SIGLES ET ABREVIATIONS
ANR : Agence Nationale des renseignements
HTA : Hypertension artérielle
MBSR : Mindfulness-based stress reduction
(réduction du stress basée sur la pleine conscience)
SPA : Substances Psychoactives
TSPT :trouble de stress
post-traumatique
INTRODUCTION
1. Problématique
La vie carcérale, avec les contraintes qu'elle impose,
met la personne dans une position de vulnérabilité et de
dépendance qui peut réactiver les scènes traumatiques.
Elle prive également des stratégies de contrôle de la
mémoire intrusive (toxiques, vie sociale, travail, etc.). Dès
lors, on comprend que cette exposition directe aux souvenirs traumatiques
puisse bien souvent prendre la forme d'une exacerbation de la symptomatologie
psychiatrique (Arnal R. et al.2016, p .16).
Aujourd'hui, le milieu carcéral est devenu un lieu
anxiogène où les détenus sont en situation d'incertitude
sur leur présent et leur avenir. Ils ne maîtrisent pas leur
stress. L'enfermement et la rupture avec la société
entraînent des problèmes physiques, mais aussi psychiques.
Sieminska, A., Jassem, E., & Konopa, K. (2006, p.38.),
font savoir « q' une fois passés le choc
carcéral, correspondant grosso modo à la période
des trois premières semaines de détention puis celui
du procès, la plupart des prisonniers finissent en effet
par s'adapter tant bien que mal à leur sort au moins jusqu'à
l'approche de la sortie ».
Si la condamnation ne perd jamais son caractère
afflictif et infâmant et si la stigmatisation sociale
entraînée par la peine, laisse donc une marque
indélébile, les comportements et les réactions, en dehors
des moments forts de l'emprisonnement, mettent ainsi en évidence une
sorte de mithridatisation de la sanction. De fait la
détention, surtout quand elle se prolonge, entraîne la mise en
place d'adaptations secondaires , soit de pratiques qui,
sans provoquer directement le personnel, permettent au reclus d'obtenir des
satisfactions interdites ou bien des satisfactions autorisées par des
moyens défendus (Goffman, 1968,p.68),
Ainsi, le milieu carcéral fragilise le détenu
si bien qu'il se sent alors dépassé par une prise de conscience
ou un fait soudain, et donc inattendu et surprenant, assez grave pour
bouleverser parfois son existence. Le stress devient pathogène chaque
fois que s'impose la conviction de l'impossibilité de pouvoir faire face
à la situation par ses propres ressources En ce sens encore, pour
l'Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au
Travail « le stress survient lorsqu'il y a déséquilibre
entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son
environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire
face ». Des effets négatifs multiples s'ensuivent tant au plan
psychologique que psychosomatique (Laborit, 1979 ; Lazarus, Folkman,
1984).
Mais le stress peut aussi se révéler
positif quand les difficultés sont perçues comme surmontables,
cette perception donnant alors la confiance en soi nécessaire pour
trouver l'énergie de résister et de rebondir.
S'agissant des personnes détenues, la comparaison entre
récidivistes et primaires comme entre nouveaux et anciens
révèle que dans la durée, la souffrance psychique
déclenchée par les stresseurs tend normalement
à s'atténuer sensiblement et que le stress
généré par l'enfermement s'estompe progressivement. En
effet, la peine éprouvée n'est pas seulement, ni même
essentiellement, causée par les conditions anormales de la vie
recluse. Consciemment ou non, elle est dans une large mesure
une construction, son ressenti étant avant tout
déterminé par des facteurs personnels.
