La gestion de la dette publique dans les états membres de UEMOA et de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Aïcha Ndiaye Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master II recherche droit et gouvernance des systèmes financiers publics 2017 |
Paragraphe 2 : La création dans chaque Etat d'un organe chargé de la surveillance multilatéraleIl est à noter que cette relation constante entre les institutions communautaires et les Etats est nécessaire pour une mise en oeuvre harmonieuse de la surveillance multilatérale. Preuve pour laquelle, dans chaque Etat il a été institué un organe national pour la surveillance multilatérale. A- Le statut des organes nationaux : La dénomination de cet organe diffère de l'U.E.M.O.A à la C.E.M.A.C. Dans la première on parle de comité national de politique économique (CNPE) et dans la seconde de cellule nationale de la surveillance multilatérale (CNSM). Nous verrons que la C.E.M.A.C et l'U.E.M.O.A disposent maintenant de règles très différentes car l'une a procédé à une réforme institutionnelle alors que l'autre a maintenu son système d'antan. La composition (1) ainsi que les missions (2) de ces organes sont définies par les dispositifs de surveillance multilatérale. 1- La composition des organes nationaux chargés de la S.M : Pour l'U.E.M.O.A, c'est toujours la directive n°01/96-CM du 15 janvier 1996 qui demeure applicable. La directive porte sur la mise en oeuvre de la surveillance multilatérale et énumère les structures communautaires et nationales qui y participent. La composition ainsi que les missions des Comités Nationaux de Politique Economique y sont déterminées. Chaque Comité est composé de dix responsables de services nationaux. L'effectif est plus important que dans le cadre des CNSM. En effet, là où la C.E.M.A.C prévoit que dans chaque cellule nationale, il y aura un représentant de la Direction de la Dette ou de la Caisse Autonome d'Amortissement, par contre, l'U.E.M.O.A exige un représentant de la Direction de la Dette et un représentant de la Caisse Autonome d'Amortissement. Tout peut aussi dépendre de la configuration administrative des Etats qui font la distinction entre ces deux directions. En tout cas, tous les deux membres de ces directions ont un même paramètre de travail à savoir la dette. Par conséquent, l'idée pour la CEMAC d'en faire un choix alternatif est loin d'être impertinente. Par ailleurs, il doit y avoir dans chaque CNPE un représentant de la direction des douanes. Ce qui n'est pas prévu par la C.E.M.A.C pour les CNSM. Il est vrai que les services douaniers sont capables de renseigner sur l'importance de certaines ressources de l'Etat comme les obligations fiscales dues lors du franchissement de la frontière. Donc la présence d'un représentant des douanes pourrait constituer un avantage non négligeable pour les CNPE. Le nouveau dispositif de S.M de la C.E.M.A.C a procédé à une réforme institutionnelle des cellules nationales. La composition des cellules a été revue. Si dans l'ancien dispositif les cellules comptaient huit représentants de différentes structures43(*), dans le nouveau dispositif il y a un neuvième membre qui est le représentant résident de la Commission de la C.E.M.A.C. Il s'agit d'une décision non moins importante car les cellules nationales sont les interlocutrices privilégiées de la Commission en matière de S.M. Par conséquent, pour maintenir des rapports réguliers il est préférable qu'il y ait un représentant de la Commission dans les instances des CNSM. La FERDI avait même proposé de joindre aux cellules nationales, un représentant de la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale car les questions d'endettement entretiennent des liens étroits avec le système financier. Mais apparemment, cette proposition n'a pas été retenue. Les organes nationaux ont une composition importante car ils réunissent de hautes autorités qui sont des expertes en matière financière. Ils ont aussi des missions non négligeables. 