique. Un filet de
sécurité public existe pour ces risques. Aux Etats-Unis, les
assureurs sont sommés de fournir une offre de couverture, et cela est
automatiquement inclus dans l'assurance accident des
salariés.114 Le parallèle pourrait être
établi quant à la prise en charge du risque cyber, ce que Swiss
Re a effectué dans son étude Sigma, d'ailleurs. Le U.S. Terrorism
Risk Insurance Program Reauthorization Act de 2015 ne couvre pas explicitement
le risque cyber. Certains assureurs
112 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge Judge
Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber Risk
Landscape, 9 p.
113 The United Cyber Caliphate arm of Islamic State, par
exemple.
114 CENTRE FOR RISK STUDIES, University of Cambridge Judge
Business School & Risk Management Solutions (RMS), 2017 Cyber Risk
Landscape, 10 p.
65
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
66
suggèrent donc que ce dernier s'applique en cas de
cyberattaque ayant causé des dommages à des infrastructures
stratégiques.115 La question du filet de
sécurité public est donc toujours en débat à
l'heure actuelle. L'assurance n'apparaît pas comme l'instrument le plus
adapté pour répondre à cette typologie de risque cyber,
sur laquelle les divers gouvernements devraient s'impliquer.
115 CRO FORUM, Cyber resilience, The cyber risk challenge and
the role of insurance, Décembre 2014, 39 p.
(c) Roxanne DESLANDES, 2017.
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