Appartenance de la république démocratique du congo à la conférence internationale sur la région des grands lacs: atout ou obstacle pour son émergence ?par Charles Duhanel BILOKO Université de Kinshasa - Sociologie 2019 |
II.2.3. La CIRGL et la problématique des groupes et milices armes étrangers sur le sol congolaisEn signant le protocole de non-agression et de défense mutuelle dans la région des grands lacs, les chefs d'Etat engageaient les Etats entre autres à l'interdiction d'employer des forces armées contre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique d'un Etat ; l'invasion ou l'attaque du territoire d'un Etat membre par des forces armées ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d'une telle invasion ou d'une telle attaque, ou toute annexion par l'emploi de la force du territoire ou d'une partie du territoire d'un Etat membre et surtout le fait pour un Etat membre d'autoriser l'utilisation de son territoire par un autre Etat membre pour perpétrer un acte d'agression contre un Etat tiers63(*). Au regard des engagements, nous allons nous intéresser sur la nature des groupes armés présents sur le sol congolais et l'implication de la CIRGL dans ce conflit prohibé par ses textes. II.2.3.1. La CIRGL face aux FDLR et les ADF-NALU.Par leur nature, nous avons jugé utile de combiner ces deux groupes armés d'origine étrangère dans cette section pour déceler la contribution de la CIRGL.D'un côté, les FDLR sont un groupe armé rwandais présent à l'Est de la RDC depuis 2000, défendant les intérêts des Hutus Rwandais réfugiés en RDC et opposé à la présidence de Paul KAGAME. De l'autre côté, les ADF-NALU sont un groupe armé ougandais regroupant des mouvements d'opposition au président Yoweri Museveni fondé en 199564(*). Les ADF-Nalu luttaient initialement contre ce régime, mais ils ne sont jamais parvenus à s'y implanter, il s'est plutôt enraciné dans l'Est de la RDC et, plus particulièrement dans des zones montagneuses difficiles d'accès. S'insérant dans la population locale et les circuits du commerce frontalier, il a noué des relations avec les autorités civiles et militaires ougandaises et congolaises. Cette implantation dans une zone grise a permis aux soldats perdus des ADF-NALU de survivre sans gagner une bataille depuis plus de deux décennies et d'avoir été vaincus à plusieurs reprises mais jamais neutralisés.65(*)Comme peut-on le constater, depuis plus de deux décennies, l'Est de la RDC vit au rythme d'une guerre sans précédent livrée par les groupes armés d'origine étrangère, principalement du Burundi, du Rwanda et de l'Ouganda. En effet, les accords de paix signés depuis 2002 par onze gouvernements africains et les divers groupes armés étaient censés mettre fin à 7 ans de guerre qui ont ravagé la région des grands lacs en Afrique. Une décennie plus tard, l'instabilité, étroitement entrelacée avec la géopolitique régionale, persiste. Des conflits récurrents ont tué des dizaines de milliers de personne, en majorité des civils, et ont provoqué le déplacement de millions d'autres. Les provinces du Nord et Sud Kivu dans la partie orientale de la RDC sont l'épicentre des combats. Elles sont le plus grand réservoir de milices prêtes à louer leurs services aux plus offrants. Les conflits au Kivu sont alimentés également par des puissants facteurs externes. Des milices opposées aux gouvernements du Burundi, du Rwanda, et de l'Ouganda notamment les FDLR et les ADF-NALU sont basées au Kivu.En représailles, ces pays financent et déploient des milices dans cette région et favorisent la prolifération des groupes armés dans la région. Presque tout le trafic illicite des minerais du Congo qui finance les groupes armés transitent par le Burundi, le Rwanda, et l'Ouganda66(*). En effet, les principaux pays impliqués dans ce conflit ont tous soutenu des milices par procuration. Cette tactique qui vise à contrer une sérieuse menace sécuritaire pour l'Etat, finie par être un expédie contreproductif qui entraine souvent une crise plus grande. En fin de compte, la plupart des parrains perdent le contrôle de leurs marionnettes. Ces groupes se transforment, élaborent et développent souvent leurs propres agendas qui menacent parfois les intérêts mêmes qu'ils étaient supposés protéger. L'AFDL, le RCD, le