Droits des patients en fin de vie et euthanasie passive en RDCpar Jules-Alphonse VARONDI Université Catholique de Bukavu - Licence 2021 |
_ EPIGRAPHE (...) Car la dignité de la personne prime sur la préservation de la vie à tout prix. Dominique LAURENT REMERCIEMENTS Mes remerciements s'adressent à mes parents KATEMBO VARONDI Emmanuel et VIVUYA SIVAHERA Christevie, Parents responsables et exemplaires qui ont fait de moi la personne que je suis aujourd'hui. A ma tante KYAVU SIKIMINWA Françoise. Au professeur NYALUMA MULAGANO Arnold, mon directeur. Aux docteurs PATIENT KAJIBWAMI, M.D., MADO BAMBILE, MATESO MBALE Guy-Quesney et ANNIE MAUNGA, pour leurs précieux renseignements en rapport avec la pratique médicale. A mes camarades JEAN-SAMUEL BAGENDABANGA, NTAMBUKA AMANI Caleb, MUSHAGALUSA GANYWAMULUME Justin et KUNGWA KILINDILIZI Rachel, dont le soutien et l'apport scientifique ont été non négligeables dans la réalisation de ce travail. A mes frères et colocataires MUSONDOLYA VARONDI Michael & JASON KANYAMANDA MUSONDOLI, dont le soutien moral fut d'une importance capitale. SIGLE ET ABREVIATIONS CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme CNAMTS : Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (France) Et alii : et al (et les autres) HPGRB : Hôpital Provincial Général de Référence de Bukavu HRW :Human Rights Watch J.O.RDC : Journal Officiel de la RDC J.O.Z : Journal officiel de la république du zaïre Loc.cit. : Loco citato (A l'endroit cité précédemment) OMS : Organisation Mondiale de la Santé Op.cit. : Opus Citatum (OEuvre citée) PUF : Presses Universitaires de France RDC : République Démocratique du Congo RDLF : Revue des Droits et des Libertés Fondamentaux Vol : Volume INTRODUCTIONL'être humain n'est pas immortel. Il est appelé à mourir un jour, mais de quelle façon ? La peur de la mort, d'une mort accompagnée de souffrance est sans doute ce qui fonde certaines personnes à revendiquer le « droit de mourir dans la dignité »1(*). Certaines législations prirent en compte ce droit en légalisant la pratique de l'euthanasie, de manière à octroyer à ceux qui le souhaitent, la possibilité de mettre fin à leur jour pour différentes raisons.2(*) Dans les pays dans lesquels cette pratique est légalisée, telle que la Belgique, l'euthanasie se définit comme l'acte pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci3(*). C'est une pratique qui traduit le désir de contrôle de la phase terminale de sa vie. Elle est réalisable de différentes façons, la doctrine en retient essentiellement deux 4(*) :Le médecin, à la demande du patient administre le traitement létal, ou encore, le médecin procure les médicaments ou les moyens de mourir et donne les conseils nécessaires à leur usage ; ou soit le traitement adéquat est interrompu ou allégé et un traitement palliatif est prescrit. De cette façon, le soulagement du malade est privilégié au détriment de la survie de ce dernier. La première forme est considérée par la doctrine comme une forme active de l'euthanasie, tandis que la deuxième est une forme dite passive. En RDC, elle est interdite, en tout cas dans sa première forme5(*). Cependant pour ce qui est de la seconde forme, certaines dispositions du code de déontologie médicale et de la loi relative à la santé publique font planer le doute : « le médecin doit éviter tout traitement non fondé »6(*) ; « le patient en fin de vie a droit au soulagement »7(*) ; « le médecin est toujours libre de ses prescriptions médicales »8(*) ; « Après avoir établi un diagnostic ferme comportant une décision sérieuse, surtout si la vie du malade est en danger, en cas de refus de ce dernier d'exécuter l'acte décidé, le médecin peut cesser ses soins »9(*). La lecture combinée de ces dispositions laisse transparaitre que la cessation des soins avec le consentement du patient n'est pas interdite. Cependant, le même code de déontologie semble encourager l'acharnement thérapeutique en ces termes : « Le médecin s'oblige à assurer tous les soins médicaux en son pouvoir : à avoir le souci primordial de conserver la vie ». De ce qui précède, entre le refus d'un acharnement thérapeutique caractérisé par ce que le législateur appelle « traitement non fondé », et le « droit au soulagement du patient en fin de vie », peut-on en déduire qu'il existe en droit congolais une reconnaissance implicite de l'euthanasie passive ? D'un côté, le médecin a l'obligation de tout mettre en oeuvre pour sauvegarder la vie du patient tout en respectant sa personne et sa dignité, et de ne pas administrer un traitement non fondé pour éviter