Conclusion
Cette présentation chronologique des modèles
macroéconomiques qui sont à la base des décisions des
politiques monétaires était nécessaire et importante
puisqu'elle nous permet dès lors de comprendre la portée des
politiques économiques sur l'activité réelle. Mais
surtout, elle nous permet de comprendre pourquoi, la maîtrise de
l'inflation est la mission la plus importante assignée aux
autorités monétaires. La maîtrise de l'inflation est aussi
le gage de ne pas tomber dans une spirale déflationniste, mouton noir
des économies.
Aussi, l'impact crucial qu'ont les anticipations des agents
dans la formation des principaux agrégats économiques explique
pourquoi, aujourd'hui, le pilotage des anticipations est un
défi majeur pour les banques centrales et que les politiques
discrétionnaires ont fait place à des politiques
monétaires fortement engagées sur une règle
compréhensive et explicite. Aussi, la transparence quasi-totale des
banques centrales indique leur croyance en la nocivité des politiques
discrétionnaires.
12
II. Les principes fondamentaux de la politique
monétaire actuelle
La doctrine monétaire qui a été retenue
après la « grande inflation » des années 70 par les
principales banques centrales des pays développés est
basée sur les principes de la N.E.C. et utilise des modèles dits
D.S.G.E.
Comme nous l'avons vu dans la partie précédente,
les autorités monétaires ont complètement modifié
leur manière de communiquer. Les politiques discrétionnaires sont
délaissées au profit d'une politique solidement engagée
sur une règle explicite.
La recherche de transparence des banques centrales en ce qui
concerne leurs objectifs, leurs méthodes, leurs intentions et leurs
prévisions est justifiée par le fait que la doctrine
monétaire à complètement intégré la
théorie des anticipations rationnelles et en a déduit que cette
transparence est une des conditions nécessaires afin d'aligner
les décisions des agents économiques sur ses
objectifs.
En nous basant sur l'analyse très pertinente de
F.MISHKIN sur les « neuf principes scientifiques de base » de la
politique monétaire contemporaine, nous pouvons la définir selon
les principes suivants :
? « L'inflation est partout et toujours un
phénomène monétaire » (vision monétariste) ?
La stabilité des prix est source de bénéfices
importants
? Il n'existe pas de relation à long terme entre
l'inflation et le chômage. La courbe de Philips de long terme est
verticale (approche néoclassique de la courbe de Philips cf. partie
précédente)
? Les anticipations jouent un rôle crucial dans la
formation de l'inflation et dans la transmission de la politique
monétaire à l'économie réelle : la politique
monétaire intègre le management des anticipations
supposées rationnelles à son activité
? Le respect du principe de Taylor
conditionne la stabilité des prix : il s'agit là de la
règle de Taylor qui établit de façon
explicite la dynamique de fixation des taux directeurs par les autorités
monétaires. La formulation de cette règle est le résultat
de travaux empiriques et est construit comme suit :
13
avec le taux directeur fixé par la banque centrale
à l'instant , le taux d'inflation, la
cible d'inflation de la banque centrale, le taux
d'intérêt réel à l'instant , et les
niveaux respectifs du PI3 et du PI3 potentiel et et des
coefficients. (Source
Wikipédia)
Les niveaux des coefficients sont déterminés par
les autorités monétaires en fonction des
spécificités des économies.
Cette règle est l'illustration de l'arbitrage que fait
la banque centrale entre les écarts d' inflation et les écarts de
P113 sachant que l'éloignement du P113 de son niveau potentiel
suggère un risque de récession et que la politique
monétaire a les moyens d'intervenir indirectement sur cet agrégat
en décidant de baisser son taux directeur. Elle le fera sous condition
que cela ne nuise en rien à son ciblage de l'inflation, soit dans le cas
où l'inflation reste contenue dans la bande de 0 - 2%.
Cependant, dans les cas où le niveau de l'inflation
dépasse sa cible, la politique monétaire devra réagir par
une augmentation de son taux directeur, la maîtrise de l'inflation
étant sa mission principale, ce qui déprimerait encore plus la
production. On voit bien ici les défis que représenterait un
épisode de stagflation. Mais aussi les défis auxquels
sont confrontées les banques centrales à l'heure actuelle avec
des risques de tombée dans une spirale inflationniste et des taux
d'intérêts directeurs déjà à leur niveau
plancher.
Pour conclure, l'équation de Taylor reste l'assurance
d'un bon cadrage de la politique monétaire et son application a
pu assurer durant près de 30 ans la stabilité économique
des pays qui l'ont adopté. Elle formalise le comportement des
banques centrales ainsi que leurs principaux objectifs que sont la lutte contre
l'inflation et le maintien de P113 proche de son niveau potentiel.
? Il existe un décalage temporel notable entre les
impulsions de la politique monétaire et leur transmission à
l'économie : on peut dire que la politique monétaire fonde ses
décisions sur la formulation de projections économiques
en se servant pour cela des modèles D.S.G.E. qu'elle retient
pour ses analyses économiques.
Cela est encore plus vrai en période
d'instabilité puisque les canaux de transmission de la politique
monétaire se retrouvent « enroués » comme nous avons
d'ailleurs pu le constater pendant la récente crise.
