La gestion de la dette publique dans les états membres de UEMOA et de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Aïcha Ndiaye Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master II recherche droit et gouvernance des systèmes financiers publics 2017 |
Paragraphe 1 : la définition d'une politique d'endettement pour un cadre de gestion optimale de la dette :La politique d'endettement doit englober trois orientations : - La soutenabilité du niveau et du rythme de croissance de la dette ; - Le paiement régulier du service de la dette à court, moyen et long terme ; - La réalisation des objectifs de coût et de risque par l'Etat. L'intérêt de la politique d'endettement c'est qu'elle doit servir de base à la détermination de la stratégie d'endettement. Chaque année, le document de stratégie d'endettement sera élaboré en tenant compte des objectifs que s'est fixé l'Etat membre. A- La soutenabilité, un objectif clé d'une politique d'endettement : La soutenabilité est la situation dans laquelle un Etat est capable d'honorer le service de sa dette sans recourir à des financements extraordinaires. Un endettement permanent peut conduire à des risques économiques surtout durant une période de crise. Il faut donc trouver un moyen de les limiter. C'est d'ailleurs pour minimiser ces risques que le dispositif d'endettement a été mis sur pied. L'objectif est de permettre d'articuler la politique macroéconomique et celle d'endettement public. Mais le souci d'éviter un surendettement ne devrait pas conduire à faire des choix budgétaires qui sont loin d'être optimaux. Laisser primer « un gouvernement par les règles en lieu et place d'un gouvernement par les choix » 50(*) pourrait compromettre l'efficacité dans les orientations budgétaires. C'est ce phénomène qui est en train de se produire dans la mesure où à force d'être assaillis par des règles, les Etats ont tendance à plus s'inquiéter de leur sort devant la commission que de la pertinence de leurs choix. La difficulté réside donc dans l'équilibre qui doit être fait entre l'autonomie des décideurs politiques et le respect des règles communautaires de gestion de la dette. La situation est d'autant plus délicate pour les pays de la Zone Franc car bénéficiant d'un appui financier important de la part des Institutions de Bretons Woods. La soutenabilité est un enjeu majeur pour des pays qui veulent être attractifs au regard des investissements directs étrangers. Dès lors, des informations crédibles sur la situation financière publique doivent être mises à la disposition du public. La soutenabilité ne va pas seulement dépendre d'une manipulation de chiffres mais aussi d'autres facteurs liés à la situation financière. Il s'agit par exemple de la mobilisation de ressources fiscales et de la rationalisation des dépenses publiques. Le taux de pression fiscale par rapport au PIB est assez faible dans la zone Franc. Les Etats arrivaient à peine à assurer le taux de 17% exigé par les anciens dispositifs de S.M. En 2011 et en 2012, le taux n'était respecté que par le Sénégal au sein de l'U.E.M.O.A (respectivement 18,9% et 19,2 %). Pour la C.E.M.A.C, il n'y a que le Gabon et Congo qui satisfont à ce critère51(*). Mais Cela n'a pas empêché que ce taux soit revu à la hausse. Il est maintenant de 20%. L'idée est de pousser les Etats à parfaire leurs outils de mobilisation des ressources fiscales. D'ailleurs, dans ses rapports de S.M, la commission ne manque pas de formuler des recommandations allant dans le sens de la modernisation des outils de collecte des recettes fiscales. Il est à noter que la faiblesse des recettes fiscales est due en grande partie à la place prépondérante qu'occupe le secteur informel dans l'économie de ces pays. « Le secteur informel désigne un ensemble de microentreprises non enregistrées au registre du commerce et qui ne font pas non plus de déclarations aux administrations fiscales »52(*). La part du secteur informel dans le PIB des Etats membres de l'U.E.M.O.A varie entre 40 (Sénégal) et 80% (Niger). La non-inscription au fisc est causée plus par l'ignorance des citoyens que par une réelle volonté d'échapper à l'administration fiscale. Au regard du taux d'alphabétisation et de l'inaccessibilité de l'administration dans certaines zones, le respect des règles devient difficile parce que tout simplement les citoyens n'ont pas connaissance de leur existence. Pour la C.E.M.A.C, la faiblesse s'explique aussi par le fait que les recettes pétrolières ne sont pas comptabilisées dans celles fiscales. Rationaliser les dépenses publiques revient à les axer sur l'essentiel. Pour les pays de l'U.E.M.O.A et de la C.E.M.A.C, les dépenses doivent être plus consacrées à l'investissement qu'au fonctionnement. Il s'agit de pays en développement qui ont besoin de construire un environnement favorable à la croissance économique. Mais dans les faits, les besoins en fonctionnement sont beaucoup plus budgétivores. Et cela concerne surtout les dépenses de personnel. 