un acharnement thérapeutique10(*). D'un autre côté, le patient en fin de vie a droit au soulagement11(*) consistant en une amélioration de son confort et de sa qualité de vie. Le contrat médical étant fondé sur le consentement du patient12(*), ce dernier est en droit de demander l'interruption des soins et leur remplacement par un traitement palliatif en fonction de ses capacités vitales et de l'intensité de ses souffrances13(*). La vérification de ces hypothèses a nécessitéune méthode juridique exégétique14(*) ayant consisté en l'analyse des instruments juridiques se rapportant au droit médical afin d'en saisir le sens, le contenu et la portée. En plus de la précédente méthode, une approche analytique fut employée dans la recherche des supports théoriques qui soutenant ces hypothèses, par des analyses législatives et jurisprudentielles15(*). Une méthode comparative16(*)fut nécessaire dans le rapprochement de plusieurs instruments juridiques ainsi que dans le rapprochement de la lecture du droit médical faite sous l'empire de différentes législations. Pour avoir un aperçu de la pratique des professionnels de santé confronté à des patients en fin de vie, une méthode sociologique fut nécessaire, par des entretiens directs réalisés avec certains professionnels de santé. L'application des trois méthodes précitées a nécessité l'usage de la technique documentaire17(*), qui a consisté à réunir et à consulter différents ouvrages, articles scientifiques, revues juridiques, thèses, mémoires et rapports relatifs à l'euthanasie et au droit médical. Le Droit étant une science sociale, il a fallu mener des entretiens avec des professionnels de santé dans le but d'avoir une idée sur le comportement de ces derniers, face aux patients en fin de vie lorsqu'ils sont confrontés à des situations non résolues par la loi. Ces entretiens se sont déroulés sur les lieux de travail de certains professionnels de santé choisis en fonction de leur domaine de spécialisation. Cette recherche coïncidant le mieux avec une approche qualitative, elle a nécessité la technique d'échantillonnage théorique développé par GLASER consistant à sélectionner des sujets parce que disposant de savoir et d'expérience susceptibles de fournir des données valides et complètes plus utiles que la question peu productive de leur représentativité.18(*) C'est ainsi que les entretiens ont été menés avec des spécialistes dans les domaines suivant : les urgences, la pédiatrie (Pour les cas des enfants en fin de vie), la psychiatrie, les spécialistes en maladies chroniques et les soins infirmiers, car ce sont les plus susceptibles d'être confrontés à des patients en fin de vie. En plus de ceux-ci, il a été nécessaire de s'entretenir avec des agents administratifs de la direction provinciale de la santé, pour en savoir plus sur l'existence des normes régissant le recours aux soins palliatifs. Il aurait été nécessaire de consulter un expert gériatre pour les cas de vieillesse. Cette spécialisation n'est malheureusement pas encore prisée en RDC. D'un point de vue scientifique, il s'agit d'une réflexion l'existence du droit négatif du médecin de ne pas tout mettre en oeuvre pour maintenir la vie d'un patient à sa demande19(*), un certain assouplissement à l'acharnement thérapeutique en RDC. D'un point de vue social, il s'agit d'une réflexion sur le « droit de mourir dans la dignité », une notion nouvelle et inexistante en droit positif congolais, dans une société où la conception même de la mort est assez complexe20(*). D'un point de vue pédagogique, ce travail a permis d'approfondir nos connaissances en droit médical. Pour être plus précis, l'étude est délimitée dans le temps, dans le domaine et dans l'espace. L'étude se limite, en RDC, à partir de l'adoption de la loi de 2018 relative à la santé publique jusqu'à nos jours. Dans le domaine de recherche, cette recherche se situe en droit médical. Dans l'espace, les recherches n'ont porté spécifiquement que sur le droit positif congolais et sur la pratique médicale en ville de Bukavu et de Goma par extension. En droit comparé, le travail puise certains éléments en droit européen car depuis la période des indépendances, il a fortement inspiré les législations africaines21(*). Mais aussi parce que le débat sur l'euthanasie est beaucoup plus développé en Europe, il est quasi inexistant en RDC. Le travail est subdivisé en deux chapitres. Le premier présente les droits du malade en fin de vie et les obligations du médecin qu'ils impliquent. Le second quant à lui présente l'euthanasie passive en RDC sur le