? L'indépendance des banques centrales est une des
conditions d'efficacité de la politique monétaire : en effet, la
crédibilité de la politique monétaire, et par
conséquent sa capacité à orienter le comportement des
agents économiques, est intimement liée à l'image
d'impartialité qu'elle renvoie au public. Aussi, comme le soutiennent de
multiples travaux, ce principe d'indépendance est aussi un moyen de
limiter les comportements
14
irresponsables des agents économiques qui ne peuvent
plus s'assurer du secours de la banque centrale en cas de difficulté.
? L'engagement ferme à mener leurs actions dans le but
de satisfaire des objectifs finaux fixés explicitement est
déterminant dans la bonne conduite des politiques monétaires.
Les frictions sur les marchés financiers jouent un
rôle important dans les cycles d'affaires : cette croyance n'est pas
clairement mentionnée dans la dynamique de décision des
politiques monétaires. Cependant, sa pertinence vérifiée
en fait un thème important dans les orientations stratégiques des
banques centrales.
III. La stratégie des banques
centrales
1. Objectifs finaux et objectifs intermédiaires:
Les objectifs finaux officiels poursuivis par les
autorités monétaires sont, comme nous l'avons mentionné et
expliqué à plusieurs reprises dans les parties
précédentes, en premier lieu la recherche de la
stabilité des prix et, dans le cadre limitatif imposé
par ses statuts, le maintien du niveau de production assez proche de
son niveau potentiel.
La BCE a fait le choix de fixer une cible stricte d'inflation
à 2%. Le taux d'inflation annuel harmonisé de la zone EURO doit
alors être contenu entre 0 et 2 % mais proche de 2% afin d'éviter
les risques de déflation.
La Fed et la banque d'Angleterre ont pour leur part fait le
choix de ne pas fixer de cible d'inflation formelle.
Les banques centrales ne peuvent pas atteindre directement ces
objectifs qui sont en réalité les résultats d'ajustements
macroéconomiques complexes ayant lieu dans l'économie
réelle.
Elles peuvent cependant influencer la marche des
économies à travers des outils tels que les variations
des taux d'intérêts directeurs et celui de la masse
monétaire.
Elles vont alors fixer des « objectifs intermédiaires
» concernant :
- Le taux de croissance de la masse monétaire
évaluée généralement sur la base de
l'agrégat M3 pour l'Europe M2 pour les États-Unis. La BCE a
officiellement fixé cet objectif à 4 % par an mais le
dépasse assez souvent.
15
- Les taux d'intérêts directeurs : le niveau de
ces taux est aujourd'hui le principal objectif intermédiaire retenu par
les banques centrales.
- La maîtrise des taux de change : par l'achat et la
vente à terme de devises sur la base de ses réserves ou en
utilisant son taux directeur pour influencer de manière indirecte la
demande pour la monnaie nationale. Cette dernière solution est en
réalité difficilement applicable puisque le canal du taux de
change est considéré comme secondaire dans la transmission de la
politique monétaire.
La manière dont ces objectifs intermédiaires
agissent sur les objectifs finaux dépend de leurs impacts sur la
formation des agrégats économiques. Impacts que nous avons pu
clairement préciser dans la première partie de ce mémoire
lorsqu'on a expliqué le fonctionnement des modèles IS-LM, AS-AD
et de la N.E.C. Comme nous l'avons aussi précisé, chaque banque
centrale retient et élabore ses propres modèles de
prévisions avec des dynamiques souvent plus complexes que ces premiers
modèles.
La manière dont ces objectifs intermédiaires
agissent sur l'économie réelle à court terme peut
être résumée par l'identification des principaux
canaux de transmission de la politique monétaire. Cette analyse
via les canaux de transmission est primordiale puisque l'une des principales
préoccupations des banques centrales mais aussi des économistes
en général concerne l'efficacité effective de ces canaux
de transmission et par extension celle du choix des objectifs
intermédiaires. Nous détaillerons le fonctionnement de ces canaux
de transmission dans la section suivante.
2. Méthodologie de la prise de décisions :
analyse monétaire et analyse économique
Les banques centrales prennent leurs décisions
après avoir clairement déterminé les influences de la
conjoncture économique et des évolutions de la masse
monétaire sur les mouvements futurs des prix et de l'activité
économique. Elle procède alors à des analyses
monétaires sur la base de l'équation de Fisher et à des
analyses économiques sur la base des modèles D.G.S.E. à sa
disposition. Dans le cas de l'analyse économique, les banques centrales
vont observer des variables clés telle que le PIB, les taux de change,
les prix à la production, la balance commerciale, le niveau des
salaires, le niveau d'endettement des ménages, le niveau des primes de
risque, le prix des actifs financiers etc. Son analyse lui permet de comprendre
l'évolution de l'économie réelle, de formuler des
projections économiques et d'établir l'évolution future
des prix et même de mettre à jour les anticipations des agents
économiques au moment de l'analyse. En ce qui concerne l'analyse
monétaire, elle va s'intéresser à la demande de monnaie,
aux différents agrégats monétaires ainsi qu'au
degré de liquidité et de substituabilité des actifs
monétaires entrant dans l'agrégat M3 afin d'identifier en
définitive les pressions éventuelles sur les prix futurs
16
IV. Les instruments de la politique
monétaire
Afin de mettre en oeuvre sa politique monétaire, la
banque centrale, après avoir fixé ses objectifs
intermédiaires, endosse son rôle de fournisseur de monnaie banque
centrale aux institutions financières qui lui empruntent de la monnaie
pour couvrir principalement les opérations de compensation entre banques
commerciales et de refinancement liés à leurs activités de
prêteur. Il s'agit de la constitution de réserves en monnaie
banque centrale parallèlement à l'octroi de prêt aux agents
économiques et d'opération de refinancement lié à
l'utilisation de ces lignes de crédit par les agents concernés.