De fait, les traits de la personnalité,
l'histoire individuelle, ainsi que des vulnérabilités
importées qui peuvent en résulter et
l'expérience interagissent avec le carcan carcéral pour
générer le niveau du stress et le rendre en tout état de
cause unique. Ces divers facteurs combinés déterminent ainsi son
évolution au cours de la peine, aboutissant assez souvent à une
désensibilisation et à une des implications plus ou
moins fortes ou, au contraire, à un état de révolte
permanent. (Toch, 1992, p.11)
Les conditions particulières de la vie en
détention constituent sans doute un facteur majeur,
particulièrement dans les premières semaines de
l'incarcération. Constater que le cadre de vie carcéral est de
nature à aggraver sensiblement l'impact, souvent lourd, des facteurs
individuels, pathologiques ou non, des vulnérabilités
importées, c'est reconnaître que si la prison ne peut être
tenue responsable de tout, les conditions de l'enfermement sont
particulièrement déterminantes sur l'état psychique et,
par suite, sur les comportements de ses usagers.
À cet égard et toutes choses étant
égales par ailleurs, si comme l'estime l'Institut National
d'Études Démographiques, les causes du mal-être dans le
monde du travail sont imputables aux difficultés d'adaptation à
un environnement contraignant, la prison a sans doute a
fortiori vocation à générer cette souffrance
psychique singulière étudiée par le rapport Archer (2008,
Annexes, 79).
Dans le même sens il a par ailleurs
été établi qu'un haut niveau de contrainte et une faible
latitude du sujet, soit une forte pression combinée à
des marges de manoeuvre restreintes, étaient
précisément à la source d'un déséquilibre
producteur de stress négatif tendant à favoriser
une inhibition de l'action. Ainsi, le confinement imposé par un
espace vital réduit en maison d'arrêt entraîne avec la
promiscuité l'inconfort et l'insalubrité qui en résultent,
des effets négatifs certains sur le moral des détenus.( (Karasek,
Theorell, 1990)
L'entassement dans un espace cellulaire
réduit constitue à lui seul un facteur notoire et durable de
tensions souligné tant par la recherche que par les professionnels.
Indépendamment de ces effets pernicieux d'une surpopulation
endémique, la forte tension causée par une surveillance
rapprochée et constante imposée concurremment par l'institution
et les codétenus aboutit à produire des formes de violence bien
spécifiques à ces deux sources, étant
précisé que le milieu et l'Administration pénitentiaire
poursuivent des objectifs le plus souvent divergents, et donc conflictuels, qui
forcent les comportements( Sykes, G.M.,1958) .
En République démocratique et plus
particulièrement dans la ville de Bukavu, l'environnement physique et
social dans lequel vit les détenus, est un vecteur de stress au
regard des conditions de détention pénible, les intimidations, le
rançonnement des détenus par les policiers commis à la
garde, le manque de liberté, la promiscuité , le manque des
soins médicaux et la nourriture, etc.
Au regard de cette problématique, nous nous posons les
questions suivantes :
- Quels sont les facteurs favorisant le stress chez les
détenus dans certaines maisons carcérales à
Bukavu ?
- Quels sont les effets de stress chez les détenus sur
leur santé physique et mentale ?
0.2 Hypothèse du
travail
Selon Grawitz M. (2001, p.398), «
l'hypothèse est une proposition de réponse à la question
posée. Elle tend formuler une relation entre les faits significatifs.
Même plus ou moins précis, elle aide à sélectionner
les faits et permet de les interpréter de leurs donner une
signification, qui vérifiée, constituera un élément
de la théorie ».
Pour tenter de répondre préalablement aux
questions de notre problématique, nous articulons notre étude sur
les hypothèses suivantes :
- Les conditions de détention pénibles,
l'inconfort, l'insalubrité, la privation de liberté, le souci,
l'entassement des détenus dans un espace réduit, les
intimidations des nouveaux détenus par les anciens, l'incertitude
d'être libéré, etc., seraient les principaux facteurs
externes de stress en milieu carcéral
- Le stress en milieu carcéral de Bukavu provoquerait
les troubles du sommeil, manque d'appétit, le sentiment de
détresse, la dépression, chez certains détenus.
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