plan de son régime juridique et dans la pratique médicale, en démontrant en quoi cette pratique est liée à la relation des soins. * 1 H. BANDOLO, « La revendication du droit de mourir dans la dignité au nom du Droit à la vie : approche innovatrice et conciliatrice de la cour européenne des droits de l'homme », in RDLF, n°36, disponible sur http://www.revuedlf.com/cedh/la-revendication-du-droit-de-mourir-dans-la-dignite-au-nom-du-droit-a-la-vie-approche-inovatrice-et-conciliatrice-de-la-cour-edh/consulté le 20 juillet 2021. * 2 Lire à propos les arguments favorables à la législation de l'euthanasie développés par CLAUDE BERSAY« Euthanasie », in Revue de la Société de thanatologie, N°120, pp. 69 à 75,Etudes sur la mort, Bordeaux, L'Esprit du temps, 2001. * 3 Article 2 Loi du 18 mai 2002 relative à l'euthanasie telle que modifiée par la loi du 28 février 2014 in http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&cn=2002052837&&caller=list&F&fromtab=loi&tri=dd+AS+RANK&re * 4 C. BERSAY, « Euthanasie », in Revue de la Société de thanatologie,N°120, pp. 69 à 75,Etudes sur la mort, Bordeaux, L'Esprit du temps, 2001, p. 69. * 5 Article 19 de l'ordonnance 70-158 du 30 avril 1970 déterminant les règles de la déontologie médicale, J.O.RDC n° spécial, Kinshasa, 25 juillet 2008. * 6 Article 20 de l'ordonnance 70-158 du 30 avril 1970 déterminant les règles de la déontologie médicale, J.O.RDC n° spécial, Kinshasa, 25 juillet 2008. * 7 Article 19 de la loi n°18/025 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l'organisation de la Santé Publique, J.O.RDC n° spécial, Kinshasa, 31 décembre 2018. * 8 Article 28 de l'ordonnance 70-158 du 30 avril 1970 déterminant les règles de la déontologie médicale, J.O.RDC n° spécial, Kinshasa, 25 juillet 2008. * 9 Article 30 de l'ordonnance 70-158 du 30 avril 1970 déterminant les règles de la déontologie médicale, J.O.RDC n° spécial, Kinshasa, 25 juillet 2008. * 10 D. LAURENT, « Déontologie médicale », in Presses des sciences PO, pp. 23 à 32, Les Tribunes de la santé,Puteaux, Global Média Santé, 2015, p. 28. * 11 Article 19 de la loi n°18/015 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l'organisation de la santé publique, J.O.RDC n° spécial, Kinshasa, 31 décembre 2018. * 12 P. VERSPIEREN, « Consentir à l'acte médical : Un principe simple d'application délicate »,in LAENNEC,T. 59, pp. 56 à 62,Consentir à l'acte médical ?, Paris, Centre Laennec, 2011, p. 56. * 13 A.M DOURLEN-ROLLIER, « Il faut dépénaliser l'euthanasie : voici pourquoi »,in Revue de la société de thanatologie N°120,pp. 77 à 86,Etudes sur la mort, Bordeaux, L'Esprit du temps, 2001, p. 78. * 14 J.S BAGENDABANGA, La charge de la preuve en droit électoral congolais : cas de l'instance du contentieux des résultats, Mémoire, Faculté de Droit de l'Université Catholique de Bukavu, inédit, année académique 2019-2020, p. 6. * 15 P. MARTENS, Théorie du droit et pensée juridique contemporaine, Bruxelles,Larcier, 2003, p. 20. * 16 J.S BAGENDABANGA, op.cit., citant E. PICARD, « La comparaison en Droit constitutionnel et en Droit administratif : du droit comparé comme méthode au droit comparé comme science », in RIDC,Vol.67, N°2,La comparaison en Droit public, Hommage à Roland Drago, 2015, pp. 317 à 329. * 17 F. MUSHAMBARHWA, L'exercice de la sécurité nationale et le respect des droits de l'homme, Mémoire, Faculté de Droit de l'Université Catholique de Bukavu, inédit, année académique 2009-2010, p. 6. * 18 P. NDA, Recherche et méthodologie en sciences sociales et humaines - Réussir sa thèse, son mémoire de master ou professionnel, et son article, Paris, L'Harmattan, 2015, p. 100. * 19 R. HORN, « Le débat sur l'euthanasie et ses répercussions sur les pratiques médicales en fin de vie, un regard comparatif : France - Allemagne », in Pratiques et organisation des soins, Vol. 41, pp. 323 à 330, Paris, CNAMTS, p. 324. * 20 Lire à propos L.V THOMAS, « Remarques sur quelques attitudes négro-africaines devant la mort », in Revue Française de sociologie, N°4, pp. 395 à 410, Paris, Julliard, 1963. * 21 A titre d'exemple, tel que le fait remarquer Samuel-Jackson PRISTO-ESSAWE dans « L'émergence d'un droit communautaire africain de la Concurrence : double variation sur une partition européenne » publié dans la Revue internationale de droit comparé, le droit communautaire africain est largement inspiré de l'expérience européenne. Il en est de même pour le Constitution de la RDC qui est considérée comme la « petite soeur » africaine de la Constitution française. |
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