Les banques commerciales ne pouvant pas créer de monnaie, banques
centrales doivent systématiquement compenser les opérations
qu'elles réalisent.
La politique monétaire possède alors
différents instruments d'intervention sur le marché
monétaire. Ces instruments sont les suivants :
Définition du marché monétaire
:
Le marché monétaire est un marché de la
liquidité à court terme (de 24 heures à 1 an voire 2 ans
dans certains cas) et sur lequel interviennent les institutions
financières que sont entre autres les banques commerciales, les
Trésors publics, les assurances, certains fonds financiers mais aussi
certaines grandes entreprises. Ces dernières placent (offre) ou
empruntent (demande) de la monnaie en échange de titres tels que les
bons du trésor, les certificats de dépôt négociables
(CDN) pour les banques, les billets de trésorerie (BT) pour les grandes
entreprises etc. Ce marché se décompose en deux sous -
marchés : le marché interbancaire composé
uniquement d'établissements de crédit et qui possède un
fonctionnement propre (durée, taux, conditions) et le
marché des titres de créances négociables (TCN),
BT, CDN, bons du trésor etc., lesquels ne sont pas côtés et
sur lequel interviennent tous les acteurs du marché monétaire.
C'est sur ce marché monétaire qu'intervient la
banque centrale. Celle-ci va influencer les conditions de taux
d'intérêt du marché en fixant le volume de liquidité
qu'elle offre, i.e. un grand volume de liquidité tire les taux du
marché à la baisse, et en fixant son taux d'intérêt,
i.e. un taux d'intérêt faible tire les taux du marché
à la baisse.
1. Les opérations d'open-market et de
crédit
Les opérations d'open-market ont pour principales
caractéristiques, la fourniture temporaire de monnaie
banque centrale en échange d'une rémunération au
taux d'intérêt directeur et sous condition de fournir
à la banque centrale des garanties éligibles mises en
pension. Ces garanties sont principalement des TCN. Ces titres vont
alors figurer à l'actif de la banque centrale jusqu'à
échéance du prêt consenti.
17
Les principales opérations d'open-market sont
hebdomadaires et prennent la forme d'appels d'offre émis par la banque
centrale sur le marché monétaire dont les conditions sont le
volume de monnaie disponible aux prêts, la durée du prêt
(généralement 1-3 semaines) et le niveau du taux
d'intérêt applicable au prêt.
Tout besoin de refinancement non couvert par ces
opérations oblige les banques concernées à se tourner vers
le marché interbancaire, i.e. se financer à très court
terme auprès des autres banques commerciales, à un taux
d'intérêt calculé sur la base des taux
d'intérêt directeurs de la banque centrale. Il s'agit des taux
dits EONIA (au jour le jour) et EURIBOR (d'un mois à 3 ans).
Un autre type d'opération d'open-market existe, il s'agit
d'appels d'offre dont la fréquence est mensuelle. Leur
échéance est plus longue (généralement
supérieure à 3 mois) et le taux d'intérêt directeur
associé est plus élevé. Ces opérations sont
destinées à des institutions financières moins bien
intégrées sur le marché monétaire.
Enfin, des opérations dites de « réglages fins
» auxquelles aucune échéance n'est associée et sont
utilisées dans des situations exceptionnelles.
Ces 3 premiers instruments des banques centrales sont le point de
départ de la transmission de la politique monétaire à
l'économie réelle. Ils permettent la gestion de la masse
monétaire en circulation (objectifs intermédiaires) et la
poursuite de l'objectif intermédiaire de taux d'intérêt.
2. Les facilités permanentes et les réserves
obligatoires
En parallèle des opérations d'open-market, d'autres
instruments existent. Les facilités permanentes :
? Les facilités de prêt marginal :
consiste en des prêts dont la durée n'excède pas
une journée et dont le montant n'est pas limité. Il s'agit de
répondre à des situations exceptionnelles et urgentes. Les taux
d'intérêt associés à ces prêts sont
élevés et servent de plafond dans le calcul des taux
d'intérêt interbancaires.
? Les facilités de dépôt :
il s'agit du taux de rémunération des
dépôts des banques commerciales auprès des comptes de la
banque centrale. Ce taux est bien sûr strictement inférieur au
principal taux directeur.
18
Les réserves obligatoires :
La banque centrale peut agir sur le niveau de levier des
banques commerciales en leur imposant un taux de réserve obligatoire
constitué de dépôt de leurs clients. Ces réserves
doivent servir à couvrir les risques de liquidité associés
à leurs positions et assurer une meilleure stabilité des taux
d'intérêt du marché monétaire.
En résumé, les instruments que nous avons
présentés permettent de transmettre de façon directe au
marché monétaire les décisions stratégiques des
banques centrales ; et vont, via les canaux de transmission que nous allons
définir dans la partie suivante influencer l'économie
réelle, de telle manière à permettre en définitive,
la réalisation des objectifs finaux des banques centrales.
