1.1.16 III.2. L'ADOPTION DES INNOVATIONS AGRICOLES :
REVUE DE LA LITTÉRATURE
Il est aujourd'hui difficile de synthétiser tous les
résultats obtenus dans la littérature économique sur les
déterminants socio-économiques et agronomiques sur l'adoption
d'innovationsBELZILE, L, (2015). La littérature en économie est
vaste mais certains auteurs ont réalisé des revues se concentrant
sur certains types d'innovation (l'agriculture de conservation, les bonnes
pratiques agricoles.
Nous nous intéressons ici aux travaux récents
sur l'adoption d'innovations proches des systèmes de culture innovants,
plus précisément à des innovations de pratiques
incrémentales (les bonnes pratiques agricoles, l'agriculture de
précision) à systémique (agriculture biologique ou
intégrée) ou encore à des pratiques innovantes
liées à la conservation des ressources naturelles (sol, eau
...).
Selon KOESTELING, (2008), L'aboutissement à une
décision de se convertir est régit par plusieurs
déterminants et non basé uniquement sur un objectif de
maximisation du profit espéré. Ces déterminants peuvent
être d'ordres endogènes, exogènes et même
inobservables.
1.1.17 III.2.1. Déterminants endogènes et
exogènes
Déterminants économiques et
financiers :
Les premiers travaux en économie menés par
Griliches puis Rosenberg ont mis en évidence l'importance des facteurs
financiers dans le changement technologique et l'adoption d'innovations
Griliches, (1957) cité par Roussy, (2012). La richesse est
considérée comme un facteur clef dans l'adoption, d'abord par
son effet sur l'aversion au risque (plus un individu est riche plus il est
prêt à prendre des risque). De plus, le niveau de richesse
conditionne l'investissement et permet aussi de supporter des pertes à
court terme lors de la mise en place de l'innovation. Dans la
littérature, différents indicateurs de la richesse sont
utilisés: le revenu netFEDER G. et al, (1993), le capital social ou le
chiffre d'affaires. La richesse a généralement un effet positif
sur l'adoption. Cependant, la variété des indicateurs en fonction
des études ne permet pas de mettre en évidence la même
causalité dans le choix de production de l'agriculteur. En effet, une
exploitation peut avoir un chiffre d'affaires élevé et une
profitabilité faible qui elle-même n'est pas forcément
liée à la richesse de l'exploitant.Ngondjeb, (2009) analysant les
Déterminants de l'adoption des techniques de lutte contre
l'érosion hydrique en zone cotonnière au Cameroun arrive à
la même conclusion. Il montre que la main- d'oeuvre salariée
influence également positivement sur la décision de l'adoption.
Les agriculteurs riches, peu nombreux, l'emploient les plus pauvres
échange d'argent ou de nourriture. Cependant, Selon SOTAMENOU&
PARROT (2014), les revenus assez faibles des agriculteurs ne leur permettent
pas toujours d'adopter les innovations agricoles.
Déterminants liés aux
caractéristiques de l'agriculteur :
Les caractéristiques du producteur comprennent :
le niveau d'éducation, l'expérience dans l'activité,
l'âge, le sexe, le niveau de richesse, la disponibilité en main
d'oeuvre et l'aversion face au risque, la conscience du problème
ciblé par la nouvelle technologie, la taille de l'exploitation, le type
d'exploitation.
Le niveau d'éducation de l'exploitant est
généralement reconnu comme favorisant l'adoption d'innovations
intensives en capital humainKEBEDE, Y., K. et al, (1990). Même si
certains travaux ne trouvent pas de relations significatives entre
l'éducation et l'adoptionKNOWLER, D.et al, (2007), on peut
considérer que les exploitants les plus éduqués disposent
de plus d'informations leur permettant de mieux évaluer l'innovation et
ainsi de limiter leur niveau d'incertitude.
Contrairement à l'éducation, et par extension
à l'accès à l'information, le rôle de
l'expérience est moins clair. Certaines études montrent le
rôle positif de l'expérience sur l'adoption SAUER, J. et al,
(2009) BAFFOE-ASARE, R et al, (2013).
Par contre,WU, J. et al, (1998) montrent des effets
contrastés de l'expérience sur trois types d'innovations
différentes. Celle-ci influe négativement sur l'adoption du
non-labour et positivement sur l'application localisée de fertilisants
KEBEDE, Y., K. et al, (1990) met en évidence que l'expérience
joue un rôle distinct en fonction du risque perçu.