2- Les missions confiées aux organes nationaux :L'article 4 de la directive de 1996 précise que les CNPE assistent la Commission de l'U.E.M.O.A dans la mission de S.M. Leurs attributions ont ainsi été énumérées. Elles sont au nombre de trois : - la gestion d'une base de données statistique : · collecte et traitement des données nationales ; · confection d'un tableau de bord macroéconomique et des indicateurs nationaux ; · examen critique des données (cohérence et pertinence) ; - la rédaction d'un rapport sur l'évolution de la situation économique de l'Etat auquel il appartient - le suivi de la politique économique en recensant les décisions récentes et en évaluant leur impact sur le pays. - La confection d'un rapport de base fondé sur l'évolution des indicateurs macroéconomiques du tableau de bord (article 6) Ces missions, à l'exception de la dernière, se retrouvaient dans celles des CNSM dans l'ancien dispositif de la C.E.M.A.C. Mais deux différences doivent être soulignées. Premièrement, dans l'ancien dispositif, la C.E.M.A.C n'avait pas procédé comme l'U.E.M.O.A en ressortant une mission de gestion de base de données composée d'une triple dimension. Dans le cadre de la CEMAC, chacune était une mission à part entière distincte de celle de la gestion d'une base de données. Deuxièmement, les missions des CNSM étaient plus nombreuses. Le dispositif de la CEMAC prévoyait aussi la confection du Tableau des Opérations Financières de l'Etat (TOFE), la confection d'un tableau de pilotage des finances publiques et la confection d'un plan de Trésorerie. Les CNSM se retrouvaient donc avec neuf missions44(*). Mais avec le nouveau dispositif, les missions des cellules nationales ont été réformées. En effet, au vu d'un rapport de la FERDI les cellules nationales rencontraient d'énormes difficultés pour accomplir leurs missions45(*). Ainsi, avec la réforme institutionnelle, les missions des CNSM ont été non seulement diminuées mais aussi clarifiées. Dans l'ancien dispositif, elles étaient au nombre de neuf et portaient des dénominations générales. Mais dans le nouveau, elles ne sont plus que sept46(*). Deux anciennes missions ont été conservées. Il s'agit de la gestion d'une base de données statistiques et du suivi de la politique économique. Quatre missions ont été supprimées avec le nouveau dispositif : les confections du TOFE, d'un tableau des finances publiques, d'un plan de trésorerie et l'examen critique des données. L'essentiel des rôles alloués aux cellules nationales est axé maintenant sur la surveillance multilatérale. L'expression « en rapport avec la surveillance multilatérale » a été rajoutée à deux anciennes missions : la collecte et le traitement des données et la confection d'un tableau de bord. Il y a une mission qui a complétement changé de dénomination : le rapport trimestriel sur l'évolution de la situation économique du pays devient le rapport intérimaire de S.M sur l'évolution de la situation économique du pays. Deux nouvelles missions sont apparues : la rédaction d'un rapport d'exécution de la S.M et la production d'un programme pluriannuel de convergence et le suivi de sa mise en oeuvre. Le souci de recadrer les interventions des cellules nationales est réel. Il est naturel que comme elles ont été créées en application du dispositif de S.M, leurs missions doivent donc être en conformité avec ce souci de mise en oeuvre de la S.M. Nous verrons donc que les organes nationaux sont incontournables pour la S.M. les CNSM sont davantage responsabilisées par la rédaction d'un nombre important de rapports. Ce qui les place finalement au coeur de la S.M. Les missions confiées aux organes nationaux n'ont pas été choisies de façon fortuite. Le but est de rendre fructueux l'échange d'informations avec les organes communautaires. B- Les rapports entre les organes nationaux et ceux communautaires : Les missions entre les CNSM et les CNPE se sont considérablement distinguées avec la réforme institutionnelle de la C.E.M.A.C. Ces changements vont également se répercuter sur les liens qu'entretiennent les structures nationales avec celles communautaires. Déjà, les CNPE ont deux interlocuteurs à savoir la BCEAO et la Commission. L'article 5 de la directive de 1996 stipule qu'ils leur transmettent des données statistiques couvrant les domaines des « finances publiques, dette publique, prix et coût, monnaie et crédit, commerce extérieur et balance des