3. Opérations exceptionnelles :
D'opérations structurelles : consiste en l'achat/la
vente définitive de titres financiers par la banque centrale en vue
d'impacter de façon directe le volume de la masse monétaire ou
accessoirement le prix des actifs et les taux d'intérêt sur les
marchés obligataires entre autres. Ce type d'instrument a
retrouvé une place de choix durant la récente crise.
Les reprises de liquidité en blanc : vise
à diminuer la masse monétaire en proposant des
rémunérations intéressantes sur les dépôts
des banques auprès des BCN.
L'émission de certificats de dette : la banque
centrale devient créancière des autres banques dans le but de
retirer des liquidités de l'économie.
Les échanges de devises : influence les taux de
change.
On peut souligner ici l'importance du marché
interbancaire dans la transmission de la politique monétaire. Tout
disfonctionnement de ce marché peut être la source de graves
déséquilibres économiques et financiers. Le marché
interbancaire est ainsi « une plateforme de jeu interactive »
déterminante dans la quête de la croissance et de la
stabilité macroéconomique. Les mouvements des taux interbancaires
sont donc suivis de près par l'ensemble des acteurs financiers et
économiques, par les banques centrales mais aussi par les États.
Ce sont des indicateurs clés pour juger de l'état de la
conjoncture économique, de la nature des anticipations, et pour
élaborer des projections.
19
V. Les canaux de transmission de la politique
monétaire
Les principaux canaux de transmission considérés
pour la politique monétaire sont ceux du crédit et du taux
d'intérêt. Cependant, d'autres canaux de transmission existent et
tiennent une grande importance dans la conduite d'une politique
monétaire optimale. Nous allons à présent identifier la
nature et le fonctionnement de ces canaux.
1. Le canal du taux d'intérêt
Notons que les décisions d'investissement se basent
avant tout sur le taux d'intérêt réel à long terme
plutôt qu'à court terme. Ce qui implique que le mécanisme
de transmission d'une politique monétaire expansionniste sur
l'investissement par le biais du taux d'intérêt n'est pas valable
à court terme. Ainsi, pour agir sur l'économie réelle, la
politique monétaire doit pouvoir induire des baisses des taux
d'intérêt réels de long terme. Lorsqu'elle satisfait aux
conditions de crédibilité définies dans notre
développement, la banque centrale est capable d'agir sur ces taux de
long terme grâce à la fixation de son taux directeur à
court terme sur le marché monétaire. Ce résultat est
possible car la construction de la courbe par terme des taux du
marché ** est telle que les taux d'intérêt de long
terme sont calculés sur la base d'une moyenne des taux
d'intérêt anticipés à court et moyen terme. Ainsi,
des mouvements de baisse du taux d'intérêt directeur de court
terme induisent à la fois une baisse immédiate des taux
d'intérêt réels, les prix étant rigides à
court terme, mais aussi, suppose qu'une baisse des taux d'intérêt
nominaux de long terme à laquelle s'ajoutent des anticipations de hausse
de l'inflation liées à la politique moins rigide finissent par
faire baisser les taux d'intérêt réels de long terme.
Ainsi, ce mécanisme devrait au final inciter les entreprises à
investir, le coût du capital étant non élevé et
ainsi créer de la croissance et une baisse du niveau du chômage.
Aussi, certains auteurs soulignent le fait que ces dépenses
d'investissement ne concerneraient pas que les entreprises mais aussi la
consommation via des achats de biens durables ou l'investissement
immobilier.
** Cette courbe représente les taux
d'intérêt moyens pratiqués sur les obligations et
calculés en fonction du temps, du taux de refinancement, du taux sans
risque et des primes de risque.
Dans une certaine mesure, ce canal du taux
d'intérêt fait autant de partisans qu'il ne soulève de
critiques quant à son efficacité. Notons que ce canal est plus
efficace dans les économies orientées vers le marché comme
aux USA et en UK tandis que le canal du crédit serait plus important
dans les économies orientées vers le système bancaire
comme en Europe.
Enfin, notons que ce canal peut être effectif même
si les taux directeurs sont déjà au plancher et cela par le biais
d'anticipations d'inflation liées à la variation du volume de
liquidité offert par les banques centrales. C'est d'ailleurs la
stratégie que ces dernières ont adopté face au
problème du « zero lower bond » durant la récente
crise.
2. 20
Le canal du taux de change
Il n'y a pas de surprise lorsqu'on rappelle que la perte de
valeur d'une monnaie par rapport à une autre (dévaluation) peut
être très profitable en ce sens qu'elle favorise les exportations
et donc l'accroissement des activités nationales, l'emploi, la
consommation et l'épargne. Cela, à condition
bien sûr de la soutenabilité économique du
renchérissement des importations. Cela dépendra alors de
la catégorie du pays, majoritairement exportateur comme la Chine ou
fortement importateur.
Mais les effets du taux de change sur l'économie
réelle ne s'arrête pas à cette considération mais
influence aussi les mouvements de capitaux et les risques liés à
la fluctuation du change comme nous l'avons précisément
décrit dans la section 1 de la première partie de ce
mémoire.