L'expérience agricole facilite l'adoption d'innovations réduisant
le risque perçu (comme l'apport de plus de pesticides et d'engrais),
mais elle peut avoir l'effet inverse sur l'adoption d'innovations augmentant le
risque perçu). Les résultats sur l'effet de l'expérience
sont donc contrastés. Les agriculteurs expérimentés
connaissent mieux leur contexte de production et peuvent prendre plus de
risques. A l'opposé les agriculteurs les plus âgés,
c'est-à-dire les plus expérimentés, ont un horizon de
planification plus court qui ne les pousse pas à changer de
pratiquesAHOUANDJINOU. M .S, (2010).
On considère généralement que l'âge
réduit l'adoption AHOUANDJINOU. M .S, (2010) car les exploitants plus
âgés ont un horizon de planification plus court. Ils valorisent
moins les bénéfices à long terme de certaines innovations.
Cependant, les jeunes exploitants sont souvent soumis à des contraintes
financières fortes ce qui peut les dissuader d'investir dans une
nouvelle technologie. Enfin, en présence d'un successeur, l'âge de
l'exploitant accroît les chances d'adoption d'une innovation. En effet,
si une possibilité de reprise de l'exploitation existe, alors l'horizon
de planification de l'agriculteur est plus long RODRÍGUEZ-ENTRENA, M. et
al, (2013).
Déterminants
exogènes :
L'exploitant est soumis de manière récurrente
à des contraintes externes qu'il peut difficilement anticiper. Nous
distinguons deux types de déterminants exogènes. Les premiers
sont externes et non contrôlables par l'exploitant comme son
environnement de production comprenant les contraintes pédoclimatiques
et réglementaires. Le second type de déterminants est
partiellement contrôlable par l'exploitant comme le contexte
informationnel qui peut être partiellement modifié si
l'agriculteur achète ou se procure de l'information. On parle ici de
l'information au sens large, de la communication ou du conseil.
FEDER G. et al, (1993) montrent que les déterminants
agronomiques ou pédoclimatiques peuvent être nombreux mais doivent
être ciblés en fonction de l'innovation concernée et de la
zone de production.
Khanna met en évidence qu'il existe un effet de la zone
de production sur l'adoption de pratiques de fertilisation parcellaire (KHANNA,
M., 2001). Dans les zones de grandes cultures, les conditions
pédoclimatiques peuvent contraindre les agriculteurs dans leurs choix de
production. Des conditions limitantes, comme des sécheresses
répétées poussent les agriculteurs à rejeter
certaines innovations pour des raisons techniques. Cependant le
pédoclimat peut aussi faciliter l'adoption comme par exemple la mise en
place de pratiques de conservation des sols par le non labour dans des zones de
coteaux qui peuvent être soumis à des risques
d'érosionERVIN, C. A. et al, (1982). La variété des
contextes de production ne permet pas de mettre en évidence des
déterminants généralisables mais les contraintes de
production ont généralement un effet sur l'adoption d'innovation.
Les travaux en économie s'intéressent
généralement à l'effet ex ante d'un changement de
la réglementation sur l'évolution des pratiques agricoles.
BOUGHERARA, D. et al, (2010)Étudient l'effet du découplage des
aides de la PAC l'utilisation des terres non cultivées. Ils concluent
que les exploitants n'envisagent pas de changements radicaux dans l'utilisation
des terres ou des intrants avec les évolutions futures de la .Il
existent cependant peu de résultats sur l'effet de la
réglementation sur l'adoption d'innovations. Les innovations sont
généralement conformes aux réglementations en cours dans
les différents pays concernés. On peut cependant souligner que la
réglementation peut limiter le nombre de pratiques innovantes
proposées à l'exploitant. Dans le secteur des grandes cultures en
France, la Directive Cadre sur l'Eau impose une couverture hivernale des sols
dans les zones définies comme vulnérables. Cependant, il est
interdit d'implanter des couvertures végétales composées
uniquement de légumineuses pour éviter des effets de lixiviation
lors de leur destruction. Ainsi, la réglementation implique que les
exploitants des zones vulnérables disposent de moins de choix dans les
cultures à mettre en place.
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