CNDP, les FDLR et les ADF-Nalu en sont des exemples éloquents. Le Rwanda, en particulier, est un appui incontournable à ces types de groupes. Ses actions dans la RDC minent la stabilité régionale requise pour attirer davantage d'investissement international. Cette pratique met, par extension, aussi en péril sa notoriété face aux donateurs et aux investisseurs internationaux67(*). Sur cette question, il est clair que les groupes armés les plus forts et les plus perturbateurs à ce jour dans l'est du Congo sont essentiellement étrangers. C'est le cas des FDLR qui sont de loin le plus grand groupe armé, à la fois en termes du nombre des éléments et de la répartition géographique. Les FDLR maintiennent ainsi un degré élevé d'influence soit seules soit avec l'armée ou d'autres milices.Bien qu'il existe des déclarations contradictoires concernant la force du groupe, beaucoup de chercheurs avancent un chiffre situé entre 1.000 et 2.500 éléments, soit plusieurs fois plus grand que tout autre groupe armé dans l'Est de la RDC. Il reste, cependant, que malgré leur importance, les FDLR ont été incapables de lancer des raids majeurs au Rwanda depuis 200168(*). Comment peut-on expliquer cette inadéquation : Un groupe armé étranger avec des motivations clairement affichées soit plus actif dans un autre pays que sa cible initiale ? C'est autant dire que la présence de ces groupes armés étrangers sur le sol congolais mérite d'être examinée dans son vrai contexte. En effet, le constat c'est que la CIRGL s'est pas du tout impliquée à l'éradication de ces groupes armés. En 2014, suite à la montée en puissance des massacres des civils congolais innocents par les FDLR, la CIRGL a consacré un sommet extraordinaire sur cette matière à Luanda, en Angola. A l'issue de ce sommet, un ultimatum avait été lancé aux FDLR pour leur désarmement inconditionnel jusqu'en janvier 2015, les chefs d'Etat avaient aussi soutenu l'option d'une action militaire contre les FDLR en cas de non-respect du délai leur fixé de six mois, à la date butoir du 2 janvier 201569(*). Arrivée à la date butoir (le 2janvier 2015), les chefs d`Etat avaient fait le constat qu'aucun progrès significatif n'avait été enregistré en ce qui concerne le désarmement volontaire et la reddition des rebelles des FDLR. Un deuxième sommet des chefs d'Etat de la CIRGL (en collaboration avec la SADC) était projeté à Luanda les 12 et 13 Janvier 2015 pour adopter les sanctions. Ce sommet qui devrait notamment se pencher sur l'option militaire contre ces rebelles a été, à la surprise générale, annulée et les vraies raisons n'ont jamais été communiquées. Ce qui démontre l'inaction de la CIRGL face à ces rébellions. Condamnée à faire face à une situation qu'elle n'a ni directement, ni indirectement créé, la RDC déployée sur tous les fronts afin d'éradiquer ce fléau. Convaincue des efforts personnels de la RDC, la CIRGL réagit timidement à travers un simple communiqué : « ...la CIRGL salue l'offensive menée par les FARDC contre les FDLR. Elle félicite et encourage le gouvernement congolais pour ces opérations militaires lancées depuis le 26 février faisant suite à la décision de la CIRGL lors de leur premier sommet tenu à Luanda en Aout 2014... »70(*). Tout compte fait, face à la rébellion des FDLR et des ADF-Nalu,aucun progrèsn'a été réalisé. La CIRGL demeure jusqu'ici impuissante et indifférente face à ces rébellions. * 63 Article 1, al.3 du Protocole de non-agression et de défense mutuelle dans la région des grands lacs, Nairobi, 14-15 Décembre 2006. * 64 RDC : Qui sont et que veulent les ADF ?, www.RFI.fr[en ligne], 20 Avril 2019, consulté le 10 octobre 2020, à 13h00. * 65CRISIS GROUP, « L'Est du Congo : la rébellion perdue des ADF-Nalu », Nairobi/Bruxelles No93,19 Décembre 2012. * 66R. MINANI BIHUZO, « Un chantier inachevé : Balise pour la paix dans les grands lacs», inBulletin de la sécurité Africaine, Centre d'études stratégiques de l'Afrique, No21/ Juillet 2012. p. 1. * 67Idem. p. 6. * 68J. K. Stearns et C. Vogel, Cartographie des groupes armés dans l'Est de la RDC, Groupe d'étude sur le Congo, 2015. p. 4. * 69Communiqué officiel de la CIRGL, Aout 2014, Luanda, Angola. * 70 Rapport de la CIRGL, Bujumbura, 04 Mars 2015. |
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