Mais comment la politique monétaire agit-elle via ce
canal du change ? La logique derrière cette question est la suivante
:
Une baisse des taux d'intérêts directeurs
implique une baisse de la rémunération des dépôts en
monnaie nationale et donc une baisse du volume de ces dépôts
contre une hausse du volume des dépôts libellés en monnaie
étrangère qui sont mieux rémunérés. Par
conséquent, l'application de la loi de l'offre et de la demande conduit
à la baisse de la valeur de la monnaie nationale. Cette baisse de la
valeur relative de la monnaie nationale correspond aussi à une hausse du
pouvoir d'achat des pays étrangers sur les biens nationaux et donc
à une augmentation de la demande étrangère et donc du
niveau des exportations et du PIB national sous certaines
conditions. La banque centrale peut aussi intervenir de façon
directe sur le marché des devises mais ne le ferait que très
rarement.
Les considérations de change ne sont pas explicitement
prises en compte dans les décisions de la politique monétaire et
certains auteurs critiquent ce fait. Ces derniers estimant que ce canal a
été trop minimisé par les autorités
monétaires depuis l'adoption du régime de change flottant.
3. Les canaux du prix des actifs autre que la monnaie
L'idée de base reste assez simple : lorsque le taux
directeur de la banque centrale diminue, l'attractivité des titres
obligataires baisse du fait de la baisse de leur taux de rendement. La hausse
du prix des titres obligataires déjà détenus conduit
à leur cession sur les marchés secondaires et donc, à une
augmentation de la demande de monnaie. Ces liquidités
récupérées, ainsi que les liquidités disponibles au
placement à ce moment donné sont alors investies pour partie sur
le marché des actions qui offre des potentialités de gains plus
élevées.
21
Le cours des actions augmentent alors créant un effet
richesse pour les détenteurs de ces titres qui pourra se formaliser par
une augmentation de la demande pour des biens de consommation.
Mais aussi, cette affluence de
liquidité disponible pour le financement des entreprises leur offre
l'opportunité et l'incitation à l'engagement de nouveaux projets
d'investissement à long terme. Celles-ci profitent alors de la hausse
des cours des valeurs actionnariales pour émettre de nouvelles actions
à un prix de marché supérieur à leur valeur
fondamentale. La finalité étant bien sur l'augmentation du PIB,
de la consommation et la baisse du chômage.
Tobin, en 1969 approche ce mécanisme via le calcul d'un
coefficient « q » qui met en rapport la valeur boursière des
entreprises et le coût de renouvellement du capital productif.
Notons enfin que cette approche peut tout
autant s'appliquer au marché immobilier par exemple lorsqu'on
considère qu'il constitue une opportunité d'investissement
alternatif et que la valeur des biens immobiliers est relativement plus
importante lorsque celle des obligations et titres assimilables diminue.
Le revers de ce canal du prix des actifs serait les risques
liés à la formation de bulles spéculatives sur ces
marchés.
4. Le canal du bilan
Par ailleurs, et dans la logique du canal
précédent du prix des actifs, une hausse de la consommation ou de
l'investissement peut être induite par ce qu'on peut appeler le canal du
bilan. En effet, l'impact positif qu'une politique monétaire peut avoir
sur la valeur des titres détenus par des agents économiques,
engendre une amélioration de leur situation patrimoniale, leurs
permettant d'être éligible à de nouveaux emprunts pour la
conduite de projets d'investissement ou pour la consommation. Ce canal a alors
une influence sur le canal du crédit. Aussi,
l'amélioration induite par ce financement supplémentaire sur la
structure financière des entreprises, sur leur rentabilité
financière, voire sur leur rentabilité économique, tend
à permettre l'amélioration des conditions économiques et
de financement de l'ensemble de la nation.
Une telle politique permet par ailleurs une baisse notable des
problèmes de sélection adverse et d'aléa de
moralité, lesquels contraignent le financement des projets
d'investissement envisagés par les entreprises. Ce dernier point
implique que dans une certaine mesure, une telle politique monétaire
aurait pour conséquence d'assainir les conditions économiques en
permettant que soit alloués des financements à des projets moins
risqués et plus viables. Les études dans ce domaine ayant
démontré que des taux d'intérêt élevés
tendent à décourager les « good project » au profit de
projets plus risqués « bad project ».
22
Enfin, il est important de noter que les
décisions des autorités monétaires auront un effet sur la
valeur patrimoniale des agents dans une autre mesure. En effet, lorsque l'on
s'intéresse aux engagements financiers des agents que sont les
dettes et les créances, il faut noter qu'une politique
monétaire très accommodante, qui va impulser une hausse du taux
d'inflation, aura pour effet de diminuer l'endettement réel
des emprunteurs, soit d'améliorer leur situation patrimoniale
avec ce que cela implique en terme d'éligibilité aux
financements. A l'inverse, une telle politique sera négative pour les
prêteurs.
Attention, on notera que si, dans le cas contraire, on est
face à une politique monétaire très restrictive, la
dégradation du patrimoine des agents économiques peuvent avoir
des effets très néfastes sur l'investissement et la
consommation.
5. Le canal du crédit
Les marchés financiers ne suffisent pas à
assurer le financement des besoins en liquidité de l'ensemble des agents
économiques. Les conditions d'accès au marché et
d'éligibilité au financement sont telles qu'une grande partie des
entreprises en sont exclues. Les banques commerciales tiennent alors un
rôle majeur pour contourner les limites des marchés financiers et
assurer, en complément de ces derniers, une bonne allocation des
ressources financières.