35 % était le taux moyen des recettes fiscales que les Etats de l'U.E.M.O.A ont consacré aux traitements et salaires en 2011 et en 2012. La fourchette oscille entre 39 et 65% pour les Etats membres de la C.E.M.A.C53(*). Parce que les ressources nationales sont rares, l'Etat est obligé de recourir à l'emprunt. De ce fait, il est tenu d'évaluer les risques y relatifs sous peine d'aggraver la situation des finances publiques. B- la prévention des risques, un moyen efficace d'assurer la soutenabilité des finances des Etats : Les risques relatifs à la contraction de la dette dépendent aussi bien du paiement régulier du service de la dette à court, moyen et long terme que de la réalisation des objectifs de coût et de risque par l'Etat. Le premier point rejoint le souci de non accumulation des arriérés par les Etats membres de la C.E.M.A.C. En effet, un rythme d'endettement excessif ne permet pas d'assurer à temps le service de la dette. De cette situation peut découler un effet boule de neige et une insolvabilité de l'Etat. Le second point, quant à lui, concerne surtout une étude de faisabilité. Les objectifs de coût et de risque permettent à l'Etat de savoir s'il est en mesure de rembourser la dette et si les dépenses pour lesquelles il contracte des emprunts sont nécessaires. Cela rejoint les bases de la règle d'or qui voudrait que l'emprunt ne serve qu'à financer les dépenses d'investissement car celles-ci sont appelées à générer des ressources et donc faciliter le remboursement de la dette. Par ailleurs, un choix de taux d'intérêt faible pourrait permettre d'éviter les risques d'insolvabilité. Les taux d'intérêt fluctuent en fonction du marché financier. Ce qui fait que plus un Etat s'endette, plus il devient vulnérable aux éventuels chocs économiques. Cette situation pousse d'ailleurs la majeure partie des Etats membres de la C.E.M.A.C et de l'U.E.M.O.A à choisir les emprunts à taux fixes. Toutefois, la limitation des risques liés à l'endettement ne tient pas à la seule gestion de la dette. D'autres leviers doivent être mis en mouvement. Il s'agit d'abord d'une efficacité de la dépense publique qui doit offrir une grande place à l'investissement afin de favoriser la croissance économique. En outre, les ressources doivent être diversifiées et ne pas dépendre uniquement des activités du secteur primaire et de l'emprunt. Les pays de l'U.E.M.O.A, par exemple, sont de grands producteurs agricoles à l'image de la Côte d'Ivoire qui est le premier fournisseur mondial de cacao. Les prix du cacao sont en train de baisser à un rythme effréné du fait d'une surproduction. Une prévision économique rigoureuse aurait peut-être pu permettre de déceler ce phénomène bien avant qu'il se présente. Un principe économique trivial voudrait que le prix d'un produit baisse lorsque l'offre est supérieure à la demande dans le marché. La situation se serait également passée autrement si les agriculteurs avaient été appuyés et initiés aux processus de transformation de leurs productions. Nous verrons que les Etats de l'U.E.M.O.A et de la C.E.M.A.C sont exposés à un nouveau ré endettement car les problèmes sont plus profonds que la seule gestion de la dette, celle-ci n'étant que la partie visible de l'iceberg. * 50 TAILLEFAIT Antony, « Les automatismes budgétaires à l'épreuve du politique : à propos des dettes publiques », in RFFP, n°133, p.134 * 51 GEOURJON Anne-Marie et alii, Intégration régionale pour le développement en zone Franc, Economica, 2013, p.117 * 52 DUFRENOT Gilles et alii, Politique budgétaire et dette dans les pays de l'UEMOA, Economica, 2007, p.21 * 53 Intégration régionale pour le développement en zone Franc, ibid. |
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