paiements, revenus et emplois, comptes nationaux ». Les CNSM, par contre, n'ont qu'un seul interlocuteur à savoir la Commission de la C.E.M.A.C. les données sus-énumérées étaient aussi celles que les CNSM transmettaient à la commission de la C.E.M.AC. Mais la réforme de 2016 prévoit non seulement de rajouter des données relatives à la situation sociale et au système financier mais aussi envisage ces données comme devant figurer dans les rapports de S.M que doivent élaborer les CNSM. C'est ce qui ressort de l'article 5 de la nouvelle directive. En effet, les missions des CNSM couvrent la rédaction de trois types de rapports relatifs à la S.M qu'elles doivent transmettre à la Commission de la C.E.M.A.C47(*). Et c'est dans tous ces rapports que doivent figurer les données statistiques sus énumérées. Les données ne sont pas livrées en vrac mais doivent faire l'objet d'une analyse et d'un examen critique afin de pouvoir informer sur la situation de la convergence. En plus de cela, le dépôt de chaque rapport est assorti d'une date butoir dans le but de rendre plus effective la S.M. Dans l'ancien dispositif, ces données devaient figurer dans le rapport économique trimestriel. Et on n'exigeait pas aux CNSM une analyse des informations collectées. La S.M est le processus par excellence de gestion de la dette publique. Elle a un cadre général qui touche l'ensemble des politiques macroéconomiques des Etats. Mais sa finalité est d'assurer la viabilité des finances publiques. D'année en année, elle est perfectionnée pour la rendre plus compatible avec les objectifs communautaires La C.E.M.A.C affiche une réelle volonté de faire face à l'instabilité budgétaire et économique de ses Etats membres. Il est vrai que c'est un changement de système qui s'impose et que l'U.E.M.O.A aussi devrait aller jusqu'au bout.Néanmoins, les efforts de réforme déjà mis en oeuvre ne peuvent faire l'objet d'un bilan exhaustif pour la bonne et simple raison que les réformes sont trop récentes pour permettre une évaluation de leur pertinence. Mais la S.M ne suffit pas à elle seule pour assurer une gestion optimale de la dette publique au sein des Etats membres. Comme elle a une vocation générale, un autre dispositif spécial la complète. Il s'agit de la politique d'endettement public prévue depuis 2007 au sein des deux Unions. * 43 Article 5 de la directive n° 01/00-UEAC * 44 Article 3 de la directive 01/00-UEAC * 45 Rapport FERDI, « Viabilité budgétaire et renforcement du dispositif de surveillance multilatérale au sein de la CEMAC », 15 juillet 2015, p.12 et s. la FERDI a jugé que les moyens humains et financiers des CNSM sont insuffisants. D'une manière générale les cellules sont composées de hauts fonctionnaires nationaux qui ont de nombreuses tâches et qui ne participent donc aux travaux des cellules que d'une façon subsidiaire. Les missions des cellules sont donc reléguées au second plan faute de temps. Quant aux finances, les cellules ne bénéficient pas d'assez de fonds. Leurs budgets leur sont octroyés par les Etats et ils sont toujours fluctuants. Ce qui ne leur permet pas d'avoir des marges de manoeuvre financière dans le but d'encourager leurs membres par la distribution de perdiems, de gratifications par exemple. Les moyens financiers facilitent la mobilisation des membres. De même, la mission de confection des programmes pluriannuels de convergence ne leur a pas été transmise ou bien l'a été dans certains Etats mais pour un laps de temps. Il est donc nécessaire de clarifier les missions des cellules.En plus, Elles ont du mal à se procurer les données nécessaires auprès des autres services. Il s'agit d'un problème réel de coordination avec les autres directions des Etats. Ce qui rend difficiles la collecte et l'analyse des données * 46 Article 3 de la directive n°01/16-UEAC-093-CM-30 * 47 Article 4 : le rapport intérimaire de S.M sur l'évolution de la situation économique du pays doit être déposé avant la fin du mois de septembre, le rapport d'exécution de la S.M sur l'évolution de la situation économique du pays transmis avant la fin du mois de juin de l'année en cours et le PTC transmis au plus tard le 31 mars. |
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