Elles occupent alors une place importante dans la transmission
de la politique monétaire via le montant de crédit qu'elles
accordent. Lorsque la banque centrale baisse ses taux, tout ou partie de cette
baisse doit en temps normal se répercuter sur le volume de crédit
que les banque de second rang vont octroyer (sauf en cas de « credit
crunch » persistant). Les crédits sont utilisés par les
agents économiques en consommation de biens ou investis dans des projets
d'investissements. Cela aurait bien sûr pour effet d'améliorer la
conjoncture économique.
L'efficacité de ce canal reste très
discutée dans un contexte récent de vagues de
libéralisation financière. Il semble pourtant qu'il ait toujours
une importance considérable, notamment en ce qui est de la
redistribution des richesses dans l'économie et dans le
développement de l'entreprenariat et du crédit à la
consommation. Ce canal reste cependant primordial en Europe où
l'intermédiation financière occupe toujours une place
prédominante.
On peut noter que, selon la théorie, la persistance de
l'intermédiation financière tient du fait que l'importance des
incertitudes liées au fonctionnement des marchés financiers en
termes de transparence de l'information, de problèmes de
sélection adverse, d'instabilité du prix des actifs et de risques
de défaut ; font que certains agents préfèrent se tourner
vers ces institutions qui possèdent les connaissances,
l'expérience ainsi que la « retenue » qui leur est
imposée par la réglementation prudentielle, pour sécuriser
les dépôts et investissements.
23
De nombreuses études continuent d'être
menées sur l'efficacité des canaux de transmission de la
politique monétaire, leur nature et leur fonctionnement. Par exemple
celles de Mishkin ou d'Arkeloff qui tendent à
expliquer les choix des ménages en situation d'incertitudes.
Dans tous les cas, l'importance de ces canaux et leur
fonctionnement dépendront beaucoup de la conjoncture économique,
des caractéristiques structurelles des économies et des types de
politiques monétaires en vigueur.
24
TITRE 2 : La politique monétaire depuis
le début de la « grande dépression » : Le
bilan
I. Les principaux défis de la politique
monétaire et les limites des stratégies
conventionnelles
Dans cette seconde partie, nous étudierons les
réactions des autorités monétaires durant les moments
forts de la « grande dépression » et nous jugerons de leur
pertinence, de leur efficacité et de leurs implications.
Depuis la crise des subprimes, laquelle a été
suivie par la crise des dettes souveraines à partir de 2010, les banques
ont dû faire face à des défis considérables. Les
rôles primordiaux qu'elles tiennent dans les mécanismes de
stabilisation économique en font les principales responsables dans la
lutte contre les situations de crises et du retour à des situations
économiques et financières soutenables. Pour remplir ce
rôle les banques centrales peuvent utiliser tous les outils qu'elles ont
à leur disposition. Cependant, conformément aux principes qui
conditionnent leur existence, elles peuvent agir librement dans ce sens mais
sous contrainte de réaliser de façon conforme leur
mission de lutte contre l'inflation.
La crise des subprimes a entraîné un fort recul
des activités économiques dans les pays développés,
une augmentation des taux de chômage, un recul notable de la demande
globale à laquelle s'ajoute un problème de surendettement des
ménages, une forte augmentation des niveaux des dettes publiques et des
taux d'intérêt associés, une forte désinflation et
de grands risques d'entrer dans un cycle déflationniste, des faillites
en cascade entre autres.
Sans pour autant revenir sur les origines de cette crise et
sur sa mise en oeuvre, nous devons souligner que toutes ces conséquences
désastreuses viennent avant tout de la forte contraction des
marchés monétaires et financiers qui ont cessé de
jouer leur rôle dans le financement des activités
économiques. Les taux d'intérêt à court et long
terme du marché monétaire augmentent parallèlement
à des comportements de « crédit crunch »
de la part des établissements financiers qui cherchent à
réduire la taille de leur bilan pour se protéger. La valeur des
actifs sur les marchés financiers dégringolent. Cette contraction
est la conséquence d'une crise de confiance
généralisée sur ces marchés mais aussi au
niveau des ménages avec des phénomènes de «
bank-run ».
Le principal défi des autorités
monétaires au lendemain de la crise est de se substituer aux
marchés interbancaires et financiers devenus gravement
défaillants. Le choix de ses objectifs intermédiaires
répond donc, dans un premier temps, à cette
nécessité.
Dans cette optique, les banques centrales décident dans
un premier temps de baisser leur taux d'intérêt directeur
jusqu'à ce que ceux-ci atteignent des niveaux plancher.
Conformément à
25
notre étude dans la partie précédente,
ces mesures visaient à rétablir le fonctionnement normal des
canaux du taux d'intérêt du crédit, mais aussi, de jouer
positivement sur les canaux du prix des actifs et de la valeur du patrimoine.
Cela en fournissant la liquidité nécessaire au bon fonctionnement
du système bancaire et en dirigeant les anticipations d'inflation
à la hausse afin de tirer à la baisse les taux
d'intérêt réels de long terme. Aussi, la BCE a
annulé, voire rendu négative, la rémunération des
réserves des banques commerciales dans ses comptes afin de les inciter
à prêter leurs excédents de liquidités. Cette mesure
a cependant reçu plusieurs critiques que nous aborderons dans notre
bilan d'efficacité.
Ces décisions politiques étaient
nécessaires pour faire face au blocage de l'économie, mais
très insuffisantes puisque les banques centrales ont rapidement
été confrontées à ce que l'on appelle le
problème du « zero lower bond », situation
dans laquelle l'outil du taux d'intérêt devient inutilisable
puisque, ayant atteint des valeurs très faibles et proches de
zéro, il n'a plus aucun effet sur la courbe à terme des taux
d'intérêt, ni sur les autres canaux de transmission d'ailleurs.
C'est alors que les banques centrales ont dû rapidement
répondre à ce problème en mettant en oeuvre de nouvelles
stratégies, i.e. en élaborant de nouveaux objectifs
intermédiaires et de nouveaux instruments, afin de combattre les effets
de la crise. Il s'agit de ce que l'on nomme couramment les politiques
monétaires non conventionnelles.
La sévérité des défis que doivent
surmonter les banques centrales les a, dans une certaine mesure, obligé
à rompre avec leurs principes d'indépendance et
d'impartialité. Leurs positions ont d'ailleurs soulevé des
inquiétudes quant à la crédibilité de leur
action.
Nous allons dès lors expliquer en quoi consistent ces
politiques non conventionnelles, dans quelles mesures ont-elles
été utilisées et quelles ont été leur
efficacité et leurs implications pour l'avenir.
II. Le recours aux politiques monétaires non
conventionnelles 1. Les politiques de « quantitative easing
» (assouplissement quantitatif)
Ce type de politique consiste à rendre les conditions
d'accès à de la monnaie banque centrale beaucoup plus souple,
cela en combinant trois principales actions :
- En augmentant le volume de liquidité offerte par la
banque centrale lors de ces appels
d'offre
- En multipliant le nombre d'appels d'offre
- En augmentant la durée de remboursement des prêts
qu'elle consent
- En élargissant la palette de titres éligibles
pour garantir les prêts consentis
26
Ce type de politique vise principalement à saturer la
demande sur le marché monétaire afin que les activités de
financement puissent se remettre en place.
Cependant, elles ont aussi pour effet d'augmenter la taille du
bilan de la banque centrale et de l'obliger à détenir ces titres
pour des durées moyennes plus longues ce qui la soumet à des
risques de défaut et de marché croissant en fonction son niveau
de tolérance pour l'acceptation des titres en échange de
prêt et du degré d'instabilité de l'économie.
Enfin, ces mesures ont pour effet d'augmenter la base
monétaire disponible pour le financement de l'économie mais
n'assure cependant pas l'utilisation effective de ces liquidités de
telle façon à induire une augmentation proportionnelle de la
masse monétaire en circulation. En effet, il semble que cela soit
d'ailleurs le cas à l'heure actuelle et depuis le début de la
crise, avec un canal du crédit qui semble complètement
roué à la fois à cause du surendettement des agents
privés et de la frilosité des banques à assumer les
risques de défaut ou pire ceux liés à une nouvelle crise
systémique.
Enfin, certains intellectuels alertent sur les risques
d'hyperinflation qui peuvent découler de telles mesures.
2. Les politiques de « credit easing »
(assouplissement des conditions d'accès au crédit)
Ce type de politique a été utilisé en
complément des politiques d'assouplissement quantitatif dans le but
d'agir plus directement sur le financement de l'activité
économique et en palliation de la défaillance des canaux du
crédit.
Ces politiques consistent en des achats directs et
définitifs de titres auprès des institutions financières
et des marchés financiers sur les marchés secondaires. Dans le
cas des États-Unis, les achats concernent aussi des bons du
trésor acquis sur le marché primaire très souvent.
Ces opérations ont pour but de retirer les actifs
sensibles du marché, d'agir sur la valeur de marché de certains
titres (ex : obligations), d'apporter de la liquidité directement sur
les marchés et par extension, de rétablir un fonctionnement
normal de ces marchés alors en partie assainis et rassurés de
telle sorte à ce qu'ils assurent à nouveau leur rôle dans
le financement de l'économie.
Les banques centrales se servent de leurs réserves pour
mener ces opérations.
Ce type de politique présente un danger important pour
les banques centrales qui voient leur bilan se détériorer avec
chaque entrée à son actif de titres présentant le plus
souvent des risques de marché élevés et pour certains des
risques de défaut notables. La conséquence de ces
dégradations font que des critiques se soulèvent quant à
la légitimité des actions des banques centrales
concernées, quant à leur crédibilité mais aussi
quant à ce que cela implique
27
en terme de risque d'hyperinflation et de dévaluation
de la monnaie concernée. Cependant, ces inquiétudes sont
contrebalancées par le caractère strictement exceptionnel,
nécessaire et temporaire de ce type d'actions.
Les politiques de « credit easing » ont
été utilisées de façon très
différente en fonction des banques centrales et de leurs objectifs. En
effet, la BCE s'attèle alors à débloquer le marché
monétaire tandis que la Fed et la BoE font du retour à la
stabilité sur les marchés financiers leur principale
préoccupation. C'est par excès de prudence que la BCE s'est
refusée à mettre en oeuvre ce type de politique à grande
échelle mais aussi par son grand attachement à ses principes
d'indépendance et d'impartialité. Tandis que la Fed a
utilisé ces politiques dès le début de la crise de
façon importante et répétée.
La BCE, au contraire de la Fed et de la BoE, s'engage à
compenser ses actions par des opérations de stérilisation afin
d'éviter de créer trop d'inflation. C'est-à-dire que la
liquidité qu'elle injecte dans l'économie via les
opérations de « credit easing » doit être
compensée par le retrait de liquidités sur d'autres postes.
On peut par exemple noter que la Fed rachète dès
le début de la crise un volume important de titres risqués
adossés aux créances hypothécaires (MBS) dans le but de
maîtriser la charge de la dette dans le budget des ménages puisque
ces crédits avaient été accordés avec un taux
d'intérêt variable ; mais aussi pour stopper la
dégringolade des prix de l'immobilier et assainir les bilans des
participants aux marchés financiers. Vient ensuite le tour des titres du
secteur privé et des bons du trésor.
Aujourd'hui, bien que la BCE se soit toujours refusée
à intervenir sur le marché de la dette publique, voici que, comme
ses homologues américains et anglais, elle engage depuis plus d'un an
des programmes de rachat massif d'obligations publiques, mais aussi dans une
certaine mesure privée, sur les marché secondaire afin
d'influencer de façon décisive les taux d'intérêt
associés aux dettes publiques, les taux d'intérêt du
marché obligataire, de faire baisser les primes de risque et de soutenir
de façon directe les économies en voie à la
déflation. Pourtant, la BCE s'était jusqu'à présent
contentée de décision de « quantitative easing » assez
timide en comparaison des mesures anglaises et américaines.
Dans le cas général, les banques centrales ont
toutes exprimé leur ferme intention de maintenir leurs taux très
bas et de procéder si besoin est à de nouvelles mesures
exceptionnelles tant que la reprise économique n'aura pas
été effectivement consommée.
Voici quelques exemples des programmes qui ont
été mis en oeuvre par les banques centrales depuis le
début de la crise :
- « Term Auction Credit Facility » (TAF) -
2007 - Fed : « quantitative easing » - « Term
Securities Lending Facility » (TSLF) - 2007 - Fed :
réservés aux
principaux acteurs du marché, ce programme permet
d'échanger pendant 28 jours des
divers titres contre des bons du Trésor.
- « Securities Market Program » (SMP) - 2010 -
BCE : achats d'obligations d'Etat
28
3. L'utilisation des politiques monétaires non
conventionnelles durant la crise
Voyons quelques illustrations graphiques qui vont nous
permettre d'établir plus clairement dans quelles proportions les banques
centrales des principaux pays engagés dans la crise que sont la BCE, la
Fed et la BoE, ont eu recours à ces types de politiques.
On peut constater au regard de ces deux derniers graphiques que
les taux d'intérêt directeurs présentés suivent les
mêmes tendances, ce qui confirme bien le suivi d'une règle
établie.
29
On remarque que la BCE a été beaucoup plus timide
que les autres B.C. dans la baisse de son taux depuis le début de la
crise.
Les « repos » concernent les actifs mis en pension
contre liquidité. Ce graphique nous donne une idée de l'impact
des mesures de « quantitative easing » pour la BCE. On remarque que
malgré des taux de « refi » largement diminués depuis
fin 2008, le temps de réaction des banques a été tout de
même très long. Une franche reprise des activités du
marché monétaire se fait à partir de début 2012
avec le pic d'utilisation des politiques de « quantitave easing » et
l'introduction de politiques de « credit easing » avant de ne
ralentir à nouveau ces derniers temps. Cela étant sûrement
du au problème du « zéro lower bond »
Bilan de la Fed, BoE, BoJ et BCE, base 100 en
2007
30
On note grâce à ce dernier graphique l'importance
de la réaction de la Fed et de la BoE dès les débuts de la
crise avec une explosion de la taille de leur bilan du fait majoritairement des
politiques de « credit easing ». Tandis que la BCE reste encore en
large recul jusqu'en 2012 où elle agit de façon plus
engagée.
31
Ces deux derniers graphiques nous permettent de constater les
proportions très importantes de titres détenus fermement par la
Fed et donc sur l'ampleur de l'utilisation des politiques de « credit
easing ». En 2012, près de 90% de son actif est composé
uniquement de titres. Tandis que dans le cas de la BCE cette proportion reste
relativement très faible jusqu'en 2012 où elle augmente
rapidement et atteint un peu moins de 50% de la valeur de son actif. Cela
étant assimilable au lancement des programmes de rachat de dettes
publiques.
32
Nous pouvons observer plus en détail dans ces deux
derniers graphiques, la décomposition par nature de l'actif de la Fed.
On remarque que dans le premier graphique qui concerne la proportion de MBS et
de titres du trésor, qu'en début de crise et jusqu'en 2011, la
majorité des titres détenus sont des titres MBS. Depuis 2011, les
titres du trésor deviennent majoritaires. Ces observations sont en
accord avec la stratégie américaine de stabilisation des
marchés financiers.
De manière plus complète
détaillée, le dernier graphique nous donne une
décomposition plus fine de ces acquisitions ainsi que des indications
sur les volumes et la nature des crédits accordés entre 2007 et
2009. On remarque alors qu'en début de crise, une très grande
attention a été portée à la stabilisation des
marchés par des crédits importants aux investisseurs et au
secteur financier. Mais aussi, ces opérations ont consisté en des
opérations de nettoyage avec les programmes TSLF qui visent à
retirer du marché pendant un temps donné, les actifs les plus
risqués et qui étaient responsables de l'entrée en crise.
(cf définition partie précédente).
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